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Dossier : 2008-1865(IT)I

ENTRE :

SCOTT OKE,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 9 juillet 2009, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Campbell J. Miller

 

Comparutions :

 

Avocate de l’appelant :

Me Susan Tataryn

Avocat de l’intimée :

Me Ricky Tang

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

Les appels interjetés à l’encontre des cotisations établies à l’égard de l’appelant en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2003, 2004 et 2005 sont rejetés.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour d’août 2009.

 

 

« Campbell Miller »

Juge Miller

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de septembre 2009.

 

Alya Kaddour‑Lord, traductrice


 

 

 

 

Référence : 2009 CCI 386

Date : 20090804

Dossier : 2008-1865(IT)I

 

ENTRE :

SCOTT OKE,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Miller

 

[1]              Les appels interjetés par Scott Oke à l’encontre des cotisations établies à son égard par le ministre du Revenu national (le « ministre ») pour les années d’imposition 2003, 2004 et 2005 ont été entendus sous le régime de la procédure informelle. Le ministre s’est appuyé sur les paragraphes 1100(15), (17), (17.2) et (17.3) du Règlement de l’impôt sur le revenu (le « Règlement ») pour limiter les déductions pour amortissement (DPA) que M. Oke a demandées à l’égard de son véhicule récréatif. La question à trancher est de savoir si M. Oke donnait son véhicule récréatif en location à bail, activité à laquelle s’applique la restriction sur la DPA, ou si ce véhicule était, au sens du paragraphe 1100(17.3) du Règlement, un « bien […] utilisé dans une entreprise que le particulier exploite et dont il s’occupe personnellement de façon continue […] ».

 

Les faits

 

[2]              De 2003 à 2005, M. Oke était, selon ses propres termes, le joueur vedette d’Abbott Pharmaceutical, faisant la promotion de la vente de médicaments en Ontario. Il occupait un poste à temps plein. Il se produisait aussi en spectacle avec un groupe de musique dont il assurait la gestion, ce qui le tenait occupé deux ou trois week-ends chaque mois, sauf en hiver. Dans le cadre de ces deux activités, M. Oke faisait appel à ses solides connaissances des affaires pour gérer les contrats et les questions de nature commerciale.

 

[3]              Par l’entremise d’un ami, qui savait qu’il était amateur de véhicules récréatifs, M. Oke a appris qu’il pouvait acheter et donner en location de tels véhicules. M. Oke a déclaré qu’il avait vu là une option envisageable dans l’optique de la planification de sa retraite, ce qui lui permettrait de sortir de l’industrie de la vente de médicaments tout en comptant sur le revenu qu’il tirerait de la location de quelques véhicules récréatifs.

 

[4]              M. Oke a appris de M. Clements, propriétaire de Coast-to-Coast RV Inc. (« Coast-to-Coast »), société disposant d’une flotte de 30 à 40 véhicules récréatifs (appartenant à plusieurs propriétaires distincts), que la meilleure solution consistait à limiter les locations aux studios de cinéma, dans la mesure où il était possible d’obtenir des contrats de location de plus longue durée (12, 14 ou 16 semaines). M. Clements ne donnait ses véhicules en location qu’aux producteurs de films. M. Oke a trouvé cela intéressant, considérant qu’il avait un emploi à temps plein et que cette nouvelle activité n’exigerait pas qu’il accomplisse de nombreuses fonctions au quotidien.

 

[5]              Au début, M. Clements ne souhaitait pas qu’un autre propriétaire de véhicule récréatif se joigne à son équipe, mais M. Oke l’a convaincu qu’il s’occuperait personnellement de son véhicule. M. Oke s’intéressait clairement à l’entreprise. Il envisageait l’achat d’un véhicule récréatif en même temps que sa location à long terme, contrat que M. Clements avait obtenu auprès d’un producteur de films.

