Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossier : 2007‑49(IT)I

 

ENTRE :

 

MAUREEN GOOGOO,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus les 8, 9, 10, 11 et 12 septembre 2008

à Halifax (Nouvelle‑Écosse)

Devant : L’honorable juge en chef adjoint E. P. Rossiter

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me Eric Lay

Avocats de l’intimée :

Me Gordon Bourgard

Me John Shipley

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

       Il est ordonné que les appels interjetés à l’encontre des nouvelles cotisations établies sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2000 et 2001 soient rejetés, sans frais, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de février 2009.

 

 

« E.P. Rossiter »

Le juge en chef adjoint Rossiter

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de mai 2009.

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


 

 

Dossier : 2007‑496(IT)I

 

ENTRE :

 

DELORES JOYCE MAGUIRE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus les 8, 9, 10, 11 et 12 septembre 2008

à Halifax (Nouvelle‑Écosse)

Devant : L’honorable juge en chef adjoint E. P. Rossiter

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me Eric Lay

 

 

Avocats de l’intimée :

Me Gordon Bourgard

Me John Shipley

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

       Il est ordonné que les appels interjetés à l’encontre des nouvelles cotisations établies sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 1999 et 2001 soient rejetés, sans frais, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de février 2009.

 

 

« E.P. Rossiter »

Le juge en chef adjoint Rossiter

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de mai 2009.

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


 

 

Dossier : 2007‑1710(IT)I

 

ENTRE :

 

ELIZABETH GRANT,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu les 8, 9, 10, 11 et 12 septembre 2008

à Halifax (Nouvelle‑Écosse)

Devant : L’honorable juge en chef adjoint E. P. Rossiter

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me Eric Lay

 

 

Avocats de l’intimée :

Me Gordon Bourgard

Me John Shipley

___________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

       Il est ordonné que l’appel interjeté à l’encontre de la nouvelle cotisation établie sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2001 soit rejeté, sans frais, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de février 2009.

 

« E.P. Rossiter »

Le juge en chef adjoint Rossiter

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de mai 2009.

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


 

 

Dossier : 2007‑4037(IT)I

 

ENTRE :

BRIDGET A. SMITH,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus les 8, 9, 10, 11 et 12 septembre 2008

à Halifax (Nouvelle‑Écosse)

Devant : L’honorable juge en chef adjoint E. P. Rossiter

Comparutions :

 

Avocat des appelants :

Me Eric Lay

 

 

Avocats de l’intimée :

Me Gordon Bourgard

Me John Shipley

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

       Il est ordonné que les appels interjetés à l’encontre des nouvelles cotisations établies sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 1998, 1999, 2000 et 2001 soient rejetés, sans frais, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de février 2009.

 

« E.P. Rossiter »

Le juge en chef adjoint Rossiter

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de mai 2009.

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


 

 

Dossier : 2007‑846(IT)I

 

ENTRE :

 

TRINA ROACHE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu les 8, 9, 10, 11 et 12 septembre 2008

à Halifax (Nouvelle‑Écosse)

Devant : L’honorable juge en chef adjoint E. P. Rossiter

Comparutions :

 

Avocat des appelants :

Me Eric Lay

 

 

Avocats de l’intimée :

Me Gordon Bourgard

Me John Shipley

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

       Il est ordonné que l’appel interjeté à l’encontre de la nouvelle cotisation établie sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2001 soit rejeté, sans frais, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de février 2009.

 

« E.P. Rossiter »

Le juge en chef adjoint Rossiter

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de mai 2009.

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


 

 

Dossier : 2007‑2116(IT)I

 

ENTRE :

 

B. RENEE MASHING,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu les 8, 9, 10, 11 et 12 septembre 2008

à Halifax (Nouvelle‑Écosse)

Devant : L’honorable juge en chef adjoint E. P. Rossiter

Comparutions :

 

Avocat des appelants :

Me Eric Lay

 

 

Avocats de l’intimée :

Me Gordon Bourgard

Me John Shipley

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

       Il est ordonné que l’appel interjeté à l’encontre de la nouvelle cotisation établie sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2005 soit rejeté, sans frais, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de février 2009.

 

« E.P. Rossiter »

Le juge en chef adjoint Rossiter

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de mai 2009.

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


 

 

Dossier : 2007‑53(IT)I

 

ENTRE :

 

NOEL KNOCKWOOD,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus sur preuve commune les 8, 9, 10, 11 et 12 septembre 2008

à Halifax (Nouvelle‑Écosse)

Devant : L’honorable juge en chef adjoint E. P. Rossiter

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me Eric Lay

Avocats de l’intimée :

Me Gordon Bourgard

Me John Shipley

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

       Il est ordonné que les appels interjetés à l’encontre des nouvelles cotisations établies sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2000 et 2001 soient rejetés, sans frais, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de février 2009.

 

« E.P. Rossiter »

Le juge en chef adjoint Rossiter

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de mai 2009.

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


 

 

Référence : 2008CCI589

Date : 20090130

Dossier : 2007‑49(IT)I

ENTRE :

MAUREEN GOOGOO,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

 

Dossier : 2007‑496(IT)I

ET ENTRE :

DELORES JOYCE MAGUIRE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

 

Dossier : 2007‑1710(IT)I

ET ENTRE :

ELIZABETH GRANT,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

 

Dossier : 2007‑4037(IT)I

ET ENTRE :

BRIDGET A. SMITH,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

Dossier : 2007‑846(IT)I

ET ENTRE :

TRINA ROACHE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

Dossier : 2007‑2116(IT)I

ET ENTRE :

B. RENEE MASCHING,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

 

Dossier : 2007‑53(IT)I

ET ENTRE :

NOEL KNOCKWOOD,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge en chef adjoint Rossiter

 

[1]   Les présents appels concernent différentes années d’imposition, comprises entre 1998 et 2005, pour chacun des appelants. Le débat tourne autour du droit des Indiens d’être exemptés de l’impôt sur le revenu en vertu de l’alinéa 87(1)b) de la Loi sur les Indiens et de l’alinéa 81(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu. Les présents appels ont été instruits en partant du principe qu’une partie de la preuve avait été soumise à titre de preuve commune, tandis que d’autres éléments de preuve ne s’appliquaient qu’à certains appelants.

 

Introduction

 

[2]   Les appelants étaient des Indiens inscrits qui travaillaient pour Native Leasing Services (NLS). En tant qu’employés de NLS, ils accomplissaient du travail et offraient des services destinés principalement aux Autochtones, et ce, pour diverses agences de placement.

 

[3]   Les appelants soutenaient que leurs revenus d’emploi, qui constituent des biens meubles, étaient exemptés de taxation en vertu de l’alinéa 87(1)b) de la Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, ch. I‑5. L’intimée contestait l’exemption en faisant valoir qu’en raison de l’application du « critère des facteurs de rattachement », il n’y avait pas de lien entre les biens des appelants et une réserve, de sorte que ceux‑ci ne bénéficiaient pas d’une exemption fiscale. Les appelants affirment que les biens sont situés dans une réserve et qu’ils sont donc exonérés de l’impôt. Les appelants ont fait l’objet de nouvelles cotisations dans lesquelles le ministre du Revenu national (le ministre) a considéré que leur revenu n’était pas situé dans une réserve.

 

Le point en litige

 

[4]   Le point commun à tous les appels est de savoir si le revenu que les appelants ont tiré de leur emploi fait partie des « biens meubles d’un Indien […] situés sur une réserve » au sens de l’alinéa 87(1)b) de la Loi sur les Indiens, de sorte que ce revenu est exonérée de l’impôt en vertu de l’alinéa 81(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, c. I (5e supplément) (la LIR).

 

Les faits

 

1.       Les faits communs à tous les appels

 

[5]     M. Roger Obonsawin est un Indien inscrit. Il est membre de la bande d’Odanak, de la Nation Wabenaki, qui compte des membres au Québec et aux États‑Unis. Il n’a jamais vécu dans une réserve. M. Obonsawin habite avec Mme Ljuba Irwin, qui est sa compagne de vie, tant sur le plan personnel que sur celui des affaires. Mme Irwin, qui n’est pas une Autochtone, est la directrice administrative de NLS. Mme Irwin vit à Toronto, où M. Obonsawin habite aussi une partie du temps. En tant que non‑Autochtone, Mme Irwin ne peut vivre dans une réserve. Quant à M. Obonsawin, il ne peut vivre dans la réserve des Six‑Nations, parce qu’il n’est pas membre de la réserve des Six‑Nations. Le bureau administratif de NLS est situé sur le territoire de la réserve des Six‑Nations. Les appelants étaient tous membres de réserves ou de nations différentes de celle de M. Obonsawin et, à l’exception de Renee Masching, tous les appelants appartenaient à d’autres réserves que la réserve des Six‑Nations.

 

[6]     M. Obonsawin a commencé à travailler pour les centres d’amitié autochtones (les centres d’amitié) alors qu’il fréquentait le collège Ryerson. Les centres d’amitié se retrouvent principalement en milieu urbain, de sorte que la plupart de leurs services  activités culturelles, halte‑garderies et services de consultation privés pour les Autochtones  sont offerts à l’extérieur des réserves. Il a été directeur administratif du Centre d’amitié de Red Lake, en Ontario, de 1972 à 1974, où il offrait des services d’appui au logement adaptés à la culture et aux besoins des Autochtones. Il a par la suite été nommé président de l’Association nationale des centres d’amitié à Ottawa. Il a ensuite occupé pendant un certain temps le poste de directeur administratif de l’Association, et a finalement été pendant sept ans le directeur administratif du Toronto Indian Centre, où il s’occupait de programmes de sensibilisation axés sur les jeunes et faisait partie d’un groupe de travail sur les services en milieu urbain. En 1981, M. Obonsawin a mis sur pied une société d’experts‑conseils, O.I. Employment Leasing Inc. (O.I.), qui offrait des services de consultation aux collectivités autochtones et qui bénéficiait d’un appui financier sous forme de subventions fédérales et provinciales. En 1987, M. Obonsawin a décidé de lancer une entreprise de location de services autochtones. Il a créé une entreprise individuelle appelée NLS, qui offrait ses services à une clientèle autochtone, tandis que O.I. offrait ses services à la clientèle non‑autochtone. Les deux entités appartenaient à M. Obonsawin.

 

[7]     Le concept de services de location permettait aux personnes autochtones travaillant pour une agence de placement de devenir des employés de NLS, qui louait à son tour leurs services à l’agence de placement. NLS assumait la responsabilité des actes des employés, mais ceux‑ci travaillaient dans les bureaux de l’agence de placement, de qui ils relevaient et qui leur assignait du travail. NLS facturait à l’agence de placement le salaire et les avantages sociaux des employés et touchait des frais de service d’environ cinq pour cent, qui étaient parfois payés par l’agence de placement ou par cette dernière et par l’employé en cause.

 

[8]     M. Obonsawin se servait des contacts qu’il avait avec les agences de placement pour faire la promotion de NLS. En raison de ses longs états de service au sein des centres d’amitié, M. Obonsawin les ciblaient comme clients. Dans sa publicité de recrutement, il affirmait que, si les services des centres d’amitié étaient offerts principalement à l’extérieur des réserves, l’une des caractéristiques de NLS était de leur permettre d’être rattachés à une réserve, ce qui leur donnait droit à une exemption fiscale. Dans les démarches qu’il effectuait pour recruter des employés pour NLS, M. Obonsawin insistait sur les avantages que NLS leur permettait selon lui d’obtenir, notamment des services de soutien, une série d’avantages sociaux, une formation et l’exemption fiscale à laquelle le statut d’Indien donnait droit. M. Obonsawin estimait qu’il fallait renforcer les programmes offerts par les centres d’amitié en offrant un meilleur système de formation et de sensibilisation du personnel. L’exemption fiscale était un des moyens proposés pour atteindre ces objectifs.

 

[9]     L’avantage offert par NLS qui a attiré l’attention d’une agence de placement et de ses employés était effectivement l’exonération d’impôt accordée aux employés qui étaient des Indiens inscrits. En fait, les employés autochtones de l’agence de placement deviendraient des employés de NLS et offriraient à l’agence de placement les mêmes services que ceux qu’ils offraient auparavant mais à un employeur légal différent, en l’occurrence NLS. L’agence de placement était en réalité en mesure d’offrir un salaire plus alléchant que les autres employeurs parce que les employés qui étaient des Indiens inscrits recevaient un salaire exempt d’impôt. NLS s’occupait de toutes les formalités administratives relatives aux employés, y compris du livre de paye et des retenues à la source, et elle offrait du soutien en matière de ressources humaines. Si un employé causait des difficultés, l’agence de placement en informait NLS, qui tentait de régler le problème, à défaut de quoi l’employé était congédié. NLS assurait le suivi en offrant des services de counselling d’emploi.

