ENTRE :
et
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,
[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]
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Appel entendu le 20 novembre 2008,
à Vancouver (Colombie-Britannique).
Devant : L’honorable juge suppléant D.W. Rowe
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JUGEMENT
Conformément aux motifs du jugement ci‑joints, l’appel est accueilli et la décision du ministre du Revenu national en date du 3 octobre 2007 est modifiée comme suit :
- l’emploi que Brett Caldwell exerçait auprès de Caldwell Industries Co. Ltd. du 5 février 2005 au 31 décembre 2006 n’était pas assurable.
Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 12e jour de février 2009.
Traduction certifiée conforme
ce 31e jour de mars 2009.
Christian Laroche, LL.B.
Réviseur
ENTRE :
CALDWELL INDUSTRIES CO. LTD.,
appelante,
et
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,
intimé.
[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]
MOTIFS DU JUGEMENT
[1] L’appelante a interjeté appel d’une décision rendue par le ministre du Revenu national (le « ministre ») le 3 octobre 2007 conformément au paragraphe 93(3) de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi »), compte tenu des alinéas 5(1)a) et 5(3)b) de la Loi, dans laquelle il a été conclu que l’emploi que Brett Caldwell (« Brett ») exerçait auprès de Caldwell Industries Co. Ltd. (« Industries ») du 5 février 2005 au 31 décembre 2006 était un emploi assurable. Le ministre était convaincu que Brett et Industries auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance.
[2] Robert Caldwell (« M. Caldwell ») a témoigné avoir 68 ans et résider à North Vancouver, en Colombie‑Britannique. Il détient la totalité des actions d’Industries, une entreprise qui fabrique des pigeons d’argile et qui vend du matériel de tir; cette entreprise a été établie par son père en 1946. Industries a été constituée en personne morale en 1960; les actionnaires étaient M. Caldwell et son père, mais le frère de M. Caldwell a par la suite acquis certaines actions. M. Caldwell a déclaré que son père et lui‑même s’occupaient de la conception de l’équipement nécessaire pour produire les pigeons d’argile, qui en fait ne sont pas en argile, mais qui sont composés d’asphalte et de calcaire. Le père de M. Caldwell a participé aux Jeux olympiques de 1956 à titre de membre de l’équipe de tir canadienne. Les pigeons d’argile sont utilisés dans les champs de tir de « trap » et de « skeet » par des organisateurs de tournois dans de nombreux pays. M. Caldwell est un tireur expérimenté; il a expliqué que, bien que les tireurs utilisent dans les deux cas les mêmes pigeons d’argile comme cibles, les pigeons, dans les champs de tir de « skeet », sortent de deux stations, alors que le tireur se tient à l’intérieur d’un cercle, mais que dans les champs de tir de « trap », les pigeons sont lancés depuis cinq stations différentes. En 2001, M. Caldwell a acheté les actions de son frère et il est devenu l’unique propriétaire de la société. Sa femme, Diane, est employée par Industries ainsi que leur fils, Brett, mais une fille, Debbie, ne participe pas aux activités de l’entreprise. En plus de fabriquer et de distribuer des pigeons d’argile, Industries vend des fusils, des munitions, des cibles et des fournitures connexes. L’entreprise emploie neuf travailleurs non liés et elle ferme ses portes pour sept à dix jours pendant les fêtes de fin d’année. Les pigeons d’argile sont fabriqués au printemps et en été et la journée de travail est alors de 12 heures, de 6 à 18 h, mais les heures de travail sont normalement de 7 à 16 h 30. M. Caldwell a déclaré qu’en 2005 et en 2006, la division des ventes en gros chez Industries comptait deux vendeurs, deux adjoints de bureau et un acheteur de produits. La division responsable de la fabrication comptait un opérateur de machine, deux ouvriers et un chauffeur de camion. Les adjoints de bureau, qui exécutaient tous les travaux de secrétariat, fournissaient leurs services aux deux divisions. M. Caldwell a déclaré que, même si le chiffre d’affaires annuel d’Industries au cours de cette période était d’environ 3 millions de dollars, l’entreprise faisait face [traduction] « à des années de vaches maigres » par suite de modifications apportées à la législation fédérale en ce qui concerne l’achat, l’utilisation et l’entreposage de fusils et parce que la valeur accrue du dollar canadien avait un effet défavorable sur les exportations, qui représentaient 65 p. 100 du chiffre d’affaires global de l’entreprise. Les recettes des deux divisions, chez Industries, sont combinées dans les états financiers et dans les déclarations de revenus de la société. M. Caldwell a déclaré que les deux composantes de l’entreprise sont gérées moitié‑moitié par lui‑même et par Brett et que, lorsqu’il s’absente chaque année pendant trois mois en tout afin de conclure des ventes, c’est Brett qui gère les activités quotidiennes de l’entreprise. Il arrive parfois que M. Caldwell s’absente pendant six semaines et, pendant la période pertinente, il était absent pendant environ 25 p. 100 du temps. Brett a 47 ans et il a commencé à travailler pour Industries, pendant l’été, lorsqu’il fréquentait encore l’école secondaire; il a commencé à travailler à plein temps pour l’entreprise lorsqu’il avait 18 ans, après avoir obtenu son diplôme, de sorte qu’Industries a été son seul employeur. M. Caldwell veut prendre sa semi‑retraite dans les deux ou trois prochaines années et se retirer complètement d’ici cinq ans; dans l’intervalle, Brett assumera la gestion de l’entreprise dans son ensemble. M. Caldwell a déclaré que Brett était [traduction] « traité comme un fils, plus qu’autre chose ». M. Caldwell a déclaré que lorsque Brett et lui‑même sont tous deux au lieu de travail, ils partagent la gestion quotidienne et que Brett est pleinement autorisé à embaucher et à congédier les travailleurs. M. Caldwell a dit que Brett était un « bricoleur » dont la gamme de tâches l’obligeait à arriver à 7 h afin de s’assurer que la machinerie et l’équipement fonctionnent bien. Brett restait sur les lieux jusqu’à 16 h 30 ou 17 h, période pendant laquelle il supervisait également les besoins pour ce qui est du transport en camion, les relations avec la clientèle et les autres problèmes qui se posaient au cours de la journée. M. Caldwell a déclaré que, pendant la période pertinente, il n’y avait aucun aspect de l’entreprise auquel Brett ne participait pas, et que Brett accomplissait notamment de simples tâches, par exemple, en balayant les lieux ou en effectuant les livraisons. M. Caldwell estimait que la composante « fabrication » de l’entreprise occupait environ 60 p. 100 du temps de Brett. M. Caldwell et Brett s’occupaient tous deux des opérations bancaires et chacun pouvait signer seul, pour ce qui est du compte bancaire de la société. Les employés non liés d’Industries n’étaient pas syndiqués; Industries fixait le montant de leur rémunération en fonction d’un tarif. M. Caldwell a déclaré que le chauffeur de camion touchait un salaire annuel de 58 000 $ et que le machiniste, qui était rémunéré à l’heure, gagnait environ 40 000 $ l’an. Le personnel des ventes et l’acheteur gagnaient environ 50 000 $ par année et les adjoints de bureau étaient rémunérés à l’heure. Brett touchait un salaire de base annuel de 58 000 $. Le personnel affecté aux ventes travaillait huit heures par jour dans les locaux réservés à la vente, et il n’était pas tenu d’effectuer des ventes à l’extérieur. Le chauffeur de camion devait travailler de longues heures lorsqu’il transportait le produit chez les clients, dans diverses régions ou dans diverses provinces. Tous les employés d’Industries prenaient des pauses‑repas. M. Caldwell a déclaré que Brett travaillait de 55 à 60 heures par semaine, et qu’il arrivait qu’il effectue des journées de 12 heures et qu’il travaille pendant la fin de semaine, de sorte que sa semaine de travail était de 65 heures en tout. De l’avis de M. Caldwell, la rémunération de Brett n’était pas assez élevée en 2005 et en 2006, mais le salaire de Brett, comme le sien, avait été réduit parce que les recettes et bénéfices de l’entreprise avaient baissé. M. Caldwell estimait, compte tenu de ses 51 années d’expérience, qu’il faudrait qu’Industries paie environ 100 000 $ par année pour remplacer Brett. La solution de rechange consistait à partager les tâches de Brett en deux, à embaucher deux personnes et à leur verser chacune une rémunération correspondant à peu près à celle que Brett touchait. Le processus d’embauchage exigeait que l’on fasse de la publicité en vue d’attirer des candidats, et que l’on procède ensuite à des entrevues avec les candidats. M. Caldwell a déclaré que si Brett décidait de quitter son emploi, l’entreprise fermerait probablement ses portes même si le seul autre fabricant de pigeons d’argile était établi à Hamilton (Ontario). Industries vendait également en gros des fusils et des munitions ainsi que des fournitures connexes à des magasins de détail. M. Caldwell a déclaré que même si Industries avait émis en faveur de Brett un chèque de paie additionnel, au montant habituel des chèques qui étaient remis à la quinzaine, une ou deux fois au cours de la période pertinente, cela n’indemnisait pas complètement Brett de la charge de travail accomplie et que la rétribution supplémentaire était uniquement versée si la société avait à sa disposition suffisamment de fonds. En 2005 et en 2006, il est arrivé que Brett