Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossier : 2004-1225(IT)G

ENTRE :

FRANCIS O'DEA,

 

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

________________________________________________________________

 

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Sean O'Dea (2004‑1226(IT)G), de John Rankin (2004‑1227(IT)G) et de Geoffrey Bailey (2004‑474(IT)G), les 17, 18 et 19 juin 2008, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L'honorable juge Diane Campbell

 

Comparutions :

 

Avocats de l'appelant :

Me Louise R. Summerhill

Me Chris Dunn

 

Avocats de l'intimée :

Me Marie-Thérèse Boris

Me Brent E. Cuddy

________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1992, 1993, 1994, 1995 et 1996 sont accueillis et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

          Si elles n'arrivent pas à régler la question des dépens dans les 60 jours qui suivent la date des présents motifs, les parties pourront communiquer avec la Cour afin de faire fixer les dates de dépôt d'observations écrites.

 

Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique), ce 1er jour de juin 2009.

 

 

« Diane Campbell »

Le juge Campbell

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de septembre 2009.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Dossier : 2004-1226(IT)G

ENTRE :

SEAN O'DEA,

 

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

________________________________________________________________

 

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Francis O'Dea (2004‑1225(IT)G), de John Rankin (2004‑1227(IT)G) et de Geoffrey Bailey (2004‑474(IT)G), les 17, 18 et 19 juin 2008, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L'honorable juge Diane Campbell

 

Comparutions :

 

Avocats de l'appelant :

Me Louise R. Summerhill

Me Chris Dunn

 

Avocats de l'intimée :

Me Marie-Thérèse Boris

Me Brent E. Cuddy

________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1992, 1993, 1994, 1995 et 1996 sont accueillis et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

          Si elles n'arrivent pas à régler la question des dépens dans les 60 jours qui suivent la date des présents motifs, les parties pourront communiquer avec la Cour afin de faire fixer les dates de dépôt d'observations écrites.

 

Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique), ce 1er jour de juin 2009.

 

 

« Diane Campbell »

Le juge Campbell

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de septembre 2009.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Dossier : 2004-1227(IT)G

ENTRE :

JOHN RANKIN,

 

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

________________________________________________________________

 

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Francis O'Dea (2004‑1225(IT)G), de Sean O'Dea (2004‑1226(IT)G) et de Geoffrey Bailey (2004‑474(IT)G), les 17, 18 et 19 juin 2008, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L'honorable juge Diane Campbell

 

Comparutions :

 

Avocats de l'appelant :

Me Louise R. Summerhill

Me Chris Dunn

 

Avocats de l'intimée :

Me Marie-Thérèse Boris

Me Brent E. Cuddy

________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1994, 1995 et 1996 sont accueillis et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

          Si elles n'arrivent pas à régler la question des dépens dans les 60 jours qui suivent la date des présents motifs, les parties pourront communiquer avec la Cour afin de faire fixer les dates de dépôt d'observations écrites.

 

Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique), ce 1er jour de juin 2009.

 

 

« Diane Campbell »

Le juge Campbell

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de septembre 2009.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Dossier : 2004-474(IT)G

ENTRE :

GEOFFREY BAILEY,

 

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

________________________________________________________________

 

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Francis O'Dea (2004‑1225(IT)G), de Sean O'Dea (2004‑1226(IT)G) et de John Rankin (2004‑1227(IT)G), les 17, 18 et 19 juin 2008, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L'honorable juge Diane Campbell

 

Comparutions :

 

Avocats de l'appelant :

Me Louise R. Summerhill

Me Chris Dunn

 

Avocats de l'intimée :

Me Marie-Thérèse Boris

Me Brent E. Cuddy

________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1994, 1995 et 1996 sont accueillis et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

          Si elles n'arrivent pas à régler la question des dépens dans les 60 jours qui suivent la date des présents motifs, les parties pourront communiquer avec la Cour afin de faire fixer les dates de dépôt d'observations écrites.

 

Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique), ce 1er jour de juin 2009.

 

 

« Diane Campbell »

Le juge Campbell

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de septembre 2009.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Référence : 2009 CCI 295

Date : 20090601

Dossiers : 2004-1225(IT)G,

2004-1226(IT)G,

2004-1227(IT)G,

2004-474(IT)G.

 

ENTRE :

FRANCIS O'DEA,

SEAN O'DEA,

JOHN RANKIN,

GEOFFREY BAILEY,

 

appelants,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Campbell

 

Introduction

 

[1]     Les présents appels découlent du refus du ministre du Revenu national (le « ministre ») d'admettre des pertes à l'égard des années d'imposition 1992 à 1996 dans le cas de Francis O'Dea et de Sean O'Dea et à l'égard des années d'imposition 1994 à 1996 dans le cas de Geoffrey Bailey et de John Rankin. En plus de refuser d'admettre les pertes, le ministre a imposé des pénalités pour faute lourde à l'égard de Francis O'Dea et de Sean O'Dea.

 

[2]     Tous les appelants ici en cause étaient des commanditaires de la société en commandite Proshred Florida/Georgia (la « société en commandite »). Geoffrey Bailey a également acheté des parts de la société en commandite Kilrush (la « société en commandite KP »), qui était un commanditaire de la société en commandite. Les appelants représentent un groupe de 17 commanditaires en tout qui ont acheté des parts en commandite dans la société en commandite ou dans la société en commandite KP. La société en commandite et la société en commandite KP ont été établies par Francis et Sean O'Dea et elles ont été enregistrées à titre de sociétés en commandite le 29 août 1988 et le 1er mai 1994 respectivement. La société en commandite et la société en commandite KP étaient toutes deux des abris fiscaux enregistrés en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »).

 

[3]     En ce qui concerne les années d'imposition pertinentes, le ministre a conclu que les appelants n'avaient pas le droit de déduire les pertes de la société en commandite et de la société en commandite KP. Ces pertes ont été refusées principalement parce que les billets à long terme, moyen par lequel tous les investisseurs avaient payé les parts qu'ils avaient achetées, représentaient des montants à recours limité au sens du paragraphe 143.2(1) de la Loi, étant donné que les appelants n'ont pas payé les intérêts y afférents, ou ne les ont pas payés dans les 60 jours suivant la fin de chaque année d'imposition, conformément aux exigences du paragraphe 143.2(7). Cela avait pour effet de réduire le coût des parts de chaque investisseur et, partant, de réduire la fraction à risques pour chaque investisseur en vertu du paragraphe 96(2.2) de la Loi et de réduire concurremment du même montant le droit des appelants de déduire leurs pertes respectives en vertu du paragraphe 96(2.1) de la Loi. De plus, les cotisations établies par le ministre étaient fondées sur la détermination selon laquelle la société en commandite n'était pas une société en commandite valide et que certaines dépenses n'étaient pas corroborées et n'étaient pas crédibles.

 

[4]     J'ai entendu le témoignage de trois appelants, Francis O'Dea, Sean O'Dea et Geoffrey Bailey, ainsi que de Glenn Fraser, comptable agréé chez Fraser, Celluci & Associates (maintenant Taligent Group Inc.), qui fournissait des services comptables au groupe de sociétés ici en cause. L'intimée s'est fondée sur le témoignage du vérificateur, Gino Casciano.

 

Les faits

 

[5]     Les appelants Francis et Sean O'Dea sont des frères qui ont créé ensemble l'entreprise mobile de déchiquetage de documents Proshred au milieu des années 1980. Proshred Holdings Limited (« PHL ») a été constituée en société en Ontario le 19 mars 1987; elle exploitait l'entreprise Proshred par l'entremise de franchises, au Canada et aux États‑Unis, au cours des années ici en cause.

 

[6]     Pour le franchisage de l'entreprise, PHL exploitait un bureau des services centralisé (le « bureau des services ») qui fournissait certains services administratifs et remplissait certaines fonctions administratives au profit de ses franchisés au Canada et aux États‑Unis. Le bureau des services était exploité par l'entremise d'un centre d'appels situé au Canada qui prenait les commandes, tenait les comptes des clients, en s'occupant notamment des recouvrements et des paiements, et fournissait des services comptables aux franchisés dans les deux pays. En échange de ces services, chacun des franchisés versait des frais de licence en fonction de ses recettes brutes (les « frais de licence »). Pour faciliter les activités aux États‑Unis, PHL exploitait dans ce pays une filiale américaine à cent pour cent, Proshred Inc. (« PI »), qui possédait tous les droits de licence lui permettant d'exploiter le bureau des services pour les franchisés aux États‑Unis.

 

[7]     Francis O'Dea était président du conseil d'administration de PHL et directeur général de PI; Sean O'Dea était directeur général de PHL. Ils avaient de longs antécédents en affaires, remontant au milieu des années 1970, et ils avaient tous deux participé aux activités d'autres sociétés, notamment à l'établissement de l'entreprise Second Cup bien connue. Ils avaient initialement développé l'entreprise de Proshred par l'entremise de sociétés en commandite, qui étaient rentables pour les investisseurs, avant de poursuivre l'expansion au moyen d'activités de franchisage. Sean O'Dea était principalement responsable du développement des franchises.

 

[8]     PI possédait les droits de licence se rattachant à l'exploitation du bureau des services aux États‑Unis, mais elle n'exerçait pas d'activités (contrat‑cadre de licence, 28 mars 1990, recueil conjoint de documents, onglet 7). Selon Francis O'Dea, PI était [TRADUCTION] « simplement une coquille vide » (transcription, page 34).

 

(A)     L'expansion de l'entreprise de Proshred

 

[9]     Après avoir consulté divers conseillers professionnels en 1994, PHL a décidé de prendre de l'expansion aux États‑Unis en utilisant la structure d'une société en commandite. Le 29 avril 1994, PI a vendu ses droits de licence se rattachant à l'exploitation du bureau des services pour les territoires de la Floride et de la Géorgie (les « droits de licence en Floride et en Géorgie ») à une autre société américaine, PC Holdings Inc. (« PC Holdings »). Peter Charlton, comptable agréé et CPA, était l'unique actionnaire de PC Holdings. Il agissait également à titre de conseiller de PHL au Canada et il s'occupait activement des stratégies comptables et financières de PHL. Le contrat initial d'achat du 29 avril 1994 conclu par PI, PHL et PC Holdings pour les droits de licence en Floride et en Géorgie indiquait un prix de vente de 3,4 millions de dollars, le paiement de PC Holdings à PI devant être effectué au moyen d'un billet.

 

[10]    Selon Francis O'Dea, PC Holdings a acquis les droits de licence en Floride et en Géorgie parce que Peter Charlton a reconnu les possibilités de l'entreprise de Proshred aux États‑Unis. Toutefois, par la suite dans son témoignage, M. O'Dea a déclaré que l'intention, en vendant les droits de licence en Floride et en Géorgie à PC Holdings, était [TRADUCTION] « [...] de créer cette société de personnes afin d'étendre les territoires de Proshred en Floride et en Géorgie, et c'était le mécanisme utilisé pour le faire » (transcription, page 32).

 

[11]    Peu de temps après, le 2 mai 1994, PC Holdings a vendu les droits de licence en Floride et en Géorgie à Proshred General Partner Inc. (« Proshred GP »), une société constituée en vertu des lois de l'Ontario à titre de filiale à cent pour cent de PHL. Proshred GP était l'unique commandité de la société en commandite; elle détenait une participation de 0,1 p. 100 dans la société en commandite. Proshred GP a acheté les droits de licence en Floride et en Géorgie pour le compte de la société en commandite et a émis un billet de 3,6 millions de dollars à PC Holdings aux fins du paiement des droits de licence en Floride et en Géorgie.

 

[12]    De plus, le 2 mai 1994, Proshred GP a conclu les accords supplémentaires suivants avec PHL pour le compte de la société en commandite :

 

1.       le contrat de gestion du bureau des services, aux termes duquel PHL s'engageait à gérer le bureau des services pour les franchises de la Floride et de la Géorgie pour le compte de la société en commandite;

 

2.       l'accord concernant l'insuffisance du flux de trésorerie (l'« AIFT »), aux termes duquel PHL s'engageait à combler toute insuffisance du flux de trésorerie en vue de permettre à la société en commandite de payer les frais d'exploitation et de distribuer certains montants aux commanditaires;

 

3.       l'accord concernant les services de démarrage (l'« ASD »), aux termes duquel PHL devait être responsable de l'établissement initial et de l'expansion des territoires de franchises, en Floride et en Géorgie;

 

4.       l'accord concernant l'implantation des franchises (l'« AIF »), aux termes duquel PHL était chargée d'assurer l'implantation des franchises en Floride et en Géorgie.

 

[13]    Pendant cette période, PHL a continué à exploiter le bureau des services pour toutes les franchises, au Canada et aux États‑Unis, et notamment pour celles qui étaient situées en Floride et en Géorgie, même si PI possédait les droits de licence se rattachant à l'exploitation du bureau des services aux États‑Unis. Il a continué à en être ainsi même si les droits de licence en Floride et en Géorgie ont par la suite été acquis par PC Holdings, et ensuite par Proshred GP, qui a acheté les droits de licence en Floride et en Géorgie pour le compte de la société en commandite.

