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Dossier : 2006-3850(IT)G

 

ENTRE :

DEBORAH LECAINE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

________________________________________________________________

 

Appel entendu le 25 mai 2009, à Halifax (Nouvelle‑Écosse)

 

Devant : L'honorable juge Wyman W. Webb

 

Comparutions :

 

Pour l'appelante :

L'appelante elle‑même

Avocats de l'intimée :

Me Stan W. McDonald

Me Melanie Petrunia

 

________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel est accueilli, sans frais, et l'affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant compte du fait que le revenu net de l'appelante tiré de Le Caine Enterprises, de Data Entry Select et du bien‑fonds sis au 135, chemin Conrad, pour 2001 et 2002, s'établit tel qu'il est indiqué ci‑dessous :

 

Le Caine Enterprises

 

 

2001

2002

 

Revenu

6 450 $

0 $

Moins les dépenses

(14 224 $)

(8 691 $)

Revenu net (perte nette)

(7 774 $)

(8 691 $)

 

Data Entry Select

 

 

2001

2002

 

Revenu

1 848 $

0 $

Moins les dépenses

(2 028 $)

(51 $)

Revenu net (perte nette)

(180 $)

(51 $)

 

Bien‑fonds sis au 135, chemin Conrad — « bien‑fonds locatif »

 

 

2001

2002

 

Revenu

0 $

0 $

Moins les dépenses

0 $

0 $

Revenu net

0 $

0 $

 

Signé à Halifax (Nouvelle‑Écosse), ce 4e jour d'août 2009.

 

 

« Wyman W. Webb »

Le juge Webb

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de novembre 2009.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Référence : 2009 CCI 382

Date : 20090804

Dossier : 2006-3850(IT)G

 

ENTRE :

DEBORAH LECAINE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Webb

 

[1]              En produisant ses déclarations de revenus pour les années d'imposition 2001 et 2002, l'appelante a déclaré des pertes relatives à trois entreprises différentes : Le Caine Enterprises, Data Entry Select et un bien‑fonds locatif. L'appelante s'est vu refuser toutes les dépenses déduites relativement à Le Caine Enterprises et au bien‑fonds locatif, et toutes les dépenses déduites relativement à Data Entry Select, sauf un montant de 1 580 $. La présente instance vise à déterminer les dépenses, s'il y a lieu, qui peuvent être déduites dans le calcul du revenu de l'appelante pour 2001 et 2002 relativement à Le Caine Enterprises et à Data Entry Select, outre le montant de 1 580 $ admis pour les salaires versés relativement à cette dernière entreprise, et à trancher la question de savoir si le bien‑fonds locatif était la source d'un revenu tiré d'un bien pour l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »). Le fondement de la nouvelle cotisation était limité. Les conséquences que cela aura sur la détermination des dépenses déductibles en l'espèce constituent aussi un point litigieux.

 

Le Caine Enterprises

 

[2]              L'appelante exploitait une entreprise individuelle dénommée Le Caine Enterprises. Elle a mis sa résidence, sise au 141, chemin Conrad, à Lawrencetown (Nouvelle‑Écosse), qui compte cinq chambres à coucher, à la disposition du ministère des Services communautaires de la Nouvelle‑Écosse (les « Services communautaires ») pour héberger des enfants souffrant de problèmes affectifs pendant quelques jours ou quelques semaines. C'est après avoir rencontré à plusieurs reprises un ou des représentants des Services communautaires en 2000 que l'appelante a décidé de mettre sa résidence à leur disposition. Elle avait déterminé que la résidence pouvait accueillir jusqu'à cinq personnes en même temps, en plus de l'équipe d'intervention d'urgence. Elle avait également déterminé qu'avec l'hébergement d'au moins deux enfants, les revenus couvriraient les dépenses et pourraient peut‑être même lui procurer un petit bénéfice.

 

[3]              Au début de 2001, l'appelante a commencé à préparer la maison. Elle a installé des détecteurs de fumée et des extincteurs d'incendie et a retiré ses objets personnels. Durant les premiers mois de 2001, l'appelante a libéré la résidence et emménagé ailleurs avec des amis. Plus tard, en juillet 2001, elle a emménagé dans un appartement où elle a habité jusqu'en avril 2002. Elle est ensuite retournée vivre avec des amis. L'appelante n'a réintégré sa résidence qu'en 2007. L'appelante ne pouvait habiter la résidence pendant qu'elle était utilisée par les Services communautaires.

 

[4]              Des enfants ont été hébergés dans sa résidence pour la première fois en mai 2001. Les Services communautaires ont continué d'utiliser la maison durant tout l'été 2001 et l'ont fait jusqu'au 1er novembre 2001. L'appelante n'était payée que lorsque des enfants habitaient la résidence. Après le 1er novembre 2001, les Services communautaires ont cessé d'y héberger des enfants. L'appelante a continué d'entretenir les lieux de manière que la résidence demeure disponible pour les Services communautaires. Elle a essayé de savoir pourquoi ils avaient cessé d'utiliser sa résidence, mais elle n'a pas réussi à obtenir d'explications. Elle a continué d'essayer de les convaincre d'utiliser sa résidence, mais ce fut sans succès. En avril 2002, elle a commencé à se demander si la résidence pouvait servir à d'autres activités.

 

[5]              Le tableau suivant présente les montants inscrits au titre du revenu et au titre des dépenses dans les déclarations de revenus de l'appelante, le montant des dépenses refusées par l'Agence du revenu du Canada (l'« ARC ») et le résultat de la nouvelle cotisation.

 

 

2001

2002

 

Revenu

6 450 $

0 $

Dépenses déduites par l'appelante

(31 331 $)

(25 833 $)

Revenu déclaré (perte déclarée) par l'appelante

(24 881 $)

(25 833 $)

Dépenses refusées par l'ARC

31 331 $

25 833 $

Revenu (perte) après la nouvelle cotisation

6 450 $

0 $

 

[6]              Par suite du refus de toutes les dépenses déduites relativement à Le Caine Enterprises, le revenu de l'appelante devient égal au revenu déclaré relativement à cette activité pour 2001. L'intimée reconnaît que cette activité constituait une source de revenu d'entreprise, mais elle ne croit pas que des dépenses aient été payées pour gagner ce revenu. Il me semble, compte tenu de la nature de l'entreprise, qu'il est tout à fait raisonnable de croire que l'appelante a payé certaines dépenses en vue de gagner ce revenu.

 

[7]              Au cours de l'audience, l'appelante a présenté un tableau de ventilation des dépenses déduites, lequel était identique à la ventilation présentée dans les observations écrites que les avocats de l'intimée ont produites avant le début de l'audience. La ventilation s'établit comme suit :

 

Élément

2001

2002

 

Livraison, transport et messageries

368,72 $

 

Assurances

292,00 $

534,00 $

Intérêts

9 238,92 $

7 438,54 $

Entretien et réparations

2 852,41 $

1 236,81 $

Frais de bureau

36,82 $

67,83 $

Fournitures

832,67 $

632,85 $

Impôts fonciers

1 193,69 $

1 177,05 $

Frais de voyage

3 036,80 $

 

Téléphone et services publics

10 225,26 $

11 622,73 $

Déduction pour amortissement

3 253,60 $

3 123,46 $

Total

31 330,89 $

25 833,27 $

 

[8]              L'avis d'appel déposé ne révèle aucun fait se rapportant aux montants déduits. Les faits pertinents contenus dans l'avis d'appel sont exposés comme suit :

 

[TRADUCTION]

 

Faits pertinents

 

4.         L'appelante a produit des déclarations de revenus pour l'année d'imposition se terminant le 30 avril 2001 et une déclaration de revenus pour l'année d'imposition se terminant le 30 avril 2002, en déduisant des montants au titre des dépenses d'entreprise relativement à Le Caine Enterprises (intervention d'urgence), à Data Entry Select et à un bien‑fonds locatif sis au 135, chemin Conrad.

 

Année 2001

 

Dépenses d'entreprise (ligne 135) de 33 179,74 $

 

Dépenses de location (ligne 126) de 8 001,22 $

 

Année 2002

 

Dépenses d'entreprise (ligne 135) de 25 874,97 $

 

Dépenses de location (ligne 126) de 8 143,46 $

 

5.         Par avis de nouvelle cotisation, l'intimée a refusé les déductions de l'appelante au titre des dépenses d'entreprise et au titre des dépenses de location pour les années d'imposition 2001 et 2002.

 

[9]              Dans la réponse produite, les seules hypothèses visant Le Caine Enterprises étaient formulées comme suit :

 

[TRADUCTION]

 

8.         En établissant ainsi une cotisation à l'égard de l'appelante et en ratifiant la cotisation, le ministre s'est fondé sur les hypothèses suivantes :

 

a)         les faits admis précédemment;

 

b)         durant les années visées par l'appel, l'appelante était propriétaire de deux résidences sises au 135 et au 141, chemin Conrad, à West Lawrencetown, en Nouvelle‑Écosse;

 

c)         l'appelante a fourni un hébergement d'urgence à des jeunes pris en charge par le ministère des Services communautaires de la Nouvelle‑Écosse (les « Services communautaires ») sous la raison sociale Le Caine Enterprises;

 

d)         l'appelante a utilisé la résidence sise au 141, chemin Conrad, pour offrir de l'hébergement d'urgence et elle touchait un montant de 50 $ lorsque la résidence était utilisée par les Services communautaires;

 

e)         l'appelante a cessé d'exploiter Le Caine Enterprises en 2002 et n'a fourni aucun service d'hébergement d'urgence durant l'année d'imposition 2002;

 

f)          l'appelante a déduit, au titre des dépenses relativement à Le Caine Enterprises, 31 330,89 $ pour l'année d'imposition 2001 et 25 833,27 $ pour année d'imposition 2002;

 

g)         l'appelante n'a fait aucune dépense relativement à Le Caine Enterprises au cours des années d'imposition 2001 et 2002.

 

[10]         Dans la réponse, l'intimée invoque seulement l'alinéa 18(1)a) et le paragraphe 230(1) de la Loi. Dans la section où elle expose les moyens sur lesquels elle entend se fonder, l'intimée soutient que l'appelante n'avait pas fait de [TRADUCTION] « dépenses en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien comme l'exige l'alinéa 18(1)a) de la Loi ». Il semble que, tout au long de la vérification, l'appelante n'était pas pleinement disposée à coopérer et que l'insuffisance des documents fournis a amené le vérificateur à conclure que l'appelante n'avait pas réellement fait les dépenses déduites. Elle se refusait toujours à fournir des documents après le dépôt de l'avis d'appel. Toutefois, il semblerait qu'à un certain moment avant l'audience, un grand nombre de reçus et d'autres documents aient été communiqués. Ceux‑ci ont été présentés en preuve à l'audience après consentement. De plus, les avocats de l'intimée ont présenté un mémoire préparatoire à l'audience dans lequel les divers éléments déduits au titre des dépenses étaient énumérés. L'intimée connaissait donc les divers montants constituant les dépenses qui avaient été déduites.

 

[11]         L'audience consistait principalement à déterminer si les dépenses avaient été effectivement faites et, le cas échéant, si elles l'avaient été en vue de tirer un revenu de l'entreprise.

 

[12]         Dans leur argumentation, les avocats de l'intimée ont beaucoup insisté sur le fardeau de la preuve. Ils ont fait ressortir qu'il incombait à l'appelante de prouver que les dépenses avaient été faites et qu'il lui incombait aussi de prouver, à l'égard des dépenses effectivement faites, qu'elles l'avaient été en vue de gagner un revenu.

 

[13]         Dans del Valle c. Ministre du Revenu national, no 84‑2238(IT), 28 février 1986, [1986] 1 C.T.C. 2288, 86 D.T.C. 1235 (C.C.I.), le juge Sarchuk a formulé les observations suivantes :

 

L'arrêt Johnston (précité) a été étudié dans la cause de Hillsdale Shopping Centre Limited c. M.R.N., 81 D.T.C. 5261; à la page 5266, le juge Urie a fait les commentaires suivants :

 

Si un contribuable, après avoir examiné une nouvelle cotisation établie par le Ministre, la réponse du Ministre, son opposition et les moyens invoqués par le Ministre au cours de l'appel, n'a pas été informé de la base sur laquelle on cherche à l'imposer, le fardeau de prouver la responsabilité du contribuable dans une procédure semblable à celle de l'espèce incomberait au Ministre. Ce défaut peut résulter d'un certain nombre de motifs tels qu'un manque de clarté dans l'exposé du Ministre sur le fondement allégué de la responsabilité fiscale, ce qui pourrait comprendre une tentative du Ministre de rattacher cette responsabilité à l'un de deux ou plusieurs fondements possibles, ne permettant pas au contribuable de voir clairement l'hypothèse sur laquelle il s'appuie.

 

J'estime que ces commentaires s'appliquent en l'espèce. À mon avis, l'intimé n'a pas allégué les faits qui constituent un élément essentiel à la validité de la nouvelle cotisation. L'appelante n'est pas tenue de réfuter un fait inexistant ou une hypothèse que l'intimé n'a pas formulée.

 

L'intimé aurait pu alléguer d'autres faits; cependant, il a décidé de s'en tenir aux faits qu'il avait présumés lorsqu'il a préparé les nouvelles cotisations. Je tiens à préciser que, si l'intimé avait allégué d'autres faits, il aurait alors été tenu de les démontrer (voir M.N.R. v. Pillsbury Holdings Limited, (1965) 1 Ex. C.R. 678).

 

Les faits invoqués ne démontrent pas le bien‑fondé des nouvelles cotisations. En conséquence, l'appel est accueilli et le cas est déféré à l'intimé pour nouvelles cotisations, compte tenu du fait que l'ajout de la somme de 5 100 $ dans le revenu de l'appelante pour ses années d'imposition 1980 et 1981 n'était pas bien fondé.

 

[14]         Dans la décision Pollock c. La Reine, no A‑75‑90, 14 octobre 1993, [1994] 1 C.T.C. 3, 94 D.T.C. 6050, le juge Hugessen, s'exprimant au nom de la Cour d'appel fédérale, a déclaré ce qui suit :

 

Selon la règle générale, il est évident que chaque partie à un procès devant cette Cour doit plaider les faits qu'elle invoque en sa faveur de telle manière à informer loyalement son adversaire des arguments qu'elle lui oppose. Si ses plaidoiries sont tellement inadéquates qu'elles ne révèlent aucun argument, elle risque de voir le tribunal les radier et de perdre ainsi son procès. Cette règle n'est absolument pas pertinente en l'espèce. Dans cette affaire, il n'est nullement question du fait que les plaidoiries du ministre étaient inadéquates ou que l'appelant ne savait pas clairement et au‑delà de tout doute possible le fondement des nouvelles cotisations. Ce fondement a été et demeure encore le fait que les opérations de l'appelant concernant les actions des sociétés en question constituaient pour lui un risque de caractère commercial de sorte que les bénéfices qui en découlaient étaient un revenu imposable.

 

Le cas spécial des suppositions faites par le ministre en matières fiscales est complètement différent. Il se fonde sur la nature même d'un système d'autodéclaration et d'autocalcul de la cotisation, un système dans lequel les autorités sont obligées de se fier aux déclarations du contribuable concernant les faits et les choses dont il a particulièrement connaissance. En établissant la cotisation, le ministre peut avoir à supposer certaines choses qui diffèrent de ce que le contribuable a déclaré ou qui le complètent. Dans ce cas, il le fait généralement dans ses plaidoiries, mais ce n'est pas toujours ainsi et nous avons vu, en l'espèce, un exemple où le contribuable s'est efforcé de démolir une supposition que le ministre n'a pas plaidée. Toutefois, lorsqu'une supposition est plaidée, elle a pour effet d'inverser le fardeau de la preuve et d'imposer au contribuable l'obligation de réfuter ce que le ministre a supposé. Naturellement, les suppositions qui n'ont pas été plaidées ne peuvent produire un tel effet et, à mon avis, ne nous concernent pas en l'espèce.