 

[10]    L’employé autochtone d’une agence de placement qui devenait un employé de NLS remettait à l’agence de placement une formule signée de décharge de responsabilité. Le service des ressources humaines de NLS établissait alors une entente type de placement précisant les modalités de la location de services, les frais annuels, les rapports qui étaient créés, le préavis à donner en cas de cessation des rapports en question, ainsi que toutes les questions de confidentialité et de conflit d’intérêts. L’entente était soumise pour signature à l’agence de placement, qui la retournait à NLS pour la faire signer par M. Obonsawin. Les obligations contractuelles de NLS envers les agences de placement consistaient essentiellement à assurer les services de listes de paye, la formation et certains avantages, ainsi que certains services en matière de ressources humaines. Une fois l’entente de placement signée, chacun des employés signait également un contrat de travail.

 

[11]    Les modalités du contrat de travail dépendaient des avantages choisis par l’employé. Les déductions liées à l’assurance‑emploi et au Régime de pensions du Canada ne faisaient pas partie des options dont les employés pouvaient se prévaloir, car NLS se chargeait des retenues à la source. NLS s’occupait de toutes les remises et de tous les documents à produire, de même que des changements apportés au travail et du retour au travail. Elle se tenait au courant de la paye de vacances ainsi que des congés payés ou non payés et elle était chargée de s’assurer du respect de toutes les dispositions législatives relatives aux normes du travail.

 

[12]    M. Obonsawin a obtenu pour NLS une adresse commerciale où il effectuait la plupart de ses activités commerciales sur le territoire de la réserve des Six‑Nations parce qu’il estimait que l’emplacement de l’employeur pouvait être important dans les affaires présentement soumises à la Cour en ce qui concerne l’exemption fiscale dont les Indiens inscrits seraient susceptibles de bénéficier. Tous les dossiers de NLS, y compris ses registres financiers et les dossiers du personnel, étaient conservés au bureau situé dans la réserve des Six‑Nations. NLS avait aussi un bureau à Toronto, où une partie du travail administratif de NLS était effectué.

 

[13]    Lorsqu’un agence de placement voulait mettre fin à sa relation avec NLS, les employés étaient payés jusqu’à leur dernier jour de travail chez NLS et ils recevaient une paye de vacances. NLS tentait de placer l’employé congédié auprès d’une autre agence, en fonction des disponibilités. L’aide qui était fournie aux employés congédiés se limitait à leur communiquer des renseignements au sujet des possibilités d’emploi pour les Autochtones. NLS publiait deux fois par mois un bulletin d’information dans lequel se trouvaient des offres d’emploi.

 

[14]    En cas de désaccord entre les employés loués et l’agence de placement, on contactait d’abord le personnel des ressources humaines de NLS, qui recevait la plainte, cernait les questions litigieuses et parlait avec l’employé et l’agence de placement. Si la question était simple, on la réglait; sinon, on s’adressait à un avocat spécialisé en droit du travail.

 

[15]    M. Obonsawin estimait que la formation représentait un avantage pour les employés de NLS parce qu’elle leur était offerte gratuitement par NLS. Suivant M. Obonsawin, il était de ce fait avantageux pour l’agence de placement de faire affaire avec NLS. En 1996, NLS n’a payé que 3 979 $ pour la formation et, en 1997, 5 910 $, et ce même si elle comptait des centaines d’employés. NSL confiait la formation à des entités non‑autochtones (à l’exception de la conférence sur la langue ojibwa et d’un atelier sur le counselling). Aucune formation n’a été dispensée dans les réserves et les participants pouvaient être ou non des Autochtones. Aucun des appelants n’a suivi la formation offerte. NLS payait les frais d’inscription aux ateliers de formation, mais le salaire et les frais de déplacement des employés étaient assumés par l’agence de placement. La formation était considérée comme un jour de travail. De plus, les agences de placement offraient de la formation à leurs propres employés. La formation offerte par les agences de placement était axée spécifiquement sur les services d’emploi offerts tandis que la formation que NLS offrait par l’intermédiaire d’entités non‑autochtones était de nature plus générale. NLS ignorait de quelle formation l’employé X avait besoin ou encore si une formation particulière serait utile à l’employé X. Les employés avaient la possibilité de déposer une formule d’inscription à la formation après avoir obtenu l’approbation du superviseur de leur agence de placement.

 

[16]    NLS était, règle générale, payée quatre semaines à l’avance par les agences de placement. C’était la seule source de revenu de NLS. L’agence de placement déposait les sommes qu’elle recevait à la CIBC par le truchement d’un compte Rapidtrans, ce qui lui permettait de déposer l’argent correspondant aux services facturés dans un compte que NLS avait dans une succursale de la CIBC située près de l’agence de placement. NLS recevait des fiches de temps des agences de placement et payait la semaine les employés de NLS en conséquence. NLS a d’abord confié en sous‑traitance à la CIBC ses services de liste de paye, pour les confier ensuite à ComCheque, puis à Certidian, qui étaient toutes des entités non‑autochtones qui exerçaient leurs activités à l’extérieur de la réserve. L’ensemble d’avantages sociaux de NLS a été externalisé à Great‑West Life et à Rice Financial, deux organismes non autochtones qui exerçaient leurs activités à l’extérieur de la réserve.

 

2.       Les faits applicables à Delores Joyce Maguire – 2007‑496(IT)I

 

[17]    Les années d’imposition en litige sont les années 1999 et 2001. Mme Delores Joyce Maguire est née dans la réserve de la Première Nation de Glooscap où elle a grandi. À l’âge de 19 ans, elle a épousé quelqu’un d’une autre culture, perdant ainsi le statut d’Indienne que lui reconnaissait la Loi sur les Indiens. Depuis son mariage, Mme Maguire ne vit plus dans une réserve mais elle a ultérieurement été réintégrée dans son statut d’Indienne.

 

[18]    Mme Maguire est devenu intervenante en alcoolisme, toxicomanie et dépendance au jeu auprès de la collectivité autochtone. Elle s’occupait à ce titre des membres de la collectivité qui souhaitaient participer à des ateliers et à des thérapies de désintoxication. Elle a été engagée par la Native Alcohol Drug Abuse Counseling Association de la Nouvelle‑Écosse (NADA) dont le siège était situé dans la réserve d’Eskasoni. Le bureau de Mme Maguire se trouvait dans la réserve de la Première Nation de Glooscap. Mme Maguire a commencé à s’intéresser au syndrome d’intoxication fœtale à l’alcool (l’EFA) et est devenue coordonnatrice de l’EFA au sein de la NADA. Elle offrait des programmes d’EFA à treize collectivités autochtones.

 

[19]    En mai 1999, NADA a autorisé Mme Maguire à prendre un congé pour accepter une fonction de coordonnatrice d’EFA dans le cadre d’une conférence parrainée par la Mi’kmaq Native Friendship Society (MMNFS). Cette conférence, qui a eu lieu en octobre 1999 à Halifax, en Nouvelle‑Écosse, était organisée en partie par Mme Maguire. Des Autochtones et des non‑Autochtones provenant d’un peu partout au Canada ont participé à cette conférence.

 

[20]    Entre octobre 1999 et juin 2000, Mme Maguire a agi comme coordonnatrice d’EFA. Elle a élaboré des programmes d’EFA destinés aux collectivités autochtones. Elle a élaboré des feuillets et des ressources pour les collectivités et a animé des ateliers. Malgré le fait qu’elle était en poste à Halifax, en Nouvelle‑Écosse, elle donnait des ateliers partout au Canada. Le programme était financé par la MMNFS, qui obtenait du financement par l’entremise des centres d’amitié, de Santé Canada et d’autres groupes situés à Halifax.

 

[21]    Entre septembre 2000 et août 2001, Mme Maguire a travaillé sous la supervision de la Fondation autochtone de guérison. Elle offrait des programmes dans le cadre d’ateliers, ce qui permettait aux collectivités de comprendre le lien entre l’EFA et les pensionnats et de saisir les répercussions des pensionnats sur les Autochtones. Les programmes en question visaient à élaborer des outils de guérison et à offrir des ressources à la collectivité.

 

[22]    Mme Maguire a participé en tout à cinq ateliers, qui portaient sur les sujets suivants :

 

1)       Qu’est‑ce qu’un pensionnat?

2)       Le syndrome d’intoxication fœtale à l’alcool et son rapport avec les pensionnats;

3)       Fêter le retour à la maison;

4)       Des femmes qui fêtent;

5)       La guérison.

 

La plupart des ateliers étaient dispensés dans diverses collectivités à des heures distinctes sans horaire précis. Lorsqu’elle ne donnait pas d’ateliers, elle s’occupait sur demande de répondre à des questions relatives à l’EFA, ce qui occupait à peu près la moitié de son temps.

 

[23]    Mme Maguire a versé à NLS quatre pour cent de ses gains à titre de frais de services pour devenir une employée de NLS. Elle estimait qu’en contrepartie des frais de service qu’elle payait à NLS, elle avait accès à de la formation. Elle ne s’était toutefois inscrite à aucun atelier de formation et elle n’a pas reçu d’avantages supplémentaires parce qu’elle bénéficiait déjà de certaines prestations médicales par l’intermédiaire de Santé Canada. Des retenues à la source ont été effectuées pour l’assurance‑emploi, le Régime de pension du Canada, l’indemnisation des accidents du travail et la paye de vacances, de sorte que le seul avantage qu’elle recevait était l’exemption fiscale qui lui avait été promise.

 

[24]    La MMNFS lui avait proposé de devenir une employée de NLS alors qu’elle travaillait pour la société. Les dirigeants de NLS ne faisaient pas partie de la Première Nation de Glooscap et NLS n’avait pas de bureaux dans la réserve de la Première Nation de Glooscap. Mme Maguire n’avait jamais mis les pieds dans la réserve des Six‑Nations et elle ne faisait pas partie de la réserve des Six‑Nations, où les bureaux de NLS étaient situés.

 

[25]    L’appelante Maguire a accordé une décharge de responsabilité à la MMNFS en mai 1999. Elle a communiqué le 19 avril 1999 à la MMNFS des renseignements au sujet de son emploi. La date prévue de son entrée en fonction chez NLS était le 3 mai 1999. Aux termes du contrat de travail qu’elle avait signé avec NLS, elle était censée commencé à travailler le 18 septembre 2000. Même si son contrat de travail avec NLS entrait en vigueur le 18 septembre 2000, NLS a signé une entente de placement avec la MMNFS le 3 mai 1999 pour le poste qu’elle devait occuper.

 

[26]    En 1999, Mme Maguire a reçu de la MMNFS des feuillets T4 faisant état de revenus d’emploi de 29 240 $ qu’elle avait déclarés dans sa déclaration T1 de 1999. Le ministre a établi une nouvelle cotisation dans laquelle il a ajouté 5 687 $ à ses revenus de 1999 à titre de revenus provenant de NLS et indiqués dans le feuillet T4. En 2001, le ministre a rajusté les revenus qu’elle avait déclarés en ajoutant les revenus de 27 541 $ qu’elle avait reçus de NLS.

 

3.       Les faits applicables à Maureen Googoo – 2007‑49(IT)I

 

[27]    Les années d’imposition en litige sont les années 2000 et 2001. Mme Maureen Googoo est née à Truro, en Nouvelle‑Écosse. Elle a été élevée par ses parents dans la réserve de la Première Nation d’Indian Brook. Elle a été formée comme journaliste. En mai 1992, elle a obtenu un baccalauréat avec majeure en sciences politiques de l’université St. Mary. Elle a obtenu un baccalauréat en arts appliqués en journalisme de l’université Ryerson de Toronto en juin 1994 et a obtenu une maîtrise en journalisme de l’université Columbia en 2006.

 

[28]    Mme Googoo a travaillé dans le journalisme presque toute sa vie, d’abord comme journaliste pour Radio‑Canada en Saskatchewan, puis comme journaliste au Chronical‑Herald d’Halifax, et du 31 janvier 2000 à 2006 comme animatrice au Réseau de télévision des peuples autochtones (APTN).

