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Dossier : 2003-4006(IT)G

ENTRE :

HERON BAY INVESTMENTS LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu les 25, 26 et 27 février 2009, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L'honorable juge Robert J. Hogan

 

Comparutions :

 

Avocats de l'appelante :

Me William I. Innes

Me Douglas Stewart

Me Brendan Bissell

 

 

Avocats de l'intimée :

Me John Shipley

Me Perry Derksen

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel de la nouvelle cotisation en date du 14 août 2003 concernant l'année d'imposition 1995 de l'appelante est rejeté, avec dépens, pour les motifs ci‑joints.

 


Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de septembre 2009.

 

 

 

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de mars 2010.

 

 

 

 

Erich Klein, réviseur


 

 

 

 

Référence : 2009 CCI 337

Date : 20090908

Dossier : 2003-4006(IT)G

ENTRE :

HERON BAY INVESTMENTS LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge Hogan

 

I.                  Introduction

[1]     Au cours de son exercice 1994, Heron Bay Investments Ltd. (« Heron Bay ») avait prêté de l'argent à une société liée. Pour son année d'imposition 1995, Heron Bay a déduit le prêt en entier à titre de créance douteuse radiée, en vertu du sous‑alinéa 20(1)l)(ii), ou à titre de créance irrécouvrable radiée, en vertu du sous‑alinéa 20(1)p)(ii). Le ministre conteste cette radiation.

 

II.               Les questions à trancher

 

[2]     Les questions à trancher, qui se rapportent à celle de savoir si les trois conditions prescrites aux sous‑alinéas 20(1)l)(ii) ou 20(1)p)(ii) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « LIR ») sont réunies, sont les suivantes :

 

a)    L'activité d'entreprise habituelle de l'appelante consiste‑t‑elle en tout ou en partie à prêter de l'argent?

b)    Le prêt a-t-il été consenti dans le cours normal des activités de l'entreprise de prêt d'argent de l'appelante?

c)    A-t-il été établi que le prêt était une créance douteuse en vertu du sous‑alinéa 20(1)l)(ii) ou une créance irrécouvrable en vertu du sous‑alinéa 20(1)p)(ii)?

 

L'appelante affirme que toutes les conditions sont réunies. Comme on peut s'y attendre, l'intimée allègue le contraire.

 

III.           L'historique

 

A. L'historique et les pratiques commerciales générales du Conservatory Group of Companies

 

[3]     Feu Ted Libfeld était un survivant de l'Holocauste qui a immigré au Canada à la fin de la guerre avec rien de plus que ses effets personnels. Il a établi une agence immobilière fort rentable, initialement avec des associés et ensuite avec ses quatre fils. Depuis 50 ans, le Conservatory Group of Companies s'occupe de promotion immobilière : bâtiments commerciaux, immeubles en copropriété et logements résidentiels, dans la région du Grand Toronto. De plus, par la suite, le Conservatory Group a accordé des hypothèques à des tiers acheteurs dans le cadre de son entreprise immobilière et a investi de grosses sommes provenant de fonds excédentaires dans du papier commercial.

 

[4]     Le Conservatory Group est maintenant dirigé par les quatre fils de Ted : Sheldon, Jay, Mark et Corey.

 

[5]     Heron Bay est l'une des plus anciennes sociétés du Conservatory Group. Les activités commerciales de Heron Bay comprennent l'achat et la promotion ainsi que la vente subséquente de biens immeubles. Heron Bay prête également de l'argent à des entités liées. Elle construit des maisons d'habitation, seule ou en partenariat ou encore au moyen de coentreprises auxquelles participent d'autres sociétés du groupe. Au cours des années d'imposition ici en cause, elle exploitait son entreprise à titre de promoteur et vendeur immobilier, s’occupant de la vente, de la commercialisation et de la conception. Elle a laissé à des tiers constructeurs l’entreprise risquée qu’était la construction d'habitations. Les actions ordinaires de Heron Bay appartiennent à parts égales aux quatre frères. Sheldon Libfeld est, et était au cours des années pertinentes, président et secrétaire de Heron Bay.

 

IV.     L'acquisition de Frost Farm

 

A. Runnymede Development Corporation Ltd.

 

[6]     Runnymede Development Corporation Ltd. (« Runnymede Development ») s'occupe de promotion immobilière dans la région du Grand Toronto.

 

B. Le droit de préemption

 

[7]     Par un protocole d'entente daté du 14 avril 1998, Runnymede Development a accordé à Ted Libfeld en fiducie un droit de préemption à l'égard de terrains à bâtir résidentiels qu’elle pourrait posséder dans l’avenir à Ajax.

 

[8]     Au début des années 1990, Runnymede a annoncé qu'elle était prête à vendre certains terrains connus sous le nom de « Frost Farm », soit les terrains du groupe I et du groupe II. Les acheteurs éventuels, notamment Rosehue Downs Development Inc. et Burlmarie Developments Inc., qui étaient toutes deux membres du Conservatory Group, ont manifesté leur intérêt à l'égard des terrains du groupe I et du groupe II.

 

[9]     Il y avait un désaccord au sujet de l'interprétation du « droit de préemption » détenu par Ted Libfeld en fiducie. M. Libfeld croyait comprendre qu'il détenait un « droit de premier refus », de sorte que Runnymede devait présenter une offre signée, à la suite de quoi il aurait le droit de faire une proposition équivalente et d'acheter les terrains. Runnymede croyait comprendre que cela voulait dire qu'elle pouvait présenter une offre à M. Libfeld pour acceptation dans un délai raisonnable (le « droit de préemption »), et à défaut d’acceptation Runnymede pouvait vendre les terrains au même prix ou à un prix supérieur. Un droit de premier refus aurait pour le Conservatory Group une plus grande valeur qu'un droit de préemption étant donné qu'à long terme, un droit de premier refus aurait pour effet de dissuader les tiers de faire des offres à l'égard des propriétés.

 

[10]    Au cours du différend concernant l'interprétation de l’expression « droit de préemption », Runnymede a présenté des offres à l'avocat de M. Libfeld, qui devait confirmer que ces offres étaient faites par des tiers de bonne foi. Ni M. Libfeld ni Jack Feintuch, vice‑président directeur de Runnymede, ne se rappelaient le résultat du renvoi à l'avocat de M. Libfeld.

 

[11]    Bien que Runnymede ait nié l'existence d'une convention d'achat‑vente ayant force exécutoire à l'égard des terrains du groupe I, M. Libfeld a adopté la position selon laquelle il existait une convention ayant force exécutoire et il a menacé d'intenter une action en justice fondée sur un droit de premier refus.

 

[12]    Sur consentement des deux parties, la question de la portée du droit de préemption et d'autres questions, non connexes, ont été soumises à l'arbitrage. Pour la somme de 5 millions de dollars, Runnymede a obtenu, entre autres choses, une renonciation relativement au droit de préemption de M. Libfeld et au droit connexe de coentreprise. M. Feintuch a témoigné que la renonciation et le paiement des 5 millions de dollars n'avaient rien à voir avec le prix d'achat ou avec la juste valeur marchande des terrains de Frost Farm. La réduction de prix était simplement un mécanisme de paiement des 5 millions de dollars pour la renonciation se rapportant au droit de préemption de M. Libfeld et un mécanisme de règlement d'autres questions, non pertinentes. M. Libfeld a adopté le point de vue contraire et a soutenu que le règlement de 5 millions de dollars se rapportait en partie à une réduction du prix d'achat de Frost Farm. M. Libfeld estimait qu'ils avaient versé un prix trop élevé pour Frost Farm.

 

[13]    Les membres suivants du Conservatory Group ont signé des ententes pour  l'achat des terrains de Frost Farm à Runnymede :

 

•   147 terrains à bâtir, pour 11 764 000 $, par Rosehue Downs Developments Inc., au moyen d'une entente signée les 10 et 12 août 1994;

•   142 terrains à bâtir, pour 12 202 800 $, par Burlmarie Developments Inc., au moyen d'une entente signée les 10 et 12 août 1994.

 

[14]    Les opérations ont été structurées à l'aide d'une convention d'achat‑vente détaillée. Aux termes d'une telle convention, le titre n'est transmis qu'au moment de la vente à l’éventuel propriétaire de maison et au moment où le paiement est effectué, terrain par terrain. Ce n'est qu'alors que le titre de propriété afférent au terrain, détenu par Runnymede, serait enregistré directement au nom du propriétaire. Lorsqu'un acompte est versé pour la propriété, aucune garantie n'est donnée pour les fonds avancés. Le promoteur qui verse l'acompte obtient uniquement le droit de construire et de mettre les terrains en valeur.

 

[15]    En même temps que se déroulaient les opérations susmentionnées, Marlo Developments Inc. (« Marlo »), un autre membre du Conservatory Group, agissait à titre de fiduciaire pour la coentreprise Marlo dans laquelle Viewmark Homes Ltd. (« Viewmark Homes ») détient une part de 95 p. 100, alors que Shellfran Investments Ltd. détient la part restante de 5 p. 100. Marlo a convenu d'acheter :

 

•   147 terrains à bâtir, pour 12 000 000 $, à Rosehue Downs Development Inc. au moyen d'une entente datée du 10 août 1994;

•   142 terrains à bâtir, pour 12 500 000 $, à Burlmarie Developments Inc., au moyen d'une entente datée du 10 août 1994.

 

[16]    Heron Bay a prêté à Viewmark Homes une somme de 3 770 000 $ en tout provenant d'investissements qu'elle avait faits dans d'autres coentreprises immobilières [c'est‑à‑dire Viewmark Homes Ltd. (fiduciaire)] au cours des mois d'octobre et de novembre 1994. Ce prêt devait permettre à Marlo d’acquérir la propriété pour le compte de la coentreprise. Les 3 770 000 $ représentaient près de 100 p. 100 de l'acompte nécessaire aux fins de l'acquisition par endettement des terrains de Frost Farm de Burlmarie et de Rosehue. Les deux propriétés qui ont été achetées sont composées en tout de 289 terrains à bâtir (la « propriété »).

 

[17]    Par une entente datée du 30 novembre 1994, Heron Bay a confirmé certaines avances s'élevant à 3 770 000 $ en tout consenties à Viewmark Homes. La créance de 3 770 000 $ était garantie par un billet en faveur de Heron Bay et par la mise en gage, en faveur de Heron Bay, de la participation de Viewmark Homes dans la coentreprise de Marlo. Les modalités du prêt étaient les suivantes :

 

•   le solde du principal et les intérêts étaient payables sur demande;

•   le prêt ne comportait pas de recours, ce qui veut dire que le seul recours dont disposait Heron Bay relativement au prêt était un recours à l'égard de la participation de Viewmark Homes dans la propriété (c'est‑à‑dire sa part de 95 p. 100 dans la coentreprise de Marlo);

•   le prêt portait intérêt au taux annuel de 8 p. 100.

 

V.      La position de Heron Bay sur le plan de l'impôt

 

[18]    Dès le mois de novembre 1994, Sheldon Libfeld prétendait qu'il avait été établi que la juste valeur marchande (la « JVM ») de la participation de Viewmark Homes dans la propriété était inférieure à ce que la propriété lui avait coûté. En traitant avec l'évaluateur que l'appelante avait engagé afin d'évaluer les propriétés, Sheldon Libfeld a donné à cet évaluateur des renseignements sur des opérations immobilières à Whitby. Selon les évaluations obtenues à la demande de Heron Bay, la JVM de la propriété au 30 novembre 1994 était d'au plus 17 235 000 $. Cela, et le fait qu'il y avait sur la propriété des charges s'élevant en tout à 20 636 000 $, qui avaient priorité sur la créance de Heron Bay, a amené Heron Bay à conclure que la valeur du prêt était nulle. Il importe de noter que cela s'est produit peu de temps après que les fonds eurent été avancés.

 

[19]    Dans le calcul de son impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1995, l'appelante a déduit de son revenu la totalité du prêt de 3 770 000 $ compte tenu du fait que le prêt était devenu une créance douteuse ou une créance irrécouvrable à ce moment‑là. Aucun rajustement n'a été effectué sur le formulaire T2S(1) aux fins de l'impôt étant donné qu'aux fins comptables, la déduction était inscrite sur l'état des résultats de Heron Bay. Selon Heron Bay, le prêt avait été consenti dans le cours normal des activités de son entreprise, qui consistait en tout ou en partie à prêter de l'argent, soit deux conditions essentielles à remplir pour qu'un contribuable puisse demander une déduction pour une créance douteuse ou une créance irrécouvrable.

 

VI.     La position du ministre

 

[20]    Le ministre soutient que, pendant toute la période pertinente, la principale activité d'entreprise de Heron Bay se rapportait à l'immobilier et que le prêt d'argent ne faisait pas partie intégrante des activités d'entreprise de Heron Bay, mais qu'il faisait simplement partie d'investissements occasionnels de fonds excédentaires, en général sous la forme de dépôts à terme.

 

[21]    Le ministre soutient également que le prêt consenti par Heron Bay n'avait pas été consenti dans le cours normal de quelque entreprise de prêt d'argent et ne cadrait pas avec les opérations entre personnes liées effectuées par Heron Bay. Bref, Heron Bay avait uniquement consenti deux prêts sans recours et avait demandé une déduction au titre d'une créance douteuse ou d'une créance irrécouvrable à l'égard de chacun de ces deux prêts.

 

[22]    Enfin, le ministre soutient que la preuve ne montre pas que le prêt était une créance douteuse ou une créance irrécouvrable.

 

VII.   Les frais de changement de zonage

 

[23]    Heron Bay a engagé des frais de 89 799 $ aux fins du changement du zonage d'un terrain de stationnement se trouvant sur sa propriété située 90, rue Dundas Ouest, à Toronto, de façon à permettre la construction d'un immeuble en copropriété. Heron Bay a traité la partie de cette propriété qu’occupait le terrain de stationnement comme figurant à son inventaire. Heron Bay affirme, toutefois, que les logements en copropriété n'ont pas été vendus, à cause d'une baisse du marché des immeubles en copropriété. Par conséquent, Heron Bay a fait évaluer la propriété et, en se fondant sur l'évaluation, elle a conclu que la JVM attribuable au terrain de stationnement était inférieure au prix d'achat qu’elle avait payé pour le terrain de stationnement. Heron Bay n'a pas augmenté la valeur de la partie de la propriété de la rue Dundas qu'elle considérait comme figurant à son inventaire du montant des frais engagés aux fins du changement de zonage, mais elle a déduit les 89 799 $ dans le calcul de son revenu pour son année d'imposition 1995. Heron Bay soutient que déduire ainsi cette dépense a le même effet que d’inscrire cette somme à son inventaire et d’effectuer ensuite une déduction conformément au paragraphe 10(1) de la LIR, étant donné que la juste valeur marchande de cet élément de l'inventaire était inférieure à son coût.

