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Dossier : 2009-660(EI)

ENTRE :

MONIQUE BABICH,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu les 16 et 17 septembre 2009,

à Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Devant : L’honorable juge suppléant D.W. Rowe

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

M. Earl Babich

 

Avocate de l’intimé :

Me Pavanjit Mahil Pandher

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          Conformément aux motifs du jugement ci-joints, l’appel est accueilli et la décision du ministre du Revenu national, datée du 27 novembre 2008, est modifiée pour faire état de la conclusion suivante :

 

-         Monique Babich exerçait un emploi assurable auprès d’Able Enterprises Ltd. du 1er avril 2008 au 25 avril 2008.

 

       Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 28e jour d’octobre 2009.

 

« D.W. Rowe »

Juge Rowe

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour de janvier 2010.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice

 


 

 

 

 

Référence : 2009 CCI 551

Date : 20091028

Dossier : 2009-660(EI)

ENTRE :

MONIQUE BABICH,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge suppléant Rowe

 

[1]     L’appelante, Monique Babich (« Mme Babich »), a interjeté appel d’une décision du ministre du Revenu national (le « ministre ») datée du 27 novembre 2008 dans laquelle le ministre a déterminé que l’emploi exercé par Mme Babich auprès d’Able Enterprises Ltd. (« Able ») du 1er avril 2008 au 25 avril 2008 n’était pas un emploi assurable au sens de l’alinéa 5(2)i) de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »). Comme il est énoncé dans la décision, le ministre, après avoir examiné les modalités de l’emploi, n’était pas convaincu que le contrat de travail conclu entre Able et Mme Babich aurait été à peu près semblable si les deux parties n’avaient pas eu de lien de dépendance.

 

[2]     L’appelante était représentée par son mari, Earl Babich (« M. Babich »).

 

[3]     Mme Babich a déclaré qu’elle réside à Mission, en Colombie‑Britannique, et qu’elle travaille pour la Fraser Valley Brain Injury Association (l’« Association »). Elle a admis les hypothèses énoncées aux alinéas 6a) à 6d) inclusivement de la réponse à l’avis d’appel (la « réponse »), lesquels alinéas sont rédigés ainsi :

 

[traduction]

 

a)                  le payeur œuvrait dans le domaine de la construction et vendait du bois de chauffage;

 

b)                  Earl Babich (« M. Babich ») était l’unique actionnaire du payeur;

 

c)                  l’appelante était l’épouse de M. Babich;

 

d)                  le payeur était exploité toute l’année;

 

[4]     Mme Babich a déclaré qu’elle avait été hospitalisée pendant 10 jours en février 2008 en raison de complications liées à sa grossesse et qu’elle n’avait pu travailler certaines des heures assurables requises pour être admissible à des prestations de maternité en vertu des dispositions de la Loi relatives aux prestations d’assurance-emploi (« AE »). L’Association est une organisation sans but lucratif qui dépend de subventions gouvernementales. Au cours de la période suivant la fin février 2008, l’Association n’avait pas suffisamment de fonds pour employer l’appelante pour les heures supplémentaires requises. Mme Babich a affirmé qu’elle n’avait jamais été employée par Able avant la période pertinente, qu’elle n’avait pas travaillé à son propre compte pendant sa carrière et que, même lorsqu’elle fournissait des soins privés aux personnes souffrant de traumatismes crâniens – pour arrondir son revenu – elle le faisait à titre d’employée de la personne soignée. Le 1er avril 2008, Mme Babich était enceinte de huit mois et avait cherché en vain un autre emploi. Comme l’indique la lettre datée du 20 juin 2008 (pièce A‑1) envoyée par P.A. Bassi, un agent d’assurance au service de Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC), Mme Babich avait accumulé 564 heures d’emploi assurable entre le 29 avril 2007 et le 26 avril 2008, mais avait besoin de 600 heures assurables pour être admissible à des prestations spéciales fondées sur le congé de maternité. Mme Babich a déclaré qu’à l’époque, elle n’était pas au courant des dispositions législatives lui permettant de demander une prolongation de la période de prestations fondée sur les heures de travail manquées pendant son hospitalisation en février et sur les heures assurables perdues pendant l’été 2007, alors qu’elle souffrait de symptômes liés à la naissance de son premier enfant. Après février 2008, Mme Babich a continué à travailler pour l’Association dans le bureau situé à son domicile conjugal, comme elle l’avait fait tout au long de son emploi auprès de cette organisation. Elle a aussi commencé à travailler pour Able le 1er avril 2008, ayant été engagée par Ernest Babich (« Ernest »), son beau‑père. Elle avait la responsabilité de trier les reçus et de mettre de l’ordre dans les écritures qui s’étaient accumulés au cours d’une période de trois ou quatre ans, pour qu’Able puisse produire les déclarations de revenus des sociétés appropriées ainsi que les déclarations relatives à la taxe sur les produits et services (« TPS ») requises en vertu des dispositions de la Loi sur la taxe d’accise. Le salaire a été fixé à 16 $ l’heure, le même taux que celui selon lequel elle était payée lorsqu’elle travaillait pour l’Association et qu’elle fournissait des soins privés à un patient. Mme Babich a déclaré qu’elle triait les reçus par catégorie et qu’elle se servait d’une machine à additionner pour créer des bandes indiquant les montants totaux de diverses dépenses. Elle établissait ses propres heures de travail, et au cours de la période pertinente, elle a consacré 78 heures à cette tâche. Son dernier jour de travail pour l’Association – et pour Able – a été le 25 avril. Le bébé est né le 1er mai. Mme Babich a déclaré qu’elle avait travaillé pour Able dans la mesure où son horaire le lui permettait, puisqu’elle voulait être admissible aux prestations de maternité prévues par le régime d’AE. Pendant cette période, elle a continué à travailler environ 10 heures par semaine pour l’Association dans son bureau à domicile, là où elle travaillait également pour Able. Mme Babich a déclaré qu’elle n’avait pas été engagée pour remplir des déclarations de TPS pour Able comme le supposait le ministre à l’alinéa 6f) de la réponse et que tout défaut de produire ces déclarations – allégué à l’alinéa 6g) – n’était pas attribuable à un quelconque défaut de sa part. Mme Babich a précisé que son mari, M. Babich, et elle n’avaient pas vécu dans la même résidence que son beau-père, Ernest, et sa belle-mère, Betty Babich (« Betty »), depuis octobre 2005 et que le ministre supposait à tort – à l’alinéa 6h) – qu’elle avait exercé ses fonctions pour Able dans une maison qu’elle partageait avec ses beaux‑parents. Mme Babich a déclaré qu’elle avait mentionné cela à l’agent des appels lorsqu’elle avait été interviewée par téléphone. Pendant la période pertinente, Mme Babich avait un enfant de 21 mois à la maison, mais la mère et le père de l’appelante s’occupaient souvent de l’enfant. Mme Babich a précisé que sa mère avait pris congé de son emploi, que son père était retraité et que l’enfant allait parfois chez ces derniers à North Vancouver. Mme Babich a admis qu’elle avait reçu une formation de la part de Betty et que, bien qu’elle ne fût pas directement supervisée, elle devait parler à Betty de temps en temps, en personne ou par téléphone, pour obtenir certaines précisions au sujet des reçus ou d’autres documents. Mme Babich a reconnu qu’elle n’avait aucune expérience préalable en tant que commis comptable. Cependant, dans le cadre de son emploi auprès de l’Association, elle devait tirer des chèques, de préparer des documents en vue de leur signature par le directeur exécutif ou un membre du conseil d’administration et d’assembler les feuilles de temps de cinq collègues en vue de leur remise au comptable de l’organisation. De plus, elle ouvrait et triait le courrier et classait les factures lorsqu’elle se trouvait au bureau de l’Association et exerçait les fonctions d’adjointe administrative. Mme Babich a déclaré qu’Ernest n’était pas absent du Canada pendant la période pertinente, puisque lui et Betty ne sont partis que le 7 mai pour leur croisière en Europe. Mme Babich a déclaré que, pour le mois d’avril 2008, l’employeur principal était Able pour ce qui est des heures assurables, bien qu’elle ait continué à travailler pour l’Association. Les détails du travail effectué et des gains reçus tant d’Able que de l’Association ont été énoncés dans le formulaire d’attestation du prestataire (pièce A‑3) que l’appelante a rempli et présenté à Service Canada le 15 mai 2008. Dans ce document, l’Association et Able sont identifiées par les termes « FVBIA » et « Able Ent. » respectivement. Mme Babich a admis que les hypothèses énoncées par le ministre aux alinéas 6r) et 6s) de la réponse étaient fondées, en ce sens qu’elle était enceinte de huit mois lorsqu’elle avait été engagée par Ernest pour le compte d’Able et que son emploi avait pris fin lorsque le travail avait été terminé avant la fin d’avril. Mme Babich a précisé qu’aucun travailleur suppléant n’avait été engagé par la suite parce qu’il ne restait plus de travail à faire, les documents nécessaires – qui lui avaient été remis dans une grande boîte en carton – ayant été triés par année d’imposition et les montants ayant été totalisés et les totaux fournis aux fins de la production des déclarations de revenus des sociétés et des déclarations de TPS. Lors de son travail pour Able, elle pensait que la compilation de documents et le produit du travail connexe seraient remis à un comptable engagé par Able. Mme Babich a déclaré que la documentation lui avait été remise dans un [traduction] « fouillis » couvrant une période d’environ quatre ans. Souvent, il lui était difficile de lire certains reçus ou d’autres documents ou d’en saisir la pertinence, puisqu’elle n’avait pas participé aux affaires d’Able avant le début de son emploi le 1er avril 2008. Elle était au courant qu’une vérification était effectuée par l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »), mais ni Ernest, ni Betty, ni M. Babich ne l’avaient informée directement que le travail qu’elle devait faire se rapportait à une vérification quelconque. Mme Babich a déclaré que Betty lui avait donné une formation d’environ huit heures sur une période de [traduction] « quelques jours ».