 

[29]    Le gouvernement du Canada avait mis sur pied le Programme d’accès des Autochtones du Nord à la radiotélédiffusion (le PAANR), qui était financé dans le cadre du Programme d’aide à la distribution dans le Nord (le PADN). Ce programme visait à créer et à maintenir de vastes réseaux de radiodiffusion, étant donné que les groupes de télévision manquaient encore de moyens de distribution efficaces. APTN a été lancé le 1er septembre 1999 en tant qu’association sans but lucratif. Ce réseau est capté dans plus de neuf millions de foyers tant autochtones que non‑autochtones au Canada, grâce à la télévision par câble, à la diffusion directe, à la téléphonie et à la technologie sans fil.

 

[30]    Le financement d’APTN était assuré par le PADN, qui offrait des services à 96 collectivités du Nord sous forme d’émissions en langues autochtones et de transmission par satellite. APTN était le seul bénéficiaire du financement offert par le PADN et diffusait la programmation de Radio‑Canada aux collectivités non desservies par Radio‑Canada. APTN touche présentement des revenus sous forme d’abonnement payés par ses abonnés. Le conseil d’APTN compte 21 membres dont presque la moitié est nommée par le PAANR. Son siège social est situé à Winnipeg. Il a des centres de diffusion à Yellowknife, Whitehorse et Iqualuit et des salles de nouvelles à Ottawa, Toronto, Halifax et Vancouver.

 

[31]    En 2003, APTN avait un personnel de 84 personnes, dont 72 pour 100 étaient autochtones. C’est le premier et le seul réseau national de télévision autochtone au monde. Conçues par les peuples autochtones, pour les peuples autochtones et au sujet de ces derniers, ses émissions sont destinées à tous les Canadiens aussi bien que les téléspectateurs autour du monde. APTN cible aussi bien un auditoire autochtone que non autochtone à l’aide de documentaires, de revues d’actualité, d’émissions dramatiques, d’émissions spéciales de variétés, de séries animées pour enfants, d’émissions sur la cuisine, d’émission éducatives, d’émissions pour les jeunes, d’émissions sur la culture, la tradition et la musique, de dramatiques, de bulletins de nouvelles et d’actualités, de films d’Hollywood, ainsi que de reportages spéciaux en direct et d’émissions interactives.

 

[32]    Lorsque Mme Googoo a commencé à travailler pour APTN, elle a reçu pour mission d’ouvrir un bureau d’APTN à Halifax, mais elle a décidé plutôt de faire son travail depuis la résidence de ses parents, dans la réserve de la Première Nation d’Indian Brook jusqu’en octobre 2000, date à partir de laquelle elle a dirigé le bureau d’APTN à Halifax jusqu’en mai 2005. Mme Googoo était une Indienne inscrite de la réserve de Shubenacadie. Elle a toujours habité dans la réserve de la Première Nation d’Indian Brook, puisqu’elle jugeait bon de cultiver des liens au sein de la collectivité et voulait être près de ses parents.

 

[33]    Mme Googoo était essentiellement la seule représentante d’APTN à Halifax. Elle faisait des reportages sur tout ce qui concernait l’actualité autochtone; elle se rendait sur le terrain, filmait des reportages et enregistrait des entrevues, faisait du montage au besoin, enregistrait des reportages et les transmettait à Winnipeg pour le montage final. Pendant une semaine typique, elle consacrait une journée à préparer un reportage et une autre à le réaliser. Elle revenait des lieux le lendemain, rédigeait son texte et faisait le montage nécessaire avant d’envoyer son reportage à Winnipeg.

 

[34]    Dans l’exercice de ses fonctions, Mme Googoo se rendait à divers endroits dans les Maritimes pour faire des reportages sur des sujets d’actualité importants. Sur les lieux, on trouvait d’autres diffuseurs comme CTV et Radio‑Canada. APTN et CTV se sont entendus pour que CTV paie 300 000 $ à APTN pour cinq ans pour ouvrir des bureaux un peu partout au pays. APTN occuperait les mêmes bureaux que CTV et lui transmettrait sur demande des reportages.

 

[35]    En plus de se rendre à divers endroits dans les Maritimes pour réaliser de grands reportages, Mme Googoo prenait elle‑même l’initiative de faire ses propres reportages sur des questions intéressant les Autochtones. Elle élaborait un article qu’elle soumettait ensuite à l’approbation de son superviseur d’APTN et elle enregistrait ensuite elle‑même le reportage. Elle envoyait ensuite sa vidéo au bureau de l’APTN à Winnipeg pour visionnement, montage et diffusion, et APTN se servait de ces vidéos pour son bulletin de nouvelles hebdomadaire.

 

[36]    Mme Googoo a été mise au courant de l’existence de NLS lorsqu’elle suivait sa formation auprès d’APTN. M. Obonsawin et Mme Dianne Irwin, la directrice administrative de NLS, ont donné une communication aux employés d’APTN. La partie la plus alléchante de cet exposé était celui dans lequel on évoquait la possibilité pour les Indiens inscrits de recevoir un salaire en franchise d’impôt. Elle a été informée du risque qu’elle courait en s’inscrivant comme employée de NLS (le risque étant que son revenu ne soit pas exonéré d’impôt), mais elle a tout de même décidé de s’inscrire auprès de NLS. Elle estimait qu’en tant qu’Indienne inscrite, elle avait le droit de recevoir son salaire sans avoir à payer d’impôts. NLS la payait par voie électronique. Elle recevait des talons de paye par la poste avec les bulletins d’informations, des renseignements portant sur des possibilités d’emploi et une mise à jour sur les décisions judiciaires portant sur les exemptions fiscales.

 

[37]    Mme Googoo a travaillé pour NLS de mars 2000 au 31 octobre 2001. En juillet 2001, les employés d’APTN ont appris qu’APTN mettrait fin à leur entente avec NLS, parce que le ministre avait informé APTN qu’il était fort possible que le réseau soit tenu de payer l’impôt des employés. Une fois l’entente conclue avec NLS expirée, Mme Googoo a reçu sur‑le‑champ une offre d’emploi d’APTN pour qui elle a continué de travailler jusqu’à ce que le poste semblable qu’elle occupait chez NLS se termine. Lorsqu’elle a signé son premier contrat avec NLS, elle a renoncé aux prestations de maladie.

 

[38]     En tant qu’employée de NLS, elle a continué à remplir les feuilles de temps d’APTN et à les soumettre à son superviseur d’APTN pour signature. Elle accumulait du temps supplémentaire de sorte qu’en date du 29 décembre 2000, elle avait accumulé 18 jours en temps supplémentaire. Au lieu d’être rémunérée pour ces heures supplémentaires, elle a pris des congés compensatoires à la demande de son superviseur d’APTN. La formation et le perfectionnement devaient être approuvés par son superviseur d’APTN, et les frais réclamés pour ces cours étaient assumés par APTN.

 

[39]    Mme Googoo a demandé et obtenu une augmentation de salaire alors qu’elle travaillait pour NLS. Elle a soumis une demande d’augmentation de salaire à APTN après que son rendement eut été évalué par son superviseur d’APTN, Bruce Spence. Elle a obtenu une augmentation de salaire rétroactive au 31 janvier 2001. Alors qu’elle travaillait pour APTN, Mme Googoo se servait de son propre téléphone personnel et APTN lui remboursait ses factures de téléphone.

 

[40]    Lorsqu’elle a commencé à travailler pour NLS, elle a accordé à APTN une décharge de responsabilité en tant qu’employée, et a rempli une fiche d’information pour NLS. Cette fiche renfermait des détails au sujet de l’emploi à temps plein qu’elle exerçait, de sa rémunération et de sa date d’entrée en fonction. Elle a accepté de payer à NLS des frais de services (dont elle ignorait le montant) sous forme de retenues à la source.

 

[41]    Mme Googoo estimait que l’entente qu’elle avait conclue avec NLS était à la fois positive et avantageuse parce qu’elle pouvait se servir de NLS pour être payée en franchise d’impôt. Elle estimait que, comme elle avait grandi dans une réserve, elle pouvait se prévaloir de l’article 87 de la Loi sur les Indiens.

 

[42]    Le ministre a établi de nouvelles cotisations pour les revenus que Mme Googoo avait reçus de NLS, et il a ajouté respectivement 31 384 $ et 34 898 $ à ses années d’imposition 2000 et 2001.

 

4.       Les faits applicables à Renee Masching – 2007‑2116(IT)I

 

[43]    L’année d’imposition en litige est l’année 2005. Née à Welland, en Ontario, Mme Renee Masching a grandi à St. Catherines et à Mississauga, en Ontario, au sein d’une famille non autochtone, après avoir été adoptée à l’âge de trois mois. Elle était une Indienne inscrite et était membre de la réserve des Six‑Nations au sein de la Première Nation Delaware. Elle n’a été mise au courant de ses origines autochtones qu’à l’âge de 18 ans. Elle a fait des recherches au sujet de ses ancêtres et a finalement obtenu le statut d’Indienne inscrite sous le régime de la Loi sur les Indiens.

 

[44]    Mme Masching avait obtenu une maîtrise en travail social, un baccalauréat en travail social et un baccalauréat ès arts en psychologie, le tout de l’Université McMaster en 2003 et en 1994 respectivement.

 

[45]    Alors qu’elle cherchait à se voir reconnaître le statut d’Indienne et qu’elle poursuivait sa formation, Mme Masching a commencé à s’intéresser aux peuples autochtones, à leurs problèmes et en particulier aux problèmes liés au VIH/SIDA au sein des populations autochtones.

 

[46]    En 2005, en tant qu’assistante technique à la recherche travaillant pour le Réseau canadien autochtone du sida (RCAS), elle a encouragé la recherche communautaire sur le VIH/SIDA. La recherche était conçue par les cadres et était dirigée par la collectivité, en collaboration avec des spécialistes et des gens atteints du sida qui faisaient partie de la collectivité. La collectivité était représentée par des employés d’organismes autochtones de lutte contre le sida, des organismes inuits comprenant des infirmiers et infirmières du Nord, des aînés, des membres des familles et des intervenants auprès des Autochtones souffrant de dépendances. Certains de ces organismes s’adressaient tant aux Autochtones qu’aux non‑Autochtones. Mme Masching aidait à développer des compétences en recherche au sein de la collectivité en organisant des ateliers destinés à la collectivité et en favorisant la compréhension culturelle par l’entremise de modèles à imiter.

 

[47]    Mme Masching n’a jamais vécu dans une réserve. Elle a toujours travaillé chez elle, à Lawrencetown, en Nouvelle‑Écosse. Dans le cadre de son travail, elle se rendait à Regina, Ottawa et Toronto pour participer à des assemblées annuelles et pour se rendre au siège social de son employeur.

 

[48]    Elle avait entendu parler de NLS par le truchement de la MMNFS à Halifax. Elle affirme qu’en 2005, elle travaillait pour NLS, et non pour le RCAS, son premier employeur. En 2005, les services de tous les employés du RCAS (autochtones et non‑autochtones) ont été loués à NLS, qui s’est occupée de la liste de paye du RCAS en 2005. C’est NLS qui supervisait de façon générale le travail de Mme Masching, mais le RCAS s’occupait du fonctionnement au jour le jour et du travail de Mme Masching. Dans son témoignage, Mme Masching a expliqué que, si on lui demandait pour qui elle travaillait, elle répondrait probablement qu’elle travaillait pour le RCAS mais qu’en principe, son employeur était NLS.

 

[49]    Elle avait signé un contrat de travail avec NLS et avait refusé la plupart des avantages sociaux de NLS, hormis les retenues à la source prévues par la loi. Elle avait fourni une foule de renseignements à NLS, à qui elle avait demandé de ne pas déduire d’impôt sur le revenu de ses chèques de paye. En 2005, elle n’a pas travaillé dans une réserve pour le RCAS. Le travail qu’elle effectuait était censé être applicable partout au Canada et était offert tant dans les réserves qu’à l’extérieur des réserves, partout au Canada, indépendamment du lieu de résidence, mais toujours dans un contexte autochtone. L’ARC a établi une nouvelle cotisation, dans laquelle 15 084 $ ont été ajoutés aux revenus de Mme Masching, pour son année d’imposition 2005, à titre de revenus provenant de NLS.

 

5.       Les faits applicables à Trina Roache – 2007‑846(IT)I

 

[50]    L’année d’imposition en litige est l’année 2001. Mme Trina Roache est née à Halifax et elle y a grandi. Elle est une Indienne inscrite de la Première Nation de Glooscap. Elle a obtenu un baccalauréat de l’université Mt. St. Vincent en 1999 et un baccalauréat en journalisme en 2000 du Collège universitaire King’s. Elle a été animatrice à la radio de Radio‑Canada à l’Île‑du-Prince-Édouard entre avril 2000 et mars 2001.