n’encaisse pas son chèque de paie pendant une brève période, tant que le flux de trésorerie d’Industries ne s’améliorait pas, et ce, même s’il n’était pas nécessaire pour Brett de le faire. Les chèques de paie étaient émis en faveur de tous les employés les 15 et 30 de chaque mois, sauf au mois de février. M. Caldwell a déclaré que Brett pouvait aller et venir à sa guise et qu’il avait toute latitude [traduction] « pour agir comme il l’entendait » au cours de la période pertinente. Un téléphone cellulaire (le « téléphone cellulaire ») était fourni à Brett, ainsi qu’une carte de crédit de la société que Brett pouvait utiliser à sa discrétion pour tous les besoins de l’entreprise. Une carte de crédit avait été fournie au chauffeur de camion d’Industries pour lui permettre d’acheter de l’essence lorsqu’il voyageait et transportait le produit chez les clients. Quant aux congés de maladie, les employés rémunérés à l’heure n’étaient pas indemnisés s’ils s’absentaient, mais les travailleurs salariés qui s’absentaient pour cause de maladie étaient rémunérés. M. Caldwell a déclaré que Brett manquait rarement une journée de travail et qu’il se présentait au travail même s’il ne se sentait pas bien à cause d’un rhume ou d’une autre maladie. M. Caldwell et Brett avaient discuté de la question des vacances, mais Brett pouvait à son gré prendre des congés ou des vacances lorsqu’il le voulait. Brett vivait à une quinzaine de minutes des locaux de l’entreprise et c’était lui qui avait été désigné pour répondre aux appels urgents et intervenir en cas d’alerte. À moins d’être en vacances à l’extérieur de la ville, Brett était disponible pendant la fin de semaine et pendant les jours de congés pour répondre à tout problème qui se posait, chez Industries, ces problèmes se rapportant souvent au fonctionnement de la machinerie. M. Caldwell possédait un téléphone cellulaire et Brett pouvait communiquer avec lui, s’il le voulait. On faisait au besoin appel à des électriciens pour qu’ils exécutent certains travaux, mais M. Caldwell et Brett pouvaient tous deux effectuer des travaux de soudage et savaient utiliser un tour. Les heures de travail des employés non liés et leurs vacances étaient enregistrées, mais aucun document n’était établi pour les heures de travail et les vacances de Brett. On accordait des congés au chauffeur de camion, M. Pye, à la place d’une prime d’heures supplémentaires. M. Caldwell a déclaré qu’il n’avait pas transféré d’actions d’Industries à Brett, mais que sa sœur, Debbie, et lui détenaient des actions d’une société de portefeuille qui possédait deux bâtiments dans lesquels était située l’entreprise et qu’ils recevaient un loyer d’Industries. De l’avis de M. Caldwell, une personne non liée accomplissant des tâches similaires à celles que Brett exécutait au cours de la période pertinente aurait reçu 100 000 $ ou près de 100 000 $ par année. M. Caldwell a également déclaré qu’une personne non liée exerçant ces fonctions n’aurait pas été autorisée à signer seule à l’égard du compte bancaire de la société. M. Caldwell a déclaré qu’il ne pouvait pas imaginer un cas dans lequel il congédierait Brett ou le licencierait.
[3] M. Caldwell a été contre‑interrogé par l’avocat de l’intimé. M. Caldwell a relaté une conversation téléphonique qu’il avait eue avec un agent des décisions au mois de juin 2007 et il a déclaré qu’il avait parlé à un représentant de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») le 27 septembre 2007. Il se rappelait également avoir signé un questionnaire, pièce R‑1, qui avait été envoyé à un agent des appels. M. Caldwell a déclaré que le document avait été préparé pour son compte par Grants International Inc., une entité qui déclare être [traduction] « spécialiste des remboursements en matière d’assurance‑emploi ». M. Caldwell a déclaré que le questionnaire renfermait énormément de détails et qu’il ne savait pas trop dans quelle mesure il avait prêté attention à son contenu avant de le signer et qu’il ne se souvenait pas non plus exactement d’avoir lu le passage, page 8, du questionnaire sous le titre : [traduction] « Formulaire d’attestation ». M. Caldwell a déclaré que, bien que le titre du poste occupé par Brett soit désigné comme étant celui de [traduction] « contremaître », au numéro 3 du questionnaire, il était en fait directeur général d’Industries au cours de la période pertinente. M. Caldwell a déclaré que Brett embauchait et congédiait les ouvriers et qu’il embauchait les employés pour combler les postes vacants sans le consulter. À son avis, imaginer un scénario selon lequel Brett effectuerait, sans lui en parler, un changement majeur dans l’exploitation de l’entreprise n’était qu’une pure hypothèse. Brett allait souvent chercher les pièces au besoin – tous les jours ou plusieurs fois au cours d’une semaine – à certains endroits, à Vancouver où à Langley, une municipalité de la vallée du bas Fraser. M. Caldwell a reconnu que l’on s’attendait à ce que tous les employés gardent les lieux propres, et ce, que ce soit dans les locaux réservés à la fabrication ou aux ventes ou encore là où étaient les bureaux. M. Caldwell a déclaré qu’Industries avait versé à Brett un salaire mensuel pendant 25 ans et que ce salaire était censément basé sur une semaine de 40 heures, mais que Brett avait toujours effectué un plus grand nombre d’heures, en particulier en 2005 et en 2006. Les heures de travail des autres employés salariés n’étaient pas consignées et il arrivait parfois que le chauffeur de camion parte au milieu de la nuit pour effectuer les livraisons. Aucun contrat de travail n’avait été conclu par écrit entre Brett et Industries. M. Caldwell convenait, comme il en était fait mention à l’alinéa 5a) du questionnaire, que le salaire de Brett était de 4 800 $ par mois, ce qui correspondait à 57 600 $ par année, mais il croyait qu’au cours de la période pertinente, le salaire avait été légèrement inférieur, et ce, pour les raisons qu’il avait déjà données dans son témoignage. Lorsque Brett avait commencé à travailler pour Industries, M. Caldwell et son frère avaient fixé le montant de sa rémunération, et ce montant avait augmenté au fil des ans; Brett était régulièrement rémunéré, comme les autres employés. Lorsque Brett a assumé les fonctions de directeur général, M. Caldwell a fixé le montant de sa rémunération après avoir consulté son frère, qui détenait des actions d’Industries jusqu’en 2001. Les chèques de paie additionnels émis en facteur de Brett en 2005 et en 2006 visaient à tenir compte du fait que celui‑ci acceptait une charge exceptionnelle par suite de diverses fonctions de gestion. Il existait chez Industries un régime d’avantages sociaux auquel les employés participaient. En ce qui concerne la question numéro 6b) du questionnaire, se rapportant aux heures de travail, M. Caldwell a reconnu que la réponse donnée était la suivante : [traduction] « Brett travaille habituellement du lundi au vendredi, à compter de 10 h, et il reste généralement sur les lieux jusqu’à environ 20 h, quoique l’heure de son départ dépende du travail à accomplir. De plus, Brett travaille parfois le samedi si, à cause de la quantité de travail, il faut effectuer des heures de travail additionnelles. » M. Caldwell a déclaré que la réponse est exacte étant donné qu’elle se rapportait aux périodes au cours desquelles les activités de fabrication allaient bon train, qu’il était également sur les lieux et qu’il était prêt à arriver à 7 h, de façon à partager les quarts de travail avec Brett. En pareil cas, Brett arrivait plus tard. Lorsque la machinerie fonctionnait, Brett ou lui‑même restait toujours sur les lieux, et ils déjeunaient ensemble ailleurs qu’au lieu de travail uniquement lorsqu’il n’y avait aucune activité de fabrication. Pendant les périodes de grande activité, Brett travaillait presque tous les samedis; quant aux opérateurs de machines et aux ouvriers rémunérés à l’heure, ils effectuaient un quart de travail de quatre heures. Il arrivait parfois que l’acheteur de produits se présente au travail le samedi et qu’il se voie accorder un congé à la place d’une prime d’heures supplémentaires. M. Caldwell souscrivait à la réponse donnée à la question 5e) du questionnaire, à savoir que Brett avait droit à trois semaines de vacances payées et qu’il y avait certaines années où il prenait des congés additionnels qui n’étaient pas enregistrés et pour lesquels il touchait son salaire régulier. M. Caldwell a déclaré qu’il espérait que Brett prenne la relève et qu’il conserve l’entreprise dans la famille. À son avis, il serait fort difficile de trouver un acheteur; en effet, il avait essayé d’en trouver un en 2001, lorsque son frère avait décidé de prendre sa retraite et aucun intéressé sérieux n’avait répondu. M. Caldwell a déclaré être au courant de ce qu’il en coûterait probablement à Industries pour remplacer Brett et, selon lui, son estimation, à savoir un salaire annuel probable de 100 000 $, plus une voiture de fonction, une carte de crédit pour les dépenses et d’autres à‑côté similaires, est raisonnable. À son avis, le remplaçant ne jouirait pas du même degré de confiance que Brett et il devrait travailler aussi fort que Brett ou répartir certaines tâches entre d’autres employés. M. Caldwell a déclaré qu’il considérait Brett comme un fils et un associé même si ce dernier ne détenait pas d’actions dans Industries et même s’il n’avait pas non plus conclu de convention d’option d’achat d’actions en tant que partie intégrante de sa rémunération globale.