 

Le fardeau de la preuve que les suppositions plaidées ont mis sur les épaules du contribuable n'est nullement injuste : le contribuable, en tant que demandeur, conteste une cotisation qui a été établie concernant ses propres affaires, et il est la personne la mieux placée pour produire des éléments de preuve pertinents pour établir les faits réels.

 

Cependant, lorsque le ministre n'a plaidé aucune supposition ou lorsque les suppositions qu'il a plaidées ont été en tout ou en partie démolies, il reste la possibilité au ministre, en tant que défendeur, de prouver, s'il le peut, le bien‑fondé de la cotisation qu'il a établie. À cette fin, il doit supporter le fardeau de preuve qui incombe ordinairement à toute partie à un procès, soit celui de prouver les faits qui étayent sa prétention à moins que ceux‑ci n'aient déjà été introduits en preuve par son adversaire. C'est une question de droit qui a fait l'objet d'une jurisprudence constante.

 

[15]         Le juge Rothstein, dans l'arrêt R. c. Anchor Pointe Energy Ltd., 2003 CAF 294, a déclaré ceci :

 

[23]      Alléguer l'existence d'hypothèses confère comme avantage important à la Couronne de renverser le fardeau de preuve, de sorte que le contribuable doive réfuter les hypothèses du ministre. Les faits allégués comme hypothèses doivent être précis et exacts afin que le contribuable sache bien clairement ce qu'il lui faudra prouver. [...]

 

[16]         Dans l'arrêt Loewen, 2004 CAF 146, le juge Sharlow, s'exprimant au nom de la Cour d'appel fédérale, a fait les commentaires qui suivent :

 

11        Les contraintes imposées au ministre lorsqu'il invoque des hypothèses n'empêchent cependant pas Sa Majesté de soulever, ailleurs dans la réponse, des allégations de fait et des moyens de droit qui sont étrangers au fondement de la cotisation. Si Sa Majesté allègue un fait qui ne fait pas partie des faits présumés par le ministre, la charge de la preuve repose sur elle. Ce principe est bien expliqué dans la décision Schultz c. Canada, [1996] 1 C.F. 423 (C.A.), autorisation d'appel à la C.S.C. refusée, [1996] A.C.S.C. no 4.

 

[17]         L'autorisation de porter en appel devant la Cour suprême du Canada la décision Loewen de la Cour d'appel fédérale a été refusée (no 30412, 9 décembre 2004, 338 N.R. 195 (note)).

 

[18]         Dans l'arrêt Hickman Motors Ltd. c. Sa Majesté la Reine, [1997] 2 R.C.S. 336, le juge L'Heureux‑Dubé, de la Cour suprême du Canada, a fait les commentaires suivants au sujet du fardeau qu'a un appelant de « démolir » les hypothèses du ministre :

 

92        [...] En établissant des cotisations, le ministre se fonde sur des présomptions : (Bayridge Estates Ltd. c. M.N.R., 59 D.T.C. 1098 (C. de l'É.), à la p. 1101), et la charge initiale de « démolir » les présomptions formulées par le ministre dans sa cotisation est imposée au contribuable (Johnston c. Minister of National Revenue, [1948] R.C.S. 486; Kennedy c. M.R.N., 73 D.T.C. 5359 (C.A.F.), à la p. 5361). Le fardeau initial consiste seulement à « démolir » les présomptions exactes qu'a utilisées le ministre, mais rien de plus : First Fund Genesis Corp. c. La Reine, 90 D.T.C. 6337 (C.F. 1re inst.), à la p. 6340.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[19]         Il est donc fort important que les hypothèses énoncent de manière claire et exacte les faits que le ministre a présumés, car le fardeau initial de l'appelant « consiste seulement à « démolir » les présomptions exactes qu'a utilisées le ministre, mais rien de plus ». Les contribuables doivent pouvoir connaître les motifs de la nouvelle cotisation. En l'espèce, dans la seule hypothèse servant de fondement au refus des dépenses déduites, il est avancé que [TRADUCTION] « l'appelante n'a fait aucune dépense ». Par conséquent, l'appelante avait le fardeau initial de « démolir » cette hypothèse et de démontrer que les dépenses avaient été effectivement faites. Le cas échéant, il incombait en l'espèce ensuite à l'intimée de prouver que la dépense en question n'avait pas été faite en vue de gagner un revenu, puisque la seule hypothèse formulée par l'intimée était que les dépenses n'avaient pas été faites.

 

Le Caine Enterprises — Livraison, transport et messageries

 

[20]         Le montant inscrit à la ligne « Livraison, transport et messageries » correspond à une partie du montant que l'appelante a payé pour faire l'acquisition d'une nouvelle voiture. Dans l'annexe qu'elle a préparée, elle a indiqué que les montants suivants lui avaient été facturés relativement à l'achat de sa voiture :

 

Transport et livraison

895,00 $

Frais administratifs pour l'essence

99,00 $

Taxe sur les pneus

15,00 $

Accise — climatiseur

100,00 $

Droit d'immatriculation, permis et transfert

65,00 $

TVH

2 445,60 $

Total

3 619,60 $

 

[21]         Dans l'annexe, elle a indiqué que les montants totalisaient 3 919,60 $, mais ils ne totalisent en fait que 3 619,60 $. Aucune explication n'a été fournie pour cette différence de 300 $. Partant de ce total, l'appelante a déduit un montant de 368,72 $ (qui représente environ 10 % du montant total) au titre des dépenses dans le calcul de son revenu pour 2001. J'ajoute foi au témoignage de l'appelante suivant lequel ces dépenses ont été faites, mais il me semble évident qu'elles auraient été ajoutées au coût en capital de la voiture si celle‑ci avait été utilisée dans l'exercice des activités de l'entreprise, et non déduites comme une dépense.

 

[22]         Le coût en capital d'un bien amortissable est inclus dans le calcul de la fraction non amortie du coût en capital de ce bien. Le « coût en capital » n'est pas défini dans la Loi. Dans l'ouvrage intitulé Principles of Financial Accounting : A Conceptual Approach, 1968, les auteurs Finney et Miller expliquent ce qui suit, à la page 245 :

 

[TRADUCTION]

 

Coûts accessoires. Le coût d'un bien comprend non seulement le prix de base, ou prix d'achat, mais également les coûts accessoires connexes tels que les frais liés à la recherche des titres et les frais juridiques payés pour acquérir un bien immobilier, les frais de transport, d'installation et de rodage accessoires à l'acquisition de la machinerie, les frais d'entreposage, les taxes et les autres frais payés relativement à la maturation de certains types de stocks, tels que le vin, et les dépenses faites en vue de remettre en état une usine achetée en état délabré.

 

Et à la page 198, ils mentionnent ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

 

Détermination du coût. Comme énoncé général, on peut dire que le coût d'un bien s'évalue par la valeur en espèces de la contrepartie remise pour l'acquérir et qu'il est égal à cette valeur. En ce qui a trait aux acquisitions d'immobilisations, le coût comprend toutes les dépenses faites pour acquérir ce bien et le mettre en place et en l'état requis pour qu'il soit utilisé de la manière prévue dans les activités d'exploitation de l'entreprise. Par conséquent, le coût de la machinerie inclut des éléments tels que les frais de transport et d'installation, en plus du prix facturé pour celle‑ci.

 

[23]         Dans leur ouvrage intitulé Normes comptables : Analyse et concepts, 2003, les auteurs Milburn et Skinner mentionnent ce qui suit, à la page 256 :

 

La majorité des immobilisations corporelles proviennent de sources extérieures. Le principal élément de coût est alors le prix facturé, moins les escomptes au comptant ou les rabais de gros consentis. La principale difficulté consiste à faire en sorte que les coûts qui sont accessoires à l'acquisition de l'actif de même que ceux qui sont nécessaires à sa mise en service soient capitalisés. [...] En ce qui a trait au matériel et à l'outillage, ils incluent les droits de douane et les taxes, les frais de transport à l'entrée, l'assurance transport, les coûts d'installation, de même que les frais relatifs à la mise à l'essai et à la préparation.

 

[24]         Le coût d'une immobilisation devrait être déterminé, pour l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu, de la même manière qu'il l'est à des fins comptables. Le calcul du coût en capital d'un bien, pour l'application de la Loi, vise à déterminer le montant qui devrait être ajouté à la fraction non amortie du coût en capital et ensuite amorti avec le temps par une déduction pour amortissement (« DPA ») conformément au Règlement de l'impôt sur le revenu. Rien n'explique pourquoi les coûts accessoires (tels que les frais de transport) ne seraient pas inclus dans le calcul du coût en capital du bien pour l'application de la Loi, alors qu'ils sont ajoutés au coût d'une immobilisation à des fins comptables. Dans chaque cas, l'objectif consiste à déterminer le coût en capital total du bien.

 

[25]         Les coûts accessoires énumérés précédemment ont été payés par l'appelante pour acquérir la voiture et ils auraient dû être ajoutés au coût de la voiture[1]. Si la voiture était utilisée pour tirer un revenu de l'entreprise, le pourcentage approprié du coût total d'acquisition de la voiture, établi à partir du pourcentage d'utilisation de la voiture dans les activités de l'entreprise, aurait pu alors être utilisé pour demander une DPA calculée conformément au Règlement de l'impôt sur le revenu. Il n'y avait pas lieu de simplement déduire les coûts accessoires comme des dépenses courantes. En l'espèce, l'appelante n'a pas inclus la voiture dans l'annexe relative à la DPA qu'elle a produite avec sa déclaration de revenus pour 2001 ou 2002.

 

[26]         Cependant, ce n'est pas pour ces motifs que la nouvelle cotisation a été établie à l'endroit de l'appelante et ces motifs n'ont d'ailleurs jamais été avancés par le ministre. Par conséquent, ils ne peuvent constituer le fondement de la nouvelle cotisation établie à l'endroit de l'appelante. Dans Pedwell c. La Reine, [2000] 4 C.F. 616, le juge Rothstein, s'exprimant au nom de la Cour d'appel fédérale, a mentionné ceci :

 

15        Quoique les parties aient fait référence à bon nombre de décisions sur la question, l'arrêt Banque Continentale établit maintenant clairement que le ministre est lié par les motifs de sa cotisation (sous réserve du paragraphe 152(9) [Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1 (mod. par L.C. 1999, ch. 22, art. 63.1)], qui s'applique aux appels pour lesquels une décision a été rendue après le 17 juin 1999 et qui n'est pas pertinent en l'espèce de toute manière). Même si, dans la présente affaire, le ministre n'a pas avancé de motifs différents au soutien de sa cotisation, j'estime que le principe énoncé dans l'arrêt Banque Continentale est applicable à une décision judiciaire rendue pour des motifs différents de ceux figurant dans l'avis de nouvelle cotisation.

 

16        Premièrement, si la Couronne ne peut pas modifier les motifs d'une nouvelle cotisation après l'expiration du délai prévu à cette fin, la Cour de l'impôt se trouve dans la même position. Le contribuable subit le même préjudice — la privation de l'avantage tiré de ce délai. Il n'est pas loisible à la Cour de l'impôt ni à la Cour fédérale d'élaborer elles‑mêmes des motifs de cotisation alors que ces motifs ne constituent pas le fondement de la nouvelle cotisation établie par le ministre relativement au contribuable.

 

17        Deuxièmement, même s'il est loisible au ministre de modifier les motifs de la cotisation avant l'expiration du délai prévu à cette fin, j'estime que lorsqu'il ne le fait pas, le juge de la Cour de l'impôt doit s'en tenir à la cotisation en litige. L'équité exige que le contribuable ait une possibilité raisonnable de contester de nouveaux motifs de cotisation. Si le juge de la Cour de l'impôt se fonde sur des motifs de cotisation qui ne sont pas en cause dans l'instance, le contribuable est privé de cette possibilité.

 

18        Dans sa décision et après la présentation de la preuve et des arguments relatifs aux motifs de cotisation du ministre en l'espèce, le juge de la Cour de l'impôt a pris l'initiative de modifier le fondement de cette cotisation sans que l'appelant ait la possibilité de se faire entendre quant à cette modification. Cela ressort du fait que le jugement de la Cour de l'impôt a accueilli l'appel interjeté par l'appelant, c'est‑à‑dire, qu'il a conclu qu'il n'y avait pas appropriation d'un bien-fonds, ce qui constituait le fondement de la cotisation du ministre, tout en renvoyant l'affaire au ministre pour qu'il établisse une nouvelle cotisation fondée sur l'appropriation du produit de la vente à Euler et du dépôt versé par Landpark. Ce qui s'est produit équivaut à permettre au ministre d'interjeter appel de sa propre nouvelle cotisation.

 

19                Je ne dis pas que le ministre ne peut pas fonder sa cotisation sur des motifs subsidiaires. Cela n'a toutefois pas été fait en l'espèce.

 

[27]         Même si le ministre aurait pu se prévaloir du paragraphe 152(9) de la Loi (dont a fait état le juge Rothstein) pour avancer des motifs subsidiaires à l'appui de la nouvelle cotisation de l'appelante, cette disposition ne peut être invoquée que si le ministre avance ces motifs subsidiaires. Puisque le ministre n'a avancé aucun motif subsidiaire pour refuser ces dépenses parce qu'elles auraient dû être ajoutées au coût en capital, il n'est pas loisible à la Cour de le faire. Toutefois, puisque j'ai conclu (tel qu'il est noté plus loin) que les dépenses liées à la voiture n'ont pas été faites en vue de gagner un revenu, ces montants ne peuvent être déduits dans le calcul du revenu de l'appelante pour l'année 2001.

 

Le Caine Enterprises — Assurances

 

[28]         Le montant de 292 $ déduit à l'égard de l'année 2001 se rapporte à l'assurance de la résidence utilisée pour les activités de l'entreprise. La seule facture présentée relativement à l'assurance des lieux exploités par Le Caine Enterprises est la facture datée du 2 juin 2002 se rapportant à la période du 8 août 2002 au 8 août 2003. L'appelante a également produit des copies de relevés de plusieurs comptes bancaires, mais il est impossible de dire à partir de ces relevés si un paiement particulier se rapportait à l'assurance de la résidence.

 

[29]         Cela illustre bien à quel point les documents fournis par l'appelante étaient insuffisants. Il n'y a pas de facture ni de chèque oblitéré pour établir que l'assurance a été payée pour une partie quelconque de 2001 ou pour les sept premiers mois de 2002, ni pour faire la preuve du montant des primes d'assurance pour une partie quelconque de 2001 ou pour les sept premiers mois de 2002. La période inscrite sur la seule facture présentée est la période commençant en août 2002.

 

[30]         Dans la décision Wainberg c. La Reine, 2003 CCI 610, le juge Bowie a formulé les observations suivantes :

 

3          L'avocate de l'intimée a fait référence à la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Njenga c. La Reine. Dans cette affaire, il a été statué qu'un contribuable qui ne tient pas compte des exigences prévues par la Loi de garder à sa disposition des renseignements et une documentation détaillés à l'appui des demandes qu'il présente devrait s'attendre à avoir d'énormes difficultés à s'acquitter de la charge d'établir ces demandes. Cependant, le besoin d'étayer un témoignage verbal avec des documents n'est certainement pas un absolu. Si le contribuable est un témoin crédible, le bien‑fondé de la demande peut être établi par un simple témoignage verbal, si celui‑ci est suffisamment convaincant.

 

[31]         Dans l'arrêt The Continental Insurance Company c. Dalton Cartage Company Limited, [1982] 1 R.C.S. 164, le juge en chef Laskin a affirmé ce qui suit, aux pages 169 à 171 :

 

Chaque fois qu'il y a une allégation de conduite moralement blâmable ou qui peut revêtir un aspect criminel ou pénal et que l'allégation se présente dans le cadre d'un litige civil, le fardeau de la preuve qui s'applique est toujours celui de la preuve suivant la prépondérance des probabilités. C'est ce que cette Cour a décidé dans l'arrêt Hanes c. Wawanesa Mutual Insurance Co., [1963] R.C.S. 154. Dans cet arrêt, le juge Ritchie a étudié la jurisprudence qui existait à l'époque et qui comprenait notamment l'arrêt de lord Denning Bater v. Bater, [1950] 2 All E.R. 458, à la p. 459, et celui du juge Cartwright, alors juge puîné, Smith c. Smith et Smedman, [1952] 2 R.C.S. 312, à la p. 331, et il a conclu (à la p. 164) :

 

[TRADUCTION] Compte tenu de la jurisprudence susmentionnée, je suis d'avis que le savant juge de première instance a appliqué la mauvaise norme de preuve en l'espèce et que la question de savoir si l'appelant était dans un état d'ébriété au moment de l'accident aurait dû être tranchée suivant la « prépondérance des probabilités ».

