Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

Dossier : 2007‑4892(IT)I

ENTRE :

 

EXIDA.COM LIMITED LIABILITY COMPANY,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu en même temps que l’appel de

Tonoga Inc. (2007‑4976(IT)I)

Le 26 juillet 2009 à Hamilton (Ontario)

 

Devant : L’honorable juge Judith Woods

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

MS. David Bazar

 

Avocat de l’intimée :

MAmit Ummat

                                                         

 

JUGEMENT

          L’appel interjeté à l’encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2003, 2004 et 2005 est rejeté. Chaque partie supportera ses propres dépens.


 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 21jour de juillet 2009.

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.


 

 

Dossier : 2007‑4976(IT)I

ENTRE :

 

TONOGA INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu en même temps que l’appel de

Exida.com Limited Liability Company (2007‑4892(IT)I)

Le 26 juin 2009 à Hamilton (Ontario)

 

Devant : L’honorable juge Judith Woods

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelant :

Me S. David Bazar

 

Avocat de l’intimée :

MAmit Ummat

                                                         

 

JUGEMENT

          L’appel interjeté à l’encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition de 2004 est rejeté. Chaque partie supportera ses propres dépens.


 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 21jour de juillet 2009.

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.


 

 

 

Référence : 2009 CCI 373

Date : 20090721

Dossiers : 2007‑4892(IT)I

2007‑4976(IT)I

 

ENTRE :

 

EXIDA.COM LIMITED LIABILITY COMPANY,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée;

 

ET ENTRE :

 

TONOGA INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Woods

 

[1]     La question en litige dans les présents appels interjetés sous le régime de la procédure informelle est la suivante : une société non‑résidente qui exploite une entreprise au Canada est‑elle tenue de payer une pénalité pour défaut de production d’une déclaration de revenu dans le délai prévu si elle n’a pas d’impôt impayé ?

 

[2]     Pour chacune des années d’imposition en cause, une pénalité d’un montant de 2 500 $ a été infligée aux appelantes en vertu du paragraphe 162(2.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

[3]     Les années d’imposition en cause pour la société Exida.com Limited Liability Company sont 2003, 2004 et 2005. La seule année d’imposition en cause pour la société Tonoga Inc. est 2004.

 

[4]     À ma connaissance, les deux appelantes n’ont pas de lien entre elles. Les appels ont été entendus en même temps, car la question soulevée est la même et les appelantes sont représentées par le même représentant.

 

[5]     Pour résumer le contexte, mentionnons que l’application du paragraphe 162(2.1) dans des circonstances semblables à celles des présentes affaires a récemment été examinée dans un autre appel, lequel a également été entendu sous le régime de la procédure informelle. Dans la décision Goar, Allison & Associates Inc. c. Sa Majesté la Reine, 2009 CCI 174, 2009 DTC 1125, le juge C. Miller a conclu que cette disposition pénale ne s’appliquait que s’il y avait de l’impôt impayé à la date limite de production de la déclaration. Les représentants comparaissant devant moi ont également comparu dans Goar.

 

[6]     Malgré la décision Goar défavorable à l’égard du ministre, qui n’a pas donné lieu à un appel, l’avocat demande que la conclusion soit revue dans les présents appels.

 

[7]     En plus de cette question, l’avocat a présenté un argument subsidiaire qui ne l’avait pas été dans l’affaire Goar. Cet argument porte sur la pénalité prévue au paragraphe 162(7), dont le montant est équivalent à celui de la pénalité prévue au paragraphe 162(2.1).

 

[8]     J’ai été informé par le représentant des appelantes que la question soulevée dans les présents appels est importante pour un grand nombre de sociétés non‑résidentes qui exploite une entreprise au Canada.

 

Régime législatif applicable

 

[9]     L’article 162 contient un certain nombre de dispositions pénales qui s’appliquent généralement en cas de non‑conformité avec les exigences de la Loi en matière d’information. Il convient de considérer quelques‑unes de ces dispositions.

