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Dossier : 2008-2566(EI)

ENTRE :

NAOMI KINDEN,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

[traduction française officielle]

 

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 16 juin 2009, à Gander (Terre‑Neuve‑et‑Labrador).

 

Devant : L’honorable juge B. Paris

 

Comparutions :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle‑même

 

Avocate de l’intimé :

Me Jill Chisholm

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel interjeté en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi ») est rejeté, et la décision prise par le ministre du Revenu national à l’égard de l’appel porté devant lui en vertu de l’article 91 de la Loi pour la période allant du 10 septembre 2007 au 20 novembre 2007 est confirmée.

 

 

 

Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique), ce 5e jour d’août 2009.

 

 

 

« B. Paris »

Juge Paris

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 5e jour d’octobre 2009.

 

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.


 

 

 

 

Référence : 2009 CCI 387

Date : 20090805

Dossier : 2008-2566(EI)

ENTRE :

NAOMI KINDEN,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

[traduction française officielle]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Paris

 

[1]              Le présent appel a été interjeté à l’égard d’une décision prise par le ministre du Revenu national (le « ministre »), décision selon laquelle le travail fait par Cory Kinden pendant la période allant du 10 septembre 2007 au 30 novembre 2007 pour l’appelante, sa grand‑mère, ne constituait pas un emploi assurable au sens de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi »).

 

[2]              Le ministre a conclu qu’il existait un lien de dépendance entre l’appelante et M. Kinden, et donc, qu’en application de l’alinéa 5(2)i) de la Loi, le travail fait par M. Kinden pour l’appelante ne constituait pas un emploi assurable. Cette disposition est ainsi rédigée :

 

5(2) N’est pas un emploi assurable :

 

            […]

 

i) l’emploi dans le cadre duquel l’employeur et l’employé ont entre eux un lien de dépendance.

 

[3]              De plus, les alinéas 5(3)a) et b) de la Loi prévoient ce qui suit :

 

5(3) Pour l’application de l’alinéa (2)i) :

 

a) la question de savoir si des personnes ont entre elles un lien de dépendance est déterminée conformément à la Loi de l’impôt sur le revenu;

 

b) l’employeur et l’employé, lorsqu’ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu’il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, qu’ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance.

 

[4]              En l’espèce, il n’a pas été remis en cause que l’appelante et M. Kinden étaient des personnes liées aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu. La seule question en litige est celle de savoir si le ministre a pris une décision raisonnable en concluant que l’appelante et M. Kinden n’auraient pas conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance.

 

[5]              Lorsqu’une décision prise par le ministre en application de l’alinéa 5(3)b) de la Loi est portée en appel, le rôle de la Cour consiste à vérifier l’existence et l’exactitude des faits sur lesquels le ministre s’est fondé, à examiner tous les faits mis en preuve devant elle, notamment tout nouveau fait, et à décider ensuite si la décision du ministre est raisonnable (voir Porter c. Le ministre du Revenu national, 2005 CCI 364).

 

[6]              Les hypothèses de fait sur lesquelles le ministre s’est fondé pour prendre sa décision sont exposées au paragraphe 5 de la réponse à l’avis d’appel, qui est ainsi rédigé :

 

a)         l’appelante exploite une entreprise de location de logements;

 

b)         l’appelante est propriétaire d’un immeuble d’habitation comptant onze logements et de cinq autres logements locatifs situés dans d’autres immeubles;

 

c)         l’appelante est la grand‑mère du travailleur;

 

d)         pendant la période visée par l’appel, le travailleur a prétendument travaillé pour l’appelante cinq jours par semaine, dix heures par jour;

 

e)         pendant la période visée par l’appel, l’appelante versait un salaire horaire de 10 $ au travailleur;

 

f)          l’appelante payait le travailleur chaque semaine, par chèque;

 

g)         au moins un des chèques de paye faits au travailleur par l’appelante a été déposé dans le compte bancaire de l’appelante;

 

h)         le travailleur a été engagé pour faire des travaux de réparation et d’entretien, notamment pour peinturer des logements, des balcons d’appartements et des boiseries et moulures entourant des portes et fenêtres, pour nettoyer des tapis et pour poser du revêtement de sol stratifié (ensemble, les « tâches »);