 

[51]    Mme Roache a commencé à travailler pour APTN en mars 2001 et, simultanément, pour NLS, et ce jusqu’au 31 octobre 2001. Mme Roache a appris l’existence de NLS alors qu’elle suivait une formation à APTN, où Mme Dianne Irwin et M. Obonsawin avaient donné une communication dans laquelle ils avaient expliqué que les Indiens inscrits pouvaient recevoir leur salaire en franchise d’impôt. Elle admet qu’elle savait à l’époque qu’elle courait un risque en signant une entente avec NLS en tant qu’employée, étant donné qu’elle n’était pas assurée de conserver son exonération d’impôt. Elle a quand même décidé de signer pour devenir une employée de NLS. Aux termes du contrat de travail qu’elle a signé avec NLS, elle versait à NLS des frais de service. Elle avait en parallèle un contrat de consultante avec APTN aux termes duquel elle recevait le même salaire en contrepartie des mêmes services.

 

[52]    En juillet 2001, lorsque APTN a appris du ministre que le réseau était susceptible de payer l’impôt sur le revenu des employés de NLS, Mme Roache a résilié son contrat et a reçu une offre de travail d’APTN, pour le même poste.

 

[53]    Tout comme Mme Googoo, Mme Roache a accumulé des heures supplémentaires, pour lesquelles elle a pris des congés compensatoires.

 

[54]    Mme Roache était, elle aussi, une vidéojournaliste qui faisait sa propre recherche et ses propres reportages. Elle prévoyait réaliser deux reportages par semaine mais elle ne faisait pas de montage à l’époque. Elle travaillait aux bureaux d’APTN à Halifax. On ne lui proposait pas de sujet. Elle devait trouver elle‑même des sujets de reportage, faire ses propres recherches, organiser les entrevues, procéder à l’enregistrement, rédiger les reportages et les expédier ensuite à APTN à Winnipeg, au Manitoba. Ces reportages étaient axés sur les peuples autochtones. Elle soumettait des idées de reportage à son superviseur, Bruce Spence, et recevait ses instructions de ce dernier. D’autres médias étaient présents, comme Radio‑Canada, CTV et des journaux, mais c’était elle qui réalisait la plupart des reportages, qui portaient sur les collectivités autochtones des réserves d’Indian Brook, d’Esconia et de Big Cove, en Nouvelle‑Écosse. Elle avait le sentiment de participer à la vie des réserves grâce au travail qu’elle faisait pour APTN, en réalisant à l’intention des Autochtones des reportages portant sur les Autochtones.

 

[55]    Le ministre a établi une nouvelle cotisation, dans laquelle il a ajouté 25 223 $ aux revenus que Mme Roache avait reçus dans le cadre de son emploi pour NLS au cours de l’année d’imposition 2001.

 

6.       Les faits applicables à Elizabeth Grant - 2007‑1710(IT)I

 

[56]    L’année d’imposition en litige est l’année 2001. Mme Elizabeth Grant est une Indienne inscrite, née à St. John, au Nouveau‑Brunswick, où elle a vécu jusqu’à l’âge de dix ans, alors qu’elle a déménagé à Toronto, en Ontario.

 

[57]    Entre 1975 et 1980, Mme Grant a travaillé comme directrice des loisirs au Native Council of Nova Scotia à Truro, en Nouvelle‑Écosse. Pendant une brève période de temps, elle a travaillé au Centre d’amitié de Toronto, puis au Conseil national des autochtones du Canada, en 1985, au sein de l’administration. Elle a été autorisée à prendre congé et est revenu au Conseil national des autochtones en 1994. En 1999, elle est allée vivre en Nouvelle‑Écosse et a reçu une formation en acquisition d’entreprise dans la réserve de Millbrook à Truro.

 

[58]    Le 8 janvier 2001, Mme Grant a accepté un poste au sein de l’Association des femmes autochtones du Canada (AFAC), à Ottawa. Elle était l’adjointe administrative du président. Son poste a été supprimé à la suite de la démission du président le 31 janvier 2001, mais comme l’AFAC avait informé NLS qu’il y avait d’autre travail pour Mme Grant, celle‑ci a continué de travailler pour l’AFAC comme assistante de recherche, contribuant à une foule de projets en cours, notamment en matière de recherche et de statistiques sur les femmes autochtones au Canada, et ce jusqu’au 30 avril 2001.

 

[59]    L’AFAC a été créée en vue de promouvoir et de favoriser le bien‑être social, économique, culturel et politique des femmes autochtones (Premières Nations et Métis) au sien de leurs propres sociétés et de la société canadienne. Parmi les objectifs de l’AFAC, mentionnons l’élaboration de solutions aux problèmes uniques aux femmes autochtones et la promotion de leurs intérêts partout au Canada, et l’étude, en collaboration avec les organismes autochtones, des problèmes auxquelles les femmes autochtones sont confrontées. L’AFAC fait également des représentations auprès du gouvernement au nom des membres des organismes de femmes provinciaux et territoriaux.

 

[60]    Alors qu’elle travaillait pour l’AFAC, Mme Grant avait aussi un contrat de travail qu’elle avait signé le 8 janvier 2001 avec NLS. Lorsque Mme Grant avait signé son contrat de travail avec NLS, elle avait convenu de verser des frais de service de quatre pour cent à NLS et avait accepté que ces frais soient déduits de son chèque de paye. Mme Grant habitait à Ottawa pendant toute la période en cause et les fonctions de son travail n’étaient pas exercées dans une réserve.

 

[61]    Mme Grant connaissait bien les services offerts par NLS parce qu’elle avait travaillé pour cet organisme avant d’être recrutée par l’AFAC. En tant qu’Indienne inscrite, elle avait été en mesure d’obtenir des prestations de maladie par l’intermédiaire de Santé Canada et avait donc refusé celles offertes par NLS. Elle était heureuse de travailler pour NLS en raison des avantages que ce travail lui procurait, en particulier la possibilité d’être exonérée d’impôt et d’être mise au courant au fur et à mesure des possibilités d’emploi.

 

[62]    Lorsque l’emploi de Mme Grant pour l’AFAC a pris fin le 30 avril 2001, elle a déménagé en Nouvelle‑Écosse, où elle a été recrutée par la Nova Scotia Native Women’s Association de son propre chef, sans l’aide de NLS.

 

[63]    Le ministre a établi une nouvelle cotisation et a ajouté 13 039 $ aux revenus de Mme Grant, à titre de revenus tiré de son emploi pour NLS en 2001.

 

7.       Les faits applicables à Noel Knockwood – 2007‑53(IT)I

 

[64]    Les années d’imposition en litige sont les années 2000 et 2001. M. Noel Knockwood est un Indien inscrit, de la bande de Shubenacadie. Il résidait à l’époque en cause à Dartmouth, en Nouvelle‑Écosse, mais pas dans une réserve.

 

[65]    M. Knockwood travaillait à la MMNFS comme professeur de langue et animateur culturel. Il exerçait ses fonctions au Child Development Centre and Friendship Centre d’Halifax, en Nouvelle‑Écosse. La MMNFS est un centre d’amitié sans but lucratif qui fait la promotion de programme sociaux destinés aux Autochtones vivant en milieu urbain tout en leur servant de centre de liaison. Elle offre une foule d’activités et d’événements communautaires. Elle pratique une politique d’ouverture en ce qui concerne l’accès à tous ses programmes et à toutes ses activités. Ses services étaient offerts à tous indépendamment de leur origine ou de leurs affiliations culturelles.

 

[66]    Un des objectifs de la MMNFS est de desservir la clientèle autochtone en favorisant son développement en matière d’éducation et de culture dans la région d’Halifax et de Dartmouth. La MMNFS exerçait ses activités dans le centre‑ville d’Halifax. Elle offrait des services d’aide et de conseils aux familles en matière d’alcoolisme et de toxicomanie, ainsi que des services de garderie pour les enfants et d’autres programmes pour les enfants, notamment un centre pour le développement de l’enfant et des programmes de sensibilisation et de soins de santé pour les personnes âgées. Ces programmes ne s’adressaient cependant pas exclusivement aux personnes autochtones. Il y avait aussi des programmes destinés aux jeunes, de la formation pour les jeunes et pour les adultes, des programmes d’aide aux employés, des cours d’informatique et des programmes de loisirs.

 

[67]    Le Centre pour le développement de l’enfant où travaillait M. Knockwood offrait une foule de sous‑programmes y compris une programme de garderie autochtone qui offrait aux enfants la possibilité de se livrer à des activités ludiques favorisant leur développement physique, social, émotionnel, linguistique et culturel. La priorité était accordée aux enfants autochtones, mais les places restantes étaient offertes aux enfants non autochtones.

 

[68]    Le plan d’action communautaire pour les enfants visait à offrir des programmes de type « familial » aux collectivités autochtones urbaines locales et un Programme d’aide préscolaire, qui visait à préparer les enfants autochtones vivant en milieu urbain à leur intégration dans le réseau d’écoles publiques de la Municipalité régionale d’Halifax. M. Knockwood enseignait à toute personne enfant ou adulte intéressée à la culture et aux langues autochtones.

 

[69]    M. Knockwood avait eu un premier contrat de travail avec NLS qui commençait le 15 juin 2000 et qui prévoyait des retenues à la source, mais pas d’assurance collective ou d’assurance‑maladie. Un second contrat de travail conclu entre M. Knockwood et NLS a pris effet le 11 juin 2001. Il reprenait essentiellement les conditions du premier contrat. M. Knockwood a accepté de payer des frais de service à NLS au titre de ce contrat. La MMNFS a transmis à NLS une lettre l’informant du congé autorisé de M. Knockwood et des augmentations de salaire que ce dernier avait obtenues entre le 1er avril 2001 et juin 2001, alors qu’il était lié par contrat à NLS. M. Knockwood relevait du directeur des programmes destinés aux enfants de la MMNFS, qui soumettait à son tour son rapport de présence à NLS.

 

[70]    En 2000 et en 2001, la MMNFS a engagé certains membres directement et en a recruté d’autres par l’entremise de NLS.

 

[71]    Le ministre a établi de nouvelles cotisations à l’égard de M. Knockwood, et a ajouté respectivement 11 912 $ et 10 994 $ à ses revenus d’emploi pour les années 2000 et 2001.

 

8.       Les faits applicables à Bridget A. Smith – 2007‑4037(IT)I

 

[72]    Les années d’imposition en litige sont les années 1998, 1999, 2000 et 2001. Mme Bridget Smith est une Indienne inscrite. Elle est membre de la réserve de la Première Nation Eskasoni, située à Eskasoni, en Nouvelle‑Écosse. À l’époque en cause, Mme Smith résidait à Ottawa, et non dans une réserve.

 

[73]    L’Odawa Native Friendship Centre (ONFC) est une société sans but lucratif de la collectivité autochtone de la région d’Ottawa‑Carleton, dans l’Est de l’Ontario. Il offre des programmes et des services au grand public indépendamment des origines ethniques autochtones. Il s’est donné pour mission d’améliorer la qualité de vie des personnes autochtones de la capitale nationale, de favoriser l’esprit communautaire, de promouvoir les valeurs d’autonomie et de développement, et de permettre aux aînés de fournir un enseignement traditionnel.

 

[74]    NLS a conclu un accord de placement avec l’ONFC. Le premier contrat que Mme Smith a signé avec NLS, en tant que préposée aux services de soutien à la famille à l’ONFC, a commencé le 4 août 1998. Aux termes de ce contrat, seules les retenues à la source prévues par la loi s’appliquaient; elle n’a reçu aucune prestation d’assurance‑vie collective. Mme Smith a payé à NLS des frais de service aux termes de ce contrat, qui a pris fin le 14 janvier 1999, date à laquelle Mme Smith a été immédiatement réengagée par l’ONFC.

