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Dossier : 2008-2473(IT)I

ENTRE :

KEVIN TRIGG,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 22 janvier 2009, à Calgary (Alberta).

 

Devant : L’honorable juge G. A. Sheridan

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

Avocate de l’intimée :

MValerie Meier

 

JUGEMENT

 

Conformément aux motifs du jugement ci‑joints, l’appel interjeté à l’encontre de la nouvelle cotisation établie à l’égard de l’appelant en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2006 est accueilli, et l’affaire et renvoyée au ministre du Revenu national pour qu’il procède à un nouvel examen et établisse une nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l’appelant a le droit de déduire de son revenu des frais de déménagement pour :

 

1.                 des frais de location de voiture s’élevant à 547,84 $ et à 302,61 $; et

2.                 des coûts de désamiantage et d’isolation de 9 892,15 $.

 

LA COUR ORDONNE ÉGALEMENT que le droit de dépôt de 100 $ que l’appelant a acquitté lui soit remboursé.

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour d’avril 2009.

 

« G. A. Sheridan »

Juge Sheridan

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de juin 2009.

 

 

Alya Kaddour‑Lord, traductrice

 


 

 

 

Référence : 2009CCI194

Date : 20090409

Dossier : 2008-2473(IT)I

 

ENTRE :

KEVIN TRIGG,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Sheridan

 

[1]     Kevin Trigg a interjeté appel de la nouvelle cotisation établie à son égard par le ministre du Revenu national (le « ministre »), qui a refusé qu’il déduise de son revenu certains frais engagés quand il a quitté le Québec pour se rendre en Alberta afin d’y occuper un nouvel emploi.

 

[2]     Pendant l’audition de l’appel, une réponse modifiée à l’avis d’appel[1] a été déposée avec le consentement des parties.

 

[3]     Les questions en litige portent sur les frais engagés par l’appelant pour louer une voiture ainsi que pour procéder au désamiantage et à l’isolation de son ancienne résidence située à Montréal. Ces frais seront étudiés séparément ci‑dessous.

 

Les frais de location de voiture

 

[4]     L’appelant a emménagé en Alberta en 2005. Il n’a pas conclu la vente de son ancienne résidence de Montréal avant 2006. En mars de cette année‑là, il a dû retourner à Montréal pour finir de négocier la vente de son ancienne résidence, et il y est retourné en juin afin de conclure la transaction. En ces deux occasions, il a loué une voiture pour se déplacer entre Montréal et sa résidence d’été, au nord de la ville, où il a habité pendant qu’il procédait à la vente de son ancienne résidence. Les deux contrats de location des voitures[2] prévoyaient un kilométrage illimité et indiquaient respectivement que l’appelant avait conduit 1161 et 859 kilomètres.

 

[5]     Le ministre a reconnu que l’appelant avait le droit de déduire de son revenu ses frais de location de voiture pour un maximum de 720 kilomètres.

 

[6]     L’appelant a soutenu qu’il avait le droit de déduire de son revenu la totalité de ses frais étant donné que, s’il n’avait pas déménagé en Alberta pour son travail, il n’aurait pas eu besoin de louer une voiture à Montréal.

 

[7]     Le paragraphe 62(1) prévoit en termes généraux la déduction des « sommes qu’[un contribuable] a payées au titre des frais de déménagement », lesquelles sont définies de la manière suivante au paragraphe 62(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu :

 