 

(B)     L'achat des parts de la société en commandite

 

[14]    À l'automne 1994, 4 950 parts en tout de la société en commandite (les « parts ») ont été offertes conformément à une notice d'offre datée du 26 septembre 1994, qui a été modifiée et publiée de nouveau le 7 décembre 1994. Le prix d'achat était de 1 000 $ la part, payable en trois tranches : un paiement en espèces de 120 $ la part, un billet à court terme de 152,73 $ la part, payable, avec des intérêts au taux de 9 p. 100, le 2 janvier 1995 (le « billet à CT ») et un billet à long terme de 727,27 $ la part, payable le 31 décembre 2019, les intérêts étant payables annuellement à un taux correspondant au [TRADUCTION] « taux préférentiel, majoré de un pour cent » (le « billet à LT »). Le principal de tous les billets à LT s'élevait en tout à 3,6 millions de dollars. Cette structure de prix d'achat a été établie après qu'on eut demandé conseil à divers experts juridiques et comptables.

 

[15]    L'investisseur typique achetait des parts en versant un montant en espèces et en émettant un billet à CT et un billet à LT, mais Francis et Sean O'Dea ont chacun acheté leurs parts au moyen d'un billet à LT et d'un billet à moyen terme payable le 30 août 1999, les intérêts étant payables annuellement à un taux correspondant au [TRADUCTION] « taux préférentiel, majoré de un pour cent » (le « billet à MT »). Les billets à MT représentaient la valeur que Francis et Sean O'Dea auraient payée en versant le montant en espèces et en émettant le billet à CT, s'ils avaient acheté leurs parts conformément à la structure de prix prescrite dans la notice d'offre. Lorsqu'ils ont témoigné, ils ne se rappelaient pas pourquoi ils avaient utilisé des billets à MT au lieu d'effectuer un paiement en espèces et d'émettre un billet à CT.

 

[16]    Les appelants ont acquis leur nombre respectif de parts comme suit :

 

Appelants

Date de souscription

Nombre de parts

Coût total

Paiement en espèces

Billet à CT ou billet à MT

Billet S.C. (ou billet à LT)

Francis O'Dea

le 29 décembre 1994

900

900 000 $

-

246 069 $

654 543 $

Sean O'Dea

le 29 décembre 1994

300

300 000 $

-

 82 023 $

218 181 $

Dr Bailey

le 21 décembre 1994

97

 97 000 $

11 640 $

 14 815 $

70 545 $

M. Rankin

le 22 décembre 1994

150

150 000 $

18 000 $

 22 909 $

109 091 $

 

Remarque : Les montants, dans le cas de Francis et Sean O'Dea, ne correspondent pas aux « totaux » – il s'agit des montants figurant dans les billets versés aux onglets 21 et 22 du recueil conjoint de documents.

 

Remarque : Dans les documents de la société en commandite, le billet à LT était désigné comme étant le billet S.C.

 

[17]    Les 4 950 parts de la société en commandite n'ont pas toutes été acquises par des investisseurs particuliers. La société en commandite KP a acquis les 2 559 parts restantes le 30 décembre 1994. À titre de paiement, la société en commandite KP a émis un billet à court terme, portant intérêt au taux annuel de 9 p. 100, sans aucune modalité fixe de remboursement (le « billet à CT de KP »), et un billet à long terme (le « billet à LT de KP ») aux mêmes conditions que les billets à LT des autres commanditaires. Elle n'a pas effectué de paiement en espèces. Le billet à CT de KP et le billet à LT de KP n'ont pas été produits en preuve.

 

[18]    La personne qui détenait une part de la société en commandite KP avait droit, au prorata, à une participation proportionnelle indivise dans les droits, avantages, bénéfices et pertes se rattachant à une part de la société en commandite. Au cours des années visées par les appels, les parts que la société en commandite KP détenait dans la société en commandite constituaient les seuls éléments d'actif de la société en commandite KP.

 

[19]    Le 24 avril 1995, le Dr Bailey a acquis 97 parts de la société en commandite KP au prix de 1 000 $ la part, au moyen d'un paiement composé d'un paiement en espèces, d'un billet à court terme payable le 1er janvier 1996 et d'un billet à long terme payable le 31 décembre 2019.

 

[20]    Un montant d'environ 1,35 million de dollars en espèces aurait été obtenu par suite de l'offre, si toutes les parts avaient été souscrites avec un prix de souscription comprenant le paiement en espèces. Toutefois, il y avait 3 849 parts pour lesquelles aucun paiement en espèces n'avait été reçu, parce que Francis et Sean O'Dea et la société en commandite KP n'avaient pas versé de montant en espèces. Par conséquent, en ce qui concerne les paiements en espèces, un montant de 1,05 million de dollars sur les 1,35 million de dollars possibles prévus n'a pas été obtenu. Bien que les appelants aient soutenu que la société en commandite avait pour objet de financer l'expansion aux États‑Unis, outre les billets à MT de Francis et de Sean O'Dea et des billets à CT du Dr Bailey et de M. Rankin, la société en commandite n'a reçu aucun montant au titre du principal à l'égard de l'un ou l'autre des billets.

 

(C)     Les billets à CT, les billets à MT, les billets à LT et le paiement des intérêts

 

[21]    Lors de l'achat de leurs parts, le Dr Bailey et M. Rankin ont versé le montant en espèces à la société en commandite. Ils ont également remboursé les billets à CT, avec intérêts, à la société en commandite le 2 janvier 1995.

 

[22]    Francis O'Dea et Sean O'Dea ont témoigné que leurs billets à MT ont été payés au complet avec intérêts, conformément aux exigences, au plus tard le 30 août 1999. Toutefois, ils n'ont pas effectué de paiements au titre des intérêts à l'égard de ces billets au cours des années d'imposition pertinentes.

 

[23]    Les appelants se sont fortement fondés sur la preuve soumise par Glenn Fraser quant à la prétention selon laquelle les paiements requis au titre des intérêts ont de fait été effectués par les commanditaires à l'égard du billet à CT de KP, du billet à LT de KP et des billets à LT au cours des années pertinentes.

 

[24]    Monsieur Fraser n'a pas pris part à l'organisation de la société en commandite ou de la société en commandite KP, mais PHL avait recours aux services de son cabinet, Fraser Celluci, pour la tenue des livres et la comptabilité pour le groupe de sociétés Proshred au complet. Selon les conditions d'engagement, le cabinet était chargé de préparer les documents de travail annuels pour les années d'imposition, à compter de l'année 1995, et de présenter les déclarations de renseignements annuelles des sociétés de personnes à l'ARC pour la société en commandite et pour la société en commandite KP. Le cabinet ne préparait pas les états financiers.

 

[25]    Selon M. Fraser, les intérêts sur les billets à CT de KP ont été payés chaque année par chèque et, par conséquent, la société en commandite avait reçu de l'argent par chèque de la société en commandite KP en paiement du billet à CT de KP. Certains états subséquents indiquent que la société en commandite a comptabilisé le revenu en intérêts en conséquence. Toutefois, l'examen des relevés bancaires de la société en commandite a confirmé que ces relevés n'indiquaient pas de dépôts au cours des années pertinentes. De fait, le compte de la société en commandite était inactif depuis le 31 décembre 1995. Monsieur Fraser a soutenu que les chèques [TRADUCTION] « [...] avaient peut‑être été déposés dans le compte bancaire de Proshred Holdings » (transcription, page 265).

 

[26]    En ce qui concerne le paiement des intérêts afférents aux billets à LT, y compris le billet à LT de KP, l'alinéa 4.04a) du contrat de société en commandite mis à jour (annexe A de la notice d'offre, onglet 5, recueil conjoint de documents) prévoyait ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

 

a) Au cours de chaque exercice, un montant sera distribué aux commanditaires, lequel correspondra aux intérêts dus à l'égard du billet S.C. pour cet exercice, à payer au plus tard le 31 décembre de cet exercice. À la demande du commanditaire, le montant distribué peut être versé directement au détenteur du billet S.C. en paiement des obligations incombant au commanditaire quant au paiement des intérêts y afférents;

 

[27]    Selon les appelants, les montants ont été distribués conformément à l'alinéa 4.04a). L'article 4.03 prévoyait que les montants distribués devaient provenir des recettes brutes de la société en commandite, mais ces montants étaient distribués au moyen de prélèvements sur le compte de capital de chaque commanditaire. Les montants distribués au cours de chaque année d'imposition sont conformes à l'historique, de 1994 à 1997, du capital propre, du PBR et des fractions à risques pour chaque commanditaire.

 

[28]    Selon les appelants, les intérêts afférents aux billets à LT ont été payés par les commanditaires au moyen d'écritures de journal au cours de chacune des années d'imposition pertinentes (onglet 2, pièce A‑2). Monsieur Fraser a déclaré que les écritures étaient faites dans les 60 jours suivant la fin de l'exercice suivant, étant donné que les documents de travail pour les états financiers étaient soumis au cabinet comptable dans les 45 à 60 jours de l'exercice suivant.

 

[29]    Les appelants ont déclaré que la société en commandite avait par la suite cédé les billets à LT à PC Holdings en règlement du billet de 3,6 millions de dollars à l'égard des droits de licence en Floride et en Géorgie. Toutefois, les commanditaires n'ont pas signé de directives ou d'autorisations permettant à Proshred GP ou à la société en commandite de payer les billets à LT directement ou de payer les intérêts dus, ou permettant à la société en commandite KP de payer les billets à LT directement à un tiers. Toutefois, il est vrai que le formulaire des billets à LT renfermait la disposition suivante : [TRADUCTION] « Les fonds provenant du billet à long terme seront versés à un tiers à l'égard des services à rendre et des services rendus pour le compte de la société en commandite. » Sauf pour cette disposition, rien ne montrait que la société en commandite avait cédé l'un ou l'autre des billets à LT.

 

[30]    Monsieur Fraser traitait avec M. Charlton et suivait les instructions et les conseils de celui‑ci lors du travail qu'il accomplissait pour les sociétés Proshred. Monsieur Fraser n'était pas au courant de la teneur des accords pertinents, mais il a déclaré qu'il aurait suivi les instructions de M. Charlton en effectuant les écritures de journal nécessaires. Il a déclaré ce qui suit au sujet des écritures de journal :

 

[TRADUCTION]

 

[...] les écritures de journal auraient été en partie préparées par nous et elles nous auraient en partie été fournies.

 

[...]

 

Par l'un des cabinets professionnels.

 

(Transcription, page 219)

 

[31]    Le 31 mars 1997, M. Fraser a envoyé une note de service à Mike Kecskemeti, un autre employé du cabinet, selon laquelle les intérêts afférents aux billets à LT étaient réputés être payés le 1er janvier 1996 pour la fin de l'exercice 1995 (pièce A‑1, onglet 55).

 

[32]    Monsieur Fraser a témoigné qu'en disant que [TRADUCTION] « les intérêts étaient réputés être payés », cela voulait dire [TRADUCTION] qu'« ils devaient être payés » (transcription, pages 252 à 254).

 

[33]    En ce qui concerne les écritures de journal documentées dans la pièce A‑2, onglet 2, M. Fraser a admis ce qui suit :

 

1)       il les a imprimées à l'aide du système informatique à son bureau une semaine avant l'audience;

 

2)       il ne se rappelait pas qui avait réellement préparé les écritures;

 

3)       il n'y avait rien dans les documents qui indiquait à quel moment les écritures avaient été effectuées;

 

4)       les écritures étaient [TRADUCTION] « irrégulières » parce que, même si un exercice était mentionné, elles n'indiquaient aucune date exacte (transcription, page 276);

 

5)       il y avait une liste d'écritures de journal qui pouvaient étayer un grand livre, mais il ne s'agissait pas des écritures de journal originales qui faisaient partie des documents et registres de la société en commandite (transcription, page 279).

 

[34]    Lors de la vérification, M. Casciano n'a obtenu aucun élément de preuve montrant que des intérêts afférents aux billets à LT avaient été payés. Il s'attendait à voir des écritures de journal indiquant les montants se rattachant aux intérêts sur les billets à LT qui, disait‑on, ont été par la suite cédés à PC Holdings, ainsi que des écritures se rapportant à la retenue d'impôt des non‑résidents. Monsieur Casciano n'a pas obtenu les écritures de journal versées à l'onglet 2, pièce A‑2, au cours de la vérification, mais il a déclaré que les nouvelles cotisations seraient demeurées les mêmes parce que les écritures de journal à l'onglet 2 n'étaient pas datées et qu'il n'y avait pas d'écritures pour les années 1994 et 1995. De la même façon, même si les documents de travail à l'onglet 1, pièce A‑2, avaient été fournis au cours de la vérification, les nouvelles cotisations seraient également demeurées les mêmes parce que ces documents étaient [TRADUCTION] « [...] simplement produits aux fins de la préparation des états financiers, mais ils ne démontraient certes pas que des documents et registres étaient tenus » (transcription, page 363).