 

[24]    Le ministre fait valoir qu'aucune preuve n'a été fournie pour établir la baisse de valeur et il soutient que le terrain de stationnement ne figurait pas à l'inventaire de Heron Bay et que, par conséquent, rien ne justifiait que Heron Bay réduise la valeur des biens figurant à son inventaire en vertu du paragraphe 10(1) de la LIR. Le ministre prétend que les frais de changement de zonage constituaient plutôt une dépense au titre du capital puisqu'il s'agissait d'une dépense unique visant à faire exister un actif conférant un avantage permanent et durable, et que l'alinéa 18(1)b) de la LIR interdit donc la déduction de cette dépense.

 

VIII.  Analyse

 

[25]    L'alinéa 20(1)l) de la LIR, tel qu'il s'applique à l'année d'imposition 1995 de Heron Bay, est libellé comme suit :

 

20.(1) Malgré les alinéas 18(1)a), b) et h), sont déductibles dans le calcul du revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien pour une année d'imposition celles des sommes suivantes qui se rapportent entièrement à cette source de revenus ou la partie des sommes suivantes qu'il est raisonnable de considérer comme s'y rapportant :

 

[...]

 

l) la provision égale au total des montants suivants :

 

(i) un montant raisonnable au titre des créances douteuses incluses dans le calcul du revenu du contribuable pour l'année ou pour une année d'imposition antérieure,

 

(ii) si le contribuable est une institution financière au sens du paragraphe 142.2(1) au cours de l'année ou si son activité d'entreprise habituelle consiste en tout ou en partie à prêter de l'argent, un montant au titre de biens (sauf des biens évalués à la valeur du marché, au sens de ce paragraphe) qui sont des prêts ou des titres de crédit douteux soit que le contribuable a consentis ou acquis dans le cours normal des activités de son entreprise d'assurance ou de prêt d'argent, soit qui comptent parmi ses titres de créance déterminés au sens de ce paragraphe, égal au total des montants suivants :

 

(A) le montant de provision prescrit pour le contribuable pour l'année,

 

(B) en ce qui concerne les prêts et titres de crédit douteux pour lesquels un montant n'a pas été déduit en application de la division (A) pour l'année – appelés « prêts » à la présente    division –, le moins élevé des montants suivants :

 

(I) un montant raisonnable à titre de provision pour prêts, correspondant au coût amorti des prêts pour le contribuable à la fin de l'année,

 

(II) le produit de la multiplication du total des montants suivants par le résultat de un moins le taux de recouvrement prescrit :

 

1. la partie de la provision pour prêts déclarée dans les états financiers du contribuable pour l'année qui correspond au coût amorti des prêts pour le contribuable à la fin de l'année,

 

2. le total des montants inclus en application du paragraphe 12(3) ou de l'alinéa 142.3(1)a) dans le calcul du revenu du contribuable pour l'année et pour les années d'imposition antérieures, dans la mesure où ces montants réduisent la partie de provision visée à la sous‑subdivision 1;

 

 toute provision que le contribuable demande et qui est inférieure à ce montant doit être égale au total d'un pourcentage du montant calculé a la division (A) et du même pourcentage du montant calculé à la division (B); »

 

 

[Je souligne.]

 

[26]    Le sous‑alinéa 20(1)l)(i) ne s'applique pas au présent appel. Il autorise la déduction d'une provision raisonnable au titre de créances douteuses incluses dans le calcul du revenu. Le prêt consenti à Viewmark Homes provenait de fonds après impôt et Heron Bay ne l'a pas inclus dans la détermination de son revenu.

 

[27]    Le sous-alinéa 20(1)l)ii) est pertinent en l'espèce. La partie de cette disposition qui nous intéresse s'applique aux prêts ou aux titres de crédit douteux d'un contribuable dont l'activité d'entreprise habituelle consiste en tout ou en partie à prêter de l'argent lorsqu'un tel prêt douteux a été consenti ou acquis dans le cours normal des activités de son entreprise de prêt d'argent.

 

[28]    La division 20(1)l)(ii)(A) s'applique uniquement à certains types de prêts consentis par des banques et elle n'est pas applicable dans le présent appel. La division 20(1)l)(ii)(B) prévoit une provision générale et elle est pertinente en l'espèce. Cette provision est égale au moindre du montant d'une provision raisonnable au titre de prêts douteux et du montant de la provision qui est inscrit dans les états financiers. L'appelante se fonde sur la division 20(1)l)(ii)(B) pour demander une déduction pour le prêt consenti à Viewmark Homes. Elle soutient que le prêt était douteux à la fin de son année d'imposition 1995 et qu'il satisfait à toutes les conditions susmentionnées.

 

[29]    L'appelante se fonde également sur l'alinéa 20(1)p). Cette disposition permet au contribuable de déduire le plein montant d'un prêt qui a été consenti lorsque :

 

a)     l'activité d'entreprise habituelle du contribuable consiste en tout ou en partie à prêter de l'argent;

b)    le contribuable a consenti le prêt dans le cours normal des activités de son entreprise de prêt d'argent;

c)    il a été établi par le contribuable que le prêt était devenu irrécouvrable au cours de l'année.

 

[30]    Les conditions énoncées à a) et à b) ci‑dessus sont identiques à celles qui sont énoncées à l'alinéa 20(1)l). La condition énoncée à c) ci‑dessus est différente. L'alinéa 20(1)l) exige uniquement qu'il soit établi que la créance est douteuse. Selon l'alinéa 20(1)p), la créance doit être devenue irrécouvrable au cours de l'année. Il s'agit là, de toute évidence, d'une norme plus stricte. Si l'appelante ne réussit pas à établir que le prêt qu'elle a consenti à Viewmark Homes satisfait aux deux conditions énoncées à l'alinéa 20(1)l), qui sont identiques à celles de l'alinéa 20(1)p), elle ne réussira pas non plus à établir que les conditions de l'alinéa 20(1)p) ont été remplies. Lors de l'audience, Me Innes, l'avocat de l'appelante, a axé ses arguments sur l'alinéa 20(1)l), reconnaissant que, sur les deux dispositions, c’était celui-là qui permettait de justifier le plus facilement la déduction par l'appelante du prêt consenti à Viewmark Homes.

 

A.   L'activité d'entreprise habituelle consiste-t-elle en tout ou en partie à prêter de l'argent?

 

[31]    Le ministre soutient que Heron Bay n'exploite pas une entreprise de prêt d'argent. Il affirme que, même si Heron Bay consentait des prêts, elle n'agissait pas comme bailleur de fonds au sens habituellement attribué à ce terme, étant donné qu'elle ne cherchait pas du tout à tirer un bénéfice des prêts qu'elle consentait, et ce, parce qu'elle n'exigeait pas d'intérêts ou qu'elle ne prenait pas de mesures d'exécution à l'égard de la créance[1].

 

[32]    La question de savoir s'il existe une entreprise de prêt d'argent est une question de fait. S'il peut être démontré, après qu'il a été tenu compte des faits de l'affaire dans leur ensemble, qu'il y a dans une certaine mesure, dans les opérations, un système et une continuité, l'existence d'une entreprise de prêt d'argent sera établie.

 

[33]    On trouve dans la décision Orban v. M.N.R., 54 DTC 148 (C.A.I.R.), où M. Fordham a cité, aux pages 149 et 150, d'anciennes décisions anglaises portant sur le prêt d'argent, de la jurisprudence établissant le critère susmentionné :

 

[traduction]

 

[...] Dans l'arrêt Litchfield v. Dreyfus, (1906) 1 K.B. 584, le juge Farwell a dit, à la page 589 :

 

Toutefois, les hommes qui prêtent de l'argent à intérêt n'exploitent pas tous une entreprise de prêt d'argent. En règle générale, un homme qui exploite une entreprise de prêt d'argent est quelqu'un qui est disposé à prêter à tout le monde, pourvu que ces personnes soient, de son point de vue, admissibles [...] il s'agit d'une question qui doit être tranchée en fonction des faits de chaque cas.

 

            [...] le juge Walton a dit, dans la décision Newton v. Pyke, (1908) T.L.R. 127, à la page 128 :

 

La question de savoir si un homme exploitait une entreprise à titre de bailleur de fonds doit, comme on l'a fait remarquer dans l'arrêt Litchfield v. Dreyfus, être tranchée en fonction des faits de chaque cas. Il semble impossible d'établir une définition ou une description qui serait très utile, mais je crois qu'il ne serait pas suffisant de simplement démontrer qu'une personne a en différentes occasions prêté de l'argent à des taux d'intérêt rémunérateurs; il doit y avoir dans une certaine mesure un système et une continuité dans les opérations.

 

            Dans la décision Nash v. Layton, (1911) 2 Ch. 71, à la page 82, le lord juge Buckley a dit :

 

Pour répondre à la question de savoir si un homme est un bailleur de fonds, il faut examiner s'il a accompli une telle succession d'actes que, selon les faits qu’on a prouvés en établissant que ces actes ont été commis, la Cour en arrive à la conclusion que, du point de vue du droit, son cas est compris dans la définition d'un bailleur de fonds [...]

[Je souligne.]

 

[34]    Il est vrai que, dans ces trois décisions, c'était l'effet de la Money‑lenders Act, 1900 de la Grande-Bretagne qui était examiné, mais dans chacune d'elles, le tribunal concerné avait en outre à se pencher sur la question du prêt d'argent en général.

 

[35]    Dans la décision R.S. Jackson Promotions Ltd. c. M.R.N., 83-1040(IT), 30 janvier 1985, 85 DTC 145 (C.C.I.), le juge Sarchuk a ajouté la remarque suivante, à la page 149 :

 

La présence ou l'absence d'un des facteurs cités plus haut ne suffit pas en soi à démontrer que l'appelante n'exploitait pas une entreprise de prêts, mais la preuve prise dans son ensemble porte la Cour à conclure qu'il en est effectivement ainsi. [...]

[Je souligne.]

           

[36]    En outre, la Cour d'appel fédérale a dit ce qui suit, dans la note de bas de page 2 de l'arrêt Loman Warehousing Ltd. c. Canada, [2000] A.C.F. no 1717 (QL) :

 

[...] l'entreprise de prêt d'argent, en vertu de la Loi, s'étend non seulement à une entreprise qui prête de l'argent à tous ceux qui sont admissibles au sens habituel du terme (voir Litchfield v. Dreyfus (1906) 1 K.B. 584, à la page 589), mais comprend aussi une entreprise qui prête de l'argent sur une base régulière et continue au fil des ans à un groupe restreint d'emprunteurs moyennant une contrepartie entre personnes sans lien de dépendance. [...]

[Je souligne.]

 

[37]    Le ministre soutient qu'il ne suffit pas d'avoir un revenu d’intérêts pour prouver l'existence d'une entreprise de prêt d'argent. Il prétend que celui qui reçoit des intérêts provenant d'hypothèques associées à la vente de biens-fonds n'exploite pas une entreprise à titre de bailleur de fonds. Il reçoit plutôt le paiement du prix d'achat impayé du bien-fonds[2]. En outre, le ministre soutient que l'activité de prêt ne vise pas à permettre de faire un profit parce qu'elle comporte un certain nombre d'opérations entre personnes liées dans lesquelles l'appelante emprunte de l'argent à 15 p. 100 et prête de l'argent à un taux inférieur, par exemple à 8 p. 100[3].

 

[38]    En ce qui concerne le premier argument, il m'est difficile de retenir l'idée selon laquelle le fait de recevoir des intérêts se rapporte uniquement au prix d'achat impayé du bien-fonds. Recevoir des paiements au titre des intérêts à l'égard des hypothèques associées à la vente du bien-fonds implique qu'un prêt a été consenti à l'acheteur afin de l'aider à conclure l'achat. Le prêt est une opération distincte de la vente. Par conséquent, lorsque des paiements à valoir sur le prix d'achat d'une maison sont effectués, les intérêts sont exigés sur la partie du prêt qui n'est pas remboursée.

 

[39]    En ce qui concerne le second argument invoqué par le ministre, il a été soutenu que Heron Bay n'agissait pas comme le ferait un bailleur de fonds typique étant donné qu'elle ne prêtait pas d'argent en vue de faire un profit, puisqu'elle empruntait de l'argent à 15 p. 100, mais consentait des prêts pour lesquels elle demandait un pourcentage moins élevé. Cela suppose que le bailleur de fonds typique emprunterait de l'argent à un taux plus faible et le prêterait à un taux plus élevé, de sorte qu'il ferait un profit sous la forme d'un revenu d’intérêts correspondant à l'écart entre les deux taux. Cela est généralement vrai, mais il est utile de souligner que le taux de 15 p. 100 auquel Heron Bay empruntait des fonds se rapportait à des prêts d'actionnaires[4]. Il importe également de noter qu'une entreprise peut consentir des prêts en se servant des bénéfices non répartis de l'entreprise.

 

[40]    Quant à la preuve figurant dans les états financiers, on peut observer que le revenu d’intérêts est divisé en plusieurs composantes dans l'état non consolidé des résultats[5] :

 

Source des intérêts gagnés

Fin de l'exercice : 31 août 96

% des intérêts totaux

Fin de l'exercice :

31 août 95

% des intérêts totaux

Hypothèque

54 571

5,9 %

64 607

6,1 %

Dépôts à terme et bons du Trésor

55 885

6,0 %

64 576

6,1 %

Prêts non remboursés

822 040

88,1 %

933 029

87,8 %

Intérêts totaux

932 496

100 %

1 062 212

100 %

 

[41]    Ce tableau montre clairement que, pour les exercices qui ont pris fin le 31 août 1995 et 1996, le revenu d’intérêts tiré d’hypothèques et de prêts non remboursés constituait une partie importante du revenu d’intérêts reçu. Des explications sont données au sujet des intérêts sur les prêts non remboursés dans les notes 4 et 5 des états financiers, qui traitent des intérêts gagnés sur des prêts consentis à des personnes liées[6].

 

[42]    M. Libfeld a déclaré que l'on utilisait des fonds internes pour effectuer des prêts à l'intérieur du groupe au lieu d'avoir recours à un financement bancaire[7]. Les fonds étaient prêtés afin d'aider d'autres entités à couvrir de temps en temps, au besoin, les frais de construction ou les besoins en argent[8]. Par la suite, lorsque des fonds excédentaires deviennent disponibles, ils sont utilisés pour rembourser Heron Bay[9]. À compter de l'année 1992, des intérêts étaient normalement exigés sur tous les prêts[10]. En outre, certains éléments de preuve ont été produits qui montraient l'histoire de nombreuses opérations de prêt conclues avec des particuliers et avec des personnes liées. Cette preuve révélait notamment les montants prêtés, les taux d'intérêt exigés sur différentes périodes, les paiements effectués et les soldes impayés[11]. Avec les résultats indiqués dans l'état des résultats, tous ces facteurs étayent l'idée selon laquelle il est possible de tirer un profit de tels prêts en gagnant un revenu d’intérêts. Il y avait peut-être quelques prêts ne portant pas intérêt[12], mais les taux d'intérêt et le moment où les intérêts sont payés constituent en fait des conditions du prêt qui est négocié entre les parties. Il reste que des prêts sont communément consentis par Heron Bay. Par conséquent, après avoir tenu compte des facteurs susmentionnés, il est possible de dire qu'il y a dans une certaine mesure un système et une continuité dans les opérations en question. Cela est semblable à la situation qui existait dans l'affaire Langhammer c. Canada, [2000] A.C.I. no 828 (QL), 2001 DTC 45 (C.C.I.), où le juge Rip (tel était alors son titre) a conclu que des prêts avaient été consentis afin de gagner un revenu d’intérêts par opposition à un revenu tiré de biens. Le juge Rip a conclu que la continuité ou le système dans les activités de prêt étaient établis parce que les prêts avaient été consentis pour des périodes précises (soit, dans ce cas‑là, une période d'au plus trois ans) et que le prêteur suivait de près les échéances des versements d'intérêts et les soldes impayés.