3) « Frais de déménagement » Pour l’application du paragraphe (1), sont comprises dans les frais de déménagement toutes dépenses engagées au titre :

a) des frais de déplacement (y compris les dépenses raisonnables pour repas et logement) engagés pour le déménagement du contribuable et des membres de sa maisonnée qui se transportent de l’ancienne résidence à la nouvelle résidence;

b) des frais de transport et d’entreposage des meubles du contribuable qui doivent être transportés de son ancienne résidence à sa nouvelle résidence;

c) des frais de repas et de logement, près de l’ancienne résidence ou de la nouvelle résidence, engagés par le contribuable et les membres de sa maisonnée pendant une période maximale de 15 jours;

d) des frais de résiliation du bail en vertu duquel il était le locataire de son ancienne résidence;

e) des frais relatifs à la vente de son ancienne résidence;

f) lorsque le contribuable ou son époux ou conjoint de fait vend l’ancienne résidence par suite du déménagement, des frais, pour le contribuable, à l’égard des services juridiques relatifs à l’achat de la nouvelle résidence et des impôts, frais, droits et taxes (sauf toute taxe sur les produits et services ou taxe à la valeur ajoutée) applicables au transfert ou à l’enregistrement du droit de propriété de cette résidence;

g) des intérêts, impôts fonciers, primes d’assurance et coûts du chauffage et des services publics relativement à l’ancienne résidence, jusqu’à concurrence de 5 000 $ ou, s’il est moins élevé, du total des dépenses de cette nature engagées par le contribuable pour la période, à la fois :

(i)         tout au long de laquelle l’ancienne résidence n’est ni ordinairement occupée par le contribuable ou par une autre personne qui y résidait habituellement avec lui immédiatement avant le déménagement, ni louée par le contribuable à une autre personne,

(ii)        au cours de laquelle des efforts sérieux sont faits en vue de vendre l’ancienne résidence;

h) du coût de la révision de documents juridiques pour tenir compte de l’adresse de la nouvelle résidence du contribuable, du remplacement des permis de conduire et des certificats d’immatriculation de véhicules non commerciaux (à l’exclusion du coût de l’assurance-véhicule) et des connexion et déconnexion des services publics;

il est toutefois entendu que le terme ne vise pas les frais (autres que les frais visés à l’alinéa f)) engagés par le contribuable pour l’acquisition de sa nouvelle résidence.

 

[8]     Il faut comprendre de l’expression « comprises », employée au paragraphe 62(3), que la liste n’est pas exhaustive[3].

 

[9]     Les coûts de location d’une voiture ne sont pas spécifiquement mentionnés au paragraphe 62(3), mais ils n’en sont pas non plus expressément exclus. En de telles circonstances, il faut établir si les coûts de location de la voiture étaient « … une conséquence directe du changement de résidence imposé par le changement d’emploi »[4]. C’était à mon avis le cas, opinion que le ministre a partagée, tout du moins dans la limite des 720 kilomètres. Les contrats de location de voiture prévoyaient un kilométrage illimité; ainsi, le nombre de kilomètres parcourus ne changeait rien au prix payé par l’appelant. De même, il faut établir si les frais de location de 547,84 $ et de 302,61 $ étaient raisonnables. Je suis convaincue qu’ils l’étaient. S’il n’avait pas déménagé en Alberta, l’appelant n’aurait pas eu à retourner à Montréal afin de finaliser la vente de son ancienne demeure. Étant donné que le processus a été aussi long, quand l’appelant a conclu la transaction, il ne disposait plus à Montréal d’un moyen de transport lui permettant de remplir les dernières formalités de la vente. Je suis d’avis que les frais de location de voiture étaient une conséquence directe du déménagement et que les montants que l’appelant a déduits de son revenu sont raisonnables.

 

Les frais liés au désamiantage et à l’isolation

 

[10]    L’appelant a déduit de son revenu une somme de 9 892,15 $ au titre des frais qu’il a engagés pour procéder au désamiantage de son ancienne résidence et faire poser un autre matériau d’isolation.

 

[11]    Le ministre a refusé une telle déduction en affirmant qu’elle n’était pas visée par l’expression « des frais relatifs à la vente de son ancienne residence » figurant à l’alinéa 62(3)e) de la Loi. Pour appuyer la position de sa cliente, l’avocate de l’intimée a renvoyé à la décision Faibish c. Canada[5]. Dans cette décision, la Cour a confirmé le refus du ministre d’accepter que l’appelant déduise de son revenu l’élimination des moisissures et certains travaux connexes effectués à son ancienne résidence avant qu’il ne mette celle‑ci en vente.