 

(D)     L'entreprise de la société en commandite, ses dépenses et les pertes correspondantes

 

[35]    Contrairement à l'entreprise canadienne, l'entreprise en Floride et en Géorgie n'a pas été rentable et la société en commandite n'a pas pu réaliser ses projections pour les États‑Unis. La société en commandite n'a jamais eu de recettes suffisantes pour payer la dette qu'elle avait envers PHL par suite des frais qu'elle avait engagés aux termes des divers accords (frais de gestion dus à PHL, prêt de 3,6 millions de dollars à payer à PC Holdings et paiements à PHL aux termes de l'ASD et de l'AIF).

 

[36]    Sean O'Dea a pris part à la préparation des projections financières (pièce R‑2), mentionnées dans la notice d'offre, qui ont été utilisées pour promouvoir la vente initiale des parts de la société en commandite à des investisseurs possibles. Il a confirmé que l'état financier pro forma avait été préparé avant la constitution de la société en commandite. Selon les prévisions figurant dans l'état financier pro forma, la société en commandite aurait reçu, en 1996, 521 136 $ au titre des frais du bureau des services. Ces frais du bureau des services constituaient la seule source de recettes de la société en commandite. En déterminant les frais projetés du bureau des services, Sean O'Dea a tenu compte des ventes prévues en Floride et en Géorgie. Selon les projections figurant dans la notice d'offre, le chiffre d'affaires brut global de l'entreprise de déchiquetage pour la Floride et pour la Géorgie, en 1996 seulement, s'élevait en tout à environ 3,8 millions de dollars. Par contre, au bout de huit années d'exploitation, le chiffre d'affaires brut de l'entreprise de déchiquetage pour l'ensemble du Canada s'élevait en tout à 4,3 millions de dollars seulement. Sean O'Dea a admis que ce niveau projeté de recettes pour la Floride et pour la Géorgie, après deux années seulement, excédait le niveau atteint au Canada après neuf années complètes d'exploitation. Toutefois, il a signalé que PHL avait commencé à franchiser l'entreprise au Canada au cours des dernières années et qu'après trois années seulement d'exploitation, le chiffre d'affaires brut de l'entreprise de déchiquetage de PHL était chaque année d'environ 2 millions de dollars. Les projections dans l'état financier pro forma et dans la notice d'offre étaient compatibles.

 

[37]    Sean O'Dea a témoigné avoir examiné la notice d'offre, et notamment la section concernant la divulgation fiscale, page XIII de la notice d'offre, laquelle avait été préparée par les conseillers comptables, Mintz & Partners. À la page iii de la notice d'offre (onglet 5, recueil conjoint des documents), il était dit ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

 

La propriété des parts de la société en commandite vise à fournir aux commanditaires la possibilité de recevoir certains montants en espèces de la société en commandite, lesquels seront affectés au remboursement des billets S.C., produiront peut‑être un rendement en espèces et, dans l'intervalle, fourniront suffisamment d'argent pour couvrir l'impôt sur le revenu au taux marginal maximal sur tout revenu attribué par la société en commandite, moins les intérêts payés sur les billets S.C., et pour entraîner certaines déductions fiscales admissibles qui protégeront d'autres revenus. Voir « Incidences fiscales ».

 

Francis O'Dea a témoigné avoir compris que cela voulait dire que [TRADUCTION] « [...] les recettes du bureau des services seront inscrites dans les registres de la société en commandite et les montants distribués à l'aide de ce flux de recettes seront versés aux associés » (transcription, page 56). Toutefois, la société en commandite n'a pas fait suffisamment de recettes pour effectuer les distributions annuelles au titre des intérêts à ses commanditaires.

 

[38]    La société en commandite a subi des pertes élevées lors de son exploitation pendant les exercices qui ont pris fin les 31 décembre 1994, 1995 et 1996. Ces pertes ont ensuite été attribuées à ses commanditaires, notamment à la société en commandite KP, au cours de ces années. La société en commandite KP a ensuite attribué de son côté ces pertes, au prorata, à ses propres commanditaires.

 

[39]    Les résultats de la société en commandite pour l'exercice ayant pris fin le 31 décembre 1994 indiquent des [TRADUCTION] « frais de démarrage » de 950 000 $ qui ont été déduits par la société en commandite à titre de dépense pour les services rendus par PHL aux termes de l'ASD. Les résultats de la société en commandite pour les exercices ayant pris fin les 31 décembre 1995 et 1996 montrent que des frais d'implantation des franchises de 1,3 million de dollars et de 500 000 $ ont été déduits à titre de dépense pour le coût d'expansion des franchises, en Floride et en Géorgie, et qu'ils ont censément été engagés par PHL aux termes de l'AIF.

 

Les passages pertinents des articles 2 et 3 de l'ASD sont libellés comme suit :

 

[TRADUCTION

 

2.         PHL estime que les dépenses et frais susmentionnés qu'elle doit engager jusqu'au 31 décembre 1994 en vue de fournir les éléments énumérés au premier paragraphe des présentes ainsi que les autres services se rattachant au démarrage de l'entreprise dans le territoire s'élèveront à environ 950 000 $. PHL s'engage à fournir à la société en commandite un état des dépenses indiquant les diverses catégories de dépenses, avec des détails suffisants, dès qu'il sera raisonnablement possible de le faire après la fin de l'année civile.

 

3.         La société en commandite s'engage [...] à rembourser à PHL les dépenses et frais de démarrage à l'aide du produit de la vente de parts de la société en commandite [...].

 

De même, les passages pertinents des articles 2 et 3 de l'AIF sont libellés somme suit :

 

[TRADUCTION

 

2.         PHL estime que les dépenses et frais d'implantation susmentionnés qu'elle doit engager pour le compte de la société en commandite au cours de la période de deux ans allant du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1996 en vue de fournir les services d'implantation mentionnés au premier paragraphe des présentes ainsi que les autres services se rattachant à l'implantation de l'entreprise de la société en commandite dans le territoire s'élèveront à environ 1 800 000 $. PHL s'engage à fournir à la société en commandite un état des dépenses indiquant les diverses catégories de dépenses, avec des détails suffisants, dès qu'il sera raisonnablement possible de le faire après la fin de l'année civile 1996.

 

3.         La société en commandite s'engage à rembourser à PHL les dépenses et frais d'implantation, sans intérêts, à l'aide des fonds provenant de l'entreprise du bureau des services [...]

 

[40]    Conformément à l'ASD, la société en commandite devait rembourser 950 000 $ à PHL, ce qui était le coût approximatif se rattachant à l'organisation des divers territoires de franchises. De même, l'AIF exigeait que la société en commandite rembourse à PHL les dépenses engagées en 1995 et en 1996 en vue du développement de ces territoires, les frais y afférents étant fixés à 1,8 million de dollars. En ce qui concerne ces paiements, Francis O'Dea a témoigné qu'il s'agissait [TRADUCTION] « [...] d'une estimation du coût et du montant qui serait remboursé » (transcription, page 81). Francis O'Dea a témoigné que si les coûts que PHL engageait en vue de s'acquitter des obligations lui incombant conformément à l'ASD et à l'AIF excédaient 950 000 $ et 1,8 million de dollars respectivement, PHL serait tenue de payer ces coûts additionnels et ne ferait pas passer ces coûts à la société en commandite.

 

[41]    Les accords prévoyaient que PHL remettrait à la société en commandite un état des dépenses et des coûts réels engagés, mais Francis O'Dea a admis qu'à sa connaissance, cela n'avait jamais été fait. Toutefois, les appelants soutiennent que les divers documents versés à l'onglet 69 du recueil conjoint de documents comprennent toutes les factures et tous les reçus nécessaires se rattachant aux dépenses et coûts que PHL avait engagés aux termes de l'ASD et de l'AIF.

 

[42]    Monsieur Casciano a conclu que les dépenses que la société en commandite avait déduites, se rattachant censément aux dépenses visées par l'ASD et par l'AIF, pour les exercices ayant pris fin en 1994, en 1995 et en 1996, n'étaient pas crédibles et que les dépenses légitimes auraient été [TRADUCTION] « réduites de beaucoup, à presque rien » (transcription, page 378). Il a également conclu que les documents produits sous la cote R‑5, qui renfermaient un état des dépenses s'élevant en tout à 3 275 000 $ que PHL avait engagées pour le compte de la société en commandite entre 1993 et 1996, incluaient une marge de 740 221 $ qui n'était manifestement pas une dépense, mais qui avait été ajoutée de façon que l'état indique un montant de 3 275 000 $. Monsieur Casciano se demandait également si la société en commandite avait remboursé les dépenses de 1993 à PHL en 1994.

 

[43]    Lorsque la vérification a commencé au mois de juin 1999, M. Casciano a écrit à la société en commandite afin de demander divers documents. Aucun document comptable ni aucun grand livre ne lui ont été fournis en réponse à cette demande. Au cours de la vérification, M. Casciano a bien reçu, d'une façon intermittente, des écritures de rajustement et des écritures de clôture ainsi que des rapprochements, rédigés à la main et non datés, pour un compte intersociété de PHL et certains relevés bancaires de la société en commandite, mais pas tous les relevés. Monsieur Casciano a conclu que ces renseignements ne démontraient pas une bonne tenue des livres et, par conséquent, il n'a pas pu vérifier les recettes, les dépenses et les pertes des commanditaires qui avaient été déclarées à l'aide des renseignements obtenus au cours de la vérification.

 

[44]    Quant aux documents versés à l'onglet 1, pièce A‑2, M. Casciano a déclaré qu'il n'avait pas encore vu les documents figurant aux pages 2, 3, 4, 5, 6, 12, 13, 16, 17, 19 et 20 une semaine avant l'audience. En ce qui concerne les documents figurant aux pages 1, 8, 18, 21 et 22, il avait vu des documents similaires, mais non les documents exacts qui avaient été produits sous la cote A‑2. Quant aux documents figurant aux pages 9, 10, 11, 14 et 15, il les avait vus au cours de la vérification.

 

[45]    De même, la preuve présentée par M. Fraser au sujet de la question de savoir si la société en commandite tenait des documents et registres indépendants ou un grand livre était incohérente. Au cours de l'audience, M. Fraser a d'abord dit que la société en commandite tenait son grand livre et que ses documents et registres étaient tenus aux bureaux de PHL. Toutefois, il a par la suite admis qu'il ne se rappelait pas si la société en commandite tenait des documents et registres indépendants et il a également admis que la société en commandite n'avait pas de système comptable indépendant.

 

[46]    Francis O'Dea a admis que les appelants ne pouvaient pas produire les relevés bancaires de la société en commandite, sauf pour le relevé visant la période allant du 29 décembre 1995 au 31 décembre 1996 (onglet 52, recueil conjoint de documents). Il a également admis que le compte bancaire de PHL était inactif depuis au moins le mois de décembre 1995.

 

(E)     Francis et Sean O'Dea et Geoffrey Bailey

 

[47]    Francis O'Dea a eu un rôle important lorsqu'il s'est agi de planifier l'expansion de la société en commandite et de promouvoir activement la vente de parts de la société en commandite auprès d'investisseurs possibles. Monsieur O'Dea a témoigné qu'il s'intéressait avant tout à l'expansion de l'entreprise plutôt qu'aux conséquences fiscales, mais il a admis que, [TRADUCTION] « selon toute probabilité », il savait qu'un commanditaire pouvait uniquement déduire les pertes complètes si le billet à CT était payé. Francis O'Dea a demandé la pleine déduction des pertes, et ce, même s'il n'avait pas effectué de paiement en espèces et même s'il n'avait pas souscrit un billet à CT ou payé de billet à CT au cours des années d'imposition pertinentes. Il a admis qu'au 31 décembre 1996, il devait à la société en commandite un montant de 245 454 $, soit le prix de souscription de son billet à MT (transcription, page 93). (Remarque : Par contre, à l'onglet 21, le principal indiqué pour le billet à MT est de 246 069 $.) Toutefois, lors du réinterrogatoire, Francis O'Dea a déclaré n'avoir appris que peu de temps avant l'audience que le billet à MT et la déductibilité des pertes posaient peut‑être un problème.

 

[48]    Selon les billets à LT, les intérêts devaient être payés à un taux correspondant au [TRADUCTION] « taux préférentiel, majoré de un pour cent », « calculé aux six mois, non à l'avance, et payables annuellement le 31 décembre de chaque année » (onglet 21, recueil conjoint de documents). Francis O'Dea a témoigné savoir que les intérêts sur les billets à LT devaient être payés dans les 60 jours de la fin de l'année selon la notice d'offre et selon les règles relatives aux abris fiscaux énoncées dans la Loi. Il a témoigné avoir demandé à M. Fraser de veiller à ce que ces intérêts soient payés et il croyait que les intérêts afférents à ces billets avaient été payés par les commanditaires au moyen d'écritures de journal. La preuve de Sean O'Dea était essentiellement la même, en ce qui concerne le paiement des intérêts afférents au billet à LT. En particulier, Sean O'Dea savait que si les intérêts afférents à un prêt n'étaient pas payés, le montant de la perte qu'un commanditaire pouvait déduire était également limité.