 

[5]     Mme Babich a été contre-interrogée par l’avocate de l’intimé. Elle a reconnu qu’avant son mariage avec leur fils Earl Babich, elle avait vécu dans la même résidence qu’Ernest et Betty, mais elle a précisé que ces derniers avaient déménagé pour aller vivre dans leur autocaravane située sur une propriété qui leur appartenait et qu’ils y avaient résidé tout au long de 2008. Ils n’avaient pas utilisé l’adresse de leur ancienne résidence – qui était désormais la résidence de M. et Mme Babich – comme leur adresse postale. Mme Babich a déclaré avoir souffert d’une forme de dépression en juillet et en août 2007 et que, le mois suivant, elle avait découvert qu’elle était enceinte de leur deuxième enfant. Mme Babich a précisé qu’elle possède un diplôme en réadaptation communautaire ainsi qu’un diplôme en thérapie des patients. Elle savait qu’M. Babich était un dirigeant d’Able et qu’il en contrôlait l’exploitation quotidienne, mais elle ne savait pas s’il y avait d’autres dirigeants de la société. Mme Babich a identifié sa signature à la page 11 d’un questionnaire (pièce R‑1, datée du 8 octobre 2008) qu’elle avait rempli et retourné à l’ARC, a admis qu’elle avait connaissance de l’en-tête à la page 11 ([traduction] « Certification ») et a confirmé que les réponses données dans le questionnaire étaient exactes. Les clients d’Able étaient situés partout dans la vallée du Fraser et l’entreprise était exploitée à partir du foyer conjugal que M. et Mme Babich partageaient. Les affaires de la société étaient menées à partir d’un espace de travail situé dans une pièce distincte, au moyen de deux ordinateurs ainsi que de matériel et de fournitures de bureau ordinaires. Mme Babich a utilisé le même espace pour exercer ses fonctions pour l’Association et – en avril 2008 – pour effectuer pour Able le travail qui ne nécessitait pas d’ordinateur, mais seulement une calculatrice et une imprimante. Mme Babich a déclaré qu’elle savait qu’Able était en affaires depuis environ 30 ans et que M. Babich avait acquis les actions de la société à un moment donné. À sa connaissance, Able n’avait aucun employé n’appartenant pas à la famille en 2008. Cependant, Mme Babich ne touchait pas aux documents relatifs à la paye, notamment les feuillets T4. Le bureau de l’Association était situé à Abbotsford, à environ 25 milles de la résidence des Babich, et exerçait diverses fonctions visant les personnes souffrant de traumatismes crâniens. En 2008, Mme Babich a travaillé à un programme de prévention des blessures et a doté en personnel un kiosque au salon de l’aéronautique d’Abbotsford. Aux termes d’un contrat écrit conclu avec l’Association, Mme Babich travaillait environ 10 heures par semaine, à des taux variant entre 16 $ et 18 $ l’heure, selon la tâche à accomplir. Elle a reçu de la part de l’Association un relevé d’emploi (« RE ») (pièce R‑2, datée du 28 avril 2008) indiquant qu’elle avait travaillé un total de 584 heures assurables et avait obtenu une rémunération assurable de 5 877,44 $ pendant la période allant du 1er mars 2007 au 25 avril 2008. Mme Babich a déclaré que la case 11 du RE indiquait à tort que le 5 avril 2008 était le dernier jour pour lequel elle avait été payée, parce qu’elle avait travaillé jusqu’au 25 avril. Mme Babich a renvoyé à un état de deux pages (intitulé [traduction] « État de la rémunération et des déductions ») émis par l’Association et déposé sous la cote R‑3. Mme Babich a mentionné les inscriptions à la page 1 de l’état se rapportant à la période se terminant le 9 avril, lesquelles inscriptions indiquaient qu’elle avait travaillé 22 heures à 16 $ l’heure et quatre heures à 18 $ l’heure, pour un total de 26 heures. Comme il est indiqué à la page 2 pour la période se terminant le 25 avril, Mme Babich a travaillé 36,5 heures à 16 $ l’heure et neuf heures à 18 $ l’heure. Au moment de remplir le questionnaire (pièce R‑1), Mme Babich a préparé un calendrier pour consigner les heures travaillées pour Able et l’a joint derrière la page de signature. Mme Babich a déclaré que certaines des heures incluses dans sa dernière période de paye de l’Association étaient des heures travaillées précédemment qui étaient [traduction] « accumulées », en ce sens qu’elles n’avaient pas été payées à l’époque, sans doute en raison de contraintes financières pendant une ou plusieurs périodes de paye. Quant au travail effectué pour Able, Mme Babich a déclaré qu’elle avait consigné le nombre d’heures travaillées (soit de façon consécutive, soit à différents moments d’une même journée), mais qu’elle n’avait pas consigné les heures de début et de fin. Son jeune enfant était habituellement supervisé par ses parents ou était absent de la maison, mais ses heures de travail étaient flexibles et lui permettaient de s’occuper de son enfant au domicile conjugal. Elle a précisé qu’Ernest l’avait engagée environ une semaine avant le 1er avril, afin de donner l’impression qu’il n’y avait pas de lien de dépendance, puisqu’M. Babich était l’unique actionnaire d’Able. Avant la période pertinente, elle n’avait pas aidé M. Babich dans le cadre des affaires d’Able. Elle n’avait pas répondu au téléphone de l’entreprise et n’avait pas effectué de travail de bureau, mais elle savait qu’Ernest travaillait avec M. Babich pour exploiter l’entreprise. Mme Babich a déclaré qu’elle avait communiqué avec deux autres employeurs éventuels à Abbotsford qui étaient exploités par des connaissances et qu’elle avait demandé un emploi avant le 1er avril 2008. Elle n’avait pas été engagée, selon elle parce qu’elle était manifestement enceinte et qu’elle allait accoucher dans environ un mois. Mme Babich a répété qu’elle avait été engagée pour compiler les renseignements provenant de la masse de documents qui lui avait été remise, mais qu’elle n’avait joué aucun rôle dans la préparation des déclarations de TPS pour Able. En ce qui concerne le travail effectué, Mme Babich a soutenu que les tâches de tri et de totalisation n’exigeaient aucune habileté particulière si ce n’est celles qu’acquiert une personne qui connaît bien le travail courant de bureau et certains aspects de la paye. Betty a donné à Mme Babich certaines directives sur les méthodes appropriées à suivre pour classer les documents par catégorie et les placer dans un ordre particulier, puisqu’elle avait été commis comptable pour Able pendant de nombreuses années. Mme Babich a déclaré qu’elle avait été payée pour les heures de formation auprès de Betty, mais que tout contact ultérieur avec Betty ou Ernest visait à obtenir une réponse à une question concernant le contenu ou l’importance de certains documents. Mme Babich a précisé qu’elle avait travaillé 78 heures (à 16 $ l’heure) pendant la période pertinente et qu’elle avait gagné la somme de 1 248 $. Elle avait été payée au moyen d’un chèque daté du 1er mai 2008, signé par Ernest et tiré sur le compte d’Able. Le chèque avait été déposé dans son compte bancaire à Abbotsford le 8 mai. Quant à la question 16b) à la page 8 du questionnaire (pièce R‑1) concernant les fonctions de tenue de livres exercées, Mme Babich a déclaré qu’elle avait fourni les renseignements demandés après les avoir obtenus des dossiers d’Able. Son RE d’Able avait été préparé et signé par Ernest. Mme Babich a reconnu qu’elle n’avait conclu avec Able aucun contrat écrit concernant le travail effectué pendant la période pertinente et qu’elle n’avait présentement aucune preuve documentaire démontrant que le travail en question avait été effectué. Elle a reconnu qu’elle était au courant du nombre d’heures assurables requises pour être admissible aux prestations de maternité prévues par le régime d’AE et qu’en février et en mars, elle avait demandé plus d’heures de travail à l’Association, mais que celle-ci n’avait pas suffisamment de fonds parce qu’elle dépendait de subventions reçues de diverses sources à des intervalles irréguliers. Mme Babich a affirmé qu’elle n’avait pas expressément demandé plus d’heures de travail en vue d’être admissible aux prestations de maternité.

 

[6]     M. Babich a mené le réinterrogatoire de l’appelante. Mme Babich a déclaré que le logiciel de comptabilité ne lui était pas inconnu et a expliqué que la portée de son travail pour l’Association exigeait qu’elle [traduction] « remplisse de multiples fonctions ». Elle était payée pour le temps de déplacement et ces heures étaient incluses dans le total indiqué dans le RE émis par l’Association. En 2000, le salaire de début était d’environ 10 $ l’heure; en 2008, il était passé à 16 $ depuis quelques années déjà. Mme Babich a confirmé que les heures dites [traduction] « accumulées » pendant la dernière partie d’avril 2008 étaient en fait des heures de travail pour lesquelles elle avait été payée. Selon elle, elle avait peut‑être assisté à une réunion du personnel au bureau de l’Association vers la fin d’avril. En ce qui concerne le travail effectué pour Able, Ernest avait remis à l’appelante les documents qui devaient être triés et des totaux avaient été préparés au moyen d’une machine à additionner/calculatrice qui produisait des bandes. Mme Babich a déclaré qu’elle avait pu travailler pour l’Association et pour Able au cours de la même période. Si ses parents n’étaient pas présents pour s’occuper l’enfant ou ne l’avaient pas emmené chez eux, elle pouvait travailler lorsque l’enfant dormait. Comme le démontrent les états de la rémunération (pièce R‑3), Mme Babich a précisé qu’elle avait travaillé pour l’Association après le 4 avril. Quant à l’espace de travail à la maison, il y avait plus d’un bureau et un ordinateur distinct servait aux affaires d’Able.

