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Dossier : 2006-769(IT)G

ENTRE :

Dr GALDINO PONTARINI,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu les 15, 16 et 17 juillet 2009 à Toronto (Ontario)

Devant : L’honorable juge Patrick Boyle

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :                                               Me Counsel for the appelante :

Me Douglas D. Langley

 

 

Avocats de l’intimée :

Me Bobby J. Sood

Me Amit Ummat

 

 

JUGEMENT

 

         L’appel des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu relativement aux années d’imposition 1997, 1998, 1999, 2000 et 2001 de l’appelant est accueilli en partie et l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour qu’il procède à un nouvel examen et à l’établissement d’une nouvelle cotisation conformément au consentement partiel au jugement et aux motifs ci-joints.

 

         Le contribuable est condamné à payer les dépens à Sa Majesté.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour d’août 2009.

 

« Patrick Boyle »

Juge Boyle

 

Traduction certifiée conforme

ce 2e jour de novembre 2009.

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


 

 

Référence : 2009 CCI 395

Date : 20090810

Dossier : 2006-769(IT)G

ENTRE :

Dr GALDINO PONTARINI,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge Boyle

 

[1]             Le contribuable, le DPontarini, affirme qu’il a été injustement condamné à des pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») relativement aux cinq années ayant donné lieu aux nouvelles cotisations en litige. Les nouvelles cotisations étaient fondées sur l’omission du Dr Pontarini de déclarer d’importants revenus et une surévaluation considérable de ses dépenses. Les questions de fond avaient toutes été réglées au moment où le procès de trois jours s’est ouvert et un consentement partiel au jugement a été déposé auprès de la Cour. Dans un cas comme celui-ci, c’est à Sa Majesté qu’il incombe de démontrer que le contribuable a fait de faux énoncés ou s’est rendu coupable d’omissions sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, au sens que les tribunaux donnent à ces termes. La norme de preuve à laquelle Sa Majesté est soumise est celle de la prépondérance des probabilités.

 

[2]             J’ai entendu deux témoins pour le compte du contribuable, à savoir le Dr Pontarini lui‑même et son psychiatre, le Dr Pohlman, dont le témoignage a duré moins d’une heure.

 

[3]             L’avocat du contribuable invoque deux arguments pour contester les pénalités pour faute lourde :

 

1)     Les agissements du Dr Pontarini correspondent à sa position au moment de produire sa déclaration de revenus, position qui s’est finalement avérée inexacte et qui n’a pas été retenue, mais ils ne constituent pas de faux énoncés ou des omissions faites sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde;

 

2)     L’état de santé mentale du Dr Pontarini et d’autres facteurs de stress avec lesquels il devait composer faisaient en sorte qu’il était raisonnable pour lui de penser que ses agissements ne visaient pas à faire de faux énoncés ou des omissions dans sa déclaration de revenus.

 

 

I. Les faits

 

[4]             Suivant la preuve, le Dr Pontarini était un bourreau de travail et avait une pratique médicale très lucrative. En plus d’exercer sa profession de médecin à temps plein à sa clinique, il effectuait des quarts de travail complets au service des urgences d’un hôpital de Mississauga. Le Dr Pontarini a expliqué qu’avant que le gouvernement du NPD dirigé par Bob Rae ne modifie les montants annuels versés par le Régime d’assurance-maladie de l’Ontario (le « RAMO ») aux médecins pour leurs services, le montant total d’honoraires qu’il avait personnellement facturés dans l’exercice de sa profession de médecin généraliste à Mississauga le situait parmi les médecins les mieux rémunérés du RAMO.

 

[5]             Le Dr Pontarini était l’un des rares médecins généralistes qui a subi des conséquences négatives à la suite des modifications apportées au RAMO qui ont introduit l’imposition d’une récupération progressive des honoraires lorsque la facturation dépassait certains seuils. Pour les années en question, ces changements ont eu pour effet de réduire d’environ 25 pour 100 les revenus qu’il aurait tirés de sa profession si le RAMO n’avait pas été modifié.

 

[6]             La preuve relate en détail les antécédents du Dr Pontarini en matière de santé mentale. Déjà à l’époque de ses études en médecine, il était régulièrement traité pour ses problèmes de santé mentale et il a continué à se faire soigner pendant toute sa vie adulte, sans que cela ne l’empêche d’exercer la médecine.

 

[7]             Un autre facteur de stress dont le Dr Pontarini a parlé en détail dans son témoignage est l’impact qu’avait eu sur lui sa déclaration de culpabilité au criminel pour trafic de stupéfiants. Il avait prescrit une quantité excessive de stupéfiants à base de morphine à deux individus apparemment louches. Son permis d’exercer la médecine a été suspendu à la suite de sa déclaration de culpabilité au criminel.

 

[8]             Le Dr Pontarini a expliqué, au sujet de sa déclaration de culpabilité pour trafic de stupéfiants, qu’il avait commencé à rédiger des ordonnances sans aucune intention malveillante, de façon raisonnable et de bonne foi conformément aux normes médicales habituelles, mais qu’il en avait graduellement augmenté le nombre jusqu’à un degré qu’il a qualifié de déraisonnable, avant d’essayer de cesser cette pratique. Ce n’est qu’après cela, suivant son propre témoignage, que lui-même et sa famille ont reçu des menaces de voies de fait s’il arrêtait de prescrire illégalement des stupéfiants.

