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Dossier : 2007-3508(IT)G

 

ENTRE :

935475 ONTARIO LIMITED,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Requête entendue le 16 mai 2008 à Toronto (Ontario).

Devant : L’honorable juge Gaston Jorré

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me Richard G. Fitzsimmons

 

 

Avocat de l’intimée :

Me Jocelyn Espejo-Clarke

___________________________________________________________________

 

ORDONNANCE

          Attendu que l’avocat de l’appelante a déposé une requête sollicitant diverses ordonnances énoncées dans les motifs de l’ordonnance;

 

          Et après audition des observations des parties;

 

La requête est rejetée, conformément aux motifs de l’ordonnance ci‑jointe.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour d’avril 2009.

 

 

« Gaston Jorré »

Juge Jorré

 

Traduction certifiée conforme

ce 19e jour de juin 2009.

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


 

 

Référence : 2009 CCI 196

Date : 20090408

Dossier : 2007-3508(IT)G

ENTRE :

935475 ONTARIO LIMITED,

 

appelante,

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

Le juge Jorré

 

L’ordonnance demandée

 

[1]              L’appelante voudrait :

 

[traduction]

 

a)      que soit rendue une ordonnance radiant la réponse parce qu’elle ne révèle aucune cause valable d’opposition à l’appel, et accordant jugement en conséquence; ou, subsidiairement,

 

b)      que la Cour se prononce, avant l’audience, sur deux questions de droit ou questions mixtes de droit et de fait, à savoir si, vu les faits allégués dans l’avis d’appel et admis dans la réponse,

 

(i)      le montant des bénéfices futurs indiqué dans le sous‑alinéa 8(3) de l’avis d’appel devait ou non être inclus dans le produit de la disposition des actions détenues par l’appelante dans Tech‑Trek Ltd., au cours de son année d’imposition 2002, ou

(ii)     l’appelante avait ou non le droit, dans sa déclaration de revenus de son année d’imposition 2004, de faire le choix indiqué au paragraphe 20 de l’avis d’appel;

 

ou, subsidiairement,

 

c)      que soit rendue une ordonnance radiant les passages suivants de la réponse, à savoir :

 

(i)      au paragraphe 5 de la réponse, les mots « sauf qu’il nie que le refus du ministre d’autoriser la déduction était fondé sur le fait que la somme de 1 052 157 $ n’était pas due à l’appelante. »;

(ii)     au sous‑alinéa 6b) de la réponse, les mots « un bien immobilisé » et « et était par conséquent une créance au titre du capital. »;

(iii)    la totalité du sous‑alinéa 6d);

(iv)    au sous‑alinéa 6e), les mots « et il y a encore, dans le marché, la possibilité d’une augmentation future pour que soient faits à 2000228 Ontario Inc. les paiements nécessaires »;

(v)     au sous‑alinéa 6h), les mots « lui donnant la possibilité de payer une partie du billet si elle le souhaitait »;

(vi)    les sous‑alinéas 6i), j) et k);

(vii)   l’alinéa 11;

 

ou, subsidiairement encore,

 

d)      tel autre redressement et telles autres directives que la Cour pourra juger nécessaires afin que l’appel de l’appelante suive son cours et pour que les vrais points en litige soient décidés d’une manière équitable.

 

L’ordonnance radiant la réponse

 

[2]              La partie a) de la requête n’a pas été plaidée davantage au cours de l’audience[1]. Je n’y donnerai donc pas suite.

 

La détermination d’une question conformément à l’article 58 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les « Règles »)

 

La nature des points en litige visés par l’appel[2]

 

[3]              Il sera utile à ce stade de décrire brièvement la nature du différend. L’appelante et une autre société, 935474 Ontario Limited (« 474 »), détenaient chacune la moitié des actions d’une société, Tech‑Trek Ltd. (TTL). Huit employés de TTL ont formé une société, 2000228 Ontario Inc., la société acheteuse. L’acheteuse a acquis 49 p. 100 des actions de TTL.