 

[7]     Ernest a déclaré qu’il réside à Harrison Mills, une petite collectivité à proximité d’Agassiz, en Colombie‑Britannique, mais qu’il avait vécu dans la résidence située sur le chemin Sylvester, à Mission, jusqu’à sa retraite en octobre 2005. Son épouse Betty et lui ont acheté une autocaravane et l’ont utilisée pour voyager pendant plusieurs mois jusqu’en juillet 2006, date à laquelle ils l’ont placée sur un lot qu’ils avaient acheté à Harrison Mills. Le certificat de titre a été présenté en preuve sous la cote A‑4. Ernest a déclaré qu’il avait parlé à Mme Babich en mars au sujet d’un certain travail à effectuer pour Able mais qu’elle n’avait été engagée qu’en avril. En ce qui concerne la décision rendue par le ministre et la confirmation de cette décision par le ministre, Ernest s’est souvenu qu’il avait parlé à quelqu’un à l’ARC au sujet de l’emploi de Mme Babich et qu’il avait par la suite rempli et signé un questionnaire (pièce A‑5, datée du 8 octobre 2008) qu’il avait retourné à l’ARC. Il avait joint divers documents au questionnaire, y compris un certificat de constitution indiquant qu’Able a été formée le 14 février 1979. Pendant la période pertinente, Ernest n’était pas administrateur d’Able et n’occupait pas le poste de président ou de secrétaire. Cependant, il assumait les fonctions de dirigeant d’entreprise et, lorsqu’il n’était pas absent de la région, il travaillait avec M. Babich au sein de l’entreprise. Parmi les documents joints au questionnaire, il y avait une photocopie d’un chèque daté du 1er mai 2008 et tiré sur le compte d’Able chez Canada Trust, à Mission. Le chèque avait été rempli et signé par Ernest et avait été déposé le 8 mai dans le compte de Mme Babich à la Banque Royale, à Abbotsford. Ernest a précisé que M. Babich avait préparé l’état de la rémunération et des déductions visant Mme Babich. Ernest a déclaré que Betty avait montré à Mme Babich comment effectuer le travail, parce qu’elle avait fait la tenue de livres pour Able et l’entité remplacée par celle-ci pendant près de 30 ans. Ernest a ajouté que les tâches que devait exécuter Mme Babich ne comprenaient pas la préparation ou la production de déclarations de TPS pour Able, puisque M. Babich en était responsable. Ernest a été actionnaire d’Able depuis sa création en 1979 jusqu’au 12 septembre 1995, date à laquelle M. Babich est devenu l’unique actionnaire d’Able. Ernest a déclaré qu’il n’était plus administrateur d’Able depuis le 15 septembre 2000. En ce qui concerne le salaire de 16 $ l’heure versé à Mme Babich, Ernest a précisé qu’il avait parlé à certaines personnes et qu’il était convaincu qu’il s’agissait d’un taux raisonnable pour le type de travail à effectuer. Ernest a déclaré qu’il n’avait jamais reçu son courrier à l’adresse du chemin Sylvester à Mission et qu’il utilise une case postale à Mission depuis 1990. Ernest a précisé qu’il aurait pu engager une personne non liée pour qu’elle effectue le travail nécessaire en avril 2008, mais qu’il était mutuellement avantageux de faire exécuter les tâches requises par Mme Babich. À l’époque, Able n’avait pas produit de déclaration de revenus des sociétés ni de déclaration de TPS pour les années 2004 à 2007 inclusivement. L’ARC avait effectué une vérification visant les années 2000 à 2005 inclusivement et les questions en découlant n’avaient pas été réglées. Afin de se conformer aux exigences de production, il fallait trier diverses factures et divers reçus et d’autres documents et totaliser des montants. Ernest a affirmé que le temps consacré à cette tâche par Mme Babich – 78 heures – était raisonnable compte tenu de la quantité de travail à faire. À son avis, il était pratique de retenir les services de Mme Babich, puisque Betty et lui s’apprêtaient à faire une croisière sur la mer Baltique et Betty s’affairait à préparer ce séjour prolongé. Leur départ par avion de Vancouver avait lieu trois ou quatre jours avant le début de leur croisière, de sorte qu’ils devaient être prêts à partir le 7 mai au plus tard.

 

[8]     Ernest a été contre-interrogé par l’avocate de l’intimé. Comme il est indiqué dans le résumé d’entreprise de la Colombie‑Britannique pour Able (pièce R‑4) fondé sur le dernier rapport annuel déposé le 14 février 2007, Ernest a reconnu que Betty et lui étaient inscrits comme dirigeants et que l’adresse postale fournie au ministère des Finances était celle du chemin Sylvester, à Mission, à savoir, celle de la résidence de M. et Mme Babich. Comme il est semi-retraité et touche une pension privée, Ernest a déclaré qu’il accepte d’être payé de façon irrégulière par Able pour le travail qu’il effectue. En 2008, il a gagné un montant total de 4 000 $ – payé par chèque – et aucune cotisation d’AE n’a été retenue. Betty a gagné la somme de 8 200 $ en 2008 et aucune cotisation n’a été retenue au titre de l’AE ou du Régime de pensions du Canada. En 2008, Able avait trois employés, qui étaient tous des personnes liées à la