 

[9]             Avant les années en question, le Dr Pontarini a éprouvé de graves difficultés financières en raison de la combinaison de facteurs, à savoir sa baisse de revenus et de nouvelles cotisations visant des abris fiscaux. Cette situation a entraîné la perte de la maison de plus 12 000 pieds carrés qu’il possédait sur un terrain d’une superficie de 1,5 acres à Mississauga, en plus d’une longue saga judiciaire et d’autres difficultés.

 

[10]         Avant les années en question, le Dr Pontarini avait renoncé aux quarts de travail qu’il effectuait au service des urgences, de sorte que ses revenus ont diminué en conséquence, notamment ceux provenant du RAMO. Le Dr Pontarini a expliqué qu’il avait délibérément mis fin au travail qu’il faisait au service des urgences à cause du stress et des difficultés qu’il éprouvait dans sa vie personnelle, à cause notamment des conséquences que sa relation extraconjugale avait sur son mariage. Le Dr Pohlman a témoigné que l’hôpital avait demandé au Dr Pontarini de renoncer au travail qu’il faisait au service des urgences en raison des difficultés créées par la relation extraconjugale qu’il avait avec une collègue du même service. J’ajoute foi à ces deux témoignages. Cette situation, ajoutée sans doute aux autres difficultés auxquels lui ou lui et sa femme ont dû faire face, a contribué à ses problèmes conjugaux et s’est soldée par une séparation qui a duré six mois. Je relate ces détails personnels uniquement parce qu’ils ont été évoqués par le contribuable et son avocat pour expliquer l’état d’esprit et la santé mentale du Dr Pontarini à l’époque.

 

[11]         Le Dr Pontarini était associé avec d’autres médecins au sein d’une clinique. Les comptables agréés de la clinique préparaient les états financiers annuels des médecins. Ils répartissaient les revenus entre les médecins ainsi que les dépenses fixes et variables selon les dispositions de partage des dépenses et des revenus prévues au contrat de société. La clinique comptait parmi son personnel un commis aux écritures qui comptabilisait les dépenses afférentes à la clinique et à la pratique dont chaque médecin était personnellement responsable séparément de celles relatives à la société. Le commis aux écritures conciliait aussi les relevés de revenus du RAMO que chaque médecin recevait et les transmettait ensuite aux comptables de la clinique. Les comptables et le commis aux écritures communiquaient ensuite par écrit l’information au Dr Pontarini et à ses associés. Les comptables soumettaient les états financiers qu’ils avaient préparés avec les renseignements relatifs à la répartition des recettes au début du mois d’avril ou à la mi-avril, à temps pour la production des déclarations de revenus.

 

[12]         Le Dr Pontarini recourait aux services de son propre comptable agréé pour s’occuper de ses impôts en plus de recourir à ceux du cabinet engagés par la clinique. Il ne fournissait pas à son comptable les états financiers de la clinique ni les lettres des comptables agréés de la clinique détaillant sa part des recettes et des dépenses de la société. Au lieu de cela, comme tout contribuable a le droit de le faire, il établissait lui‑même sa quote-part des recettes et des dépenses de la société, les frais d’exploitation du cabinet qu’il occupait au sein de la clinique que la société ne payait pas, ainsi que toutes les autres dépenses personnelles liées à l’entreprise. Ce faisant, le Dr Pontarini a toutefois considérablement soufflé ses dépenses et sous-évalué ses recettes. Il a même déclaré des recettes brutes tirées de la société moins élevées que celles et qui avaient été déclarées par les comptables de la clinique.

 

[13]         L’Agence du revenu du Canada (« l’ARC ») avait déjà vérifié les documents comptables du médecin pour certaines années antérieures. Elle avait procédé à cette vérification après avoir constaté que les revenus professionnels nets déclarés du médecin ne représentaient qu’entre 10 et 20 pour 100 de ses revenus professionnels bruts. Ce contrôle a donné lieu à une enquête criminelle, une perquisition et une saisie à son domicile et des accusations de fraude fiscale. Le Dr Pontarini a reconnu sa culpabilité aux accusations de fraude fiscale. Il faisait l’objet de dix chefs d’accusation, d’un chef d’omission de déclarer une partie de ses revenus pour chacune des années en cause et d’un chef de surévaluation de ses dépenses pour chacune des années en cause. Il a reconnu sa culpabilité à au moins un des chefs d’accusation. Il y a peut-être eu une certaine confusion au sujet du nombre de chefs pour lesquels il a plaidé coupable. Il affirme toutefois qu’il a été condamné à une amende de 200 000 $ et que, comme l’amende prévue en cas de fraude fiscale est calculée en fonction du montant de l’impôt auquel le contribuable a tenté de se soustraire, je peux en déduire que le Dr Pontarini a plaidé coupable à des accusations de fraude fiscale pour un montant élevé en ce qui concerne les années en question.