 

[4]              Cette opération a eu lieu conformément à une convention de rachat d’actions conclue entre l’appelante, 474, la société acheteuse et les huit actionnaires de TTL. Conformément à la convention, le prix d’achat était un peu supérieur à 3 millions de dollars, et l’appelante et 474 ont reçu de l’acheteuse la somme de 1 million de dollars, outre un billet à ordre représentant le solde d’un peu plus de 2 millions de dollars (les « 2 millions de dollars »). Le billet à ordre contient diverses conditions régissant le paiement des 2 millions de dollars. En termes généraux, il prévoit le paiement d’intérêts sur le billet, prélevés sur la part de l’acheteuse dans le bénéfice annuel d’exploitation de TTL, net de certains paiements, distribué à la société acheteuse après la déduction d’une provision au titre de l’impôt sur les sociétés payable par la société acheteuse sur la distribution. La moitié du reliquat de la distribution à la société acheteuse, après la déduction pour impôt et après le paiement d’intérêts, serait appliqué au principal du billet.

 

[5]              Il y a aussi des dispositions relatives à la situation qui aura cours le 30 septembre 201l. Plus précisément, le billet prévoit ce qui suit[3] :

 

[traduction]

 

4.   Si une somme représentant le principal, les intérêts capitalisés ou les intérêts demeure impayée au 30 septembre 2011, le prêteur aura l’option de racheter à 2000228 toutes les actions de Tech‑Trek appartenant à 2000228 en contrepartie de la renonciation du prêteur au solde impayé sur le présent billet et de la mainlevée par le prêteur de toute autre sûreté détenue par lui sur telles actions et sur le présent billet, et l’existence de la somme impayée ne constituera pas un défaut de la part de 2000228 à l’égard de ses obligations selon le présent billet.

 

Le billet à ordre ne semble pas indiquer ce qui se produira si l’option n’est pas exercée.

 

[6]              Dans sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2002, l’appelante a d’abord déclaré comme gain en capital le montant intégral de sa part de la vente. Elle réclamait aussi une réserve pour gain en capital.

 

[7]              Le ministre a accepté telle quelle la déclaration de revenus.

 

[8]              Plus tard, dans son année d’imposition 2004, l’appelante a considéré comme créance irrécouvrable sa part du solde impayé, conformément à l’alinéa 50(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR ») et a déclaré une perte en capital, qu’elle a imputé au report prospectif de sa réserve pour gain en capital. Elle a aussi prié le ministre d’établir une nouvelle cotisation et d’imputer certaines parties de sa perte en capital nette restante sur les gains en capital déclarés dans les années d’imposition 2001 et 2002. Le ministre a d’abord établi la cotisation de l’année 2004 comme le demandait l’appelante, et il a établi de nouvelles cotisations pour les années antérieures comme elle le demandait.

 

[9]              Plus tard, le ministre a établi une nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2004 après rejet du choix fait par l’appelante en vertu de l’alinéa 50(1)a). Le ministre a aussi, par voie de conséquence, établi de nouvelles cotisations pour les années d’imposition 2001 et 2002.

 

[10]         L’un des arguments de l’appelante est que les 2 millions de dollars du prix d’achat représentent des bénéfices futurs qui entrent dans le champ de l’alinéa 12(1)g) de la LIR et qui, par conséquent, ne devraient pas être inclus dans le produit de disposition.

 

[11]         Le ministre affirme que l’appelante ne s’est opposée à sa cotisation de l’année d’imposition 2002 que pour protéger son droit de reporter à un exercice antérieur une perte en capital nette de 2004[4]. Autrement dit, le ministre affirme dans sa réponse que la question de l’application de l’alinéa 12(1)g) de la LIR a été soulevée la première fois après l’étape de l’opposition; il s’agit d’une question nouvelle qui est soumise à la Cour.

 

[12]         Le dossier de requête contenait une portion appréciable de la convention de rachat d’actions et de son annexe, mais non la convention tout entière[5].

 

La détermination proposée de la première question

 

[13]         La première question soumise pour la détermination proposée est de savoir si, d’après les faits admis, les 2 millions de dollars devraient ou non être inclus dans le produit de disposition des actions de TTL. L’appelante dit que ce montant serait un revenu entrant dans les paramètres de l’alinéa 12(1)g) de la LIR. Elle a déclaré que, si la Cour jugeait que les 2 millions de dollars entraient dans les paramètres de l’alinéa 12(1)g), elle accepterait d’être l’objet d’une nouvelle cotisation sur ce fondement, ce qui mettrait fin au différend[6]. Dans le cas contraire, la question serait résolue, et subsisterait la question relative au paragraphe 50(1).