 

Il est vrai que, mis à part sa mention des arrêts Bater v. Bater et Smith et Smedman, le juge Ritchie n'a pas lui-même précisé ce qu'il faut entendre par preuve suivant la prépondérance des probabilités lorsqu'il s'agit de conduite comme celle visée par les deux polices en l'espèce. À mon avis, le juge Keith, sur la question du fardeau de la preuve, pouvait à bon droit tenir compte du caractère convaincant des éléments de preuve offerts en vue d'établir une preuve selon la prépondérance des probabilités, et c'est ce qu'il a fait en faisant mention de preuves correspondant à la gravité des allégations ou de l'accusation de vol contre le chauffeur employé à titre temporaire. L'appréciation des éléments de preuve se rapportant au fardeau de la preuve implique nécessairement une question de jugement, et un juge de première instance est fondé à examiner la preuve plus attentivement si la preuve offerte doit établir des allégations sérieuses. Je reprends les propos de lord Denning à cet égard dans l'arrêt Bater v. Bater, précité, à la p. 459 :

 

[TRADUCTION] Il est vrai que notre droit impose une norme de preuve plus élevée dans les affaires criminelles que dans les affaires civiles sous une réserve toutefois, savoir que dans l'un et l'autre cas il n'y a pas de norme absolue. Dans les affaires criminelles, on doit prouver l'accusation hors de tout doute raisonnable, mais à l'intérieur de cette norme, il peut y avoir des degrés de preuve. Nombre de grands juges ont dit que plus le crime est grave, plus la preuve doit être claire. Il en va de même pour les affaires civiles. On peut établir le bien‑fondé de la demande suivant la prépondérance des probabilités, mais cette norme peut comporter des degrés de probabilité. Le degré est fonction de l'objet du litige. Il est naturel qu'une cour de juridiction civile, lorsqu'elle est saisie d'une accusation de fraude, exige un degré plus élevé de probabilité qu'elle n'exigerait s'il s'agissait de décider si l'on a prouvé la négligence. Le degré de probabilité qu'elle exige n'est pas aussi élevé que celui qu'exigerait une cour de juridiction criminelle, même lorsqu'elle est saisie d'une accusation de nature criminelle, mais il reste qu'elle exige un degré de probabilité qui correspond à la gravité de la situation.

 

Je n'estime pas que ce point de vue s'écarte du principe d'une norme de preuve fondée sur la prépondérance des probabilités ni qu'il appuie une norme variable. La question dans toutes les affaires civiles est de savoir quelle preuve il faut apporter et quel poids lui accorder pour que la cour conclue qu'on a fait la preuve suivant la prépondérance des probabilités.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[32]         Dans l'arrêt Hickman Motors Limited c. La Reine, [1997] 2 R.C.S. 336, le juge L'Heureux‑Dubé a déclaré ce qui suit :

 

92        Il est bien établi en droit que, dans le domaine de la fiscalité, la norme de preuve est la prépondérance des probabilités : Dobieco Ltd. c. Minister of National Revenue, [1966] R.C.S. 95, et que, à l'intérieur de cette norme, différents degrés de preuve peuvent être exigés, selon le sujet en cause, pour que soit acquittée la charge de la preuve : Continental Insurance Co. c. Dalton Cartage Co., [1982] 1 R.C.S. 164; Pallan c. M.R.N., 90 D.T.C. 1102 (C.C.I.), à la p. 1106.

 

[33]         Dans une décision récente de la Chambre des lords, In re Doherty, [2008] UKHL 33, lord Carswell a affirmé ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

 

25.       L'expression « degré de probabilité » a été relevée et reprise dans un certain nombre de décisions subséquentes — voir, par exemple, In re Dellow's Will Trusts, [1964] 1 WLR 451, à la p. 455, Blyth v. Blyth, [1966] AC 643, à la p. 669, et R. v. Secretary of State for the Home Department, Ex p Khawaja, [1984] AC 74, aux pages 113 et 114 — et peut avoir amené certains tribunaux judiciaires à conclure qu'une norme de preuve autre que celle de la prépondérance des probabilités ou qu'une norme de preuve plus rigoureuse était nécessaire dans certains cas. Dans la mesure où ce malentendu est survenu, il aurait dû y être mis fin par les remarques souvent citées de lord Nicholls of Birkenhead dans l'arrêt In re H (Minors). Immédiatement après le passage de ses motifs que j'ai cité, lord Nicholls of Birkenhead a ajouté ce qui suit, aux pages 586 et 587 :

 

En appréciant les probabilités, le tribunal aura à l'esprit comme facteur, dans la mesure où la chose est appropriée dans une affaire particulière, que plus l'allégation est grave, moins il sera probable que l'événement se soit produit, de sorte que la preuve devrait être d'autant plus forte pour que le tribunal puisse conclure que l'allégation est établie selon la prépondérance des probabilités. La fraude est habituellement moins probable que la négligence. Un dommage corporel délibéré est habituellement moins probable qu'un dommage corporel accidentel. Habituellement, il est moins probable qu'un beau‑père ait à maintes reprises violé et ait eu des relations sexuelles orales non consensuelles avec sa belle‑fille mineure plutôt que d'avoir à un moment donné perdu patience et de l'avoir giflée. La norme de la prépondérance des probabilités comporte un degré élevé de souplesse pour ce qui est de la gravité de l'allégation.

 

Le résultat est à peu près le même, mais cela ne veut pas pour autant dire que lorsqu'une allégation grave est en cause, la norme de preuve nécessaire est plus rigoureuse. Cela veut uniquement dire que la vraisemblance ou l'invraisemblance intrinsèque d'un événement est en soi une question dont il faut tenir compte en appréciant les probabilités et en décidant si, somme toute, l'événement s'est produit. Plus l'événement est improbable, plus la preuve indiquant que cet événement s'est produit doit être forte pour que, selon la prépondérance des probabilités, il soit établi qu'il s'est produit. [...] C'est sans aucun doute ce sentiment qui amène de temps en temps les juges à faire remarquer que des questions graves doivent être prouvées selon une norme plus rigoureuse que celle de la prépondérance des probabilités.

 

[...]

 

27.       Le lord juge Richards a exprimé cette thèse d'une façon adroite dans l'arrêt R (N) v. Mental Health Review Tribunal (Northern Region), [2005] EWCA Civ 1605, [2006] QB 468, aux pages 497 et 498, paragraphe 62, où il a dit ce qui suit :

 

Il existe une seule norme civile de preuve selon la prépondérance des probabilités, mais elle s'applique d'une façon souple. En particulier, plus l'allégation est grave ou plus les conséquences sont graves si l'allégation est établie, plus la preuve devra être forte pour que le tribunal puisse conclure que l'allégation est prouvée selon la prépondérance des probabilités. Par conséquent, la souplesse de la norme ne dépend pas de quelque modification du degré de probabilité nécessaire pour qu'une allégation soit établie (de sorte qu'une allégation plus grave doive être prouvée selon un degré plus élevé de probabilité), mais elle dépend plutôt de la force ou de la qualité de la preuve qui sera en pratique nécessaire pour établir l'allégation selon la prépondérance des probabilités.

 

À mon avis, ce paragraphe énonce correctement en des termes concis l'état du droit sur ce point. Toutefois, j'aimerais faire une réserve, qui ne fait peut‑être qu'expliquer ce que le lord juge Richards voulait dire en parlant de la gravité des conséquences. Ce facteur est pertinent pour ce qui est de la probabilité ou de l'absence de probabilité que l'allégation soit non fondée, comme je l'expliquerai ci‑dessous.

 

28.       Il est reconnu au moyen de ces énoncés qu'une source possible de confusion découle de ce qu'il n'est pas tenu compte d'une façon suffisamment claire du fait que dans certains contextes, une cour de justice ou un tribunal doit examiner les faits d'un oeil plus critique et avec plus de circonspection que dans d'autres cas pour qu'il puisse être convaincu qu'il est satisfait à la norme requise. Toutefois, la norme elle-même est précise et immuable. Les cas dans lesquels un tel examen plus approfondi est nécessaire peuvent découler de ce qu'il est intrinsèquement peu probable que l'événement se soit produit (comme l'exemple que lord Hoffmann a donné de l'animal qui a été vu dans Regent's Park), de la gravité de l'allégation à établir ou, dans certains cas, des conséquences susceptibles de découler de l'acceptation de la preuve du fait pertinent. Il n'est pas nécessaire de préciser l'importance de la gravité de l'allégation; le tribunal chargé d'examiner les faits examinera de plus près les faits sur lesquels est fondée l'allégation de fraude avant de reconnaître que cette allégation a été établie. La gravité des conséquences est un autre aspect de la même thèse; l'allégation selon laquelle un directeur de banque s'est livré à un détournement de fonds mineur peut entraîner des conséquences fort graves pour la carrière de celui-ci, de sorte qu'il est peu probable qu'il risque de s'y livrer. Il s'agit dans tous les cas de s'en remettre à l'expérience ordinaire, les personnes qui ont à trancher de telles questions devant faire preuve de bon sens. La norme de preuve n'a pas à être différente ou à être particulièrement convaincante; il suffit que le tribunal prenne la chose en considération d'une façon minutieuse appropriée pour arriver à sa conviction au sujet de la question à établir.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[34]         Dans une autre décision récente de la Chambre des lords, In re B (Children), [2008] UKHL 35, lord Hoffmann a déclaré ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

 

14.       Enfin, je dois faire certaines remarques au sujet de la notion de probabilité intrinsèque. Lord Nicholls a dit ce qui suit dans le passage que j'ai déjà cité :

 

[...] le tribunal aura à l'esprit comme facteur, dans la mesure où la chose est appropriée dans une affaire particulière, que plus l'allégation est grave, moins il sera probable que l'événement se soit produit, de sorte que la preuve devrait être d'autant plus forte pour que le tribunal puisse conclure que l'allégation est établie selon la prépondérance des probabilités.

 

15.       J'insiste sur les mots que j'ai mis en italique. Lord Nicholls n'a pas énoncé une règle de droit. Il n'existe qu'une seule règle de droit : il faut prouver qu'il est plus probable que le fait ait eu lieu que le contraire. Le sens commun, et non le droit, exige, pour trancher à cet égard, qu'on tienne compte, dans la mesure où cela est indiqué, de la probabilité intrinsèque.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[35]         Dans le même arrêt, la baronne Hale of Richmond a dit ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

 

70.       [...] Ni la gravité de l'allégation ni celle des conséquences ne devraient modifier la norme de preuve appliquée pour établir les faits. La probabilité intrinsèque ne doit être prise en compte, s'il y a lieu, que pour découvrir la vérité.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[36]         Il me semble que ces décisions sont compatibles les unes avec les autres et que la question, dans une affaire civile (ce qui comprend le présent appel), sera de savoir si la preuve présentée est suffisante pour convaincre le juge des faits, selon la prépondérance des probabilités, que la personne qui a la charge de la preuve a établi ce qu'elle était obligée d'établir. En analysant la preuve qui a été présentée, la vraisemblance ou l'invraisemblance de l'événement qui est en cause est un facteur pouvant être pris en considération. Plus l'événement est improbable, plus la preuve devra être forte. À l'inverse, il me semble également qu'une personne peut être en mesure d'établir, selon la prépondérance des probabilités, qu'un événement fort probable s'est produit en se fondant sur une preuve plus faible que celle qui est nécessaire pour établir qu'un événement improbable s'est produit.

 

[37]         En l'espèce, il semble logique que l'appelante ait assuré le bien‑fonds utilisé pour mener à bien les activités de Le Caine Enterprises en 2001. Comme les primes d'assurance annuelles s'élevaient à 534 $ en 2002, ce même montant sera utilisé pour 2001. L'appelante a habité la résidence sise au 141, chemin Conrad, pendant les premiers mois de 2001. La date exacte à laquelle elle a libéré les lieux pour qu'ils soient utilisés par les Services communautaires est difficile à établir. L'appelante a présenté des copies des talons de chèque des paiements faits par les Services communautaires pour l'utilisation de la maison. Puisque le talon de chèque le plus ancien se rapporte à la période du 13 au 20 mai 2001, il semble que la résidence ait été utilisée la première fois par les Services communautaires durant la semaine du 13 au 20 mai 2001. Par conséquent, l'appelante a dû libérer les lieux avant cette semaine et, dans ces conditions, je conclus qu'elle avait cessé d'occuper la résidence le 30 avril 2001.

 

[38]         Ainsi, il me semble que les primes d'assurance pour la période allant du 1er janvier 2001 au 30 avril 2001 correspondraient à la période durant laquelle l'appelante utilisait toujours la maison comme résidence personnelle. Il s'ensuit que les primes d'assurance rattachées à cette période constitueraient une dépense personnelle et non une dépense faite en vue de gagner un revenu.

 

[39]         Si l'on se fie aux talons de chèque, les périodes d'utilisation de la résidence par les Services communautaires en 2001 s'établissent comme suit :

 

Période

Montant reçu

 

13 au 20 mai

400 $

21 au 27 mai

350 $

28 mai au 3 juin

350 $

4 au 10 juin

350 $

11 au 17 juin

350 $

18 au 24 juin

350 $

25 juin au 1er juillet

350 $

2 au 8 juillet

350 $

16 au 22 juillet

350 $

20 au 22 juillet

150 $

23 au 29 juillet

350 $

30 juillet au 1er août

150 $

30 juillet au 3 août

250 $

6 au 9 septembre

200 $

10 au 16 septembre

350 $

17 au 20 septembre

200 $

17 au 23 septembre

350 $

24 au 30 septembre

350 $

1er au 7 octobre

350 $

8 au 14 octobre

350 $

15 au 21 octobre

350 $

22 au 28 octobre

350 $

29 octobre au 1er novembre 

200 $

Total

7 150 $

 

[40]         Le montant total des chèques reçus par l'appelante pour l'utilisation de la résidence sise au 141, chemin Conrad, excède de 700 $ le montant qu'elle a inclus dans son revenu. Aucune explication n'a été fournie pour cette différence, qui n'a par ailleurs même pas été signalée par les parties. Il semble que personne n'ait pris le temps de faire la somme des montants indiqués sur les talons de chèque. Puisque l'intimée ne peut contester la nouvelle cotisation[2], le revenu de l'appelante ne peut être augmenté par suite de son appel et aucun rajustement ne pourra donc être fait pour tenir compte de cette différence de 700 $.

 

[41]         La dernière période durant laquelle la résidence a été utilisée par les Services communautaires est la période du 29 octobre au 1er novembre 2001. L'appelante a tenté de savoir si les Services communautaires prévoyaient utiliser la résidence de nouveau, mais elle n'a pas réussi à les convaincre de l'utiliser après le 1er novembre 2001. En avril 2002, l'appelante avait commencé à envisager d'autres utilisations pour la résidence. Comme les périodes d'utilisation avaient été ponctuées de quelques interruptions (la semaine du 9 au 15 juillet et presque tout le mois d'août), il me semble qu'il peut néanmoins être considéré que l'appelante a continué d'exploiter son entreprise pendant quelque temps après le 1er novembre 2001, mais, à la fin d'avril 2002 (soit six mois après la dernière utilisation de la résidence par les Services communautaires, une période suffisamment longue pour indiquer que le défaut d'utiliser la résidence ne dépendait pas simplement de la saison hivernale), il était raisonnable de croire que les Services communautaires n'étaient plus intéressés à utiliser la résidence. Puisqu'elle avait pour seule activité de fournir de l'hébergement aux Services communautaires, l'entreprise a cessé d'exercer ses activités lorsqu'il est devenu évident qu'ils n'entendaient plus utiliser la résidence.

