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Dossier : 2008-1658(IT)I

ENTRE :

RONALD E. JARVIS,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[traduction française officielle]

 

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 26 mars 2009, à Nanaimo (Colombie‑Britannique).

 

Devant : L’honorable juge L.M. Little

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

 

Avocat de l’intimée :

Me Matthew Turnell

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel interjeté à l’égard de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2006 est rejeté, sans dépens.

 

 

 

Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique), ce 23e jour d’avril 2009.

 

 

 

« L.M. Little »

Juge Little

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour de juin 2009.

 

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.


 

 

 

 

Référence : 2009 CCI 224

Date : 20090423

Dossier : 2008-1658(IT)I

ENTRE :

RONALD E. JARVIS,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[traduction française officielle]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Little

 

A. Faits

 

[1]              En novembre 1966, l’appelant a souscrit une police d’assurance‑vie (la « police ») auprès de la Prudential Assurance Company Limited.

 

[2]              La police était décrite comme une assurance mixte arrivant à échéance au 60e anniversaire de l’assuré. Le numéro de la police était 7224220.

 

[3]              À compter de décembre 1966, l’appelant était tenu de verser une prime annuelle de 260 $. L’appelant a payé toutes les primes durant 40 ans.

 

[4]              La police stipulait que si l’appelant survivait jusqu’au 28 novembre 2006, il recevrait la somme assurée (10 000 $) plus tout capital additionnel qu’il aurait versé.

 

[5]              La Mutual Life Insurance Company a acheté les actions de la Prudential Assurance Company. Plus tard, la Compagnie d’Assurance‑Vie Sun Life du Canada (« Sun Life ») a acquis les actions de la Mutual Life Insurance Company. Par suite de ces transactions, l’appelant est devenu titulaire d’une police d’assurance de Sun Life, dont le numéro était LI-8024, 992-5.

 

[6]              Dans une lettre datée du 10 novembre 2006, Sun Life a informé l’appelant que la police allait échoir le 28 novembre 2006 (pièce A‑5). La lettre indiquait à l’appelant qu’il avait les choix suivants :

 

[TRADUCTION]

 

·                    Acheter une rente à constitution immédiate arrivant à échéance à la date prévue dans votre police. Si vous faites ce choix, le gain imposable sera étalé sur la période de paiement de votre choix. La date d’achat de la rente à constitution immédiate doit être la même que la date d’échéance de votre police. Une fois le revenu choisi, vous ne pourrez plus modifier la police ou être remboursé.

 

·                    Transférer les fonds à un des contrats d’épargne garantis de Clarica. Si vous faites ce choix, le gain imposable sera reporté à l’année d’échéance.

 

·                    Recevoir un chèque équivalant à la valeur à échéance de votre police, c’est‑à‑dire 30 004,50 $. Votre gain imposable à échéance, soit environ 17 593,12 $, sera reporté à l’année d’échéance de votre police.

 

[7]              L’appelant a informé Sun Life qu’il voulait recevoir la somme forfaitaire de 30 004,50 $, et Sun Life lui a fait un chèque de ce montant en novembre ou décembre 2006.

 

[8]              Sun Life a émis un feuillet T5 d’état des revenus de placement (pièce A‑4) à l’appelant. Dans ce feuillet, la somme de 17 593,12 $ est qualifiée d’« intérêts de source canadienne ».

 

[9]              L’appelant a affirmé ne pas avoir reçu le feuillet T5 émis par Sun Life avant de produire sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2006; il n’a donc inclus aucune partie du paiement reçu de Sun Life dans le calcul de ses revenus pour cette année d’imposition là. L’appelant a expliqué que Postes Canada livrait son courrier à un bureau de poste communautaire et que, pendant l’automne 2006, des vandales avaient volé une partie du courrier contenu dans la boîte aux lettres communautaire.

 

[10]         L’intimée a accepté la version des faits de l’appelant quant au vol du courrier contenu dans la boîte aux lettres communautaire, mais elle a soutenu que l’appelant est tenu d’inclure la somme de 17 593,12 $ dans le calcul de ses revenus pour l’année d’imposition 2006.

 

B. Question en litige

 

[11]         En l’espèce, la question est de savoir si le ministre du Revenu national (le « ministre ») a eu raison de conclure que l’appelant avait omis de déclarer 17 593,12 $ de revenus de placement qu’il avait reçus de Sun Life.

 

C. Analyse et décision

 

[12]         À l’audience, l’appelant a reconnu que la somme de 17 593,12 $ est imposable, et qu’elle doit donc être incluse dans le calcul de ses revenus pour l’année d’imposition 2006. Toutefois, l’appelant a affirmé que cette somme doit être considérée comme un revenu de dividendes, plutôt que comme des « intérêts de source canadienne ». L’appelant a dit comprendre que la somme de 17 593,12 $ serait imposée à un taux moindre si elle était considérée comme un dividende.