[4] L’appelante a déclaré sa preuve close.
[5] Eleonor Sausa-Gofredo (« Mme Sausa‑Gofredo ») a témoigné qu’elle travaillait à l’ARC depuis 18 ans et que, depuis dix ans, elle était agente des appels, AE‑RPC. Elle a déclaré que le dossier d’Industries lui avait été assigné le 25 septembre 2007 et que, dans l’exercice de ses fonctions, elle devait examiner les faits, analyser la situation et préparer une recommandation à l’intention du ministre. Après avoir examiné le questionnaire, pièce R‑1, elle a eu une entrevue téléphonique avec Brett, le 26 septembre, et avec M. Caldwell le lendemain; elle avait ce document entre les mains au cours de ces entrevues. Elle avait rédigé les questions à l’avance et elle avait noté les conversations et avait inscrit ces renseignements dans son CPT 110 – Rapport sur un appel (le « rapport »), pièce R‑2, dans lequel elle concluait qu’au cours de la période pertinente, Brett exerçait un emploi assurable auprès d’Industries. Mme Sausa‑Gofredo a déclaré qu’elle savait que M. Caldwell était l’unique actionnaire d’Industries et qu’au cours de l’entrevue qu’elle avait eue avec Brett, celui‑ci avait déclaré être directeur. Dans le questionnaire, Brett était désigné à titre de contremaître non supervisé, qui était autorisé à embaucher et à congédier les employés et qui était autorisé à signer seul à l’égard du compte bancaire d’Industries. Au cours de la période pertinente, le salaire de Brett était de 4 800 $ par mois et Brett n’avait pas engagé de capitaux dans Industries et il n’avait pas prêté d’argent à Industries ou encore n’avait assumé aucune responsabilité personnelle à l’égard des dettes que la société aurait contractées dans le cadre de l’exploitation de l’entreprise. Mme Sausa‑Gofredo a déclaré qu’il n’était pas nécessaire de comparer le salaire de Brett avec celui d’autres employés non liés, en sus de ce qui était déclaré dans le questionnaire, à savoir que les salaires variaient de 11 $ l’heure à 5 000 $ par mois. Selon les renseignements figurant dans un imprimé, pièce R‑3, Brett avait touché 63 607 $ en 2005 et 63 645 $ en 2007, soit plus que M. Caldwell, et il était l’employé le mieux rémunéré chez Industries. Comme il en est fait mention dans le rapport, les feuillets T‑4 qu’Industries avait fournis à l’ARC indiquaient que Brett avait gagné 83 590 $ en 2003 et 77 341 $ en 2004. Mme Sausa‑Gofredo ne considérait pas la réduction de rémunération, au cours de la période pertinente, comme un facteur important lorsqu’elle avait préparé le rapport, mais elle avait accédé à un site Web dans lequel des renseignements étaient fournis au sujet du marché du travail. En comparant les rémunérations, elle avait supposé qu’une semaine de 40 heures était la norme et elle avait conclu que Brett gagnait 28,70 $ l’heure. Selon l’évaluation qu’elle avait faite des renseignements figurant sur le site Web, la rémunération moyenne des directeurs de la fabrication était de l’ordre de 16 $ à 37,50 $ l’heure, et la moyenne était de 24,31 $. Mme Sausa‑Gofredo a affirmé avoir tenu compte du fait que Brett avait droit à trois semaines de vacances et qu’il pouvait prendre trois ou quatre jours additionnels de congé payé. Elle estimait que la gratification d’environ 4 000 $ était attribuable aux heures de travail additionnelles et elle savait que les employés non liés ne touchaient aucune rémunération sauf leur traitement ou leur salaire régulier. Mme Sausa‑Gofredo estimait qu’il était raisonnable pour Brett de bénéficier d’un véhicule de la fonction, d’un téléphone cellulaire et d’une carte de crédit, compte tenu de ses responsabilités de directeur, étant donné en particulier qu’il avait déclaré, au cours de l’entrevue téléphonique, qu’il les utilisait uniquement dans le cadre de l’exploitation de l’entreprise. En ce qui concerne son évaluation des circonstances, le montant de la rétribution, les modalités de paiement et la fréquence des paiements étaient raisonnablement comparables aux conditions qu’accepteraient des personnes n’ayant aucun lien de dépendance avec Industries. Mme Sausa‑Gofredo a déclaré savoir que Brett travaillait parfois pendant la fin de semaine. À son avis, Brett travaillait pour Industries depuis 1979 et il était normal, pour quelqu’un qui exerçait un poste de direction, d’effectuer de longues heures pendant qu’il assumait diverses responsabilités et que, comme il en était fait mention dans le questionnaire, la rémunération de Brett avait augmenté au fur et à mesure qu’il assumait de plus en plus de responsabilités. Le travail effectué par Brett faisait partie intégrante de l’entreprise, qui était exploitée toute l’année durant, et ce travail était nécessaire, indépendamment de la relation existant entre les parties.