 

[10]    Le paragraphe 162(1) de la Loi est une disposition générale qui s’applique lorsqu’une déclaration de revenu n’est pas produite à temps. Il prévoit une pénalité calculée selon une formule qui prend en compte le montant de l’impôt impayé à la date, où au plus tard, la déclaration devait être produite. S’il n’y a pas d’impôt impayé, il n’y a pas de pénalité.

 

[11]    Le paragraphe 162(1) se lit comme suit :

 

162 (1) Toute personne qui ne produit pas de déclaration de revenu pour une année d’imposition selon les modalités et dans le délai prévus au paragraphe 150(1) est passible d’une pénalité égale au total des montants suivants :

a) 5 % de l’impôt payable pour l’année en vertu de la présente partie qui était impayé à la date où, au plus tard, la déclaration devait être produite;

b) le produit de 1 % de cet impôt impayé par le nombre de mois entiers, jusqu’à concurrence de 12, compris dans la période commençant à la date où, au plus tard, la déclaration devait être produite et se terminant le jour où la déclaration est effectivement produite.

 

[12]    Le paragraphe 162(1) ne s’applique pas dans les cas où le paragraphe  162(2.1) de la Loi s’applique. Cette dernière disposition est plus particulière et s’applique aux sociétés non‑résidentes.

 

[13]    Le paragraphe 162(2.1) se lit comme suit :

 

162(2.1)  Malgré les paragraphes (1) et (2), la pénalité dont une société non‑résidente est passible pour défaut de produire une déclaration de revenu pour une année d’imposition aux termes de ces paragraphes correspond au plus élevé des montants suivants :

 

a) le montant déterminé selon les paragraphes (1) ou (2), selon le cas;

 

b) le plus élevé des montants suivants :

 

(i) 100 $

 

(ii) le produit de 25 $ par le nombre de jours, jusqu’à concurrence de 100, depuis le jour où la déclaration devait être produite jusqu’au jour où elle est produite.

                                                                 [Non souligné dans l’original.]

 

[14]    Il convient de considérer l’historique de cette disposition. Elle a été édictée pour les années d’imposition postérieures à 1998, parallèlement aux modifications aux exigences en matière de production de déclaration de revenu applicables aux sociétés non‑résidentes.

 

[15]    Antérieurement à ces modifications, toutes les sociétés étaient tenues de produire des déclarations de revenu au Canada, qu’elles fussent ou non résidentes au Canada, ou qu’elles eussent ou non un lien avec le Canada. Le paragraphe 162(1) prévoyait la pénalité applicable en cas d’inobservation, et il en résultait qu’aucune pénalité ne s’appliquait sauf lorsque de l’impôt demeurait impayé à la date limite de production.

 

[16]    Depuis les années d’imposition postérieures à 1998, les exigences en matière de production de déclaration à l’alinéa 150(1)a) de la Loi ont été modifiées. En conséquence, les sociétés non‑résidentes ne sont plus tenues de produire de déclaration sauf si elles ont un lien avec le Canada. En même temps, le paragraphe 162(2.1) a été adopté afin de prévoir une pénalité différente pour les sociétés non‑résidentes.

 

[17]    L’alinéa 150(1)a), durant la période visée, se lisait comme suit :

 

 

150. (1) Sous réserve du paragraphe (1.1), une déclaration de revenu sur le formulaire prescrit et contenant les renseignements prescrits doit être présentée au ministre, sans avis ni mise en demeure, pour chaque année d’imposition d’un contribuable :

 

a) dans le cas d’une société, par la société, ou en son nom, dans les six mois suivant la fin de l’année si, selon le cas :

 

(i)      au cours de l’année, l’un des faits suivants se vérifie :

 

(A) la société réside au Canada,

 