 

[42]         Même s'il n'est pas possible d'établir avec précision la date à laquelle Le Caine Enterprises a cessé ses activités (et, par voie de conséquence, la date à laquelle le montant déboursé pour l'assurance de la résidence ne constituerait plus un montant versé en vue de gagner un revenu), il me semble qu'il devrait être considéré qu'elle a continué d'exercer ses activités jusqu'à la fin d'avril 2002. Dans la réponse, il a été tenu pour acquis que l'entreprise avait cessé d'être exploitée en 2002, et il semble logique qu'elle ait continué de l'être au moins pendant quelques mois en 2002. Même si l'appelante a affirmé avoir commencé à envisager d'autres utilisations pour la résidence en avril 2002, elle n'a pris aucune mesure en ce sens. Il me semble que le fait qu'elle ait envisagé d'autres utilisations en 2002 indique qu'elle avait alors compris que les Services communautaires n'utiliseraient plus cette résidence. Ainsi, le 30 avril 2002 sera la date à laquelle l'appelante a cessé d'exploiter cette entreprise.

 

[43]         Par conséquent, les primes d'assurance déboursées pour la période allant du 1er mai 2001 au 30 avril 2002 seront admises à titre de dépense et réparties comme suit :

 

 

2001

2002

 

Assurance

356 $

178 $

 

[44]         Il s'ensuit que le montant admis pour 2001 est plus grand que le montant déduit par l'appelante. Rien n'interdit d'augmenter le montant admis comme dépense (et, de ce fait, de diminuer l'impôt à payer) au‑delà du montant déduit par le contribuable[3].

 

Le Caine Enterprises — Intérêts

 

[45]         L'appelante avait plusieurs comptes bancaires et on ne sait pas trop lequel de ces comptes était utilisé pour Le Caine Enterprises. Il semble, d'après les relevés présentés en preuve, que les chèques reçus des Services communautaires étaient déposés dans le même compte que celui où était déposé le salaire qu'elle tirait de son emploi. L'appelante avait deux emplois en 2001; elle travaillait à plein temps à la Banque de Nouvelle‑Écosse et à temps partiel à Loomis. Il semble également que des virements étaient effectués de ce compte vers un autre compte.

 

[46]         Les frais d'intérêts des différents comptes bancaires et des cartes de crédit de l'appelante ont été déclarés comme une dépense. L'appelante a expliqué qu'elle n'aurait pas payé de frais d'intérêts si elle n'avait pas exploité cette entreprise. N'eût été de cette entreprise, elle aurait disposé de ressources financières suffisantes pour couvrir ses dépenses personnelles. Cependant, puisqu'elle avait eu des dépenses pour préparer la résidence pour les Services communautaires et pour emménager ailleurs, elle ne disposait plus de ressources financières suffisantes pour couvrir ses dépenses personnelles et elle a dû payer des frais d'intérêts sur ses comptes bancaires et ses cartes de crédit. Néanmoins, il semble que ces frais d'intérêts soient liés à des dépenses personnelles, et non à des dépenses d'entreprise. L'appelante s'est endettée pour payer des dépenses personnelles et, par conséquent, les frais d'intérêts n'ont pas été payés en vue de gagner un revenu. L'utilisation directe des fonds empruntés consistait à payer des dépenses personnelles.

 

[47]         Les parties n'ont pas invoqué l'alinéa 20(1)c) de la Loi, mais il me semble que l'appelante a dû s'en prévaloir pour déduire ses frais d'intérêts. Il faut donc examiner si cette disposition peut être appliquée, même s'il n'en a pas été fait état directement.

 

[48]         Dans La Reine c. Bronfman Trust, [1987] 1 R.C.S. 32, le juge en chef Dickson, s'exprimant au nom de la Cour suprême du Canada, a écrit ce qui suit :

 

21        La disposition prévoyant la déduction des intérêts exige non seulement la détermination de l'usage auquel ont été affectés les fonds empruntés, mais aussi la détermination de la « fin ». L'admissibilité à la déduction est soumise à la condition que l'argent emprunté soit utilisé pour produire un revenu. Cependant, il est bien établi par la jurisprudence que le point pertinent n'est pas la fin de l'emprunt lui‑même. Ce qui est pertinent est plutôt la fin qu'a visée le contribuable en utilisant l'argent emprunté d'une manière particulière : Auld v. Minister of National Revenue, 62 D.T.C. 27 (C.A.I.). Il s'ensuit donc que l'examen de la situation doit être centré sur l'usage que le contribuable a fait des fonds empruntés.

 

[...]

 

27        Comme je l'ai déjà fait remarquer, la fiducie intimée allègue que les emprunts lui ont permis de conserver des biens productifs de revenu qu'elle aurait sans cela vendus afin de pouvoir verser à la bénéficiaire les prélèvements sur le capital. Cette utilisation des fonds empruntés, soutient‑elle, suffit en droit pour qu'elle puisse déduire les intérêts. En bref, on demande à la Cour de qualifier l'opération en fonction d'une prétendue utilisation indirecte des emprunts pour en tirer un revenu, plutôt qu'en fonction d'une utilisation directe qui nuisait à la capacité de la fiducie de gagner des revenus.

 

28        À mon avis, ni la Loi de l'impôt sur le revenu ni la jurisprudence n'autorisent les tribunaux à ne pas tenir compte de l'usage direct qu'un contribuable fait d'argent emprunté. Il suffit d'envisager les conséquences de l'interprétation préconisée par la fiducie pour qu'on arrive à la conclusion que cette interprétation ne peut pas être celle qu'a voulue le législateur. La fiducie ne peut obtenir gain de cause que si le sous‑al. 20(1)c)(i) s'interprète de manière à permettre une déduction à l'égard des emprunts contractés par un contribuable qui possède des biens productifs de revenu. Suivant cette thèse, ce contribuable pourrait se servir du produit de l'emprunt pour acheter une police d'assurance‑vie, pour s'offrir des vacances, pour se porter acquéreur de biens spéculatifs ou pour se livrer à n'importe quelle autre activité non productive de revenu ou inadmissible. L'intérêt serait néanmoins déductible. Un contribuable moins nanti, par contre, qui ne possède pas de biens productifs de revenu, ne pourrait pas déduire les intérêts payés sur des emprunts utilisés d'une manière identique. Une telle interprétation serait injuste envers certains contribuables et, en même temps, constituerait une entorse criante à l'exigence légale selon laquelle la déductibilité des intérêts est conditionnelle à l'utilisation de l'argent emprunté à des fins bien précises productives de revenu.

 

[49]         Dans un arrêt subséquent de la Cour suprême du Canada, Singleton c. Canada, [2001] 2 R.C.S. 1046, [2002] 1 C.T.C. 121, 2001 D.T.C. 5533 (qui a suivi l'arrêt Shell Canada ltée c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622), le juge Major, s'exprimant au nom de la majorité, a écrit ce qui suit :

 

29        Il est maintenant manifeste, à la lumière du raisonnement suivi dans l'arrêt Shell, que la question à trancher est celle de l'utilisation directe de l'argent emprunté. « La raison pour laquelle l'opération d'emprunt est structurée comme elle l'est n'a pas d'importance, pas plus d'ailleurs que la raison pour laquelle l'argent est emprunté » (Shell, précité, par. 47).

 

[50]         Il semble que l'utilisation directe des fonds empruntés consistait à financer des dépenses personnelles, et il n'est pas pertinent que l'appelante ait eu à emprunter ces fonds parce qu'elle avait fait des dépenses pour préparer la résidence et pour s'installer ailleurs avec sa fille de manière à ce que la résidence puisse être utilisée par les Services communautaires.

 

[51]         Il s'ensuit que les intérêts payés relativement à des découverts bancaires et à des cartes de crédit ne sont pas déductibles.

 

[52]         L'appelante a également dit qu'elle payait des intérêts sur un prêt à l'habitation de 24 600 $ (outre le prêt hypothécaire). Ce prêt à l'habitation avait servi à rembourser partiellement le prêt hypothécaire. Les intérêts payés pour cette dette du 1er mai 2001 au 30 avril 2002[4] sont déductibles. Par conséquent, l'appelante est en droit de se prévaloir d'une déduction de 638,62 $ dans le calcul de son revenu pour 2001 et d'une déduction de 305,97 $ dans le calcul de son revenu pour 2002.

 

[53]         Le bien‑fonds sis au 141, chemin Conrad, était également grevé d'une hypothèque. L'appelante en avait hérité de sa mère, avec son frère et sa soeur. Elle a acheté les parts de son frère et de sa soeur dans le bien‑fonds. Tel qu'il a été mentionné précédemment, l'appelante avait habité la résidence pendant les premiers mois de 2001 et, bien que la date exacte ne soit pas connue, il semble qu'elle ait cessé de l'occuper au début de mai 2001. Les intérêts payés sur le prêt hypothécaire, qu'elle a vraisemblablement contracté pour acheter les parts de son frère et de sa soeur, seraient déductibles dans le calcul de son revenu pour la période allant du 1er mai 2001 au 30 avril 2002.

 

[54]         Les relevés de prêt hypothécaire présentés en preuve indiquent seulement le montant total payé en intérêts en 2001 et 2002 (montant qui diminue chaque mois durant l'année à mesure que le capital diminue). Le montant total payé en intérêts se chiffrait à 4 597,15 $ pour 2001 et à 4 136,58 $ pour 2002. Elle a remboursé un montant non négligeable de 24 600 $ sur le capital en 2001 (avec le prêt à l'habitation), ce qui permettait de réduire les intérêts pour la période qui suivait. Il semble que le prêt à l'habitation ait été contracté (et que le versement de capital ait été fait) avant le 1er mai 2001 (avant que l'appelante ne cesse d'occuper la résidence). Puisque la date d'échéance du prêt hypothécaire était fixée au 1er avril 2006, le taux d'intérêt applicable était le même en 2001 et en 2002. Le montant total des intérêts payés en 2002 (qui reflétait les intérêts payés après la réduction du capital de 24 600 $) sera utilisé pour estimer les intérêts annuels payés (après avoir tenu compte du montant de capital remboursé de 24 600 $). Ainsi, le montant des intérêts qui serait déductible pour 2001 correspondrait à 66,7 % de 4 137 $, soit 2 758 $, et, pour 2002, il correspondrait à 33,3 % de 4 137 $, soit 1 379 $.

 

[55]         Par conséquent, le montant total d'intérêts qui sera déductible dans le calcul du revenu de l'appelante pour 2001 et 2002 s'établit comme suit :

 

 

2001

2002

 

Intérêts sur le prêt à l'habitation

639 $

306 $

Intérêts sur le prêt hypothécaire

2 758 $

1 379 $

Total

3 397 $

1 685 $

 

Le Caine Enterprises — Entretien et réparations

 

[56]         La rubrique « Entretien et réparations » intègre les éléments suivants :

 

 

2001

2002

 

Mobile Wash (lavage du revêtement extérieur)

161,00 $

 

Service de nettoyage de tapis et de rembourrage Sears

376,05 $

 

Service de lutte contre les insectes et les animaux nuisibles

258,75 $

 

Cole Harbour Glass

25,87 $

 

Essence pour le tracteur de pelouse, la tondeuse et le taille‑bordures

180,00 $

 

Installation d'un contour de douche dans la salle de bain — remplacement des robinets

535,00 $

 

Travaux effectués par Terrell Clyke — tondre le gazon, pelleter la neige dans l'entrée

1 250,00 $

600,00 $

Articles divers — courroie d'aspirateur, sacs, coupe‑froid

65,74 $

 

Articles achetés chez Canadian Tire et Wal‑Mart

 

663,79 $

 

2 852,41 $

1 263,79 $

 

[57]         J'accepte le témoignage de l'appelante selon lequel elle a versé tous les montants énumérés ci‑dessus en 2001 ainsi que le montant pour les travaux effectués par Terrell Clyke en 2002. L'entreprise consistait à mettre le bien‑fonds sis au 141, chemin Conrad, à la disposition des Services communautaires, qui s'en servaient pour héberger temporairement de jeunes adultes. Les frais relatifs aux services de nettoyage (lavage du revêtement et service de nettoyage Sears) et de lutte contre les insectes et les animaux nuisibles ont été payés en vue de gagner un revenu, puisque la maison devait être propre et exempte d'insectes ou d'animaux nuisibles. Le terrain devait également être entretenu pour rendre le bien‑fonds présentable ou accessible (tonte de la pelouse au printemps, en été et en automne et déneigement de l'entrée en hiver). Le montant versé pour le contour de douche était un montant payé pour préparer la résidence en vue de son utilisation par les Services communautaires.

 

[58]         Le montant payé à Terrell Clyke pour des travaux incluait un montant payé pour la participation de son frère à un camp de basketball. L'appelante a dit que les travaux (tondre la pelouse et pelleter la neige) étaient effectués par Terrell Clyke et son frère. Le paiement pour le camp de basketball était donc un paiement pour des travaux effectués par Terrell Clyke ou son frère et faisait partie de leur rémunération. Le montant payé à Terrell Clyke (et vraisemblablement à son frère) en 2002 se chiffrait à un peu moins de la moitié du montant payé en 2001. Compte tenu du fait que le bien‑fonds est réputé avoir été utilisé pour les activités de l'entreprise pendant une période deux fois plus longue en 2001 qu'il ne l'a été en 2002, le plein montant de 600 $ sera accepté pour 2002, puisque la somme des paiements correspond à la période de temps durant laquelle le bien‑fonds est réputé avoir été utilisé pour gagner un revenu au cours de ces années.

 

[59]         Les hypothèses de fait exposées dans la réponse ne font pas état du caractère déraisonnable des montants ou du fait que le montant payé pour le contour de douche était une dépense en capital. Il n'a pas été avancé non plus que les montants devraient être refusés au motif qu'ils n'étaient pas raisonnables ou qu'ils étaient imputables au capital. Les seuls arguments avancés (et donc les motifs de la nouvelle cotisation) étaient que les montants n'avaient pas été réellement payés ou que, s'ils l'avaient été, les dépenses n'avaient pas été faites en vue de gagner un revenu. Puisque j'estime que ces montants ont été payés en vue de gagner un revenu, la question du caractère raisonnable de ces montants et la question de savoir s'ils étaient imputables au capital ne sont pas des questions qui peuvent être examinées, car le ministre n'a pas établi la nouvelle cotisation en se fondant sur la conclusion ou l'argument voulant que les montants ne soient pas raisonnables ou qu'ils soient imputables au capital. L'intimée n'a pas soulevé ces questions non plus.

 

[60]         Par ailleurs, il est difficile de savoir quels sont les articles qui ont été achetés chez Canadian Tire et chez Wal‑Mart en 2002. Comme les produits de nettoyage constituent une déduction distincte, il faut croire que ces articles ne sont pas des produits de nettoyage ou qu'ils ont été déduits deux fois. L'appelante n'a pas établi qu'elle a payé ces frais en plus des montants déclarés pour les produits de nettoyage. Il s'ensuit que les montants déclarés pour les articles achetés chez Canadian Tire et Wal‑Mart en 2002 ne peuvent être déduits comme des dépenses dans le calcul du revenu de l'appelante pour 2002.

 

[61]         Par conséquent, les montants suivants sont admis comme des dépenses d'entretien et de réparations dans le calcul du revenu de l'appelante pour 2001 et 2002 :

 

 

2001

2002

 

Entretien et réparations

2 852 $

600 $

 

Le Caine Enterprises — Frais de bureau

 

[62]         Les montants déduits pour les frais de bureau en 2001 et 2002 étaient peu élevés. Il semble raisonnable que certains frais de bureau aient été payés. Ainsi, les montants de 37 $ pour 2001 et de 68 $ pour 2002 seront admis comme une déduction dans le calcul du revenu de l'appelante pour ces années d'imposition.