[6] Lorsqu’elle a été contre‑interrogée par l’avocat de l’appelante, Mme Sausa‑Gofredo a reconnu qu’elle ne s’était pas arrêtée à la question de la réduction du salaire versé à Brett de l’année 2004 à l’année 2008 inclusivement, comparativement à sa rétribution de 83 590 $ en 2003. L’enquête sur les circonstances afférentes à l’emploi de Brett avait été déclenchée par la demande qui avait été présentée pour le compte d’Industries en vue du remboursement de cotisations d’assurance‑emploi (« A‑E ») versées à l’égard de l’emploi de Brett. Le questionnaire avait été envoyé de la façon habituelle, avant que le dossier lui soit assigné. Mme Sausa‑Gofredo a déclaré avoir examiné le dossier préparé par l’agent des décisions, mais avoir procédé à sa propre enquête et à sa propre analyse et qu’en sa qualité d’agente des appels, elle avait la faculté d’arriver à une conclusion différente en préparant une recommandation à l’intention du ministre. Mme Sausa‑Gofredo a relaté avoir téléphoné à Brett pendant la journée de travail, au numéro de téléphone inscrit dans le questionnaire; elle a déclaré que la conversation avait été passablement brève parce que le document renfermait suffisamment de détails. Elle estimait que les conversations qu’elles avaient eues avec M. Caldwell et avec Brett avaient au plus duré de 15 à 20 minutes en tout. Elle a déclaré qu’en pratique, les agents d’appels ne se rendent pas au lieu d’affaires du payeur. Elle savait que les heures de travail changeaient en fonction des circonstances, et Brett l’avait informée qu’il gérait toutes les activités d’Industries, notamment lorsque M. Caldwell s’absentait, mais elle ne savait pas s’il s’absentait souvent. Mme Sausa‑Gofredo a reconnu n’avoir parlé ni avec M. Caldwell ni avec Brett de la question de savoir s’ils considéraient la rétribution versée à Brett comme raisonnable, ni de la raison pour laquelle la rétribution avait été réduite d’un montant de près de 6 000 $ en 2004 et d’un montant de près de 20 000 $ en 2005, et également en 2006. Au cours de l’entrevue téléphonique, M. Caldwell a informé Mme Sausa‑Gofredo que, si Brett cessait de travailler pour Industries, il se verrait obligé d’embaucher deux personnes pour accomplir le même travail, mais il n’avait pas été question de ce qu’il en coûterait à Industries. Mme Sausa‑Gofredo a déclaré ne pas avoir été au courant de la situation financière d’Industries au cours de la période pertinente, mais que Brett l’avait informée qu’il travaillait une cinquantaine d’heures par semaine. Toutefois, Mme Sausa‑Gofredo a fondé ses calculs, aux fins de la comparaison, sur une semaine de 40 heures et on ne lui avait pas dit que des employés salariés non liés, chez Industries, pouvaient prendre des congés au lieu de toucher une prime d’heures supplémentaires. Mme Sausa‑Gofredo a reconnu que, pendant la période pertinente, Brett avait peut‑être effectué jusqu’à mille heures de plus qu’un employé dont la semaine de travail était de 40 heures. Mme Sausa‑Gofredo a déclaré ne pas connaître les détails et ne pas être au courant de l’étendue du travail accompli par Brett pendant la fin de semaine; elle avait tenu compte des renseignements fournis dans le questionnaire sur ce point, mais elle n’avait pas enquêté plus à fond. Elle savait que Brett pouvait aller et venir à sa guise et qu’il n’était pas supervisé. Elle n’avait pas demandé à M. Caldwell si un travailleur non lié qui accomplissait le travail de Brett aurait eu droit à un véhicule de la fonction, à un téléphone cellulaire et à une carte de crédit. Elle avait été informée que M. Caldwell ou Brett, ou les deux, devaient en tout temps être présents dans les locaux d’Industries, mais elle ne savait pas que lorsque Brett était à North Vancouver et qu’il n’était pas en vacances, il agissait comme intervenant permanent en attente au cas où il devait être présent sur les lieux par suite d’un appel, d’une alerte ou de certains événements.
[7] L’avocat de l’appelante a fait valoir que, compte tenu des faits qui sont ressortis à l’instruction, les circonstances de l’emploi de Brett auprès d’Industries étaient mieux connues. Le ministre n’avait pas pris en considération certains facteurs importants, à savoir les raisons pour lesquelles, au cours de la période pertinente, il y avait eu une réduction importante du salaire de Brett, de près de 20 000 $ par année, comparativement à la rétribution que celui‑ci avait reçue en 2003 et en 2004. Cette réduction était attribuable à la baisse des recettes annuelles d’Industries et au fait que Brett avait accepté un salaire moins élevé dans l’intérêt de la société familiale, pour laquelle il travaillait à plein temps depuis 27 ans. Aux dires de l’avocat, la preuve démontrait que le ministre ne s’était pas bien rendu compte de l’étendue des fonctions exercées par Brett et de la gamme de responsabilités qu’il assumait, non seulement au cours de sa semaine de travail, qui excédait la norme de près de 50 p. 100, mais aussi pendant la fin de semaine et pendant les jours fériés, lorsqu’il n’était pas absent. L’avocat a signalé le salaire versé au chauffeur de camion, M. Pye, lequel était légèrement inférieur à 58 374 $ en 2005 et en 2006, ainsi que la preuve selon laquelle le chauffeur et d’autres employés salariés non liés se voyaient accorder des congés à la place d’une prime d’heures supplémentaires. L’avocat a fait valoir que la durée de l’emploi était exceptionnelle et que l’emploi n’aurait probablement pas duré aussi longtemps dans le cas de personnes non liées, étant donné en particulier le rôle spécial qu’avait Brett, lequel faisait partie intégrante de l’existence continue de l’entreprise d’Industries. L’avocat a soutenu que, même si, avant de rendre sa décision, le ministre n’avait pas pleinement connaissance des faits, la preuve exigeait que la Cour intervienne et procède à une analyse de la preuve, qui montrerait que la décision du ministre ne devait pas être confirmée.
[8] L’avocat de l’intimé a affirmé que l’agente des appels avait examiné les faits de la façon appropriée et qu’elle avait soupesé correctement les divers indices découlant des circonstances dans leur ensemble. L’avocat a mentionné plusieurs cas, dans la preuve, dans lesquels Brett était traité comme les autres employés, notamment en ce qui concerne les modalités de rémunération et la régularité avec laquelle cette rémunération était versée, ainsi que le fait que Brett participait au régime d’assurance maladie et d’assurance de soins dentaires des employés. L’avocat a soutenu qu’il n’était pas inhabituel pour un employé non lié qui avait fourni pendant bien des années de bons services d’être promu à un poste de direction comportant d’importantes responsabilités et de se voir offrir un véhicule de fonction ainsi qu’un téléphone cellulaire et une carte de crédit de l’entreprise. Selon la façon dont l’avocat considérait les circonstances, les heures de travail additionnelles n’étaient pas anormales et l’acceptation d’une baisse de salaire à un moment où les rentrées de fonds annuelles d’Industries étaient moindres ne sortait pas de l’ordinaire dans le contexte de cette entreprise unique en son genre. Brett n’avait pas engagé de capitaux dans Industries et il ne courait aucun risque à l’égard de quelque emprunt ou de quelque dette. L’avocat a affirmé que la planification successorale à laquelle M. Caldwell avait procédé n’était pas liée à la relation de travail existant entre Brett et Industries parce que Brett et sa sœur avaient tous deux reçu des actions de la société de portefeuille, créée par M. Caldwell, qui possédait le bâtiment commercial loué à Industries, mais que la sœur de Brett n’avait jamais travaillé pour Industries. L’avocat a soutenu que la décision du ministre devait être confirmée et que l’appel devait être rejeté.
[9] Les hypothèses du ministre figurant dans la réponse à l’avis d’appel (la « réponse ») que l’appelante a, en totalité ou en partie, contestées sont les suivantes :
[traduction]
[...]
e) Robert Caldwell gère les activités commerciales quotidiennes de l’appelante;
[...]
h) au cours de la période pertinente, le travailleur gérait l’usine de fabrication de pigeons d’argile de l’appelante;
i) les fonctions du travailleur consistaient à embaucher, à former, à superviser et à congédier les employés (les « fonctions ») qui travaillaient dans l’usine de fabrication de l’appelante;
j) en plus de ses fonctions, le travailleur assurait la gestion quotidienne de l’entreprise de l’appelante lorsque Robert Caldwell était absent;
[...]
n) au cours de la période pertinente, le taux de rémunération du travailleur était semblable à celui que l’appelante aurait payé dans le cas d’un employé non lié exécutant des fonctions de gestion similaires;
o) en plus de son salaire régulier, le travailleur recevait des gratifications de l’appelante pour les heures additionnelles effectuées;
[...]
r) l’appelante aurait fourni un téléphone cellulaire, un véhicule et une carte de crédit à tout employé non lié exerçant des fonctions de gestion similaires;
[...]
t) le travailleur était autorisé à signer à l’égard du compte bancaire de l’appelante, de façon à pouvoir exercer ses fonctions de gestion lorsque Robert Caldwell n’était pas disponible;
[...]
x) le travailleur était tenu d’aviser l’appelante s’il s’absentait du travail.