(B) elle exploite une entreprise au Canada, sauf si ses seules recettes provenant de l’exploitation d’une entreprise au Canada au cours de l’année consistent en sommes au titre desquelles un impôt était payable par elle en vertu du paragraphe 212(5.1),

 

(C) elle a un gain en capital imposable,

 

(D) elle dispose d’un bien canadien imposable,

 

(ii) l’impôt prévu à la présente partie est payable par la société pour l’année, ou le serait si ce n’était un traité fiscal;

 

[18]    Il convient également de mentionner la pénalité particulière qui s’applique pour l’omission répétée de produire une déclaration de revenu dans le délai prévu. Cette disposition, au paragraphe 162(2), augmente le montant de la pénalité lorsque le contribuable a déjà été sanctionné pour le même type de défaut dans une année précédente.

 

[19]    Le paragraphe 16(2) se lit comme suit :

 

162(2) La personne qui ne produit pas de déclaration de revenu pour une année d’imposition selon les modalités et dans le délai prévus au paragraphe 150(1) après avoir été mise en demeure de le faire conformément au paragraphe 150(2) et qui, avant le moment du défaut, devait payer une pénalité en application du présent paragraphe ou du paragraphe (1) pour défaut de production d’une déclaration de revenu pour une des trois années d’imposition précédentes est passible d’une pénalité égale au total des montants suivants :

 

a) 10 % de l’impôt payable pour l’année en vertu de la présente partie qui était impayé à la date où, au plus tard, la déclaration devait être produite;

 

b) le produit de 2 % de cet impôt impayé par le nombre de mois entiers, jusqu’à concurrence de 20, compris dans la période commençant à la date où, au plus tard, la déclaration devait être produite et se terminant le jour où la déclaration est effectivement produite.

 

 

[Non souligné dans l’original.]

                                                      

[20]    Outre ces dispositions, qui s’appliquent particulièrement en cas de défaut de produire une déclaration de revenu à temps, le paragraphe 162(7) de la Loi prévoit une pénalité plus générale. Les avocats l’ont décrite comme une disposition « fourre‑tout » qui s’applique en cas d’inexécution d’une obligation prévue par la Loi, pour laquelle aucune autre pénalité n’est prévue.

 

[21]    Le paragraphe 162(7) se lit comme suit :

 

162 (7) Toute personne (sauf un organisme de bienfaisance enregistré) ou société de personnes qui ne remplit pas une déclaration de renseignements selon les modalités et dans le délai prévus par la présente loi ou le Règlement de l’impôt sur le revenu ou qui ne se conforme pas à une obligation imposée par la présente loi ou ce règlement est passible, pour chaque défaut 00 sauf si une autre disposition de la présente loi (sauf les paragraphes (10) et (10.1) et 163(2.22)) prévoit une pénalité pour le défaut — d’une pénalité égale, sans être inférieure à 100 $, au produit de la multiplication de 25 $ par le nombre de jours, jusqu’à concurrence de 100, où le défaut persiste.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

Les faits

 

[22]    Les parties n’ont ni l’une ni l’autre présenté de preuve à l’audience. Pour chaque appelante, un exposé conjoint des faits a été déposé et est reproduit à l’annexe A.

 

[23]    Les faits pertinents essentiels sont les mêmes pour les deux appelantes. Chacune est une société résidente des États‑Unis qui exploite une entreprise au Canada. Chacune était tenue de produire une déclaration de revenu au Canada et ces déclarations ont été produites en retard pour les années en cause. Ni l’une ni l’autre n’avait à payer d’impôt en vertu de la Loi au Canada pour aucune des années en cause.

 

[24]    Je mentionne brièvement qu’à l’ouverture de l’audience, le représentant de Tonoga Inc. m’a fait part de son désir de me communiquer des faits supplémentaires. En particulier, le représentant a fait savoir que Tonoga Inc. était une société résidente du Canada et que sa déclaration de revenu pour l’année en cause avait été produite à temps. Ces allégations de faits, soit n’étaient pas dans l’exposé conjoint, soit le contredisaient.