 

[43]    Dans l'affaire Saltzman v. M.N.R., 64 DTC 259 (C.A.I.), M. Saltzman avait fourni de l'argent à un cabinet d'avocats qui consentait des prêts hypothécaires pour son compte. Après avoir reçu les intérêts, M. Saltzman demandait la déduction d’une provision pour créances douteuses du même montant. Me Davis, c.r., a conclu que M. Saltzman n'exploitait pas une entreprise de prêt d'argent parce qu'il n'y avait pas de continuité ni de système dans ses prêts d’argent. M. Saltzman fournissait simplement l'argent; il ne savait pas qui étaient les emprunteurs ni quelles étaient la nature et les conditions exactes des hypothèques et ignorait si de l'argent lui avait été remboursé; de plus, il ne savait pas trop comment son argent avait été investi, ce qui n'est pas du tout le cas de Heron Bay.

 

[44]    Que les prêts soient consentis à des personnes liées ou non, rien n'empêche Heron Bay d'être un bailleur de fonds. Dans l'affaire 576315 Alberta Ltd. c. Canada, [2001] A.C.I. no 510 (QL), la société contribuable avait consenti deux prêts à deux sociétés différentes. Le premier prêt, de 1,7 million de dollars, visait à permettre le financement de quatre restaurants, alors que le second prêt, de 325 000 $, devait permettre à un débiteur de payer ses factures. Le ministre a soutenu que le contribuable n'avait pas établi une activité systématique et continue de prêt d'argent, qu'il ne percevait pas toujours d'intérêts sur les prêts, qu'il ne se présentait pas au public comme un prêteur et qu'il avait consenti un certain nombre de prêts à des personnes liées ou à des associés d’affaires. Le juge Bonner a néanmoins accueilli l'appel en partie en accordant une déduction pour le premier prêt étant donné que le financement faisait partie de l'entreprise habituelle du contribuable et que le prêt faisait partie de cette activité de financement. On peut en déduire que le fait qu'un prêt est consenti à une personne liée n'empêche pas le prêteur d'être un bailleur de fonds.

 

[45]    Dans l'arrêt Rich c. Canada, [2003] A.C.F. no 109 (QL), 2003 DTC 5115 (C.A.F.) (ci‑après « Rich »), le juge Rothstein a dit, au paragraphe 16, qu'une relation de dépendance peut justifier un examen plus attentif qu'une relation sans lien de dépendance, mais que l'existence d'une relation de dépendance ne permet pas à elle seule de conclure que le créancier n'a pas agi honnêtement et raisonnablement en décidant que la créance était irrécouvrable.

 

[46]    Je conclus que Heron Bay exploite une entreprise de prêt d'argent parce que consentir des prêts fait partie intégrante de son entreprise et, comme il a ci‑dessus été établi, qu'il y avait à la fois un système et une continuité dans cette activité de prêts. Par conséquent, l'objet des prêts ne consistait pas simplement à investir des fonds excédentaires d'une façon occasionnelle. Les facteurs indiquant l'existence d'une entreprise de prêt d'argent l'emportent de beaucoup sur tout facteur indiquant le contraire.

 

B.    Le prêt a-t-il été consenti dans le cours normal des activités de l'entreprise?

 

[47]    En déterminant le traitement de la déduction ici en cause, il faut ensuite se demander si Heron Bay a accordé le prêt à Viewmark Homes dans le cours normal des activités de son entreprise. En tant que partie intégrante du système du Conservatory Group, Heron Bay prêtait de l'argent à des personnes liées et elle le faisait plutôt régulièrement. À première vue, on pourrait être tenté de conclure que, parce que le prêt consenti à Viewmark Homes était imputable au revenu, il s'ensuit que ce prêt a été consenti dans le cours normal des activités de prêt d'argent de l'appelante. À mon avis, une telle approche confondrait le critère qu’il convient d’appliquer pour établir les faits relativement à la première condition et la recherche des faits à laquelle il faut procéder afin de trancher la deuxième question. En ajoutant le mot « normal » à la deuxième condition, à savoir celle selon laquelle le prêt doit avoir été consenti « dans le cours normal des activités de [l']entreprise [...] de prêt d'argent » du contribuable, le législateur a indiqué que le contribuable doit démontrer non seulement que le prêt a été consenti dans le cours des activités de son entreprise, mais aussi qu'il a été consenti dans le cours ordinaire ou habituel (« normal ») des activités de son entreprise de prêt d'argent. À mon avis, le fait que le prêt consenti à Viewmark Homes était sans recours fait de ce prêt une opération exceptionnelle comparativement aux autres types de prêts que l'appelante consent communément.

 

[48]    L'argument avancé par Heron Bay sur ce point est fondé sur la « normalité » du prêt en question. Heron Bay affirme que le prêt a été consenti dans le cadre de son plan global de réalisation de profits et qu'il s'agissait d'un type de contrat de prêt qu'elle concluait de façon habituelle. Elle affirme également que ce prêt était fondé sur les considérations commerciales normales qui la motivaient quand elle faisait des prêts.

 

[49]    Pour qu’un prêt ne satisfasse pas à ce critère, il faudrait qu’il soit extraordinaire ou exceptionnel d’une manière bien distincte et qu’il soit différent des activités quotidiennes de l'entreprise comme telle. Il faudrait que le prêt apparaisse comme irrégulier ou anormal en quelque sorte.

 

[50]    Cela vaut la peine de souligner au départ que l'alinéa 20(1)l) ne parle pas du « cours normal de l'entreprise », mais du « cours normal des activités de [l]'entreprise [...] de prêt d'argent ». J'examinerai donc l'entreprise de Heron Bay et les types de prêts que celle‑ci consent habituellement afin de déterminer si le prêt qu'elle a consenti à Viewmark Homes a été consenti dans le cours normal des activités de son entreprise.

 

[51]    Un point de départ utile aux fins de l'analyse consiste à délimiter le sens et la portée du membre de phrase « dans le cours normal des activités de [l']entreprise » du contribuable. Ce membre de phrase figure dans d'autres dispositions de la LIR, et il a également été examiné par les tribunaux dans différents contextes.

 

[52]    L'activité qui est exercée dans « le cours normal des activités de [l']entreprise » comporte une idée de répétition et de continuité[13]. Les facteurs que l'on prend en considération en faisant une distinction entre les opérations imputables au capital et les opérations imputables au revenu sont utiles, mais ils ne sont pas nécessairement déterminants[14]. En outre, [traduction] « [i]l est de droit constant qu'il existe une présomption réfutable selon laquelle le revenu tiré des activités auxquelles une société se livre dans les limites de ses objets ou de sa loi habilitante constitue un revenu d'entreprise »[15]. Cependant, cela ne veut pas dire pour autant que tout ce qui est fait par une société en vertu de ses objets ou de sa loi habilitante est fait dans le cours normal des activités d'une entreprise ou dans le cours normal des activités de l'entreprise de cette société [traduction] « du simple fait que le législateur a employé le mot " normal ". L'ajout du mot " normal " à l'expression " dans le cours des activités de l'entreprise " doit avoir été fait parce que le législateur songeait à des opérations particulières plutôt qu'à n'importe quelle activité à laquelle la société se livre dans le cadre de son entreprise »[16]. 

 

[53]    Le juge Rip (tel était alors son titre), a examiné le membre de phrase en question dans la décision British Columbia Telephone Company c. Canada, [1986] A.C.I. no 339 (QL), 86 DTC 1286 (C.C.I.), dans le contexte de l'ancien alinéa 20(1)gg), qui portait sur les déductions pour inventaire. À la page 1290, le juge Rip a fait les remarques suivantes, en se fondant sur des décisions étrangères :

 

Dans une affaire de faillite portée devant la Haute Cour d'[Australie], le Juge Rich a écrit que pour considérer qu'une opération a lieu dans le cours normal des affaires, il faut que (traduction) "selon la succession habituelle des opérations d'une entreprise, il y ait un cours, un cours normal. Cela veut dire que l'opération doit faire partie des affaires habituelles de l'entreprise telle qu'elle est exploitée, n'exiger aucune attention et ne découler d'aucune situation particulière" : Downs Distributing Co. Pty. Ltd. v. Associated Blue Star Stores Pty. Ltd. (en liquidation) (1948), 76 C.L.R. 463, page 477. Le juge Street, de la Cour suprême de la Nouvelle‑Galles du Sud, a déclaré que (traduction) "l'opération doit être l'une des activités quotidiennes normales de l'entreprise, ne présenter aucune caractéristique inhabituelle ou spéciale et être de telle sorte qu'on pourrait raisonnablement s'attendre à ce qu'un gestionnaire soit autorisé à l'exécuter de sa propre initiative, sans en parler avant à ses supérieurs (par exemple, à son conseil d'administration) et sans leur en rendre compte après." (Re Bradford Roofing Industries Pty. Ltd. (1966) 84 W.N. (Pt. 1) N.S.W.) 276, page 285. [...]

[Je souligne.]

 

[54]    L'analyse qui est faite dans la décision Highfield Corporation Ltd. c. M.R.N., C.R.I. 80-681, 4 novembre 1982, à la page 21, 82 DTC 1835, à la page 1843, du membre de phrase « dans le cours normal des affaires » du contribuable, dans le contexte du prêt d'argent, va dans le même sens :

 

[. . .] Puisque le fait de consentir un prêt équivaut à prêter de l'argent, il me semble qu'un prêt effectué dans le « cours normal des affaires » serait considéré comme faisant partie de l'"entreprise habituelle" du contribuable. Serait exclu un prêt tenu pour extraordinaire ou qui se détacherait nettement des opérations quotidiennes de l'entreprise comme telle. Il s'agirait alors d'une transaction singulière, anormale en quelque sorte. Les critères de fréquence et de similitude des  « prêts » sont peut‑être soumis à une limite en deçà de laquelle des prêts ne seraient pas compris dans l'entreprise habituelle d'un contribuable. Toutefois, je n'ai pas, aux fins du présent appel, à situer cette « limite ». Comme Highfield a adopté des règles de conduite strictes en matière de placement et les a scrupuleusement observées, les prêts en litige doivent être considérés comme tout à fait « normaux ». […]

[Je souligne.]

 

[55]    Le membre de phrase « dans le cours normal des activités de son entreprise » comprend [traduction] « l'amalgame des activités quotidiennes que la direction du contribuable exerce avec régularité et avec un certain degré de fréquence dans la conduite des affaires du contribuable, par opposition aux opérations isolées effectuées d'une façon peu fréquente, notamment les acquisitions ou dispositions importantes d’actifs, qui constituent des événements exceptionnels »[17].  

 

[56]    [traduction]  « [L’]approche qu'il convient d'adopter à l'égard de l'interprétation devrait être une approche dans laquelle il est tenu compte des caractéristiques précises et de l'exploitation passée de l'entreprise particulière qui comprenait une opération contestée »[18]. À l'appui de cette approche, il y a l'arrêt Royal Bank v. Tower Aircraft Hardware (1991), 3 CBR (3d) 60 (B.R. Alb.), dans lequel le tribunal a conclu que la nature d'avances consenties par le passé aux actionnaires était pertinente lorsqu'il s'agissait de déterminer si une avance subséquente en faveur d'un actionnaire avait été consentie dans le cours normal des activités de l'entreprise. De même, dans l'arrêt Can. Commercial Bank, etc. (1986), 49 Alta. L.R. (2d) 58 (B.R. Alb.), page 62, le tribunal a pris en considération [traduction] « ce qui est normal eu égard aux circonstances dans leur ensemble » en délimitant la portée de la notion du cours normal des affaires. Ces deux décisions démontrent que les tribunaux tiennent compte de la relation précise existant entre les parties afin de déterminer si une opération contestée a été conclue dans le cours normal des activités de l'entreprise[19].

 

[57]    Dans la décision Industrial Investments Ltd. c. M.R.N., 73 DTC 118 (C.R.I.), la société appelante avait prêté de l'argent à une société affiliée. Aucune sûreté réelle ni aucune autre garantie n'avait été obtenue et aucuns intérêts n'étaient exigés. Les actionnaires ont déclaré que l'on avait procédé ainsi parce qu'ils contrôlaient la société américaine et que l'argent devait être remboursé dès qu'il y aurait suffisamment de fonds provenant des activités commerciales de cette société. La Commission a conclu que le prêt n'avait pas été consenti par l’appelante « dans le cours ordinaire des affaires » et qu'il s’agissait davantage d’un service rendu à un associé ou d'un investissement de capitaux[20].

 

[58]    Compte tenu de ce qui précède, la détermination de ce qui est compris dans la portée du mot « normal », dans le contexte d'une entreprise en général ou dans le contexte de l'entreprise du contribuable en particulier, devient une question fortement axée sur les faits. [traduction] « Dans les décisions faisant autorité, il est généralement reconnu que l'expression [« dans le cours normal des activités de [l']entreprise »] ne peut pas être définie d'une façon précise dans l'abstrait et que l'interprétation qu'il convient de lui donner dépend des faits propres à chaque affaire »[21]. Dans l'arrêt Robitaille c. American Biltrite (Canada), [1985] 1 R.C.S. 290, à la page 291, la Cour suprême du Canada, dans une affaire en matière de droit de la faillite, a dit qu'« [i]l est préférable de considérer les circonstances de chaque cas et de tenir compte du genre d'affaires que font le débiteur et le créancier » en déterminant ce qui constitue le cours normal des activités de l'entreprise du contribuable.

 

[59]    La Cour suprême a approuvé le passage suivant tiré de la décision rendue à la majorité par la Cour d'appel du Québec dans l'affaire Pacific Mobile Corp. (In re): American Biltrite (Canada) Ltée c. Robitaille, [1982] C.A. 501, à la page 506 :

 

Il ressort de ces autorités, me semble-t-il, que, d'une part, la notion qui nous concerne est une notion abstraite et que, d'autre part, les Tribunaux ont pour mission d'apprécier les circonstances propres à chaque espèce afin de déterminer la qualification d'une transaction donnée. C'est, en somme, le va‑et‑vient perpétuel entre le droit et le fait.

                        

[60]    Certaines déclarations de tribunaux dont il a ci‑dessus été fait mention se rapportaient à des dispositions de la LIR qui ne s'appliquent pas en l'espèce ou à des dispositions d'autres lois. Toutefois, cela ne rend pas nécessairement inapplicables les conclusions des tribunaux concernant ces dispositions. Il est entendu que les rédacteurs de lois se conforment au principe de l'uniformité d’expression, de façon que chaque terme n'ait qu'un seul sens[22]. Par conséquent, les mêmes mots figurant dans une loi doivent se voir attribuer le même sens.