 

[14]         Pour les motifs exposés dans les paragraphes qui suivent, je suis arrivé, avec quelque hésitation, à la conclusion qu’il ne serait pas nécessaire que j’ordonne la détermination d’une question sur ce point.

 

[15]         Les alinéas 4 à 10 de l’avis d’appel ont été admis, y compris le sous‑alinéa 8(3) de l’avis d’appel, ainsi formulé :

 

[traduction]

 

[L]’acheteuse a émis un billet à ordre conjointement à l’appelante et à 474 Inc., billet dans lequel l’acheteuse promettait conditionnellement de leur verser jusqu’à 2 104 313 $ de bénéfices futurs possibles sur les distributions futures de TTL, le cas échéant, versées à l’acheteuse, plus les intérêts au taux de 7 p. 100 l’an sur le solde impayé des bénéfices futurs;

 

[16]         Cependant, l’alinéa 11 de l’avis d’appel est dénié dans la réponse[7]. L’alinéa 11 est ainsi rédigé :

 

[traduction]

 

La convention de rachat d’actions et le billet à ordre susmentionné précisaient que si, au 30 septembre 2011, l’acheteuse n’avait pas encore été tenue de payer les bénéfices futurs possibles maximums de 2 104 313 $ à l’appelante et à 474 Inc., alors ni l’acheteuse ni aucun des actionnaires de l’acheteuse ne seraient tenus de payer la différence, et ni l’acheteuse ni aucun des actionnaires de l’acheteuse ne seraient considérés en situation de défaillance sur le billet à ordre, sur l’accord de sûreté ou sur les garanties, mais l’appelante et 474 Inc. disposeraient de l’option de racheter les actions ordinaires de l’acheteuse dans TTL moyennant un prix d’achat égal au déficit des paiements de bénéfices futurs.

 

[17]         Les alinéas 2.2 et 2.3 de la convention de rachat d’actions sont ainsi rédigés :

 

[traduction]

 

2.2   Montant du prix d’achat  Le prix d’achat payable par l’acheteuse aux vendeurs pour les actions achetées sera la somme de trois millions cent quatre mille trois cent treize dollars et 17/100 (3 104 313,17 $), qui devra être acquittée de la manière indiquée ci‑après.

 

2.3   Paiement du prix d’achat  Le prix d’achat sera payé à la clôture par remise aux vendeurs de ce qui suit :

 

a) un chèque visé ou une traite bancaire au montant de 1 000 000 $, sous réserve des ajustements que les parties pourraient convenir d’apporter à la clôture, le chèque ou la traite étant libellé à l’ordre des vendeurs, ou selon ce qu’ils pourront indiquer; et

 

b) un billet à ordre de 2 104 313,17 $ en la forme indiquée à l’annexe 2.3(b.1).

 

[18]         L’une des questions qui se poserait dans le cadre de la détermination proposée est de savoir si la somme de 2 millions de dollars est en réalité un montant variable fondé sur la rentabilité de TTL, le montant maximal payable étant de 2 millions de dollars, ou bien s’il s’agit d’un prix forfaitaire, la rentabilité de TTL déterminant le moment des paiements.

 

[19]         On peut lire, dans l’alinéa 11, que, si les 2 millions de dollars ne sont pas devenus payables au 30 septembre 2011, alors il n’y a pas d’obligation de payer une quelconque partie du solde des 2 millions de dollars restant à cette date. En déniant l’alinéa 11, l’intimée a clairement contesté ce qui pourrait être un fait important dans la détermination de la question de droit proposée.

 

[20]         En outre, on peut lire, à l’alinéa 11 de la réponse :

 

[traduction]

 

Il dit que, si le principal et les intérêts dus en vertu du billet à ordre demeuraient impayés au 30 septembre 2011, l’appelante et 935474 Ontario Inc. avaient l’option de racheter à 2000228 Ontario Inc. toutes les actions de Teck‑Trek Ltd. lui appartenant, et cela NON PAS « pour un prix d’achat égal au déficit des paiements de bénéfices futurs », comme le donne à entendre l’alinéa 11 de l’avis d’appel, mais en contrepartie de la renonciation au solde impayé sur le billet.

[Souligné dans l’original.]

 

[21]         Il y a désaccord sur les faits importants en ce qui concerne la question de droit proposée à déterminer, et il n’est donc pas opportun d’ordonner la détermination demandée[8].