 

[25]    Aucune preuve n’a été présentée pour établir ces allégations de faits et le représentant a en conséquence donné à entendre qu’il poursuivrait l’appel de Tonoga sur le fondement que la société était seulement une société résidente des États‑Unis et que la déclaration de revenu en cause avait été produite en retard. Le déroulement de l’appel s’est poursuivi sur ce fondement.

 

[26]    Je note également que certains des faits convenus et certaines des suppositions faites par le ministre du Revenu national, qui apparaissent dans les répliques, semblent être des énoncés mixtes de fait et de droit. Aucun des représentants n’en a fait mention à l’audience et je ne pense pas que quoi que ce soit n’en dépende dans les présents appels.

 

Analyse

 

Le paragraphe 162(7) s’applique‑t‑il ?

 

[27]    J’examinerai d’abord l’argument subsidiaire du ministre. La question soulevée est la suivante : si le paragraphe 162(2.1) ne s’applique pas, la pénalité équivalente du paragraphe 162(7) s’applique‑t‑elle ?

 

[28]    La conclusion à laquelle je suis parvenue est que le paragraphe 162(7) ne s’applique pas dans les présentes circonstances.

 

[29]    Le paragraphe 162(7) s’applique à un large éventail de circonstances, y compris en cas d’inobservation d’une obligation imposée par la Loi. Il exclut expressément de sa portée les situations dans lesquelles une autre disposition de la Loi « prévoit » une pénalité. La question consiste à savoir si les circonstances présentes sont visées par cette exclusion.

 

[30]    La question préliminaire, par conséquent, est celle de savoir si une autre disposition prévoit une pénalité pour le défaut des appelantes de produire leurs déclarations de revenu à temps.

 

[31]    Comme il s’agit d’un argument subsidiaire, je supposerai pour les besoins de la présente analyse que le paragraphe 162(2.1) ne prévoit pas de pénalité. Cela ne met toutefois pas fin à l’examen, puisqu’il reste à vérifier si une autre disposition prévoit une pénalité. Je suis d’avis que le paragraphe 162(1) constitue une telle disposition.

 

[32]    Le paragraphe 162(7) vise le défaut de se conformer à une obligation imposée par la Loi. En l’espèce, l’obligation qui n’a pas été respectée consistait à produire une déclaration de revenu dans un délai précis. Le paragraphe 162(1) prévoit une pénalité à cet effet. À mon avis, il est sans importance que la pénalité puisse être nulle. Le paragraphe 162(1) prévoit néanmoins une pénalité pour le défaut de produire une déclaration de revenu dans les délais prescrits.

 

[33]    S’il existe un doute quelconque quant à cette interprétation, on devrait pouvoir le dissiper grâce à une interprétation contextuelle et téléologique des dispositions applicables.

 

[34]    Si l’interprétation du paragraphe 162(7) préconisée par le ministre est correcte, alors toute personne qui omet de produire une déclaration de revenu à temps serait tenue de payer une pénalité en vertu du paragraphe 162(7).

 

[35]    Comme le représentant des appelantes le fait valoir à juste titre, cette interprétation semble être contraire au sens manifeste du paragraphe 162(1), qui est d’imposer une pénalité pour la production tardive d’une déclaration de revenu seulement si de l’impôt est impayé à la date limite de production. Si le législateur avait voulu infliger une pénalité sans égard à la question de savoir si de l’impôt est impayé ou non, il aurait formulé le paragraphe 162(1) en conséquence.

 

[36]    Pour ces motifs, je rejette l’argument subsidiaire du ministre selon lequel la pénalité infligée aux appelantes est régulièrement infligée en vertu du paragraphe 162(7).

 

Le paragraphe 162(2.1) s’applique‑t‑il ?

