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Dossier : 2008-2628(GST)I

ENTRE :

ROB WALDE HOLDINGS LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION OFFICIELLE FRANÇAISE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 9 décembre 2008 à Saskatoon (Saskatchewan)

 

Devant : L’honorable juge G.A. Sheridan

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

Rod F. Perkins, C.A.

Avocate de l’intimée :

Me Brooke Sittler

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

       L’appel interjeté à l’encontre de la cotisation établie en application de la Loi sur la taxe d’accise est rejeté conformément aux motifs du jugement ci‑joints.


 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de février 2009.

 

 

 

« G. A. Sheridan »

Juge Sheridan

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de mars 2009.

 

 

Hélène Tremblay, traductrice

 

 

 

 

 


 

 

 

 

Référence : 2009CCI74

Date : 20090206

Dossier : 2008-2628(GST)I

ENTRE :

ROB WALDE HOLDINGS LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Sheridan

 

[1]     L’appelante, Rob Walde Holdings Ltd., est une société exploitant une entreprise agricole près de Kindersley (Saskatchewan) par l’entremise de ses actionnaires, Robin et Brenda Walde. En 2005, M. et Mme Walde, agissant en leur qualité conjointe d’âme dirigeante de l’appelante, ont construit une maison (la « nouvelle maison ») sur le fonds de terre de l’appelante. Même si l’appelante a payé toutes les factures (y compris la taxe sur les produits et services (la « TPS »)) ayant trait à la construction, étant donné que la nouvelle maison devait servir tant de bureau pour le fonctionnement de l’entreprise que de résidence personnelle pour M. et Mme Walde et leurs enfants, l’appelante ainsi que M. et Mme Walde ont toujours eu l’intention de répartir les frais de construction en parts égales. Lorsque les travaux de construction ont été achevés, la famille a emménagé dans la nouvelle maison. Comme prévu, le bureau était utilisé presque exclusivement pour l’entreprise de l’appelante. D’autres parties de la maison, comme la cuisine et le garage, étaient utilisées pour l’entreprise et à des fins personnelles, alors que le reste de la nouvelle maison était réservé à l’usage personnel de la famille. L’intention était aussi que le prêt hypothécaire du constructeur, initialement assumé seulement par l’appelante, soit restructuré, d’une façon ou d’une autre, afin de transférer une partie des obligations du financement aux actionnaires à titre de particuliers.

 

[2]     C’est donc pour cette raison que, après avoir payé toute la TPS[1] pour les factures de construction, l’appelante n’a demandé que 50 % du crédit de taxe sur les intrants (le « CTI »). Pendant ce temps, M. et Mme Walde (à titre de particuliers) ont demandé  un remboursement de TPS/TVH pour habitations neuves de 4 032,71 $. De son côté, l’appelante n’a demandé aucun remboursement.

 

[3]     Dans un avis de cotisation daté du 15 janvier 2007, le ministre a établi une cotisation à l’égard de l’appelante en partant du principe que cette dernière est réputée s’être fournie la nouvelle maison à elle‑même en fonction du paragraphe 191(1) de la Loi sur la taxe d’accise (la « Loi »). Le détail de la cotisation est énoncé dans les hypothèses de fait aux alinéas 5i) à n) de la réponse à l’avis d’appel :

 

[traduction]

 

[…]

 

i)                    l’appelante a transféré la possession de la maison à M. et Mme Walde en décembre 2005;

 

j)                    la juste valeur marchande de la maison, en décembre 2005, était d’au moins 378 137,16 $;

 

k)                  l’appelante est réputée avoir effectué et reçu la fourniture de la maison;  

 

l)                    en ce qui a trait à la fourniture réputée de la maison :

 

(i)                  l’appelante était tenue d’établir elle‑même sa cotisation et de déclarer  un montant de taxe de 26 469,60 $ (378 137,16 x 0,07) et de verser cette taxe au titre de son versement de taxe nette pour la période de déclaration,

(ii)                l’appelante a omis de déclarer la taxe exigée pour la maison;

 

m)                en ce qui a trait aux produits et services acquis pour la construction de la maison :

 

(i)         l’appelante a payé un maximum de taxes de 22 403,92 $,

(ii)        l’appelante a demandé des CTI de 11 201,96 $,

(iii)               le ministre a admis les CTI supplémentaires de 11 201,96 $,

 

(n)        le ministre a accordé à l’appelante un remboursement de la TPS/TVH pour immeubles d’habitation locatifs neufs[2] (le « remboursement ») s’élevant à 6 287,99 $, calculé de la façon suivante :

 

            450 000 $ - 378 137,16 $ x 8 750 $ (maximum admissible) = 6 287,99 $

 100 000 $

[4]     La position de l’intimée est que l’appelante, à titre de « constructeur » d’un « immeuble d’habitation à logement unique », a construit la nouvelle maison finalement habitée par M. et Mme Walde et, par conséquent, est réputée en avoir fait la fourniture à elle‑même en fonction du paragraphe 191(1) de la Loi. L’intimée fait aussi valoir qu’indépendamment de toute entente conclue entre l’appelante et M. et Mme Walde concernant l’utilisation de la nouvelle maison à des fins commerciales et personnelles, les dispositions de la Loi qui s’appliquent ne prévoient rien qui pourrait leur permettre de répartir entre eux les obligations et les droits de l’appelante prévus par la Loi.