 

i)          à l’exception des travaux de peinture extérieure, le travailleur pouvait accomplir les tâches en toute saison;

 

j)          l’appelante n’a pas acheté de peinture d’extérieur pendant la période visée par l’appel;

 

k)         les fournitures nécessaires à l’accomplissement des tâches ont été achetées à divers moments entre janvier et août 2007;

 

l)          l’appelante n’a engagé aucun autre employé pour accomplir les tâches ou des tâches similaires avant, pendant ou après la période visée par l’appel;

 

m)        des travaux de peinture extérieure ont été faits en avril, mai et juin 2007;

 

n)         la période visée par l’appel a commencé le lundi suivant la fin de la période visée par la demande d’assurance‑emploi précédente du travailleur (la « demande précédente »);

 

o)         le travailleur a accompli les tâches pour l’appelante avant, pendant et après la période visée par l’appel;

 

p)         le travailleur a accompli les tâches pour l’appelante pendant qu’il recevait des prestations d’assurance‑emploi en application de la demande précédente;

 

q)         le travailleur a reçu un chèque de 500 $ de l’appelante (le « chèque »), daté du 19 décembre 2007, et dont le champ « note » porte la mention « C Labour »;

 

r)          le chèque n’a pas été consigné dans les documents de paye de l’appelante.

 

[7]              L’appelante a admis les faits exposés aux alinéas 5a) à h), j) à l), q) et r) de la réponse à l’avis d’appel.

 

[8]              Bien que l’appelante a témoigné n’avoir engagé personne d’autre avant ou après la période visée par l’appel pour faire des tâches semblables à celles qui ont été accomplies par M. Kinden, elle a dit que son époux et son fils avaient fait certains travaux pour elle sans être rémunérés. Elle s’est souvenue que son époux avait peut‑être peinturé des meubles de jardin en avril 2007, et qu’il avait peut‑être fait des travaux de peinture extérieure aux logements en mai et juin 2007. L’appelante a affirmé catégoriquement que, hors de la période visée par l’appel, M. Kinden avait seulement fait quelques petits travaux pour elle et qu’il n’avait pas travaillé pour elle pendant qu’il recevait des prestations d’assurance‑emploi.

 

[9]              L’appelante a dit ne pas savoir si M. Kinden avait commencé à travailler pour elle immédiatement après la fin de la période visée par la demande d’assurance‑emploi précédente de ce dernier, mais un témoin de l’Agence du revenu du Canada, l’agent des appels chargé du dossier de M. Kinden, est venu confirmer que c’était bien le cas. La période visée par la demande d’assurance‑emploi précédente de M. Kinden avait pris fin le 8 septembre 2007.

 

[10]         À l’audience, l’appelante a insisté pour dire que le paiement de 500 $ dont il est fait état à l’alinéa 5q) de la réponse à l’avis d’appel avait servi à rémunérer M. Kinden pour le travail qu’il avait fait en décorant les immeubles de l’appelante pour Noël et en décorant les arbres de Noël de certains locataires. L’appelante a dit que ces tâches‑là s’apparentaient plutôt à du travail occasionnel et qu’elle ne les avait donc pas consignées dans ses documents de paye.

 

[11]         La justesse de la position de l’intimé repose en grande partie sur la question de savoir si, avant ou après la période visée par l’appel, l’appelante avait engagé quelqu’un d’autre pour accomplir des tâches semblables à celles faites par M. Kinden. L’intimé soutient que comme l’appelante n’avait engagé personne d’autre avant ou après la période visée par l’appel, elle n’avait pas besoin d’engager M. Kinden pour travailler 50 heures par semaine entre le 10 septembre et le 30 novembre 2007, et que l’appelante l’avait seulement fait à cause du lien de dépendance qui existait entre elle et M. Kinden.

 

[12]         Bien que l’appelante ait reconnu n’avoir payé personne pour faire les mêmes tâches que M. Kinden avant ou après la période visée par l’appel, elle a dit que le travail avait été fait par son époux ou par son fils, selon leur disponibilité. L’appelante a dit que son époux avait travaillé à temps partiel jusqu’en août 2007, et qu’il avait donc pu s’occuper des travaux de peinture et de réparations des logements jusqu’à ce moment‑là. L’appelante a dit qu’elle n’avait pas payé son époux pour ce travail parce qu’il faisait partie de sa famille.