société. Ernest a précisé qu’Able œuvrait dans le domaine de la vente de bois de chauffage et qu’elle avait été pendant 22 ans fournisseur auprès des parcs provinciaux de la Colombie‑Britannique et d’acheteurs privés. Pendant ce temps-là, Able a également entrepris certains travaux de construction. Le bois obtenu par Able auprès de plusieurs sociétés d’exploitation forestière est un bois [traduction] « de qualité secondaire », ce qui veut dire qu’il s’agit d’un produit rejeté ou récupéré. À une certaine époque, ce bois devait être acheté; toutefois, depuis peu, il est fourni gratuitement à Able et livré à son site. Able avait utilisé une petite caravane comme bureau sur le chemin Dyke. Cependant, en raison d’un incendie ayant eu lieu en 2004 dans une usine de bardeaux voisine, le bureau a été transféré et les documents commerciaux ont par la suite été conservés soit à la résidence d’Ernest, soit à la maison de M. Babich sur le chemin Sylvester. Les registres de la compagnie sont présentement conservés dans l’autocaravane. Betty a travaillé sur ces registres dans l’autocaravane et dans le bureau à la maison de M. Babich, où celui‑ci conservait certains registres dans un ordinateur. Ernest a déclaré que Betty et lui avaient commencé à construire une maison en avril 2006 – un projet qui les avait tenus occupés – et que des problèmes financiers ayant mené à un dépôt de bilan en août 2008 étaient venus compliquer leurs vies. Depuis avril 2006, lui et Betty construisaient une maison, qui n’est achevée qu’à 60 %. Les déclarations de TPS pour les années 2004 à 2007 inclusivement ont été produites en juillet 2008, mais pas avant que l’ARC ne saisisse le compte bancaire d’Able le 11 juillet. Ernest a déclaré qu’il savait que certaines lettres d’avertissement avaient été envoyées par l’ARC à Able et était d’avis que M. Babich, la personne chargée des activités quotidiennes, avait tardé à produire les déclarations nécessaires. Ernest a identifié sa signature à la page 14 du questionnaire (pièce A‑5) et a admis avoir répondu à la question 2c) en déclarant que M. Babich, Betty et lui‑même étaient des personnes qui [traduction] « contrôlent les activités quotidiennes du payeur et qui prend/prennent les principales décisions commerciales […] ». Ernest a précisé qu’Able n’avait pas exploité l’entreprise de vente de bois de chauffage de 1995 à 2000 inclusivement. Le contexte est le suivant : Ernest a déclaré qu’il détenait le titre d’assureur‑vie agréé et qu’il avait travaillé pendant 14 ans comme directeur de succursale pour Metropolitan Life, une compagnie d’assurances. Il a lu un travail universitaire que son frère avait rédigé au sujet de la viabilité de l’industrie du bois de chauffage et l’a trouvé si intéressant qu’il a quitté son emploi et créé une entreprise de vente de bois de chauffage. De 1980 à 2000, l’entreprise a été exploitée par Babich Enterprises Ltd. Plus tard, elle a été transférée à Able, qui – bien qu’elle fût en règle – avait été inopérante. Les déclarations de TPS étaient produites par Betty. À une certaine époque, l’entreprise de vente de bois de chauffage comptait 12 employés et affichait des ventes brutes de 600 000 $. Pour revenir à l’embauche de Mme Babich le 1er avril 2008, Ernest a précisé qu’il avait abordé celle‑ci pour lui demander de faire le travail en question et qu’il savait qu’elle ne recevait pas un nombre suffisant d’heures de travail de la part de l’Association. Selon lui, le travail devait être fait pour qu’Able puisse se conformer aux exigences de l’ARC relatives à la production des déclarations de revenus et des déclarations de TPS; il était sûr qu’il en aurait coûté beaucoup plus que 16 $ l’heure pour retenir les services d’une entreprise commerciale de tenue de livres. D’après son estimation, la formation donnée par Betty avait pris environ une demi‑journée; il lui semblait logique que Mme Babich exécute les tâches requises, puisqu’elle avait besoin de travailler, que Betty était occupée et qu’Able ne s’était pas conformée à son obligation juridique de produire les déclarations de revenus des sociétés et les déclarations de TPS pour une période de quatre ans. Il savait que les parents de Mme Babich étaient prêts à s’occuper du jeune garçon et il était convaincu que Mme Babich pourrait travailler à son propre rythme en tenant compte de sa grossesse avancée. Ernest a confirmé qu’il avait préparé et signé le RE joint au questionnaire (pièce A‑5) daté du 1er mai 2008. Les renseignements fournis à la question 16 ont été obtenus auprès de Betty et étaient fondés sur les documents commerciaux d’Able. Ernest, Betty et M. Babich étaient signataires sur le compte bancaire d’Able. La lettre (faisant partie de la pièce R‑5) adressée au chef des appels à l’ARC et datée du 25 août 2008 a été préparée par Ernest et, à la page 2, précise que le travail effectué par Mme Babich a permis à Able de produire des déclarations pour [traduction] « quatre ans de versements de TPS ».