 

[12]    Toutefois, je suis d’avis qu’il est facile de distinguer la situation de l’appelant en l’espèce de celle de M. Faibish. Dans son témoignage, que j’accepte, l’appelant a déclaré qu’il lui avait fallu plusieurs mois pour trouver un acheteur pour son ancienne résidence de Montréal. Ce n’est qu’après qu’ils eurent déménagé en Alberta que sa famille et lui ont finalement reçu une offre. Toutefois, cette offre était conditionnelle au remplacement de l’amiante par un matériau d’isolation adéquat[6]. Dans la décision Faibish, la résidence n’avait pas encore été mise en vente; les frais engagés afin d’éliminer les moisissures (et ensuite, malheureusement, pour réparer les dégâts d’eau qui s’en sont ensuivis) n’ont été engagés que parce que le contribuable « craignait »[7] que les moisissures ne nuisent à la vente de la résidence. En de telles circonstances, il est très compréhensible que la Cour ait conclu que l’élimination des moisissures et les coûts des travaux avaient trait à des travaux de réparation et de préparation en vue de la vente plutôt qu’à des « frais de déménagement » au sens du paragraphe 62(3).

[13]    Dans la décision Faibish, la Cour a fait référence à une autre de ses décisions, Collin v. Minister of National Revenue[8], dans laquelle le juge Bonner a opéré une distinction entre les coûts préparatoires et les coûts associés au fait de modifier les conditions de l’hypothèque en vue de faciliter une vente, ces derniers frais constituant des frais de déménagement légitimes. D’après moi, les frais engagés par l’appelant en vue de satisfaire aux modalités de la vente de son ancienne résidence sont analogues aux coûts associés à la modification des conditions de l’hypothèque dans la décision Collin. Contrairement au contribuable de la décision Faibish, l’appelant n’a pas engagé de tels frais simplement dans l’espoir que les travaux facilitent la vente de la résidence ou qu’ils lui permettent d’augmenter son prix de vente; il s’agissait d’une réponse directe aux demandes d’acheteurs longtemps attendus sur un marché languissant. En tant que tels, ils faisaient partie intégrante des coûts associés à la vente de l’ancienne résidence de l’appelant et devraient être déductibles.

 

[14]    Pour les motifs susmentionnés, l’appel interjeté à l’encontre de la nouvelle cotisation établie à l’égard de l’appelant pour l’année d’imposition 2006 est accueilli, et l’affaire est renvoyée au ministre pour qu’il procède à un nouvel examen et établisse une nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l’appelant a le droit de déduire des frais de déménagement de son revenu pour :


 

1.       des frais de location de voiture s’élevant à 547,84 $ et à 302,61 $; et

 

2.                 des coûts de désamiantage et d’isolation de 9 892,15 $.

 

          Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour d’avril 2009.

 

« G. A. Sheridan »

Juge Sheridan

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de juin 2009.

 

 

Alya Kaddour‑Lord, traductrice


 

RÉFÉRENCE :                                  2009CCI194

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2008-2473(IT)I

 

INTITULÉ :                                       Kevin Trigg et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 22 janvier 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge G. A. Sheridan

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 9 avril 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

Avocate de l’intimée :

MValerie Meier

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                      Nom :                          

                                                         

                  Cabinet :                         

                                                         

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1] Jointe à l’affidavit de Ken Rebryna en tant que « pièce C ».

[2] Pièces A-1 et A-2.

 

[3] Séguin c. Canada, 1997 CarswellNat 2392 (C.A.F.); [1998] 2 C.T.C. 13 (C.A.F.).

 

[4] Arrêt Séguin, au paragraphe 10.

 

[5] 2008 CCI 241; 2008 D.T.C. 3554 (C.C.I.).

 

[6] Pièces A-3 et A-4.

 

[7] Voir la décision Faibish, au paragraphe 5.

 

[8] [1986] 1 C.T.C. 2603 (C.C.I.).

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