 

[37]    Je me pencherai maintenant sur l’argument principal du ministre. La question à trancher est celle de savoir si la pénalité prévue au paragraphe 162(2.1) s’applique lorsqu’une société non‑résidente n’a pas d’impôt impayé à la date limite de production.

 

[38]    Comme je l’ai mentionné, la décision récente Goar a répondu à cette question par la négative. Le juge C. Miller a conclu que le paragraphe 162(2.1) ne s’appliquait pas sauf s’il y avait de l’impôt impayé.

 

[39]    Cette question repose sur l’interprétation qu’il faut donner aux termes suivants du paragraphe 162(2.1) : « […] la pénalité dont une société non‑résidente est passible pour défaut de produire une déclaration de revenu pour une année d’imposition aux termes de ces paragraphes […] »

 

[40]    Dans la décision Goar, il a été conclu qu’une société non‑résidente n’est passible d’une pénalité en vertu du paragraphe 162(1) que s’il y a de l’impôt impayé, parce que l’application de la formule donne lieu à une pénalité nulle sauf lorsqu’il y a de l’impôt impayé. S’il n’y a aucun impôt impayé, il n’y a aucune pénalité.

 

[41]    L’avocat du ministre m’invite à parvenir à une conclusion différente. Il avance que le contribuable est passible d’une pénalité en vertu du paragraphe 162(1) à chaque fois qu’une déclaration de revenu n’est pas produite à temps. Le fait que l’application de la formule du paragraphe 162(1) puisse donner lieu à une pénalité nulle dans certaines circonstances est, soutient‑il, sans importance.

 

[42]    L’avocat a répété les mêmes arguments qu’il avait exposés sans succès dans l’affaire Goar, et qui sont analysés dans les motifs de cette décision. Je ne les répéterai pas ici.

 

[43]    En ce qui concerne l’avocat, j’estime que ses arguments ne tiennent pas pleinement compte du sens de la disposition visée, dans une perspective textuelle, contextuelle et téléologique.

 

[44]    La méthode d’interprétation législative textuelle, contextuelle et téléologique a été récemment décrite par la juge Sharlow dans un appel interjeté en vertu de la Loi sur la taxe d’accise. Dans l’arrêt North Shore Health Region c. La Reine, 2008 CAF 2; [2008] GSTC 1, elle a dit ce qui suit :

 

[39]  Le sous‑alinéa 191(3)b)(i) doit être lu dans son contexte global, en prenant en considération le sens ordinaire et grammatical des mots, ainsi que l'esprit et l'objet de la loi et l'intention du législateur (voir, par exemple, AstraZeneca Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), [2006] 2 R.C.S. 560, au paragraphe 26; Canada Trustco Mortgage Co. c. Canada, [2005] 2 R.C.S. 601, au paragraphe 10; Driedger, Elmer A., Construction of Statutes (2e éd., Toronto, Butterworths, 1983) à la page 87). Dans le cas qui nous occupe, l’objet du sous‑alinéa 191(3)b)(i) et l’intention qu’avait le législateur en l’édictant doivent être discernés en se fondant sur le libellé de la loi et sur les extraits pertinents du régime législatif où on les trouve et que nous avons déjà résumés. Il n’existe pas de jurisprudence pour nous guider.

 

[45]    Dans une grande mesure, la question porte sur le sens qu’il faut donner au mot « passible » utilisé au paragraphe 162(2.1).

 

[46]    Il semble que le sens ordinaire du mot soit très large.

 

[47]    Selon le Oxford English Dictionary, 2e éd., le sens premier de « passible » [« liable »] est :

 

[TRADUCTION]

Tenu ou obligé de par la loi ou l’équité, ou en conformité à une règle ou à une convention; comptable de; légalement assujetti à ou justiciable de.