 

[6]              M. Oke a tenu parole. Il participait sérieusement aux activités de location de son véhicule. En fait, il s’est beaucoup intéressé à la société de M. Clements. Les deux hommes sont devenus amis. M. Clements n’avait pas le sens aigu des affaires de M. Oke et demandait à celui‑ci de réviser les contrats que Coast-to-Coast passait avec les studios de cinéma. Toutefois, c’était M. Clements qui obtenait les contrats avec l’industrie du cinéma et qui négociait la location d’une partie de sa flotte (y compris du véhicule de M. Oke) avec les studios de cinéma.

 

[7]              Le véhicule de M. Oke était laissé au dépôt de Coast-to-Coast avec le reste de la flotte. On pouvait parler d’une année faste quand on parvenait à le donner en location à l’industrie du cinéma pendant 16 à 18 semaines dans l’année. M. Clements obtenait un contrat de location de plusieurs véhicules récréatifs auprès d’un producteur de films. Il concluait alors une entente d’une page avec M. Oke ou les autres propriétaires, entente relative à leur véhicule et fixant le tarif, généralement 100 $ par jour, ainsi que la durée de la location. L’entente était ainsi rédigée :

 

[traduction]

 

Le véhicule doit être assuré par le propriétaire et c’est à ce dernier que revient la responsabilité d’informer sa compagnie d’assurance de la durée du contrat de location. La société de production fournira également une police d’assurance tous risques pour le véhicule en question, et ce, pour toute la durée du contrat de location.

 

Le propriétaire est responsable de l’entretien général et des coûts relatifs à l’usure normale du véhicule. Coast-to-Coast RV Inc. avisera le propriétaire de toute réparation supérieure à 100 $ (réparation des freins par exemple) avant d’y procéder. Nous nous efforcerons de garder le véhicule sur le tournage et d’en tirer un revenu.

 

[8]              Tous les propriétaires des véhicules de la flotte de M. Clements se servaient de cette entente. Apparemment, M. Clements facturait au studio de cinéma un tarif quelque peu supérieur à celui qu’il payait aux propriétaires. J’ai remarqué que quelques-uns de ces contrats désignaient M. Oke aussi bien que sa femme comme étant les propriétaires du véhicule récréatif. Les parties ne se sont pas attardées sur ce point.

 

[9]              M. Oke s’est plus intéressé à l’entreprise que les autres propriétaires. Il s’occupait de l’entretien de son véhicule récréatif alors que les autres propriétaires en laissaient le soin à M. Clements. Si un problème surgissait alors que le véhicule était en service, M. Clements devait s’en occuper directement, sans obtenir l’approbation préalable de M. Oke, étant donné que M. Clements était toujours la personne ressource désignée auprès des clients. M. Oke se rendait au dépôt de Coast-to-Coast afin d’aider M. Clements. M. Oke était présent à des présentations publiques où les producteurs de films venaient et examinaient les véhicules récréatifs. M. Clements a déclaré que M. Oke avait une apparence et une attitude professionnelles qui s’avéraient utiles lors de ces événements. M. Oke aidait également à assurer le transport des véhicules récréatifs entre Coast‑to‑Coast et les sites de tournage.

 

[10]         Pendant la première année où il était propriétaire du véhicule récréatif, M. Oke a essayé de le louer à des particuliers et a obtenu deux contrats de location à court terme. Il a trouvé que l’usure normale du véhicule récréatif était plus importante et que cela [traduction] « n’en valait pas la peine ». Il a décidé de s’en tenir aux locations obtenues par M. Clements, limitant la location de son véhicule récréatif aux contrats obtenus par l’entremise de Coast-to-Coast auprès des studios de cinéma.

 

[11]         Il est intéressant de constater que M. Oke s’exprimait constamment à la première personne du pluriel, comme lorsqu’il a déclaré : [traduction] « nous décidions si nous avions suffisamment de véhicules pour un contrat donné ». M. Clements a déclaré qu’il en était reconnaissant à M. Oke et qu’il envisageait de le faire entrer dans sa société à titre d’associé.

 

[12]         M. Oke payait l’assurance pour le véhicule tant qu’il se trouvait au dépôt de Coast‑to‑Coast, mais cette assurance était obtenue par M. Clements, qui était en mesure d’obtenir une couverture plus avantageuse pour la flotte.