 

[9]     Dans le cadre du réinterrogatoire, Ernest a déclaré ne pas avoir lu le questionnaire (pièce R‑1) rempli par Mme Babich.

 

[10]    L’appelante a terminé sa preuve.

 

[11]    L’avocate de l’intimé a appelé Raj Kandola (« M. Kandola ») à la barre des témoins. M. Kandola a déclaré qu’il était au service de l’ARC depuis 2002 et qu’il occupait le poste d’agent des appels depuis juillet 2008. Il a été affecté au traitement de l’appel de la décision interjeté par Mme Babich et a procédé à un examen de l’affaire qui a mené à la préparation de son rapport CPT 110 – [traduction] Rapport sur un appel (le « rapport ») (pièce R‑6), ainsi qu’à la préparation de la lettre de décision datée du 27 novembre 2008 et signée par E. Jacquard (« M. Jacquard »), chef d’équipe. Il s’est souvenu avoir parlé à Ernest et à Mme Babich au téléphone le 25 novembre et a mentionné ces conversations dans les sections I et J respectivement de son rapport. M. Kandola a déclaré avoir énoncé en détail son analyse des faits pertinents dans la section VI, ainsi que la façon de traiter les contradictions découlant des renseignements fournis à divers moments. Il a déclaré avoir choisi les versions qui pouvaient être vérifiées. Dans la section VII, à la page 7 du rapport, M. Kandola a présenté son examen des faits concernant l’emploi de Mme Babich, en ce qui touchait la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli. Sous la rubrique intitulée [traduction] « Nature et importance », M. Kandola a déclaré avoir conclu que [traduction] « les déclarations de TPS qui étaient censées être remplies par le travailleur chargé de ces fonctions n’ont été remplies que plusieurs mois après le fait. Ce facteur semble indiquer qu’il existe un lien de dépendance ». M. Kandola a précisé que le sens du dernier commentaire s’inscrivait dans le contexte de l’ensemble du paragraphe traitant de la nature et de l’importance du travail effectué par Mme Babich.

 

[12]    M. Kandola a été contre-interrogé par M. Babich. M. Kandola a déclaré qu’il avait remis à son chef d’équipe, M. Jacquard, l’ensemble du dossier relatif à Mme Babich, y compris son rapport. Il a précisé qu’il savait que Mme Babich avait besoin de 36 heures de travail assurables supplémentaires pour être admissible aux prestations d’AE fondées sur le congé de maternité, mais que ce fait n’avait pas influencé son analyse et sa recommandation à M. Jacquard. M. Kandola a déclaré qu’il ne se souvenait pas avoir parlé à M. Babich et que toute mention visant M. Babich dans la section I de son rapport (questions de suivi 93 et 94) est erronée, puisque la conversation du 25 novembre 2008 a eu lieu avec Ernest.

 

[13]    Le représentant de Mme Babich a soutenu que le travail effectué par celle-ci était réel et que le taux de rémunération et les modalités d’emploi étaient raisonnables. Les tâches exécutées étaient de durée limitée en raison de la nature de l’emploi et le travail était nécessaire pour qu’Able puisse se conformer aux exigences relatives à la production des déclarations de revenus et des déclarations de TPS, puisqu’Able avait déjà un arriéré et devait agir assez vite en raison de questions non réglées découlant d’une vérification antérieure de l’ARC. Le représentant de Mme Babich a mentionné plusieurs cas où les hypothèses du ministre étaient inexactes et a soutenu que la preuve de Mme Babich et d’Ernest était crédible. En particulier, le ministre n’a pas compris les arrangements qui avaient été pris pour la garde de l’enfant alors que Mme Babich effectuait le travail pour Able et n’a pas tenu compte du fait qu’il n’y avait guère de différence entre le milieu de travail et les circonstances de l’emploi, que Mme Babich fût en train de fournir des services à l’Association ou qu’elle fût en train de fournir des services à Able en avril. Le représentant de Mme Babich a fait valoir que le nombre total d’heures de travail (78 heures) n’était pas excessif vu la tâche à accomplir et que le ministre n’avait pas tenu compte du fait que le contrat de travail conclu entre Mme Babich et Able était à peu près semblable à un contrat qui aurait été conclu entre des parties qui n’étaient pas liées.