 

[14]         Une grande partie des montants de revenus non déclarés et de dépenses surévaluées se rapportait à la récupération du RAMO. Au cours des années en question, le Dr Pontarini a adopté une attitude déroutante à cet égard. Ainsi, si le montant total des honoraires versés par le RAMO pour les services fournis au cours de l’année se chiffrait, par exemple, à 400 000 $ avant l’application de la formule de récupération applicable après un certain seuil et que cette formule réduisait de 100 000 $ les revenus auxquels il avait droit au titre du RAMO en les ramenant à 300 000 $, il rajustait à la baisse ses revenus bruts et rajustait à la hausse ses dépenses sur le montant de 100 000 $ non gagné et non payé. Il a d’abord prétendu qu’il avait pris 50 pour 100 du montant de la récupération, pour lequel il n’avait pas été payé, et s’en était servi pour réduire ses revenus bruts. Il y a lieu de signaler qu’il n’y a pas de poste pour lequel ces rajustements auraient été effectués dans les renseignements qu’il a communiqués à son comptable personnel. Il a expliqué qu’il s’était servi de l’autre 50 pour 100 pour augmenter ses dépenses. Il a affirmé qu’il croyait qu’il avait le droit d’agir de la sorte parce que (i) les services non rémunérés qu’il fournissait à la collectivité étaient un investissement qu’il faisait dans son cabinet et qu’il avait le sentiment que, conformément à l’esprit des lois fiscales, cet investissement devait être considéré comme une dépense; (ii) si un autre médecin qui n’avait pas atteint le seuil avait fourni les mêmes services, ce médecin aurait été payé en entier. Il est frappant de constater que sa solution consistant à se servir de la moitié du montant pour réduire ses revenus et de l’autre moitié pour augmenter ses dépenses contredit l’explication qu’il a donnée à plusieurs reprises, à savoir qu’il pouvait justifier la récupération en la considérant comme une dépense. De plus, le lendemain, lors de son contre-interrogatoire, lorsqu’il a été confronté à ses propres données fiscales récapitulatives qu’il avait préparées pour son comptable personnel et qui montraient clairement qu’il n’avait pas adopté cette approche 50/50 au cours des années en question, il a radicalement modifié son témoignage par rapport à ce qu’il avait dit la veille devant la Cour.

 

 

II. La preuve psychiatrique

 

[15]         Le Dr Pohlman a parlé du Dr Pontarini comme d’un médecin acharné au travail dont la vie semblait dans le chaos. Il l’a dépeint comme un homme agité et impulsif, ce qui avait lui avait valu des problèmes avec l’Ordre des médecins et chirurgiens et les autorités hospitalières, et comme un solitaire qui faisait preuve de naïveté sur le plan social. Du point de vue psychologique, il ne considérait pas le Dr Pontarini comme une personne malade, ajoutant qu’il n’avait pas constaté chez lui d’anomalies perceptuelles ou de dysfonctions cognitives ou d’autres problèmes sur le plan du raisonnement. Il n’avait pas de véritable problème d’humeur comme le trouble affectif bipolaire, mais il passait par des périodes de découragement. Malgré le fait qu’il ne considérait pas que le Dr Pontarini souffrait de dépression clinique, il a expliqué qu’il souffrait de dépression réactionnelle lorsqu’il était confronté à des événements ou situations stressants. Il ne pensait pas que le Dr Pontarini souffrait d’un trouble quelconque de la personnalité, mais il a exprimé l’avis qu’il avait une étrange personnalité, laquelle s’ajoutait à une difficulté à faire preuve de bon jugement pour déterminer ce qui était approprié. Sans aller jusqu’à le qualifier de personne atteinte d’un trouble dissociatif clinique, il a expliqué qu’une des caractéristiques de la personnalité générale du médecin était qu’il avait tendance à éviter les problèmes au lieu de tenter de les résoudre. Le Dr Pontarini avait déclaré avoir souffert de crises de panique au cours des années en question. Le Dr Pohlman a expliqué que ces problèmes n’avaient pas été évoqués, mais que le Dr Pontarini avait relaté des épisodes de rage où il s’était senti sur le point d’éclater. Dans le même ordre d’idées, le Dr Pontarini n’avait pas abordé ses problèmes de pertes de conscience avec le Dr Pohlman, mais il en a parlé lors de son témoignage.

 

[16]         Le Dr Pohlman a affirmé que le Dr Pontarini n’était pas un bon patient. Il ne collaborait pas et refusait de faire l’introspection nécessaire. De plus, on a découvert par la suite qu’il avait omis de divulguer plusieurs faits au Dr Pohlman. Le Dr Pohlman n’a pas prescrit de médicaments pour traiter le Dr Pontarini, se contentant de lui prescrire une faible dose de tranquillisant à prendre au besoin. Le Dr Pohlman a expliqué qu’une grande partie des problèmes du Dr Pontarini tenait à ses propres comportements autodestructeurs. Les explications que le Dr Pontarini a données au sujet de ses problèmes de santé mentale et de son traitement médical contredisaient en grande partie celles données par le Dr Pohlman, qui l’avait soigné et qui ignorait si le Dr Pontarini avait été traité par d’autres professionnels de la santé mentale. Bien qu’aucune des évaluations faites par le Dr Pohlman au sujet de l’état affectif ou mental du Dr Pontarini ne soient des questions que je considérerais normalement justifier autant de détails, je m’estime obligé de les exposer avec ce niveau de détails étant donné que le Dr Pontarini et son avocat ont fortement insisté sur ces éléments pour excuser et expliquer les pénalités auxquelles le Dr Pontarini a été condamné.

 

[17]         Le Dr Pohlman a expliqué qu’au cours des années où il l’a traité, y compris les années en cause, le Dr Pontarini n’était pas malade et ne souffrait pas de problèmes graves de santé mentale. Il a dépeint le Dr Pontarini comme une personne ayant une personnalité difficile et troublée qui avait une personnalité évitante, était naïf et manquait de jugement.