 

Le Caine Enterprises — Fournitures

 

[63]         Le montant inscrit au titre des fournitures pour 2001 comprend deux montants liés à Bureau en gros s'élevant à 160,10 $ et à 126,52 $. J'ajoute foi au témoignage de l'appelante suivant lequel elle a effectivement payé ces montants. Puisqu'il est normal qu'une entreprise ait besoin de certaines fournitures, ces montants seront admis en déduction.

 

[64]         Le reste du montant inscrit au titre des fournitures pour 2001 (546,05 $) a été désigné comme un montant payé pour divers produits de nettoyage. Comme différentes personnes ont occupé la résidence en 2001, il apparaît évident qu'il fallait la garder propre et acheter des produits de nettoyage. Par conséquent, le montant de 546,05 $ sera admis en entier à titre de dépense dans le calcul du revenu de l'appelante pour 2001.

 

[65]         Le montant total de 632,85 $ déduit pour 2002 a été décrit comme correspondant à des produits de nettoyage. Il est difficile de comprendre pourquoi le coût des produits de nettoyage était plus élevé en 2002, au moment où personne n'occupait la maison, qu'en 2001, au moment où les Services communautaires l'utilisaient. Puisqu'il doit être considéré que la résidence a été utilisée pour les activités de l'entreprise pendant le premier tiers de 2002, environ un tiers de ce montant, soit 210 $, sera admis pour les produits de nettoyage achetés en 2002.

 

Le Caine Enterprises — Impôts fonciers

 

[66]         Dans les hypothèses exposées dans la réponse, il est fait état que l'appelante était propriétaire de la résidence sise au 141, chemin Conrad, qu'elle l'a utilisée pour gagner un revenu en fournissant de l'hébergement d'urgence aux Services communautaires et que l'entreprise n'a pas cessé ses activités avant 2002. La seule hypothèse faisant état d'une raison justifiant le refus des dépenses (ce qui inclut les impôts fonciers) voulait que les dépenses n'aient pas été faites. Il n'est pas logique de penser qu'une personne qui est propriétaire d'une résidence en Nouvelle‑Écosse n'aurait pas à payer des impôts fonciers. Il me semble évident que des impôts fonciers étaient payables. Le montant payé pour la période allant du 1er mai 2001 au 30 avril 2002 sera admis à titre de déduction. Par conséquent, un montant de 796 $, correspondant à 66,7 % de 1 193,69 $, sera admis comme une dépense pour 2001, et un montant de 392 $, correspondant à 33,3 % de 1 177,05 $, sera admis comme une dépense pour 2002.

 

Le Caine Enterprises — Frais de voyage

 

[67]         Le montant déduit au titre des frais de voyage représentait le coût estimatif des déplacements de l'appelante pour aller au bien‑fonds de Lawrencetown et en revenir. Toutefois, pour ces déplacements, l'appelante partait de chez elle, ou peut‑être parfois de son travail, pour se rendre au 141, chemin Conrad, et revenait ensuite chez elle. Quoi qu'il en soit, il semble que ces déplacements correspondent en fait au trajet qu'elle empruntait pour se rendre à ce lieu de travail à partir de chez elle et pour retourner chez elle à partir de ce lieu de travail. Dans Mott c. La Reine, no T‑813‑84, 22 juin 1988, [1988] 2 C.T.C. 127, 88 D.T.C. 6359, un contribuable avait déduit les dépenses relatives à l'avion qu'il utilisait pour faire la navette entre sa résidence et son entreprise agricole. Le juge Denault de la Cour fédérale, division de première instance, a déclaré ce qui suit :

 

La Cour se penche maintenant sur la déductibilité des dépenses relatives à l'avion pour les années 1980 et 1981. Le demandeur a déduit de son revenu 75 % des dépenses d'exploitation de l'avion. Le ministre a annulé une déduction de 9 820,67 $ pour l'année 1980 et de 5 317,36 $ pour l'année 1981. Le demandeur a acheté l'avion à l'automne 1979, dans le but précis de se rendre plus rapidement et efficacement à son verger. Il l'a utilisé jusqu'en 1983 pour faire la navette entre sa résidence (Summerland) ou son bureau (Penticton) et son verger (Keremeos). Les années 1982 et 1983 ne sont pas en litige, étant donné que, sur l'avis de son comptable, il n'a pas déduit ces dépenses, même s'il a gardé l'avion et a continué à l'utiliser. Durant les années pertinentes, en particulier 1981, le demandeur a ajouté 5 317,36 $ aux frais d'exploitation du verger, mais le ministre a rejeté cette dépense en totalité.

 

Selon le paragraphe 18(1) de la Loi, une dépense n'est pas déductible sauf dans la mesure où elle a été faite en vue de tirer un revenu de l'entreprise ou de faire produire un revenu à celle‑ci. Il est maintenant bien établi que des dépenses engagées pour les déplacements du contribuable entre sa résidence et sa place d'affaires ne sont pas déductibles (Henry c. M.R.N., 72 D.T.C. 6005 (C.S.C.)). Par conséquent, dans la mesure où les dépenses d'avion ont été engagées à des fins de transport entre la résidence du demandeur à Summerland (C.‑B.) et son verger, elles tombent clairement dans la catégorie des dépenses de transport à la place d'affaires et, par conséquent, ne sont pas déductibles.

 

En outre, les dépenses de voyage entre la résidence et la place d'affaires d'un contribuable en route vers une autre entreprise ne sont pas déductibles non plus (Sargent c. Barnes, [1978] 1 W.L.R. 823). Par conséquent, les dépenses relatives à l'avion engagées aux fins de voyager entre la place d'affaires du demandeur, soit son cabinet d'avocats à Penticton, et son autre place d'affaires, soit son entreprise agricole, ne sont pas déductibles parce qu'il s'agit de transport entre deux places d'affaires différentes et la résidence.

 

[68]         Dans la présente affaire, il semble que les frais de voyage déduits correspondent aux déplacements habituels de l'appelante pour aller au lieu de travail et revenir à la maison. Par conséquent, aucun montant ne sera accepté comme frais de voyage.

 

Le Caine Enterprises — Téléphone et services publics

 

[69]         L'appelante payait des factures afférentes à l'utilisation d'un certain nombre de téléphones portables, de lignes terrestres et d'un téléavertisseur. Elle n'était pas en mesure de dire à quel téléphone portable se rapportait chacun des relevés de compte produits. Si l'on se fie aux copies des factures qui ont été présentées, les éléments figurant dans le tableau suivant semblent être associés aux téléphones pour lesquels des montants ont été déduits.

 

Fournisseur

Type

Période

Observations

 

MTT — 464‑1884

ligne terrestre

du 24 juillet 2001 au 15 juillet 2002

Ligne de l'appartement à Horizon Court

 

MTT — 434‑3847

ligne terrestre

du 3 janvier 2001 au 6 septembre 2002

L'adresse mentionnée est celle du 135, chemin Conrad, mais il semble que ce soit la ligne du 141, chemin Conrad

 

MTT Mobility

portable

du 10 janvier 2001 jusqu'à juin/juillet 2002

 

 

Rogers AT&T

téléavertisseur

du 4 avril 2001 au 4 octobre 2002

 

 

Rogers AT&T

portable

du 15 août 2001 au 15 septembre 2002

Le tarif de base semble être de 22,68 $ par mois

 

Rogers AT&T

portable

du 22 avril 2001 au 22 septembre 2002

Les frais mensuels varient de 45,10 $ à 118,28 $

 

[70]         Deux des téléphones portables ont été remis à Terrell Clyke et à son frère, qui étaient chargés de tondre la pelouse le printemps, l'été et l'automne et de pelleter la neige l'hiver. Rien n'indique qu'ils avaient un lien de parenté avec l'appelante. L'appelante a affirmé qu'elle n'avait déduit que les frais mensuels de base pour ces téléphones et qu'elle avait informé Terrell et son frère qu'ils pouvaient s'en servir pour leur propre usage seulement lorsque les appels étaient gratuits (le soir et la fin de semaine). L'appelante pouvait ainsi les joindre lorsqu'elle voulait faire tondre le gazon ou faire pelleter la neige accumulée dans l'entrée.

 

[71]         Il me semble que les téléphones portables fournis à Terrell et à son frère faisaient simplement partie de leur rémunération pour tondre le gazon et pelleter la neige accumulée dans l'entrée. La difficulté en l'espèce consiste à déterminer le montant qui devrait être admis, puisque l'appelante n'était pas en mesure de dire quels comptes étaient associés aux téléphones portables fournis à Terrell et à son frère. Puisqu'il semble logique que ces deux téléphones aient été achetés en même temps, puisque les frais du dernier élément énuméré dans la liste précédente semblent indiquer que la facture se rapportait à deux téléphones (seule la première page de chaque facture a été présentée en preuve) et puisque la date d'acquisition de ces téléphones coïncide à peu près avec la date à laquelle l'appelante a cessé d'occuper la résidence sise au 141, chemin Conrad, je considère que le dernier élément énuméré précédemment représente le compte correspondant aux deux téléphones qui étaient ceux de Terrell et de son frère.

 

[72]         Les frais mensuels pour ces téléphones variaient beaucoup, soit de 45,10 $ à 118,28 $ (sans TVH). Aucune explication n'a été fournie pour justifier la variation observée dans les frais ni pour éclaircir la question de savoir si l'appelante déduisait les frais supplémentaires des montants qui étaient par ailleurs payés à Terrell et à son frère. Comme ils pouvaient se servir des téléphones pour leur usage personnel seulement durant les périodes où les appels étaient gratuits, on peut supposer que l'appelante a pu récupérer les frais supplémentaires en les déduisant des montants qui leur étaient par ailleurs payés. Par conséquent, le montant admis sera de 51,87 $ par mois, à savoir 45,10 $ plus la TVH de 6,77 $, pour la période allant du 1er mai 2001 au 30 avril 2002, soit 415 $ en 2001 et 207 $ en 2002.

 

[73]         L'appelante a présenté divers relevés de compte pour le service téléphonique terrestre du 141, chemin Conrad. Le tableau ci‑dessous énumère les montants inscrits sur les relevés produits et les montants autorisés comme déduction dans le calcul du revenu de l'appelante pour 2001 et 2002.

 

Date de facturation

Montant inscrit sur le relevé

Montant admis pour 2001

Montant admis pour 2002

 

6 mai 2001

51,12 $

10,22 $

 

6 juin 2001

48,34 $

48,34 $

 

6 juillet 2001

49,22 $

49,22 $

 

6 août 2001

39,48 $

39,48 $

 

6 septembre 2001

41,18 $

41,18 $

 

6 octobre 2001

51,14 $

51,14 $

 

6 novembre 2001

46,08 $

46,08 $

 

6 décembre 2001

36,46 $

36,46 $

 

6 janvier 2002

39,36 $

31,74 $

7,62 $

6 février 2002

36,51 $

 

36,51 $

6 mars 2002

44,37 $

 

44,37 $

6 avril 2002

 

 

36,51 $

6 mai 2002

 

 

29,21 $

Total

 

353,86 $

154,22 $

 

[74]         Les factures du 6 avril et du 6 mai 2002 ne faisaient pas partie des relevés produits, mais il y avait une facture datée du 6 août 2002, ce qui indique que le service téléphonique était encore offert. Les montants des mois d'avril et de mai 2002 ont été estimés en tenant compte du montant mensuel le moins élevé, soit 36,51 $. Puisque les frais mensuels de base (TVH incluse) s'élevaient à 35,21 $ sur la facture du 6 février 2002 et que ce même montant figurait sur la facture du 6 mars 2002, le montant ne variait pas selon le nombre de jours compris dans le mois. Les factures datées du 6 mai 2001, du 6 janvier 2002 et du 6 mai 2002 ont été ventilées au prorata du nombre de jours compris dans la période pertinente. Comme les Services communautaires avaient exigé qu'une ligne téléphonique terrestre soit accessible à la résidence (ce qui semble être une condition logique et raisonnable compte tenu de la nature de l'utilisation que l'équipe d'intervention d'urgence faisait de la résidence et du fait que des jeunes y étaient hébergés de manière urgente), les frais relatifs à la ligne téléphonique terrestre du 141, chemin Conrad, seront admis à titre de dépense d'entreprise.

 

[75]         L'appelante utilisait le téléavertisseur pour les activités de l'entreprise. Elle a dit que le téléavertisseur était nécessaire pour faire en sorte que les Services communautaires puissent la joindre en tout temps s'ils avaient besoin d'utiliser la résidence. Le cas échéant, ils devaient pouvoir occuper la maison dans un court délai. Les frais payés pour le téléavertisseur du 1er mai 2001 au 30 avril 2002 seront autorisés. Ils s'établissaient à 13,74 $ par mois (TVH incluse). Ainsi, le montant qui sera admis sera de 109,92 $, soit 8 mois à 13,74 $ par mois, pour 2001, et de 54,96 $, soit 4 mois à 13,74 $ par mois, pour 2002.

 

[76]         L'un des autres téléphones portables (soit celui de MTT Mobility ou celui de Rogers AT&T) était utilisé par le fils de l'appelante. Il est difficile de comprendre quel rôle le fils a joué dans l'entreprise. L'appelante a dit lui avoir fourni un téléphone afin qu'elle puisse le joindre au cas où elle aurait besoin de lui pour aller vérifier des choses à la résidence. Par contre, rien n'indique combien de fois cela s'était produit. De plus, l'appelante a signalé que le bien‑fonds sis au 135, chemin Conrad (qui était voisin au bien‑fonds au 141, chemin Conrad), était loué à son fils et à sa petite amie, mais que son fils ne s'y trouvait pas très souvent. Il me semble qu'elle a fourni un téléphone portable à son fils parce qu'il était son fils et afin qu'elle puisse le joindre où qu'il soit, et non en vue de gagner un revenu. Par conséquent, aucun montant ne sera admis pour ce téléphone portable.

 

[77]         Les frais relatifs au service téléphonique terrestre de l'appartement ont été inscrits dans les dépenses déclarées relativement à Data Entry Select et aucun montant ne sera admis pour ce service dans le calcul du revenu tiré des activités de Le Caine Enterprises.

 

[78]         Il reste un téléphone portable (de MTT Mobility ou de Rogers AT&T) dont les frais n'ont pas été justifiés. Comme l'appelante n'était pas en mesure d'expliquer de quelle façon cet autre téléphone portable était utilisé pour gagner un revenu et qu'on a tenu compte de tous les téléphones et du téléavertisseur dont l'utilisation était liée aux activités de l'entreprise, aucun montant ne sera admis pour ce téléphone.

 

[79]         L'annexe préparée par le vérificateur de l'ARC comportait certains montants afférents à des achats de propane ou de mazout pour le bien‑fonds sis au 141, chemin Conrad. Le tableau qui suit présente les montants qui figuraient dans l'annexe préparée par le vérificateur de l'ARC et les montants qui seront admis comme déduction pour la période du 1er mai 2001 au 30 avril 2002.

 

Date

Article

Montant inscrit à l'annexe de l'ARC

 

Montant admis pour 2001

Montant admis pour 2002

21 juin 2001

Propane

136,09 $

136,09 $

 

13 septembre 2001

Propane

200,96 $

200,96 $

 

6 décembre 2001

Propane

175,82 $

175,82 $

 

9 mai 2002

Propane

273,11 $

 

273,11 $

9 mai 2001

Mazout

198,49 $

85,07 $[5]

 

11 juin 2001

Mazout

176,63 $

176,63 $

 

27 juillet 2001

Frais d'administration

3,48 $

3,48 $

 

18 août 2001

Mazout

52,04 $

52,04 $

 

27 octobre 2001

Mazout

146,45 $

146,45 $

 

20 novembre 2001

Mazout

220,40 $

220,40 $

 

31 décembre 2001

Mazout

201,25 $

201,25 $

 

2 janvier 2002

Mazout

234,90 $

 

234,90 $

17 janvier 2002

Mazout

202,71 $

 

202,71 $

28 janvier 2002

Frais d'administration

3,97 $

 

3,97 $

31 janvier 2002

Mazout

186,92 $

 

186,92 $

14 février 2002

Mazout

251,33 $

 

251,33 $

27 février 2002

Frais d'administration

12,68 $

 

12,68 $

15 février 2002 au 30 avril 2002

 

 

 

700,00 $

Total

 

 

1 398,19 $

1 865,62 $

 

[80]         Compte tenu du fait que, tel qu'il a été souligné précédemment, les hypothèses exposées dans la réponse font état du fait que le bien‑fonds était utilisé pour gagner un revenu et du fait que le vérificateur de l'ARC a reconnu que les montants inscrits dans la troisième colonne du tableau ci‑dessus avaient effectivement été payés, les raisons pour lesquelles ces dépenses ont été refusées ne sont pas claires du tout. Ces montants seront admis tels quels. De plus, il semble logique que le mazout ait servi à chauffer la maison du 15 février au 20 avril 2002. En 2001, le montant payé pour le mazout aux mois de mars et d'avril dépassait 1 000 $. Comme la résidence n'était pas occupée en mars et en avril 2002, le montant devrait être moins élevé. Le montant qui sera admis pour le mazout pour la période allant du 15 février au 30 avril 2002 sera de 700 $.