 

[13]         Au cours des trois années en cause, le véhicule récréatif de M. Oke a été loué environ 12 fois par l’entremise de Coast-to-Coast. M. Oke aurait assisté à la plupart des présentations publiques organisées par Coast-to-Coast pour obtenir ces contrats, mais pas à toutes.

 

[14]         M. Oke a gagné des revenus de location bruts de 14 700 $, 12 795 $ et 19 425 $, et a engagé des dépenses, avant DPA, de 9 405 $, 7 384 $ et 3 260 $ en 2003, en 2004 et en 2005 respectivement. Pour ces années, M. Oke a déduit une DPA de 35 018 $, 27 513 $ et 22 259 $ respectivement. Dans les cotisations qu’elle a établies à son égard, l’Agence du revenu du Canada a limité la DPA à 5 295 $, à 5 411 $ et à 16 165 $.

 

Analyse

 

[15]         Le Règlement est ainsi rédigé :

 

Règlement de l’impôt sur le revenu

C.R.C., ch. 945

PARTIE XI

DÉDUCTIONS POUR AMORTISSEMENT

 

SECTION I

DÉDUCTIONS PERMISES

1100. (1) Pour l’application des alinéas 8(1)j) et p) et de l’alinéa 20(1)a) de la Loi, un contribuable peut déduire dans le calcul de son revenu pour chaque année d’imposition des montants correspondant :

 

[…]

 

Biens donnés en location à bail

(15) Par dérogation au paragraphe (1), le total des déductions qu’un contribuable peut faire en vertu de ce paragraphe dans le calcul de son revenu pour une année d’imposition, à l’égard de biens d’une catégorie prescrite qui sont des biens donnés en location à bail qui lui appartiennent, ne peut dépasser la fraction éventuelle

 

a) du total des sommes dont chacune représente

 

(i) son revenu pour l’année tiré de la location, à bail ou non, ou de redevances d’un bien donné en location à bail, ou d’un bien qui serait un bien donné en location à bail, si ce n’était du paragraphe (18), (19) ou (20), lorsqu’il possède un tel bien, calculé en faisant abstraction de l’alinéa 20(1)a) de la Loi, ou

 

(ii) le revenu d’une société de personnes pour l’année tiré de la location, à bail ou non, ou de redevances d’un bien donné en location à bail, ou d’un bien qui serait un bien donné en location à bail, si ce n’était du paragraphe (18), (19) ou (20), lorsqu’elle possède un tel bien, dans la mesure de la contribution du contribuable à un tel revenu,

qui est en sus

 

b) du total des sommes dont chacune représente

 

(i) sa perte de location, à bail ou non, ou de redevances pour l’année, relative à un bien visé au sous-alinéa a)(i), calculée en faisant abstraction de l’alinéa 20(1)a) de la Loi, ou

 

(ii) la perte de location, à bail ou non, ou de redevances subies par une société de personnes pour l’année, relative à un bien visé au sous-alinéa a)(ii), dans la mesure de la participation du contribuable à une telle perte.

 

[…]

 

(17) Sous réserve du paragraphe (18), dans le présent article et dans l’article 1101, « bien donné en location à bail » d’un contribuable ou d’une société de personnes désigne des biens amortissables autres que

 

a)      des biens locatifs,

 

b) des produits informatiques déterminés

 

c) les biens visés à l’alinéa w) de la catégorie 10 de l’annexe II ou à l’alinéa n) de la catégorie 12 de cette annexe,

 

lorsque ces biens sont la propriété du contribuable ou de la société de personnes, conjointement avec une autre personne ou autrement, si, au cours de l’année d’imposition à l’égard de laquelle l’expression s’applique, le bien a été utilisé par le contribuable ou la société de personnes principalement pour gagner ou produire un revenu brut constitué d’un loyer, d’une redevance ou d’un revenu de location, mais, pour plus de précision, ne comprend pas un bien donné en location à bail à un preneur par le contribuable ou la société de personnes, dans le cours normal des activités de l’entreprise du contribuable ou de la société de personnes consistant à vendre des marchandises ou à rendre des services en vertu d’un contrat par lequel le preneur s’engage à utiliser le bien pour exercer son activité de vente ou de promotion de la vente, par le contribuable ou la société de personnes, des marchandises ou des services de ces derniers.