 

[22]         Pour arriver à cette conclusion, j’ai considéré les documents accompagnant le dossier de requête, notamment la convention de rachat d’actions et les annexes qui ont été reproduites. Je me suis aussi demandé si la détermination pourrait se fonder sur les faits admis et sur ces documents.

 

[23]         Il se peut finalement que les faits admis et les documents en cause constitueront la preuve permettant de déterminer la question relative à l’alinéa 12(1)g). Cependant, il n’y a pas eu accord sur le fait que tel était le cas, et l’avocat de l’intimée a fait observer que la convention de rachat d’actions se réfère à plusieurs annexes qui ne sont pas toutes dans les documents que j’ai devant moi. L’intimée a déclaré qu’elle n’avait pas vu toutes les annexes et que l’échange de documents et de communications n’avait pas encore eu lieu. Les autres annexes pourraient intéresser la bonne qualification des termes[9].

 

[24]         Que le reste de la convention se révèle ou non important, l’intimée a le droit de l’examiner.

 

[25]         Vu cette conclusion, il ne m’est pas nécessaire d’examiner les autres facteurs à prendre en compte pour savoir s’il convient ou non d’ordonner la détermination de cette question.

 

La détermination proposée d’une question se rapportant au paragraphe 50(1) de la LIR

 

[26]         Dans sa déclaration de revenus de 2004, l’appelante a opté pour l’application de l’alinéa 50(1)a) de la LIR au motif que les 2 millions de dollars constituaient une créance irrécouvrable.

 

[27]         Pour savoir si une créance irrécouvrable est établie dans la présente affaire, il faut s’interroger sur la probabilité de la survenance d’événements futurs au cours d’une longue période, étant donné que le billet à ordre envisage le paiement des 2 millions de dollars au cours d’une période de plus de 10 ans, sans calendrier fixe de paiement, que, à la fin de l’exercice 2004, il restait encore environ six ans, qu’il ne semble pas qu’un montant était dû et impayé à cette date, enfin qu’il ne semble pas que l’entreprise avait déposé son bilan ou avait cessé ses activités.

 

[28]         S’agissant de cette question, l’intimée a admis les alinéas 16 à 18 de l’avis d’appel :

 

[traduction]

 

16.   Après la conclusion de la convention de rachat d’actions, l’industrie des composantes électroniques au Canada a connu un fort déclin dans le sillage de l’effondrement de Nortel Industries, et, en conséquence, durant l’exercice 2002 de TTL, le chiffre d’affaires de TTL a connu une baisse de 59 p. 100, et son bénéfice avant frais de gestion a chuté de 92 p. 100 par rapport à celui de son exercice 2001.

 

17.   Au cours des années d’imposition 2003 et 2004 de l’appelante, et en raison de la chute de rentabilité de TTL, l’acheteuse n’a pas eu à payer de bénéfices futurs, et l’appelante et 474 Inc. n’ont pas reçu de tels bénéfices.

 

18.   Au cours de l’exercice 2004 de TTL, TTL a subi une perte d’exploitation de 120 995 $.

 

L’intimée admettait aussi l’alinéa 24 de l’avis d’appel.

 

[29]         L’intimée a nié l’alinéa 19 de l’avis d’appel, ainsi rédigé :

 

[traduction]

 

À la fin de l’année d’imposition 2004 de l’appelante, celle‑ci a conclu que l’acheteuse n’aurait probablement jamais à payer de bénéfices futurs à l’appelante ou à 474 Inc. Pour arriver à cette conclusion, l’appelante a tenu compte de faits pertinents et a agi honnêtement et raisonnablement.

 

L’intimée n’a pas admis l’alinéa 25 de l’avis d’appel.

 

[30]         Les faits admis dans les alinéas 16 à 18 et 24 de l’avis d’appel sont des éléments qui permettent de conclure qu’il existe une créance irrécouvrable. Cependant, en eux‑mêmes, et sans autres informations, il n’est pas certain qu’ils suffisent à établir que les 2 millions de dollars en question étaient devenus une créance irrécouvrable. Par ailleurs, la réponse du ministre énonce plusieurs hypothèses qui contiennent certains éléments autorisant la conclusion selon laquelle, à la fin de l’année d’imposition 2004, les 2 millions de dollars n’étaient pas considérés comme une créance irrécouvrable. Ces éléments se trouvent dans les sous‑alinéas 6c) à k) de la réponse :