 

[75]    Le second contrat de travail que Mme Smith a conclu avec NLS, en tant que préposée aux services de soutien à la famille, a commencé le 15 avril 1999. Là encore, les retenues à la source prévues par la loi ont été effectuées et Mme Smith n’a pas choisi de prestations d’assurance‑vie collective ou d’assurance‑maladie. Elle a rempli une autre fiche d’information d’employé dont les services étaient loués de NLS le 12 avril 1999, date à laquelle elle a déchargé l’ONFC de toutes réclamations se rapportant à l’emploi qu’elle y avait exercé. Le directeur administratif de l’ONFC a accordé le 11 janvier 2000 à Mme Smith des augmentations de salaire rétroactives au 1er avril 1999 dont il a été tenu compte dans le calcul du salaire rétroactif fait par NLS. Le directeur administratif de l’ONFC a accordé une autre augmentation de salaire à Mme Smith le 24 octobre 2000, ce qui a aussi donné lieu à un calcul de salaire rétroactif de la part de NLS. L’ONFC a de nouveau augmenté le salaire de Mme Smith le 1er avril 2002, ce qui a aussi donné lieu à un calcul de salaire rétroactif de la part de NLS. Mme Smith a remis sa démission comme coordonnatrice des services de soutien à la famille de l’ONFC le 31 octobre 2002.

 

[76]    Alors que Mme Smith travaillait pour NLS, elle a été affectée au bureau de l’ONFC à Ottawa, où elle soumettait des feuilles de temps et était supervisée par ses supérieurs. L’ONFC procédait également à ses évaluations de rendement et déterminait la formation reçue ainsi que les exigences en la matière. Alors qu’elle travaillait pour NLS, elle a continué à être assurée et à bénéficier du régime collectif d’assurance‑santé, d’assurance dentaire et d’assurance‑invalidité des employés de l’ONFC.

 

[77]    Le ministre a établi de nouvelles cotisations, dans lesquelles il a ajouté les montants de 14 330 $, 26 007 $, 37 560 $ et de 36 358 $ aux revenus d’emploi que Mme Smith avait reçus de NLS respectivement en 1998, 1999, 2000 et 2001.

 

La thèse des appelants

 

[78]    Les appelants affirment tous que le revenu d’emploi qu’ils ont gagné alors qu’ils travaillaient pour NLS était un bien personnel situé dans une réserve et qu’il était donc exonéré de l’impôt (compte tenu de leur statut d’Indiens) en vertu de l’alinéa 87(1)b) de la Loi sur les Indiens et de l’alinéa 81(1)a) de la LIR. Au soutien de leur argument, les appelants affirment que le ministre a mal interprété ou mal appliqué le critère des facteurs de rattachement.

 

La thèse de l’intimée

 

[79]    L’intimée affirme que le revenu d’emploi de chacun des appelants pour les années en question n’était pas situé dans une réserve et qu’il devait donc être inclus dans le calcul de leur revenu, conformément à la LIR.

 

Les dispositions législatives applicables

 

[80]    L’alinéa 81(1)a) de la LIR exempte le contribuable du paiement de l’impôt sur le revenu dans le cas suivant :

 

81.(1) – Ne sont pas inclus dans le calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition :

 

a) – une somme exonérée de l’impôt sur le revenu par toute autre loi fédérale, autre qu’un montant reçu ou à recevoir par un particulier qui est exonéré en vertu d’une disposition d’une convention ou d’un accord fiscal conclu avec un autre pays et qui a force de loi au Canada;

 

[81]    Le paragraphe 87(1) de la Loi sur les Indiens prévoit l’exemption fiscale suivante :

 

87(1) – Nonobstant toute autre loi fédérale ou provinciale, mais sous réserve de l’article 83 et de l’article 5 de la Loi sur la gestion financière et statistique des premières nations, les biens suivants sont exemptés de taxation :

 

[…]

 

b) les biens meubles d’un Indien ou d’une bande situés sur une réserve.

 

 

Le critère des facteurs de rattachement

 

[82]    Dans l’arrêt R. c. Nowegijick, [1983] 1 R.C.S. 29, la Cour suprême du Canada a décidé que les revenus étaient assimilés à des biens pour l’application de l’alinéa 87(1)b) de la Loi sur les Indiens. Le juge Dickson déclare notamment ce qui suit, à la page 5 :

 

Un point aurait pu soulever un débat. Le fait que les services ont été rendus à l’extérieur d’une réserve était‑il pertinent relativement au situs? Sa Majesté a reconnu au cours des plaidoiries, avec raison selon moi, que le situs du salaire de M. Nowegijick était la réserve parce que c’est là où la débitrice, Gull Bay Development Corporation, avait sa résidence ou son lieu d’affaires et parce que c’est là que le salaire devait être payé. […]

 

Cet arrêt a donné lieu à ce qui est devenu le critère du situs.

 

[83]    Dans l’arrêt Williams c. Canada, [1992] 1 R.C.S. 877, la Cour suprême du Canada a défini une série de facteurs de rattachement qui permettent de déterminer le situs des biens meubles. Aux paragraphes 37 et 38, la Cour déclare ce qui suit :

 

37      La méthode qui tient le mieux compte de ces préoccupations est celle qui analyse la situation sous le rapport des catégories de biens et des types d’imposition. Par exemple, la pertinence des facteurs de rattachement peut varier selon qu’il s’agit de prestations d’assurance‑chômage, de revenu d’emploi ou de prestations de pension. Il faut d’abord identifier les divers facteurs de rattachement qui peuvent être pertinents. On doit ensuite analyser ces facteurs pour déterminer le poids à leur accorder afin d’identifier l’emplacement du bien, en tenant compte de trois choses : (1) l’objet de l’exemption prévue dans la Loi sur les Indiens, (2) le genre de bien en cause et (3) la nature de l’imposition de ce bien. Il s’agit donc de déterminer, relativement à chaque facteur de rattachement, le poids qui devrait lui être accordé pour décider si l’imposition en cause de ce type de bien représenterait une atteinte aux droits de l’Indien à titre d’Indien sur une réserve.

38      Cette méthode conserve la souplesse de la méthode cas par cas, mais à l’intérieur d’un cadre qui identifie correctement le poids à accorder à divers facteurs de rattachement. Il est évident que ce poids ne peut être déterminé avec précision. Cette méthode a cependant l’avantage de préserver la capacité de traiter de façon appropriée les cas qui, à l’avenir, présenteront des considérations jusque‑là non évidentes.

 

Au paragraphe 61, la Cour poursuit :

 

61  Pour déterminer le situs d’un bien personnel incorporel, un tribunal doit évaluer divers facteurs de rattachement qui relient le bien à un endroit ou à l’autre. Dans le contexte de l’exemption fiscale prévue dans la Loi sur les Indiens, il y a trois facteurs importants : l’objet de l’exemption, la nature du bien en question et l’incidence fiscale sur ce bien. Compte tenu de l’objet de l’exemption, il s’agit, en fin de compte, de déterminer dans quelle mesure chaque facteur est pertinent pour décider si le fait d’imposer d’une certaine manière ce type de bien particulier porterait atteinte au droit d’un Indien à titre d’Indien de détenir des biens personnels sur la réserve.

 

[84]    Dans l’arrêt Mitchell c. Bande indienne Peguis, [1990] 2 R.C.S. 85, la Cour suprême du Canada a jugé que, depuis la Proclamation royale de 1763, la Couronne a toujours reconnu qu’elle est tenue par l’honneur de protéger les Indiens de tous les efforts entrepris par des non‑Indiens pour les déposséder des biens qu’ils possèdent en tant qu’Indiens, c’est‑à‑dire leur territoire et les chatels qui y sont situés.

 

[85]    La Cour a déclaré, au paragraphe 88 :

 

88  Il est également important de souligner la conséquence de la conclusion que je viens de tirer. Le fait que la loi contemporaine, comme sa contrepartie historique, prenne tant de soin pour souligner que les exemptions de taxe et de saisie ne s’appliquent que dans le cas des biens personnels situés sur des réserves démontre que l’objet de la Loi n’est pas de remédier à la situation économiquement défavorable des Indiens en leur assurant le pouvoir d’acquérir, de posséder et d’aliéner des biens sur le marché à des conditions différentes de celles applicables à leurs concitoyens. Un examen des décisions portant sur ces articles confirme que les Indiens qui acquièrent et aliènent des biens situés à l’extérieur des terres réservées à leur usage le font aux mêmes conditions que tous les autres Canadien.

 

L’objet de l’article 87 n’est pas de remédier à la situation économiquement défavorable des Indiens. Pour se prononcer sur le sens de l’expression « sur une réserve », la Cour suprême du Canada a, dans l’arrêt Mitchell, cité les propos suivants tenus par le juge Macfarlane dans le jugement Leonard v. R. in Right of British Columbia, [1984] 4 C.N.L.R. 21 :

 

[TRADUCTION] Il est raisonnable d’interpréter l’article en disant qu’une exemption de taxe sur un bien personnel d’un Indien sera restreinte à l’endroit où le possesseur de ce bien est censé l’avoir en sa possession, c’est‑à‑dire sur les terres qu’un Indien occupe en tant qu’Indien, la réserve. Les Indiens qui cèdent par bail leurs terres à des non‑Indiens renoncent au droit d’occupation et j’estime que, lorsqu’ils sont propriétaires de biens meubles ou en ont la possession sur ces terres cédées, ils ne sont pas dans une situation différente de celle de tout autre citoyen.

 

[86]    Dans l’arrêt Mitchell, la Cour suprême du Canada poursuit en déclarant ce qui suit, au paragraphe 91 :

 

[…] Je ne doute pas qu’il sera normalement approprié d’aborder de façon juste et libérale la question de savoir si l’emplacement prépondérant du bien tangible ou du droit d’action est situé sur une réserve […] Mais je répéterais qu’en l’absence d’un lien discernable entre le bien en question et l’occupation des terres réservées par le propriétaire de ce bien, les protections et privilèges des art. 87 et 89 ne s’appliquent pas.

 

La Cour a également signalé ce qui suit :

 

[…] Ces dispositions n’ont pas pour but d’accorder des privilèges aux Indiens à l’égard de tous les biens qu’ils peuvent acquérir et posséder, peu importe l’endroit où ils sont situés. Leur but est plutôt simplement de protéger des ingérences et des entraves de la société en général les droits de propriété des Indiens sur leurs terres réservées pour veiller à ce que ceux‑ci ne soient pas dépouillés de leurs droits. […]

 

[87]    Le critère des facteurs de rattachement que la Cour suprême du Canada a défini dans l’arrêt Williams a été analysé et appliqué à de nombreuses reprises par la Cour d’appel fédérale dans les affaires suivantes : Canada c. Folster, [1997] 3 C.F. 269; Southwind v. Canada, [1998] 2 C.N.L.R. 233; Amos v. Canada, [2000] 3 C.N.L.R. 1; Bell v. Canada, [2000] 3 C.N.L.R. 32; Desnomie c. Canada, [2000] A.C.F. no 528; Canada v. Monias, [2001] 3 C.T.C. 244, 55 D.T.C. 5450; Shilling c. M.R.N., [2001] A.C.F. no 951; Akiwenzie c. Canada, [2003] A.C.I. no 101 (QL); Horn c. Canada, 2008 CAF 352; [2008] A.C.F. no 1553 (QL).

 

[88]    Parmi ces décisions, l’arrêt Shilling illustre particulièrement bien les facteurs de rattachement qui permettent d’établir un lien entre les revenus d’emploi et une réserve. Les avocats citent cet arrêt dans le présent appel.

 

[89]    Dans l’affaire Shilling, l’appelante, qui n’habitait pas dans une réserve, travaillait pour NLS et avait été détachée auprès d’un organisme de services sociaux qui offrait des services à des Autochtones vivant à l’extérieur de réserves à Toronto. La Cour a jugé que le seul facteur qui rattachait l’emploi de l’appelante à une réserve était le fait que son employeur, NLS, se trouvait dans la réserve des Six‑Nations et qu’on ne disposait pas de suffisamment d’éléments de preuve au sujet des activités de NLS pour pouvoir conclure que ce facteur rattachait suffisamment son revenu d’emploi à une réserve. La preuve était insuffisante, surtout en ce qui avait trait aux endroits où NLS avait exercé ses activités au cours des années en question, à la véritable nature des relations de travail entre l’appelante et NLS ainsi qu’aux avantages que la réserve pouvait éventuellement retirer de l’emploi de Mme Shilling. La Cour a poursuivi en concluant que la nature du travail effectué par Mme Shilling ne rattachait pas celle‑ci à une réserve et que le fait que l’emploi en question consistait à fournir des services aux Indiens était insuffisant pour rattacher cet emploi à une réserve indienne. Compte tenu de l’objet visé par l’alinéa 87(1)b) de la Loi sur les Indiens, la fourniture de services sociaux à des Autochtones ne vivant pas dans une réserve ne constituait pas une justification suffisante pour donner droit à une exemption fiscale en vertu de cette disposition précise. Le fait que Mme Shilling ne vivait pas dans une réserve constituait en l’espèce un facteur moins important.