 

[13]         Même si je prêtais foi au témoignage de l’appelante voulant que, jusqu’en août 2007, son époux accomplissait les tâches qui ont ensuite été faites par M. Kinden, je ne suis pas convaincu que l’époux de l’appelante consacrait vraiment 50 heures par semaine à ces tâches. En fait, l’appelante n’a jamais affirmé que c’était le cas. Elle a plutôt dit que la charge de travail relative aux logements était plus importante pendant l’été et l’automne que pendant le reste de l’année. Il semble donc que cela vienne appuyer la position de l’intimé, car les tâches devant être faites pendant l’été ont été accomplies par l’époux de l’appelante alors qu’il travaillait déjà à temps partiel. De plus, compte tenu de l’ensemble de la preuve, il ne semble pas que la charge de travail relative aux logements ait beaucoup augmenté entre le 10 septembre et la fin de novembre 2007.

 

[14]         Selon l’appelante, le nettoyage des tapis et les travaux de peinture intérieure des logements étaient faits quand un locataire déménageait, ce qui, selon ses souvenirs, n’est arrivé que deux fois pendant la période où M. Kinden travaillait pour elle. De plus, M. Kinden a dit qu’il avait seulement travaillé dans l’immeuble comportant onze logements, et n’avait travaillé dans aucun des cinq autres logements appartenant à l’appelante.

 

[15]         D’après les reçus d’achat de matériaux de construction présentés par l’appelante, cette dernière aurait acheté six gallons de peinture et 30,5 pieds carrés de revêtement de sol stratifié (15 boîtes contenant chacune 20,1 pieds carrés). La quantité de matériaux achetée ne donne pas à penser, contrairement à ce que l’appelante et M. Kinden ont affirmé dans leur témoignage, que des travaux importants de peinture et de pose de revêtement de sol ont été faits pendant la période de trois mois en cause. L’appelante a affirmé avoir acheté des matériaux de construction d’avance pour les travaux faits en septembre par M. Kinden, mais aucune preuve corroborante n’a été présentée, et, compte tenu des achats faits par l’appelante en août 2007, la version des faits de l’appelante semble peu probable. Si l’appelante avait déjà acheté les matériaux de construction utilisés en septembre, elle n’aurait pas eu à en acheter d’autres en août.

 

[16]         Je ne suis pas convaincu que l’appelante a choisi de retarder l’exécution de travaux d’entretien nécessaires jusqu’à l’automne afin de permettre à M. Kinden de les faire. D’après la liste des achats faits par l’appelante pendant l’année (pièce A‑3), il semble que l’appelante ait acheté des matériaux de construction de façon fréquente, tout au long de 2007, ce qui donne à penser que des travaux ont été exécutés tout au long de l’année.

 

[17]         J’ai aussi remarqué que l’appelante n’a présenté aucun élément de preuve pour établir qu’elle avait engagé quelqu’un pour travailler pendant l’automne 2008, période qui, selon l’appelante, aurait été la plus occupée, avec l’été, pour les travaux d’entretien.

 

[18]         À plusieurs égards, le témoignage de l’appelante à l’audience ne concordait pas avec les réponses qu’elle avait données dans un formulaire de l’ARC qui portait sur le travail de M. Kinden. Il en va de même pour le témoignage fourni par M. Kinden à l’audience par rapport aux réponses qu’il avait données dans le questionnaire. L’appelante avait d’abord affirmé que M. Kinden avait fait des travaux de peinture intérieure et extérieure, nettoyé des tapis et posé du revêtement de sol stratifié. Dans le questionnaire, M. Kinden avait seulement dit avoir fait de la peinture et réparé du tapis. À l’audience, l’appelante et M. Kinden ont rajouté à la liste de tâches en indiquant qu’il posait du revêtement de sol, enlevait et remplaçait les électroménagers défectueux, tondait la pelouse, rangeait les meubles de jardin, remplaçait des chauffe‑eau et supervisait les locataires ayant des besoins particuliers.