 

[49]    Le docteur Bailey, un médecin de Terre‑Neuve, était un commanditaire de la société en commandite ainsi qu'un commanditaire de la société en commandite KP. Il considérait sa participation comme un placement à long terme qui, espérait‑il, serait rentable. Avant d'acheter des parts, il a lu la notice d'offre pour chacune des sociétés en commandite. Son prix de souscription pour ses parts était conforme à la structure du prix d'achat prévue dans la notice d'offre. En ce qui concerne les paiements concernant le billet à LT, il a dit ce qui suit :

 

[TRADUCTION

 

R.         Je croyais comprendre que les paiements devaient provenir des bénéfices du bureau des services et qu'ils comprenaient le paiement des intérêts applicables au billet à long terme et tout paiement effectué au titre du principal — s'il y avait alors un revenu adéquat, de faire des paiements au titre du principal au début du placement, et par la suite, les paiements se rapportant au principal également du billet à long terme, qui venait à échéance en 2019, me semble‑t‑il.

 

(Transcription, page 180)

 

[50]    En ce qui concerne les intérêts afférents au billet à LT qui étaient dus à la société en commandite, le témoin a déclaré ce qui suit :

 

[TRADUCTION

 

Je n'ai pas payé d'intérêts sur le billet à long terme. Ils devaient — selon ce que je croyais comprendre, ils devaient être payés à l'aide du revenu généré par la société en commandite et, en l'absence de ce montant, il y avait un autre accord conclu avec Proshred Holdings au sujet de l'insuffisance de fonds, lequel prévoyait des prêts visant à couvrir les paiements à effectuer à court terme au titre des intérêts tant qu'il n'y aurait pas suffisamment de flux de trésorerie provenant de la société en commandite aux fins du paiement de ces intérêts.

 

(Transcription, page 185)

 

En ce qui concerne les années d'imposition en question, le Dr Bailey a reçu certains documents de la société en commandite aux fins de la production de ses déclarations de revenus, ce qui l'a amené à croire que les intérêts étaient dûment payés sur son billet à LT.

 

(F)     Les nouvelles cotisations

 

[51]    Au mois de juillet 2000, le ministre a établi de nouvelles cotisations à l'égard de Francis O'Dea, de Sean O'Dea, du Dr Bailey et de M. Rankin (les « nouvelles cotisations »). Les nouvelles cotisations avaient pour effet de refuser toutes les pertes de la société en commandite que chacun des appelants avait déduites pour les années d'imposition 1994, 1995 et 1996. Le ministre a également refusé les pertes de la société en commandite que Francis O'Dea et Sean O'Dea avaient cherché à reporter rétrospectivement aux années 1992 et 1993. Les nouvelles cotisations étaient principalement fondées sur l'application des règles concernant les montants à recours limité figurant à l'article 143.2 de la Loi, lesquelles avaient pour effet de réduire les fractions à risques de chaque appelant en vertu du paragraphe 96(2.2) et le droit de ces appelants aux pertes de la société en commandite en vertu du paragraphe 96(2.1) de la Loi. Le ministre a également conclu que la société en commandite n'était pas une société en commandite valide et, en outre, que la société en commandite ne devrait pas avoir le droit de déduire les dépenses qu'elle avait censément engagées aux termes de l'ASD et de l'AIF. De plus, des pénalités ont été imposées à Francis O'Dea et à Sean O'Dea en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi.

 

Points en litige

 

[52]    1.       Le paragraphe 143.2(7) de la Loi s'applique‑t‑il aux billets à MT, aux billets à LT, au billet à CT de KP et au billet à LT de KP, de façon que la règle sur les montants à recours limité s'applique et que le ministre soit autorisé à établir de nouvelles cotisations à l'égard des années frappées de prescription conformément au paragraphe 143.2(15)?

 

2.       Si les appelants ont le droit de déduire les pertes, Francis O'Dea et Sean O'Dea ont‑ils le droit de reporter leurs pertes de la société en commandite aux années d'imposition 1992 et 1993?

 

3.       Si la règle sur les montants à recours limité à l'article 143.2 ne s'applique pas aux billets :

 

a)       Est‑il interdit au ministre, en raison de la prescription, d'établir de nouvelles cotisations à l'égard des appelants en ce qui concerne les billets respectifs?

 

b)      Est‑il interdit au ministre, en raison de la prescription, d'établir de nouvelles cotisations à l'égard des appelants en se fondant sur un autre motif?

 

4.       Indépendamment de la question de savoir si la règle sur les montants à recours limité à l'article 143.2 s'applique aux billets, les appelants ont‑ils le droit de déduire leurs pertes respectives de la société en commandite compte tenu de ce qui suit :

 

a)       La société en commandite était‑elle un trompe‑l'oeil, ou s'agissait‑il d'une société de personnes valide pour l'application de l'article 96 de la Loi?

 

b)      La société en commandite a‑t‑elle le droit de déduire toutes les dépenses qu'elle allègue avoir engagées au cours des années d'imposition pertinentes, de sorte que les appelants aient le droit de déduire leurs pertes respectives à cet égard?

 

5.       Francis O'Dea et Sean O'Dea sont‑ils passibles de pénalités pour faute lourde telles que celles que le ministre a établies en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi?

 

Les positions des appelants et de l'intimée sur les principaux points en litige

 

1.       La question de la prescription

 

[53]    Au mois de juillet 2000, le ministre a établi les nouvelles cotisations à l'égard des années d'imposition 1994 à 1996 (et, dans le cas de Francis et de Sean O'Dea, pour les années d'imposition 1992 et 1993 également). Par conséquent, les appelants soutiennent que les nouvelles cotisations sont prescrites en raison du paragraphe 152(4) de la Loi.

 

[54]    Selon la position de l'intimée, le ministre a le droit d'établir de nouvelles cotisations à l'égard des années par ailleurs frappées de prescription conformément au paragraphe 143.2(15) de la Loi en vue de donner effet à l'article 143.2. La position prise par l'intimée est qu'aucune des années d'imposition n'est frappée de prescription dans la mesure où le droit des appelants aux pertes de la société en commandite est réduit des présumés montants à recours limité en vertu du paragraphe 143.2(7). L'intimée soutient que la règle sur les montants à recours limité s'applique aux billets à MT, aux billets à LT, au billet à CT de KP et au billet à LT de KP en vertu du paragraphe 143.2(7) parce que les appelants et la société en commandite KP n'ont pas payé d'intérêts sur les billets émis en faveur de la société en commandite. Subsidiairement, l'intimée soutient que les intérêts afférents aux billets n'ont pas été payés dans les 60 jours qui ont suivi la fin de l'année. L'intimée fait également valoir que la règle sur les montants à recours limité s'applique au billet à CT de KP en vertu du paragraphe 143.2(7) parce que des arrangements n'ont pas été conclus de bonne foi en vue du remboursement. En ce qui concerne le Dr Bailey, l'intimée affirme également qu'il n'a pas versé d'intérêts à la société en commandite KP à l'égard de son billet à long terme.

 

[55]    Si le paragraphe 143.2(7) ne s'applique pas aux billets, le ministre ne sera pas en mesure de se fonder sur le paragraphe 143.2(15) afin d'établir de nouvelles cotisations à l'égard des années frappées de prescription et, en pareil cas, l'intimée fait valoir qu'il ne serait pas interdit au ministre d'établir de nouvelles cotisations à l'égard des appelants conformément au paragraphe 152(4) de la Loi. L'intimée affirme que les dépenses prévues par l'ASD et par l'AIF ne se rapportaient pas aux fonctions du bureau des services de la société en commandite. La société en commandite, en déduisant des dépenses qui ne lui appartenaient pas, a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire. L'intimée fait valoir qu'étant donné que les connaissances approfondies des âmes dirigeantes de la société en commandite, Francis O'Dea et Sean O'Dea, pouvaient être attribuées à tous les appelants, ces derniers ont tous fait de faux énoncés dans leurs déclarations, de sorte que le ministre peut établir de nouvelles cotisations à l'égard de ces années conformément au paragraphe 152(4) de la Loi.

 

2.       L'application du paragraphe 143.2(7) aux billets

 

[56]    En ce qui concerne le Dr Bailey et M. Rankin, l'intimée admet qu'ils ont payé la partie en espèces du prix d'achat des parts. L'intimée admet également qu'ils ont versé le montant de leurs billets à CT à la société en commandite, avec intérêts, le 2 janvier 1995.

 

[57]    Au cours de l'audience, Francis O'Dea et Sean O'Dea ont reconnu qu'ils n'avaient pas effectué de paiement en espèces pour l'achat de leurs parts et qu'à la place de ce paiement et d'un billet à CT, ils avaient chacun émis un billet à MT à la société en commandite. Francis O'Dea et Sean O'Dea affirment avoir payé le principal et les intérêts afférents au billet à MT à la date d'échéance, soit le 30 août 1999. Toutefois, Francis O'Dea et Sean O'Dea admettent ne pas avoir effectué de paiements au titre des intérêts sur leurs billets à MT au cours de chacune des années d'imposition qui sont ici pertinentes. Francis O'Dea et Sean O'Dea ont reconnu que leurs fractions à risques auraient dû être réduites du montant de leurs billets à MT, conformément à l'alinéa 96(2.2)c) et au paragraphe 96(2.1) de la Loi.

 

[58]    L'intimée a soutenu que le billet à CT de KP ne correspondait pas à un arrangement conclu de bonne foi en vue du remboursement se rapportant aux parts et que, même s'il correspondait à un tel arrangement, les intérêts sur le billet à CT de KP n'ont pas été payés dans les 60 jours qui ont suivi la fin de l'année. Le montant du prêt à payer en vertu du billet à CT de KP était donc un montant à recours limité en vertu du paragraphe 143.2(7) de la Loi.

 

[59]    L'intimée nie que les billets à LT, y compris le billet à LT de KP, obligeaient légalement les appelants ou la société en commandite KP à faire un paiement à la société en commandite. L'intimée soutient que les intérêts afférents aux billets à LT n'ont pas été payés par les appelants et par la société en commandite KP comme l'exigeaient les modalités des billets. D'autre part, si les intérêts ont été payés, la position prise par l'intimée est que ces intérêts n'ont pas été payés dans les 60 jours qui ont suivi la fin de l'exercice de la société en commandite au cours de chacune des années d'imposition pertinentes.

 

[60]    Les appelants affirment que la société en commandite a cédé les billets à LT à PC Holdings en règlement de la dette qu'elle avait envers PC Holdings. Ils affirment en outre que les intérêts ont été payés dans les 60 jours au moyen d'écritures de journal.

 

3.       La validité de la société en commandite

 

[61]    L'intimée soutient que, si le paragraphe 143.2(7) ne s'applique pas aux billets, le paragraphe 152(4) autorise l'établissement de nouvelles cotisations à l'égard des années par ailleurs frappées de prescription, de sorte que le ministre peut établir de nouvelles cotisations à l'égard des appelants en vue de refuser les pertes de la société en commandite en se fondant sur l'absence de validité de celle‑ci.

 

[62]    L'intimée affirme qu'étant donné que l'unique objet de la société en commandite était de fournir des pertes fiscales à ses investisseurs, il s'agissait d'un trompe-l'oeil. Elle fait valoir que, même s'il ne s'agissait pas d'un trompe‑l'oeil, la société en commandite n'était pas une société en commandite valide pour l'application de la Loi. L'intimée nie que la société en commandite exploitait une entreprise à quelque moment que ce soit. Par conséquent, la société en commandite ne constituait pas une société en commandite valide conformément aux lois de l'Ontario qui régissent les sociétés en commandite. Si la société en commandite n'est pas une société en commandite valide, les appelants n'ont pas droit à la déduction des pertes de la société en commandite découlant de la société en commandite ou de la société en commandite KP.

 

[63]    Selon l'argument des appelants, la société en commandite exploitait une entreprise valide au cours des années d'imposition pertinentes et, par conséquent, elle a subi des pertes au cours de chacune de ces années, lesquelles pouvaient toutes être attribuées aux appelants, au prorata du nombre de parts qu'ils détenaient dans la société en commandite, conformément à l'article 96 de la Loi. Les appelants affirment que la société en commandite s'occupait de remplir, moyennant certains frais, des fonctions de bureau de services aux franchisés de Proshred, en Floride et en Géorgie, en vue de réaliser un bénéfice.