 

[90]    Dans l’arrêt Shilling, la Cour a déclaré ce qui suit :

 

31     Ainsi, dans les arrêts Canada c. Folster, [1997] 3 C.F. 269 (C.A.) et Bell c. Canada, [2000] 3 C.N.L.R. 32 (C.A.F.), on a dit que les facteurs suivants étaient peut‑être pertinents lorsqu’il s’agissait de déterminer si le revenu d’emploi d’un Indien est situé dans une réserve : l’emplacement de l’employeur ou son lieu de résidence; la nature du travail, le lieu de travail et les circonstances dans lesquelles le travail est accompli par l’employé, et notamment la nature de tout avantage qu’en tire la réserve; le lieu de résidence de l’employé.

32     Le lieu où l’employé était payé a également été considéré comme un facteur de rattachement qui pouvait être pertinent, même si l’on n’a pas accordé beaucoup d’importance à ce facteur : Bell c. La Reine, 98 DTC 1857 (C.C.I.), aux paragraphes 45 à 47. La décision du juge de la Cour de l’impôt a été confirmée en appel et son identification des facteurs de rattachement a été approuvée : [2000] 3 C.N.R.L. 32 (C.A.F.), au paragraphe 35 (C.A.F.).

33     L’importance à accorder à l’un quelconque de ces facteurs peut varier selon les faits d’une affaire donnée, et ce, même si le bien en question (un revenu d’emploi) et l’impôt (un impôt sur le revenu) appartiennent à une même catégorie. Néanmoins, la jurisprudence donne à entendre qu’il faut prêter une attention particulière à la nature du travail accompli par l’employé et aux circonstances y afférentes. Comme le juge Linden l’a expliqué dans l’arrêt Folster, précité, au paragraphe 27 :

À mon avis, étant donné le but poursuivi par le législateur en créant l’exemption d’impôt et le genre de bien meuble en cause, l’analyse doit porter sur la nature de l’emploi de l’appelante et les circonstances qui s’y rapportent. Le genre de bien meuble en cause, c’est‑à‑dire le revenu d’emploi, est tel qu’on ne peut juger de sa nature sans se référer aux circonstances dans lesquelles il a été gagné. De même que le situs des prestations d’assurance‑chômage doit être déterminé par rapport à l’emploi ouvrant droit aux prestations, de même l’analyse de l’emplacement du revenu d’emploi est subordonnée à un examen de toutes les circonstances qui ont donné lieu à l’emploi.

 

[…]

42     Nous tenons également à faire remarquer que le bureau principal de NLS était situé dans la réserve des Six nations. Rien ne montre que NLS ait eu un lien avec la bande de Rama dont Mme Shilling était membre. Nous reconnaissons que l’alinéa 87(1)b) traite des biens personnels d’un Indien qui sont situés dans « une réserve » plutôt que dans « la réserve » de l’Indien en question. Le juge de première instance a inféré (au paragraphe 73) que les biens d’un Indien, dans quelque réserve qu’ils soient situés, sont visés par l’exemption d’impôt prévue à l’alinéa 87(1)b). Toutefois, nous ne sommes pas convaincus que le libellé de l’alinéa 87(1)b) doive être ainsi interprété, bien que nous reconnaissions que les biens personnels d’un Indien peuvent entraîner les avantages prévus à l’article 87, et ce, même si le propriétaire de ces biens ne réside pas dans une réserve, comme c’est le cas pour Mme Shilling.

43     Dans l’arrêt Desnomie c. La Reine (2000), 186 D.L.R. (4th) 718 (C.A.F.), au paragraphe 21, la Cour a exprimé des doutes au sujet de la question de savoir si l’article 87 s’applique aux biens personnels situés dans une autre réserve que celle du contribuable. Ces doutes sont renforcés par un passage de l’arrêt Leonard v. R. in Right of British Columbia (1984), 52 B.C.L.R. 389, à la page 395 (C.A.), où Monsieur le juge Macfarlane semble avoir adopté l’approche plus restrictive en ce qui concerne la portée de l’article 87 :

 

[TRADUCTION]

Il est raisonnable d’interpréter l’article en disant qu’une exemption de taxe sur un bien personnel d’un Indien sera restreinte à l’endroit où le possesseur de ce bien est censé l’avoir en sa possession, c’est‑à‑dire sur les terres qu’un Indien occupe en tant qu’Indien, la réserve. [Non souligné dans l’original.]

Le juge La Forest a cité ce passage en l’approuvant dans l’arrêt Mitchell, précité, à la page 132.

44     Il s’agit d’une question importante, mais étant donné que les éléments factuels qui ne figurent pas dans le dossier mis à notre disposition nous empêchent de considérer l’emplacement de l’employeur comme un facteur important, il n’est pas nécessaire de statuer sur l’interprétation à donner aux mots « une réserve ».

45     Il importe de faire une autre remarque au sujet de l’emplacement de l’employeur. Le fait que l’intimée a été amenée à avoir une relation d’emploi avec NLS pour des raisons de planification fiscale importe peu s’il n’est pas allégué que l’opération est factice, ou que la règle générale anti‑évitement énoncée à l’article 245 de la Loi de l’impôt sur le revenu s’applique. Or, Sa Majesté n’a fait aucune allégation de ce genre dans ce cas‑ci. Comme le juge de première instance l’a conclu, on ne devrait pas accorder une importance réduite au fait que l’employeur est situé dans une réserve du simple fait que des raisons de planification fiscale et le désir d’éviter d’avoir à payer l’impôt sur le revenu avaient amené l’intimée à exercer l’emploi en question. Voir Neuman c. Ministre du Revenu national, [1998] 1 L.R.C. 770, au paragraphe 39. D’autre part, en l’absence d’éléments de preuve étayant l’importance accrue à accorder à ce facteur de rattachement, le fait d’avoir passé un contrat avec un employeur situé dans une réserve ne se verra accorder qu’une importance restreinte, et ce, indépendamment de la question de savoir si des raisons de planification fiscale étaient à l’origine du contrat.

 

[…]

 

51     AHT semble être une organisation de services sociaux qui s’occupe de soins de santé préventifs et fournit de l’aide, à Toronto, aux Autochtones qui ne sont pas dans une réserve. AHT et sa clientèle hors réserve tirent bénéfice du travail de l’intimée, contrairement à ce qui se produisait dans l’affaire Folster, où les patients de l’hôpital habitaient presque tous dans la réserve. Comme le juge de première instance l’a conclu, l’emploi n’est pas rattaché à une réserve indienne au sens physique du terme du simple fait que la nature de l’emploi consiste à fournir des services à des Indiens.

52     En concluant que la nature des tâches de l’intimée ne constitue pas un facteur de rattachement avec une réserve, nous n’omettons pas de tenir compte du fait que les services fournis sont des services sociaux à l’intention des Autochtones, par opposition à un emploi exercé dans le cadre de l’exploitation d’une entreprise à but lucratif. Toutefois, il existe dans les villes canadiennes un grand nombre d’organisations à but non lucratif offrant des services sociaux. Les employés de pareilles organisations ne sont pas exemptés de l’impôt sur le revenu. Compte tenu du but restreint de l’alinéa 87(1)b) de la Loi sur les Indiens, le fait que l’emploi en question se rapporte à la prestation de services sociaux à des Autochtones en dehors d’une réserve ne confère pas pour autant un traitement fiscal privilégié en vertu de cette disposition.

 

[91]    On peut tirer les conclusions qui suivent de la jurisprudence que je viens de citer :

 

(1)     L’alinéa 87(1)b) a pour objet de protéger la propriété que les Indiens peuvent acquérir, conserver et utiliser dans une réserve, de toute atteinte au moyen de l’impôt frappant des biens comme le revenu tiré d’un emploi. Il vise à protéger les biens détenus par des Indiens à titre d’Indiens dans des réserves pour éviter de compromettre leur mode de vie traditionnel. C’est le situs de l’acquisition qui revêt une importance particulière (Canada v. Monias, précité).

 

(2)     Ainsi que la Cour suprême du Canada l’a déclaré dans l’arrêt Mitchell c. Bande indienne Peguis : « l’objet de la Loi n’est pas de remédier à la situation économiquement défavorable des Indiens en leur assurant le pouvoir d’acquérir, de posséder et d’aliéner des biens sur le marché à des conditions différentes de celles applicables à leurs concitoyens [...] les Indiens qui acquièrent et aliènent des biens situés à l’extérieur des terres réservées à leur usage le font aux mêmes conditions que tous les autres Canadiens ».

 

(3)     Les articles 87 et 89 « n’ont pas pour but d’accorder des privilèges aux Indiens à l’égard de tous les biens qu’ils peuvent acquérir et posséder, peu importe l’endroit où ils sont situés. Leur but est plutôt simplement de protéger des ingérences et des entraves de la société en général les droits de propriété des Indiens sur leurs terres réservées pour veiller à ce que ceux‑ci ne soient pas dépouillés de leurs droits ». (Mitchell c. Bande indienne Peguis, précité.)

(4)     L’imposition du revenu gagné par un Indien inscrit ne représenterait pas une atteinte aux droits de cet Indien « à titre d’Indien » sur une réserve s’il n’existe pas un lien suffisant entre le revenu en question et une réserve (Akiwenzie c. Canada, précité).

 

(5)     Ainsi que le juge Archambault l’a déclaré dans Desnomie : « l’atteinte aux droits de l’Indien à titre d’Indien sur une réserve doit être déterminée par rapport à la personne dont le revenu est en cause et non par rapport aux différentes réserves qui bénéficient directement ou indirectement des services de cette personne ».

(6)     Pour que le revenu d’emploi d’un Indien soit visé par l’exemption prévue à l’article 87, il doit exister un lien entre son acquisition et une réserve en tant que réalité physique ou en tant qu’unité économique. « L’article 87 n’offre aucune protection “[...] en l’absence d’un lien discernable entre le bien en question et l’occupation des terres réservées par le propriétaire de ce bien.” » (Akiwenzie c. Canada, précité.)

(7)     Bien que le travail de l’Indien consiste à aider des Indiens venant des réserves quand ils en déménagent, et même si son employeur est un organisme autochtone, ces éléments ne rattachent pas le revenu d’emploi de l’appelant à une réserve déterminée (Desnomie c. Canada, précité).

(8)     À défaut d’éléments de preuve portant sur l’ampleur des activités exercées par l’employeur dans la réserve et faute de lien entre le revenu qu’en tire l’employé et une réserve quelconque, on ne peut accorder beaucoup de poids au fait qu’un employé indien travaille pour un employeur indien et aide des Indiens, alors que ceux‑ci se trouvent de toute évidence tous à l’extérieur de la réserve. (Desnomie c. Canada, précité.)

 

(9)     « En l’absence d’un lien discernable entre le bien en question et l’occupation des terres réservées par le propriétaire de ce bien, les protections et privilèges des articles 87 et 89 ne s’appliquent pas. » (Mitchell c. Bande indienne Peguis, paragraphe 91.)

 

(10)    Il faut d’abord identifier les divers facteurs de rattachement qui peuvent être pertinents. Il faut ensuite les analyser pour déterminer le poids à leur accorder afin d’identifier l’emplacement du bien, à la lumière des trois facteurs suivants énoncés dans l’arrêt Williams c. Canada :

 

          (1)     l’objet de l’exemption prévue par la Loi sur les Indiens;

          (2)     le genre de biens en cause;

          (3)     la nature de l’imposition de ce bien.

 

« Il s’agit donc de déterminer, relativement à chaque facteur de rattachement, le poids qui devrait lui être accordé pour décider si l’imposition en cause de ce type de bien représenterait une atteinte aux droits de l’Indien à titre d’Indien sur une réserve. » (Williams c. Canada)

 

(11)    Les facteurs suivants, dont certains sont repris dans l’arrêt Shilling, au paragraphe 31, sont susceptibles d’être pertinents lorsqu’il s’agit de déterminer si le revenu d’emploi d’un Indien est situé dans une réserve :

 

(1)     l’emplacement de l’employeur ou son lieu de résidence;

(2)     la résidence de l’employé;

(3)     le lieu où l’employé est payé;

(4)     le lien, s’il en est, entre l’employeur et la réserve de l’employé;

(5)     la nature du travail, le lieu de travail et les circonstances dans lesquelles le travail est accompli par l’employé;

(6)     la nature de tout avantage que tire la réserve du travail accompli par l’employé.