 

[81]         L'appelante a également produit des copies de factures de Nova Scotia Power pour le bien‑fonds sis au 141, chemin Conrad. Les frais d'électricité présentés dans le tableau qui suit figuraient sur les factures.

 

Période du service

Montant facturé

Montant admis pour 2001

Montant admis pour 2002

Du 9 avril au 8 juin 2001

99,62 $

65 $[6]

 

Du 8 juin au 10 août 2001

124,17 $

124 $

 

Du 11 décembre 2001 au 11 février 2002

69,67 $

24 $

46 $

 

[82]         Les factures d'électricité présentées ne couvrent pas toutes les périodes. Toutefois, il n'est pas logique de supposer qu'il n'y avait pas d'électricité à la résidence pendant qu'elle était utilisée. La facture établie pour la période allant du 8 juin au 10 août 2001 comprend des frais de raccordement de 18 $ (soit 20,70 $ une fois la TVH incluse). Si l'on retranche ce montant du montant de la facture, il reste un montant de 103,47 $ en frais d'électricité. Par conséquent, il semble que, lorsque la maison était occupée, les frais mensuels moyens étaient d'environ 50 $ (TVH incluse). Par conséquent, un montant de 135 $ sera admis pour la période du 10 août au 1er novembre 2001. La facture établie pour la période du 11 décembre 2001 au 11 février 2002 indique que les frais mensuels moyens pour la période durant laquelle la maison était inoccupée étaient d'environ 35 $. Par conséquent, un montant de 46 $ sera admis pour la période du 1er novembre au 10 décembre 2001 et un montant de 90 $ sera admis pour la période du 11 février au 30 avril 2002.

 

[83]         L'accès Internet était le seul autre élément inclus dans la rubrique « Téléphone et services publics ». Je suis d'avis que l'appelante utilisait l'Internet pour exploiter son entreprise parce qu'elle payait les factures y afférentes par Internet. Mais, comme sa fille adolescente vivait avec elle durant ces années, je ne crois pas que celle‑ci n'utilisait pas aussi l'Internet. Dans l'annexe qu'elle a préparée, l'appelante a précisé que les frais mensuels d'accès Internet avaient été de 26 $ jusqu'en novembre 2001 et avaient ensuite été réduits à 17 $. Il semble plus probable qu'improbable que l'Internet ait été utilisé principalement à des fins personnelles par l'appelante elle‑même ou par sa fille. Dans ces conditions, je suis d'avis d'admettre 25 % des frais d'accès Internet comme dépense d'entreprise.

 

[84]         L'appelante a affirmé qu'elle a habité avec des amis, après avoir quitté la résidence sise au 141, chemin Conrad, en 2001, jusqu'à ce qu'elle emménage dans l'appartement situé à Horizon Court. Elle y a emménagé à la fin de juillet 2001. Il apparaît, selon toute vraisemblance, que, pendant qu'elle a habité avec ses amis, l'appelante n'a pas engagé de frais d'accès Internet. Par conséquent, aucun montant ne sera admis à ce titre pour la période allant du mois de mai au mois de juillet 2001.

 

[85]         Par conséquent, en ce qui a trait aux frais d'accès à l'Internet, un montant de 20 $ (25 % x 26 $ x 3 mois) sera admis pour les mois d'août à octobre 2001, un montant de 8 $ (25 % x 17 $ x 2 mois) sera admis pour les mois de novembre et de décembre 2001 (déduction totale de 28 $ pour 2001) et un montant de 17 $ (25 % x 17 $ x 4 mois) sera admis comme déduction pour 2002.

 

[86]         Le tableau qui suit présente les montants qui seront donc admis à titre de déduction à la rubrique « Téléphone et services publics » dans le calcul du revenu de l'appelante pour 2001 et 2002.

 

Élément

Montant admis pour 2001

Montant admis pour 2002

Téléphones portables — Terrell Clyke et son frère

415 $

207 $

Service téléphonique terrestre du 141, chemin Conrad

354 $

154 $

Téléavertisseur

110 $

55 $

Propane et mazout

1 398 $

1 866 $

Électricité — du 1er mai au 8 juin 2001

65 $

 

Électricité — du 8 juin au 10 août 2001

124 $

 

Électricité — du 10 août au 1er novembre 2001

135 $

 

Électricité — du 1er novembre au 10 décembre 2001

46 $

 

Électricité — du 11 décembre au 31 décembre 2001

24 $

 

Électricité — du 1er janvier au 11 février 2002

 

46 $

Électricité — du 11 février au 30 avril 2002

 

90 $

Internet

28 $

17 $

Total — Téléphone et services publics

2 699 $

2 435 $

 

Le Caine Enterprises — Déduction pour amortissement

 

[87]         Compte tenu des hypothèses formulées dans la réponse, il n'y a pas lieu, logiquement, de refuser la déduction pour amortissement (« DPA ») demandée par l'appelante pour 2001. Puisqu'il a été admis que l'appelante était propriétaire de l'immeuble, que l'immeuble était utilisé pour gagner un revenu et que l'entreprise n'avait pas cessé ses activités avant 2002, on peut se demander pour quels motifs la DPA a été refusée à l'égard de l'année d'imposition 2001. Il m'apparaît évident qu'une fois les hypothèses établies, la DPA aurait dû être admise. Il n'a pas été avancé dans les hypothèses formulées que le coût en capital de l'immeuble aurait dû être un montant différent de celui déclaré par l'appelante. Le simple fait d'avancer l'hypothèse voulant que le montant n'ait pas été payé ne signifie pas que la juste valeur marchande du bien‑fonds (à la date d'application des règles relatives au changement d'usage prévues au paragraphe 13(7) de la Loi) n'était pas égale au coût en capital de l'immeuble, comme l'a affirmé l'appelante. Il n'a pas été question du paragraphe 13(7) de la Loi dans la réponse, ni des règles applicables au changement d'usage, et rien n'indique que la nouvelle cotisation ait été établie au motif que la juste valeur marchande du bien‑fonds (à la date d'application des règles relatives au changement d'usage prévues au paragraphe 13(7) de la Loi) n'était pas égale au coût en capital de l'immeuble que l'appelante avait indiqué. Par conséquent, ce motif ne peut servir de fondement à la nouvelle cotisation établie à l'endroit de l'appelante.

 

[88]         Il n'a pas été question non plus dans la réponse du paragraphe 1100(2) du Règlement de l'impôt sur le revenu. Il ressort clairement de la preuve présentée à l'audience que l'appelante habitait le bien‑fonds sis au 141, chemin Conrad, au début de 2001 et qu'elle a changé l'usage de ce bien‑fonds en vue d'une utilisation commerciale. Tel qu'il a été mentionné précédemment, bien que la date exacte à laquelle l'appelante a quitté les lieux ne soit pas connue, le déménagement a manifestement eu lieu avant le 13 mai 2001. Le changement d'usage d'une résidence personnelle pour un usage d'entreprise (en vue d'en tirer un revenu) aurait donné lieu à une disposition réputée du bien‑fonds, en vertu du paragraphe 13(7) de la Loi. Comme le bien‑fonds serait alors réputé avoir été acquis durant l'année d'imposition 2001, les règles prévues au paragraphe 1100(2) du Règlement seraient applicables et le montant qui serait admis comme DPA correspondrait à la moitié du montant qui serait par ailleurs applicable[7].

 

[89]         À mon avis, le défaut de l'intimée d'invoquer un tant soit peu le paragraphe 1100(2) du Règlement de l'impôt sur le revenu empêche l'application de cette disposition dans le calcul de la DPA que l'appelante peut demander. Si la réduction de la DPA résultait de l'application d'une disposition du Règlement qui n'a par ailleurs pas été prise en compte par le ministre, il y aurait un nouveau fondement à l'établissement d'une nouvelle cotisation. Puisque le ministre n'a pas soulevé ce motif, il m'est impossible de le faire[8]. La réponse ne révèle aucun motif logique justifiant le refus de la DPA et les hypothèses formulées mènent à la conclusion que la DPA devrait être accordée. Appliquer la règle de la demi-année pour refuser la moitié de la DPA demandée pour 2001 reviendrait à appliquer un motif subsidiaire qui n'a pas été avancé par le ministre.

 

[90]         En conséquence, les dispositions du paragraphe 1100(2) du Règlement de l'impôt sur le revenu ne seront pas appliquées et le montant de la DPA qui sera admis pour 2001 se chiffrera à 3 254 $.

 

[91]         Le paragraphe 1100(3) du Règlement de l'impôt sur le revenu limite le montant de la DPA pouvant être demandée si l'année d'imposition compte moins de 12 mois. Puisque l'appelante est un particulier, si l'exercice de Le Caine Enterprises ne correspond pas à l'année civile, en vertu du paragraphe 1104(1) du Règlement, la mention de l'année d'imposition au paragraphe 1100(3) du Règlement s'entend de l'exercice de l'entreprise. Ainsi, si l'exercice de Le Caine Enterprises compte moins de 12 mois en 2001, la DPA sera fondée sur le nombre de jours de l'exercice. Cependant, encore une fois, cette disposition du Règlement n'a pas été soulevée par le ministre comme un motif justifiant l'établissement de la nouvelle cotisation et, par voie de conséquence, elle ne peut être appliquée pour démontrer le bien‑fondé de la nouvelle cotisation ou de toute partie de celle‑ci.

 

[92]         Quoi qu'il en soit, dans la présente affaire, il semblerait que, même si cette disposition avait été invoquée, cela n'aurait pas changé l'issue. Dans l'arrêt Hudon c. La Reine, Harquail c. La Reine, 2001 CAF 320, 2001 D.T.C. 5630, [2002] 1 C.T.C. 25, le juge Desjardins, s'exprimant au nom de la Cour d'appel fédérale, a formulé les observations suivantes :

 

62        Il n'est pas facile de circonscrire la teneur du concept d'exploitation d'une entreprise. On peut dégager deux paramètres extrinsèques qui permettent de conclure qu'il n'y a pas d'exploitation : d'une part, lorsqu'une société dûment constituée n'a pas réellement commencé son exploitation et, d'autre part, lorsqu'une société a été mise en veilleuse et se limite à tenir des assemblées annuelles et à produire des déclarations de revenus pour éviter sa dissolution. Il y a cependant, entre ces deux extrêmes, certaines activités qui sont les signes d'une société en exploitation et qui devraient être placées dans le spectre du concept de l'exploitation d'une entreprise même si, par exemple, ces activités ont pour but de conclure un accord qui au bout du compte ne l'est pas, ou même si elles n'entraînent pas la production d'un revenu.

 

63        Dans la poursuite de ce raisonnement, je trouve utile [sic] les commentaires faits par le juge Jackett dans l'arrêt Canada Starch Company Limited c. Le Ministre du Revenu national (68 D.T.C. 5320, aux pages 5324 et 5325). Bien que cette affaire ait porté sur la notion de dépenses commerciales ou de mise de fonds déductibles, les observations suivantes apportent un peu de lumière sur la question de l'exploitation d'une entreprise :

 

[TRADUCTION]

 

[...] De même, à mon avis, les dépenses ou d'autres mesures prises par un homme d'affaire [sic] en vue de mettre certains produits sur le marché — par exemple des études de marché et des études de dessins industriels — sont également des dépenses courantes. Elles sont de plus des dépenses engagées dans le cours de l'exploitation de l'entreprise afin d'inciter le public à acheter les biens qui sont vendus.

 

[Souligné par le juge Desjardins]

 

64        De même, dans l'arrêt Bowater Power Company Limited c. Le Ministre du Revenu national (71 D.T.C. 5469, à la page 5481), une affaire traitant également des dépenses commerciales et des mises de fonds déductibles, le juge en chef adjoint Noël a déclaré ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

 

[...] Bien que la mise en valeur des ressources hydro‑électriques, une fois qu'elle devient une entreprise ou une réalité commerciale, soit une immobilisation de l'entreprise à laquelle elle se rattache, les moyens raisonnables qui ont été mis en oeuvre pour déterminer si l'entreprise devrait être créée ou non peuvent quand même résulter de l'exploitation courante de l'entreprise et faire partie des activités quotidiennes des cadres qui dirigent les opérations d'une façon commerciale. Je ne peux cependant voir aucune différence de principe entre toutes ces affaires.

 

[Souligné par le juge Desjardins]

 

65        À mon avis, la société Rivière Hall a exploité son entreprise sans interruption depuis 1978. Elle était constamment à la recherche d'un marché pour mettre en valeur son potentiel hydro‑électrique. Par conséquent, la société Rivière Hall respecte la condition du paragraphe 110.6(1) de la Loi, tant du point de vue de « l'entreprise exploitée activement » que du point de vue de la période pertinente, c'est‑à‑dire « tout au long de la partie de la période de vingt‑quatre mois qui précède le moment donné, où l'action est la propriété du particulier ».

 

[93]         En l'espèce, il semble que l'appelante aurait peut-être commencé à exploiter l'entreprise à l'automne 2000, au moment où elle a eu des discussions avec des représentants des Services communautaires au sujet de l'utilisation de son bien‑fonds. Par conséquent, il semble que la restriction imposée au paragraphe 1100(3) du Règlement de l'impôt sur le revenu ne s'appliquerait pas, même si le ministre avait soulevé cet argument.

 

[94]         Le paragraphe 1100(11) du Règlement limite également le montant de la DPA pouvant être demandé dans le cas d'un bien locatif. Le paragraphe 1100(14) du Règlement prévoit ce qui suit :

 

(14) Dans le présent article et l'article 1101, « bien locatif » d'un contribuable ou d'une société de personnes désigne

 

a) soit un bâtiment dont le contribuable ou la société de personnes est propriétaire, conjointement avec une autre personne ou autrement,

 

[...]

 

si, au cours de l'année d'imposition à l'égard de laquelle l'expression s'applique, le bien a été utilisé par le contribuable [...] principalement pour gagner ou produire un revenu brut qui constitue un loyer [...].

 

(14.1) Pour l'application du paragraphe (14), est considéré comme un loyer dérivé d'un bien au cours d'une année d'imposition le revenu brut dérivé, au cours de cette année,

 

a) du droit d'une personne ou société de personnes (à l'exclusion du propriétaire du bien) d'utiliser ou d'occuper le bien ou une partie de ce bien;

 

b) de services offerts à une personne ou société de personnes qui sont accessoires à l'utilisation ou à l'occupation du bien ou d'une partie de ce bien par la personne ou société de personnes.

 

(14.2) Le paragraphe (14.1) ne s'applique pas, au cours d'une année d'imposition donnée, à un bien qui appartient

 

[...]

 

b) à un particulier, dans le cas où le bien est utilisé dans une entreprise que le particulier exploite dans l'année et dont il s'occupe personnellement de façon continue, tout au long de la partie de l'année où l'entreprise est habituellement exploitée;

 

[...]

 

[95]         Dans la présente affaire, même si l'avocat de l'intimée a décrit le bien‑fonds comme un bien locatif dans son mémoire préparatoire à l'audience, il n'a pas fait mention de ces dispositions du Règlement de l'impôt sur le revenu et il n'a pas non plus présenté d'argumentation s'y rapportant. Par conséquent, ces dispositions ne peuvent être invoquées pour justifier le bien‑fondé de la nouvelle cotisation établie à l'endroit de l'appelante.