 

[48]    De même, la Cour d’appel fédérale a donné un sens large au mot « tenu » [liable] dans un contexte juridique, dans l’arrêt National Trust Company c. Canada, 98 DTC 6409, au paragraphe 46 :

 

Le sens ordinaire du mot " tenu " dans un contexte juridique est d’indiquer le fait qu’une personne est responsable en droit.

 

[49]    Comme le sens général du mot « passible » est large, il convient de prendre en considération le contexte pertinent dans les présents appels.

 

[50]    Je comparerai d’abord l’utilisation du terme « passible » au paragraphe 162(2.1) avec celle du terme « payable » dans la disposition sur la récidive au paragraphe 162(2). À l’alinéa 162(2)c), le terme « payable » sert à préciser que la pénalité la plus sévère pour une récidive ne s’applique que si une pénalité pour une année antérieure demeure effectivement impayée.

 

[51]    L’interprétation du paragraphe 162(2.1) proposée par les appelantes revient dans son fond à assimiler l’un à l’autre les termes « passible » et « payable ». L’utilisation de termes différents dans les paragraphes visés fait toutefois penser que des sens distincts étaient envisagés.

 

[52]    Il convient également de prendre en considération l’objet qui consiste à prévoir une pénalité distincte pour les sociétés non‑résidentes.

 

[53]    Comme je l’ai déjà mentionné, le paragraphe 162(2.1) a été édicté pour les années d’imposition postérieures à 1998, en même temps que les exigences réduites en matière de production de déclaration de revenu pour les sociétés non‑résidentes à l’alinéa 150(1)a).

 

[54]    L’objet de la modification de l’alinéa 150(1)a) est clair : limiter les cas où une société non‑résidente doit produire une déclaration de revenu au Canada aux cas où la société a un lien avec le Canada.

 

[55]    Quant à l’objectif poursuivi lors de l’adoption parallèle du paragraphe 162(2.1) et de la modification de l’alinéa 150(1)a), il convient de comparer les conséquences qui découlent des positions respectives des appelantes et de l’intimée, dans l’éventualité où l’une ou l’autre serait retenue.

 

[56]    Si l’interprétation des appelantes est correcte, l’effet du paragraphe 162(2.1) serait très limité. La pénalité minimale imposée aux sociétés non‑résidentes qui ont de l’impôt impayé à la date limite de production augmenterait légèrement. Elle ne reposerait plus entièrement sur le montant de l’impôt impayé. Elle varierait de 100 $ à 2 500 $.

 

[57]    Si l’interprétation du ministre est correcte, l’effet du paragraphe 162(2.1) serait d’imposer une pénalité minimale chaque fois qu’une société non‑résidente omet de produire une déclaration de revenu à temps, qu’il y ait ou non de l’impôt impayé.

 

[58]    À mon avis, il est peu probable que le législateur ait adopté le paragraphe 162(1) dans l’objectif modeste qui ressort de la position des appelantes. Il est plus vraisemblable qu’il visait à donner du mordant aux exigences les plus restrictives en matière de production de déclaration de revenu à l’égard des sociétés non‑résidentes à l’alinéa 150(1)a). De plus, comme cela a été noté dans la décision Goar, les notes explicatives publiées par le ministère des Finances lors de l’adoption de ces dispositions législatives font mention de cet objectif.

 

[59]    Pour ces motifs, je conclus que les mots « la pénalité dont une société non‑résidente est passible pour défaut de produire une déclaration de revenu pour une année d’imposition aux termes de ces paragraphes » [162(1) ou (2)] englobent les circonstances des présents appels. Autrement dit, ils s’appliquent si la société non‑résidente pourrait être assujettie à une pénalité en vertu du paragraphe 162(1) parce qu’elle a omis de produire une déclaration de revenu à temps.

 

[60]    Avant de conclure, je mentionne brièvement que j’ai pris en compte une décision récente de la Cour d’appel fédérale qui traite du sens du terme « assujetti » [« liable »] dans un contexte différent.

