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Dossier : 2008-1168(EI)

ENTRE :

MARIE-THÉRÈSE ROUSSEL,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

GAÉTAN ROUSSEL,

intervenant.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 18 décembre 2008, à Miramichi (Nouveau‑Brunswick).

 

Devant : L'honorable juge Paul Bédard

 

Comparutions :

 

Avocat pour l’appelante :

Me Ivan Robichaud

Avocate de l'intimé :

Me Geneviève Léveillée

Pour l’intervenant :

L’intervenant lui-même

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

        L'appel interjeté en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l'assurance‑emploi est rejeté et la décision du ministre du Revenu national est confirmée, selon les motifs du jugement ci-joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de février 2009.

 

 

« Paul Bédard »

Juge Bédard


 

 

 

 

Référence : 2009 CCI 83

Date : 20090209

Dossier : 2008-1168(EI)

ENTRE :

MARIE-THÉRÈSE ROUSSEL,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

GAÉTAN ROUSSEL,

intervenant.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Bédard

 

[1]              L’appelante interjette appel de la décision du ministre du Revenu national (le « ministre ») rendue en vertu de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi »). Le ministre a décidé que madame Marie-Thérèse Roussel (la « travailleuse ») n’exerçait pas un emploi assurable aux termes d’un contrat de louage de services, et qu’elle n’occupait donc pas un emploi assurable au sens de l’alinéa 5(1)a) de la Loi, lorsqu’elle était au service de monsieur Gaëtan Roussel (le « payeur ») pendant la période du 12 août 2007 au 15 septembre 2007 (la « période pertinente »). De surcroît, le ministre a décidé que la travailleuse n’occupait pas un emploi assurable lorsqu’elle était au service du payeur pendant la période pertinente, puisqu’il a conclu qu’il s’agissait d’un emploi exclu, parce que la travailleuse et le payeur n’auraient pas conclu un contrat de travail semblable s’il n’y avait pas eu un lien de dépendance entre eux.

 

[2]              Pour rendre sa décision, le ministre s’est basé sur les présomptions de fait suivantes, énoncées au paragraphe 7 de la Réponse à l’avis d’appel :

 

(a)                le payeur était journalier et assistait, selon la saison, soit à la pêche au hareng ou à la pêche au homard; (admis)

 

(b)               le payeur est le parent ayant la garde de sa fille Gabrielle (« Gabrielle »), née le 29 juillet 2003; (admis)

 

(c)                l’appelante est la mère du payeur et la grand-mère de Gabrielle; (admis)

 

(d)               depuis l’année 2000 et pendant la période en litige, le payeur et Gabrielle habitaient la même résidence que l’appelante (la « résidence »);

 

(e)                l’appelante et le père du payeur (« M. Roussel ») étaient propriétaires de la résidence; (admis)

 

(f)                 en tout temps pertinent, M. Roussel et la sœur du payeur résidaient dans la résidence; (admis)

 

(g)                pendant la période pertinente, la saison pour la pêche au hareng dans la région du Nord-est du Nouveau-Brunswick était du 12 août au 15 septembre; (admis)

 

(h)                la pêche au hareng est une pêche au filet dérivant qui se fait pendant la soirée et la nuit; (admis)

 

(i)                  pendant la période en litige, le payeur a assisté à la pêche au hareng; (admis)

 

(j)                 pendant la période en litige, les heures de travail du payeur étaient de 17h30 au lendemain matin, à partir de dimanche soir à samedi matin, chaque semaine; (admis)

 

(k)               le payeur avait censément engagé l’appelante à titre de gardienne pour Gabrielle lorsqu’il était à la pêche au hareng; (admis)

 

(l)                  les tâches de l’appelante, à titre de gardienne, comprenaient : donner le bain à Gabrielle, la préparer pour se coucher et jouer avec elle; (nié tel que rédigé)

 

(m)              l’appelante devait également préparer et donner le souper à Gabrielle; (admis)

 

(n)                le payeur ne connaissait pas l’heure du coucher de Gabrielle; (nié)

 

(o)               le payeur ne remboursait pas l’appelante pour les dépenses encourues pour la nourriture de Gabrielle; (nié)

 

(p)               le payeur ne payait pas de loyer à ses parents et ne leur remboursait pas les dépenses de nourriture et les autres frais de logement encourus pour lui et Gabrielle; (nié)

 

(q)               l’appelante gardait Gabrielle pour le payeur et exécutait les mêmes tâches hors de la période visée par la période en litige et elle le faisait sans paie; (nié)

 

(r)                 le payeur a assisté à la pêche au homard pendant la période du 20 avril 2007 au 29 juin 2007 (la « saison de pêche au homard »); (admis)

 

(s)                pendant la saison de pêche au homard, M. Roussel s’occupait de Gabrielle lorsque le payeur était à la pêche au homard; (nié)

 

(t)                 le payeur ne payait pas M. Roussel pour garder Gabrielle; (admis)

 

(u)                à l’occasion, pendant la saison de pêche au homard et lorsque M. Roussel n’était pas disponible, le payeur payait une tierce partie pour garder Gabrielle; (nié tel que rédigé)

 

(v)                pendant l’année 2006 et pendant la saison de la pêche au hareng de cette année, l’appelante avait gardé Gabrielle sans être payée; (nié)

 

(w)              pendant la période en litige, ni l’appelante ni le payeur ne tenait compte des heures que travaillait l’appelante; (nié)

 

(x)                pendant la période en litige, le payeur n’a pas payé l’appelante hebdomadairement; (nié)

 

(y)                l’appelante n’a pas été payé un taux horaire de 5 $; (nié)

 