 

[traduction]

 

c)   le billet à ordre arrive à échéance le 30 septembre 2011;

 

d)   à l’échéance du billet à ordre, les actions seront rétrocédées à l’appelante si le solde exigible n’est pas payé, ce qui procurera à l’appelante une certaine valeur à ce moment‑là;

 

e)   Teck‑Trek Ltd. est encore en activité, même si son bénéfice net a diminué, et il y a encore sur le marché la possibilité d’une augmentation future qui permettrait d’effectuer les paiements nécessaires à 2000228 Ontario Inc.;

 

f)    2000228 Ontario Inc. est encore une entité juridique en activité, qui n’est ni faillie ni insolvable;

 

g)   les actions de Teck‑Trek Ltd. appartenaient encore à 2000228 Ontario Inc. et n’ont pas été rétrocédées à l’appelante;

 

h)   2000228 Ontario Inc. avait un bénéfice imposable au cours de l’exercice terminé le 31 mars 2004, ce qui lui donnait la possibilité de payer une partie du billet si elle le souhaitait;

 

i)    le montant total de la dette dont fait état le billet à ordre n’était pas devenu irrécouvrable durant l’année d’imposition 2004 de l’appelante;

 

j)    il n’y a pas eu de tentatives attestées de recouvrer la créance;

 

k)   la preuve ne permet pas de dire qu’aucun montant ne sera disponible pour un remboursement dans l’avenir;

 

[31]         Je reconnais avec l’appelante que, dans l’application de l’alinéa 50(1)a), le ministre ne peut remettre en cause le bien‑fondé de l’appréciation de l’appelante, mais la conclusion selon laquelle il y a une créance irrécouvrable doit reposer sur un fondement raisonnable. Au vu des procédures écrites, il est clair qu’il y a un désaccord sur les faits et, en conséquence, il n’est pas opportun que j’ordonne la détermination de cette question. Il vaut mieux qu’elle soit tranchée à l’issue d’un procès au cours duquel tous les faits seront produits comme preuve.

 

[32]         Comme pour la détermination proposée antérieure, il ne m’est pas nécessaire, vu cette conclusion, d’examiner les autres facteurs concernant le point de savoir s’il convient ou non d’ordonner la détermination.

 

La requête déposée en application de l’article 53 des Règles

 

[33]         S’agissant de la deuxième partie de la requête pour que soit rendue une ordonnance radiant certaines parties de la réponse, il est utile de reproduire l’article 53 des Règles :

 

53.    La Cour peut radier un acte de procédure ou un autre document ou en supprimer des passages, en tout ou en partie, avec ou sans autorisation de le modifier, parce que l’acte ou le document :

 

a) peut compromettre ou retarder l’instruction équitable de l’appel;

b) est scandaleux, frivole ou vexatoire;

c) constitue un recours abusif à la Cour.

 

[34]         Il est clair, à première vue, que l’article 53 ne concerne pas la radiation d’actes de procédure déficients, mais plutôt la radiation d’actes de procédure susceptibles de préjudicier sensiblement au déroulement du procès. Il établit une norme élevée.

 

[35]         Il est utile ici de citer les propos tenus par le juge en chef Bowman (tel était alors son titre), dans la décision Gould c. La Reine[10] :

 

23   De manière générale, la radiation de passages d’un acte de procédure en vertu de l’article 53 des Règles devrait se limiter aux cas les plus évidents. Il convient davantage que les questions de poids et de pertinence soient déterminées par le juge du procès, qui aura entendu l’ensemble de la preuve. Souvent, l’importance d’un élément de preuve n’apparaît clairement qu’à la fin de l’audition d’une cause. Je réitère ce qui a été dit dans l’affaire Niagara Helicopters Limited c. La Reine, C.C.I., no 2002‑3603(IT)G, 31 janvier 2003, 2003 D.T.C. 513 :

 

[6]   À mon avis, il est prématuré à ce stade du procès de déterminer que les faits que l’avocat de l’appelante considère comme pertinents et partie intégrante de la cause de l’appelante sont dénués de pertinence. Selon la jurisprudence et la doctrine, il est incontestable que seul peut être radié un acte de procédure clairement et manifestement scandaleux, frivole ou vexatoire ou constituant un recours abusif au tribunal (Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959, à la page 980; Erasmus c. Sa Majesté la Reine, C.A.F., no T‑148‑91, le 7 juin 1991 (91 DTC 5415, à la page 5416)).

