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1999-2041(GST)I

ENTRE :

741521 ONTARIO INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appels entendus le 6 mars 2000 à Toronto (Ontario)

Devant : L’honorable juge Gerald J. Rip

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :               Stan Swartz

 

Avocat de l’intimée :                           Me Steve D. Leckie

 

 

JUGEMENT

 

          Les appels à l’encontre des cotisations établies en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise, dont les avis sont datés du 21 juillet 1997 et portent les numéros 986981, 986982 et 986983, sont rejetés.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour de mars 2000.

 

« Gerald J. Rip »

Juge Rip

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de février 2009.

Aleksandra Koziorowska, LL.B.


 

 

 

 

Date : 2000328

Dossier : 1999-2041(GST)I

 

 

ENTRE :

741521 ONTARIO INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Rip

 

[1]     741521 Ontario Inc., qui fait affaire sous le nom de « Metro Printing and Litho » (« Metro »), a interjeté appel des cotisations établies à son égard en vertu de la partie IX (Taxe sur les produits et services) de la Loi sur la taxe d’accise (la « Loi ») pour les périodes allant du 1er août 1995 au 31 octobre 1995, du 1er novembre 1995 au 31 janvier 1996, et du 1er février 1996 au 30 avril 1996.

 

[2]     La question dont je suis saisi en l’espèce est celle de savoir si la contrepartie et la taxe sur les produits et services (la « TPS ») exigibles relativement à des fournitures taxables effectuées par l’appelante au profit de plusieurs acquéreurs constituaient, en tout ou en partie, des créances irrécouvrables au sens du paragraphe 231(1) de la Loi, et si l’appelante a droit aux crédits de taxe sur les intrants de 21 515,46 $ que le ministre du Revenu national (le « ministre ») lui a refusés pour la période du 1er août 1995 au 31 octobre 1995. Les rajustements auxquels le ministre a procédé en ce qui concerne les deux périodes subséquentes s’élèvent à 2 821,06 $ et à 158,43 $, respectivement.

 

 

[3]     Les circonstances entourant les présents appels sont affligeantes.

 

[4]     L’appelante exploite une imprimerie dans la région de Toronto. Tom Pateras et Mme Pateras sont ses actionnaires. M. Pateras est son président.

 

[5]     Aux environs de 1987, l’appelante est entrée en relations avec un certain Joseph Cheng, courtier en imprimerie. Apparemment, les imprimeurs sont assez spécialisés, et M. Cheng agissait comme intermédiaire entre les personnes (clients) à la recherche de services d’impression particuliers et les imprimeurs capables de répondre à leurs besoins. M. Pateras vérifiait si les clients qui lui étaient envoyés par M. Cheng étaient solvables. Metro fixait les prix et les délais de livraison, établissait la facture à l’intention du client et versait une commission à M. Cheng.

 

[6]     M. Pateras n’entrait pas en contact avec les clients, c’est M. Cheng qui s’en chargeait. M. Pateras croyait que tant M. Cheng s’occupait des clients et que ceux‑ci réglaient leurs factures à temps, il n’était pas nécessaire qu’il communique avec eux. S’il avait un problème concernant un client, M. Pateras communiquait directement avec M. Cheng. Celui-ci rencontrait les clients, évaluait leurs besoins et leur fournissait les offres de prix, les calendriers d’impression et les délais de livraison de Metro, le tout en collaboration avec M. Pateras.

 

[7]     M. Pateras  faisait entièrement confiance à M. Cheng. Leur relation s’est renforcée au fil des ans, M. Pateras devenant de plus en plus dépendant de M. Cheng. Il l’a autorisé à établir les factures à l’intention des clients, à recouvrer les sommes dues et à les déposer dans le compte bancaire de l’appelante.

 

[8]     En fait, M. Cheng a pris la direction de l’appelante. M. Cheng souhaitait exercer un plus grand contrôle sur les factures, et [traduction] « nous lui avons donné ce contrôle » a dit M. Pateras. M. Pateras a déclaré que comme il y avait énormément de codes d’impression et que M. Cheng les connaissait tous, il était plus facile pour M. Cheng de s’occuper de la gestion. M. Pateras avait également besoin de l’aide de M. Cheng pour gérer les budgets.