(z)                pendant la période en litige, l’appelante n’a pas reçu de chèque ou d’argent comptant représentant un montant de paie hebdomadaire; (nié)

 

(aa)            l’appelante avait besoin de 420 heures de travail afin d’avoir droit aux prestations d’assurance-emploi; (admis)

 

(bb)           l’appelante a obtenu 385 heures de travail pendant 7 semaines avec une autre entreprise; (admis)

 

(cc)            l’appelante a reçu du payeur un relevé d’emploi, numéro de série A83639198, qui indiquait 240 heures et une rémunération d’un montant total de 1 200 $; (admis) et

 

(dd)           le relevé d’emploi, numéro de série A83639198, daté du 20 septembre 2007, ne correspond pas à la réalité de l’engagement entre l’appelante et le payeur pendant la période en litige. (nié)

 

 

[3]              La travailleuse a témoigné. Le payeur et le conjoint de la travailleuse ont aussi témoigné à l’appui de la position de la travailleuse.

 

[4]              Il ressort essentiellement du témoignage du payeur que :

 

i)                   pendant la période pertinente (représentant 35 jours), il n’avait pas travaillé pendant une semaine complète à cause des vents violents qui rendaient impossible toute pêche en haute mer;

 

ii)                 pendant les quatre autres semaines de la période pertinente, il avait travaillé du dimanche soir au samedi matin, soit 6 jours par semaine. On peut donc conclure que le payeur avait travaillé 24 jours pendant la période pertinente;

 

iii)               généralement, il quittait la maison paternelle vers 15h30 pour se rendre au travail et revenait à la maison vers 4h30. On peut donc conclure que, pendant la période pertinente, le payeur avait été absent de la résidence paternelle pendant 13 heures par jour, et ce, 6 jours par semaine pendant 4 semaines. Ainsi, le payeur avait été absent de la résidence paternelle tout au moins pour une période de 312 heures pendant la période pertinente;

 

iv)               généralement, au retour du travail, il dormait de 6h jusqu’à 9h, soit pendant 3 heures. Considérant que le payeur avait travaillé 24 jours pendant la période pertinente, on peut conclure qu’il avait dormi tout au moins 72 heures pendant cette période de 24 jours;

 

v)                 il achetait lui-même les aliments nécessaires pour nourrir sa fille. Je note immédiatement que cette assertion est contraire à une déclaration écrite[1] qu’il avait faite antérieurement. En effet, selon cette déclaration écrite c’est la travailleuse qui avait acheté la nourriture de la fille de l’appelant;

 

vi)               la travailleuse avait été rémunérée hebdomadairement par chèque. La travailleuse aurait ainsi reçu du payeur 4 chèques de 300 $ pendant la période pertinente.

 

Témoignage de la travailleuse

 

[5]              La travailleuse a essentiellement témoigné dans le même sens que le payeur.

 

Analyse et conclusion

 

[6]              La travailleuse devait d’abord démontrer qu’elle exerçait un emploi assurable aux termes d’un contrat de louage de services. Pour ce faire, la travailleuse devait notamment démontrer qu’elle avait été rémunérée par le payeur pour le travail qu’elle avait accompli. En effet, la rémunération donnée en contrepartie du travail accompli est un élément essentiel du contrat de louage de services.

 

[7]              En l’espèce, la travailleuse avait le fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l’allégation du ministre à l’effet qu’elle n’avait reçu aucune rémunération pour le travail accompli était fausse. La preuve de la travailleuse à cet égard reposait essentiellement sur son témoignage et celui du payeur. La travailleuse se devait de produire en preuve les 4 chèques. Elle ne l’a pas fait alors qu’elle était en mesure de le faire. J’en infère que ces chèques n’existaient pas. La non‑production de cette preuve documentaire est d’autant plus inexcusable en l’espèce que la travailleuse et le payeur étaient représentés par un avocat et que le ministre avait demandé à ces derniers de produire cette preuve, et ce, avant et après avoir rendu ses décisions.

 

[8]              Je souligne que, même si la travailleuse m’avait convaincu qu’elle avait vraiment été rémunérée pour le travail accompli pendant la période pertinente, j’aurais de toute façon rejeté son appel. En effet, la preuve a révélé que, pendant la période pertinente, la travailleuse avait eu la responsabilité de la fille du payeur et avait été aussi chargée de la garder pendant un minimum de 384 heures[2]. Elle aurait donc été rémunérée à un taux horaire de 3,12 $, ce qui est de toute évidence nettement déraisonnable. Le payeur était lui-même d’avis qu’un taux horaire de 5 $ était raisonnable dans les circonstances. Le ministre était donc en droit, ne serait-ce que sur la base du facteur de la rémunération, de conclure que l’appelant et le payeur n’auraient pas conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’il n’y avait pas eu de lien de dépendance entre eux.

 

[9]              Pour ces motifs, l’appel est rejeté.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de février 2009.

 

 

 

« Paul Bédard »

Juge Bédard

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2009 CCI 83

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2008-1168(EI)

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              MARIE-THÉRÈSE ROUSSEL ET M.R.N ET GAÉTAN ROUSSEL.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Miramichi (Nouveau‑Brunswick)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 18 décembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Paul Bédard

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 9 février 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat pour l’appelante :

Me Ivan Robichaud

Avocate de l'intimé :

Me Geneviève Léveillée

Pour l’intervenant :

L’intervenant lui-même

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelante:

 

                     Nom :                            Me Ivan Robichaud

                 Cabinet :                           Godin, Lizotte, Robichaud, Guignard

                                                          Shippegan (Nouveau-Brunswick)

 

       Pour l’intimé :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1] Voir question 4 de I-1.

[2] Voir les alinéas iii) et iv) du paragraphe 4 ci-dessus.

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