 

[19]         Tout cela me donne l’impression que lorsqu’il a témoigné, M. Kinden a exagéré la charge de travail qu’il avait accomplie. Par exemple, il a dit que le nettoyage des tapis prenait de trois à quatre jours par logement. Il a aussi dit avoir remplacé les tapis dans huit ou neuf logements. Je crois qu’il voulait dire que du revêtement de sol stratifié avait été posé pour remplacer le tapis, mais il semble que l’appelante avait seulement acheté 300 pieds carrés de revêtement de sol. L’appelante n’a pas mentionné avoir fait poser du nouveau tapis, et aucun reçu pour l’achat de tapis n’a été présenté. L’allégation voulant que les tapis avaient été remplacés dans huit ou neuf des onze logements de l’immeuble où M. Kinden travaillait me paraît elle aussi peu plausible, car ces travaux auraient grandement dérangé les locataires; de tels travaux auraient probablement été faits après le départ d’un locataire.

 

[20]         Le témoignage de M. Kinden et celui de l’appelante au sujet de la supervision des locataires ayant des besoins particuliers ne concordaient pas eux non plus. L’appelante a dit qu’il était nécessaire de superviser certains locataires et qu’elle s’occupait normalement de cette tâche, mais elle a précisé que M. Kinden le faisait pour elle quand elle devait s’absenter. De son côté, M. Kinden a affirmé qu’il supervisait ces locataires pendant qu’il s’occupait des autres tâches, mais que la supervision ne faisait pas vraiment partie de son travail.

 

[21]         D’autres parties du témoignage de l’appelante jettent un doute sur sa crédibilité. Pendant que l’agent des appels de l’ARC faisait l’examen de la demande de révision de la décision du ministre, il a demandé à l’appelante de fournir des documents relatifs à l’emploi de M. Kinden. L’agent des appels a témoigné que du liquide correcteur avait été appliqué à l’un des chèques annulés, daté du 19 décembre 2007, qui avaient été faits à M. Kinden. Le liquide correcteur avait servi à cacher la mention « C Labour » qui avait été inscrite sur le chèque. L’agent des appels a remarqué que la mention « C Labour » figurait aussi sur certains des chèques de paye que M. Kinden avait reçus de l’appelante (voir pièce A‑1). L’appelante avait d’abord dit à l’agent des appels qu’elle avait dû faire une erreur en libellant le chèque, mais elle lui a ensuite dit qu’elle avait sûrement engagé M. Kinden. À l’audience, l’appelante a affirmé ne pas se souvenir d’avoir appliqué du correcteur liquide au chèque, et elle a dit que M. Kinden avait fait quelques travaux de décorations pour Noël pour elle, et que le chèque était une sorte de prime de Noël. L’appelante a aussi affirmé que la mention « C Labour » n’apparaissait pas sur les chèques de paye ordinaires de M. Kinden, mais les chèques de paye annulés de M. Kinden pour les deux dernières périodes de paye portaient la même mention (voir pièce A‑1).

 

[22]         Compte tenu de l’ensemble de la preuve, je conclus que l’appelante n’a pas su démontrer que le ministre n’avait pas pris une décision raisonnable au sujet de circonstances liées à l’emploi de M. Kinden. Il semble que le travail pour lequel M. Kinden a été rémunéré à raison de 50 heures par semaine avait auparavant été accompli par l’époux de l’appelante, qui avait déjà un autre emploi à temps partiel. J’ai conclu que c’est parce que M. Kinden est son petit‑fils que l’appelante avait accepté de le rémunérer de cette façon‑là. D’ailleurs, l’appelante a elle‑même reconnu qu’elle avait engagé M. Kinden parce qu’il cherchait du travail et qu’elle se sentait obligée de lui fournir un emploi.

 

[23]         Pour les motifs exposés ci‑dessus, l’appel est rejeté.

 

 

 

Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique), ce 5e jour d’août 2009.

 

 

 

« B. Paris »

Juge Paris

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 5e jour d’octobre 2009.

 

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.



RÉFÉRENCE :

2009 CCI 387

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2008-2566(EI)

 

INTITULÉ :

Naomi Kinden et

Le ministre du Revenu national

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Gander (Terre‑Neuve‑et‑Labrador)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 16 juin 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge B. Paris

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 5 août 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

 

Avocate de l’intimé :

Me Jill Chisholm

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

Pour l’appelante :

 

Nom :

 

 

Cabinet :

 

 

Pour l’intimé :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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