 

[96]         Quoi qu'il en soit, il semble que l'appelante se soit occupée personnellement de l'entreprise de façon continue. Dans ces conditions, les dispositions du paragraphe 1100(14.1) du Règlement ne s'appliqueraient pas et, étant donné que l'appelante était payée pour l'utilisation de son bien et pour des services accessoires (le nettoyage, par exemple), les restrictions prévues au paragraphe 1100(11) du Règlement ne seraient pas applicables.

 

[97]         En ce qui a trait à l'année d'imposition 2002, tel qu'il a été noté précédemment, il semble que l'appelante ait cessé d'exploiter son entreprise à la fin d'avril 2002. Il est difficile de comprendre pourquoi la DPA a été refusée pour 2002.

 

[98]         Le paragraphe 1100(1) du Règlement de l'impôt sur le revenu est rédigé en partie comme suit :

 

1100(1) Pour l'application des alinéas 8(1)j) et p) et de l'alinéa 20(1)a) de la Loi, un contribuable peut déduire dans le calcul de son revenu pour chaque année d'imposition des montants correspondant :

 

a) sous réserve du paragraphe (2), au montant qu'il peut réclamer à l'égard de biens de chacune des catégories suivantes de l'annexe II, sans dépasser, à l'égard des biens

 

(i) de la catégorie 1, 4 pour cent,

 

[...]

 

de la fraction non amortie du coût en capital, pour lui, des biens de la catégorie, à la fin de l'année d'imposition (avant toute déduction en vertu du présent paragraphe pour l'année d'imposition);

 

[99]         Le paragraphe 20(1.1) de la Loi fait en sorte que les définitions figurant au paragraphe 13(21) de la Loi s'appliquent à ces dispositions réglementaires. Le terme « fraction non amortie du coût en capital » est défini au paragraphe 13(21) de la Loi. Sans disposition réelle ou réputée en 2002, le bien ferait toujours partie de la fraction non amortie du coût en capital des biens de la catégorie 1 de l'annexe II à la fin de l'année d'imposition 2002 et, par conséquent, l'appelante pourrait se prévaloir de la DPA à l'égard de ce bien[9]. De plus, les dispositions du paragraphe 1102(1) du Règlement de l'impôt sur le revenu n'ont pas pour effet que ce bien ne soit pas inclus dans la catégorie 1 à la fin de 2002 puisqu'il a été acquis (en raison des dispositions de l'alinéa 13(7)b) de la Loi) en 2001 en vue d'en tirer un revenu.

 

[100]     Toutefois, la nouvelle cotisation a été établie au motif que les montants n'avaient pas été payés. Il n'a été nulle part fait état des règles relatives à la disposition réputée qui sont prévues au paragraphe 13(7) de la Loi. Dans ces conditions, l'applicabilité des règles relatives à la disposition réputée ne peut servir de fondement à la nouvelle cotisation. Puisqu'il n'y a pas eu de disposition réelle du bien‑fonds en 2002, sans disposition réputée, le bien‑fonds continuerait d'appartenir à la catégorie 1 de l'annexe II.

 

[101]     Quoi qu'il en soit, les règles relatives à la disposition réputée qui sont prévues au paragraphe 13(7) de la Loi exigent que le contribuable utilise le bien à une autre fin. L'alinéa 13(7)a) de la Loi est rédigé comme suit :

 

(7) Sous réserve du paragraphe 70(13), les règles suivantes s'appliquent dans le cadre des alinéas 8(1)j) et p), du présent article, de l'article 20 et des dispositions réglementaires prises pour l'application de l'alinéa 20(1)a) :

 

a) le contribuable ayant acquis un bien en vue d'en tirer un revenu et qui commence, à un moment postérieur, à l'utiliser à une autre fin est réputé en avoir disposé à ce moment postérieur pour un produit de disposition égal à sa juste valeur marchande à ce même moment et l'avoir acquis de nouveau immédiatement après à un coût égal à cette juste valeur marchande;

 

[102]     Dans la présente affaire, il semble que l'appelante n'ait pas utilisé le bien à une autre fin en 2002 et qu'elle ait continué de l'avoir dans la perspective de lui trouver une autre utilisation commerciale, puisqu'elle envisageait d'autres usages commerciaux pour ce bien en 2002.

 

[103]     Dans l'arrêt de la Cour d'appel fédérale Hewlett Packard (Canada) ltée c. La Reine, 2004 CAF 240, 2004 D.T.C. 6498, le juge Noël a affirmé ce qui suit :

 

28        Je souscris au raisonnement du juge de la Cour de l'impôt. Il semble clair qu'un changement d'utilisation aux termes de l'alinéa 13(7)a) exige que le bien en question soit utilisé à « une autre fin », et en l'espèce, il n'y a pas de preuve de cette autre fin.

 

[104]     Puisque le bien n'a pas été utilisé à une autre fin en 2002, il semble que les règles relatives au changement d'usage prévues à l'alinéa 13(7)a) de la Loi ne s'appliqueraient pas de toute manière, même si le ministre avait soulevé cet argument comme fondement à la nouvelle cotisation.

 

[105]     Il s'ensuit que l'appelante pourra se prévaloir pour 2002 d'une DPA dont le montant est établi à 3 123 $.

 

Le Caine Enterprises — Résumé

 

[106]     Par conséquent, les montants figurant dans le tableau qui suit seront admis en déduction comme des dépenses dans le calcul du revenu de l'appelante relativement à Le Caine Enterprises pour les années 2001 et 2002.

 

 

2001

2002

 

Assurances

356 $

178 $

Intérêts

3 397 $

1 685 $

Entretien et réparations

2 852 $

600 $

Frais de bureau

37 $

68 $

Fournitures

833 $

210 $

Impôts fonciers

796 $

392 $

Téléphone et services publics

2 699 $

2 435 $

Déduction pour amortissement

3 254 $

3 123 $

Total des dépenses admises

14 224 $

8 691 $

 

Data Entry Select

 

[107]     Le tableau ci‑dessous présente le revenu déclaré, les dépenses déduites, les dépenses refusées par l'ARC et le résultat de la nouvelle cotisation relativement à Data Entry Select.

 

 

2001

2002

 

Revenu

1 848 $

0 $

Dépenses déduites par l'appelante

(3 429 $)

(42 $)

Revenu déclaré (perte déclarée) par l'appelante

(1 581 $)

(42 $)

Dépenses refusées par l'ARC

1 849 $

42 $

Revenu (perte) après nouvelle cotisation

268 $

0 $

 

[108]     Dans la réponse, la seule hypothèse de fait relativement à Data Entry Select qui expose les faits présumés à l'origine du refus des dépenses voulait que l'appelante n'ait eu aucune dépense d'entreprise, mis à part le montant admis versé en salaires. Dans la section où elle expose les moyens sur lesquels elle entend se fonder, l'intimée mentionne que l'appelante n'était [TRADUCTION] « pas en droit de déduire des dépenses d'entreprise supplémentaires en 2001 et 2002 à l'égard de Data Entry Select parce qu'elle n'avait pas fait de dépenses en vue de tirer un revenu de l'entreprise ou du bien, comme l'exige l'alinéa 18(1)a) de la Loi ».

 

[109]     Data Entry Select était une entreprise individuelle par l'intermédiaire de laquelle l'appelante formait des opérateurs de saisie de données et offrait des opérateurs de saisie de données à Loomis. L'appelante travaillait à plein temps à une banque et à temps partiel à Loomis. Elle a constaté que Loomis avait besoin d'opérateurs de saisie de données. Elle a donc fourni des opérateurs de saisie de données à Loomis jusqu'à ce que cette société décide que ce service serait exécuté en Ontario. Le contrat de prestation de services qui la liait à Loomis a pris fin en août 2001. Data Entry Select n'avait alors plus de clients et la seule activité relativement à cette entreprise était que l'appelante discutait avec des clients éventuels, si l'occasion se présentait, de la possibilité d'offrir des services de saisie de données. L'appelante n'était pas en mesure de préciser combien de fois cela s'était produit, mais elle a bien signalé qu'étant donné qu'elle travaillait à plein temps à la banque et qu'elle avait un autre emploi (en plus de Le Caine Enterprises), elle n'avait pas le temps de faire quoi que ce soit relativement à Data Entry Select.

 

[110]     Il est difficile de dire à quel moment Data Entry Select a commencé ses activités. Le montant le plus élevé en litige se chiffre à 1 248,52 $ pour des dépenses de téléphone et de services publics. L'appelante les a déclarées relativement à l'appartement situé à Horizon Court. Elle a dit que le bureau de cette entreprise y était situé. Elle a inclus des frais d'électricité relativement à cet appartement pour la période allant d'avril à juin 2001. Toutefois, si l'on se fie à son témoignage et au fait que le service téléphonique n'a été activé à l'appartement que le 24 juillet 2001, elle n'y a emménagé qu'à la fin de juillet 2001.

 

[111]     Le certificat d'inscription délivré en vertu de la loi intitulée Partnerships and Business Names Registration Act (Loi sur l'enregistrement des sociétés de personnes et des noms commerciaux) de la Nouvelle‑Écosse indique que le nom commercial a été inscrit au registre le 4 juin 2001. L'appelante a déclaré un montant de 96 $, incluant les frais de recherche dans le système NUANS (pour savoir si elle pouvait utiliser ce nom) et les frais d'enregistrement, comme dépenses déductibles. Étant donné que ces montants ne sont manifestement pas des frais personnels, il n'y a pas lieu de refuser leur déduction. Comme le ministre n'a pas prétendu que ces montants étaient imputables au capital, cet argument ne peut servir de fondement à la nouvelle cotisation et ces frais (totalisant 96 $) seront admis à titre de dépense dans le calcul du revenu de l'appelante pour 2001.

 

[112]     L'appelante avait ouvert un compte bancaire pour Data Entry Select le 5 juillet 2001. Elle a payé des frais d'administration de 38,40 $ relativement à ce compte pour la période du 5 juillet au 31 décembre 2001 et de 50,90 $ en 2002. Comme ce compte a été ouvert pour Data Entry Select, ces montants seront admis à titre de dépense dans le calcul du revenu de l'appelante pour 2001.

 

[113]     L'appelante a déduit un montant correspondant à 50 % de certains frais de repas. Il y avait trois montants distincts de 15,12 $, de 24,82 $ et de 38,41 $, pour un total de 78,35 $, dont la moitié, soit 39,17 $, a été déduite par l'appelante. J'ajoute foi au témoignage de l'appelante selon lequel ces montants étaient liés aux activités de Data Entry Select parce qu'elle avait rencontré des représentants de Loomis pour discuter de la possibilité de fournir des services de saisie de données à cette société. Par conséquent, le montant déduit sera admis comme dépense dans le calcul du revenu de l'appelante pour 2001.

 

[114]     L'appelante a inscrit le coût d'un logiciel de calcul d'impôt (32,84 $) à titre de dépense déductible. Elle n'avait pas de reçu pour cet achat. La déclaration de revenus pour l'année d'imposition 2001 a été produite en preuve et il semble évident qu'elle avait été préparée à l'aide d'un logiciel de calcul d'impôt. Ainsi, je suis d'avis que l'appelante a effectivement payé ce montant. Puisque le logiciel a été utilisé pour produire l'état des résultats de cette entreprise (ainsi que l'état des résultats de Le Caine Enterprises), il me semble qu'il ne s'agissait pas d'une dépense personnelle. Étant donné que le seul motif invoqué pour justifier la nouvelle cotisation était que l'appelante n'avait pas de dépenses d'entreprise, mis à part le montant admis versé en salaires, et que l'intimée a invoqué seulement l'alinéa 18(1)a) de la Loi, ce montant sera admis comme une dépense.

 

[115]     L'appelante a affirmé avoir payé 133,31 $ pour des fournitures telles que des chemises de classement, des enveloppes de feuillet T4, des formulaires comptables, du papier, etc. J'ajoute foi à son témoignage et j'admets le montant de 133,31 $ à titre de dépense pour des fournitures de bureau.

 

[116]     L'appelante a déduit comme une dépense d'entreprise un montant correspondant à 75 % des frais de voyage payés pour aller assister à des funérailles à Sydney (Nouvelle‑Écosse). Un employé de Loomis âgé de 27 ans seulement avait succombé à une crise cardiaque foudroyante. Il me semble que la décision d'assister à des funérailles est une décision personnelle et la raison pour laquelle une personne assiste à des funérailles dépend de la relation ou du lien que cette personne entretenait avec la personne décédée. Ceux qui ont un lien direct avec la personne décédée assistent vraisemblablement aux funérailles pour pleurer cette personne et faire leur deuil. Ceux qui ont un lien indirect assistent vraisemblablement aux funérailles pour exprimer leurs condoléances et apporter du soutien à la famille et aux amis de la personne décédée. D'autres peuvent aussi y assister par respect. Il ne me semble pas qu'une personne assisterait (ou devrait assister) à des funérailles pour recruter de nouveaux clients. La famille du défunt ne serait guère réconfortée en apprenant qu'une personne assistait aux funérailles dans la perspective de gagner un revenu. L'appelante ne peut donc pas déduire ces frais de voyage dans le calcul de son revenu.

 

[117]     Le montant inscrit à la rubrique « Téléphone et services publics » inclut des frais d'électricité pour l'appartement (y compris le coût estimatif pour la période avant qu'elle y emménage), des frais administratifs pour le service téléphonique, des frais d'accès Internet et le loyer de 9 mois. Étant donné que l'appelante n'y a pas emménagé avant la fin de juillet 2001, aucun des montants déclarés relativement à une période antérieure n'est déductible parce qu'ils n'ont pas été engagés.

 

[118]     Le ministre n'a pas fait valoir que le principal établissement de l'appelante n'était pas le bureau situé dans l'appartement et l'intimée n'a pas invoqué le paragraphe 18(12) de la Loi dans sa réponse ou à un autre moment. Par conséquent, les restrictions au paragraphe 18(12) de la Loi ne peuvent servir de fondement à la nouvelle cotisation. J'ajoute foi au témoignage de l'appelante selon lequel elle tenait un bureau dans l'appartement et qu'il était utilisé pour exploiter cette entreprise. Je retiens également l'argument de l'appelante selon lequel le bureau occupait 10 % de l'espace. Toutefois, puisque le contrat avec Loomis a pris fin en août 2001 et que la seule activité liée à cette entreprise était que l'appelante discutait avec des clients éventuels de la possibilité de fournir des services de saisie de données, dans la mesure où l'occasion se présentait, je ne suis pas d'avis que le bureau situé dans l'appartement ait été utilisé en vue de gagner un revenu après août 2001 et, en conséquence, les frais y afférents payés après août 2001 ne sont pas déductibles.

 

[119]     Par conséquent, seuls les frais payés à l'égard d'un mois seront admis. Les frais d'électricité payés pour le mois d'août semblent se chiffrer à 26,26 $ et le loyer du même mois était de 855 $. Ainsi, 10 % de ces montants seront admis, soit 88 $.

 

[120]     En ce qui a trait aux frais administratifs pour le service téléphonique et aux frais d'accès Internet, il me semble que le téléphone servait tant aux appels personnels qu'aux appels d'affaires. Puisque, après l'expiration du contrat avec Loomis en août 2001, l'appelante n'a fait que discuter d'affaires avec des clients éventuels qu'elle rencontrait, si l'occasion se présentait, le téléphone n'a pas été utilisé du tout dans les activités de l'entreprise après août 2001. Dans ces conditions, je suis d'avis d'admettre un montant égal à 50 % de la facture mensuelle, soit 21 $ (50 % x 41,95 $), comme dépense pour le téléphone. Il semble que les frais d'accès Internet ont été pris en compte dans les dépenses de Le Caine Enterprises et aucun montant supplémentaire ne sera donc admis pour Data Entry Select.

 

Data Entry Select — Résumé

 

[121]     Par conséquent, les montants figurant dans le tableau ci‑dessous pourront être déduits à titre de dépenses dans le calcul du revenu de l'appelante relativement à Data Entry Select pour les années 2001 et 2002.