 

[traduction]

 

[S]elon un principe fondamental d'interprétation des lois, lorsque des termes identiques sont employés dans une loi, il faut leur attribuer le même sens.

 

Dans la décision Ainsworth Lumber Co. c. Canada[23], la cour examinait la question de savoir comment il fallait interpréter les termes employés dans la Loi; elle a adopté le commentaire suivant :

 

[D]ans la troisième édition de Driedger on the Construction of Statutes, page 163, [...] il est dit ce qui suit :

 

On présume que le législateur s’exprime avec soin et d'une manière uniforme, de sorte que, dans une loi ou un autre texte législatif, les mêmes termes ont le même sens.

 

[...]

      

Dans l'arrêt R. c. Zeolkowski, [1989] 1 R.C.S. 1378, 1387, (1989), 61 D.L.R. (4th) 725, p. 732 (C.S.C.), le juge Sopinka a dit:

 

Donner aux mêmes mots le même sens dans l'ensemble d'une loi est un principe de base en matière d'interprétation des lois.

 

Dans Driedger, il est dit à la page 475 :

 

On présume que, dans l'établissement d'un texte législatif, le législateur est au courant de la jurisprudence existante et qu’il en tient compte en rédigeant les dispositions de ce texte. Lorsque des termes ont été interprétés dans une décision ou une série de décisions comme ayant un sens particulier et qu'ils sont ensuite utilisés dans un texte législatif, l’inférence évidente est que le législateur entendait que ces termes aient la signification ainsi établie.[24]

 

[61]    La notion de « cours normal » a également été examinée, dans le contexte des actions privilégiées à terme, par rapport aux dispositions refusant aux institutions financières déterminées la déduction pour dividendes intersociétés. L'exception à ces dispositions permet la déduction de dividendes intersociétés dans le cas d'actions privilégiées à terme acquises en dehors du « cours normal des activités de [l']entreprise » du contribuable.

 

[62]    La décision Société d’investissement Desjardins c. M.R.N., 91 DTC 393 (ang.), 91 DTC 373 (fr.) (C.C.I.), est la seule décision publiée dans laquelle le membre de phrase « cours normal de l'entreprise », telle qu'il est utilisé au paragraphe 112(2.1) de la LIR, est examiné. Dans cette affaire‑là, l'appelante, qui était une filiale d'une institution financière (et qui était donc une institution financière désignée pour l'application de ce paragraphe), avait été constituée en vue d'investir dans des entreprises du Québec. Dans le cadre d'une réorganisation visant à faire acquérir aux employés un plus grand nombre d'actions, l'appelante avait converti certaines débentures de la société Sico en une catégorie distincte d'actions. Peu de temps après, la moitié de ces actions ont été rachetées, donnant lieu à un dividende réputé que l'appelante a déduit conformément au paragraphe 112(1) de la LIR. Le ministre a refusé la déduction en vertu du paragraphe 112(2.1) de la LIR. L'appelante a reconnu que les actions en question étaient des actions privilégiées à terme, mais elle a soutenu que le paragraphe 112(2.1) ne s'appliquait pas étant donné que les actions n'avaient pas été acquises dans le cours normal des activités de son entreprise.

 

[63]    La Cour a accueilli l'appel. Elle en est arrivée à deux conclusions. En premier lieu, la Cour a conclu qu'en déterminant si une action privilégiée à terme a été acquise dans le cours normal de l'entreprise exploitée par une institution financière désignée, il faut examiner toutes les circonstances de l'acquisition. À cet égard, il a été conclu que l'acquisition par l'appelante des actions particulières n'avait pas eu lieu dans le cours normal des activités de son entreprise d'investissement, mais qu'elle avait plutôt eu lieu uniquement par suite de pressions externes qui étaient exercées pour qu'elle procède à la réorganisation.

 

[64]    En second lieu, l'acquisition n'avait pas eu lieu dans le cours normal des activités de l'entreprise de l'appelante parce que le fait que les actions particulières étaient détenues à court terme n'était pas conforme à la politique générale d'investissement de l'appelante, laquelle consistait à effectuer des investissements à moyen et à long terme. À cet égard, la Cour a adopté une interprétation stricte du cours normal des activités de l'entreprise du contribuable, restreignant la portée de cette notion aux activités que le contribuable accomplissait habituellement. Au lieu de conclure que le contribuable effectuait des investissements dans le cours normal des activités de son entreprise, ou même qu'elle investissait dans des entreprises du Québec, la Cour a attribué à la notion une portée encore plus restreinte en concluant que c’étaient des investissements à moyen et à long terme que le contribuable effectuait dans le cours normal des activités de son entreprise.

 

[65]    L'objet de la condition concernant le « cours normal » des activités me semble clair dans le contexte des règles relatives aux actions privilégiées à terme et des dispositions qui sont ici en cause. Dans le contexte des règles applicables aux actions privilégiées à terme, une institution financière déterminée (l'« IFD ») pouvait bénéficier, à l'égard des dividendes intersociétés, d'une déduction qui serait par ailleurs refusée à l'égard de dividendes reçus sur des « actions privilégiées à terme ». Pour être admissible à ce traitement, l'IFD doit établir que les actions n'ont pas été acquises dans le cours normal des activités de son entreprise.

 

[66]    Une IFD peut exercer des activités de prêt d'argent à des tiers. Dans ce contexte, elle pourrait souscrire des actions privilégiées qui sont fondamentalement identiques à une dette non garantie émise par son client. L'interdiction figurant au paragraphe 112(2.1) s'appliquerait alors de manière que soit refusée une déduction pour des dividendes intersociétés versés sur de telles actions et le dividende versé sur les actions serait imposé à peu près de la même façon que les intérêts l'auraient été si les fonds avaient plutôt été prêtés. Par contre, si la même institution financière voulait capitaliser une filiale au moyen d'un investissement dans des actions privilégiées pour une raison autre que son objet commercial général de prêt d'argent ou d'investissement dans des actions de tiers, les actions pourraient ne pas être acquises dans le « cours normal des activités de son entreprise », ce qui rendrait possible une déduction au titre d'un dividende intersociétés. Pour bénéficier de l'exception, l'IFD doit démontrer que l'investissement dans les actions privilégiées de sa filiale est différent des opérations qu'elle conclut avec des tiers dans le cadre des activités générales de son entreprise.

 

[67]    La condition relative au « cours normal » des activités figurant aux alinéas 20(1)l) et p) s'applique d'une façon un peu différente. Contrairement à ce qui se produit dans le cas des actions privilégiées à terme, pour lesquelles la condition s'applique en tant qu'exception à la règle générale qui refuse la déduction des dividendes versés sur des actions privilégiées, les conditions, dans ce cas‑ci, doivent être remplies pour qu'une provision ou une déduction pour créance douteuse ou pour créance irrécouvrable puisse être accordée.

 

[68]    Ces dispositions reconnaissent que, bien que l'entreprise habituelle du contribuable puisse comprendre des activités de prêt d'argent, un prêt peut dans certains cas être consenti en dehors du cours normal des activités de l'entreprise du contribuable tout en étant une opération imputable au revenu plutôt qu'au capital.

 

[69]    Je passe maintenant à l'application des lignes directrices et principes d'interprétation énoncés ci-dessus aux faits de la présente affaire. Heron Bay agissait à titre de « banquier » des sociétés membres du Conservatory Group[25]. Un contribuable peut être bailleur de fonds ou prêter de l'argent dans le cadre de ses activités normales et pourtant consentir des prêts sans que cela se fasse dans le cours normal des activités de son entreprise. Heron Bay prêtait régulièrement aux sociétés membres du Conservatory Group de l'argent provenant de ses bénéfices non répartis, souvent à des conditions non commerciales, mais pareils prêts n'étaient pas normalement consentis sans qu'il y ait de recours. La société appelante a apparemment consenti et obtenu des centaines de prêts entre les années 1988 et 1995[26]. Toutefois, seulement deux de ces prêts[27] consentis par Heron Bay étaient sans recours, à savoir le prêt qui est ici en litige et un autre prêt consenti à Shellfran Investments, une société membre du Conservatory Group. En fin de compte, les deux prêts ont été radiés à titre de créances douteuses ou de créances irrécouvrables par suite d'une évaluation obtenue par Heron Bay. C'est ce que révèle la suite de questions et de réponses tirées du contre‑interrogatoire de M. Libfeld qui est reproduite ci‑dessous (page 135 de la transcription de l'audience, à partir de la ligne 9) :

 

[traduction]

 

Q. [...] Si vous vous reportez à l'onglet 23 du même recueil de documents, vous verrez un billet de Shelfran Investments.

R.  Oui.

Q.  Et il s'agissait d'un billet sans recours?

R.  Oui.

Q.  Si nous nous reportons à chaque billet que vous avez produit dans ces volumes, il s'agit du seul autre billet sans recours. Vous comprenez?

R.  Oui.

Q.  Dans ce cas‑ci, le contribuable a encore une fois obtenu une évaluation, et il a encore une fois demandé la déduction d'une créance irrécouvrable à l'égard de cette opération particulière, n'est‑ce pas, Monsieur Libfeld?

R.  Si vous le dites. [...]

Q. Vous compreniez, je vous le dis, qu'il y avait un avantage à réduire la valeur de votre inventaire, à reporter l'imposition à l'égard de la société emprunteuse, et à déduire une créance irrécouvrable dans le cas de la société prêteuse.

Et vous pouviez atteindre ces deux objectifs en utilisant un billet sans recours.

Vous le compreniez, n'est-ce pas, Monsieur Libfeld?

R. Oui. 

 

[70]    Les réponses que M. Libfeld a données aux questions ci-dessus sont révélatrices lorsqu'elles sont examinées dans le contexte de son témoignage dans son ensemble. M. Libfeld a témoigné qu’il croyait que Runnymede ne respectait pas les conditions de l'opération qui avait été négociée avec son feu père. À son avis, le Conservatory Group détenait un droit de premier refus plutôt qu'un droit de préemption. Un droit de premier refus avait plus de valeur pour le Conservatory Group étant donné qu’un droit de premier refus obligeait Runnymede à solliciter des offres véritables de tiers. Le Conservatory Group aurait la possibilité d'examiner les offres en décidant d'exercer ou non son droit de premier refus. Bref, étant donné que Runnymede fondait ses actes sur le fait que son obligation résultait de l'octroi d'un droit de préemption, M. Libfeld pensait que le groupe avait peut‑être été placé dans une situation où il avait payé trop cher la propriété.

 

[71]    Dans ce contexte, il n'est pas déraisonnable de croire que les opérations de financement entre personnes liées étaient structurées de façon à permettre une double déduction si le Conservatory Group devait mettre le bien-fonds en valeur et, ce faisant, subir une perte. M. Libfeld reconnaît être au courant des aspects fiscaux des opérations. En premier lieu, les coentrepreneurs, en leur qualité de propriétaires du bien-fonds, ont le droit d'en réduire la valeur jusqu'à la juste valeur marchande et de demander la déduction d'une perte d'entreprise, à supposer qu'ils puissent démontrer que le bien-fonds a diminué de valeur. En second lieu, en faisant du prêt que Heron Bay avait consenti à Viewmark Homes un prêt sans recours, Heron Bay augmentait ses chances de pouvoir demander une provision pour créance douteuse étant donné qu'elle n'aurait pas accès aux autres actifs et investissements de Viewmark Homes.

 

[72]    Comme il en a ci‑dessus été fait mention, M. Libfeld n'a pas réussi à me convaincre que c’était à des fins commerciales qu’on a fait du prêt un prêt sans recours. Aucun des autres prêts entre personnes liées que Heron Bay avait consentis ne comportait cette restriction, sauf l'autre prêt, consenti à Shellfran Investments, à l'égard duquel une déduction pour créance douteuse a été également demandée.

 

[73]    Selon moi, le simple fait que le Conservatory Group pouvait bénéficier d'une double déduction n'est pas particulièrement odieux. Heron Bay aurait droit à une déduction, à condition de remplir toutes les conditions énoncées aux alinéas 20(1)l) ou p), ce que, à mon avis, elle n’a pas fait. En l'espèce, les conditions précises et les aspects précis de la créance sans recours en font une créance extraordinaire qui ne fait pas partie du cours normal des activités de l'entreprise de Heron Bay. Cela, ainsi que la relation de dépendance existant entre Heron Bay et Viewmark Homes, auquel vient s'ajouter le fait que Heron Bay a radié les deux prêts sans recours à titre de créances irrécouvrables ou de créances douteuses, me fait penser qu'il y avait quelque chose qui se passait, quelque chose qui ne faisait pas partie du cours normal des activités de l'entreprise du contribuable.

 

[74]    Au cours du contre‑interrogatoire, M. Libfeld a eu la possibilité d'expliquer le motif sous‑tendant la décision de consentir à Viewmark Homes un prêt sans recours. Il a déclaré ce qui suit, à partir de la ligne 12, page 134 de la transcription de l'audience : [traduction] « [...] pour protéger les intérêts de toutes les sociétés concernées, nous avons consenti un prêt sans recours [...] ». La suite de questions et de réponses suivante, tirée de l'interrogatoire principal de M. Libfeld, à partir de la ligne 6, page 67 de la transcription de l'audience, va dans le même sens : 

 

[traduction]

Q.        Pourriez-vous nous dire quelle garantie, si garantie il y a eu, Heron Bay a obtenue à l'égard de ce prêt?

R.         Heron Bay a pris la part de Viewmark dans Marlo à titre de garantie de ce prêt.

Q.        Y avait-il une autre forme de recours?

R.         Non.

LA COUR :     J'aimerais poser une question au témoin.

Il s’agit ici de sociétés liées. Sans mettre votre jugement en question, pourquoi consentiriez‑vous un prêt sans recours? Quelle différence cela faisait-il, sur le plan des affaires ou au point de vue commercial?

LE TÉMOIN :  Nous voulions protéger les sociétés faisant partie du système.

Il était avantageux de consentir un prêt sans recours, de sorte que s'il se posait un problème pour l'une des autres sociétés, cela ne la toucherait pas.

[...]

LE TÉMOIN :  Le motif d'ordre commercial était d'assurer une protection. S'il arrivait quelque chose, nous ne voulions pas qu’on puisse passer d'une société à l'autre afin de pouvoir obtenir le remboursement du prêt.

Nous ne voulions pas exposer Viewmark à un risque, s'il arrivait quelque chose à Heron Bay.

[...]

LE TÉMOIN : [...] c’est structuré de façon à protéger les intérêts du système, pour ainsi dire, en ce sens qu’on fait en sorte qu'une société ne puisse pas provoquer un effet domino dans tout le reste du système.

 

[75]    Un emprunteur peut demander qu'un prêt soit sans recours pour des motifs commerciaux valables, mais je ne crois pas que l'explication donnée par M. Libfeld – à savoir le désir de mettre les actifs de Viewmark Homes à l'abri de Heron Bay – soit crédible. Heron Bay obtenait souvent des emprunts de sociétés faisant partie du groupe et consentait aussi des prêts, et dans les deux cas le prêteur disposait de tous les moyens de recours[28]. Figurait parmi ces prêts un prêt de plus de 5 millions de dollars consenti par Viewmark Homes à Heron Bay[29]. Il pourrait donc en être déduit que, n’eût été la restriction quant à l'absence de recours énoncée sur le billet, Viewmark Homes aurait été en mesure de payer la dette, c'est‑à‑dire qu'au lieu de prêter de l'argent, Heron Bay aurait pu, à mon avis, rembourser l’emprunt qu'elle avait obtenu. Heron Bay aurait pu compenser un montant par l'autre, n’eût été l'absence de recours en ce qui concerne le prêt consenti à Viewmark Homes.