 

[13]         L’intimée a soutenu que la somme de 17 593,12 $ doit bel et bien être incluse dans les revenus de l’appelant à titre de revenu de placement, en application du paragraphe 148(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »).

 

[14]         L’alinéa 56(1)j) de la Loi est ainsi rédigé :

 

56(1) Sommes à inclure dans le revenu de l’année – Sans préjudice de la portée générale de l’article 3, sont à inclure dans le calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition :

 

            […]

 

            j) Produit d’une police d’assurance-vie – toutes sommes qui, en vertu du paragraphe 148(1) ou (1.1), doivent être incluses dans le calcul du revenu du contribuable pour l’année;

 

            […]

 

[15]         Le paragraphe 148(1) de la Loi est libellé de la sorte :

 

148(1) Calcul du revenu du titulaire d’une policeDans le calcul du revenu du titulaire d’une police d’assurance pour une année d’imposition, il faut inclure, à l’égard de la disposition d’un intérêt dans une police d’assurance-vie autre qu’une police qui est, ou qui est établie en vertu de :

 

[…]

 

l’excédent éventuel du produit de disposition de son intérêt dans la police que le titulaire, le bénéficiaire ou le cessionnaire a acquis le droit de recevoir au cours de l’année sur le coût de base rajusté, pour le titulaire de la police, de cet intérêt immédiatement avant la disposition.

 

[16]         Dans Patel c. Canada, [1999] A.C.I. no 847, le juge Dussault de la Cour canadienne de l’impôt a expliqué l’application de ces dispositions de la Loi de la façon suivante :

 

[7]        L’alinéa 56(1)j) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») dispose qu’il faut inclure dans le calcul du revenu du contribuable pour une année imposable toutes les sommes visées aux paragraphes 148(1) ou (1.1) de la Loi.

 

[8]        Fondamentalement, et sous réserve de certaines exceptions, le paragraphe 148(1) de la Loi indique qu’il convient d’inclure dans le revenu l’excédent du produit de la disposition de l’intérêt du titulaire de la police dans une police d’assurance-vie sur le coût de base rajusté de cet intérêt immédiatement avant la disposition.

 

[17]         Essentiellement, l’alinéa 56(1)j) et l’article 148 de la Loi font que les produits de certaines polices d’assurance‑vie doivent être inclus dans les revenus du contribuable à titre de « revenus provenant d’une autre source ». Ces dispositions ne portent pas que le produit d’une police d’assurance‑vie doit être considéré comme un dividende.

 

[18]         L’appelant a admis que la somme de 17 593,12 $ représente la différence entre le produit de la disposition de la police (30 004,50 $) et le coût de base rajusté de la police (12 411,38 $). Sun Life a calculé ces montants conformément aux formules prescrites par les définitions données à ces termes au paragraphe 148(9) de la Loi.

 

[19]         J’ai soigneusement examiné les documents relatifs à la police souscrite par l’appelant. Il semble que certains « dividendes » ont été attribués à l’appelant durant les années où il était titulaire de la police (pièce A‑3). Cependant, ces dividendes étaient réinvestis par Sun Life – ou par ses prédécesseurs – dans la police et ils étaient destinés à [TRADUCTION] « être utilisés pour souscrire de l’assurance libérée supplémentaire » (pièce A‑3).

 

[20]         Les passages pertinents des définitions de « coût de base rajusté » et de « produit de disposition » énoncées au paragraphe 148(9) de la Loi sont ainsi rédigés :

 

« coût de base rajusté » Le coût de base rajusté des intérêts que possède un titulaire dans une police d’assurance‑vie, à un moment donné, correspond au montant déterminé selon la formule suivante :

 

(A + B + C + D + E + F + G + G.1) - (H + I + J + K + L)

 

où :

 

[…]

 

B          le total des sommes représentant chacune une somme payée par lui ou pour son compte avant ce moment à titre de prime relative à la police, à l’exception des sommes ou montants visés à la division (2)a)(ii)(B), au sous‑alinéa (iii) de l’élément C de la formule figurant à l’alinéa a) de la définition de « produit de disposition » au présent paragraphe ou au sous‑alinéa b)(i) de cette définition;

 

[…]

 

« produit de disposition » Relativement à des intérêts dans une police d’assurance‑vie, montant du produit que le titulaire, bénéficiaire ou cessionnaire de la police a le droit de recevoir lors de la disposition d’intérêts dans la police; il est entendu que :

 

[…]

         