 

 

III. Questions de crédibilité

[18]         Après avoir entendu pendant plus de deux jours le long témoignage du Dr Pontarini, et à la lumière du témoignage du Dr Pohlman et des autres éléments de preuve qui ont été soumis, je dois tirer des conclusions au sujet de la crédibilité du Dr Pontarini pour pouvoir trancher le présent appel. Il m’est impossible de considérer que le témoignage du Dr Pontarini est complet et véridique. J’arrive à cette conclusion pour plusieurs raisons, dont les suivantes :

 

a)     Les éléments de preuve relatifs à la santé mentale du Dr Pontarini : le témoignage que le Dr Pontarini a donné au sujet de ses problèmes de santé mentale, de son diagnostic et des traitements qu’il a reçus différait considérablement de celui de son propre psychiatre, le Dr Pohlman. Le Dr Pohlman a essentiellement conclu que le Dr Pontarini n’était pas malade au sens clinique et que, même s’il n’était atteint d’aucun trouble de la personnalité au sens clinique, il avait effectivement des problèmes de personnalité qui faisaient en sorte qu’il recherchait l’admiration et le respect des autres, ce qui lui causait des difficultés dans ses rapports avec autrui, et il avait tendance à éviter les problèmes. Mon appréciation de la crédibilité du Dr Pontarini est également confirmée par le témoignage de son psychiatre, qui a bien précisé que le Dr Pontarini n’avait pas collaboré et n’avait pas été ouvert avec lui comme patient.

 

b)    Le témoignage différent que le contribuable a donné au sujet de l’existence de deux versions de ses données fiscales récapitulatives et de la version qu’il avait fournie à son comptable, M. Spiegel : dans son interrogatoire principal, le Dr Pontarini a affirmé catégoriquement que le document qu’il avait soumis à son comptable pour préparer sa déclaration de revenus était un document intitulé [traduction] « Données fiscales récapitulatives » dans lequel ses revenus bruts étaient déclarés avec exactitude, c’est-à-dire sans tenir compte des rajustements du RAMO. Confronté lors de son contre-interrogatoire à un document récapitulatif semblable qui faisait état de revenus beaucoup moins élevés et qui semblait avoir été saisi au cabinet du comptable et sur lequel le comptable avait écrit des notes manuscrites, le Dr Pontarini a changé radicalement son témoignage : il a affirmé qu’il se souvenait d’avoir apporté les deux documents avec lui, mais qu’il n’avait remis à son comptable que la seconde version sur laquelle les rajustements avaient été effectués en vue de leur rencontre au cabinet de ce dernier.

 

c)     Le témoignage du contribuable sur la façon dont il avait rajusté les montants de la récupération du RAMO : en réponse à l’une de mes questions directes sur la façon dont il avait scindé le montant de la récupération du RAMO en se servant d’une partie de celui-ci pour réduire ses revenus et d’une autre pour augmenter ses dépenses, il m’a répondu catégoriquement qu’il avait divisé ce montant en deux pour en attribuer la moitié à ses revenus et l’autre à ses dépenses. Lorsque la question a de nouveau été soulevée lors de son contre-interrogatoire, il a changé sa version en conséquence et ses souvenirs sont devenus beaucoup plus flous en ce qui concerne la façon dont il avait procédé dans le passé.

 

d)    Les trous de mémoire du contribuable au sujet des demandes de renseignements relatifs à la comptabilisation du montant de la récupération du RAMO : le Dr Pontarini a expliqué qu’il se souvenait d’avoir téléphoné à l’ARC pour s’informer au sujet de la possibilité de considérer une partie du montant de la récupération du RAMO comme une dépense. Il a également expliqué qu’il se souvenait de s’être clairement informé à ce sujet auprès de son comptable, M. Spiegel. Chose remarquable, non seulement il ne se souvient pas ni du détail de la réponse de l’ARC ni de la teneur de son échange avec M. Spiegel, mais encore il ne se souvient absolument pas si on lui a répondu qu’il pouvait ou non procéder ainsi.

 