[…]

[Non souligné dans l’original.]

 

[36]         La première partie de la réponse que l’appelante voudrait faire radier est une portion de l’alinéa 5, qui, de dire l’appelante, dénie une chose qui n’était pas alléguée.

 

[37]         Je reconnais que, si on lit correctement l’alinéa 23 de l’avis d’appel, on constate que la réponse dénie ce qui n’est pas allégué. Je puis concevoir une autre lecture de l’alinéa 23, et il se pourrait que les mots en question aient été insérés par excès de prudence.

 

[38]         Quoi qu’il en soit, bien que le fait de nier ce qui n’est pas allégué ne soit pas particulièrement utile, je trouve difficile d’imaginer en quoi cela pourrait compromettre ou retarder une instruction équitable ou relever des alinéas 53b) ou c) des Règles.

 

[39]         L’appelante voudrait ensuite que les mots [traduction] « un bien immobilisé » et [traduction] « et était par conséquent une créance au titre du capital » soient radiés au motif qu’il s’agit là de conclusions de droit, ou bien, s’il s’agit d’une question mixte de droit et de fait, alors les faits pertinents qui la sous‑tendent devraient être explicitement énoncés[11].

 

[40]         Plusieurs commentaires s’imposent. D’abord, il s’agit d’une question mixte de droit et de fait, et non simplement d’une question de droit.

 

[41]         Deuxièmement, la situation dont il s’agit ici est assez différente de la situation habituelle. L’appelante a produit sa déclaration en supposant que les actions étaient un bien en immobilisation; c’était même encore le fondement sur lequel a été déposée l’objection de l’appelante se rapportant à la créance irrécouvrable. Par conséquent, cette présomption équivaut simplement à la confirmation par l’intimée de la nouvelle cotisation, s’agissant de cet aspect, compte tenu de la position adoptée par l’appelante lorsqu’elle a produit sa déclaration de revenus.

 

[42]         Je ne crois pas que les observations faites dans l’arrêt Anchor Pointe visaient à englober une telle situation, et j’ai du mal à comprendre pourquoi il devrait être, dans une telle situation, impossible pour le ministre d’accepter la position du contribuable. J’ajouterais qu’il ne saurait y avoir aucun préjudice pour le contribuable qui sait pourquoi il a adopté telle ou telle position au moment de déposer sa déclaration, et sur quels faits il s’est fondé.

 

[43]         La partie suivante contestée de la réponse est son sous‑alinéa 6d). L’appelante dit qu’il ne s’agit pas d’une hypothèse de fait, mais d’un argument et d’une conjecture sur ce qui arrivera.

 

[44]         Abstraction faite des mots [traduction] « ce qui procurera à l’appelante une certaine valeur à ce moment‑là », les assertions restantes semblent constituer un bref énoncé d’une condition de l’opération. Que cette conclusion soit juste ou non[12], il n’y a rien de mal à énoncer brièvement les conditions d’un accord[13]. Les conditions d’un accord sont des faits; leur effet juridique est une conclusion de droit. Il serait préférable de dire que l’on se réfère aux conditions de l’accord.

 

[45]         Dans les circonstances de la présente affaire, où nul ne donne à entendre que le débiteur a cessé d’exister ou a mis fin à ses activités, et où le remboursement de la dette semble avoir été envisagé au cours d’une période de plusieurs années à venir, la question de savoir si une créance est devenue irrécouvrable requiert nécessairement d’exprimer une opinion sur la probabilité d’événements futurs à partir d’événements connus à la fin de l’exercice 2004.

 

[46]         Les mots [traduction] « ce qui procurera à l’appelante une certaine valeur à ce moment‑là » sont un argument, ou le raisonnement, qui permet de déduire un événement futur, c’est‑à‑dire le fait que l’appelante obtiendra quelque chose.

 

[47]         Est‑il mauvais pour la procédure que le ministre énonce, dans les hypothèses de fait, une déduction qu’il a tirée et un résumé de son raisonnement? Peut‑être vaudrait‑il mieux placer cela ailleurs, mais j’ai un peu de mal à y voir un réel préjudice. Cette manière de faire a le mérite d’expliquer le raisonnement suivi par le ministre pour confirmer la nouvelle cotisation. En fait, l’énoncé d’un raisonnement ou d’un argument ne modifie pas l’obligation et son bien‑fondé n’est solide ou faible qu’autant que l’est sa logique intrinsèque.