 

 

2001

2002

 

Salaires (admis par l'ARC)

1 580 $

 

Frais payés au Companies Office (Bureau des sociétés) de la N.‑É.

96 $

 

Frais bancaires

38 $

51 $

Repas et frais de représentation

39 $

 

Frais de bureau — logiciel de calcul de l'impôt

33 $

 

Fournitures

133 $

 

Bureau à domicile

88 $

 

Téléphone

21 $

 

Total des dépenses admises

2 028 $

51 $

 

Bien locatif

 

[122]     Le tableau qui suit présente le revenu déclaré, les dépenses déduites, les dépenses refusées par l'ARC et le résultat de la nouvelle cotisation relativement au bien‑fonds sis au 135, chemin Conrad.

 

 

2001

2002

 

Revenu

1 100 $

4 600 $

Dépenses déduites par l'appelante

(8 001 $)

(8 143 $)

Revenu déclaré (perte déclarée) par l'appelante

(6 901 $)

(3 543 $)

Dépenses refusées par l'ARC

8 001 $

8 143 $

Revenu (perte) après nouvelle cotisation

1 100 $

4 600 $

 

[123]     Le bien locatif était voisin du bien‑fonds de l'appelante qui était utilisé pour les activités de Le Caine Enterprises, à Lawrencetown. Il était loué au fils de l'appelante et à sa petite amie. Il semblerait que le fils de l'appelante n'y ait pas résidé tout le temps. Le bien‑fonds lui‑même posait certains problèmes, en particulier en ce qui a trait au puits. L'eau n'était pas potable. De plus, les tapis devaient être remplacés et la marche à l'arrière s'était détachée de la maison. L'appelante a affirmé que le bien‑fonds ne pouvait être loué à quelqu'un d'autre.

 

[124]     L'appelante a dit que son fils payait certaines dépenses afférentes au bien‑fonds au lieu de payer le loyer. Toutefois, rien n'indique que l'appelante ait considéré les montants déboursés par son fils ou par la petite amie de celui‑ci comme une partie intégrante du loyer. Si le locataire paie une dépense se rapportant au bien‑fonds au lieu de payer le loyer au propriétaire, il me semble que cela revient à payer le loyer et que le propriétaire devrait comptabiliser le montant correspondant de la même manière que si le chèque du loyer lui avait été remis directement. Le loyer était de 800 $ par mois. Toutefois, le revenu total de location déclaré par l'appelante pour 2001 était de 1 100 $. Le fils de l'appelante et sa petite amie ont emménagé dans cette maison en janvier 2001 et, par conséquent, le revenu de location pour l'année aurait dû être d'environ 9 600 $ (selon la date à laquelle ils ont emménagé en janvier). Le montant déclaré pour 2001 était inférieur au loyer de deux mois. Pour 2002, le revenu de location déclaré était de 4 600 $ seulement, un montant inférieur au loyer de six mois.

 

[125]     En ce qui a trait au bien locatif, l'intimée a fait valoir dans un argument additionnel que, puisque le bien‑fonds était loué à des membres de la famille, il s'agissait d'un arrangement de partage des coûts ou d'un arrangement personnel et que les dépenses n'avaient pas été payées en vue de gagner un revenu. Cependant, si l'intimée est d'avis que l'appelante avait une source de revenu provenant du bien locatif, j'estime que les dépenses versées en vue de tirer un revenu de cette source doivent être admises. Si l'intimée allègue qu'il n'y a aucune source de revenu tiré d'un bien pour déterminer si les dépenses sont déductibles, les montants perçus n'auraient alors pas dû être inclus dans le revenu. Si la location du bien n'est pas une source de revenu, le contribuable ne saurait en déclarer ni les revenus, ni les dépenses. Si la location du bien est une source de revenu, le contribuable devrait alors déclarer le revenu et les dépenses s'y rapportant.

 

[126]     Dans Stewart c. Canada, [2002] 2 R.C.S. 645, la Cour suprême du Canada a fait observer ce qui suit :

 

5          Il est incontesté que la notion de « source de revenu » est un élément fondamental du régime fiscal canadien. Cependant, tout critère d'appréciation de l'existence d'une source doit reposer fermement sur le texte et l'économie de la Loi. En conséquence, pour déterminer si une activité particulière constitue une source de revenu, le contribuable doit démontrer qu'il a l'intention d'exercer cette activité en vue de réaliser un profit, et présenter des éléments de preuve étayant cette intention. Ce critère a pour objet de distinguer les activités commerciales des activités personnelles. Lorsqu'une activité exercée dans le but de réaliser un profit ne comporte aucun aspect personnel ou récréatif, cette activité est commerciale et la recherche d'un profit par le contribuable est établie. Cependant, lorsqu'on soupçonne que l'activité du contribuable est un passe-temps ou une démarche personnelle plutôt qu'une entreprise commerciale, la prétendue expectative raisonnable de profit est un facteur parmi d'autres qui peut être pris en considération pour déterminer si le contribuable a l'intention d'exploiter une entreprise commerciale.

 

[...]

 

21        Il est bien accepté que le régime fiscal canadien a emprunté la notion de « source » aux lois fiscales anglaises, et que la Loi a toujours fait état de revenus tirés de diverses « sources » [...]

 

[...]

 

48        À notre avis, pour déterminer si un contribuable a une source de revenu, il faut se fonder sur le texte et l'économie de la Loi.

 

49        La Loi fait état de diverses sources de revenu du contribuable. Au chapitre des règles fondamentales de calcul du revenu à l'art. 3, la Loi prévoit :

 

3. Le revenu d'un contribuable pour une année d'imposition, aux fins de la présente Partie, est son revenu pour l'année, déterminé selon les règles suivantes :

 

a) en calculant le total des sommes qui constituent chacune le revenu du contribuable pour l'année [...], dont la source se situe à l'intérieur ou à l'extérieur du Canada, y compris, sans restreindre la portée générale de ce qui précède, le revenu tiré de chaque charge, emploi, entreprise et bien; [Nous soulignons.]

 

En ce qui a trait aux sources de revenu constituées d'une entreprise ou d'un bien, la règle fondamentale de calcul se trouve à l'art. 9 :

 

9(1) Sous réserve des dispositions de la présente Partie, le revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien pour une année d'imposition est le bénéfice qu'il en tire pour cette année.

 

(2) Sous réserve des dispositions de l'article 31, la perte subie par un contribuable dans une année d'imposition relativement à une entreprise ou à un bien est le montant de sa perte, si perte il y a, subie dans cette année d'imposition relativement à cette entreprise ou à ce bien, calculée en appliquant mutatis mutandis les dispositions de la présente loi afférentes au calcul du revenu tiré de cette entreprise ou de ce bien.

 

50        Il est manifeste que, pour que l'art. 9 s'applique, le contribuable doit d'abord déterminer s'il a une source de revenu constituée soit d'une entreprise, soit d'un bien. Comme nous l'avons vu, une activité commerciale qui ne constitue pas véritablement une entreprise peut néanmoins être une source de revenu constituée d'un bien. De même, il est clair que certaines démarches de contribuables ne sont ni des entreprises, ni des sources de revenu constituées d'un bien, mais sont uniquement des activités personnelles. On peut recourir à la méthode à deux volets suivante pour trancher la question de l'existence d'une source :

 

(i)         L'activité du contribuable est-elle exercée en vue de réaliser un profit, ou s'agit-il d'une démarche personnelle?

 

(ii)        S'il ne s'agit pas d'une démarche personnelle, la source du revenu est-elle une entreprise ou un bien?

 

Le premier volet du critère vise la question générale de savoir s'il y a ou non une source de revenu; dans le deuxième volet, on qualifie la source d'entreprise ou de bien.

 

[...]

 

52        Ce premier volet du critère vise simplement à établir une distinction entre les activités commerciales et les activités personnelles et, comme nous l'avons vu, il se peut fort bien que telle ait été à l'origine l'intention du juge Dickson lorsqu'il a mentionné l'« expectative raisonnable de profit » dans l'arrêt Moldowan. Vus sous cet angle, les critères énoncés par le juge Dickson représentent une tentative de dresser une liste objective de facteurs permettant de déterminer si l'activité en cause est de nature commerciale ou personnelle. Ces facteurs sont ce que le juge Bowman a qualifié d'« indices de commercialité » ou de « caractéristiques commerciales » : Nichol, précité, par. 13. Ainsi, lorsque la nature de l'entreprise du contribuable comporte des aspects indiquant qu'elle pourrait être considérée comme un passe‑temps ou une autre activité personnelle, mais que l'entreprise est exploitée d'une manière suffisamment commerciale, cette entreprise sera considérée comme une source de revenu aux fins d'application de la Loi.

 

53        Nous soulignons que ce critère de l'existence d'une source « en vue de réaliser un profit » ne doit faire l'objet d'une analyse que dans les situations où l'activité en cause comporte un aspect personnel ou récréatif. En toute déférence, nous estimons que les tribunaux ont commis une erreur, dans le passé, en appliquant le critère de l'ERP à des activités comme l'exercice du droit et la restauration qui ne comportent aucun aspect personnel de cette nature : voir, par exemple, Landry, précité; Sirois, précité; Engler c. Canada, [1994] A.C.F. no 483 (QL) (1re inst.). Lorsqu'une activité est clairement de nature commerciale, il n'est pas nécessaire d'analyser les décisions commerciales du contribuable. De telles démarches comportent nécessairement la recherche d'un profit. Il existe donc par définition une source de revenu et il n'est pas nécessaire de pousser l'examen plus loin.

 

54        Il y a également lieu de souligner que la détermination de l'existence d'une source de revenu n'est pas un processus purement subjectif. Outre le fait que, pour qu'une activité soit qualifiée de commerciale par nature, le contribuable doit avoir l'intention subjective de réaliser un profit, il faut aussi, tel que mentionné dans l'arrêt Moldowan, que cette détermination se fasse en fonction de divers facteurs objectifs. Ainsi, sous une forme plus élaborée, le premier volet du critère susmentionné peut être reformulé ainsi : « Le contribuable a-t-il l'intention d'exercer une activité en vue de réaliser un profit et existe‑t‑il des éléments de preuve étayant cette intention? » Cela oblige le contribuable à établir que son intention prédominante était de tirer profit de l'activité et que cette activité a été exercée conformément à des normes objectives de comportement d'homme d'affaires sérieux.

 

55        Les facteurs objectifs énumérés par le juge Dickson dans Moldowan, précité, p. 486, étaient (1) l'état des profits et pertes pour les années antérieures, (2) la formation du contribuable, (3) la voie sur laquelle il entend s'engager, et (4) la capacité de l'entreprise de réaliser un profit. Comme nous le concluons plus loin, il n'est pas nécessaire pour les besoins du présent pourvoi d'ajouter d'autres facteurs à cette liste; nous nous abstenons donc de le faire. Nous tenons cependant à réitérer la mise en garde du juge Dickson selon laquelle cette liste ne se veut pas exhaustive et les facteurs diffèrent selon la nature et l'importance de l'entreprise. Nous tenons également à souligner que, même si l'expectative raisonnable de profit constitue un facteur à prendre en considération à ce stade, elle n'est ni le seul facteur, ni un facteur déterminant. Il faut déterminer globalement si le contribuable exerce l'activité d'une manière commerciale. Cette détermination ne devrait toutefois pas servir à évaluer après coup le sens des affaires du contribuable. C'est la nature commerciale de son activité qui doit être évaluée, et non son sens des affaires.

 

[...]

 

60        En résumé, la question de savoir si le contribuable a ou non une source de revenu doit être tranchée en fonction de la commercialité de l'activité en cause. Lorsque l'activité ne comporte aucun aspect personnel et qu'elle est manifestement commerciale, il n'est pas nécessaire de pousser l'examen plus loin. Lorsque l'activité peut être qualifiée de personnelle, il faut alors déterminer si cette activité est ou non exercée d'une manière suffisamment commerciale pour constituer une source de revenu. [...]

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[127]     En l'espèce, puisque le bien‑fonds en question n'était pas en état d'être loué à une personne sans lien de dépendance, qu'il a été loué au fils de l'appelante et à sa petite amie et que le revenu de location déclaré représentait moins de 30 % de ce qui aurait dû être perçu pour les mois durant lesquels la maison était censée être louée, il m'apparaît que cette façon de faire constituait une activité personnelle. Il s'ensuit qu'il ne s'agit pas d'une source de revenu. Par conséquent, les montants perçus n'auraient pas dû être inclus dans le revenu de l'appelante et les montants versés relativement à ce bien‑fonds ne sont pas déductibles. Par voie de conséquence, le revenu net provenant du bien locatif devrait être nul.

 

Conclusion

 

[128]     L'appel est accueilli, sans frais, et l'affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant compte du fait que le revenu net de l'appelante tiré de Le Caine Enterprises, de Data Entry Select et du bien‑fonds sis au 135, chemin Conrad, pour 2001 et 2002, s'établit tel qu'il est indiqué ci-dessous :

 

Le Caine Enterprises

 

 

2001

2002

 

Revenu

6 450 $

0 $

Moins les dépenses

(14 224 $)

(8 691 $)

Revenu net (perte nette)

(7 774 $)

(8 691 $)

 

Data Entry Select

 

 

2001

2002

 

Revenu

1 848 $

0 $

Moins les dépenses

(2 028 $)

(51 $)

Revenu net (perte nette)

(180 $)

(51 $)

 

Bien‑fonds sis au 135, chemin Conrad — « bien‑fonds locatif »

 

 

2001

2002

 

Revenu

0 $

0 $

Moins les dépenses

0 $

0 $

Revenu net

0 $

0 $

 

Signé à Halifax (Nouvelle-Écosse), ce 4e jour d'août 2009.

 

 

« Wyman W. Webb »

Le juge Webb

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de novembre 2009.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


RÉFÉRENCE :                                  2009 CCI 382

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2006-3850(IT)G

 

INTITULÉ :                                       DEBORAH LECAINE ET SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Halifax (Nouvelle‑Écosse)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                  Le 25 mai 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L'honorable juge Wyman W. Webb

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 4 août 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelante :

L'appelante elle‑même

Avocats de l'intimée :

Me Stan W. McDonald

Me Melanie Petrunia

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

          Pour l'appelante :

 

                   Nom :

 

                   Cabinet :

 

          Pour l'intimée :       John H. Sims, c.r.

                                       Sous-procureur général du Canada

                                       Ottawa, Canada

 



[1] En l'espèce, puisque l'appelante n'était pas inscrite aux fins de la TVH, la TVH payée serait ajoutée au coût de la voiture, sans tenir compte du fait que l'appelante exerçait une activité commerciale.

 

[2] Harris v. Minister of National Revenue, [1964] C.T.C 562 (C. de l'É.), conf. pour d'autres motifs, [1966] C.T.C 226 (C.S.C.).

 

[3] Cross c. La Reine, 2007 CCI 532, 2007 D.T.C. 1635, [2007] G.S.T.C. 137.

 

[4] Il s'agit de la période qui a été définie précédemment et qui est considérée comme étant la période durant laquelle la résidence sise au 141, chemin Conrad, était utilisée pour mener à bien les activités de l'entreprise.

 

[5] La facture de mazout précédente était datée du 18 avril 2001. En supposant un usage uniforme, on peut dire que les 9/21 du montant portaient sur la période du 1er au 9 mai 2001.

 

[6] En supposant un usage uniforme du service d'électricité pendant la période de 60 jours couverte par la facture, le montant pour la période du 1er mai au 8 juin 2001 s'établirait à 64,75 $ (39 / 60 x 99,62 $).

 

[7] Le bien‑fonds n'était pas un bien amortissable lorsque l'appelante l'occupait comme sa résidence et, par conséquent, l'exception à la règle de la demi-année prévue au paragraphe 1100(2.2) du Règlement de l'impôt sur le revenu ne serait pas applicable.

 

[8] Pedwell, précité.

 

[9] Le bien‑fonds était le seul bien inclus dans la catégorie 1 de l'annexe II.

 

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