 

(12)    « [O]n ne devrait pas accorder une importance réduite au fait que l’employeur est situé dans une réserve du simple fait que des raisons de planification fiscale et le désir d’éviter d’avoir à payer l’impôt sur le revenu avaient amené [l’intéressé] à exercer l’emploi en question pour cet employeur […] D’autre part, en l’absence d’éléments de preuve étayant l’importance accrue à accorder à ce facteur de rattachement, le fait d’avoir passé un contrat avec un employeur situé dans une réserve ne se verra accorder qu’une importance restreinte, et ce, indépendamment de la question de savoir si des raisons de planification fiscale étaient à l’origine du contrat. » (Shilling c. Canada, précité.)

 

(13)    Le simple fait que le travail consiste à fournir des services à des Indiens ne suffit pas pour établir un lien entre l’emploi et une réserve indienne (Shilling c. Canada, précité).

 

(14)    Compte tenu du but restreint de l’alinéa 87(1)b) de la Loi sur les Indiens, le fait que l’emploi en question se rapporte à la prestation de services sociaux à des Autochtones en dehors d’une réserve ne confère pas pour autant un traitement fiscal privilégié en vertu de cette disposition (Shilling c. Canada).

 

[92]    Je suis d’avis que les facteurs de rattachement suivants s’appliquent au présent appel pour déterminer le situs des biens. Il reste à déterminer le poids à accorder à chacun de ces facteurs :

 

(1)     L’emplacement de l’employeur, l’ampleur des activités exercées par l’employeur dans la réserve et la nature de tout avantage que tire la réserve de l’emplacement de l’employeur;

(2)     Le lieu de résidence de l’employé;

(3)     L’endroit ou le lieu où le revenu est payé pour déterminer s’il existe un lien entre l’acquisition du revenu et une réserve, en tant que réalité physique ou en tant qu’unité économique;

(4)     Le lieu où l’emploi est exercé pour déterminer la nature de tout avantage que tire la réserve du travail accompli par l’appelant pour NLS;

(5)     Les conséquences de tout changement apporté par l’employeur aux rapports juridiques pour une réserve déterminée;

(6)     La nature du travail effectué et les circonstances entourant l’emploi sur le plan de la fourniture de services aux Indiens, avec ou sans lien entre cet emploi et une réserve indienne au sens physique du terme.

 

Analyse

 

[93]    Suivant les appelants, on ne peut se contenter d’appliquer les facteurs de rattachement : il faut rechercher d’autres façons d’établir un lien avec une réserve et modifier l’application du critère. Les appelants font essentiellement valoir ce qui suit :

 

(1)     L’application du critère des facteurs de rattachement s’est traduite par l’imposition d’une série de contraintes de plus en plus restrictives qui ont progressivement eu pour effet de limiter la portée de l’exemption fiscale prévue à l’article 87;

(2)     Au fur et à mesure de son évolution, le critère du facteur de rattachement en est venu à renforcer de plus en plus les modèles assimilationnistes de la culture et de l’identité autochtones et à présenter les caractéristiques des stéréotypes éculés véhiculés au sujet des Autochtones;

(3)     Le critère des facteurs de rattachement a été interprété d’une manière qui a eu pour effet de priver les Indiens inscrits de la capacité de choisir d’organiser leurs affaires de manière à pouvoir être visés par l’article 87.

 

[94]    Les appelants affirment aussi que, de nos jours, il est difficile pour un Indien d’obtenir une exemption fiscale lorsqu’il vit et travaille à l’extérieur d’une réserve et qu’essentiellement, la réalité de nos jours pour un Indien inscrit est que vivre et travailler dans une réserve n’est pas une solution envisageable. Les appelants affirment que les facteurs de rattachement ont en réalité pour effet de relier les Autochtones à la résidence dans une réserve et de faire dépendre leur emploi d’une réserve. Les appelants affirment que les exemptions fiscales doivent être celles que l’Autochtone peut choisir, de sorte qu’il faut accorder la plus grande valeur aux facteurs sur lesquels les appelants ont une emprise. Le critère devrait donc en fait être axé sur le choix de l’employé. Les appelants soutiennent en outre que, dès lors que l’intéressé épouse suffisamment les causes qui sont chères aux Autochtones, le lieu de résidence de l’Indien inscrit ne devrait pas importer. Ces arguments et ces observations sont nouveaux et ils méritent un examen, mais ce sont les parlementaires, qui ont édicté l’article 87, qui sont en mesure d’examiner les modifications qui peuvent y être apportées.

 

[95]    L’article 87 de la Loi sur les Indiens n’a peut‑être pas évolué aussi rapidement que l’auraient souhaité les appelants, mais la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale et de la Cour suprême du Canada n’appuie pas ce genre d’analyse et d’interprétation de l’exemption fiscale dont les appelants jouissent en vertu de l’article 87. Les tribunaux ont élaboré et constamment appliqué une liste de facteurs de rattachement qui sont considérés comme importants et qui s’appliquent au cas par cas. Chaque cas est un cas d’espèce et la Cour doit déterminer quel poids elle veut accorder à chacun d’entre eux en les appliquant à la situation particulière dont elle est saisie. Je rejette donc les arguments des appelants sur ce point précis pour la simple raison que les tribunaux analysent de façon constante les facteurs de rattachement applicables; or cette analyse n’appuie pas les arguments des appelants. L’article 87 a été interprété de façon libérale au cours des ans, mais on ne saurait déborder le cadre établi par la loi, tel qu’il est interprété et appliqué par la Cour d’appel fédérale et la Cour suprême du Canada. Retenir la thèse des appelants reviendrait, à mon avis, à modifier l’objectif visé par l’article 87; ce rôle incombe, non pas à la Cour, mais au législateur.

 

L’emplacement de l’employeur, l’ampleur des activités exercées par l’employeur dans la réserve et la nature de tout avantage que tire la réserve de l’emplacement de l’employeur

 

[96]    NLS est située dans la réserve des Six‑Nations. M. Obonsawin a déclaré très franchement dans son témoignage que NLS avait d’abord choisi la réserve des Six‑Nations comme emplacement, parce que cette réserve était susceptible d’offrir à NLS et aux Indiens inscrits l’avantage du maintien des exemptions fiscales. Dans les cas qui sont présentement soumis à la Cour, il existe des contrats de travail exprès entre NLS et les appelants, et tous ces contrats confèrent aux parties des droits et leur imposent des obligations. Dans l’arrêt Shilling, précité, la Cour d’appel fédérale a essentiellement jugé que le contribuable avait le droit de créer des rapports juridiques pour des raisons de planification fiscale s’il n’est pas allégué qu’il s’agit d’une opération factice ou d’une violation de la règle anti‑évitement. Il n’y a pas d’allégation en ce sens dans les présents appels.

 

[97]    Je souscris aux propos que le juge Paris a tenus dans la décision Roe et autres c. La Reine, [2008] A.C.I. 509, dans lequel il analysait le sens de l’expression « les biens […] situés sur une réserve ». J’estime qu’il a interprété fort justement les observations que la juge en chef MacLachlin avait formulées dans l’arrêt McDiarmid Lumber Ltd. c. Première Nation de God’s Lake, 2006 CSC 58, en jugeant qu’il était raisonnable de supposer que l’emploi du même libellé (« les biens [...] situés sur une réserve ») à l’alinéa 87(1)b) et au paragraphe 89(1) de la Loi sur les Indiens devait donner lieu à la même interprétation, étant donné que les deux dispositions avaient essentiellement le même objet.

 

[98]    Dans l’arrêt Canada v. Monias, précité, la Cour d’appel fédérale a fait observer que, même si l’emplacement de l’employeur est considéré comme un facteur de rattachement dans l’analyse prévue par l’arrêt Williams, il faut néanmoins qu’il y ait des éléments de preuve au sujet de l’importance des activités de l’employeur dans la réserve ou d’un bénéfice pour la réserve du fait de la présence de l’employeur, à défaut de quoi il n’y a pas lieu d’accorder beaucoup de poids à ce facteur.

 

[99]    Je dois donc examiner les éléments de preuve présentés par chacun des appelants pour déterminer les avantages, s’il en est, que les activités de NLS ont procuré à la réserve des Six‑Nations. On ne m’a soumis en réalité aucun élément de preuve quant aux dépenses que NLS aurait effectuées relativement à la réserve. À l’exception des états financiers de NLS, nous ne disposons d’aucun chiffre au sujet des sommes d’argent qui ont été générées dans une réserve et, si l’on se fie aux états financiers qui ont été soumis, en 1997, 94 pour 100 des recettes de NLS sont retournées dans les poches des employés sous‑traitants. Aucun détail n’a été fourni au sujet du lieu de résidence du personnel de NLS, de leur nombre ou de l’ampleur de leur revenu individuel. Le fait que les bureaux de NLS étaient situés dans la réserve des Six‑Nations est en réalité le seul avantage direct que la réserve a obtenu, d’autant plus que la seule source de revenu de NLS était le revenu des Indiens inscrits qui travaillaient pour elle un peu partout au Canada. Dans le cas qui nous occupe, un seul des appelants, en l’occurrence Mme Masching, était membre de la réserve des Six‑Nations, malgré le fait qu’elle n’a jamais vécu dans une réserve. J’en conclus qu’il n’y a lieu d’accorder que très peu de poids à ce facteur précis.

 

[100]  La présence de NLS dans la réserve des Six‑Nations permet de conclure à un certain lien entre le revenu d’emploi des appelants et cette réserve précise, mais le poids à accorder à ce fait est extrêmement faible, compte tenu de la nature des activités de NLS. Il semblerait que l’immense majorité des services offerts par les employés sous‑traitants de NLS étaient exécutés à l’extérieur de la réserve. Le fait que NLS exploite essentiellement une entreprise sur le marché et que la Cour ne dispose d’aucun élément de preuve au sujet des avantages que les activités de NLS auraient procuré à une réserve quelconque fait en sorte qu’il est difficile, voire impossible de déceler un lien entre l’employeur et les avantages qu’une réserve aurait obtenus au moyen de revenus d’emploi.

 

Le lieu de travail

 

[101]  Pour ce qui est des avantages qu’a retirés une réserve de l’emplacement de l’employeur ou du lieu de travail d’un Indien inscrit, j’estime que l’emploi des appelants procurait très peu d’avantages à une réserve, à moins que les appelants n’aient choisi de dépenser une partie de leur revenu dans une réserve.

 

[102]  Les appelants vivaient presque tous à l’extérieur d’une réserve; aucun d’entre eux ne travaillait exclusivement dans une réserve, mais ils avaient tous à cœur d’améliorer d’une façon ou d’une autre les conditions de vie des Autochtones. Les bureaux de NLS étaient situés sur le territoire de la réserve des Six‑Nations mais, comme nous l’avons déjà signalé, il y a peu d’éléments de preuve permettant de conclure que la réserve a retiré un avantage de cette présence. Il n’y a pas de doute que les Autochtones vivant dans des réserves ou ailleurs un peu partout au Canada en ont retiré certains avantages, mais il est difficile d’affirmer qu’il existe un lien entre l’emploi des appelants et une réserve indienne en tant que réalité physique.

 

[103]  Les services qu’un employé fournit lui donnent droit à un revenu d’emploi. Il s’ensuit que le lieu où il travaille constitue un facteur important pour déterminer son rattachement à un lieu situé dans une réserve ou à l’extérieur d’une réserve. Pour ce qui est de Mme Maguire, elle travaillait tant dans une réserve qu’à l’extérieur. Elle a travaillé un peu partout au Canada, et pour l’année en litige, l’année 2005, elle travaillait pour le RCAS dans la recherche sur le VIH/SIDA. Le RCAS s’est donné pour mission « d’assurer le leadership, un soutien et la défense des intérêts des Autochtones qui sont atteints du VIH / SIDA ou sont touchés par cette maladie et ce, sans égard au lieu où ils habitent ».

 

Le revenu tiré du travail effectué dans une réserve et au profit de la réserve peut être exempté de l’impôt à la condition que l’intéressé ne soit pas entré sur le marché et qu’il ne fournisse pas un service autrement offert dans la réserve par des non‑Autochtones. Le fait que l’Indien réside à l’extérieur d’une réserve n’entraîne pas nécessairement le refus de sa demande d’exemption si l’on peut établir un lien entre son revenu d’emploi et une réserve en tant que réalité physique.