 

[48]         Il m’est impossible de dire que le critère des alinéas 53a), b) ou c) des Règles est rempli. Par conséquent, je ne me sens pas tenu d’ordonner la radiation du sous‑alinéa 6d). Pour les mêmes raisons, les mots en cause dans les sous‑alinéas 6e) et h) ne devraient pas être radiés.

 

[49]         S’agissant du sous‑alinéa 6i), l’idée maîtresse de l’appelante est qu’il s’agit là d’une conclusion de droit. L’appelante est aussi d’avis que ce sous‑alinéa est vague et ambigu.

 

[50]         Même si la rédaction n’est sans doute pas idéale, je trouve que sa signification est claire. C’est une conclusion de fait et de droit, pas seulement de droit. Des données de fait sont alléguées dans les alinéas antérieurs au soutien de la conclusion de fait. Là encore, il n’y a rien qui réponde aux critères des alinéas 53a), b) ou c) des Règles.

 

[51]         La requête conteste le sous‑alinéa 6j). Je ferais observer que, dans le contexte du présent différend, je ne suis pas persuadé de la pertinence de cette hypothèse en particulier; cependant, c’est là une question qu’il convient de laisser au juge du procès.

 

[52]         Tel n’était pas le fondement de la contestation de l’appelante. L’argument de l’appelante était qu’il s’agissait d’une conclusion de droit, que c’était un argument pur et simple et qu’il présupposait une obligation légale de recouvrement. Étant donné que le sous‑alinéa 6j) se trouve dans l’alinéa 6, lequel concerne des hypothèses de fait, il m’est impossible de dire que ce sous‑alinéa a valeur d’argument.

 

[53]         L’emploi du mot [traduction] « attestées » est quelque peu surprenant, mais, si l’on fait abstraction de ce mot, l’expression [traduction] « il n’y a pas eu de tentatives de recouvrer la créance » semble être un constat. L’ajout du mot [traduction] « attestées » suscite des questions, mais il ne semble équivaloir à rien de plus que [traduction] « il n’y a pas eu de tentatives de recouvrer la créance pour lesquelles existe une documentation »[14]. Cela n’équivaut pas à une conclusion de droit. Je ne vois aucune raison de radier le sous‑alinéa 6j).

 

[54]         Le sous‑alinéa suivant qui est contesté dans la requête est le sous‑alinéa 6k). Il n’est pas très bien rédigé. Manifestement, ce ne saurait être une référence à la preuve qui sera entendue au procès, ou à l’ensemble de la preuve pouvant exister sur les points en litige; ce doit être une référence à la preuve que le ministre avait devant lui au moment d’établir la cotisation et de confirmer la nouvelle cotisation.

 

[55]         Le sous‑alinéa 6k) revient à ceci : la preuve que le ministre avait devant lui au moment d’établir la cotisation et de confirmer la nouvelle cotisation ne permet pas de conclure qu’aucun remboursement n’aura lieu dans l’avenir. L’appelante dit qu’il s’agit là d’un argument et d’une supposition, non d’une déclaration de fait. L’avocat de l’intimée a reconnu que, tel qu’il était formulé, c’était une conclusion de droit.

 

[56]         Il n’est pas facile de qualifier le sous‑alinéa 6k). Ce pourrait très bien être un argument concernant la preuve vue par le ministre. Considéré sous le meilleur jour possible, il ne s’agit pas d’une allégation de fait essentielle pour les points en litige. Ce qui importe, c’est la question de savoir s’il sera possible de rembourser la dette dans l’avenir, non de savoir si la preuve que le ministre avait devant lui pour établir la cotisation et confirmer la nouvelle cotisation autorise une conclusion dans un sens ou un autre.

 

[57]         Quelle que soit la nature du sous‑alinéa 6k), il ne s’agit pas d’une hypothèse de fait essentielle pour les points en litige.

 

[58]         Par conséquent, le sous‑alinéa 6k) peut être laissé de côté, et sa radiation ne présenterait donc guère d’intérêt. Il n’est pas évident que les critères des alinéas a), b) ou c) de l’article 53 des Règles soient remplis, et je ne prononcerai donc pas la radiation du sous‑alinéa 6k) de la réponse.