 

[76]    De plus, la preuve ne semble pas montrer que Runnymede, l'entité à qui était dû le solde du prix d'achat garanti par le bien-fonds, a demandé que le prêt soit consenti sans recours. Il n'existe de plus aucun élément de preuve montrant que les banques qui prêtaient de l'argent au Conservatory Group avaient demandé qu'il en soit ainsi. D'une façon générale, des créanciers non liés peuvent demander que la dette d'une personne liée soit subordonnée, de façon à mieux garantir leurs prêts.

 

[77]    En fin de compte, je conclus qu'il s'agissait d'un prêt extraordinaire et anormal. Il s'écartait des types de prêts que Heron Bay consentait généralement dans le cours des activités de son entreprise. Cela est particulièrement vrai si l'on a présent à l’esprit l'interprétation à donner à la notion de « cours normal » d’après la décision de notre Cour dans l'affaire Société d'investissement Desjardins, précitée. Le prêt ne fait pas partie des affaires habituelles de l'entreprise de Heron Bay. Il est manifestement différent des activités quotidiennes de Heron Bay et de sa pratique consistant à faire des prêts comportant tous les moyens de recours. En l'absence de quelque preuve crédible et convaincante du contraire, je tire une conclusion négative des circonstances qui ont été portées à ma connaissance : à savoir que le prêt consenti était sans recours afin de faciliter une radiation plus rapide.

 

[78]    Compte tenu des autres prêts, avec recours, consentis entre les entités liées et de la déduction presque immédiate pour créance irrécouvrable dans le cas du prêt sans recours, il est difficile d’accepter comme dépeignant d'une façon exacte et réaliste ce qui s'est réellement passé l'assertion selon laquelle l'absence de recours visait à protéger les intérêts de Heron Bay contre les tiers. L'exigence relative au « cours normal », à l'alinéa 20(1)l), sert à interdire une provision pour créance douteuse même dans le cas de personnes pour lesquelles les prêts d'argent font partie intégrante de leur entreprise, à moins que le prêt ne soit consenti dans le cours normal des activités de l'entreprise du contribuable.

 

C. S'agissait-il d'une créance douteuse ou d'une créance irrécouvrable?

 

[79]    Le critère applicable aux créances irrécouvrables et aux créances douteuses a été énoncé dans la décision Coppley Noyes & Randall Ltd. c. Canada (M.R.N.), [1991] A.C.F. no 347 (QL) (C.F. 1re inst.), où la juge Reed a cité le paragraphe 22 du bulletin d'interprétation IT‑442 – Mauvaises créances et provision pour créances douteuses :

 

[...] Pour qu'une créance puisse être classée comme mauvaise, il faut la preuve qu'elle est devenue irrécouvrable. Pour qu'une créance soit incluse dans une provision pour créances douteuses, il suffit qu'il y ait un doute raisonnable au sujet de sa recouvrabilité. [...]

 

[Je souligne.]

 

[80]    La question de savoir à quel moment une créance doit être considérée comme irrécouvrable relève du jugement du contribuable lui-même en sa qualité d'homme d'affaires prudent (Flexi-Coil Ltd. c. Canada., [1995] A.C.I. no 1558 (QL), paragraphe 18, 1995 CarswellNat 1380, [1996] 1 C.T.C. 2941, paragraphe 22).

 

[81]    Par contre, dans le cas des créances douteuses, le mot « douteuses » veut dire qu'il doit y avoir un doute raisonnable quelconque quant à la possibilité de recouvrer le principal de la dette. Il suffit qu'il existe un doute raisonnable quelconque quant à savoir si les paiements seront effectués en temps opportun (Ryan Keey, Carol Klein Beernink et Joscelyn Affonso, dir., Canada Tax Service, vol. 4, Toronto, Thomson Reuters Canada Limited, 2009, à 20‑1406).

 

[82]    Par conséquent, le critère qui s'applique aux créances douteuses semble plus souple que celui qui s’applique aux créances irrécouvrables. Dans la décision Highfield Corporation Ltd., précitée, M. Taylor le confirme en disant ce qui suit (pages 31 et 32 de la traduction officielle, paragraphes 34 et 35 CarswellNat, page 1847 DTC) :

 

[...] en établissant une « provision pour créances douteuses » suivant l'alinéa 20(1)1), un contribuable pourrait, lorsqu'il décide si tel ou tel  montant doit être compris dans la provision, se servir de son expérience des affaires avec beaucoup plus de souplesse que s'il voulait déduire une « mauvaise créance » aux termes de l'alinéa 20(1)p). En soi, l'expression "créance douteuse" veut tout dire : il s'agit d'une créance exigible dont le recouvrement est possible, mais pas assez certain dans l'esprit du contribuable pour que celui‑ci soit disposé à payer un impôt à l'égard de cette créance avant même de s'être assuré qu'il pouvait la recouvrer.

 

En fait, un contribuable peut donc profiter d'un sursis d'une année grâce à l'alinéa 12(1)d) de la Loi, qui lui permet d'inclure la provision dans son revenu de l'année suivante; à ce moment, il aura censément la faculté ou l'obligation de faire un nouvel examen de la situation et d'inclure ou non la créance dans une nouvelle réserve, s'il le juge bon et si la situation le permet. Évidemment, si ses premières craintes à propos du recouvrement de la créance étaient mal fondées et s'il recouvrait la créance entre‑temps, il devrait inclure le montant perçu dans son revenu. Par contre, aux termes de l'alinéa 20(1)p), le contribuable doit établir que le montant à déduire constitue une « mauvaise créance » ou, en termes simples, une créance irrécouvrable. Le contribuable n'a plus aucun espoir raisonnable de recouvrer sa créance et ne lui attache plus aucune valeur concrète (elle n'est plus simplement douteuse) en tant qu'élément d'actif. À mon avis, s'il veut bénéficier d'une telle déduction, il doit apporter des preuves beaucoup plus concluantes que dans le cas de l'alinéa 20(1)1).

[Je souligne.]

 

[83]    Il faut que la décision que la créance était irrécouvrable soit honnête et raisonnable (Rich, précité, paragraphe 28). Une décision raisonnable sera fondée sur un examen contextuel de tous les facteurs qui entrent en ligne de compte dans la situation particulière.

 

[84]    Le juge Rothstein a résumé, au paragraphe 13 de l'arrêt Rich, les facteurs – semblables à ceux qui ont été adoptés dans la décision Hogan v. M.N.R., 56 DTC 183 (C.A.I.R.) – qu'il faut prendre en compte pour établir si une créance est devenue irrécouvrable :

 

1.      l'historique et l'âge de la créance;

2.   la situation financière du débiteur, ses revenus et ses dépenses, gagne‑t‑il un revenu ou essuie‑t‑il des pertes?, sa trésorerie et son actif, son passif et les liquidités dont il dispose;

3.   l’évolution du chiffre d’affaires total par rapport aux années antérieures;

4.   l’encaisse, les comptes clients et autres disponibilités du débiteur à l’époque pertinente et par rapport aux années antérieures;

5.   les comptes fournisseurs et autres exigibilités du débiteur à l’époque pertinente et par rapport aux années antérieures;

6.   les conditions économiques générales ayant cours dans le pays, parmi l’ensemble des débiteurs et dans la branche d’activités du débiteur; et

7.   l’expérience antérieure du contribuable en matière de radiation de créances irrécouvrables.

 

            Cette liste n’est pas limitative et, selon les circonstances, un facteur ou un autre pourra prendre une importance accrue.

 

 

[85]    Au paragraphe 14 de l'arrêt Rich, le juge Rothstein a ajouté ce qui suit :

 

Les perspectives de la société débitrice peuvent présenter un intérêt dans certains cas, mais les considérations premières seraient en général liées au passé ou au présent. S’il est établi qu’un événement se produira probablement dans l’avenir et que cet événement donne à penser que la créance sera recouvrable lorsqu’il surviendra, alors l’événement en question devra être pris en compte. Si les considérations futures ne sont que des conjectures, elles n’interviendront pas lorsqu’on se demandera si une créance exigible est recouvrable.

 

[86]    Le juge Rothstein confirme qu'il n'y a aucun facteur en particulier qui doit absolument être présent pour qu'une créance soit considérée comme irrécouvrable. L'impossibilité de recouvrer une créance est établie par la prise en compte d'un grand nombre de facteurs. L'arrêt Rich porte sur les créances irrécouvrables, mais les facteurs pris en considération pour les créances irrécouvrables s'appliquent également lorsqu'il s'agit d'établir si une créance est douteuse; il s'agit simplement d'adapter ces facteurs afin de tenir compte du fait que, dans le cas des créances douteuses, le critère est moins rigoureux, étant donné qu’il suffit d’un simple doute quant aux possibilités de recouvrer la créance (Bulletin d'interprétation IT‑442R, paragraphes 23 et 24).

 

[87]    Heron Bay soutient que la décision de radier le prêt non remboursé de 3 770 000 $ au cours de son année d'imposition 1995 relève de l'appréciation commerciale et que, cela étant, cette décision ne devrait pas être mise en question étant donné qu'elle a été prise d'une façon honnête et raisonnable[30] compte tenu des faits et de l'évaluation de l'actif à ce moment‑là[31]. Subsidiairement, Heron Bay soutient que la radiation était valide parce que la créance était irrécouvrable[32].

 

[88]    Me penchant d’abord sur la question du caractère douteux, je conviens que le contribuable est généralement celui qui est le mieux placé pour établir si une créance est douteuse. Toutefois, en l'espèce, il y a certaines questions qui se posent à la suite de l’examen des facteurs pertinents.

 

[89]    Voici ce qui ressort de l'application de certains des facteurs énumérés dans l'arrêt Rich, précité.

 

D.      L'historique et l'âge de la créance

 

[90]    L'examen de l'histoire de la créance qui a été radiée montre qu'il s'était écoulé peu de temps entre la date à laquelle le prêt avait été consenti (à la fin de l'exercice 1994) et la date à laquelle Heron Bay l'a radié, au cours de son exercice qui a pris fin le 31 août 1995. Pendant le contre‑interrogatoire, M. Libfeld a confirmé que Heron Bay n'avait jamais demandé à Viewmark Homes de rembourser la totalité ou une partie de la dette[33].

 

[91]    Il importe de noter qu'il n'est pas nécessaire pour un créancier d'épuiser tous les moyens possibles de recouvrement. Tout ce qu'il faut, c'est une appréciation honnête et raisonnable (Rich, précité, paragraphe 15). Néanmoins, compte tenu du fait que Viewmark Homes appartient à Heron Bay, les deux entités avaient entre elles un lien de dépendance et, par conséquent, il y a lieu d’examiner la radiation de plus près. Comme le juge Rothstein l'a dit au paragraphe 16 de l'arrêt Rich :

 

 [...] Une relation de dépendance pourra justifier un examen plus attentif qu'une relation sans lien de dépendance. Mais l'existence d'une relation de dépendance ne permet pas à elle seule, sans plus, d'affirmer que le créancier n'a pas décidé honnêtement et avec raison que la créance était irrécouvrable.

 

[92]    Les facteurs additionnels qui suivent révéleront pourquoi un examen plus attentif est justifié en l'espèce.

 

E.      La situation financière du débiteur

 

[93]    Rien n'indiquait que Viewmark Homes éprouvait des difficultés financières. À titre d’exemple, Viewmark Homes disposait de fonds suffisants pour prêter une grosse somme d'argent à Heron Bay. Le ministre a soutenu que le bilan pour l'exercice ayant pris fin le 31 août 1995 faisait état d’un prêt de 4 055 765 $ consenti par Viewmark Homes à Heron Bay au cours de l'exercice[34]. Un autre exemple montre que Viewmark Homes avait des actifs nets à court terme de 15 000 000 $ pour la période 1996‑1997 de la coentreprise et qu'au cours de l'exercice 1997‑1998 de la coentreprise, Viewmark Homes a retiré ce même montant de son compte de capital[35].

 

F.      Les rapports d'évaluation concernant la valeur du bien-fonds

 

[94]    M. David Atlin, l'expert en évaluation immobilière de Heron Bay, a conclu que la juste valeur marchande (la « JVM ») des 289 terrains résidentiels au 30 novembre 1994 était de 19 000 000 $[36] et que la valeur des conditions de financement favorables qui aidaient à financer l'achat était de 3 563 255 $ pour l'acheteur.

 

[95]    M. John Davies, l'expert en évaluation du ministre, a évalué les lots en parcelles distinctes (l'une comprenant 142 terrains et l'autre 147 terrains). Il a confirmé qu'il n'y aurait pas de différence dans le résultat de son évaluation si les terrains étaient évalués ensemble (c'est‑à‑dire les 289 terrains)[37]. M. Davies a fixé la juste valeur marchande du bien-fonds à 22 160 000 $ dans son rapport modifié du 21 janvier 2009[38].

 

[96]    MM. Atlin et Davies ont tous deux utilisé des approches similaires dans leur évaluation du bien-fonds, à savoir l'approche de la comparaison directe, selon laquelle une comparaison est faite entre les données du marché et la propriété en cause à l'aide d'une unité standard de référence. M. Atlin a utilisé le prix « par pied de façade », alors que M. Davies a utilisé le prix « par terrain ». M. Atlin a témoigné que cette différence particulière n'entraîne toutefois pas de différences importantes quant à la valeur du bien-fonds[39]. De plus, ni l'un ni l'autre évaluateur n'a contesté les faits eux‑mêmes en ce qui concerne la propriété, c'est‑à‑dire des faits tels que le drainage, l'état du sol, la planification, le zonage et le reste[40]. En outre, les  deux évaluateurs étaient d'accord pour ce qui est du rendement général du marché.

 

[97]    Au cours de l'audience, M. Atlin a déclaré que les différences importantes entre les deux rapports concernent les éléments suivants :

 

a)    le financement;

b)    la taille du lotissement en tant que facteur influant sur l'absorption[41].