e)     Je suis très troublé par le fait que le contribuable a affirmé qu’il se souvenait d’avoir discuté de rajustements à la récupération du RAMO avec son comptable, M. Spiegel, mais que ce dernier n’a pas été appelé à témoigner. L’avocat du contribuable n’a fourni aucune explication pour justifier pourquoi M. Spiegel ne témoignait pas. Il semble que M. Spiegel n’aurait pas eu grand‑chose à dire au sujet des rencontres qu’il avait eues avec le Dr Pontarini pour examiner les données fiscales récapitulatives et au sujet de leurs discussions quant aux rajustements à la récupération du RAMO que le Dr Pontarini cherchait à faire. Si M. Spiegel avait témoigné, il aurait peut-être affirmé qu’il ne se souvenait pas d’avoir eu quelque conversation que ce soit. Il aurait peut-être dit qu’il se souvenait que la question lui avait été posée, mais qu’il ne se rappelait pas sa réponse. Ces deux possibilités auraient été utiles à la thèse du Dr Pontarini, ou en tout cas ne lui auraient pas nui. M. Spiegel aurait pu témoigner qu’il avait dit au Dr Pontarini qu’il pouvait procéder aux rajustements comme il l’avait souhaité et que, même s’ils pouvaient être contestés, ils n’étaient pas déraisonnables en tant que position adoptée au moment de la production de sa déclaration de revenus. Je présume que, si M. Spiegel avait témoigné en ce sens, le contribuable l’aurait appelé à la barre. Or, il ne l’a pas fait. Parmi les possibilités qui restent, signalons celle suivant laquelle M. Spiegel aurait affirmé qu’il était certain que, suivant ses souvenirs, une telle conversation n’avait jamais eu lieu, ce qui ne serait pas utile pour le Dr Pontarini, ou encore que le Dr Pontarini lui avait posé la question et qu’il avait répondu qu’il ne pouvait faire ce type de rajustement. Ce scénario est très plausible et il aurait nui à la thèse du Dr Pontarini. Comme les données fiscales récapitulatives que le Dr Pontarini a préparées pour M. Spiegel ne détaillaient aucune déduction en ce qui concerne un rajustement à la récupération de la RAMO et qu’il s’est contenté de réduire ses revenus bruts et de souffler les dépenses déjà comptabilisées, il aurait été impossible pour M. Spiegel de savoir que le conseil qu’il avait donné n’avait pas été suivi ou qu’il s’était rendu complice du Dr Pontarini lors de la préparation de ses déclarations de revenus, et ce, en contradiction de l’avis qu’il lui avait donné. M. Spiegel aurait également pu dire : [traduction] « Vous n’allez pas aimer ma réponse, alors, retirez votre question », ce qui permettrait de conclure à un aveuglement volontaire de la part du le Dr Pontarini. Je tiens compte de l’absence de M. Spiegel pour apprécier la crédibilité en l’espèce.

 

[19]         Pour tous ces motifs, je considère le témoignage du contribuable comme suspect, intéressé et trompeur, même sur les points où il est vraisemblablement compatible avec la preuve documentaire.

 

 

IV. Conclusions et analyse

[20]         Pour que la Cour puisse confirmer les pénalités imposées en vertu du paragraphe 163(2), Sa Majesté doit démontrer que le Dr Pontarini a fait de faux énoncés ou des omissions dans ses déclarations de revenus, et ce, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde. La faute lourde suppose un degré élevé de négligence équivalant à une action délibérée, une indifférence face au respect de la loi (Venne v. The Queen, 84 DTC 6247 (C.F. 1re inst.). L’aveuglement volontaire peut constituer une faute lourde. L’aveuglement volontaire se produit lorsqu’une personne qui a ressenti le besoin de se renseigner refuse de le faire parce qu’elle préfère ne pas connaître la vérité. Le droit imputera une connaissance au contribuable qui, dans des circonstances qui lui commanderaient ou lui imposeraient de s’enquérir de sa situation fiscale, refuse ou néglige de le faire sans raison valable (Panini v. The Queen, 2006 DTC 6450, 2006 CAF 224).

 

[21]         Le paragraphe 163(3) de la Loi prévoit qu’il incombe au ministre du Revenu national d’établir les faits qui justifient l’imposition de la pénalité prévue au paragraphe 163(2). La norme de preuve est celle de la prépondérance des probabilités. Le fait que le contribuable a été condamné à une pénalité ne commande pas une norme de preuve plus exigeante. Dans certains cas, il se peut que, lorsqu’il examine les probabilités, le tribunal doive tenir compte du fait que, lorsque l’allégation ou l’infraction est grave, il est moins probable que l’événement se soit produit, exigeant ainsi des éléments de preuve plus solides pour faire pencher la balance. Cette situation n’a pas pour effet de créer une norme de preuve nouvelle ou plus exigeante que celle de la prépondérance des probabilités. Elle reconnaît simplement, d’un point de vue logique, que les probabilités inhérentes constituent un facteur dont on doit tenir compte pour établir les faits selon la prépondérance des probabilités (In re B (Children), [2008] UKHL 35).

 

[22]         On trouve une excellente analyse de cet aspect de l’appréciation de la prépondérance des probabilités dans la décision Lesnick v. The Queen, 2008 DTC 4861, 2008 CCI 522, aux paragraphes 10 à 16, rendue par le juge Webb de notre Cour.

 

[23]         Le fait que le Dr Pontarini a reconnu sa culpabilité aux accusations de fraude fiscale fournit certains éléments de preuve possibles de son intention de faire de faux énoncés et des omissions. Il ne s’agit pas d’éléments de preuve irréfutables en raison d’une préclusion pour la même question en litige ou d’un abus de procédure du fait qu’il a plaidé coupable. Le Dr Pontarini a expliqué qu’il avait plaidé coupable parce que Sa Majesté aurait réclamé une peine d’emprisonnement si l’affaire avait été instruite. Outre son plaidoyer de culpabilité, je dispose d’amplement d’éléments de preuve qui me permettent de conclure que les faux énoncés et les omissions du Dr Pontarini ont été faits sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde.