 

[5]     J’examine d’abord la Loi. Les parties du paragraphe 191(1) qui s’appliquent prévoient ce qui suit :

 

191.(1) Fourniture à soi‑même d’un immeuble d’habitation à logement unique ou d’un logement en copropriété [traduction] [occupé et loué par le constructeur] Pour l’application de la présente partie, lorsque les conditions suivantes sont réunies :  

a) la construction […] d’un immeuble d’habitation immeuble d’habitation à logement unique […] sont achevées en grande partie,

b) le constructeur de l’immeuble :

(i) soit en transfère la possession ou l’utilisation à une personne aux termes d’un bail, d’une licence ou d’un accord semblable […] conclu en vue de l’occupation de l’immeuble à titre résidentiel,

            […]

c) le constructeur, la personne ou tout particulier qui a conclu avec celle-ci un bail, une licence ou un accord semblable visant l’immeuble est le premier à occuper l’immeuble à titre résidentiel après que les travaux sont achevés en grande partie,

le constructeur est réputé :

d) avoir effectué et reçu, par vente, la fourniture taxable de l’immeuble le jour où les travaux sont achevés en grande partie ou, s’il est postérieur, le jour où la possession ou l’utilisation de l’immeuble est transférée à la personne ou l’immeuble est occupé par lui;

e) avoir payé à titre d’acquéreur et perçu à titre de fournisseur, au dernier en date de ces jours, la taxe relative à la fourniture, calculée sur la juste valeur marchande de l’immeuble ce jour-là. [Non souligné dans l’original.]

 

[6]     Comme l’a souligné le représentant de l’appelante, Rod Perkins, C.A., cette disposition, comme le reste de la Loi, est très complexe, rendant ainsi la tâche assez ardue pour tout contribuable, aussi discipliné soit‑il, d’y déterrer les droits et les obligations qui y sont prévus. M. Perkins a conseillé vivement à la Cour de recourir au sens commun dans son examen de la cause de l’appelante en fonction de ce qui s’est véritablement passé :  l’appelante et M. et Mme Walde (conjointement, à titre de particuliers) ont réparti de façon égale les frais de construction et l’utilisation de la nouvelle maison; ils devraient donc être en mesure de ventiler en conséquence leurs droits et leurs demandes selon la Loi. La simple logique de base ne pèse cependant pas lourd devant ce que la Cour d’appel fédérale a décrit comme étant : « un modèle d’ambiguïté créé par un amas de définitions »[3].

 

[7]     Cet amas commence à l’alinéa 191(1)a). Tous s’entendent sur le fait que la « construction » de la nouvelle maison était « achevée en grande partie ». Il ne reste qu’à trancher la question de savoir si la nouvelle maison était un « immeuble d’habitation » qui est un « immeuble d’habitation à logement unique ». Ces deux termes sont définis au paragraphe 123(1) de la Loi. En bref, un « immeuble d’habitation à logement unique » est un « immeuble d’habitation » qui ne comporte qu’une seule « habitation ». Mais en quoi consiste une « habitation »? Encore une fois au paragraphe 123(1), on apprend qu’une « habitation » signifie notamment, une « maison individuelle » ou « toute partie de [celle]‑ci qui est […] d) destinée à servir à titre résidentiel […] ». Selon la description que Mme Walde a donnée de la nouvelle maison, il s’agit d’une maison individuelle, au sens qu’on donne normalement à ce terme. Il ressort aussi de la preuve qu’il n’y avait aucune partie de la nouvelle maison à laquelle la famille n’avait pas accès. La famille avait aussi accès au bureau (même s’il servait principalement à l’appelante). Dans le même ordre d’idées, le garage contenait des véhicules appartenant à l’appelante ainsi que des articles destinés à l’usage personnel de la famille. Il n’y a rien ici de surprenant ou de répréhensible. Cependant, il s’avère que toute la maison est, dans une certaine mesure, occupée par M. et Mme Walde « à titre résidentiel ». Par conséquent, l’alinéa d) ne s’applique pas et la nouvelle maison doit être traitée entièrement comme une seule « habitation ».  

 

[8]     La nouvelle maison tombe donc sous le coup de l’alinéa a) de la définition d’« immeuble d’habitation », soit « [l]a partie constitutive d’un bâtiment qui comporte au moins une habitation […] » qui, pour les mêmes raisons que celles énoncées ci‑dessus, comprend la totalité de la nouvelle maison[4]. Par conséquent, la nouvelle maison est un « immeuble d’habitation » qui est un « immeuble d’habitation à logement unique » selon l’alinéa 191(1)a) de la disposition concernant la réputée fourniture à soi‑même.