 

[…]

 

(17.2) Pour l’application des paragraphes (1.11) et (17), est considéré comme un loyer dérivé d’un bien au cours d’une année d’imposition le revenu brut dérivé, au cours de cette année :

 

a) du droit d’une personne ou société de personnes (à l’exclusion du propriétaire du bien) d’utiliser ou d’occuper le bien ou une partie de ce bien;

 

b) de services offerts à une personne ou société de personnes qui sont accessoires à l’utilisation ou à l’occupation du bien ou d’une partie de ce bien par la personne ou société de personnes.

 

(17.3) Le paragraphe (17.2) ne s’applique pas, au cours d’une année d’imposition donnée, à un bien qui appartient

 

b) à un particulier, dans le cas où le bien est utilisé dans une entreprise que le particulier exploite dans l’année et dont il s’occupe personnellement de façon continue, tout au long de la partie de l’année où l’entreprise est habituellement exploitée;

 

[…]

 

[16]         L’intimée prétend que M. Oke exerçait une activité de location consistant à donner un bien en location à bail, et que la DPA qu’il pouvait demander faisait par conséquent l’objet de restrictions. Elle a ajouté qu’il ne pouvait se réclamer de la disposition d’exception du paragraphe 1100(17.3) du Règlement, étant donné que le véhicule récréatif n’était pas un bien utilisé dans une entreprise que M. Oke exploitait et dont il s’occupait personnellement de façon continue. L’appelant est d’avis qu’il exploitait l’entreprise de location de son véhicule récréatif et qu’il s’en occupait personnellement de façon continue.

 

[17]         Les deux parties se sont fondées sur les décisions rendues par le juge Brulé dans Stephens v. Her Majesty The Queen[1] et Phillips v. Her Majesty the Queen[2] au sujet de l’application du Règlement à l’égard des véhicules récréatifs. Dans la décision Phillips, le juge Brulé a résumé le Règlement de la manière suivante :

 

[13]     Par conséquent, pour résumer, le paragraphe 1100(17) définit l’expression « bien donné en location à bail » comme un bien amortissable, autre qu’un bien immeuble, utilisé par le contribuable principalement afin de gagner ou de produire un revenu brut constitué d’un loyer ou d’un revenu de location. Le paragraphe 1100(17.2) englobe dans le mot « loyer » le revenu brut dérivé du droit d’une personne (à l’exclusion du propriétaire du bien) d’utiliser le bien, ainsi que le revenu brut dérivé de services offerts à une personne qui sont accessoires à l’utilisation du bien par la personne. Les changements qui ont été apportés au paragraphe 1100(17) en 1986 sont expliqués ainsi par H. Stikeman dans TaxPartner :

 

[traduction]

Pour les années d'imposition 1986 et suivantes, la définition de « bien donné en location à bail », relativement à un bien acquis par un contribuable ou une société de personnes, se trouve élargie par l’ajout du paragraphe 1100(17.2). Avec le paragraphe 1100(14.1), il est donné effet aux propositions annoncées dans le budget de mai 1985, propositions dont l’objet était d’empêcher les particuliers de mettre à l’abri leurs autres revenus au moyen de pertes créées par la dépréciation pour amortissement à l’égard de biens, tels que yachts, véhicules récréatifs, hôtels et maisons de repos, utilisés dans des entreprises qui offrent des services au moyen de tels biens. Le revenu brut dérivé du droit d’une personne ou société de personnes (à l’exclusion du propriétaire du bien) d’utiliser ou d’occuper le bien, et le revenu brut dérivé de services offerts qui sont accessoires à une telle utilisation ou occupation, sont considérés comme des loyers.