 

[24]         De nombreux contribuables canadiens ont dû passer par des périodes de stress dans leur vie. Les difficultés financières, les problèmes psychologiques, les relations d’affaires qui tournent mal, les fluctuations de la conjoncture économique, l’implication regrettable dans des activités criminelles, les problèmes de santé et les menaces à la sécurité personnelle sont des circonstances qui sont, hélas, assez fréquentes. Je comprends parfaitement que, lorsque ces problèmes surgissent, ils sont susceptibles d’avoir des conséquences profondes, négatives et même dévastatrices pour les personnes concernées. Mais, pour que l’une quelconque de ces situations ou que leur effet combiné puisse excuser la façon dont le Dr Pontarini a décidé en l’espèce de déclarer ses revenus au fisc, il faudrait que je sois convaincu qu’il ne s’agissait pas simplement de difficultés importantes dans sa vie, mais de problèmes qui le rendaient incapable de fonctionner normalement ou de raisonner logiquement. Or, je suis loin d’en être convaincu. Les problèmes de santé mentale du Dr Pontarini n’étaient pas graves au point où l’on pourrait dire qu’il délirait, mais alors comment expliquer qu’un homme aussi intelligent et instruit que lui n’arrivait pas à comprendre qu’il n’était pas nécessaire de déduire une seconde fois l’argent qu’il n’avait pas reçu du RAMO sous forme de revenus? Et comment pouvait-il en arriver à utiliser la moitié de ce montant pour augmenter ses dépenses et à se servir de l’autre moitié pour réduire ses revenus bruts déclarés?

 

[25]         Pour ce qui est de l’allégation du contribuable suivant laquelle son état mental et le stress l’empêchaient de réaliser qu’il faisait un faux énoncé ou commettait une omission ou le rendaient impuissant à former l’intention de commettre une faute lourde en adoptant une telle approche, je ne peux faire mieux que de citer la décision Cox v. The Queen, 2002 DTC 1515, rendue par l’ancien juge en chef Bowman. Dans cette affaire, on avait diagnostiqué une schizophrénie paranoïde chez le contribuable qui avait notamment des symptômes d’hallucinations et de délires. Dans cette affaire, le juge Bowman, qui était alors juge en chef adjoint, devait trancher la question de savoir si, dans une situation beaucoup plus extrême que la présente, le contribuable était ou non passible de pénalités. Bien que, dans cette affaire, il ait décidé que le contribuable n’était pas passible de pénalités, le juge Bowman a reconnu que d’autres personnes pouvaient légitimement être d’un avis différent et qu’elles auraient pu conclure que le contribuable devait être condamné à des pénalités. Voici ce qu’il écrit, au paragraphe 23 :

 

Pour qu’une pénalité soit imposée en vertu du paragraphe 163(2), il doit exister deux éléments : il doit y avoir un faux énoncé ou une omission dans une déclaration et la personne concernée doit avoir l’état mental requis. Le premier élément est manifestement présent. Mais peut-on dire d’une personne qui souffre du genre de schizophrénie paranoïde que j’ai décrite précédemment, qui a des hallucinations et entend des voix et qui vit hors de la réalité une bonne partie du temps, qu’elle a l’état mental requis pour justifier l’imposition d’une pénalité en vertu du paragraphe 163(2)? Peut-être bien que oui, et peut-être bien que non. Après avoir observé l’appelant, je crois qu’il est plus exact de dire qu’il n’avait pas l’état mental requis. D’aucuns pourraient voir les choses différemment et je respecterais leur point de vue, qui ne serait pas sans fondement. Après tout, il était suffisamment intelligent pour faire fructifier ses placements. Il a aussi été capable de frauder les services d’assistance sociale, ce qui lui a valu une peine d’emprisonnement. Il a ultérieurement restitué la totalité du montant. Cependant, quand le tribunal entretient des doutes, je crois que le plus sûr moyen de procéder est d’accorder le bénéfice du doute à l’appelant.

 

[26]         Ces propos du juge en chef adjoint Bowman nous permettent de savoir où l’on doit tracer la ligne et de constater que la situation du Dr Pontarini est loin de satisfaire aux critères évoqués par le juge Bowman, même si l’on ne retient que la version du Dr Pontarini. J’estime qu’on ne m’a pas soumis d’éléments de preuve crédibles permettant de conclure à l’existence d’une maladie, d’un état ou d’un traitement d’ordre physique ou mental qui auraient nui aux facultés intellectuelles ou au raisonnement du Dr Pontarini ou qui l’auraient de quelque façon que ce soit empêché de former l’intention prévue au paragraphe 163(2) ou de se comporter de manière à commettre la faute lourde prévue au paragraphe 163(2).

 

[27]         Il est évident que les revenus bruts alloués à chaque médecin à partir des relevés du RAMO par le commis aux écritures et les comptables de la clinique ne comprenaient que les montants effectivement payés par le RAMO qui figuraient dans les relevés mensuels envoyés par le RAMO au Dr Pontarini et dans les dépôts faits dans son compte de banque personnel. Ces faits ressortent aussi des relevés mensuels du RAMO eux-mêmes et des renseignements fournis au Dr Pontarini par le commis aux écritures, ainsi que des renseignements sur les états financiers reçus par le Dr Pontarini et par ses associés. Le Dr Pontarini a reconnu qu’il avait cru comprendre, lorsqu’il avait reçu les renseignements des comptables de la clinique, que les revenus étaient répartis selon cette formule au moment où il les avait reçus d’eux. Je conclus que le Dr Pontarini comprenait bien que le montant de la récupération du RAMO n’était d’aucune manière considéré comme faisant partie de ses revenus, du moins tel qu’il lui avait été déclaré.