[10] Les dispositions pertinentes de la Loi sont les alinéas 5(1)a) et 5(2)i) ainsi que le paragraphe 5(3), qui sont libellés comme suit :
5. (1) Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable :
a) l’emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d’un contrat de louage de services ou d’apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l’employé reçoive sa rémunération de l’employeur ou d’une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;
[...]
(2) N’est pas un emploi assurable :
[...]
i) l’emploi dans le cadre duquel l’employeur et l’employé ont entre eux un lien de dépendance.
(3) Pour l’application de l’alinéa (2)i) :
a) la question de savoir si des personnes ont entre elles un lien de dépendance est déterminée conformément à la Loi de l’impôt sur le revenu;
b) l’employeur et l’employé, lorsqu’ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu’il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, qu’ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance.
[11] Dans l’arrêt Quigley Electric Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national—M.R.N.), [2003] A.C.F. no 1789; 2003 CAF 461 (C.A.F.), la Cour d’appel fédérale entendait une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par un juge de la Cour canadienne de l’impôt, confirmant la décision du ministre selon laquelle l’emploi que la travailleuse exerçait auprès d’un employeur lié n’était pas assurable. Le juge Malone, au nom de la cour, a dit ce qui suit, paragraphe 7 et suiv. :
7 Il est également allégué que le juge a commis une erreur de droit en n'appliquant pas le critère juridique énoncé dans les arrêts Légaré c. Canada (Ministre du Revenu national) (1999) 246 N.R. 176 (C.A.F.) et Pérusse c. Canada (2000) 261 N.R. 150 (C.A.F.). Ce critère consiste à déterminer si, compte tenu de l'ensemble de la preuve, la décision du ministre était raisonnable.
8 Plus précisément, il est allégué que le juge a limité la portée de sa fonction de contrôle lorsque, après avoir conclu que le ministre ne disposait manifestement pas de tous les faits, il a déclaré ce qui suit :
[traduction] […] Cela ne veut pas dire que, à la suite de l'examen de nouveaux renseignements, je ne peux conclure que le ministre n'avait pas, après tout, toute l'information nécessaire pour exercer son mandat, comme il l'a fait, sans mon intervention. Cela veut tout simplement dire que j'ai conclu que les nouveaux facteurs, qui n'ont pas été examinés, ne sont pas pertinents.
9 Selon la demanderesse, il ne s'agit pas de savoir si le ministre disposait d'assez de renseignements pour rendre une décision, malgré le témoignage de Mme Quigley; il s'agissait plutôt de savoir, compte tenu de l'ensemble de la preuve, si la décision du ministre semblait toujours raisonnable. Au contraire, la demanderesse affirme que le juge a effectué un examen non pertinent en tentant de savoir si Mme Quigley était une « patronne » ou une « subalterne » chez Quigley Electric Ltd.
10 Selon mon analyse, le juge a correctement suivi l'approche retenue par la Cour dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Jencan Ltd., [1998] 1 C.F. 187 (C.A.), notamment que la décision résultant de l'exercice par le ministre du pouvoir discrétionnaire prévu à l'alinéa 5(3)b) ne peut être modifiée que s'il a agi de mauvaise foi, a omis de tenir compte de l'ensemble des circonstances pertinentes ou a tenu compte d'un facteur non pertinent.
11 Il n'y a pas eu mauvaise foi de la part du ministre en l'espèce.
12 Bien que les motifs de la décision soient longs, il est clair que le juge a analysé le témoignage de Jean Quigley à la lumière de l'alinéa 5(3)b), à savoir, notamment, si, compte tenu de l'ensemble de circonstances de l'emploi, notamment la rétribution versée, les modalités de l'emploi ainsi que la durée, la nature et l'importance du travail accompli, l'employeur et l'employée auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu de lien de dépendance. Après avoir examiné d'autres décisions rendues par la Cour de l'impôt, le juge a rejeté toute idée que Mme Quigley puisse être qualifiée de « patronne » chez Quigley Electric Ltd., puis il a rejeté les exemples qu'elle a donnés pour tenter de démontrer que le traitement spécial dont elle jouissait au sein de la société était dû à la relation personnelle qu'elle entretenait avec l'actionnaire majoritaire et non pas à son contrat d'emploi.
13 Il a conclu en affirmant que les facteurs dont le ministre avait tenu compte, facteurs qu'il avait exposés précédemment dans ses motifs, étaient les facteurs pertinents dont il devait tenir compte pour sa propre décision. Cela, dans le contexte de la présente affaire, ne peut que signifier que la décision du ministre était raisonnable compte tenu de l'ensemble de la preuve. Je ne vois aucune erreur de droit dans la présente analyse ou conclusion.
14 Je suis d'avis de rejeter la demande de contrôle judiciaire avec dépens.
[12] J’examinerai maintenant les faits de l’espèce. Le ministre n’avait pas entièrement raison de supposer que M. Caldwell gérait les activités commerciales quotidiennes d’Industries et que Brett exerçait ces fonctions de gestion lorsque M. Caldwell était absent. La preuve montre clairement qu’au cours de la période pertinente, M. Caldwell et Brett agissaient à titre de codirecteurs et que Brett avait pleins pouvoirs à l’égard de tous les aspects de l’entreprise dans son ensemble, mais qu’il était l’unique responsable lorsque M. Caldwell s’absentait chaque année jusqu’à trois mois. Le ministre a supposé que la rétribution versée à Brett était semblable à ce qu’Industries aurait versé à un employé non lié exerçant des fonctions de gestion similaires. L’agente des appels s’est fondée sur le fait que Brett agissait uniquement comme directeur de la fabrication et qu’il travaillait 40 heures par semaine. Elle a déterminé le salaire qui serait raisonnable, au taux horaire moyen de 28,70 $ dans l’industrie de la fabrication. La preuve établissait qu’au cours de la période pertinente, Brett travaillait en moyenne 55 heures par semaine et qu’il assumait une vaste gamme de fonctions en sus de celles d’un directeur responsable d’une section de fabrication ou d’une opération d’assemblage. La fabrication des pigeons d’argile constituait une partie importante des fonctions de Brett, mais Brett avait également d’autres responsabilités dans le cadre de l’exploitation de l’entreprise dans son ensemble; il s’occupait notamment d’envoyer les marchandises par camion, de superviser les vendeurs et le personnel de bureau, de faire les livraisons, d’aller chercher les pièces, d’effectuer les opérations bancaires et de traiter toutes les questions se rattachant au personnel. Dans son rapport, Mme Sausa‑Gofredo a reconnu ces fonctions additionnelles, mais elle n’en a pas bien tenu compte en calculant un taux de rémunération comparable et elle a décidé d’utiliser le poste de directeur de la fabrication aux fins de la comparaison. Selon la preuve présentée par M. Caldwell, la rétribution versée à Brett en 2005 et en 2006 était inadéquate, compte tenu du nombre d’heures travaillées, des fonctions exercées et des responsabilités assumées. À son avis, compte tenu de ses 50 années d’expérience dans une entreprise peu commune, pour laquelle il n’y a qu’un seul autre concurrent au Canada, Industries se verrait obligée d’embaucher deux personnes afin d’exercer les fonctions de Brett, ou elle devrait offrir un salaire d’environ 100 000 $, plus certains avantages, à toute personne qui serait prête à assumer ce rôle. M. Caldwell reconnaissait que Brett avait reçu environ 6 000 $ de rémunération additionnelle chaque année en 2005 et en 2006, mais il estimait que cette rétribution était inadéquate, pour les mille heures et plus de travail additionnel que celui‑ci avait effectuées chaque année, sans parler du fait qu’il était en attente toutes les fins de semaine et pendant les jours de congé lorsqu’il était à North Vancouver. M. Caldwell a témoigné qu’un directeur général non lié ne serait pas autorisé à signer seul à l’égard du compte bancaire d’Industries et qu’il n’obtiendrait probablement pas de carte de crédit de l’entreprise. Le ministre a supposé que Brett avait un pouvoir de signature à l’égard du compte bancaire de l’entreprise en vue de pouvoir s’acquitter de ses fonctions de gestion pendant les périodes où M. Caldwell n’était pas disponible. Cela n’est pas exact et cela montre que le ministre estimait que les fonctions de gestion de Brett étaient des fonctions accessoires ou des fonctions secondaires et que Brett assumait des responsabilités complètes en matière de gestion uniquement pendant les absences de M. Caldwell. M. Caldwell a déclaré que la relation qu’il entretenait avec Brett était celle qu’avait un père avec son fils ou qu’il s’agissait d’une relation entre associés, et ce, même si Brett n’avait aucun intérêt direct dans Industries, plutôt qu’une relation telle que celle qui existerait avec le président ou avec un cadre supérieur de l’entreprise. Le ministre a supposé que Brett était tenu d’aviser M. Caldwell s’il s’absentait du travail. La preuve montre clairement que la relation de travail existant entre M. Caldwell et Brett était telle que chacun donnait un avis à l’autre, de façon à assurer l’exploitation efficace de l’entreprise, mais que Brett était libre de décider de ses propres congés et qu’il pouvait les prolonger de quelques jours ou prendre un congé, à son gré. C’était M. Caldwell ou Brett qui décidait des congés des employés non liés, peu importe que ceux‑ci soient rémunérés à l’heure ou qu’ils touchent un salaire.