 

[61]    Dans l’arrêt Perry c. Le ministre du Revenu national, 2008 CAF 260, 2008 DTC 6623, la cour devait se pencher sur le sens des mots « assujetti à l’impôt » dans le contexte de la détermination de la résidence pour l’application de la Convention entre le Canada et les États‑Unis en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune. Dans une remarque incidente, le juge Noël semble donner un sens restreint aux mots « assujetti à l’impôt », au paragraphe 19 :

 

[19]  Comme l’article 94 actuel ne prévoit pas d’assujettissement à l’impôt, la fiducie appelante n’est pas une résidente du Canada au sens du paragraphe (1) de l’Article IV et elle n’a donc pas la double résidence au sens du paragraphe (4) de l’Article IV de la Convention. Il s’ensuit qu’aucune question de double résidence ne se pose en vertu du paragraphe (4) de l’Article IV de la Convention en ce qui concerne l’article 94 actuel.

 

[62]    S’il fallait donner au mot « passible », employé au paragraphe 162(2.1), le même sens que dans la décision Perry, la position des appelantes en serait renforcée. À mon avis, ce n’est toutefois pas l’interprétation qu’il convient de retenir, eu égard au contexte et au régime législatif applicable.

 

[63]    Les appels sont rejetés.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 21jour de juillet 2009.

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 28 septembre 2009

 

Édith Malo, LL.B.

 


[TRADUCTION]

 

ANNEXE A

 

EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS ‑ EXIDA

 

1.                  Exida (« la société ») est une société résidente de la Pennsylvanie, aux États‑Unis.

 

2.                  La société exploitait une entreprise au Canada durant les années d’imposition 2003, 2004 et 2005.

 

3.                  La société faisait déduire l’impôt de la partie I à la source par ses clients.

 

4.                  La société était tenue de produire une déclaration de revenu T2 au plus tard les 30 juin 2004, 2005 et 2006, respectivement pour les années d’imposition 2003, 2004 et 2005.

 

5.                  La fin de l’exercice de l’appelante est le 31 décembre.

 

6.                  Les déclarations ont toutes été produites en retard.

 

7.                  Il n’y avait pas d’impôt impayé à la date limite.

 

8.                  Le 28 juin 2007, la société s’est vu infliger une pénalité de 2 500 $ pour production tardive d’une déclaration de revenu pour chacune des années d’imposition 2003, 2004 et 2005, en vertu du paragraphe 162(2.1) de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. 1 (5suppl.) (« la Loi »).

 

EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS ‑ TONOGA

 

1.                  Tonoga (« la société ») est une société résidente du Delaware, aux États‑Unis.

 

2.                  La société exploitait une entreprise au Canada durant l’année d’imposition 2004.

 

3.                  La société était tenue de produire une déclaration de revenu T2 au plus tard le 30 juin 2005 pour l’année d’imposition 2004.

 

4.                  La fin de l’exercice de l’appelante est le 31 décembre.

 

5.                  La déclaration de revenu n’a été déposée que le 18 octobre 2006. La déclaration était en retard.

 

6.                  Il n’y avait pas d’impôt impayé à la date limite.

 

7.                 Le 17 avril 2007, la société s’est vu imposer une pénalité de 2 500 $ pour production tardive d’une déclaration de revenu en vertu du paragraphe 162(2.1) de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. 1 (5suppl.) (« la Loi »).


RÉFÉRENCE :                                  2009 CCI 373

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2007‑4892(IT)I et 2007‑4976(IT)I

 

INTITULÉ :                                       Exida.com Limited Liability Company c. SA MAJESTÉ LA REINE et Tonoga Inc. c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Hamilton (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 26 juin 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge J. M. Woods

 

DATE DES JUGEMENTS :               Le 21 juillet 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant des appelantes :

Me S. David Bazar

 

Avocat de l’intimée : 

 

Me Amit Ummat

 

AVOCATS INSCRITS AU

DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                            Nom :                   

 

                            Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.