 

4.       La déduction des dépenses de la société en commandite

 

[64]    La position prise par l'intimée est que, si le paragraphe 143.2(7) ne s'applique pas aux billets, et si la société en commandite était valide, cette dernière n'avait pas le droit de déduire les dépenses se rattachant aux paiements effectués à PHL aux termes de l'ASD et de l'AIF, parce que la société en commandite n'a pas engagé ces dépenses afin de tirer un revenu.

 

[65]    Les appelants ont soumis des factures énumérant les dépenses se rattachant censément aux frais des services de démarrage et aux frais d'implantation des franchises (onglet 69, recueil conjoint de documents). Toutefois, l'intimée a nié la validité de ces factures. Au cours de l'audience, les appelants ont reconnu qu'un certain nombre de factures ne se rapportaient pas en fait à la société en commandite et que les dépenses y afférentes n'avaient pas été engagées au cours de la période pertinente ou qu'il s'agissait de frais personnels.

 

5.       Les pénalités pour faute lourde imposées à Francis O'Dea et à Sean O'Dea

 

[66]    L'intimée affirme que Francis O'Dea et Sean O'Dea, en leur qualité d'âmes dirigeantes du groupe de sociétés Proshred, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, ont fait de faux énoncés ou des omissions dans leurs déclarations de revenus pour les années d'imposition pertinentes, ou y ont participé. Toutefois, les appelants Francis O'Dea et Sean O'Dea font valoir qu'étant donné qu'ils s'étaient fondés sur les conseils de conseillers financiers et juridiques en formant la société en commandite et en concluant les opérations se rapportant aux questions qui sont ici en litige, ils ne devraient pas être passibles des pénalités imposées conformément au paragraphe 163(2).

 

Analyse

 

[67]    J'ai joint comme annexe A aux motifs des diagrammes soumis par les deux avocats, indiquant les opérations qui ont été conclues en l'espèce.

 

1.       Le paragraphe 143.2(7) de la Loi s'applique‑t‑il aux billets à MT, aux billets à LT, au billet à CT de KP et au billet à LT de KP, de façon que la règle sur les montants à recours limité s'applique et que le ministre soit autorisé à établir de nouvelles cotisations à l'égard des années frappées de prescription conformément au paragraphe 143.2(15)?

 

[68]    Les avocats des appelants ainsi que ceux de l'intimée conviennent que si le paragraphe 143.2(7) s'applique aux billets à MT, aux billets à LT, au billet à CT de KP et au billet à LT de KP, aucune année d'imposition ne sera frappée de prescription conformément au paragraphe 143.2(15) à l'égard des nouvelles cotisations établies en vertu de l'article 143.2 de la Loi.

 

[69]    Le paragraphe 143.2(15) autorise le ministre à établir une nouvelle cotisation à l'égard d'une année d'imposition frappée de prescription, au besoin, si la cotisation est fondée sur les dispositions de l'article 143.2. Le paragraphe 143.2(15) est rédigé comme suit :

 

Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre peut établir les cotisations voulues et déterminer ou déterminer de nouveau les montants voulus pour l'application du présent article.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

Toutefois, le paragraphe 143.2(15) ne s'applique qu'aux nouvelles cotisations établies par le ministre en vertu de l'article 143.2 de la Loi à l'égard du refus de la déduction des pertes de la société en commandite, les fractions à risques des appelants étant en conséquence réduites des présumés montants à recours limité de leurs billets à LT, des billets à MT de Francis et de Sean O'Dea, du billet à CT de KP et du billet à LT de KP.

 

[70]    L'article 143.2 établit les règles relatives aux recours limités qui s'appliquent aux abris fiscaux. Il n'est pas contesté que la société en commandite et que la société en commandite KP sont toutes deux enregistrées à titre d'abris fiscaux conformément au paragraphe 237.1(1) et que les placements effectués par les appelants dans les sociétés en commandite sont des placements dans des abris fiscaux au sens de l'article 143.2.

 

[71]    Selon le paragraphe 143.2(7), le principal impayé de certaines dettes à long terme en vertu d'un placement dans un abri fiscal est réputé être un montant à recours limité, sauf si les exceptions stipulées s'appliquent. Pour les années pertinentes ici en cause, cette disposition était libellée comme suit :

 

Remboursement de dette

 

143.2(7) Pour l'application du présent article, le principal impayé d'une dette est réputé être un montant à recours limité sauf si :
 
a) des arrangements, constatés par écrit, ont été conclus de bonne foi, au moment où la dette est survenue, pour que le débiteur rembourse la dette et les intérêts y afférents dans une période raisonnable ne dépassant pas dix ans;
 
b) les intérêts sont payables au moins annuellement, à un taux égal ou supérieur au moins élevé des taux suivants, et sont payés sur la dette par le débiteur au plus tard 60 jours suivant la fin de chacune de ses années d'imposition qui se termine dans la période visée à l'alinéa a) :
 
(i) le taux d'intérêt prescrit en vigueur au moment où la dette est survenue,
 
(ii) le taux d'intérêt prescrit applicable pendant la durée de la dette. 

 

[72]    Si le principal des billets à MT, des billets à LT, du billet à LT de KP et du billet à CT de KP sont réputés être des montants à recours limité conformément au paragraphe 143.2(7) parce qu'ils ne sont pas visés par les exceptions, le prix de base rajusté de la participation des appelants, ainsi que de la participation de la société en commandite KP dans la société en commandite, seront réduits au principal de ces billets conformément au paragraphe 143.2(6). Par conséquent, la fraction à risques de chaque appelant sera réduite en conséquence conformément au paragraphe 96(2.2). Cela limitera le droit de chaque appelant de déduire sa part respective des pertes de la société en commandite en vertu du paragraphe 96(2.1). De même, le droit du Dr Bailey à sa part des pertes découlant de la société en commandite KP sera limité parce que la part des pertes de la société en commandite KP découlant de la société en commandite sera limitée au principal du billet à CT de KP et du billet à LT de KP.

 

[73]    Dans la décision Tolhoek c. La Reine, 2006 CCI 681, j'ai conclu que le terme « and » (et) qui sépare les alinéas a) et b) de la version anglaise du paragraphe 143.2(7) veut dire que si l'une ou l'autre des deux conditions est satisfaite, la dette sera réputée être un montant à recours limité. L'intimée a établi un rapport entre cette disposition et les billets à MT, les billets à LT, le billet à CT de KP et le billet à LT de KP. L'intimée prend la position selon laquelle, en premier lieu, le billet à CT de KP se rapporte à un montant à recours limité qui influe sur la fraction à risques de la société en commandite KP parce que des arrangements n'avaient pas été conclus de bonne foi pour le remboursement. En second lieu, l'intimée fait valoir que l'alinéa b) du paragraphe 143.2(7) s'applique, de façon que les billets à MT et les billets à LT, et notamment le billet à LT de KP, sont réputés se rapporter à des montants à recours limité parce que les appelants et la société en commandite KP n'ont pas payé les intérêts afférents à ces billets ou que, s'ils les ont payés, ils ne l'ont pas fait dans les 60 jours suivant la fin de l'année.

 

[74]    En ce qui concerne les billets à MT que Francis O'Dea et Sean O'Dea ont émis à la société en commandite à la place du paiement en espèces et du billet à CT, Francis et Sean O'Dea ont tous deux reconnu ne pas avoir effectué de paiements à l'égard de ces billets avant le mois d'août 1999; cela étant, le principal de ces billets est réputé être un montant à recours limité en vertu du paragraphe 143.2(7). Cela réduira les fractions à risques du principal de leurs billets à MT conformément à l'alinéa 96(2.2)c) et au paragraphe 96(2.1) et, en conséquence, limitera leur droit à la déduction des pertes de la société en commandite.

 

[75]    En ce qui concerne le premier argument de l'intimée selon lequel le billet à CT de KP représente un montant à recours limité conformément au paragraphe 143.2(7), dans la décision Tolhoek, qui a été confirmée par la Cour d'appel fédérale le 7 avril 2008, j'ai conclu que les contribuables doivent démontrer la présence des éléments constitutifs suivants en vertu de l'alinéa a) du paragraphe 143.2(7) afin d'éviter l'application des règles relatives aux montants à recours limité : des arrangements conclus de bonne foi, constatés par écrit, conclus au moment où la dette est survenue, pour que le débiteur rembourse la dette et les intérêts y afférents, dans une période raisonnable.

 

[76]    De plus, comme il en est question aux paragraphes [19] à [22] ainsi que [34] et [35] de la décision Tolhoek, l'approche appropriée en ce qui a trait aux arrangements conclus de bonne foi devrait être une analyse en deux étapes :

 

[19] [...] il faut d'abord définir les conditions de l'arrangement, puis examiner les indices d'authenticité afin de vérifier si un arrangement véritable et de bonne foi existe. [...]

 

[77]    Les appelants reconnaissent que la société en commandite KP n'a pas effectué de paiement en espèces pour acheter des parts de la société en commandite. Le moyen employé par les autres associés (sauf Francis et Sean O'Dea), à savoir un paiement en espèces et un billet à CT, était entièrement rattaché, dans le cas de la société en commandite KP, au billet à CT de KP. Selon la preuve de M. Fraser, les modalités de ce billet prévoyaient des intérêts au taux de 9 p. 100, sans date fixe de remboursement. Le billet à CT de KP n'a pas été déposé en preuve et, en l'absence du billet, indépendamment de la preuve de M. Fraser, je n'ai aucun moyen de déterminer les modalités exactes du billet. L'assertion des appelants, à savoir que divers documents financiers et divers documents de travail de la société en commandite permettent de conclure que des montants représentant le principal et les intérêts ont été payés chaque année par la société en commandite KP, ne confirme pas en fait que pareils paiements ont été effectués. Ces documents montrent plutôt uniquement que le billet à CT de KP figurait au bilan de 1994 de la société en commandite et qu'il figurait de nouveau aux bilans de 1995 et de 1996 à des montants réduits.

 

[78]    Il y a un certain nombre de problèmes qui empêchent de conclure à l'existence d'un arrangement conclu de bonne foi par la société en commandite KP et la société en commandite. En particulier, rien ne montre que des arrangements aient été conclus de bonne foi en vue du remboursement de la dette. Sauf pour les états financiers, rien ne permet de conclure que le principal ou les intérêts ont été payés à l'égard du billet à CT de KP et, en particulier, aucun document n'attestait la réception de montants en espèces ou de chèques par la société en commandite. Le témoignage de M. Fraser ne me fait pas changer d'idée parce qu'il était vague, incohérent et parfois contradictoire. Monsieur Fraser a d'abord témoigné que la société en commandite avait reçu des paiements par chèque, mais après avoir examiné les relevés bancaires de la société en commandite, il a confirmé qu'au cours des années pertinentes, il n'y avait pas de dépôts étayant son témoignage. En témoignant, M. Fraser a alors soutenu que le chèque avait peut‑être été déposé dans le compte de PHL. Encore une fois, on ne m'a pas fourni de documents justificatifs si c'est de fait ce qui s'est produit. De plus, en l'absence du billet à CT de KP, je ne dispose d'aucun élément de preuve réel montrant que ce prêt a été constaté par écrit comme l'exige l'alinéa 143.2(7)a). Selon le témoignage de M. Fraser, le billet n'indiquait aucune date fixe de remboursement et, en l'absence de date, rien ne montre que la société en commandite KP avait conclu un arrangement de bonne foi afin de rembourser le prêt.

 

[79]    À coup sûr, le billet à CT de KP ne satisfait pas aux exigences de l'alinéa a) du paragraphe 143.2(7) et, par conséquent, il doit également être réputé se rapporter à un montant à recours limité.

 

[80]    En ce qui concerne la seconde position prise par l'intimée au sujet du paiement des intérêts afférents aux billets à LT, et notamment au billet à LT de KP, aux paragraphes [46] et [47] de la décision Tolhoek c. La Reine, j'ai expliqué l'approche qu'il convient d'adopter pour déterminer si des intérêts ont été payés conformément à l'alinéa 143.2(7)b) :

 

[46] Je crois qu'il est essentiel que l'intérêt ait été payé dans le cadre d'« arrangements conclus de bonne foi ». À l'instar de ma conclusion relative à l'alinéa 143.2(7)a), je n'estime pas que le mouvement circulaire du flux monétaire constitue en soi un problème, dans la mesure où les indices liés à la bonne foi sont par ailleurs présents; de même, les écritures compensatoires effectuées en 1998 ne soulèvent à mon sens aucune difficulté. La jurisprudence à cet égard est on ne peut plus claire et la décision Armstrong v. Canada (Minister of National Revenue, M.N.R.), (1987) 88 D.T.C. 1015, du juge Bonner, a été mentionnée avec approbation dans de nombreuses affaires.