[13] Dans la décision Birkland c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.,), [2005] A.C.I. no 195; 2005 CCI 291, le juge Bowie a résumé la jurisprudence et il a fait les remarques suivantes à la fin du paragraphe 4 de ses motifs de jugement :
4. [...] Si je comprends bien ces arrêts, le rôle de la Cour canadienne de l’impôt consiste à mener un procès au cours duquel les deux parties peuvent produire des éléments de preuve concernant les modalités aux termes desquelles l’appelant était employé, les modalités aux termes desquelles des personnes sans lien de dépendance, effectuant le même travail que l’appelant, étaient employées par le même employeur et les conditions d’emploi prévalant dans l’industrie pour le même genre de travail, au même moment et au même endroit. Des éléments de preuve relatifs à la relation existant entre l’appelant et l’employeur peuvent évidemment être produits également. À la lumière de tous ces éléments de preuve et de l’opinion du juge sur la crédibilité des témoins, la Cour doit ensuite déterminer si le ministre aurait pu raisonnablement, en ayant connaissance de l’ensemble de cette preuve, ne pas conclure que l’employeur et une personne avec laquelle il n’avait pas de lien de dépendance auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable. Si je comprends bien, c’est là le degré de retenue judiciaire accordé à l’avis du ministre du fait de l’emploi, par le législateur, de l’expression « […] si le ministre du Revenu national est convaincu […] » à l’alinéa 5(3)b).
[14] Selon mon appréciation de la preuve, le ministre ne serait de toute évidence pas arrivé à la même conclusion si les mêmes faits avaient été portés à sa connaissance, en particulier en ce qui concerne le nombre d’heures effectuées par Brett au cours de la semaine habituelle de travail et pendant la fin de semaine, et compte tenu du fait que Brett était obligé d’être en attente afin d’intervenir en cas d’appels ou d’alertes ou s’il se posait un problème pendant un jour férié ou pendant la fin de semaine. En outre, le ministre a calculé un salaire similaire en utilisant des indices inexacts puisque le rôle de Brett était beaucoup plus étendu que celui d’un directeur de la fabrication. Le ministre n’a pas tenu compte des raisons pour lesquelles le salaire de Brett avait énormément baissé en 2005 et en 2006, comparativement aux années 2003 et 2004, et il ne s’est pas demandé s’il était raisonnable pour une personne non liée d’accepter une telle réduction, même si les recettes de la société avaient baissé, compte tenu en particulier de l’augmentation de la charge de travail. Le ministre estimait à tort que Brett n’était pas un égal dans l’exploitation de l’entreprise, mais qu’il s’agissait de quelqu’un dont les responsabilités devaient augmenter, notamment quant au pouvoir de signature auprès de la banque, lorsque M. Caldwell était absent.
[15] Compte tenu de la preuve dans son ensemble, je conclus que je dois modifier la décision du ministre et examiner les circonstances en vue de décider si, compte tenu de la rétribution versée, des modalités d’emploi ainsi que de la durée, de la nature et de l’importance du travail accompli, il est raisonnable de conclure qu’Industries et Brett auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance.
La rétribution
[16] Au cours de la période pertinente, la rétribution versée à Brett était inadéquate non seulement par rapport au salaire qu’il aurait fallu verser à une personne non liée occupant un poste similaire dans une entreprise de fabrication et dans un commerce de gros, mais aussi par rapport au salaire que Brett touchait en 2003 et en 2004. Par suite de la baisse du chiffre d’affaires annuel, et après en avoir parlé à Brett, M. Caldwell, par l’entremise d’Industries, a réduit leurs deux salaires. Brett gagnait, en 2004, 7,5 p. 100 de moins qu’en 2003, et en 2005 et en 2006, 24 p. 100 de moins qu’en 2003. La preuve établissait qu’au cours de la période pertinente, sa charge de travail et la gamme de ses responsabilités n’avaient pas diminué. Il est difficile d’accepter que, si M. Caldwell et Brett n’avaient pas été père et fils avec une longue relation dans l’entreprise familiale, Brett aurait continué à travailler aussi fort, ou peut‑être encore plus fort, au cours de la période pertinente, lorsque son salaire annuel avait été réduit d’un pourcentage élevé. Il serait inhabituel pour un employé sans lien de dépendance d’accepter l’existence d’un lien entre son salaire et la rentabilité de la société. Un employé aurait peut‑être accepté une réduction mineure provisoire de sa rémunération ou aurait peut-être effectué un moins grand nombre d’heures et aurait peut‑être insisté pour que l’on réduise ses tâches ou pour que certaines fonctions soient assignées à d’autres employés. Les chèques de paie additionnels émis en faveur de Brett en 2005 et en 2006 représentaient environ 6 000 $ par année, ce qui, bien que ce montant ait été versé en reconnaissance de ses efforts additionnels, ne le dédommageait pas des 500 heures additionnelles effectuées chaque année par suite de semaines de travail de 55 à 60 heures et du fait qu’il était en attente pendant la fin de semaine et pendant les jours fériés lorsqu’il n’était pas en vacances. Le chauffeur de camion gagnait chaque année 58 274 $ au cours de la période pertinente et il pouvait prendre des jours de congé au lieu de recevoir une prime d’heures supplémentaires. Ce service est une fonction importante pour Industries, mais on s’attendrait à ce que le salaire versé à une personne qui s’acquitte de responsabilités telles que celles qu’assumait Brett touche un salaire beaucoup plus élevé, et peut‑être près du double.
Les modalités d’emploi
[17] Une personne qui occupe un poste de direction dans une entreprise telle qu’Industries assume un grand nombre de responsabilités, mais il est plutôt inhabituel de trouver une personne qui est prête à s’acquitter d’une si vaste gamme de tâches et à agir, en dehors de ses heures de travail, comme intervenant en attente au cas où elle serait obligée de se rendre à l’installation. Brett supervisait la composante « fabrication » de l’entreprise et participait à tous les autres aspects de l’entreprise, tout en exécutant régulièrement de simples tâches ou des tâches ordinaires. Une personne qui agit comme directeur général pourrait être autorisée à signer seule, à un moment donné, à l’égard du compte bancaire de la société, mais comme M. Caldwell l’a déclaré dans son témoignage, il n’aurait probablement pas accepté cet arrangement. Brett pouvait, à sa guise, prendre trois ou quatre jours de congé additionnels et il pouvait prendre ses vacances régulières de trois semaines lorsqu’il le voulait, mais il veillait à ce que son père soit au courant de ces projets.
La nature et l’importance du travail
[18] Les services fournis par Brett faisaient partie intégrante des activités commerciales d’Industries. En l’absence de Brett, il aurait fallu que l’entreprise ait recours aux services d’une personne ou de plusieurs personnes pour exécuter la gamme de tâches que Brett accomplissait. M. Caldwell, qui a 68 ans, a l’intention de prendre une semi‑retraite, et de se retirer complètement dans un délai de trois à cinq ans. L’entreprise exploitée par Industries était inhabituelle, avec un seul autre concurrent au Canada, de sorte que sa capacité de remplacer Brett était moindre, comparativement à d’autres entreprises de fabrication. Toutefois, il n’était pas déraisonnable pour le ministre d’avoir cru qu’un employé non lié aurait pu commencer à travailler pour Industries après avoir terminé ses études secondaires et gravir les échelons jusqu’au poste de directeur général, poste pour lequel il est normal d’effectuer un plus grand nombre d’heures et d’assumer une multitude de responsabilités.