 

[14]     Une exception au paragraphe 1100(17.2) figure au paragraphe 1100(17.3). En d’autres termes, le paragraphe 1100(17.2) ne s'applique pas à un bien qui appartient à un particulier, lorsque le bien est utilisé par une entreprise que le particulier exploite dans l’année et dont il s’occupe personnellement de façon continue. Dans le cas de l’appelant, celui-ci devait s’occuper de l’entreprise personnellement et de façon continue.

 

[18]         Il est clair que le paragraphe 1100(17.3) du Règlement comprend deux éléments dont M. Oke doit démontrer l’existence afin de se réclamer de la disposition d’exception :

 

(i)  Le bien est utilisé dans une entreprise que M. Oke exploite.

 

(ii) M. Oke doit s’occuper de l’entreprise personnellement de façon continue, tout au long de la partie de l’année où l’entreprise est habituellement exploitée.

 

Il semblerait que les parties se soient concentrées sur le second élément trop rapidement.

 

[19]         Le revenu tiré d’une entreprise et le revenu tiré d’un bien sont, au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), deux sources de revenu distinctes. Les significations du terme « entreprise » et de l’expression « exploiter une entreprise » ont fait l’objet d’une jurisprudence abondante, ce qui n’est pas le cas de l’expression « s’occuper de l’entreprise personnellement de façon continue ». Mais gardons-nous de mettre la charrue avant les bœufs.

 

[20]         Le véhicule récréatif de M. Oke servait aux fins d’une entreprise. Toutefois, j’ai conclu que l’entreprise en question n’était autre que Coast-to-Coast, dont les activités consistaient à louer des véhicules récréatifs à des studios de cinéma pour des périodes de plusieurs semaines. Le véhicule de M. Oke faisait simplement partie de la flotte de Coast-to-Coast. M. Clements négociait les contrats avec les studios de cinéma, obtenait l’assurance pour les véhicules (même si les propriétaires la payaient), s’occupait des réparations urgentes ainsi que de l’entretien normal de tous les véhicules, à l’exception de celui de M. Oke, qui s’en occupait personnellement. Sommes-nous en présence de deux entreprises? Coast-to-Coast et l’entreprise de M. Oke? Je conclus qu’il n’y en avait qu’une : Coast-to-Coast.

 

[21]         Quels étaient les gestes posés par M. Oke, à la différence des autres propriétaires, qui faisaient en sorte que la location de son véhicule récréatif à Coast‑to‑Coast constituait une entreprise? M. Oke a mentionné les éléments suivants :

 

(i)           La conception de stratégies d’affaires. À cet égard, M. Oke a loué son véhicule pendant deux courtes périodes et est ensuite rapidement revenu à la stratégie de M. Clements : les locations à long terme à l’industrie du cinéma. Sa stratégie d’affaires n’est pas supérieure à celle des autres propriétaires.

 

(ii)          La sélection des contrats. M. Oke n’avait qu’un seul client : Coast‑to‑Coast. C’est M. Clements qui démarchait les clients dans l’industrie du cinéma.

 

(iii)          La négociation et la révision des contrats de location. Il est vrai que M. Oke révisait les contrats que M. Clements concluait avec les studios de cinéma, mais c’était dans le cadre de l’entreprise de M. Clements, et non de celle de M. Oke. En outre, ce dernier a admis qu’il ne participait pas aux négociations avec les studios.

 

(iv)         La tenue de comptes. M. Oke a reconnu que cette activité était minime.

 

(v)          La production des déclarations de TPS. M. Oke n’a jamais enregistré de nom d’entreprise.

 

(vi)         La planification de l’entretien normal du véhicule et des réparations couvertes par la garantie ainsi que le transport du véhicule au garage à ces fins. La conclusion d’une entente avec le concessionnaire à ces fins.

 

(vii)         La négociation et l’achat d’une assurance pour le véhicule récréatif. À la lumière de la preuve, j’avais pourtant compris que M. Oke se contentait de payer l’assurance que M. Clements parvenait à obtenir pour la flotte.

