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Dossier : 2008-352(IT)I

ENTRE :

RICHARD BENNETT,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[traduction française officielle]

 

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 9 octobre 2009, à Hamilton (Ontario).

 

 Devant : L’honorable juge Valerie Miller

 

 Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

 

Avocate de l’intimée

Me Sandra K.S. Tsui

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel interjeté à l’égard de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2006 est rejeté.

 

 

 

Signé à Halifax (Nouvelle‑Écosse), ce 29e jour d’octobre 2009.

 

 

 

« V.A. Miller »

Juge V.A. Miller

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour de décembre 2009.

 

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.


 

 

 

 

Référence : 2009 CCI 556

Date : 20091029

Dossier : 2008-352(IT)I

ENTRE :

RICHARD BENNETT,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[traduction française officielle]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge V.A. Miller

 

[1]              En l’espèce, la question en litige est de savoir si l’appelant, dans le calcul de son revenu, peut déduire une somme de 50 000 $ qu’il a versée à sa conjointe en 2006.

 

[2]              L’appelant et sa conjointe, Gwyneth Bennett, vivent séparément depuis le 7 mai 2002.

 

[3]              Le 5 avril 2005, le juge Flynn, de la division de la Cour de la famille de la Cour supérieure de justice de l’Ontario, a rendu une ordonnance provisoire exigeant que l’appelant paye une pension alimentaire pour conjoint de 792 $ par mois à compter du 1er janvier 2005.

 

[4]              Le 21 novembre 2006, le juge Crane de la division de la Cour de la famille de la Cour supérieure de justice de l’Ontario a rendu une ordonnance définitive. Selon cette ordonnance, l’appelant était tenu de payer la somme de 50 000 $ aux avocats de sa conjointe dans les 60 jours, faute de quoi, il aurait été forcé de garantir le paiement de la somme de 50 000 $ en constituant et en enregistrant une hypothèque sur sa résidence en faveur de sa conjointe. Cette hypothèque aurait porté intérêt au taux de 6 % par année, et aurait obligé l’appelant à faire des paiements mensuels de 125 $ à sa conjointe jusqu’à ce que l’hypothèque soit entièrement remboursée. L’appelant devait aussi continuer à faire des versements mensuels de 792 $ à titre de pension alimentaire pour conjoint jusqu’au règlement intégral de sa créance de 50 000 $. L’ordonnance définitive incluait la disposition suivante :

 

          [traduction]

 

Dès que le demandeur aura payé la somme de 50 000 $ à la défenderesse :

 

a)                  La défenderesse renoncera à toute réclamation contre le demandeur relativement à la pension alimentaire pour conjoint, au maintien de sa protection en cas de soins prolongés et à sa désignation comme bénéficiaire à titre irrévocable des polices d’assurance vie du demandeur;

 

b)         Le demandeur et la défenderesse signeront des renonciations mutuelles à l’égard de toutes les réclamations faites jusqu’à aujourd’hui;

 

[…]

 

[5]              C’est l’appelant qui était le demandeur dans l’affaire entendue par le juge Crane. L’appelant a payé la somme de 50 000 $ aux avocats de sa conjointe le 30 novembre 2006.

 

[6]              En l’espèce, pour que l’appelant puisse déduire la somme de 50 000 $, elle doit constituer une pension alimentaire au sens donné à ce terme au paragraphe 56.1(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). Cette définition est ainsi rédigée :

 

56.1(4) Définitions – Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article et à l’article 56.

 

[…]

 

« pension alimentaire » Montant payable ou à recevoir à titre d’allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d’enfants de celui‑ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, selon le cas :

 

a) le bénéficiaire est l’époux ou le conjoint de fait ou l’ex‑époux ou l’ancien conjoint de fait du payeur et vit séparé de celui-ci pour cause d’échec de leur mariage ou union de fait et le montant est à recevoir aux termes de l’ordonnance d’un tribunal compétent ou d’un accord écrit;

 

b) le payeur est légalement le père ou la mère d’un enfant du bénéficiaire et le montant est à recevoir aux termes de l’ordonnance d’un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d’une province.

 

[7]              L’avocate de l’intimée a invoqué la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans McKimmon c. Le ministre du Revenu national[1], où elle a énuméré certains des facteurs dont il faut tenir compte pour décider si un paiement forfaitaire constitue une pension alimentaire ou une somme payée à titre de capital :

 

[10]      Voici certaines considérations dont on peut légitimement tenir compte, me semble‑t‑il, pour en arriver à une telle décision. Il ne s’agit évidemment pas d’une liste exhaustive.

 

[11]      1. L’intervalle auquel les paiements sont effectués. Les sommes qui sont versées une fois par semaine ou une fois par mois peuvent facilement être qualifiées d’allocations d’entretien. Lorsque les paiements sont effectués à des intervalles plus longs, la question devient moins claire. Même si ce n’est pas impossible, il me paraîtrait difficile de considérer comme des allocations d’entretien des paiements faits à des intervalles plus longs qu’une année.

 

[12]      2. Le montant des paiements par rapport au revenu et au niveau de vie du débiteur et du bénéficiaire. Lorsqu’un paiement représente une partie très importante du revenu d’un contribuable ou même l’excède, il est difficile de considérer un tel paiement comme une allocation d’entretien. Par ailleurs, lorsqu’un paiement ne dépasse pas ce qui serait censé être nécessaire au maintien du niveau de vie du bénéficiaire, il sera plus probablement admissible à titre d’allocation.

 

[13]      3. Les paiements portent-ils intérêt avant leur date d’échéance? On associe plus souvent l’obligation de payer des intérêts à une somme forfaitaire payable par versements qu’à une véritable allocation d’entretien.