La durée de l’emploi
[19] L’avocat de l’appelante a soutenu que, de nos jours, il est inhabituel que quelqu’un travaille pour la même société depuis 1979. Il a mentionné la déclaration de M. Caldwell, qui avait dit qu’il ne congédierait pas ou ne licencierait pas Brett tant qu’Industries continuait à exister et qu’il espérait que Brett continuerait à exploiter l’entreprise familiale. Le ministre estimait que cet élément n’était pas pertinent étant donné que l’entreprise était exploitée toute l’année durant. Je souscris à cette conclusion. En fait, il y a peu d’employés, et il n’y en a peut‑être aucun, sur le marché du travail actuel, qui recevraient un Blackberry en or pour avoir travaillé pendant 30 ans pour le même employeur, étant donné que l’entreprise aurait probablement fait l’objet de fusions ou de sous‑fusions, ou qu’elle aurait probablement disparu, à l’étranger ou dans l’au‑delà, ou que si elle avait continué à exister, elle aurait peut‑être eu recours à la protection de la loi sur les faillites, de sorte qu’il ne serait pas question d’une réunion d’adieu.
[20] Dans l’affaire 603709 Alberta Ltd. (a/s Humpty’s Family Restaurant) c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2004] A.C.I. no 411; 2004 CCI 545, le juge Rip était saisi de l’appel interjeté par M. Turner, dont les parents détenaient la totalité des actions de l’employeur. M. Turner agissait comme directeur général; il était entièrement responsable de l’exploitation du restaurant et, en plus d’un salaire mensuel, il touchait une gratification qui était fixée en fonction des bénéfices de la société appelante et de ses propres besoins. M. Turner avait été remplacé par une personne non liée, M. Cléroux, qui travaillait 40 heures par semaine, mais qui avait droit à des gratifications mensuelles liées aux ventes d’aliments et aux frais de main-d’œuvre. Aux paragraphes 22 et 23 des motifs de jugement, le juge Rip a dit ce qui suit :
[22] Dans cet appel, la position du ministre est que les conditions d’emploi de Christopher étaient à peu près semblables, sinon identiques, à celles de Paul Cleroux. Mais, pour parvenir à cette conclusion, le ministre a ignoré, ou n’a pas attaché suffisamment d’importance à deux facteurs au moins qui sont présents dans les conditions d’emploi de Christopher et non pas dans celles de Paul Cleroux. Le premier est que Christopher recevait un bonus annuel qui dépendait des profits de la société pour l’année et des besoins personnels de Christopher. Ce deuxième élément indique, encore plus que le premier, que ce bonus annuel était spécifique à Christopher comme enfant des principaux actionnaires de la société.
[23] Le deuxième facteur des modalités d’emploi de Christopher est qu’il était disponible 24 heures sur 24. Même si Christopher était payé pour une semaine de 44 heures, sa charge de travail était plus lourde que les 44 heures pour lesquelles il était payé. À toutes fins pratiques, la société était une entreprise familiale et Christopher contribuait à ses tâches. Une personne non liée à la société ne serait pas intéressée aux conditions de travail acceptées par Christopher et celle-ci ne serait pas disposée à payer un bonus annuel à une personne non liée, fonction non seulement des profits de l’entreprise, mais aussi des besoins de la partie non liée.
[21] Dans la décision C & B Woodcraft Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2004] A.C.I. no 351; 2004 CCI 477, la juge Woods, après avoir examiné la preuve, a conclu que les facteurs donnaient une idée différente de ce qu’avait supposé le ministre, et elle a conclu que la décision du ministre, à savoir que l’employé exerçait un emploi assurable, n’était pas justifiable. En analysant la question de savoir si les modalités d’emploi étaient celles qui s’appliqueraient entre des personnes sans lien de dépendance, la juge Woods, aux paragraphes 18 à 21 inclusivement de ses motifs de jugement, a dit ce qui suit :
[18] Le critère de l’absence de lien de dépendance prévu à l’alinéa 5(3)b) exige une comparaison entre les modalités réelles d’emploi et les modalités qui s’appliqueraient si M. Virga et C&B n’avaient pas entre eux de lien de dépendance. Les modalités d’emploi des employés sans lien de dépendance constituent peut‑être l’élément de preuve le plus pertinent, mais cela est peu utile en l’espèce parce que rien ne montre que les employés sans lien de dépendance exerçaient des fonctions semblables à celles de M. Virga. M. Virga était un employé responsable et fiable, capable de traiter avec les clients, de donner des estimations et peut‑être bien de succéder à son père.
[19] Une autre comparaison qui a été faite à l’audience au sujet de l’absence de lien de dépendance se rapportait à la question suivante : les modalités d’emploi de M. Virga seraient‑elles similaires s’il était employé chez Home Depot? Cette comparaison n’est pas très utile non plus parce que les modalités d’emploi qui s’appliquent dans un gros magasin de détail à succursales comme Home Depot sont nécessairement fort différentes de celles qui s’appliquent à une petite entreprise familiale. Il s’agit essentiellement de savoir si les modalités d’emploi de M. Virga seraient similaires s’il n’y avait pas eu entre C&B et lui de lien de dépendance, et non si M. Virga travaillait pour un employeur hypothétique.
[20] Il existe donc fort peu d’éléments de preuve susceptibles de m’aider en ce qui concerne la comparaison à faire au sujet de la question de l’absence de lien de dépendance et cette comparaison doit largement être fondée sur le sens commun. Les appelants soutiennent que M. Virga s’était vu attribuer plus de responsabilités qu’un employé sans lien de dépendance. Je crois qu’il est raisonnable de supposer que dans une petite entreprise, un père aurait davantage confiance en son fils et lui confierait, dans les affaires de l’entreprise, surtout en ce qui concerne des questions financières comme les estimations, plus de responsabilités qu’à un employé sans lien de dépendance. Les appelants soutiennent également que M. Virga n’aurait pas effectué d’heures supplémentaires sans être rétribué et qu’il utilisait ses propres instruments de travail et son téléphone cellulaire sans être dédommagé. Je crois également que cet argument est valable. M. Virga était rétribué comme s’il effectuait des heures régulières, alors qu’en fait, il y avait énormément de travail à accomplir en dehors de ces heures, et que M. Virga n’était pas rétribué à cet égard. S’il n’y avait pas eu de lien de dépendance avec C&B, M. Virga n’aurait pas été aussi prêt à contribuer à l’exploitation de l’entreprise sans indemnisation suffisante.
[21] Pour ces motifs, je conclus que les modalités d’emploi de M. Virga ne sont pas à peu près semblables à celles qui s’appliqueraient si M. Virga n’avait pas de lien de dépendance avec son employeur.
[22] L’affaire Neeralta Welding & Sales Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2004] A.C.I. no 350; 2004 CCI 475, a été entendue par la juge Woods deux jours après l’affaire C & B Woodcraft, précitée; cette affaire se rapportait à des appels interjetés par deux frères qui travaillaient pour une société appartenant à leurs parents. Après avoir examiné la preuve, la juge Woods n’a pas confirmé la décision du ministre selon laquelle l’emploi des frères était assurable. En rendant une décision contraire à celle du ministre, la juge Woods, aux paragraphes 10 et 11, a fait les remarques suivantes :
[10] Le critère de l’absence de lien de dépendance prévu à l’alinéa 5(3)b) exige une comparaison entre les modalités d’emploi qui existent réellement et les modalités qui s’appliqueraient peut-être s’il n’y avait pas de lien de dépendance entre les frères Wierenga et Neeralta Welding. Cet appel est semblable à d’autres appels que j’ai entendus au cours de la même semaine et dans lesquels étaient en cause des entreprises gérées par les pères des appelants, ce qui influait énormément sur les relations de travail. Il serait surprenant que ce ne soit pas le cas. En général, les enfants qui travaillent dans une petite entreprise familiale tendent à effectuer des heures supplémentaires pour lesquelles ils ne sont pas rétribués; ils ont tendance à demander moins souvent à être remboursés des dépenses reliées à l’emploi qu’ils ont engagées et ils ont tendance à brouiller les distinctions entre le matériel appartenant à l’employeur et le matériel appartenant à la famille. D’autre part, les pères tendent à faire davantage confiance aux membres de la famille et à leur confier des responsabilités plus lourdes que celles qu’ils attribueraient à des employés sans lien de dépendance; de plus, ils ont tendance à faire participer davantage les membres de la famille aux décisions importantes qui sont prises au sujet de l’entreprise et aux affaires financières de l’entreprise. Les pères pourraient également se montrer moins sévères lorsque leurs enfants prennent des congés pour vaquer à leurs affaires personnelles et la rétribution versée aux enfants pourrait bien dépendre de la situation personnelle de ceux‑ci.