 

[14]    L’avocate de l’intimé a reconnu que le ministre avait décidé que le contrat de travail était valide. Cependant, une analyse des circonstances a révélé que, parmi les employés d’Able, Mme Babich était la seule qui versait des cotisations d’AE, et qu’elle n’avait pu trouver un emploi auprès d’une partie sans lien de dépendance, probablement en raison de sa grossesse avancée. L’avocate a renvoyé à la réponse à la question 16 du questionnaire (pièce R‑1) concernant le nombre de chèques tirés, le nombre de clients et de fournisseurs et la fréquence des dépôts bancaires sur une base annuelle et a soutenu qu’il n’y aurait pas eu une accumulation suffisante de documents à trier et à classer par catégorie pour que Mme Babich soit occupée pendant 78 heures. L’avocate a souligné que Betty avait effectué la tenue de livres nécessaire pour Able et pour l’entité remplacée par celle‑ci pendant plusieurs années avant la période pertinente et qu’elle avait exécuté cette tâche par la suite. Selon la façon dont l’avocate envisageait la preuve, la décision du ministre était fondée sur une évaluation complète et rationnelle des faits pertinents et devrait être confirmée.

 

[15]    Les dispositions applicables de la Loi sont les alinéas 5(1)a) et 5(2)i) ainsi que le paragraphe 5(3), lesquels sont ainsi libellés :

 

5. (1) Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable :

a) l’emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d’un contrat de louage de services ou d’apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l’employé reçoive sa rémunération de l’employeur ou d’une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

[…]

 

(2) N’est pas un emploi assurable :

                 […]

(i) l’emploi dans le cadre duquel l’employeur et l’employé ont entre eux un lien de dépendance.

 

(3) Pour l’application de l’alinéa (2)i) :

a) la question de savoir si des personnes ont entre elles un lien de dépendance est déterminée conformément à la Loi de l’impôt sur le revenu;

 

b) l’employeur et l’employé, lorsqu’ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu’il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, qu’ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance.

 

[16]    Dans l’arrêt Quigley Electric Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2003] A.C.F. no 1789, 2003 CAF 461, la Cour d’appel fédérale était saisie d’une demande de contrôle judiciaire visant une décision par laquelle un juge de la Cour canadienne de l’impôt avait confirmé la décision du ministre voulant que l’emploi de l’appelante auprès d’un employeur auquel elle était liée n’ait pas été assurable. Monsieur le juge Malone, rédigeant les motifs de la Cour, s’est exprimé en ces termes aux paragraphes 7 et suivants :

 

7     Il est également allégué que le juge a commis une erreur de droit en n’appliquant pas le critère juridique énoncé dans les arrêts Légaré c. Canada (Ministre du Revenu national) (1999) 246 N.R. 176 (C.A.F.) et Pérusse c. Canada (2000) 261 N.R. 150 (C.A.F.). Ce critère consiste à déterminer si, compte tenu de l’ensemble de la preuve, la décision du ministre était raisonnable.

 

8     Plus précisément, il est allégué que le juge a limité la portée de sa fonction de contrôle lorsque, après avoir conclu que le ministre ne disposait manifestement pas de tous les faits, il a déclaré ce qui suit :

 

[traduction] [...] Cela ne veut pas dire que, à la suite de l’examen de nouveaux renseignements, je ne peux conclure que le ministre n’avait pas, après tout, toute l’information nécessaire pour exercer son mandat, comme il l’a fait, sans mon intervention. Cela veut tout simplement dire que j’ai conclu que les nouveaux facteurs, qui n’ont pas été examinés, ne sont pas pertinents.

 

9     Selon la demanderesse, il ne s’agit pas de savoir si le ministre disposait d’assez de renseignements pour rendre une décision, malgré le témoignage de Mme Quigley; il s’agissait plutôt de savoir, compte tenu de l’ensemble de la preuve, si la décision du ministre semblait toujours raisonnable. Au contraire, la demanderesse affirme que le juge a effectué un examen non pertinent en tentant de savoir si Mme Quigley était une « patronne » ou une « subalterne » chez Quigley Electric Ltd.

 

10     Selon mon analyse, le juge a correctement suivi l’approche retenue par la Cour dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Jencan Ltd., [1998] 1 C.F. 187 (C.A.), notamment que la décision résultant de l’exercice par le ministre du pouvoir discrétionnaire prévu à l’alinéa 5(3)b) ne peut être modifiée que s’il a agi de mauvaise foi, a omis de tenir compte de l’ensemble des circonstances pertinentes ou a tenu compte d’un facteur non pertinent.

 

11     Il n’y a pas eu mauvaise foi de la part du ministre en l’espèce.

 

12     Bien que les motifs de la décision soient longs, il est clair que le juge a analysé le témoignage de Jean Quigley à la lumière de l’alinéa 5(3)b), à savoir, notamment, si, compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’emploi, notamment la rétribution versée, les modalités de l’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, l’employeur et l’employée auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance. Après avoir examiné d’autres décisions rendues par la Cour de l’impôt, le juge a rejeté toute idée que Mme Quigley puisse être qualifiée de « patronne » chez Quigley Electric Ltd., puis il a rejeté les exemples qu’elle a donnés pour tenter de démontrer que le traitement spécial dont elle jouissait au sein de la société était dû à la relation personnelle qu’elle entretenait avec l’actionnaire majoritaire et non pas à son contrat d’emploi.

 

13     Il a conclu en affirmant que les facteurs dont le ministre avait tenu compte, facteurs qu’il avait exposés précédemment dans ses motifs, étaient les facteurs pertinents dont il devait tenir compte pour sa propre décision. Cela, dans le contexte de la présente affaire, ne peut que signifier que la décision du ministre était raisonnable compte tenu de l’ensemble de la preuve. Je ne vois aucune erreur de droit dans la présente analyse ou conclusion.

 

14     Je suis d’avis de rejeter la demande de contrôle judiciaire avec dépens.

 

[17]    Dans la décision Porter c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2005] A.C.I. no 266, 2005 CCI 364, Mme la juge Campbell s’est penchée sur les observations faites par M. le juge Archambault dans la décision Bélanger c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), 2005 CarswellNat 3971, 2005 CCI 36, et sur celles formulées par M. le juge Bowie dans la décision Birkland c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2005] A.C.I. no 195, 2005 CCI 291. Dans ces deux décisions, les juges ont examiné la fonction qu’assume la Cour à la lumière de l’arrêt Légaré de la Cour d’appel fédérale, précité, et de décisions subséquentes de cette cour. Aux paragraphes 12 et 13 de ses motifs, la juge Campbell a tenu les propos suivants :

 

12     Le rôle de la Cour canadienne de l’impôt dans des instances relatives à l’assurance‑emploi, qui a été décrit dans les arrêts Légaré et Pérusse, a récemment été confirmé par le juge Létourneau dans l’arrêt Livreur Plus Inc. c. Canada, [2004] A.C.F. no 267, aux paragraphes 12, 13 et 14 :

 

12.  Tel que déjà mentionné, le ministre suppose, au soutien de sa décision, l’existence d’un certain nombre de faits recueillis par voie d’enquête auprès des travailleurs et de l’entreprise qu’on estime être l’employeur. Ces faits sont présumés avérés. Il incombe à celui qui s’oppose à la décision du ministre de les réfuter.