 

(viii)        L’obtention des permis et les contrôles de qualité de l’air.

 

(ix)         La recherche du véhicule récréatif et la négociation de l’achat. Une fois encore, j’ai eu l’impression que M. Clements avait beaucoup aidé M. Oke à cet égard. Quoi qu’il en soit, ce dernier n’a rien fait de plus que les autres propriétaires.

 

[22]         Les éléments susmentionnés ne m’ont pas convaincu que M. Oke exploitait une entreprise. Je vois une personne nourrissant un vif intérêt pour les véhicules récréatifs, qui désire en apprendre autant que possible au sujet du commerce de location. M. Oke a aidé M. Clements à exploiter son entreprise autant qu’il le pouvait et que le temps le lui permettait. M. Clements en était reconnaissant à M. Oke, au point où il le voyait comme un associé potentiel. Toutefois, tout cela avait trait à l’entreprise de M. Clements, et non au fait que M. Oke louait son véhicule récréatif à Coast‑to‑Coast. M. Oke acquiert des connaissances au sujet de l’entreprise avec intelligence, et son véhicule récréatif lui permet d’aborder ce processus d’apprentissage sous un meilleur angle. Il y consacre effectivement plus de temps que les autres propriétaires. Ainsi, il est devenu l’ami de M. Clements. Toutefois, il y a vraiment trop peu d’éléments montrant que M. Oke exploitait une entreprise pour me convaincre qu’il tirait son revenu d’une entreprise et non simplement d’un bien. Il louait un bien locatif et il est donc bien visé par l’exception prévue au paragraphe 1100(15) du Règlement.

 

[23]         L’avocat de l’appelant a fait valoir que je n’avais pas le pouvoir de trancher une telle question, étant donné que l’intimée avait uniquement remis en question le fait que M. Oke s’occupait de l’entreprise personnellement de façon continue. Je m’inscris en faux. J’avais devant moi toutes les règles pertinentes et je ne peux en ignorer la teneur. Dans son propre avis d’appel, l’appelant a soulevé la question de savoir si le ministre avait à juste titre invoqué l’exception prévue au paragraphe 1100(17.3) du Règlement. Il en ressort clairement qu’on doit être en présence d’une entreprise. En outre, dans sa réponse à l’avis d’appel, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a déclaré :

 

[traduction]

 

7.         Par voie d’avis de nouvelles cotisations datés du 2 février 2007, le ministre a établi de nouvelles cotisations à l’égard de l’appelant au sujet de sa dette fiscale pour les années d’imposition 2003, 2004 et 2005, en considérant son entreprise comme une activité de location, et refusant par conséquent les déductions pour pertes d’entreprise.

 

10c)     L’appelant offre son véhicule récréatif en location à l’industrie de la télévision et du cinéma ainsi qu’à l’industrie du loisir en général.

 

11.       La question à trancher est de savoir si l’appelant était engagé dans une activité de location et non dans une entreprise de location.

 

Je conclus que les deux parties ont avancé la question de l’existence d’une entreprise devant la Cour et qu’il m’est donc permis de trancher la question sur ce fondement.

 

[24]         À la lumière de cette conclusion, il est inutile d’examiner la question de savoir si M. Oke s’occupait de l’entreprise personnellement de façon continue. L’appel est rejeté.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour d’août 2009.

 

 

« Campbell Miller »

Juge Miller

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de septembre 2009.

 

Alya Kaddour‑Lord, traductrice


 

RÉFÉRENCE :                                  2009 CCI 386

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2008-1865(IT)I

 

INTITULÉ :                                       Scott Oke et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 9 juillet 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Campbell J. Miller

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 7 août 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Avocate de l’appelant :

Me Susan Tataryn

Avocat de l’intimée :

MRicky Tang

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                       Nom :                          Susan Tataryn

 

                   Cabinet :                         Susan G. Tataryn Professional Corporation

 

          Pour l’intimée :                         John H. Sims, c.r.

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1]               [2000] 1 C.T.C. 2360.

 

[2]               [2000] 1 C.T.C. 2314.

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