 

[28]         Les explications et le témoignage donnés par le contribuable au sujet des différences entre les chiffres indiqués dans ses données fiscales récapitulatives pour ses revenus ne sont pas satisfaisants. Je conclus qu’il a modifié ses données fiscales récapitulatives en vue de la vérification et de l’enquête de l’ARC. Je n’accepte pas qu’il ait eu les deux versions avec lui lors de ses rencontres avec M. Spiegel. Je n’accepte pas le témoignage du médecin suivant lequel la version comportant les chiffres exacts de ses revenus bruts, mais avec l’ajout d’autres déductions, existait lorsqu’il a rencontré son comptable.

 

[29]         Je conclus que c’est à juste titre que le Dr Pontarini a été condamné à des pénalités en raison de la façon dont il a procédé à ses rajustements dans ses déclarations de revenus relativement au montant impayé de la récupération du RAMO. Il savait manifestement qu’il avait fourni des services pour lesquels il était payé selon la formule du RAMO mais que cette formule avait pour effet de réduire le montant qu’il avait reçu par rapport aux médecins qui n’avaient pas dépassé leur seuil. Il n’a pas fait l’erreur de penser qu’il s’agissait d’une dépense qu’il avait payée; il a déclaré qu’il comprenait clairement qu’il n’avait pas payé cette somme. Son raisonnement était qu’il avait fourni un service pour lequel il n’avait pas été payé et qu’il avait donc droit à une déduction correspondant à la valeur des services impayés comme une sorte d’investissement équivalant à la dépense qu’il avait faite pour son cabinet. Il a expliqué que la formule du RAMO le mettait en colère et qu’il était déçu du gouvernement. Il estimait que la formule ne constituait pas une juste évaluation des services qu’il avait fournis de bonne foi, étant donné que d’autres médecins étaient payés intégralement pour les mêmes services. Je conclus que les rajustements que le Dr Pontarini a effectués au montant de la récupération du RAMO dans ses déclarations de revenus au cours des années en question étaient des gestes politiques par lesquels il exprimait son désaccord avec la politique à l’origine des modifications apportées à la formule du RAMO qui lui avaient nui, à l’instar d’une minorité d’autres médecins ontariens. Suivant le témoignage du Dr Pontarini, seulement cinq pour cent des médecins ontariens étaient touchés par la formule relative à la récupération au-delà d’un seuil.

 

[30]         Notre Cour s’est déjà penchée sur la question de la déduction de la récupération du RAMO dans la décision Deep v. The Queen, 2006 DTC 3033, 2006 CCI 315 (confirmée par 2008 DTC 6016, 2007 CAF 366; autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada refusée). À l’instar du Dr Deep avant lui, le DPontarini a tenté de mettre au point son propre mécanisme d’allégement fiscal en ce qui concerne la récupération du RAMO. Le Dr Deep, qui se trouvait dans une situation très semblable à celle du présent contribuable, a déduit la récupération du RAMO en la considérant comme un don à Sa Majesté. Le Dr Pontarini a expliqué qu’il considérait la valeur des services pour lesquels il n’avait pas été payé comme un investissement dans son cabinet et qu’on devait donc considérer ce montant comme une dépense. Le fait qu’il n’a pas abordé sous cet angle les rajustements qu’il a effectués mine la crédibilité de son propre témoignage. Tout comme le Dr Deep était passible de pénalités pour avoir fait de faux énoncés ou des omissions sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, le Dr Pontarini a été tout à fait légitimement condamné à des pénalités pour avoir fait de faux énoncés ou des omissions sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde. Il ne s’agit pas d’un cas limite.

 

[31]         L’approche suivie par le Dr Pontarini au sujet de la récupération du RAMO n’était ni une position adoptée lors de la production de sa déclaration qui n’a pas été retenue ni une autre forme d’erreur d’interprétation pardonnable. J’ai du mal à voir comment une position censément adoptée lors de la production d’une déclaration qui ne figure nulle part sur la déclaration de revenus qui a été produite pourrait constituer une telle position.

 

[32]         Le Dr Pontarini a fait le nécessaire pour recevoir directement des chèques du Dr Kates, un médecin associé de la clinique qui sous-louait une partie des locaux dans lesquels le Dr Pontarini exerçait sa profession. Le Dr Pontarini déposait les chèques en question dans son compte personnel, qui était le compte dont il se servait pour payer sa part des dépenses de bureau chaque mois en fonction des relevés que le commis aux écritures lui soumettait. Les chèques mensuels en question du Dr Kates, qui étaient d’un montant de 3 500 $, n’ont jamais été déclarés à l’ARC ni aux comptables ou au commis aux écritures du cabinet en tant que montants reçus du Dr Kates qui auraient dû être ajoutés aux revenus locatifs du Dr Pontarini ou de sa compagnie ou qui auraient dû servir à réduire sa part des dépenses de bureau. À la différence des paiements semblables reçus du laboratoire médical qui louait des locaux dans la clinique et de ceux du médecin qui remplaçait le Dr Pontarini pendant la suspension de ce dernier, les sommes reçues du Dr Kates n’ont pas été versées directement au commis aux écritures de la clinique pour être créditées en tant que paiements devant servir à acquitter la part des dépenses de la clinique que le DPontarini devait assumer. Je conclus que le Dr Pontarini a pris ces dispositions pour pouvoir omettre de déclarer ce revenu. Les montants de plus de 40 000 $ par année que le Dr Kates a payés arrivent au deuxième rang des revenus les plus sous‑estimés ou des dépenses les plus surévaluées dont il est question dans les nouvelles cotisations.