 

13.  Le rôle du juge de la Cour canadienne de l’impôt, saisi d’un appel de la décision du ministre, consiste à vérifier l’existence et l’exactitude de ces faits ainsi que l’appréciation que le ministre ou ses officiers en ont fait et, au terme de cet exercice, à décider, sous l’éclairage nouveau, si la décision du ministre paraît toujours raisonnable : Légaré c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [1999] A.C.F. n878; Pérusse c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [2000] A.C.F. no 310; Massignani c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), 2003 C.A.F. 172; Bélanger c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), 2003 C.A.F. 455. De fait, certains faits matériels invoqués par le ministre peuvent être réfutés ou leur appréciation peut ne pas résister à l’examen judiciaire de sorte que, à cause de leur importance, le caractère, en apparence, raisonnable de la décision du ministre s’en trouve anéanti ou sérieusement miné.

 

14.   Dans l’exercice de ce rôle, le juge doit accorder une certaine déférence au ministre en ce qui a trait à l’appréciation initiale de ce dernier et il ne peut pas, purement et simplement, en l’absence de faits nouveaux ou d’une preuve que les faits connus ont été mal perçus ou appréciés, substituer sa propre opinion à celle du ministre : Pérusse c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), supra, paragraphe 15.

 

13     En résumé, le rôle de la Cour consiste à vérifier l’existence et l’exactitude des faits sur lesquels le ministre se fonde, à examiner tous les faits mis en preuve devant elle, notamment tout nouveau fait, et à décider ensuite si la décision du ministre paraît toujours « raisonnable » à la lumière des conclusions de fait tirées par la Cour. Elle doit accorder une certaine déférence au ministre dans le cadre de cet exercice.

 

[18]    J’aborde maintenant les faits visés dans le présent appel. Comme il est décrit en détail dans la section VI du rapport (pièce R‑6), l’agent des appels, M. Kandola, a choisi à juste titre de se fonder sur les faits confirmés par la réception ultérieure de renseignements et, dans le cadre de son analyse, a dissipé toute confusion qui aurait pu exister précédemment au sujet de questions telles que les adresses postales, le lieu de résidence, le renvoi erroné à M. Babich (plutôt qu’à Ernest) et la supposée absence d’Ernest du Canada pendant la période pertinente.

 

[19]    À l’alinéa 6e) de la réponse, le ministre a adopté comme hypothèse que Betty était responsable de la tenue de livres et des écritures d’Able. L’hypothèse était exacte en ce qui concernait les opérations commerciales d’Able et de l’entité remplacée par celle‑ci au cours des années précédentes et après la période pertinente. Cependant, la preuve démontre clairement que, pour plusieurs raisons valables, les écritures courantes n’avaient pas été faites pendant au moins trois ans, et que Betty et Ernest avaient d’autres préoccupations, notamment des problèmes d’endettement et la tâche difficile de construire une maison. En avril 2008, ils planifiaient un voyage important nécessitant qu’ils se rendent par avion de Vancouver jusqu’au port de départ à Stockholm, et ils ont quitté Vancouver le 7 mai 2008 ou vers cette date.

 

[20]    À l’alinéa 6f) de la réponse, le ministre a adopté l’hypothèse suivante :

 

[traduction]

 

f)          l’appelante a été engagée pour remplir des déclarations de TPS pour le payeur et pour trier des enveloppes et des factures et les empiler de façon appropriée;

 

[21]    Ni la preuve dont j’ai été saisi ni les réponses à la question 3a) du questionnaire (pièce R‑1) rempli par Mme Babich ne permettent de prouver l’hypothèse se rapportant à la TPS. Mme Babich a répondu de la façon suivante :

 

[traduction]

 

Fonctions de tenue de livres particulières :

Organiser et trier les reçus par catégorie de dépenses et de revenus.

Organiser et trier les reçus selon l’année d’imposition de la société.

Déterminer les totaux pour les reçus triés.

Ai préparé les totaux pour quatre années d’imposition.

 

[22]    Dans sa réponse à la question 3 du questionnaire (pièce A‑5) qu’il a rempli, Ernest a déclaré que les fonctions exercées par Mme Babich étaient des [traduction] « fonctions de tenue de livres particulières ». Dans sa réponse à la question 7a) du même questionnaire, Ernest a précisé que Mme Babich [traduction] « effectuait la tenue de livres pour les déclarations de TPS et les déclarations de revenus ». Dans la section I. 80 de son rapport (pièce R‑6), M. Kandola a déclaré que, lors de l’entrevue téléphonique du 25 novembre, Ernest lui avait dit que Mme Babich n’avait effectué que des travaux préparatoires pour trier quatre ans d’écritures, et qu’il avait répondu à la question suivante en déclarant que ses [traduction] « tâches étaient toutes administratives, y compris le tri d’enveloppes et de factures pour en faire des piles appropriées ». Dans la section J. 103 de son rapport, M. Kandola a précisé que, d’après la conversation qu’il avait eue avec Mme Babich le même jour, l’appelante avait pour [traduction] « fonctions d’organiser, de trier et de totaliser les reçus contenus dans des boîtes selon l’année d’imposition », et que Mme Babich avait qualifié ces fonctions de [traduction] « travail assimilable à de l’entrée de données ».

 

[23]    À l’alinéa 6g) de la réponse, le ministre a formulé l’hypothèse suivante :

 

[traduction]

 

g)         L’appelante n’a pas rempli de déclarations de TPS pour le payeur, puisque les déclarations de TPS n’ont été produites qu’en juillet 2008;

 

[24]    La preuve démontre clairement que M. Babich, l’unique actionnaire d’Able, était responsable de la production des déclarations de TPS. Mme Babich n’a jamais assumé cette fonction et il est clair que son travail consistait à trier et à organiser des documents par date et par catégorie et à effectuer les additions et les totalisations nécessaires pour que les déclarations de TPS et les déclarations de revenus puissent être produites. Aucun retard de production n’était attribuable à un défaut quelconque de sa part.

 

[25]    À l’alinéa 6t), le ministre s’est fondé dans une certaine mesure sur le fait qu’Able n’avait pas engagé de travailleur suppléant. Cela est un peu bizarre, puisque dans l’hypothèse précédente, le ministre a admis qu’il avait été mis fin au travail de l’appelante à la fin avril, une fois celui‑ci terminé.