 

[98]    Quant au financement, M. Atlin a fait remarquer que la propriété ici en cause a été acquise au moyen d’un financement accordé par un prêteur ayant un lien de dépendance avec l’emprunteur, que le prêt ne portait pas intérêt pendant une période d'un an[42] et que, par la suite, le taux d'intérêt était relativement faible (taux préférentiel + 1 p. 100) par rapport au ratio prêt-valeur[43]. M. Atlin a déclaré que le ratio prêt-valeur (c'est‑à‑dire le pourcentage du prix d'achat qui a été financé) était de 85 p. 100 pour la parcelle 1 et de 82,5 p. 100 pour la parcelle 2[44]. Il a témoigné que le financement favorable aurait entraîné une hausse du prix, mais non de la valeur. Il a fait remarquer qu'il y avait une distinction importante entre le prix et la valeur[45]. Le prix global de l'opération s'élevait à 24 400 000 $, chiffre qui tenait compte de la valeur représentée par la période pendant laquelle aucun intérêt n’était exigé et par les taux d'intérêt favorables. M. Atlin a ensuite attribué une valeur globale de 3 536 255 $ au financement favorable, soit 1 762 144 $ pour la plus petite des deux parcelles et 1 774 111 $ pour l’autre. En soustrayant les 3 536 255 $ (c'est‑à‑dire en éliminant l'effet du financement) des 24 400 000 $, on obtient l'équivalent d’une vente au comptant[46]. Au cours du contre‑interrogatoire, M. Atlin a convenu que la valeur n'avait pas beaucoup changé entre les mois d'août et de novembre 1994[47].

 

[99]    Il y a lieu ici de faire remarquer que le recours que pouvait avoir Heron Bay aux actifs de la coentreprise portait tant sur le bien-fonds que sur la valeur des conditions de financement favorables. Par conséquent, le désaccord entre M. Davies et M. Atlin quant à la question de savoir quelle partie de la valeur doit être attribuée aux conditions de financement favorables n'est pas pertinent en ce qui concerne la question à examiner étant donné que, quelle que soit la façon dont la valeur est attribuée, les deux actifs garantissaient la dette que Viewmark Homes avait envers Heron Bay. Ce qui sépare les deux experts est que M. Atlin affirme que ce qui a été acquis par Viewmark Homes valait 1,4 million de dollars de moins à la fin de l'exercice à cause du coût d'absorption, alors que M. Davies conteste cette conclusion.

 

[100]  Quant à la taille du lotissement, M. Atlin a témoigné qu'il y a un rajustement important à la baisse pour l'achat d’un grand nombre de terrains, à la différence de ce qui se passe dans le cas de l'achat de petits terrains[48]. M. Atlin a expliqué que l'achat de 289 terrains offre des économies d'échelle, ce qui fait baisser le prix. Si l'on soustrait du prix d'achat de 20 400 000 $ un montant de 1 400 000 $ pour le coût d'absorption, on obtient comme équivalent au comptant de la juste valeur marchande le chiffre de 19 000 000 $[49]. M. Atlin a en outre déclaré que la valeur intrinsèque du bien-fonds ne change pas[50].

 

[101]  Dans son rapport du 18 juin 2008, M. Davies est, de son côté, arrivé au chiffre final de 23 966 800 $. Il se fondait principalement sur les conventions d'achat‑vente conclues entre Runnymede et Burlmarie et Rosehue étant donné que, comme il l'a déclaré dans son témoignage, les prix effectivement payés pour la propriété représentent le mieux sa valeur marchande[51]. M. Davies a en outre confirmé qu'il n'y avait pas eu de changement appréciable de l’état du marché entre le mois d'août 1994, lorsque les conventions d'achat‑vente avaient été conclues, et le mois de novembre 1994[52]. Le chiffre initial de 26 425 275 $ auquel il était arrivé pour les 289 terrains dans le même rapport, sans avoir à sa disposition les conventions d'achat‑vente, était basé sur des propriétés comparables pour lesquelles des périodes de différentes longueurs au cours desquelles aucun intérêt n’était exigé avaient été prises en compte[53]. M. Davies a fait remarquer que toutes les propriétés comparables étaient grevées d’hypothèques consenties par le vendeur à des taux d'intérêt similaires (9 p. 100) et pour des périodes fort similaires, à l'exception de la période au cours de laquelle le prêt ne portait pas intérêt[54]. M. Davies a déclaré avoir utilisé les propriétés comparables pour vérifier le prix payé.

 

[102]  La différence entre le rapport initial de M. Davies et son rapport modifié en date du 21 janvier 2009 était attribuable au fait que, dans son calcul, il avait été fait abstraction des périodes de différentes longueurs pendant lesquelles aucun intérêt n’était exigé[55], et ce, afin de ramener toutes les ventes à un dénominateur commun. La raison à cela étant que l'opération dont il s'agit dans le cas de Heron Bay comportait une période d'un an seulement pendant laquelle il n’y avait pas d’intérêt à payer. M. Davies a témoigné qu'une fois effectué le rajustement relatif à l’intérêt, le total de 23 966 000 $ a été attribué comme suit : 22 160 000 $ pour le bien-fonds et 1 806 004 $ pour l'avantage relatif aux intérêts[56]. De plus, un autre rapport, daté du 22 janvier 2009, avait été rédigé par M. Davies au sujet des offres qu'on lui avait demandé d'examiner. M. Davies a confirmé que ces offres – de Coughlan, de Fram et d'une société à dénomination numérique – rendaient encore plus crédible l'opinion selon laquelle le prix établi dans les conventions d'achat‑vente correspondait à la valeur marchande[57].

 

[103]  Quant aux rajustements se rapportant à l'absorption, M. Davies a témoigné avoir cru comprendre que M. Atlin avait affirmé qu'il était beaucoup plus risqué d'acheter une grosse propriété plutôt qu'une petite à cause du temps qu'il fallait pour absorber (ou revendre) les terrains[58]. M. Davies a déclaré qu’on n'avait pas tenté de vendre la propriété comme un tout, qu’elle avait plutôt été divisée en deux parcelles distinctes. M. Davies a en outre témoigné qu’un rajustement pour l'absorption ne se justifiait pas parce que les grands constructeurs étaient en mesure de réaliser d'importantes économies en achetant un grand nombre de terrains; en effet, il y avait des économies du fait de pouvoir commander les matériaux en grande quantité et de pouvoir construire en passant d'une maison à l'autre; il y avait aussi des économies du côté des honoraires professionnels (par exemple, frais de conception, honoraires d’avocat), des frais de courtage et de la répartition du coût d'une maison modèle sur un plus grand nombre de maisons (coût moins élevé et nombre moins élevé de maisons modèles nécessaire)[59].

 

[104]  Les deux évaluateurs ont convenu qu'entre le 1er août 1994 et la date à laquelle Heron Bay avait radié la dette, il n'y avait eu, de façon générale, aucun changement dans le marché. Je conclus donc que l'approche de M. Davies est celle qu'il convient de retenir étant donné que M. Davies se fonde sur la vente réelle, où les parties n’avaient aucun lien de dépendance, pour conclure que la valeur des actifs de la coentreprise de Viewmark Homes n'avait pas baissé au moment où Heron Bay a radié la dette.

 

[105]  Si je retenais le point de vue de M. Atlin, je crois qu'il pourrait être raisonnable de conclure que le coût du prêt pour Heron Bay a au départ été surestimé et qu'il devrait être réduit conformément à l'alinéa 69(1)a) de la LIR.

 

[106]  L'alinéa 69(1)a) prévoit que, lorsqu'un contribuable acquiert un bien d'une personne avec qui il a un lien de dépendance pour un montant supérieur à sa juste valeur marchande à ce moment‑là, le coût pour le contribuable est réputé être cette juste valeur marchande. Heron Bay a remis de l'argent à Viewmark Homes, une personne avec laquelle Heron Bay avait un lien de dépendance, en échange d'un bien incorporel sous la forme d'un prêt non remboursé. À première vue, l'alinéa 69(1)a) pourrait donc s'appliquer, de sorte qu'il n'y aurait pas de déduction étant donné que le coût du prêt sans recours serait nul pour Heron Bay. Comme M. Atlin a témoigné que rien n'avait changé sur le marché immobilier au cours de la période en question, les coûts d'absorption qu'il a utilisés pour justifier une baisse de la valeur du bien-fonds existaient probablement aussi au moment de l'achat. Je reconnais que l'intimée n'a pas cherché à poursuivre sur ce point lorsque je l'ai soulevé à l'audience. Toutefois, je ne puis tout simplement pas omettre d'en tenir compte s'il s'applique par ailleurs.

 

[107]  Peu de temps après que le prêt a été consenti, on a procédé à une évaluation, et la radiation complète a ensuite été effectuée. De fait, comme il en a ci‑dessus été fait mention, l'appelante a retenu les services d'un évaluateur dans les 60 jours qui ont suivi la date de la première avance de fonds. Un prêt similaire, également sans recours, avait déjà été consenti par Heron Bay à Shellfran, une entité liée. Une fois ce prêt consenti, une évaluation avait été obtenue et le prêt avait été radié[60]. L'absence de recours semble avoir eu pour objet de faciliter la radiation.

 

[108]  Quoi qu'il en soit, je conclus que Heron Bay n'a pas droit à la déduction demandée et ce, pour tous les autres motifs susmentionnés.

 

G.      Les conditions économiques générales ayant cours dans la collectivité

 

[109]  Les évaluateurs experts de Heron Bay et du ministre s'entendaient tous deux sur le rendement du marché immobilier général. À la fin des années 1980, le marché immobilier a connu un fort bon rendement économique. Il y a eu ensuite un ralentissement au début des années 1990, mais en 1994, il y avait des signes d’une reprise[61].

 

H.      L'expérience antérieure du contribuable en matière de radiation de créances douteuses

 

[110]  Il est intéressant de noter que le prêt de Heron Bay à Viewmark Homes a été consenti sans recours. M. Libfeld a expliqué que cela avait été fait pour des raisons de protection : s'il arrivait quelque chose à Heron Bay, ils ne voulaient pas que les créanciers puissent chercher à se faire payer par Viewmark Homes en passant par Heron Bay[62]. Je n'ai pas trouvé cette explication très crédible. Heron Bay a consenti un grand nombre de prêts, mais un seul autre prêt a été consenti sans qu'il y ait de recours, et ce prêt avait également été consenti à une personne liée

 

[111]  En général, il y a des limites quant au point jusqu'auquel il faut faire preuve de retenue à l'égard d'une appréciation commerciale. Un cas dans lequel ces limites s'appliqueraient est celui où l’appréciation commerciale a été manifestement déraisonnable. Comme il a ci‑dessus été expliqué, les opérations entre des personnes liées peuvent être soumises à un examen plus attentif. Dans la décision Flexi‑Coil Ltd. v. R., précitée, confirmée par [1996] A.C.F. no 811 (QL), [1996] 3 C.T.C. 57 (C.A.F.), on a fait remarquer ce qui suit au paragraphe 20 QL (paragraphe 24 CarswellNat) :

 

            [...] la fournisseuse des marchandises est également propriétaire, bailleresse de fonds et contrôleuse de la cliente : elle est en mesure d'exercer une influence sur la façon dont l'entreprise de la cliente-filiale doit être exploitée [...]

 

[112]  Et au paragraphe 21 QL (paragraphe 25 CarswellNat), la remarque suivante a été faite :

 

            À ma connaissance, la Loi n'énonce pas de règles spéciales pour ce qui est de déterminer à quel moment les sommes dues par des personnes liées constituent de mauvaises créances. Par conséquent, les règles qui s'appliquent aux négociants sans lien de dépendance devraient s'appliquer à ceux qui ont entre eux un lien de dépendance. Cela ne veut pas dire que les tribunaux ne devraient pas faire preuve de vigilance en s'assurant que le créancier lié a agi d'une façon appropriée lorsqu'il a décidé que certaines créances étaient devenues irrécouvrables.

 

[113]  Dans l'affaire Rich, précitée, le contribuable avait prêté de l'argent à la société de son fils, qui n'avait pas pu rembourser le prêt. Le contribuable dans l'affaire Rich ne détenait qu’une part de 25 p. 100 dans la société de son fils. En l'espèce, Heron Bay et Viewmark Homes étaient toutes deux contrôlées par les Libfeld.  Heron Bay avait également une participation dans Viewmark Homes, de sorte qu'elle détenait à la fois la créance et le capital, ce qui rendait facile de manipuler les conditions du prêt. Un examen plus attentif est donc justifié. Compte tenu de tous les facteurs susmentionnés, je crois que Heron Bay s'est empressée de radier sa créance, mesure qui n'était pas justifiable eu égard aux circonstances. Parmi les principaux facteurs qui ressortent, il y a le fait qu'il s'était écoulé peu de temps entre la date à laquelle le prêt avait été consenti et la date de sa radiation. On n’a présenté aucun élément de preuve qui indiquait un changement de circonstances entre le moment où le prêt avait été consenti et la date de la radiation. De plus, les évaluations fournies à l'audience révélaient qu’elles différaient peu en ce qui concerne la valeur de la propriété sous‑jacente de la coentreprise. M. Atlin, qui a témoigné pour le compte de Heron Bay, a réparti la valeur entre le bien-fonds et les conditions de financement favorables. La seule baisse de valeur était attribuée à l'absorption. M. Davies, qui a témoigné pour le compte du ministre, s'est principalement fondé sur les conventions d'achat‑vente pour déterminer la valeur, étant donné qu'elles indiquaient le prix payé dans une opération conclue entre des parties n’ayant entre elles aucun lien de dépendance. Il s'est fondé sur les prix et sur les offres pour des propriétés comparables pour confirmer que le prix récent payé dans le cadre d’une opération où les parties n’avaient pas de lien de dépendance devait être retenu.

 

[114]  Quant à l'argument subsidiaire selon lequel la radiation se rapportait à une créance irrécouvrable, le critère auquel il faut satisfaire, comme il a ci‑dessus été établi, est celui selon lequel la créance est devenue irrécouvrable. Les facteurs énoncés plus haut peuvent également être utilisés afin de déterminer si la créance peut être recouvrée. Si l'on examine tous les facteurs dans leur ensemble, il faut conclure que Heron Bay n'a pas établi que la créance était irrécouvrable. Il n’y a pas de preuve que le montant du prêt était en totalité ou en partie irrécouvrable. Par conséquent, il n'a pas non plus été satisfait aux exigences du sous-alinéa 20(1)p)(ii).

 

I.       Les motifs se rapportant aux frais de changement de zonage

 

[115]  Selon l'intimée, les frais de changement de zonage étaient imputables au capital étant donné qu'il s'agissait d'une dépense unique engagée en vue de permettre la construction d'une tour d’habitation en copropriété qui pouvait être revendue en réalisant un profit.

 

[116]  Étant donné que Heron Bay n'a pas fourni de preuves ni présenté d’arguments sur ce point, l'appel peut être rejeté quant à cette question. Il serait néanmoins utile de faire des remarques concernant les principes généraux qui s'appliquent à l'analyse d'une telle question.

 

[117]  La première question à poser est de savoir si une dépense de ce genre est une dépense courante ou une dépense en capital. La distinction n'est pas nécessairement claire. S'il est conclu qu'il s'agit d'une dépense courante, cette dépense est déductible pour l'année où elle est engagée. S'il est conclu qu'il s'agit d'une dépense en capital, il faut ensuite répondre à la question de savoir si elle est assujettie aux règles concernant les déductions pour amortissement ou s'il s'agit d'une dépense en capital admissible. Si l'on répond par la négative dans les deux cas, la dépense est alors considérée comme étant « rien » et aucune déduction du montant de la dépense n'est permise (Tim Edgar et Daniel Sandler, Materials on Canadian Income Tax, Toronto, Carswell, 2005, page 486).