 

[33]         Aucune raison n’a été donnée pour expliquer pourquoi les dispositions prises avec le Dr Kates n’étaient pas documentées, ni pourquoi ses chèques étaient faits à l’ordre du Dr Pontarini et étaient déposés dans le compte de ce dernier. Aucune explication n’a été offerte pour justifier pourquoi les chèques n’ont pas été payés au commis aux écritures ni portés à son attention, et aucun élément de preuve n’a été présenté pour expliquer pourquoi ces chèques n’ont pas été traités de la même façon que le loyer payé par le laboratoire ou encore comme les sommes versées par le médecin qui remplaçait le Dr Pontarini.

 

[34]         La déduction, en une seule année, de la somme de 24 000 $ en intérêts sur la dette de 75 000 $ qu’il avait contractée auprès de Dominion Roof pour la toiture de sa maison, et qui était garantie par hypothèque sur sa participation dans l’immeuble où se trouvait sa clinique, était tout à fait déraisonnable. Je n’accepte pas qu’il ait cru que, comme le remboursement de sa dette était garanti par la participation qu’il détenait dans son cabinet, on avait pour autant affaire à une dépense d’entreprise, pas plus que je n’accepte qu’il a déduit la même année le montant total d’intérêts accumulés au cours des ans pour des raisons qui n’ont rien à voir avec les rajustements à la récupération du RAMO qu’il cherchait à faire.

 

[35]         Je trouve également peu crédibles pratiquement toutes les explications que le Dr Pontarini a données au sujet de ses autres catégories de dépenses surévaluées. Les exemples sur lesquels il revenait sans cesse ─ son téléphone personnel, son télécopieur et son photocopieur ─ ne pouvaient lui coûter qu’une fraction de ce qu’il a déclaré comme dépenses personnelles pour sa clinique.

 

[36]         Mes conclusions au sujet de la crédibilité du Dr Pontarini ajoutées à celles que j’ai déjà tirées en ce qui concerne les montants considérablement surévalués ou sous-évalués de récupération du RAMO, les sommes payées par le Dr Kates et les dépenses personnelles surévaluées de la clinique influencent ma perception de la preuve présentée au sujet de la totalité des autres dépenses commerciales surévaluées qui ont fait l’objet des nouvelles cotisations, telles que la voiture et le bureau à domicile, dont le montant a été considérablement réduit aux termes du consentement partiel au jugement. Je conclus que c’est également à juste titre que toutes ses autres dépenses excessives ou fictives qui ont été refusées ont donné lieu à des pénalités.

 

[37]         On peut également discerner l’intention du Dr Pontarini de l’ensemble de son comportement. Il a procédé à des rajustements d’année en année dans une volonté de mieux en mieux dissimuler les rajustements à la récupération du RAMO et il a retravaillé ses ébauches avant de les soumettre à son comptable. Les dépenses qu’il a déclarées représentaient en moyenne environ 85 pour 100 de ses revenus bruts déclarés, qu’il avait déjà rajustés à la baisse. Ce sont là d’autres éléments de preuve qui démontrent qu’il a agi sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde. Pire encore, le fait que les revenus professionnels nets qu’il déclarait chaque année ne couvraient pas, ou couvraient à peine, la proportion des cinq sixièmes des dépenses relatives à sa maison qu’il avait signalées à son comptable et qui ne se rapportaient pas au cabinet qu’il avait chez lui confirme aussi qu’il a surévalué ses dépenses ou sous-estimé ses revenus sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde.

 

[38]         Le Dr Pontarini était à l’époque en proie à un stress considérable en raison de diverses situations qui dépendaient de lui, d’autrui ou de son état de santé. Il a toutefois réussi à se concentrer suffisamment pour continuer à exercer sa profession de médecin. De même, il a réussi à se concentrer suffisamment pour réparer ses relations familiales. Je conclus que le Dr Pontarini a non seulement choisi de ne pas accorder la même attention et la même diligence à ses obligations fiscales, mais qu’il a sciemment sous-évalué les revenus qu’il a déclarés et surestimé ses dépenses et qu’il doit maintenant répondre de ses actes.

 

[39]         Les pénalités qui ont été imposées ne doivent être réduites que pour refléter les nouvelles cotisations qui devront être établies pour se conformer au consentement partiel au jugement. Tous les autres rajustements qui ont fait l’objet de nouvelles cotisations sont à juste titre passibles de pénalités. L’appel est accueilli dans cette seule mesure. Le Dr Pontarini est condamné à payer les dépens à Sa Majesté.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour d’août 2009.

 

 

 

« Patrick Boyle »

Juge Boyle

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 2e jour de novembre 2009.

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


RÉFÉRENCE :                                  2009 CCI 395

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2007-769(IT)G

 

INTITULÉ :                                       Dr GALDINO Pontarini c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Les 15, 16 et 17 juillet 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Patrick Boyle

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 10 août 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

Me Douglas D. Langley

 

 

Pour l’intimée :

Me Bobby J. Sood

Me Amit Ummat

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                      Me Douglas D. Langley

                                                         

                          Cabinet :                  Wilson Vukelich s.r.l.

                                                          Markham (Ontario)

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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