 

[9]     Il semble que M. Cheng se sentait chez lui dans les locaux de Metro. Ses clients appelaient souvent l’appelante lorsqu’ils voulaient communiquer avec lui. M. Pateras lui transmettait les messages qui lui étaient destinés ou dirigeait les appels vers son téléphone cellulaire.

 

[10]    M. Cheng n’était pas un employé de l’appelante. Il n’était pas rémunéré pour le temps qu’il passait à recouvrer l’argent dû et à le déposer dans le compte bancaire.

 

[11]    Au cours du second semestre de 1989, M. Cheng a constitué la société 857411 Ontario Inc. (« Ontario ») et, le 11 septembre 1989, il a enregistré la raison sociale « Metro Printing and Litho Consulting » pour le compte de celle‑ci. M. Cheng semble avoir été l’unique administrateur de Ontario. Il a également ouvert un compte bancaire auprès de la Banque Royale du Canada au nom de Ontario.

 

[12]    Lorsqu’ils ont essayé d’établir les états financiers de l’appelante pour l’exercice ayant pris fin le 31 octobre 1995, les comptables de celle-ci ont été incapables de faire concorder les comptes. Ils se sont rendu compte que des revenus d’environ 100 000 $ étaient manquants. Ils en ont avisé M. Pateras, qui en a parlé à M. Cheng. Entre‑temps, les comptables de l’appelante ont commencé leur enquête. Celle-ci leur a permis de découvrir que M. Cheng recueillait l’argent auprès des clients en se servant des factures de l’appelante, et qu’il le déposait ensuite dans le compte bancaire de Ontario auprès de la Banque Royale du Canada.  Les clients émettaient, semble-t-il, des chèques à l’ordre de Metro Printing et/ou de Metro Printing and Litho, et la banque de Ontario jugeait ceci suffisant pour accepter les chèques pour le bénéfice de cette dernière.

 

[13]    Pendant la période au cours de laquelle M. Cheng recueillait les chèques pour le compte de Metro, M. Pateras n’a jamais vérifié le solde de son compte bancaire. Comme les factures de Metro étaient payées, il supposait que l’argent était déposé dans son compte bancaire. Si une facture n’était pas payée, M. Pateras se plaignait auprès de M. Cheng, qui retirait des fonds du compte bancaire de Ontario et les déposait dans le compte de Metro.

 

[14]    Le moins que l’on puisse dire c’est que M. Cheng ne manquait pas d’audace. Après qu’on lui a appris qu’il manquait 100 000 $ dans le compte bancaire de l’appelante, il s’est arrangé pour que celle-ci facture des services totalisant plus de 200 000 $ au cours des deux mois suivants, a recouvert cette somme auprès des clients et l’a déposée dans le compte de Ontario.

 

[15]    Aux dires de M. Pateras, M. Cheng s’est enfui avec environ 500 000 $ en tout. Il a plus tard été retrouvé et poursuivi en justice, et a écopé d’une peine de neuf mois de prison.

 

[16]    L’appelante fait valoir que puisque M. Cheng a reçu les paiements des clients, elle n’a pas pu recouvrer les sommes qu’elle aurait dû recevoir et que les dettes en cause sont donc des créances irrécouvrables. L’appelante déclare qu’elle n’a pas eu de contacts avec les clients, et qu’il s’agissait des clients de M. Cheng. L’appelante affirme avoir effectué, dans le cours normal de ses activités, des fournitures taxables au profit de Ontario, et elle soutient que c’est Ontario qui a fourni les produits aux clients. Par conséquent, il existait une relation débiteur‑créancier entre l’appelante et Ontario, et comme Ontario était incapable de payer les fournitures, la dette qu’elle avait envers l’appelante représentait une créance irrécouvrable, ce qui implique que la TPS relative à celle-ci est elle aussi impossible à recouvrer et n’est donc pas exigible.