 

[118]  Le critère fondamental permettant de déterminer si une dépense est imputable au capital est le critère de l'avantage durable. L'arrêt de principe sur ce point avait traditionnellement été celui de la Chambre des lords dans l’affaire British Insulated and Helsby Cables v. Atherton, [1926] A.C. 205, dans lequel le vicomte Cave a dit (pages 213 et 214) :

 

[traduction]

 

[...] lorsqu'une dépense est faite, non seulement une fois pour toutes mais avec l'objectif de faire naître un actif ou un avantage destiné à profiter durablement à un commerce, je pense qu'il y a alors une très bonne raison (en l'absence de circonstances spéciales militant en faveur d’une conclusion contraire) de traiter cette dépense comme devant être à juste titre considérée comme ayant été faite non pas au titre du revenu, mais au titre du capital.

[Je souligne.]

 

[119]  La Cour suprême du Canada a porté un coup à cette règle traditionnelle dans un jugement unanime rendu par le juge Estey dans l'affaire Johns-Manville Canada Inc. c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 46, page 57, [1985] 2 C.T.C. 111, page 119. Le juge Estey a cité la décision Hallstroms Pty. Ltd. v. Federal Commissioner of Taxation (1946), 72 C.L.R. 634, à la page 648 :

 

[TRADUCTION]

On ne peut pas trouver la solution du problème en appliquant un critère ou une description rigide. Elle doit découler de plusieurs aspects de l'ensemble des circonstances dont certaines peuvent aller dans un sens et d'autres dans un autre. Une considération peut se détacher si nettement qu'elle domine d'autres et de plus vagues indications dans le sens contraire. C'est une appréciation saine de toutes les caractéristiques directrices qui doit apporter la réponse finale. Bien que les catégories de dépenses de capital et de dépenses d'exploitation soient distinctes et facilement reconnaissables dans les cas clairs qui sont loin des cas limites, la distinction est souvent difficile à établir dans les cas limites; les considérations contradictoires peuvent engendrer une situation où la réponse tient à des facteurs de degré et d'insistance. Cette réponse « dépend de l'effet envisagé de la dépense d'un point de vue pratique et commercial plutôt que de la classification juridique des droits, s'il en est, garantis, employés ou épuisés en cours de route ».

 [Je souligne.]

 

[120]  Il n'existe essentiellement aucune règle stricte à appliquer pour déterminer si une dépense est imputable au revenu ou si elle est imputable au capital. Il faut plutôt procéder à une appréciation de tous les faits pertinents qui est fondée sur le sens commun.

 

[121]  En ce qui concerne les frais de changement de zonage, la décision Cadillac Fairview Corp. c. Canada, [1996] A.C.I. no 209 (QL), 97 DTC 405 (C.C.I.), donne certaines lignes directrices sur la façon dont les frais de changement de zonage doivent être traités. Dans l'affaire Cadillac Fairview, la société contribuable avait engagé des dépenses considérables afin d'obtenir des droits de densité (des droits sur l'espace aérien) à l'égard d'un bâtiment dont la construction était envisagée. Il s'agissait de savoir si le coût d'obtention des changements de zonage permettant une densité plus élevée dans les bâtiments que l'appelante se proposait de construire sur un terrain qui lui appartenait à Toronto faisait partie du coût du terrain ou du coût des bâtiments, ou encore s'il s'agissait d'une dépense en capital admissible. Le juge Bowman (tel était alors son titre) a dit ce qui suit aux paragraphes 45 à 48 et 50 (pages 413 et 414 DTC) :

 

[…] Nous pouvons partir de la proposition voulant qu'en l'absence de restrictions législatives ou d'autres restrictions d'ordre juridique, un propriétaire foncier soit libre de faire ce qu'il veut sur son terrain. Il peut y faire de l'agriculture ou y construire des tours d'habitation, des immeubles de bureaux ou la tour de Babel. Ses droits sont inhérents à la propriété du terrain. L'exercice de ces droits peut toutefois être limité, régi ou interdit par la loi. En l'espèce, l'autorité ayant compétence en la matière est la province, qui délègue son pouvoir aux autorités municipales.

 

Le pouvoir de zonage municipal est conféré à la municipalité par la Loi sur l'aménagement du territoire. L'article 34 de la Loi sur l'aménagement du territoire de l'Ontario, L.R.O. 1990, ch. P‑13, se lit en partie comme suit :

 

(1) Les conseils des municipalités locales peuvent adopter des règlements municipaux de zonage pour :

 

1.     Interdire l'utilisation du sol à certaines fins ou à l'exception de certaines fins qui peuvent être établies dans le règlement municipal, relatif aux terrains situés sur le territoire de la municipalité ou dans les limites d'une ou de plusieurs zones définies ou attenant à une voie publique définie ou tronçon de celle‑ci.

 

2.     Interdire l'édification, l'implantation ou l'utilisation de bâtiments ou de constructions à certaines fins ou à l'exception de certaines fins qui peuvent être établies dans le règlement municipal, selon qu'ils sont situés sur le territoire de la municipalité ou dans les limites d'une ou de plusieurs zones définies ou sur un terrain attenant à une voie publique définie ou tronçon de celle-ci.

    

3.     Interdire l'édification d'une ou plusieurs catégories de bâtiments ou de constructions sur un terrain inondable, marqué de pentes raides ou rocailleux, bas, marécageux ou instable.

 

4.     Réglementer le type de construction et la hauteur, le volume, l'implantation, les dimensions, la superficie des pièces, l'espacement, le style et l'utilisation des bâtiments ou des constructions à édifier, situés sur le territoire de la municipalité ou dans les limites d'une ou de plusieurs zones définies, sur un terrain attenant à une voie publique définie ou tronçon de celle‑ci, ainsi que la dimension minimale de la façade et de la profondeur de la parcelle de terrain et la proportion de la superficie que peut occuper le bâtiment ou la construction.

 

[...]

 

(3) Le pouvoir de réglementation visé à la disposition 4 du paragraphe (1) comprend, et malgré la décision d'un tribunal, est réputé avoir toujours compris le pouvoir de réglementer la superficie minimale de la parcelle de terrain visée dans cette disposition ainsi que la densité de l'exploitation dans la municipalité ou dans les zones définies dans le règlement municipal.

 

L'origine de cet article est S.O. 1983, ch. 1.

 

Vraisemblablement, les règlements de zonage de Toronto ont été adoptés par la municipalité en vertu de l'ancêtre de cet article, soit peut‑être l'article 39 du Planning Act, R.S.O. 1980, ch. 379, qui est à peu près identique à l'article figurant dans L.R.O. 1990. Il importe de reconnaître que le zonage ne confère pas un droit; il restreint plutôt le droit par ailleurs illimité qu'a un propriétaire foncier de faire ce qu'il désire avec son terrain. Il est moins exact de décrire un changement de zonage qui vise à permettre une autre utilisation de terrain comme un changement qui confère un droit que de le décrire comme un changement qui supprime ou assouplit une restriction quant à l'utilisation par ailleurs illimitée du bien. Il s'ensuit que le droit d'utiliser le bien, qu'il soit limité ou non par des règlements de zonage, est un droit inhérent à la propriété du bien. Il fait partie de l'ensemble de droits qu'a un propriétaire foncier en raison de la propriété du bien. Le coût d'une modification des restrictions relatives aux droits qu'a un propriétaire foncier relativement à l'utilisation du terrain fait partie du coût du terrain. Le coût de la suppression de restrictions quant à l'exercice de ces droits est nettement lié au coût de l'ensemble des droits que la propriété comporte. Les droits de densité se rapportent à ce que le propriétaire peut faire avec le terrain. Si un propriétaire foncier réussit à améliorer le zonage d'une parcelle, puis vend celle‑ci, il est inconcevable que les autorités fiscales puissent hésiter à inclure le coût de ce changement de zonage dans le coût du terrain vendu.

 

[...]

 

[...] Le coût de la modification de droits relatifs à ce que l'on peut faire avec le terrain est à mon avis un coût attribuable au terrain. Il est inhérent au terrain, qu'une structure y soit érigée ou non. En l'espèce, on n'a pas procédé à la construction de la phase II proposée. Il faut un genre d'acte de foi pour demander une déduction pour amortissement en vertu de la catégorie 3 au titre d'un bâtiment qui n'existe pas et qui peut ne jamais voir le jour. Cependant, le terrain existe bien, ainsi que tous les droits qui y sont inhérents. Les droits n'existent pas indépendamment de la propriété du terrain. Si la propriété du terrain est transférée, les droits suivent.

[Je souligne.]

 

[122]  En l'espèce, la propriété que l'appelante a achetée était composée d'un immeuble à bureaux et d'un terrain de stationnement. Le changement de zonage a été obtenu à l'égard du terrain de stationnement afin de permettre la construction d'une tour d'habitation en copropriété dont les logements en copropriété devaient être vendus. Malheureusement, le marché des logements en copropriété a baissé et les contrats de vente ont été résiliés. À ce moment‑là, Heron Bay a obtenu une évaluation de la propriété de la rue Dundas et, se fondant sur cette évaluation, on a conclu que la valeur de la partie de la propriété consistant en le terrain de stationnement était inférieure au prix d'achat de cette partie du terrain. Dans son avis d'appel, Heron Bay soutient que déduire à titre de dépense les frais de changement de zonage de 89 799 $ équivaut à ajouter ce montant à son inventaire et à le déduire ensuite en vertu du paragraphe 10(1) de la LIR, étant donné que la juste valeur marchande de cet élément figurant à l'inventaire était inférieure à son coût. À part cette affirmation, aucune observation ni aucun élément de preuve n'a été soumis sur ce point.

 

[123]  Dans ses observations écrites, l'intimée a soutenu que le montant en question était une dépense unique qui ferait exister un actif conférant un avantage permanent et durable. Le terrain de stationnement était une immobilisation pour l'appelante, et il était exploité en tant que bien locatif. Il ne figurait pas à l'inventaire et l'appelante ne le traitait pas non plus comme y figurant. Quoi qu'il en soit, la jurisprudence mentionnée ci‑dessous fait penser que les frais de changement de zonage doivent être ajoutés au coût du terrain. Comme le juge Bowman (tel était alors son titre) l'a dit dans la décision Sun Life du Canada, Cie d’assurance-vie c. Canada, [1997] A.C.I. no 446 (QL),

 

16     L'avocat de l'appelante a prétendu que l'acquisition des droits de densité se rapportait directement à l'aspect économique de l'exploitation en ce sens qu'un bâtiment plus gros pouvait être construit et que des loyers accrus seraient reçus. Je pense que cela ressort clairement du mémoire cité précédemment. L'avocat prétendait également que les droits de densité et les règlements de zonage ont essentiellement trait à des bâtiments. À l'appui de cette prétention, il attirait l'attention sur le plan officiel de la ville de Toronto, dans lequel un certain nombre des définitions de la densité semblent être centrées sur la taille du bâtiment pouvant être construit sur un lot.

17     Je ne suis pas nécessairement en désaccord sur ces observations, mais, malgré la grande compétence que dénote l'argument de Me van Banning, je ne pense pas que ces observations soient déterminantes. En analysant la question, on doit déterminer la véritable nature du zonage. Bien que je n'aie aucune hésitation à réexaminer la décision que j'ai moi-même rendue dans l'affaire Cadillac Fairview ou à distinguer cette affaire-là de l'espèce, je ne suis pas convaincu d'être parvenu à la mauvaise conclusion dans cette affaire-là. Je ne vois pas non plus de motif rationnel pour parvenir à une conclusion différente selon qu'un bâtiment a ou non été construit sur le terrain.

18     Je continue à être d'avis que, puisqu'il détermine ce qu'un propriétaire foncier peut faire avec un terrain, le zonage est un attribut du terrain et que les coûts liés à l'obtention d'un changement de zonage font partie du coût du terrain. Les droits de densité se rapportent à ce qu'un propriétaire peut faire avec le terrain. Ils font donc partie intégrante de la valeur du terrain. Ils existent indépendamment du fait qu'on les exerce ou non et indépendamment de tout bâtiment existant ou à venir. Ils continueraient à exister même si le bâtiment était démoli et si le terrain demeurait vacant ou qu'un autre bâtiment y soit construit. Ainsi, on ne peut dire qu'ils font partie du coût de ce bâtiment. L'obtention d'un zonage supérieur ou de droits de densité accrue peut bien influer sur l'aspect économique de l'exploitation commerciale prévue, mais cela provient du fait que le propriétaire foncier a obtenu le droit d'en faire plus avec le terrain. D'un certain point de vue, on pourrait dire que le coût d'achat du terrain fait partie intégrante de l'aspect économique de l'exploitation commerciale projetée, mais on ne pourrait quand même pas inclure le coût du terrain dans le coût de l'immeuble. Une façon de mettre cette conclusion à l'épreuve consisterait peut-être à envisager la situation dans laquelle le propriétaire précédent, avant de vendre le terrain à la Sun Life, avait négocié avec l'église, avait obtenu une densité plus élevée ou un zonage plus favorable à un certain prix et avait donc demandé un prix supérieur pour le terrain. Le prix accru du terrain ne pourrait être attribué au bâtiment, bien que, en un sens, il se rapporte au type de bâtiment pouvant être construit sur le terrain.

 

[Je souligne.]

 

[124]  Aucun élément de preuve n'a été fourni au sujet de la nature des frais de changement de zonage qui ont été engagés, mais il s'ensuit de l'argument de l'intimée qu'aucune déduction n'est permise parce que la dépense était un paiement à titre de capital dont la déduction était donc prohibée par l'alinéa 18(1)b). Quoique l'intimée prétende que les frais de changement de zonage devraient être inclus dans le coût du terrain de stationnement, il pourrait être soutenu que ces frais devraient être ajoutés au coût du bien-fonds, compte tenu de la jurisprudence mentionnée ci‑dessus. Étant donné que l'appelante n'a présenté aucun argument ni aucun élément de preuve sur ce point, l'appel est rejeté quant à cette question.

 

VIII.  Conclusion

 

[125]  L'appel est rejeté. Pour l’application du sous‑alinéa 20(1)l)(ii), Heron Bay est un bailleur de fonds étant donné qu'il existe un système établi et une continuité en ce qui concerne les prêts qu'elle consent. Toutefois, Heron Bay ne satisfait pas à la condition relative au cours normal des activités de son entreprise parce que des prêts sans recours ne sont pas le genre de prêts qu'elle consent normalement. Enfin, Heron Bay n'a pas exercé un jugement éclairé dans les circonstances et elle ne satisfait donc pas à l'exigence quant au caractère raisonnable énoncée à l’alinéa 20(1)l). Il ne s'agissait pas d'une créance qui était à recouvrer depuis longtemps, et il n'a pas été établi que des changements de circonstances avaient amené Heron Bay à douter de la possibilité de recouvrer la créance. En outre, les évaluations fournies révélaient qu’elles différaient peu quant à la valeur attribuée à la propriété. Par conséquent, en l'absence d'une preuve plus convaincante, il n’y a rien qui établit qu'il était raisonnable de radier la créance. Il n'a pas non plus été satisfait aux exigences prévues au sous‑alinéa 20(1)p)(ii) étant donné qu'aucun élément de preuve montrant que la créance était irrécouvrable n'a été fourni.