 

[59]         Il peut être utile de souligner à ce stade que, si les hypothèses renferment quelque chose qui ne devrait pas y figurer, cela n’a pas pour effet de modifier ou établir une obligation qui n’existerait pas autrement.

 

[60]         Finalement, l’alinéa 11 de la réponse est contesté en tant qu’argument et comme quoi il énonce des conclusions de droit.

 

[61]         Cet alinéa indique l’effet de certaines des clauses de la convention de rachat d’actions et dénie certains mots de l’alinéa 11 de l’avis d’appel. L’alinéa 11 de la réponse, dans une partie des deux dernières lignes, ressemble en effet à l’alinéa 4, en haut de la page 2, du billet à ordre.

 

[62]         Il n’y a rien de mal à reprendre les clauses d’un accord, encore qu’il eût manifestement été préférable que l’alinéa 11 de la réponse se réfère explicitement à la convention et au billet à ordre comme le fait l’alinéa 11 de l’avis d’appel, même si une telle référence est implicite dans la référence à une partie de l’alinéa 11 de l’avis d’appel. Par conséquent, aucune ordonnance ne sera rendue à propos de cet alinéa.

 

[63]         Des questions liées aux actes de procédure, en particulier à ceux du ministre, surgissent souvent en raison de leur incidence sur la charge de la preuve. Il convient de se rappeler que rares sont les cas dont l’issue dépend de subtilités touchant la charge de la preuve. En principe, le juge du procès est en mesure de tirer les conclusions de fait qui s’imposent sans devoir s’en rapporter à des questions touchant la charge de la preuve.

 

Dispositif

 

[64]         Finalement, la requête sera rejetée. Les dépens suivront l’issue de la cause.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour d’avril 2009.

 

« Gaston Jorré »

Juge Jorré

 

Traduction certifiée conforme

ce 19e jour de juin 2009.

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur

 


RÉFÉRENCE :                                  2009 CCI 196

 

N° DU DOSSIER DE LA COUR :     2007‑3508(IT)G

 

INTITULÉ :                                       935475 ONTARIO LIMITED c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 16 mai 2008

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :     L’honorable juge Gaston Jorré

 

DATE DE L’ORDONNANCE :          Le 8 avril 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelante :

Me Richard G. Fitzsimmons

 

 

Avocat de l’intimée :

Me Jocelyn Espejo-Clarke

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :                         

 

                          Nom :                      Richard G. Fitzsimmons

 

                   Cabinet :                  Fitzsimmons & Company

                                                  Société professionnelle

                                                  Toronto (Ontario)

 

       Pour l’intimé :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1]       Transcription, page 72, lignes 13 à 18, et page 7, lignes 3 à 16.

[2]       À ces fins, je tiens compte des documents déposés avec la requête (voir paragraphe 12).

[3]       Page 2 du billet à ordre.

[4]       Alinéa 12 de la réponse.

[5]       Les copies des parties incluses de la convention étaient simplement annexées, et non produites par affidavit. Lorsque j’ai voulu savoir s’il y avait une objection à ce que je les examine, l’avocat de l’intimée ne s’y est pas opposé (voir transcription, page 79).

[6]       Transcription, page 4, lignes 2 à 14.

[7]       Alinéa 2 de la réponse.

[8]       McLarty v. R., [2001] 1 C.T.C. 2087 (CAF), paragraphe 7.

[9]       Compte tenu de leurs titres, la plupart des annexes non reproduites ne présentent sans doute pas d’intérêt, bien qu’il soit impossible de le savoir sans les examiner. L’une d’elles, intitulée [traduction] « Convention des actionnaires », pourrait être utile.

[10]     2005 CCI 556, 2005 DTC 1311. Voir aussi 1072174 Ontario Ltd. c. La Reine, 2008 CCI 129, paragraphes 18 à 21.

[11]     Canada c. Anchor Pointe Energy Ltd., 2007 CAF 188, 2007 DTC 5379, paragraphe 26.

[12]     Dans la mesure où le billet à ordre parle d’une option plutôt que d’une réversion automatique, cet énoncé des termes est peut‑être erroné, mais c’est là une question qui devra être tranchée au procès.

[13]     Voir le paragraphe 51(1) des Règles.

[14]     Quoi qu’il en soit, une enquête préalable serait à même d’éclaircir cet aspect.

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