 

[104]  Entre mars et octobre 2000, Mme Googoo travaillait chez ses parents, dans la réserve de la Première Nation d’Indian Brook. À compter d’octobre 2000, elle a travaillé dans les bureaux d’APTN à Halifax, en Nouvelle‑Écosse. Le travail qu’elle effectuait dans le bureau temporaire d’APTN chez ses parents, dans la réserve de la Première Nation d’Indian Brook, consistait à faire au besoin le montage de ses reportages et à les expédier à Winnipeg pour le montage final et à s’acquitter de certaines tâches administratives dans le cadre de ses fonctions. Elle effectuait le reste de son travail dans les bureaux d’APTN à Halifax ou sur les lieux où elle tournait des vidéos et menait et enregistrait des entrevues ou effectuait d’autres tâches analogues. Ce travail était effectué à l’extérieur de la réserve et à des endroits où d’autres grands médias étaient présents. La preuve ne permet pas de déterminer avec certitude quelle proportion de ses fonctions elle effectuait dans une réserve. On n’a pas présenté suffisamment d’éléments de preuve à l’audience pour permettre à la Cour d’assigner une valeur numérique, sous forme de pourcentage, aux fonctions exercées par Mme Googoo dans une réserve et à l’avantage retiré par la réserve, pendant la période en cause. Il n’y a rien à l’article 87 de la Loi sur les Indiens ou à l’article 81 de la LIR qui exige que la totalité, ou la presque totalité, des revenus d’emploi gagnés au cours d’une période d’imposition déterminée provienne d’un emploi exercé dans une réserve. Il se pourrait que les faits d’un autre appel permettent d’attribuer un pourcentage du revenu d’emploi à l’exemption fiscale, ce qui n’est pas le cas en ce qui concerne l’appel de Mme Googoo, car je ne dispose pas de suffisamment d’éléments de preuve pour procéder à ce calcul.

 

[105]  Mme Roache se trouvait essentiellement dans la même situation que Mme Googoo et ses activités professionnelles étaient essentiellement les mêmes, à cette exception près qu’elle n’avait jamais travaillé dans une réserve ou, si elle y avait travaillé, il n’y avait aucun élément de preuve le démontrant ou établissant le pourcentage de ses fonctions qu’elle exerçait dans une réserve. Mme Masching travaillait chez elle à Lawrencetown, en Nouvelle‑Écosse, M. Knockwood travaillait au centre d’amitié de la MMNFS à Halifax, en Nouvelle‑Écosse, Mme Smith travaillait comme préposée aux services de soutien à la famille pour NLS à Ottawa, en Ontario, et Mme Grant travaillait comme adjointe administrative pour le président de l’AFAC à Ottawa. Aucun des appelants n’a travaillé pour une période de temps prolongée dans une réserve.

 

[106]  Aucun des appelants n’a donc travaillé de façon régulière dans une réserve. S’il y avait du travail à faire dans la réserve, ce travail était tout au plus intermittent, à l’exception de Mme Googoo, pour la période de janvier à octobre 2000.

 

[107]  Compte tenu des éléments de preuve qui ont été présentés au sujet des lieux de travail, force est de conclure que le lieu de travail des appelants et, partant, leur revenu d’emploi, était situé à l’extérieur d’une réserve.

 

Le lieu de résidence de l’employé

 

[108]  Le lieu où réside l’employé peut être pertinent s’il permet d’une certaine manière d’établir un lien entre son revenu d’emploi et une réserve.

 

[109]  Parmi les appelants, la seule personne qui a résidé dans une réserve au cours de la période en cause était Mme Googoo. Elle a vécu en tout temps dans la réserve de la Première Nation d’Indian Brook parce qu’elle estimait qu’il était bon de cultiver ses racines avec la collectivité. Comme elle travaillait pour APTN comme journaliste relativement aux questions autochtones, le fait qu’elle résidait dans une réserve pourrait être considéré comme un bon facteur de rattachement de son revenu d’emploi avec une réserve. Elle voulait aussi vivre dans la réserve pour être près de ses parents. Les autres appelants ne résidaient pas dans une réserve au cours de la période en cause de sorte que, sur le plan de leur lieu de résidence, leur revenu d’emploi n’est pas rattaché directement ou vraisemblablement à une réserve.

 

Le lieu du paiement du revenu

 

[110]  Le lieu où le revenu est payé, c’est‑à‑dire la question de savoir s’il y a un lien entre l’acquisition du revenu et une réserve en tant que réalité physique ou en tant qu’unité économique peut constituer un facteur permettant de déterminer le situs du revenu, mais ce facteur ne joue pas un rôle important dans les présents appels.

 

[111]  Malgré le fait qu’on nous a soumis une preuve abondante au sujet des services de feuille de paye de NLS, de la facturation des agences de placement, de la façon dont les employés étaient payés, de l’établissement de feuilles de temps pour les employés et des renseignements échangés entre les agences de placement et NLS, aucun de ces facteurs n’est utile pour établir un lien entre le lieu du paiement et une réserve. Les agences de placement déposaient par le truchement d’un compte Rapidtrans l’argent correspondant aux services facturés dans un compte que la NLS avait à la CIBC, mais au départ, les services de listes de paye que NLS fournissait à ses employés avaient été confiés en sous‑traitance à la CIBC, puis à Comcheque et, enfin, à Certidian. Dans leur témoignage, certains des appelants ont parlé de dépôt direct et de réception par la poste de talons de chèques et d’autres renseignements se rapportant à des possibilités d’emploi. De toute évidence, les appelants étaient payés par dépôt direct, mais aucun renseignement n’a été fourni au sujet du lieu où se trouvait leur compte individuel. Les seuls éléments de preuve sur ce point sont ceux suivant lesquels les dépôts directs étaient effectués dans des comptes bancaires à partir du compte de NLS, ce qui ne constitue pas une preuve établissant un lien entre le revenu de l’employé et une réserve. Cet aspect est donc sans valeur pour établir un lien entre le revenu des appelants et une réserve et de toute façon, la Cour accorde peu de poids à ce facteur.

 

La nature du travail et les circonstances dans lesquelles il est accompli

 

[112]  Je répète que l’article 87 de la Loi sur les Indiens a pour but de protéger des ingérences et des entraves de la société en général les droits de propriété des Indiens sur leurs terres réservées pour veiller à ce que ceux‑ci ne soient pas dépouillés de leurs droits.

 

[113]  Parmi tous les facteurs dont on doit tenir compte pour l’application du critère des facteurs de rattachement, j’estime qu’il convient d’accorder une grande importance à celui de la nature du travail et des circonstances dans lesquelles il est accompli parce que ce facteur vise l’objet même de l’exemption prévue à l’article 87.

 

[114]  Dans tous les présents appels, NLS louait les services d’Autochtones à des agences de placement dans lesquelles les Autochtones avaient commencé à travailler, et elle recevait entre quatre et cinq pour cent du salaire de l’employé en question à titre de frais de service. NLS n’avait aucun lien avec l’une quelconque des réserves des appelants, à l’exception de Mme Masching – et même dans ce dernier cas, son seul lien consistait en le fait que Mme Masching était non pas une résidente de la réserve des Six‑Nations où étaient situés les bureaux de NLS, mais qu’elle était membre de cette bande indienne. M. Obonsawin, qui était le propriétaire unique de NLS, ne faisait pas partie de la réserve des Six‑Nations, et il ne vivait pas dans la réserve des Six‑Nations ni ne pouvait y habiter.

 

[115]  Malgré l’argument de M. Obansawin suivant lequel NLS voulait renforcer les programmes offerts par les centres d’amitié, compte tenu du faible rôle joué par NLS en ce qui concerne la formation et la sensibilisation des employés de NLS, et compte tenu du fait que ces derniers n’en retiraient pas vraiment d’avantages, il est difficile de comprendre comment les services offerts par NLS pouvaient permettre d’atteindre ce résultat.

 

[116]  Les rapports qui existaient entre NLS et les appelants étaient des rapports de nature contractuelle, mais au niveau le plus rudimentaire. Les employés en question accumulaient les heures supplémentaires qu’ils effectuaient pour l’agence de placement. Ils recevaient des instructions et des directives de l’agence de placement. C’était l’agence de placement qui procédait aux évaluations et qui formulait les recommandations en ce qui concerne les augmentations de salaire. Les employés s’acquittaient des mêmes fonctions pour les agences de placement que celles qu’ils exerçaient avant d’entrer en relation avec NLS. Malgré les relations contractuelles employeur‑employé qui existaient entre NLS et les appelants, l’employeur était, en pratique, l’agence de placement originale. NLS n’avait même pas de système de dossiers du personnel pour les appelants en question et aucun d’entre eux n’a accepté la série d’avantages sociaux offerts par NLS parce qu’ils avaient leur propre assurance‑maladie par l’intermédiaire de Santé Canada. NLS ne conservait pas de curriculum vitae des appelants. La formation offerte aux appelants était tellement rudimentaire qu’elle était presque inexistante, et si une formation était donnée, les frais étaient surtout assumés par les agences de placement. Il semble assurément que le seul avantage que les appelants ont retiré de leur relation de travail avec NLS était leur exonération d’impôt et, même alors, dans la plupart des cas, les appelants savaient que cette exemption était compromise lorsqu’ils ont signé pour la première fois leur contrat de travail avec NLS.

 

CONCLUSION

 

[117]  Les facteurs permettant d’établir un lien entre l’emploi exercé par les appelants et une réserve sont très limités. J’ai examiné à tour de rôle chacun des facteurs applicables, en insistant un peu plus sur certains d’entre eux, dans la mesure où ils se rapportaient à chacun des appelants, et en examinant les autres de manière plus générale. En dernière analyse, j’estime que je ne dispose pas de suffisamment d’élément de preuve pour conclure que l’imposition du revenu que chacun des appelants a tiré de son emploi pour NLS au cours des années d’imposition en cause représenterait une atteinte aux droits qu’ils possèdent à titre d’Indiens dans des biens situés dans une réserve. Je conclus donc que le revenu d’emploi que les appelants ont reçu de NLS n’est pas exonéré d’impôt. Les appels sont rejetés, le tout sans frais.

 

[118]  Je tiens par ailleurs à signaler qu’après examen de la preuve présentée à la Cour lors des présents appels, j’ai le sentiment que, même si certains d’entre eux étaient au courant des risques qu’ils prenaient en signant pour devenir des employés de NLS, les appelants n’étaient pas vraiment conscients de toutes les conséquences de leur engagement. J’estime que les dirigeants de NLS ont jusqu’à un certain point profité d’eux. NLS ne constitue à mon sens rien de plus et rien de moins qu’un organisme qui offre des services de paie de base qui lui profitent davantage à lui‑même qu’aux appelants, et ce, malgré l’existence d’un contrat entre eux. NLS proposait des avantages qui débordaient largement le cadre de l’allégement fiscal prévu à l’article 87 de la Loi sur les Indiens. Les appelants auraient dû être avisés de façon plus sérieuse de la nature de l’entente qu’ils concluaient. D’ailleurs, les agences de placement qui les ont embauchés au départ auraient dû jouer un rôle plus actif et plus dynamique pour analyser ce à quoi s’engageaient leurs employés dans le cas de l’entente précise que NLS leur a soumise.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de février 2009.

 

 

« E.P. Rossiter »

Le juge en chef adjoint Rossiter

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de mai 2009.

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur

 


RÉFÉRENCE :                                  2008CCI589

No DES DOSSIERS DE LA COUR :  2007-49(IT)I; 2007-496(IT)I;

                                                          2007-1710(IT)I; 2007-4037(IT)I;

                                                          2007-846(IT)I; 2007-2116(IT)I;

                                                          2007-53(IT)I

 

INTITULÉ :                                       Maureen Googoo; Delores Joyce Maguire;

                                                          Elizabeth Grant; Bridget A. Smith;

                                                          Trina Roache; B. Renee Masching;

                                                          Noel Knockwood

                                                          et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

DATES DE L’AUDIENCE :               Les 8, 9, 10, 11 et 12 septembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge en chef adjoint

                                                          E. P. Rossiter

                                                         

 

DATE DU JUGEMENT ET DES

MOTIFS DU JUGEMENT :               Le 2 février 2009

 

COMPARUTIONS :

Avocat des appelants :

Me Eric Lay

Avocats de l’intimée :

Me Gordon Bourgard

Me John Shipley

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

       Pour les appelants :

                          Nom :                      Eric Lay

                          Cabinet :                  Avocat

                                                          164, avenue Glen

                                                          Ottawa ON  K1S 3A4

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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