 

[81]    En confirmant mes conclusions, la Cour d'appel fédérale a souligné, dans l'arrêt Tolhoek, 2008 CAF 128, au paragraphe 47, l'exigence énoncée à l'alinéa 143.2(7)b) :

 

[...] le principal des dettes prises en charge sera réputé être un montant à recours limité si les intérêts ne sont pas payés relativement à l'une ou l'autre des années au cours desquelles les dettes prises en charge étaient impayées.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

De plus, la Cour d'appel fédérale a dit ce qui suit au paragraphe 59 :

 

[59] [...] Ainsi que nous l'avons déjà expliqué, l'intention des promoteurs de structurer l'abri fiscal de manière à se soustraire aux dispositions de l'article 143.2 n'est pas pertinente. Si les aspects spécifiques et techniques de la structure ne produisent pas, en fait, le résultat souhaité, le mécanisme échoue. [...]

 

[82]    Dans la décision Tolhoek, j'ai conclu que l'enregistrement du paiement des intérêts au moyen d'une écriture de journal ne va pas en soi à l'encontre de l'article 143.2. La Cour d'appel fédérale a souscrit à la conclusion que j'avais également tirée, à savoir que les paiements effectués au moyen d'écritures de journal peuvent en tant que tels être suffisants pour établir qu'il a été satisfait aux exigences du paragraphe 143.2(7). Compte tenu de cet état de choses, j'examinerai maintenant les arrangements en vue de déterminer si, compte tenu des faits, je puis conclure que des intérêts ont été payés sur les billets à LT et sur le billet à LT de KP.

 

[83]    Initialement, la société en commandite devait payer les intérêts en distribuant certains montants provenant de ses recettes brutes. Toutefois, il a fallu changer d'approche lorsqu'il n'y a pas eu suffisamment de recettes au cours de chaque année pour observer cette disposition. Les appelants soutiennent que les intérêts payables par chaque commanditaire à l'égard de son billet à LT (et par la société en commandite KP à l'égard du billet à LT de KP) étaient en fait payés au moyen d'écritures de journal, selon lesquelles les intérêts étaient crédités, le compte de capital de chaque commanditaire étant réduit en conséquence.

 

[84]    Les appelants ont soumis divers documents à l'appui de leur position, notamment les documents suivants : les billets à LT, des documents de travail, des feuilles de calcul du capital propre, du prix de base rajusté et des fractions à risques de chaque commanditaire, qui montrent également censément que ces montants avaient été distribués aux commanditaires en 1994, en 1995 et en 1996, les états financiers vérifiés pour les exercices qui ont pris fin en 1994 et en 1995, les états financiers non vérifiés pour l'exercice 1996 montrant que la société en commandite avait comptabilisé le revenu en intérêts, des écritures de journal effectuées par M. Fraser et la déclaration de renseignements des sociétés de personnes pour l'année 1996, qui montre que des prélèvements avaient été effectués sur les comptes de capital des commanditaires. Il importe de noter que les déclarations de renseignements des sociétés de personnes pour les années 1994 et 1995 n'indiquent pas de prélèvements similaires des comptes de capital.

 

[85]    Selon la preuve soumise par Francis et Sean O'Dea et par le Dr Bailey, tous les commanditaires ont payé des intérêts sur leurs billets à LT au moyen d'écritures de journal. Le Dr Bailey a témoigné avoir reçu des documents de la société en commandite indiquant que les intérêts avaient été payés sur les billets à LT. Toutefois, aucun des documents mentionnés n'a été produit en preuve.

 

[86]    Compte tenu de la preuve mise à ma disposition, je ne puis conclure que des intérêts ont de fait été payés sur les billets à LT, notamment sur le billet à LT de KP. La preuve donne lieu à certains soupçons quant à la question de savoir si les écritures de journal ont de fait été effectuées au cours de la période alléguée par les appelants. Monsieur Casciano a demandé les documents et registres comptables de la société en commandite, mais ces documents ne lui ont jamais été fournis. Monsieur Fraser était chargé d'établir ces documents pour le groupe de sociétés Proshred au complet. Il a mentionné à maintes reprises ces écritures de journal qui, a‑t‑il déclaré, ont été effectuées pour la société en commandite. Toutefois, il ne savait pas trop si la société en commandite avait son propre système comptable ou ses propres documents et registres. Son témoignage n'était pas clair et il n'était certes jamais direct. Une semaine à peine avant l'audience, les appelants ont remis ces écritures de journal à l'intimée. Si ces écritures avaient été effectuées d'une façon régulière aux moments appropriés, il aurait dû être relativement facile pour M. Fraser de les remettre à M. Casciano lorsque celui‑ci les a demandées au cours de la vérification. On ne m'a donné aucune explication adéquate au sujet de la raison pour laquelle cela ne s'est pas produit.

 

[87]    Les écritures de journal sont composées de celles qui ont censément été effectuées dans les documents comptables de la société en commandite (onglet 2, pièce A‑2), de celles qui ont censément été effectuées dans les documents comptables de PHL (onglet 2, pièce A‑2), et de celles qui ont censément été effectuées dans les documents comptables de PI (onglet 2, pièce A‑2). Les appelants affirment que ces écritures de journal, et en particulier celles qui ont été effectuées en 1996, en 1997 et en 1998, indiquent des paiements effectués par les commanditaires au titre des intérêts. Selon la position prise par les appelants, les billets à LT, et notamment le billet à LT de KP, qui s'élèvent en tout à 3 600 000 $, ont été cédés à PC Holdings en paiement du billet que la société en commandite devait à PC Holdings pour l'achat des droits de licence du bureau des services. Les appelants se fondent également sur les dispositions de la notice d'offre et sur l'article 4.04 du contrat de société en commandite, qui prévoyait que certains montants devaient être distribués aux commanditaires, ces montants correspondant aux intérêts dus sur leurs billets à LT, lesquels pouvaient être versés directement au détenteur de ces billets. Ces ententes prévoyaient en outre qu'en cas d'insuffisance de fonds aux fins du paiement des montants à distribuer, la société en commandite devait financer ces montants à l'aide du produit des prêts faits en application de l'accord concernant l'insuffisance du flux de trésorerie. Selon l'AIFT, si la société en commandite ne disposait pas de suffisamment de fonds pour distribuer ces montants au titre du paiement des intérêts, PHL devait consentir à la société en commandite des prêts suffisants pour couvrir les montants à distribuer. Les appelants affirment que les écritures de journal indiquent donc que des montants ont été distribués aux commanditaires au titre des intérêts à l'aide de fonds empruntés de PHL. Ces écritures de journal comptabilisaient un prêt à payer à PHL, mais elles débitaient les capitaux propres. L'écriture de journal de 324 000 $ visait à tenir compte des intérêts à payer, au taux de 9 p. 100, sur les 3 600 000 $ qui représentaient le montant global des billets à LT. Des prélèvements sur les comptes de capital des commanditaires, inscrits dans les déclarations de renseignements des sociétés de personnes, visaient à indiquer les montants débités des capitaux propres de la société en commandite au moyen des écritures de journal. Toutefois, ces documents indiquent uniquement des prélèvements effectués en 1996, mais aucun prélèvement pour les années 1994 et 1995, et aucun élément de preuve n'a été fourni pour les années postérieures à l'année 1996. Les appelants soutiennent également que ces écritures, dans les documents comptables de PHL, montrent que les montants distribués au titre des intérêts ont été versés directement à PC Holdings sous la forme d'un [TRADUCTION] « Prêt à recouvrer — PC Holdings ». La société en commandite a censément cédé les billets à LT à PC Holdings en vue de payer le billet de 3 600 000 $ qu'elle devait. Les écritures de journal effectuées dans les documents comptables de PI indiquent ce revenu en intérêts à recevoir chaque année sur le billet de 3 400 000 $ que PI devait recouvrer de PC Holdings pour l'achat des droits de licence en Floride et en Géorgie. Toutefois, il n'y avait pas d'écritures de journal montrant que PC Holdings avait cédé les billets à PI.

 

[88]    Les assertions des appelants soulèvent un certain nombre de questions. Le formulaire des billets à LT indique que les intérêts devaient être calculés aux six mois, non à l'avance, et qu'ils étaient payables annuellement le 31 décembre de chaque année. Les appelants déclarent qu'il n'y avait pas d'écriture de journal en 1995 parce que les intérêts ont été distribués au mois de janvier 1996. Toutefois, cela va à l'encontre de la disposition figurant dans les billets à LT, à savoir que les intérêts seraient payés annuellement le 31 décembre de chaque année. Les appelants affirment également que les intérêts ont été distribués en 1994 et que la société en commandite les a comptabilisés à titre de revenu en intérêts dans ses états financiers de 1994. Toutefois, il n'y avait aucune écriture de journal indiquant des paiements effectués au titre des intérêts pour l'année 1994. Le paragraphe 143.2(7) prévoit clairement que les intérêts doivent être payés pour chaque année d'imposition pendant la durée de la dette (comme il a été établi dans la décision Tolhoek). Si aucun paiement n'est effectué au cours d'une année donnée, le principal de la dette est réputé être un montant à recours limité en vertu de cette disposition. Les billets à LT, bien qu'ils aient été signés à des dates différentes, ont été signés avant le 31 décembre 1994. Par conséquent, un paiement aurait dû être effectué au titre des intérêts afférents à ces billets en 1994. Les aveux de M. Fraser en ce qui concerne ces écritures de journal sont résumés aux paragraphes 32 et 33 des présents motifs. Les appelants cherchent à utiliser le témoignage de M. Fraser à l'appui de la prétention selon laquelle les paiements se rattachant aux intérêts ont été effectués à l'égard des billets à LT, mais ces aveux ont clairement l'effet contraire. Au lieu de répondre à la série de questions qui se posaient au sujet de ces écritures de journal, les aveux ont simplement renforcé le doute qui subsistait encore après que M. Fraser eut témoigné.

 

[89]    En réponse à l'argument de l'intimée selon lequel les billets à LT n'ont jamais été cédés convenablement à PC Holdings, les appelants n'ont pas pu prouver que les commanditaires avaient signé un acte de cession quelconque ou qu'ils avaient donné des directives pour que les montants à distribuer au titre des intérêts soient versés directement au cessionnaire. Le contrat du bureau des services et le contrat de société en commandite prévoient tous deux la cession des billets, si chaque commanditaire y consent, et prévoient que, selon les directives des commanditaires, les montants à distribuer au titre des intérêts peuvent être versés directement au détenteur du billet, sauf la société en commandite. Toutefois, le Dr Bailey a témoigné n'avoir jamais signé d'autorisation ou de directive se rapportant à son billet à LT. Les appelants se sont fondés sur le formulaire lui‑même des billets à LT à l'appui de la cession, ce formulaire renfermant la disposition suivante :

 

[TRADUCTION]

 

TOUTEFOIS, le soussigné comprend et reconnaît que le présent billet sera cédé par le bénéficiaire UNIQUEMENT à un tiers qui est une société en paiement des sommes dues pour les services rendus par la société en commandite et l'entreprise qu'elle acquerra, et qu'il ne pourra pas faire l'objet d'une autre cession ou d'autres ententes sans que les commanditaires y consentent au moyen d'une résolution ordinaire, comme il en est ci‑dessus fait mention; [...]

 

(Pièce A‑2, onglets 16, 18, 21 et 22)

 

Même si ce passage confirmait que les billets à LT ont effectivement été cédés à PC Holdings, les appelants n'ont pas prouvé que les commanditaires avaient signé un acte de cession ou une directive pour que les montants à distribuer au titre des intérêts soient versés directement à PC Holdings. Les appelants auraient peut‑être été en mesure de prouver la cession grâce au témoignage de M. Charlton, l'âme dirigeante de PC Holdings, ainsi qu'au moyen du grand livre de PC Holdings. Cependant, en l'absence de ces éléments de preuve, les appelants ne sont tout simplement pas en mesure d'établir que ces billets ont été cédés à PC Holdings et que PC Holdings a enregistré de son côté un revenu de placement au cours des années d'imposition pertinentes.

 

[90]    Même si je retenais les arguments que les appelants ont invoqués au sujet de la cession des billets à LT et du paiement direct des montants à distribuer au titre des intérêts à PC Holdings, je ne dispose d'aucun élément de preuve montrant que les paiements ont réellement été effectués. Les écritures de journal prouvent qu'au cours de chaque année, un montant de 324 000 $ a été transféré pour les intérêts à distribuer, mais il n'y avait aucune écriture correspondante subséquente montrant que les intérêts avaient été payés à la société en commandite ou à PC Holdings ou qu'un revenu en intérêts avait été comptabilisé par l'une ou l'autre de ces entités. À cause de ces éléments manquants, les documents comptables comportent des failles et, par conséquent, ils ne montrent pas les liens cruciaux qui sont essentiels à la position prise par les appelants. L'enregistrement du [TRADUCTION] « Prêt à payer — PC Holdings » n'indique pas en soi que des intérêts ont été payés. Cela prouve uniquement que PHL a enregistré les intérêts courus à titre de prêt à payer dans ses documents comptables. Le mot « payés » figurant à l'alinéa 143.2(7)b) n'est pas assimilable au mot « courus ».