 

[126]   Les références des décisions que la Cour a examinées se trouvent à l'annexe ci-jointe.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de septembre 2009.

 

 

 

 

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de mars 2010.

 

 

 

 

Erich Klein, réviseur

 


ANNEXE

 

DÉCISIONS EXAMINÉES PAR LA COUR

 

576315 Alberta Ltd. c. Canada., [2001] A.C.I. no 510 (QL), 2001 CarswellNat 1727, 2001 DTC 776, [2001] 4 C.T.C. 2169 (Cour canadienne de l'impôt [Procédure générale]) – citée.

 

Ainsworth Lumber Co. c. Canada, [2001] A.C.I. no 263 (QL), 2001 CarswellNat 824, [2001] 3 C.T.C. 2001, 2001 DTC 496 (Cour canadienne de l'impôt [Procédure générale]) – citée.

 

Akhtar v. R., 1998 CarswellNat 896, [1998] 3 C.T.C. 2888 (Cour canadienne de l'impôt) – examinée.

 

Anderton and Halstead, Ltd. v. Birrell (1931), 16 T.C. 200 – examinée.

 

Associated Investors of Canada Ltd. v. Minister of National Revenue, 1967 CarswellNat 274, [1967] C.T.C. 138, [1967] 2 Ex. C.R. 96, 67 DTC 5096 (Cour de l'Échiquier du Canada) – examinée.

 

British Columbia Telephone Co. c. Canada (ministre du Revenu national), [1986] A.C.I. no 339 (QL), 1986 CarswellNat 306, [1986] 1 C.T.C. 2410, 86 DTC 1286 (Cour canadienne de l'impôt) – citée.

 

Burkes c. Canada, [2000] A.C.I. no 629 (QL), 2000 CarswellNat 2001, [2000] 4 C.T.C. 2511, 2000 DTC 2576 (Cour canadienne de l'impôt [Procédure générale]) – examinée.

 

Canada Trustco Mortgage Co. v. R., 2005 CarswellNat 3213, 2005 CSC 54, 2005 DTC 5523 (ang.), 2005 DTC 5547 (fr.), [2005] 5 C.T.C. 215, 340 N.R. 1, 259 D.L.R. (4th) 193, [2005] 2 R.C.S. 601 (Cour suprême du Canada) – citée.

 

Canadian Commercial Bank v. Prudential Steel Ltd., [1986] A.J. no 1142, 49 Alta. L.R. (2d) 58, 75 A.R. 121, 66 C.B.R. (N.S.) 172, 3 A.C.W.S. (3d) 10 (B.R. Alb.) – citée.

 

Cloverdale Paint Inc. c. Canada, [2006] A.C.I. no 510 (QL), 2006 CarswellNat 4230, 2006 CCI 628, [2007] 2 C.T.C. 2024, 2007 DTC 243 (ang.) (Cour canadienne de l'impôt [Procédure informelle]) – citée.

 

Coppley Noyes & Randall Ltd. c. Canada, [1991] A.C.F. no 347 (QL), 1991 CarswellNat 411, [1991] 1 C.T.C. 541, 43 F.T.R. 291, 91 DTC 5291 (Cour fédérale – Section de première instance), modifiée par 93 DTC 5508 (CAF) – citée.

 

Discovery Research Systems Inc. c. Canada, [1994] A.C.I. no 107 (QL), 1994 CarswellNat 896, [1994] 1 C.T.C. 2473, 94 DTC 1510 (Cour canadienne de l'impôt) – examinée.

 

Dutch-More Corp. c. Ministre du Revenu national, 1980 CarswellNat 535, [1981] C.T.C. 2023, 81 DTC 34 (Commission de révision de l'impôt) – examinée.

 

Flexi-Coil Ltd. c. Canada, [1995] A.C.I. no 1558 (QL), 1995 CarswellNat 1380, [1996] 1 C.T.C. 2941 (Cour canadienne de l'impôt) – citée.

 

Flexi-Coil Ltd. c. Canada, [1996] A.C.F. no 811 (QL), 1996 CarswellNat 1459, [1996] 3 C.T.C. 57, 96 DTC 6350, (sub nom. Flexi-Coil Ltd. v. Minister of National Revenue) 199 N.R. 120 (Cour d'appel fédérale) – citée.

 

Highfield Corp. c. Ministre du Revenu national, 1982 CarswellNat 368, [1982] C.T.C. 2812, 82 DTC 1835 (Commission de révision de l'impôt, 80-681, 4 novembre 1982) – citée.

 

Hogan v. Minister of National Revenue, 1956 CarswellNat 72, 15 Tax A.B.C. 1 (Commission d'appel de l'impôt sur le revenu) – citée.

 

Industrial Investments Ltd. c. Ministre du Revenu national, 1973 CarswellNat 248, [1973] C.T.C. 2161, 73 DTC 118 (Commission de révision de l'impôt) – citée.

 

Langhammer c. Canada, [2000] A.C.I. no 828 (QL), 2000 CarswellNat 2833, [2001] 1 C.T.C. 2372, 2001 DTC 45 (Cour canadienne de l'impôt [Procédure générale]) – examinée.

 

Loman Warehousing Ltd. c. Canada, [1999] A.C.I. no 341 (QL), 1999 CarswellNat 1092, [1999] 4 C.T.C. 2049, 99 DTC 1113 (Cour canadienne de l'impôt [Procédure générale]) – examinée.

 

Loman Warehousing Ltd. c. Canada, [2000] A.C.F. no 1717 (QL), 2000 CarswellNat 2339, 2000 DTC 6610, [2001] 1 C.T.C. 50, 262 N.R. 282 (Cour d'appel fédérale) – citée.

 

Minister of National Revenue v. Kelvingrove Investments Ltd., 1974 CarswellNat 185, [1974] C.T.C. 450, 74 DTC 6357 (Cour fédérale – Division de première instance) – citée.

 

Newton v. Pyke (1908), T.L.R. 127 – examinée.

 

Nourse v. Canadian Canners Ltd, (1935), 3 D.L.R. 168 (C.A. Ont.) – examinée.

 

No. 81 v. Minister of National Revenue, 1953 CarswellNat 36, 8 Tax A.B.C. 82 (Commission d'appel de l'impôt sur le revenu) – examinée.

 

Orban v. Minister of National Revenue, 1954 CarswellNat 44, 10 Tax A.B.C. 178, 54 DTC 148 (Commission d'appel de l'impôt sur le revenu) – citée.

 

Re Pacific Mobile Corp., [1982] C.A. 501, (1982), 141 D.L.R. (3d) 696 (C.A. Qc) – citée.

 

Pacific Mobile Corp. (syndic) c. American Biltrite (Canada) Ltée, [1985] A.C.S. no 15 (QL), [1985] 1 R.C.S. 290, (1985), 16 D.L.R. (4th) 319, (1985), 55 C.B.R. (2d) 32 (Cour suprême du Canada) – citée.

 

R. v. E.V. Keith Enterprises Ltd., 1975 CarswellNat 332, [1976] C.T.C. 21 (Cour fédérale – Division de première instance) – examinée.

 

Canada c. Pollock Sokoloff Holdings Corp., [1974] A.C.F. no 127 (QL), 1974 CarswellNat 177, [1974] C.T.C. 391, 74 DTC 6321 (Cour fédérale – Division de première instance) – examinée.

 

Rich c. Canada, 2003 CAF 38, 2003 CarswellNat 123, 2003 DTC 5115, 300 N.R. 29, [2003] 3 C.F. 493, [2004] 1 C.T.C. 308 (Cour d'appel fédérale) – citée.

 

Royal Bank of Canada v. Tower Aircraft Hardware Inc., [1991] A.J. no 121, 78 Alta. L.R. (2d) 271, 118 A.R. 86, 3 C.B.R. (3d) 655 (B.R. Alb.) – citée.

 

R.S. Jackson Promotions Ltd. c. Ministre du Revenu national, 1985 CarswellNat 238, [1985] 1 C.T.C. 2151, 85 DTC 145 (Cour canadienne de l'impôt, 83-1040(IT), 30 janvier 1985) – citée.

 

Saltzman v. Minister of National Revenue, 1964 CarswellNat 117, 35 Tax A.B.C. 93, 64 DTC 259 (Commission d'appel de l'impôt) – citée.

 

Société d’investissement Desjardins c. M.R.N., 1990 CarswellNat 556, [1991] 1 C.T.C. 2214, 91 DTC 393 (ang.), 91 DTC 373 (fr.) (Cour canadienne de l'impôt) – citée.

 

Swystun Management Ltd. v. Minister of National Revenue, 1979 CarswellNat 374, [1979] C.T.C. 2476, 79 DTC 417 (Commission de révision de l'impôt) – citée.

 

Wesco Property Developments Ltd. v. Minister of National Revenue, 1989 CarswellNat 386, [1989] 2 C.T.C. 2431, 89 DTC 590 (Cour canadienne de l'impôt) – examinée.

 

Whitland Construction Co. c. Canada, [1998] A.C.I. no 899 (QL), 1998 CarswellNat 1942, 99 DTC 33, [1999] 1 C.T.C. 2172 (Cour canadienne de l'impôt) –  examinée.

 

Yunger c. Canada, [2000] A.C.I. no 329 (QL), 2000 CarswellNat 1013, 2000 DTC 2153 (Cour canadienne de l'impôt [Procédure générale]) – examinée.

 

Zaenker c. Canada, [2007] A.C.I. no 282 (QL), 2007 CarswellNat 2261, 2007 CCI 440, 2007 DTC 1365 (ang.), [2008] 1 C.T.C. 2128 (Cour canadienne de l'impôt [Procédure générale]) – examinée.

 


RÉFÉRENCE :                                  2009 CCI 337

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2003-4006(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              HERON BAY INVESTMENTS LTD.

                                                          c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATES DE L’AUDIENCE :               Les 25, 26 et 27 février 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Robert J. Hogan

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 8 septembre 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l'appelante :

Me William I. Innes

Me Douglas Stewart

Me Brendan Bissell

 

 

Avocats de l'intimée :

Me John Shipley

Me Perry Derksen

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                   Nom :                             William I. Innes

 

                   Cabinet :                         Fraser, Milner, Casgrain LLP

                                                          Toronto (Ontario)

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 



[1] Observations écrites de l'intimée, paragraphes 24 et 25.

[2] Transcription de l'audience, page 463, lignes 1 à 4.

[3] Ibid., lignes 5 et 6.

[4] Recueil de pièces de l'appelante, onglet 63, pages 375 à 377.

[5] Ibid., onglet 71, page 462.

[6] Ibid., pages 471 et 472.

[7] Transcription de l'audience, page 25, lignes 2 à 6.

[8] Ibid., page 72, lignes 6 à 11.

[9] Ibid., page 73, lignes 9 à 11.

[10] Ibid., page 74, lignes 9 à 14.

[11] Recueil de pièces de l'appelante, onglets 61 à 63.

[12] Recueil de pièces de l'appelante, onglet 22.

[13] Guy Fortin et Melanie Beaulieu, « The Meaning of the Expressions ‘In the Ordinary Course of Business’ and ‘Directly or Indirectly’ », dans Report of Proceedings of the Fifty-fourth Tax Conference, 2002 Conference Report (Toronto: Association canadienne d'études fiscales, 2003) 36:1-60, à 36:2.

[14] Ibid., à 36:2.

[15] Ibid., à 36:7.

[16] Ibid., à 36:7. Mais voir aussi M.N.R. v. Kelvingrove Investments Ltd., 74 DTC 6357 (C.F. 1re inst.), page 6360, où il a été conclu que les prêts correspondaient « aux objets que prévo[yait] l'acte constitutif » et, par conséquent, qu'ils « constitu[aient] l'entreprise exercée par » la défenderesse.

[17] Elizabeth J. Johnson et James R. Wilson, « Financing Foreign Affiliates: The Term Preferred Share Rules and Tower Structures » dans « International Tax Planning » (2006), vol. 54, no 3, Canadian Tax Journal, pages 726 à 761, page 759.

[18] Voir ci‑dessus, note 13, Fortin et Beaulieu à 36:8.

[19] Voir ci-dessus, note 13, note de bas de page 35 à 36:42.

[20] Voir ci-dessus, note 13, note de bas de page 37 à 36:43.

[21] Ibid., à 36:7.

[22] Pierre-André Côté, Interprétation des lois, 2e éd., Québec,  Les Éditions Yvon Blais Inc., 1990, page 313.

[23] [2001] A.C.I. no 263 (QL), 2001 DTC 496, paragraphes 78 à 80 (C.C.I.).

[24] Brian R. Carr et Duane R. Milot dans « Copthorne: Series of Transaction Revisited » dans « Corporate Tax Planning », (2008), vol. 56, no 1 Canadian Tax Journal, p. 243 à 268, p. 262 et 263.

[25] Voir page 72, transcription de l'audience, lignes 2 à 22.

[26] Voir le recueil de pièces de l'appelante, onglet 61.

[27] Voir le recueil de pièces de l'appelante, onglets 23 et 45.

[28] Voir le recueil de pièces de l'appelante, onglet 61, pour un résumé des activités de prêt et d'emprunt de Heron Bay.

[29] Voir la transcription de l'audience, page 179, à partir de la ligne 6.

[30] Transcription de l'audience, page 423, lignes 11 à 21.

[31] Ibid., lignes 22 et 23.

[32] Ibid., page 426, ligne 17.

[33] Ibid., page 178, lignes 9 à 13.

[34] Recueil de pièces de l'appelante, onglet 69, page 452.

[35] Transcription de l'audience, pages 184 et 185.

[36] Ibid., page 215, ligne 15.

[37] Ibid., page 342, lignes 3 et 4.

[38] Ibid., page 383.

[39] Ibid., page 226, lignes 12 à 14.

[40] Ibid., page 220, lignes 15 à 23.

[41] Ibid., page 226, lignes 15 à 18.

[42] Ibid., page 232, lignes 6 et 7.

[43] Ibid., page 228, lignes 13 à 20; page 232, lignes 7 et 8; page 248, lignes 16 à 19.

[44] Ibid., page 232, ligne 1.

[45] Ibid., page 230, lignes 6 à 8.

[46] Ibid., page 269, lignes 1 et 16 à 20.

[47] Ibid., page 282, lignes 5 et 6.

[48] Ibid., page 240, lignes 8 à 10.

[49] Ibid., page 270, lignes 23 à 25.

[50] Ibid., page 266, lignes 14 et 15.

[51] Ibid., page 350, lignes 23 et 24.

[52] Ibid., page 352, lignes 11 à 25.

[53] Ibid., page 355, lignes 2 et 3.

[54] Ibid., page 363, lignes 13 à 16.

[55] Ibid., page 355, lignes 12 et 13.

[56] Ibid., page 383, lignes 5 à 8.

[57] Ibid., page 362, lignes 1 et 2.

[58] Ibid., page 369, lignes 11 à 15.

[59] Ibid., page 371.

[60] Ibid., page 156, lignes 11 à 15.

[61] Ibid., page 221, lignes 2 à 24.

[62] Ibid., page 68, lignes 15 à 18.

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