 

[9]     J’examine ensuite la question de savoir si la situation de l’appelante correspond aux critères établis aux alinéas 191(1)b) et c). Aux termes de l’alinéa b), tous conviennent que l’appelante a « trans[féré][5] la possession ou l’utilisation » de la nouvelle maison « en vue de l’occupation de l’immeuble » par M. et Mme Walde « à titre résidentiel ». De même qu’aux termes de l’alinéa c), tous conviennent que M. et Mme Walde étaient les premières personnes à « occuper » la nouvelle maison à titre résidentiel. La seule question qu’il reste à trancher est donc celle de savoir si l’appelante était le « constructeur » de la nouvelle maison.

 

[10]    Afin de trancher cette question, on doit encore une fois s’en remettre au paragraphe 123(1), et particulièrement à la définition de « constructeur » dont les parties qui s’appliquent en l’espèce sont rédigées en ces termes :  

 

« constructeur » Est constructeur d’un immeuble d’habitation […] la personne qui, selon le cas :

a) réalise, elle-même ou par un intermédiaire, à un moment où elle a un droit sur l’immeuble sur lequel l’immeuble d’habitation est situé :

[…]

 

(iii) […] la construction […] de l’immeuble d’habitation;

[...]

 

N’est pas un constructeur :

f) le particulier visé aux alinéas a) […] qui, en dehors du cadre d’une entreprise, d’un projet à risques ou d’une affaire à caractère commercial :

(i) soit construit ou fait construire […]

(ii) soit acquiert l’immeuble ou un droit afférent;

[…]

 

[11]    Donc, comme le précise la citation ci‑dessus, l’alinéa f) exclut de la définition de « constructeur » un « particulier » décrit en détail aux sous‑alinéas (i) et (ii). À titre de société, l’appelante n’est pas une [traduction] « personne naturelle » et, par conséquent, n’est pas un « particulier » (« individual »), comme ce terme est défini au paragraphe 123(1) de la version anglaise de la Loi. Par conséquent, l’alinéa f) n’exclut pas l’appelante de la définition de « constructeur ».

 

[12]    Par contre, l’appelante est une « personne »[6], ce qui fait en sorte qu’elle tombe sous le coup du préambule à la définition de « constructeur ». À titre de propriétaire du fonds de terre sur lequel la nouvelle maison a été construite en 2005, l’appelante a un « droit sur l’immeuble sur lequel [la nouvelle maison] est situé[e] », comme le prévoit l’alinéa a) de la définition. Enfin, l’appelante, par ses directeurs, a réalisé elle‑même ou par un intermédiaire la construction de la nouvelle maison. L’intimée fait valoir que ceci permet d’établir que l’appelante est le « constructeur » de la nouvelle maison et, par conséquent, en application du paragraphe 191(1), est réputée s’être fournie à elle‑même la totalité de la nouvelle maison.

 

[13]    L’appelante soutient que son statut de « constructeur » devrait être restreint, au pro rata, à la partie de la nouvelle maison qui était utilisée à des fins commerciales, partie que l’appelante estimait à 50 %. Toutefois, les observations de l’avocate de l’intimée m’ont convaincue que même si le pourcentage de l’utilisation de la maison à des fins commerciales est exact, les dispositions citées ci‑dessus ne prévoient pas une telle approche. Comme l’appelante n’a pas été en mesure de prouver que la cotisation établie par le ministre allait à l’encontre des dispositions applicables de la Loi, je dois rejeter l’appel. 


 

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de février 2009.

 

 

 

« G.A. Sheridan »

Juge Sheridan

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de mars 2009.

 

 

Hélène Tremblay, traductrice

 

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2009CCI74

 

N° DU DOSSIER DE LA COUR :     2008-2628(GST)I

 

INTITULÉ :                                       ROB WALDE HOLDINGS LTD. ET

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Saskatoon (Saskatchewan)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 9 décembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge G.A. Sheridan

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 6 février 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

Rod F. Perkins

Avocate de l’intimée :

Me Brooke Sittler

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

       Nom :                                        

       Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1] Le ministre a plus tard établi une nouvelle cotisation de 4 924,82 $, plus intérêt et pénalités.

 

[2] Sous‑alinéa 256.2(3)a)(ii) de la Loi sur la taxe d’accise.

[3] Sa Majesté la Reine c. Sneyd, [2000] G.S.T.C. 46 (C.A.F), au paragraphe 2.

 

[4] Sneyd, précité, au paragraphe 11.

 

[5] Au sens juridique du terme. Dans son témoignage, Mme Walde a insisté sur le fait qu’elle et M. Walde avaient payé de façon juste ce qu’ils estimaient être leur part.

 

[6] Paragraphe 123(1) de la Loi.

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