 

[14]      4. Les sommes en question peuvent-elles être payées par anticipation au gré du débiteur ou peuvent-elles être exigibles immédiatement à titre de pénalité au gré du bénéficiaire en cas de défaut de paiement? Les dispositions en matière de paiements anticipés et d’exigibilité immédiate sont d’habitude associées à l’obligation de payer des sommes à titre de capital et non à une allocation d’entretien.

 

[15]      5. Les paiements permettent-ils au bénéficiaire d’accumuler un capital important? Ce ne sont manifestement pas tous les paiements à titre de capital qui sont exclus d’une allocation d’entretien : l’expérience indique qu’à titre d’exemples des primes d’assurance‑vie et des paiements hypothécaires mensuels réunis, même s’ils permettent une accumulation de capital au cours des années, constituent des frais normaux de subsistance qui sont payés sur le revenu et peuvent faire partie d’une allocation d’entretien. D’autre part, une telle allocation ne devrait pas permettre l’accumulation, sur une brève période, d’un capital important.

 

[16]      6. Les paiements sont-ils censés continuer pendant une période indéfinie ou être d’une durée fixe? Une allocation d’entretien fera habituellement en sorte que ces paiements seront effectués pendant une période indéfinie ou jusqu’à l’arrivée d’un événement (par exemple la majorité d’un enfant) qui modifiera de façon importante les besoins du bénéficiaire. Les sommes payables pendant une durée fixe peuvent au contraire être plus facilement considérées comme un capital.

 

[17]      7. Les paiements convenus peuvent-ils être cédés et l’obligation de payer subsiste-t-elle pendant toute la vie du débiteur ou du bénéficiaire? Une allocation d’entretien est habituellement versée à la personne même du bénéficiaire; elle est par conséquent incessible et prend fin à son décès. Une somme forfaitaire ou un capital, au contraire, fera normalement partie de la succession du bénéficiaire, elle peut donc être cédée et subsistera après son décès.

 

[18]      8. Les paiements sont-ils censés libérer le débiteur de toute obligation future de verser une pension alimentaire? Dans l’affirmative, il est plus facile de considérer les paiements comme l’échange ou l’achat du coût en capital d’une allocation d’entretien.

 

[8]              En l’espèce, la somme de 50 000 $ était un paiement unique. L’appelant devait faire ce paiement dans les 60 jours suivant la date de l’ordonnance, faute de quoi il aurait été obligé de constituer une hypothèque sur sa résidence en faveur de sa conjointe. Une fois le paiement de 50 000 $ fait, l’appelant a été libéré de toute réclamation future de pension alimentaire pour conjoint. Le paiement de 50 000 $ représentait 45 % du revenu annuel de l’appelant, et il a permis à sa conjointe d’accumuler un capital important.

 

[9]              Par conséquent, je conclus que la somme de 50 000 $ ne constituait pas une « allocation périodique » au sens du paragraphe 56.1(4) de la Loi. Il ne s’agissait pas d’une pension alimentaire, mais plutôt d’une somme payée à titre de capital, qui n’est pas déductible pour l’appelant.

 

[10]         À l’audience, l’appelant a dit qu’il ne fallait pas interpréter la Loi de façon rigide parce qu’il avait toujours fait les paiements à sa conjointe à temps. Il a dit se sentir pénalisé parce qu’il s’était conduit de façon responsable. L’appelant a expliqué que, s’il avait su que la somme payée à titre de capital n’était pas déductible, il aurait continué à faire des paiements périodiques.

 

[11]         Essentiellement, l’appelant demande un redressement fondé sur l’équité.

 

[12]         La Cour n’a pas le pouvoir d’annuler une cotisation sur le fondement de l’équité. Si, compte tenu des faits pertinents, la Cour est convaincue que la cotisation a été établie conformément à la Loi, elle doit rejeter l’appel. Comme le juge Tardif l’a exprimé à juste titre aux paragraphes 5 et 12 de Dubois c. La Reine[2] :

 

[5]        Malheureusement, ce tribunal doit prendre en considération tous les faits pertinents afin de vérifier si la cotisation a été correctement établie en conformité avec les dispositions de la Loi, auquel cas la cotisation doit être confirmée; la Cour canadienne de l’impôt n’a pas l’autorité légale pour annuler ou modifier une cotisation pour des motifs basés essentiellement sur l’équité. En d’autres termes, le rôle du juge consiste à décider si la cotisation est bien fondée ou non et non pas de faire ou de refaire la loi.

 

[…]

 

[12]      Notre cour n’a pas le pouvoir de faire ce que l’appelante lui demande. Elle a uniquement le pouvoir d’examiner si la cotisation a été établie en conformité avec les dispositions de la Loi, ce qui en l’espèce est le cas.

 

[13]         Pour tous les motifs exposés ci‑dessus, l’appel est rejeté.

 

 

 

Signé à Halifax (Nouvelle‑Écosse), ce 29e jour d’octobre 2009.

 

 

 

« V.A. Miller »

Juge V.A. Miller

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour de décembre 2009.

 

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.



RÉFÉRENCE :

2009 CCI 556

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2008-352(IT)I

 

INTITULÉ :

Richard Bennett et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Hamilton (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 9 octobre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Valerie Miller

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 29 octobre 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

Avocate de l’intimée :

Me Sandra K.S. Tsui

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

Pour l’appelant :

 

Nom :

 

 

Cabinet :

 

 

Pour l’intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 



[1] [1990] 1 C.F. 600

[2] 2006 CCI 403

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