[21]         Ainsi, les dividendes qui étaient attribués à l’appelant et qui ont servi à souscrire de l’assurance libérée supplémentaire sont inclus dans le calcul du coût de base rajusté de la police à cause de l’élément B de la définition de ce terme‑là. Cette disposition fait en sorte que, lorsque le coût de base rajusté de la police est soustrait du produit de sa disposition – en application du paragraphe 148(1) et de l’alinéa 56(1)j) de la Loi –, le montant correspondant aux « dividendes » préalablement attribués à l’appelant n’est pas inclus dans le montant imposable. Par conséquent, la somme de 17 593,12 $ n’inclut pas de montant relatif aux dividendes ayant servi à souscrire de l’assurance libérée supplémentaire. Rien dans la preuve ne permet de croire que le montant de 17 593,12 $ a été mal calculé. J’ai donc conclu qu’aucune partie de la somme de 17 593,12 $ ne peut être considérée comme un revenu de dividendes.

 

[22]         L’appelant a aussi affirmé que Sun Life avait eu tort de qualifier la somme de 17 593,12 $ d’« intérêts de source canadienne », parce que les documents relatifs à la police ne font pas mention d’« intérêts » ou de « taux d’intérêt ». À mon avis, les faits en cause dans Lalonde c. Canada, [1997] A.C.I. no 1268 (« Lalonde ») sont analogues aux faits en cause dans la présente affaire. Dans Lalonde, l’appelant se voyait attribuer des intérêts et des dividendes chaque année au titre de sa police d’assurance‑vie. Ces montants étaient automatiquement réinvestis dans la police d’assurance. Pour chacune de ces années, l’appelant avait dûment inclus les revenus d’intérêts dans le calcul de ses revenus imposables. Lorsque l’appelant avait disposé de son intérêt dans la police d’assurance, la société d’assurance lui avait émis un feuillet T5 où une somme de 5 839,87 $ était qualifiée d’« intérêts de source canadienne ». Au paragraphe 19 de cette décision‑là, la juge Lamarre Proulx de la Cour canadienne de l’impôt s’est exprimée de la façon suivante :

 

[19]      En ce qui concerne le montant de 5 839,87 $, montant en litige, quoiqu’il soit indiqué dans la case « intérêts » de la formule T5, cela ne signifie pas du tout que ce soient des intérêts de la même nature que ceux que l’appelant a reçus annuellement et pour lesquels il a déjà payé de l’impôt. En fait, ce montant de 5 839,87 $ est le résultat de la soustraction du coût de base rajusté de la police du produit de disposition de cette dernière, résultat que je dois accepter, car il n’y a pas eu de preuve contraire quant au montant du produit de disposition ni à celui du coût de base rajusté. En d’autres termes, il s’agit de l’excédent du produit de disposition de l’intérêt de l’appelant dans la police d’assurance sur le coût de base rajusté de cet intérêt.

 

[23]         De façon similaire, la somme de 17 593,12 $ en cause dans la présente affaire n’a pas la même nature que les « dividendes » attribués à l’appelant chaque année où il était titulaire de la police. De même, cette somme‑là ne constitue pas un revenu d’« intérêts » au sens habituel de ce terme. Il s’agit plutôt d’un type particulier de revenu de placement, pour lequel le montant imposable doit être calculé en appliquant les formules établies à l’alinéa 56(1)j) et à l’article 148 de la Loi au produit de la disposition de l’intérêt qu’avait l’appelant dans la police. Quoique Sun Life a qualifié la somme de 17 593,12 $ d’« intérêts de source canadienne » dans le feuillet T5 qu’elle a émis à l’appelant, le résultat final – l’inclusion de la totalité de cette somme‑là dans les revenus de l’appelant – est le bon. De toute manière, la Loi ne prévoit pas de crédit d’impôt sur les dividendes ou de taux d’imposition inférieur pour le type de revenu de placement en cause.

 

[24]         Comme aucune preuve contraire n’a été présentée quant au « produit de disposition » et au « coût de base rajusté » de l’intérêt qu’avait l’appelant dans la police, j’ai conclu que c’est à juste titre que la somme de 17 593,12 $ a été incluse dans les revenus de l’appelant a titre de revenu de placement en application de l’alinéa 56(1)j) et de l’article 148 de la Loi.

 

[25]         L’appel est rejeté, sans dépens.

 

 

 

Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique), ce 23e jour d’avril 2009.

 

 

 

« L.M. Little »

Juge Little

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour de juin 2009.

 

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.



RÉFÉRENCE :

2009 CCI 224

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2008‑1658(IT)I

 

INTITULÉ :

Ronald E. Jarvis et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Nanaimo (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 26 mars 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge L.M. Little

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 23 avril 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

Avocat de l’intimée :

Me Matthew Turnell

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

Pour l’appelant :

 

Nom :

 

 

Cabinet :

 

 

Pour l’intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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