 

[17]    Malgré toute la compassion que j’éprouve pour l’appelante et ses actionnaires, il m’est impossible d’adhérer à la fiction voulant que M. Cheng ou Ontario aient été les acquéreurs des fournitures effectuées par l’appelante. L’appelante établissait les factures à l’intention de différents clients. Elle a permis à M. Cheng de leur transmettre les factures et de recouvrer les sommes dues. Elle a autorisé M. Cheng à déposer des fonds dans son compte bancaire. L’appelante a confié à M. Cheng la charge de traiter avec ses clients.

 

[18]    Le professeur Fridman définit le mandat comme une relation qui existe entre deux personnes dont l’une, appelée mandataire, est considérée en droit comme ayant le pouvoir d’agir au nom de l’autre, appelée mandant, et d’influer sur la situation juridique de cette dernière vis-à-vis des tiers en concluant des contrats ou en cédant des biens[1].

 

[19]    Il se peut que le mandataire agisse à titre gratuit, et même si aucun contrat n’existe, comme il n’y a pas de contrepartie, le mandataire doit quand même faire preuve de diligence dans la manière dont il s’occupe des affaires du mandant[2]. Le professeur Fridman cite les commentaires formulés par le lord juge Scrutton dans Lloyds Bank Ltd. v. Chartered Bank of India, Australia & China selon lesquels :

 

[traduction] Un tiers qui fait affaire de bonne foi avec un mandataire agissant à l’intérieur des limites du pouvoir apparent dont il est investi ne peut se voir opposer le fait que le mandataire a utilisé son pouvoir pour son propre bénéfice et non pour le bénéfice du mandant[3].

 

[20]    Ainsi, le fait qu’un mandataire ait abusé du pouvoir dont il a été investi par le mandant et ait agi d’une manière préjudiciable aux intérêts du mandant n’a aucune incidence sur les droits d’un tiers agissant de bonne foi qui a traité avec le mandataire. Le mandant ne peut refuser d’entériner la conduite du mandataire si celle-ci cause un préjudice à des tiers[4].

 

[21]    M. Cheng était le mandataire de l’appelante lorsqu’il traitait avec les clients dans le cours normal des activités de celle-ci. M. Cheng a détourné des fonds appartenant à l’appelante. Lorsqu’il recouvrait l’argent auprès des clients, ceux-ci le payaient en présumant qu’il était un représentant ou un mandataire de l’appelante. Ces clients ont payé à l’appelante les produits et services qu’elle leur a fournis. Les créances ne sauraient être qualifiées d’irrécouvrables puisque les débiteurs les ont réglées de bonne foi auprès de la personne qui était le représentant de l’appelante. L’argent a été recouvert par Metro. Le fait que Metro n’ait pas été capable de protéger les sommes recouvertes pour son compte par son mandataire ne signifie pas que l’on est en présence de créances irrécouvrables.

 

[22]    Les appels sont rejetés.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour de mars 2000.

 

 

« Gerald J. Rip »

Juge Rip

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de février 2009.

 

Aleksandra Koziorowska, LL.B.


No DU DOSSIER DE LA COUR :      1999-2041(GST)I

 

 

INTITULÉ :                                       741521 Ontario Inc. et Sa Majesté la Reine

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 6 mars 2000

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                L’honorable juge Gerald J. Rip

 

 

DATE DU JUGEMENT :                             Le 28 mars 2000

 

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :     Stan Swartz

 

Avocat de l’intimée :                 Me Steve D. Leckie

 

 

AVOCATS INSCRITS AU

DOSSIER :

 

Pour l’appelante :  

 

Nom :               

 

Cabinet :           

 

 

Pour l’intimée :                         Morris Rosenberg

                                                Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 



[1] Fridman, G.H.L., The Law of Agency, 7e éd., Toronto, Butterworths, 1996, p. 11.

[2] Précité, p. 16.

[3] Cité à la p. 113 : [1929] 1 K.B. 40, p. 56.

[4] Précité, p. 111 à 112.

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