 

[91]    L'argument des appelants selon lequel les états financiers de la société en commandite montrent qu'un revenu en intérêts a été comptabilisé au cours des années d'imposition 1994 à 1996 est également incohérent sur deux points. En premier lieu, le montant du revenu en intérêts au cours de ces années, soit 1 775 $ en 1994, 60 190 $ en 1995 et 58 136 $ en 1996, ne correspond pas aux montants censément distribués au titre des intérêts, qui s'élèvent à 324 000 $. En second lieu, la charge de la preuve incombe aux appelants sur ce point et si les appelants vont affirmer que les intérêts ont été payés directement à PC Holdings, ils doivent fournir une preuve satisfaisante établissant que le revenu en intérêts a été comptabilisé par PC Holdings et non par la société en commandite. Le Dr Bailey a témoigné avoir reçu des documents et des états de la société en commandite l'informant que des intérêts étaient [TRADUCTION] « payables ou dus » à l'égard du billet à LT, pour la société en commandite KP et pour la société en commandite, mais cette preuve ne veut pas dire que des intérêts ont été payés (transcription, page 201).

 

[92]    J'ai examiné en détail les divers documents qui ont été soumis en preuve à l'appui de l'observation prétendue, et en particulier ces prétendues écritures de journal, et je ne puis tout simplement pas conclure que ce mouvement circulaire de fonds, au moyen de prêts à recouvrer et de prêts à payer, constitue le paiement d'intérêts qui est envisagé à l'alinéa 143.2(7)b). Étant donné que les arrangements qui ont été conclus ne résistent pas à un examen minutieux, conformément aux directives données par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Tolhoek, ils ne peuvent pas avoir légalement force obligatoire.

 

[93]    Même si j'avais conclu que les appelants et la société en commandite KP avaient payé des intérêts sur les billets à LT, il incomberait néanmoins aux appelants de prouver que les intérêts ont été payés dans les 60 jours suivant la fin de chaque année, de 1994 à 1996. Il n'existait pas suffisamment d'éléments de preuve sur ce point pour me permettre de conclure que des intérêts avaient été régulièrement payés. Les intérêts, au cours de chaque année, devraient être payés dans les 60 jours suivant la fin de l'année ou au plus tard le 31 mars de chaque année d'imposition subséquente au cours des périodes où il existait une dette. Les écritures de journal qui enregistrent les montants distribués au titre des intérêts entre PHL, la société en commandite et PC Holdings ne sont pas datées, sauf pour l'année au cours de laquelle les paiements ont censément été effectués. Monsieur Fraser a témoigné qu'il aurait effectué les écritures nécessaires pour la société en commandite dans les 60 premiers jours de toute année subséquente afin de respecter la date limite du 31 mars de production des déclarations de renseignements des sociétés de personnes. Toutefois, il n'a jamais témoigné que cela avait de fait été effectué pour les écritures se rapportant aux années 1996, 1997 et 1998. Sur cette seule base, on me demande de supposer que ces écritures représentent le paiement des intérêts pour les années 1995, 1996 et 1997 et que ces paiements ont été effectués avant le 1er mars de chaque année subséquente. Or, je ne suis pas prête à le faire.

 

[94]    De plus, M. Fraser a admis avoir rédigé, le 31 mars 1997, une note de service (pièce A‑1, onglet 55) adressée à un membre de son personnel, dans laquelle il disait notamment ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

 

Comme vous le savez, la société en commandite Proshred Florida/Georgia avait des billets à long terme à recevoir des commanditaires. Les billets ont été cédés à PC Holdings afin d'éliminer l'obligation de la société en commandite envers PC Holdings par suite de l'achat des droits de PC Holdings se rattachant au bureau des services. La société en commandite garantissait des rentrées de fonds aux commanditaires aux fins du paiement de leur part des intérêts sur le billet à long terme à recevoir. Étant donné que la société en commandite est à court d'argent, elle a eu recours à l'accord concernant l'insuffisance du flux de trésorerie conclu avec PHL en vue de financer les intérêts afférents aux billets.

 

Les intérêts étaient réputés être payés le 1er janvier 1996 pour la fin de l'année 1995. Par conséquent, nous devons indiquer ce montant comme suit :

 

(1)        PHL intersociété – prêt pour le flux de trésorerie

 

(2)        Capitaux propres de l'associé et A + - Calcul du risque

 

[Non souligné dans l'original.]

 

(pièce A‑1, onglet 55)

 

Le fait que M. Fraser disait que [TRADUCTION] « les intérêts étaient réputés être payés » indique que les intérêts pour la fin de l'année 1995 n'avaient pas en fait été payés le 1er janvier 1996. Cette note de service montre uniquement que M. Fraser demandait à un membre de son personnel de comptabiliser ce paiement [TRADUCTION] « réputé » des intérêts, environ un an et 90 jours plus tard, soit le 31 mars 1997. Cela donne clairement à entendre que les écritures de journal n'ont pas été effectuées au moment approprié et cela renforce mes soupçons, à savoir qu'en fait, ces écritures ne coïncidaient pas avec ce qui s'était réellement passé, mais qu'elles ont plutôt été produites au cours d'une période ultérieure.

 

[95]    Même si je pouvais conclure que ces écritures indiquaient de fait que des paiements avaient dûment été effectués au titre des intérêts dans les 60 jours qui ont suivi la fin des années 1995, 1996 et 1997, je ne dispose d'aucun élément de preuve montrant que les intérêts pour l'année 1994 ont été payés avant le 1er mars 1995. Monsieur Fraser a déclaré qu'avant 1995, il ne s'occupait pas de la préparation des documents financiers de la société en commandite; il ne pouvait donc pas présenter de preuve au sujet des écritures ou des paiements effectués au titre des intérêts pour l'année 1994.

 

[96]    Étant donné qu'il n'y a pas suffisamment d'éléments de preuve permettant d'établir que les intérêts sur les billets à LT et sur le billet à LT de KP ont dûment été payés par les appelants et par la société en commandite KP dans les 60 jours qui ont suivi la fin des années 1994, 1995 et 1996, le principal des billets à LT est également réputé, sur cette base, être un montant à recours limité conformément au paragraphe 143.2(7). En ce qui concerne la conclusion que j'ai déjà tirée, à savoir que le billet à CT de KP est réputé se rapporter à un montant à recours limité, le billet à CT de KP ainsi que le billet à LT de KP sont tous deux réputés se rapporter à des montants à recours limité, ce qui a pour effet de réduire à néant la fraction à risques de la société en commandite KP conformément au paragraphe 96(2.2). Étant donné que la société en commandite KP n'aura pas le droit de déduire des pertes de la société en commandite, le Dr Bailey n'aura pas le droit de déduire les pertes de la société en commandite qui lui avaient initialement été cédées par l'entremise de la société en commandite KP.

 

[97]    Étant donné que les appelants et l'intimée ont convenu que, si le paragraphe 143.2(7) s'appliquait aux billets, aucune année d'imposition se rapportant à cette question ne serait frappée de prescription, et compte tenu des conclusions que j'ai tirées au sujet de ces billets, le paragraphe 143.2(15) s'applique afin de permettre au ministre d'établir de nouvelles cotisations à l'égard de ces années par ailleurs prescrites, en ce qui concerne les pertes de la société en commandite déduites par les appelants à l'égard de leurs billets à LT, des billets à MT de Francis et de Sean O'Dea, du billet à CT de KP et du billet à LT de KP.

 

[98]    Par conséquent, le droit de Francis et de Sean O'Dea de déduire des pertes de la société en commandite est réduit à néant, compte tenu des conclusions que j'ai tirées au sujet de leurs billets à MT et de leurs billets à LT, étant donné que le principal de ces billets représentait le prix de base rajusté de leurs parts au complet. Quant au Dr Bailey, son droit de déduire des pertes de la société en commandite est réduit du montant représenté par son billet à LT et du montant des pertes que la société en commandite KP lui a attribuées. Quant à M. Rankin, son droit de déduire des pertes de la société en commandite est réduit du montant représenté par son billet à LT. Par conséquent, les conclusions ci‑dessus tirées n'influent pas sur le droit du Dr Bailey et de M. Rankin de déduire des pertes de la société en commandite au prorata des paiements qu'ils ont effectués en espèces et du principal de leurs billets à CT.

 

2.       Si les appelants ont le droit de déduire les pertes, Francis O'Dea et Sean O'Dea ont‑ils le droit de reporter leurs pertes de la société en commandite aux années d'imposition 1992 et 1993?

 

[99]    Étant donné que Francis O'Dea et Sean O'Dea n'ont pas le droit de déduire des pertes de la société en commandite, cette question est réglée.

 

3.       Si la règle sur les montants à recours limité à l'article 143.2 ne s'applique pas aux billets :

 

a)      Est‑il interdit au ministre, en raison de la prescription, d'établir de nouvelles cotisations à l'égard des appelants en ce qui concerne les billets respectifs?

 

[100]  Étant donné que la règle sur les montants à recours limité à l'article 143.2 s'applique aux billets à MT, aux billets à LT, au billet à CT de KP et au billet à LT de KP, il n'est pas interdit au ministre, en raison de la prescription, d'établir de nouvelles cotisations à l'égard des billets respectifs, conformément au paragraphe 143.2(15).

 

b)      Est‑il interdit au ministre, en raison de la prescription, d'établir de nouvelles cotisations à l'égard des appelants en se fondant sur un autre motif?

 

[101]  Étant donné que le droit de Francis O'Dea et de Sean O'Dea aux pertes a été réduit à néant par suite de l'application de l'article 143.2, j'ai uniquement à examiner l'effet de l'article 152 tel qu'il se rapporte au Dr Bailey et à M. Rankin. Les questions qu'il reste à trancher au sujet de la validité de la société en commandite et de la déductibilité de ces dépenses de la société en commandite sont encore pertinentes lorsqu'il s'agit de déterminer si le droit du Dr Bailey et de M. Rankin à la déduction des pertes de la société en commandite doit être réduit encore plus. L'intimée se fonde sur le paragraphe 152(4) pour soutenir qu'elle peut établir de nouvelles cotisations en ce qui concerne les questions qu'il reste à trancher pour les années frappées de prescription. J'examinerai donc l'application du paragraphe 152(4) au Dr Bailey et à M. Rankin.

 

[102]  Selon le paragraphe 152(4), si le Dr Bailey et M. Rankin ont « fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire », l'intimée est autorisée à établir de nouvelles cotisations après la période normale de nouvelle cotisation de trois ans.

 

[103]  Dans l'arrêt Venne c. La Reine, no T‑815‑82, 9 avril 1984, 84 D.T.C. 6247, la Cour d'appel fédérale a conclu qu'il y a présentation erronée des faits, faite par négligence, en vertu du sous‑alinéa 152(4)a)(i) si le contribuable ne fait pas preuve d'une diligence raisonnable.

 

[104]  En déduisant leur part des pertes de la société en commandite, le Dr Bailey et M. Rankin se sont fondés sur la notice d'offre de la société en commandite, qui comprenait diverses opinions professionnelles au sujet des conséquences fiscales et de la déductibilité des dépenses de la société en commandite. Le Dr Bailey a témoigné avoir en fait reçu des états de la société en commandite l'informant du montant des pertes de la société en commandite qu'il pouvait déduire dans ses déclarations de revenus personnelles. Ces particuliers participaient à l'entreprise à titre de commanditaires. Ils n'en étaient pas les âmes dirigeantes et ils ne s'étaient pas non plus occupés de l'organisation initiale. Je crois qu'ils ont agi d'une façon raisonnable et prudente en se fondant sur les diverses opinions professionnelles avant de décider d'effectuer leur placement et qu'ils ne devraient pas être tenus de respecter une norme plus rigoureuse. Ce faisant, on se trouverait à insister pour qu'ils enquêtent personnellement sur les détails techniques des diverses structures et des divers arrangements concernant des documents publics d'offre. Par conséquent, le fait qu'ils se sont fondés sur les états reçus de la société en commandite ne constitue pas une omission de faire preuve d'une diligence raisonnable dans la production de leurs déclarations et, en ce qui concerne les cotisations supplémentaires, autres que celles qui ont été établies conformément à l'article 143.2, le ministre ne sera donc pas autorisé à appliquer le paragraphe 152(4) en vue d'établir de nouvelles cotisations pour ces années d'imposition à l'égard du Dr Bailey et de M. Rankin.

 

4.       Indépendamment de la question de savoir si la règle sur les montants à recours limité à l'article 143.2 s'applique aux billets, les appelants ont‑ils le droit de déduire leurs pertes respectives de la société en commandite compte tenu de ce qui suit :

 

a)      La société en commandite était‑elle un trompe‑l'oeil, ou s'agissait‑il d'une société de personnes valide pour l'application de l'article 96 de la Loi?