[11] Un certain nombre de facteurs qui n’existent normalement pas en l’absence d’un lien de dépendance ont certes influé sur les modalités d’emploi de John et de Robert Wierenga. Ces facteurs sont énumérés ci‑dessus et il n’est pas nécessaire de les reprendre. Pour ces motifs, je conclus que les modalités d’emploi de John et de Robert Wierenga ne sont pas à peu près semblables à celles qui existeraient s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance avec leur employeur.
[23] Une affaire dans laquelle les faits étaient fort semblables à ceux de la présente espèce est l’affaire Devries c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2002] A.C.I. no 179. J’ai statué sur cet appel et j’ai confirmé la décision du ministre selon laquelle M. Devries exerçait un emploi assurable. Les circonstances de l’emploi sont expliquées au paragraphe 12 des motifs du jugement :
[12] Dans l'appel qui nous concerne, le ministre a conclu que l'appelant avait été sous le contrôle du comité de gestion, et que son salaire et son autorité à négocier des baux et à établir les loyers avaient été accordés par ce comité. Il avait des heures de travail normales et recevait une rémunération juste et raisonnable, y compris des congés payés, une voiture de fonction, une police d'assurance-maladie et une police d'assurance de soins dentaires, le tout apparemment selon les normes de l'industrie. L'appelant devait s'acquitter de ses tâches personnellement et le faisait dans le cadre d'une semaine de travail normale, sauf circonstances exceptionnelles exigeant un surcroît de travail. L'appelant recevait son salaire régulièrement et ne devait assumer aucune dépense liée à l'accomplissement de ses fonctions. Sa rémunération n'était pas liée à la rentabilité de Holdings relativement à sa participation dans Omniplex. Sa mère et son père contrôlaient 100 p. 100 des actions avec droit de vote de Holdings, personne morale qui était partenaire à 50 p. 100 de l'entreprise exploitée sous la raison sociale Omniplex. La famille Unger détenait les 50 p. 100 restants par l'intermédiaire de sa société BCL. S'il y avait eu des problèmes relatifs au rendement de l'appelant, la répartition des actions ne l'aurait pas protégé contre le renvoi, car il ne détenait aucune des actions avec droit de vote de Holdings, même s'il siégeait au conseil d'administration de celle-ci. Lorsqu'il signait des baux au nom de Holdings, il le faisait à titre d'administrateur, et les obligations liées à ce rôle découlaient des lois ou de la common law et non de son emploi à titre de gestionnaire immobilier. Lorsqu'on examine les circonstances générales de l'emploi de l'appelant, le tableau qui en résulte est celui d'une personne fiable, responsable, consciencieuse, qui recevait un salaire raisonnable pour s'acquitter de fonctions importantes. Son salaire était peut-être légèrement inférieur à la norme, mais il était également intéressé au bien-être de Holdings en tant que membre de la famille et propriétaire d'actions sans droit de vote. Durant ses trente ans de vie professionnelle, il avait choisi de travailler pour des entreprises appartenant à sa famille et exploitées par celle-ci. Ses parents avaient prévu un mécanisme de dévolution, après leur décès, de leur intérêt dans Omniplex à l'appelant et à ses frères et sœurs. Ces facteurs, quoique pertinents, ne changent rien à l'analyse globale des différents signes indicateurs d'un emploi examinés par le ministre dans l'accomplissement de ses tâches en vertu de l'alinéa 5(3)b) de la Loi. Compte tenu de la façon dont l'appelant s'est acquitté de ses fonctions, suivant les directives du comité de gestion, il est difficile de percevoir quels avantages lui ont été offerts qui ne l'auraient pas été à une personne non liée occupant ce poste de cadre, celui de gestionnaire immobilier. Il n'existe certainement aucun élément de preuve suggérant que le droit de l'appelant à hériter de ses parents serait lié à la poursuite de son emploi pour Holdings et à sa participation à la coentreprise Omniplex. Il est possible que la prédiction de l'appelant voulant qu'aucune personne extérieure à la famille ne soit jamais engagée pour remplir ce poste s'avère exacte, mais ce n'est pas pertinent. La question est celle de savoir s'il est raisonnable ou non de conclure que les parties auraient conclu un contrat d'emploi à peu près semblable si elles n'avaient pas entretenu de liens de dépendance entre elles. En l'espèce, la preuve indique que la distinction entre les fonctions de l'appelant à titre de gestionnaire immobilier et ses circonstances personnelles en tant que l'un des enfants plus âgés des Devries était suffisante pour que le ministre réponde par l'affirmative à cette question.
[24] Il existe des différences importantes entre les faits de l’affaire Devries, précitée, et ceux de la présente espèce. Premièrement, l’employé, M. Devries, était responsable devant un comité de gestion composé de représentants de l’entité qui était associée à 50 p. 100 à la société appartenant à cent pour cent à ses parents. Le pouvoir de M. Devries de négocier et de fixer le montant des loyers avait été accordé par ce comité. M. Devries effectuait une semaine de travail normale, sauf lorsqu’il y avait des circonstances exceptionnelles. La rétribution de M. Devries n’était pas liée à la rentabilité de son employeur et, bien que j’aie conclu que son salaire était peut‑être « légèrement » inférieur à la norme, j’ai noté qu’il détenait des actions sans droit de vote de la société familiale. La rémunération globale était normale dans le secteur de la gestion d’immeubles. Dans l’affaire Devries, comme dans la présente espèce, le droit d’hériter ne dépendait pas de l’emploi continu de l’employé au sein de la société liée.
[25] Les appels interjetés par la Commission ou par des personnes touchées par une décision rendue par le ministre en vertu de l’alinéa 5(3)b) de la Loi ont donné lieu à énormément de décisions. Les résultats varient en fonction des faits particuliers constatés par le juge et il peut sembler étrange pour de nombreux lecteurs que, même s’il n’existe pas une différence marquée entre certaines situations examinées, une décision puisse aller à l’encontre d’une autre décision. Dans certains cas, les circonstances de l’emploi vont clairement dans un sens. Toutefois, dans d’autres cas, tels que celui‑ci, certains facteurs militent en faveur d’une conclusion donnée, alors que d’autres vont à l’encontre. Il incombe à l’appelante de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la décision du ministre était inexacte et, compte tenu de la preuve dans son ensemble, je conclus que l’appelante s’est acquittée de cette obligation.
[26] L’appel est accueilli et la décision du ministre est modifiée, de sorte qu’il est conclu que :
l’emploi que Brett Caldwell exerçait auprès de Caldwell Industries Co. Ltd. du 5 février 2005 au 31 décembre 2006 n’était pas assurable.
Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 12e jour de février 2009.
« D.W. Rowe »
Juge suppléant Rowe
Traduction certifiée conforme
ce 31e jour de mars 2009.
Christian Laroche, LL.B.
Réviseur
RÉFÉRENCE : 2009CCI59
No DU DOSSIER DE LA COUR : 2008-64(EI)
INTITULÉ : CALDWELL INDUSTRIES CO. LTD.
c. M.R.N.
LIEU DE L’AUDIENCE : Vancouver (Colombie-Britannique)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 20 novembre 2008
MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge suppléant D.W. Rowe
DATE DU JUGEMENT : Le 12 février 2009
COMPARUTIONS :
Avocat de l’appelante : |
Me Deryk W. Coward
|
Avocat de l’intimé : |
Me Matthew W. Turnell |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Pour l’appelante :
Nom : Deryk W. Coward
Cabinet : D’Arcy & Deacon LLP
Avocats
12e étage, 330, avenue St. Mary
Winnipeg (Manitoba)
R3C 4E1
Pour l’intimé : John H. Sims, c.r.
Sous-procureur général du Canada
Ottawa, Canada