 

b)      La société en commandite a‑t‑elle le droit de déduire toutes les dépenses qu'elle allègue avoir engagées au cours des années d'imposition pertinentes, de sorte que les appelants aient le droit de déduire leurs pertes respectives à cet égard?

 

[105]  Étant donné les conclusions que j'ai tirées au sujet des trois questions précédentes, je n'ai pas à examiner cette question. Toutefois, compte tenu de la preuve, des observations des avocats et de la jurisprudence, j'aurais conclu que la société en commandite n'était pas un trompe‑l'oeil parce qu'il n'y avait aucune preuve d'une intention commune parmi les investisseurs de tromper le ministre au sujet de la nature véritable de la société en commandite (voir Continental Bank Leasing Corp. c. Canada, [1998] 2 R.C.S. 298, Stubart Investments Ltd. c. Canada, [1984] 1 R.C.S. 536, 2530‑1284 Québec inc. c. La Reine, 2007 CCI 286, conf. par 2008 CAF 398 (Faraggi), Snook v. London and West Riding Investments Ltd., [1967] 1 All E.R. 518 (Ch. des lords)). D'autre part, les éléments essentiels d'une société en commandite, selon le droit des sociétés de personnes applicable, ne sont pas présents parce que la société en commandite n'exploitait pas une entreprise en vue de réaliser un bénéfice (voir la Loi sur les sociétés en nom collectif, L.R.O. 1990, ch. P.5, Backman c. Canada, [2001] 1 R.C.S. 367, Spire Freezers Ltd. c. La Reine, [2001] 1 R.C.S. 391, Continental Bank, précité). La société en commandite possédait uniquement les droits légaux afférents aux droits de licence en Floride et en Géorgie et c'était toujours PHL qui remplissait les fonctions du bureau des services. La société en commandite n'a jamais réalisé de bénéfice et elle n'a jamais pu récupérer les pertes élevées qu'elle avait subies. Les opérations ont été organisées de façon qu'il soit presque impossible de faire face aux dettes à l'aide des recettes de la société en commandite et il n'existait donc aucune intention de faire un bénéfice, même en tant que but secondaire. Par conséquent, les commanditaires de la société en commandite n'auraient pas eu le droit de déduire des pertes de la société en commandite, parce qu'il ne s'agissait pas d'une société de personnes valide en vertu de l'article 96 de la Loi. De plus, la société en commandite n'aurait pas le droit de déduire des dépenses si elle n'était pas une société en commandite valide.

 

5.       Francis O'Dea et Sean O'Dea sont‑ils passibles de pénalités pour faute lourde telles que celles que le ministre a établies en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi?

 

[106]  Le ministre a imposé des pénalités à Francis O'Dea et à Sean O'Dea conformément au paragraphe 163(2) parce que, en leur qualité d'âmes dirigeantes du groupe de sociétés Proshred, ils étaient les mieux placés pour savoir que les pertes de la société en commandite n'étaient pas déductibles et qu'ils ont donc fait de faux énoncés dans les déclarations qu'ils ont produites pour les années pertinentes, ou y ont acquiescé. L'intimée a soutenu que Francis et Sean O'Dea avaient déduit des pertes qui étaient par ailleurs limitées par suite des paragraphes 143(2.2) et 96(2.2) et qu'ils ont déclaré faussement que la société en commandite exploitait une entreprise, alors qu'en fait elle avait été établie en vue d'acquérir des pertes fiscales.

 

[107]  Dans l'arrêt Venne, le juge Strayer, de la Cour d'appel fédérale, a conclu que l'exigence concernant la « faute lourde » en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi, contrairement au degré de « négligence » nécessaire en vertu du paragraphe 152(4), comporte un degré plus élevé de négligence :

 

[...] La « faute lourde » doit être interprétée comme un cas de négligence plus grave qu'un simple défaut de prudence raisonnable. Il doit y avoir un degré important de négligence qui corresponde à une action délibérée, une indifférence au respect de la loi. [...]

 

[108]  Dans la décision 410812 Ontario Limited c. La Reine, no 2001‑3861(GST)I, 9 avril 2002, [2002] A.C.I. no 176 (QL), au paragraphe 9, le juge en chef adjoint Bowman (tel était alors son titre) a conclu que le principe général que la Cour applique à l'égard du paragraphe 163(2) est le suivant :

 

[9]        Si l'on peut dégager un principe général des nombreuses affaires décidées en application du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, c'est que les tribunaux hésitent à sanctionner l'imposition de pénalités pour faute lourde à moins que l'existence d'un degré important de négligence n'ait été clairement établie.

 

[109]  De même, dans la décision Klotz c. La Reine, 2004 CCI 147, au paragraphe 68, le juge Bowman a souligné que la faute lourde « dénote une faute beaucoup plus grave, une insouciance répréhensible ». L'inattention ou l'omission de faire preuve d'une diligence raisonnable ne suffisent pas pour justifier l'imposition de pénalités pour faute lourde.

 

[110]  En particulier, dans la décision Farm Business Consultants Inc. c. La Reine, no 92‑2597(IT)G, 16 septembre 1994, 95 D.T.C. 200 aux pages 205 et 206, le juge Bowman a conclu qu'il faut laisser au contribuable le bénéfice du doute lorsque des pénalités sont imposées :

 

[...] Par ailleurs, quand une pénalité est imposée en vertu du paragraphe 163(2) même si une norme de preuve civile est exigée, lorsque la conduite d'un contribuable cadre avec deux hypothèses viables et raisonnables, l'une qui justifie la pénalité et l'autre pas, il convient d'accorder le bénéfice du doute au contribuable, et de supprimer la pénalité. [...]

 

[111]  Francis et Sean O'Dea sont tous deux des hommes d'affaires chevronnés ayant une longue expérience en affaires. Ils étaient également les âmes dirigeantes du groupe de sociétés Proshred et de la société en commandite. Ils ont participé à l'expansion de l'entreprise de Proshred; ils avaient tous deux lu et signé la notice d'offre et ils étaient au courant de son contenu et de la divulgation concernant les conséquences fiscales. Francis O'Dea devait bien connaître les détails précis de la structure de la société en commandite, étant donné que c'était lui qui l'avait promue auprès des investisseurs éventuels en utilisant la notice d'offre. Sean O'Dea était chargé des activités de l'entreprise de Proshred et il était chargé d'établir les projections se rapportant à la rentabilité de la société en commandite.

 

[112]  La conduite de Francis et de Sean O'Dea peut justifier une conclusion de « négligence » ou d'absence de diligence raisonnable, mais elle ne justifierait pas nécessairement une pénalité fondée sur le paragraphe 163(2). Les pénalités pour faute lourde prévues au paragraphe 163(2) ne devraient être imposées que dans des circonstances exceptionnelles, lorsque le contribuable a fait preuve d'une « insouciance répréhensible ».

 

[113]  Comme c'était le cas dans l'affaire Klotz, Francis et Sean O'Dea ont témoigné s'être fiés à divers conseillers professionnels et, conformément à la décision Klotz, je conclus que le manque de soin de Francis et de Sean O'Dea lorsqu'il s'est agi de vérifier les renseignements nécessaires ne constitue pas une faute lourde. Leurs soupçons auraient dû être éveillés compte tenu de leurs antécédents en affaires, mais leur conduite ne satisfait pas au critère de l'insouciance répréhensible.

 

[114]  Francis et Sean O'Dea ont été contre‑interrogés à fond au sujet de la façon dont ils interprétaient les règles de la fraction à risques et le non‑paiement de leurs billets à MT, mais il n'est pas certain que « sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde », ils aient déduit le plein montant des pertes de la société en commandite qui leur ont été attribuées en sachant parfaitement que ces pertes n'étaient peut‑être pas autorisées en vertu de la Loi. Compte tenu des faits, je ne suis pas convaincue que Francis et Sean O'Dea savaient que les intérêts afférents à leurs billets à LT n'étaient pas payés lorsqu'ils ont cherché à déduire des pertes de la société en commandite. Leur conduite ne correspond pas au comportement requis pour que des pénalités fondées sur une faute lourde soient imposées, étant donné qu'elle ne franchit pas le seuil nécessaire pour devenir une conduite cavalière, répréhensible ou intentionnelle comme le veut la jurisprudence.

 

Conclusions

 

[115]  En résumé, mes conclusions sont les suivantes :

 

(1)     Les nouvelles cotisations ont été établies après la période normale de nouvelle cotisation, mais parce que le paragraphe 143.2(7) s'applique, de façon que les billets (sauf les billets à CT du Dr Bailey et de M. Rankin) sont réputés se rapporter à des montants à recours limité, le ministre est autorisé, conformément au paragraphe 143.2(5), à établir de nouvelles cotisations pour les années prescrites à l'égard de tous les appelants, ce qui a pour effet de réduire le coût des parts de la société en commandite pour chacun des appelants, et de réduire en fait leurs fractions à risques et leur droit de déduire leurs pertes correspondantes, en vertu du paragraphe 96(2.1) de la Loi, du principal de chacun de ces billets.

 

(2)     Les billets à long terme des appelants sont réputés être des montants à recours limité en vertu du paragraphe 143.2(7) parce que les appelants n'ont pas prouvé que des intérêts étaient payés sur leurs billets et en outre qu'ils étaient payés dans les 60 jours suivant la fin de chaque année d'imposition.

 

(3)     Les billets à MT de Francis et de Sean O'Dea sont également réputés être des montants à recours limité en vertu du paragraphe 143.2(7) parce que Francis et Sean O'Dea, par leur propre aveu, n'ont pas payé les intérêts sur ces billets dans les 60 jours qui ont suivi la fin de chaque année d'imposition. Par conséquent, les pertes de la société en commandite de Francis et de Sean O'Dea seront en outre réduites du principal de leurs billets à MT qui ont été émis en faveur de la société en commandite. Étant donné les conclusions que j'ai tirées au sujet des billets à MT et des billets à LT, le droit de Francis et de Sean O'Dea de déduire des pertes de la société en commandite est réduit à néant.

 

(4)     Le billet à long terme émis par la société en commandite KP à la société en commandite (le billet à LT de KP), comme les autres billets à long terme émis par les commanditaires, est également réputé être un montant à recours limité. Les pertes de la société en commandite que la société en commandite KP a attribuées au Dr Bailey seront également réduites en conséquence. De plus, le billet à court terme que la société en commandite KP a émis (le billet à CT de KP) est réputé être un montant à recours limité en vertu du paragraphe 143.2(7) parce que des arrangements n'ont pas été conclus de bonne foi pour le remboursement et que les intérêts n'ont pas été payés dans les 60 jours qui ont suivi la fin de chaque année d'imposition. Par conséquent, le droit du Dr Bailey de déduire des pertes sera réduit du montant de son billet à LT émis en faveur de la société en commandite et de tout montant lui revenant à l'égard des parts qu'il détenait dans la société en commandite KP.

 

(5)     La possibilité pour M. Rankin de déduire des pertes sera également réduite du montant de son billet à LT.

 

(6)     Le ministre ne sera pas autorisé à appliquer le paragraphe 152(4) en vue d'établir de nouvelles cotisations pour le Dr Bailey et M. Rankin. Par conséquent, ces derniers pourront déduire les pertes de la société en commandite autres que les pertes associées à leurs billets à LT et que les pertes associées au billet à CT de KP et au billet à LT de KP du Dr Bailey.

 

(7)     Les pénalités imposées contre Francis et Sean O'Dea en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi doivent être supprimées.

 

(8)     Si elles n'arrivent pas à régler la question des dépens dans les 60 jours qui suivent la date des présents motifs, les parties pourront communiquer avec la Cour afin de faire fixer les dates de dépôt d'observations écrites.

 

Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique), ce 1er jour de juin 2009.

 

 

« Diane Campbell »

Le juge Campbell

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de septembre 2009.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


Annexe A

 

Proshred Holdings Ltd.

Ontario

Frank et Sean O'Dea

 
 

 


CONTRAT DE GESTION DU BUREAU DES SERVICES

 


 

Investisseurs

 
Insuffisance du flux de trésorerie
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Billet en faveur de PI 
3 400 000 $ 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



RÉFÉRENCE :                                  2009 CCI 295

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2004-1225(IT)G

                                                          2004-1226(IT)G

                                                          2004-1227(IT)G

                                                          2004-474(IT)G

 

INTITULÉ :                                       Francis O'Dea, Sean O'Dea, John Rankin, Geoffrey Bailey c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                  Les 17, 18 et 19 juin 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L'honorable juge Diane Campbell

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 1er juin 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats des appelants :

Me Louise R. Summerhill

Me Chris Dunn

Avocats de l'intimée :

Me Marie-Thérèse Boris

Me Brent E. Cuddy

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

          Pour les appelants :

 

                   Nom :           Louise R. Summerhill et Chris Dunn

                   Cabinet :      Aird & Berlis LLP

 

          Pour l'intimée :       John H. Sims, c.r.

                                       Sous-procureur général du Canada

                                       Ottawa, Canada

 

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