 

[26]    La preuve a permis d’établir que Mme Babich avait effectué le travail dans un bureau situé dans sa maison et que cet espace de travail était utilisé pour fournir des services à l’Association. Dans le rapport (pièce R‑6) qu’il a préparé, M. Kandola a tenu compte (dans la section F. 61, à la page 4) du nombre de transactions annuelles qui nécessiteraient l’attention d’un commis comptable. Cependant, la portée des fonctions de l’appelante visait divers documents qui avaient été accumulés sur une période de trois ou quatre ans et qui étaient pertinents aux fins de la TPS et de l’impôt sur le revenu. 

 

[27]    Aux alinéas 6u) et 6v), le ministre a adopté les hypothèses suivantes :

 

[traduction]

 

u)         le payeur et l’appelante ont donné de faux renseignements concernant l’emploi;

 

v)         l’appelante a été engagée pour devenir admissible aux prestations de maternité prévues par le régime d’assurance-emploi.

 

[28]    Dans la section VII de son rapport, M. Kandola a reconnu que le taux de rémunération de 16 $ l’heure était raisonnable et conforme aux normes de l’industrie.

 

[29]    En ce qui concerne le facteur des modalités de l’emploi, M. Kandola s’est fondé sur le fait que Mme Babich pouvait établir ses propres heures et jours de travail pour tenir compte de ses propres besoins alors qu’elle exerçait ses fonctions à son domicile tout en s’occupant de son enfant. Il a conclu que ces circonstances semblaient indiquer qu’il existait un lien de dépendance.

 

[30]    En ce qui a trait à la durée de l’emploi, M. Kandola a décidé que Mme Babich avait été engagée seulement pour le mois d’avril parce qu’elle attendait un bébé au début de mai et qu’elle n’avait pas accumulé un nombre suffisant d’heures assurables pour être admissible à des prestations d’AE. Il a aussi tenu pour avéré que Mme Babich n’avait pu trouver un emploi auprès d’un employeur avec lequel elle n’avait pas de lien de dépendance et que le poste au sein d’Able avait été créé pour lui permettre de travailler le nombre maximum d’heures requises pour être admissible auxdites prestations. D’après son évaluation, ces facteurs dans leur ensemble semblaient indiquer qu’il existait un lien de dépendance.

 

[31]    Pour ce qui est de la nature et de l’importance de l’emploi en cause, M. Kandola s’est fondé sur le fait que Betty avait effectué la tenue de livres tant avant qu’après la période pertinente et qu’elle avait formé Mme Babich à seule fin de lui permettre d’être admissible à l’AE. L’aspect le plus important de l’analyse de ce facteur est l’hypothèse de M. Kandola selon laquelle [traduction] « les déclarations de TPS qui étaient censées être remplies par le travailleur assumant ces fonctions n’ont été remplies que plusieurs mois après le fait. Ce facteur semble indiquer qu’il existe un lien de dépendance ».

 

[32]    À mon avis, il ressort de la preuve que M. Kandola n’a pas tenu compte des arrangements qui avaient été pris pour la garde de l’enfant et qu’il n’a pas compris que l’espace de travail disponible au domicile conjugal de l’appelante avait été utilisé pour exercer les fonctions pour l’Association ainsi que pour Able. De plus, il n’a pas attaché suffisamment d’importance à la nature de la tâche accomplie, qui était de durée limitée et qui se composait d’une [traduction] « portion de travail » classique sans possibilité de prorogation. Bien qu’il fût convaincu que l’emploi auprès d’Able était réel, son rapport démontre qu’il était persuadé qu’Ernest, Betty et M. Babich avaient élaboré un projet de travail artificiel en avril 2008 et que Betty aurait pu faire ce travail elle‑même.

 

[33]    Il ressort de l’examen de l’ensemble de la preuve que l’erreur déterminante du ministre consistait à maintenir que Mme Babich avait manqué à son obligation de remplir et de produire des déclarations de TPS, une tâche relativement complexe exigeant certaines connaissances spéciales. Cette hypothèse n’est fondée sur aucune preuve crédible et a faussé le reste de l’analyse. Le nombre d’heures assurables travaillées (78 heures) était raisonnable et supérieur aux 36 heures requises pour que Mme Babich soit admissible à des prestations de maternité. Si l’appelante avait travaillé pour Able au début plutôt qu’à la fin de la période d’emploi totale de 12 mois, il est peu probable que le ministre aurait eu les mêmes doutes au sujet de l’assurabilité de l’emploi. En l’espèce, le ministre a adopté la théorie selon laquelle Mme Babich avait été engagée pour préparer et produire des déclarations de TPS. Le ministre a adopté l’hypothèse que Mme Babich n’avait pas accompli cette tâche pendant sa courte période d’emploi. Il est manifeste que ce défaut perçu s’est vu accorder une importance disproportionnée dans la décision, qui a semblé mettre l’accent sur la conclusion que l’emploi spécial avait été créé à seule fin de permettre à Mme Babich de toucher des prestations de maternité en vertu du régime national et qu’il ne constituait donc pas un emploi assurable au sens de l’alinéa 5(2)i) de la Loi.

 

[34]    En raison des conclusions énoncées ci‑dessus, j’ai décidé que la décision du ministre n’est plus raisonnable et que je dois intervenir et entreprendre ma propre analyse des circonstances pertinentes se rapportant à l’emploi en cause.

 

Rétribution :

 

[35]    J’accepte la conclusion du ministre selon laquelle le taux de rémunération était raisonnable.

 

Modalités d’emploi :

 

[36]    Le type de travail à effectuer convenait à un horaire de travail flexible. Par ailleurs, le travail a été effectué dans l’espace de travail situé dans le foyer conjugal. Les seuls outils nécessaires étaient une calculatrice pouvant imprimer des bandes et quelques fournitures de bureau ordinaires. L’ordinateur n’a pas été utilisé pour le travail. Les arrangements relatifs à la garde de l’enfant étaient raisonnables et ont permis à l’appelante d’avoir le temps nécessaire non seulement pour effectuer le travail requis pour Able, mais aussi pour exécuter toute tâche qu’il restait à accomplir pour l’Association.

 

Durée :

 

[37]    À condition de comprendre la nature de l’embauche de l’appelante par Able, le facteur de la durée ne présente pas de difficulté, puisque le travail était assorti d’une date de début précise et que la fin de l’emploi était fondée sur l’achèvement du tri, de l’organisation, du classement par catégorie et de la totalisation de trois ou quatre ans de documents commerciaux d’entreprise. Au vu de la preuve, le nombre d’heures que Mme Babich a consacrées à l’accomplissement de cette tâche était raisonnable.

 

Nature et importance :

 

[38]    Le travail effectué par Mme Babich était nécessaire pour que les déclarations de TPS et les déclarations de revenus des sociétés puissent être produites. Betty n’avait pas accompli cette tâche habituelle depuis plusieurs années et, en avril, soit ne voulait pas, soit ne pouvait pas consacrer son temps à cette tâche, laquelle n’exigeait pas de compétences particulières en tenue de livres. Le travail à effectuer exigeait une formation minimale, tandis que la supervision par Betty consistait principalement à donner des explications à l’appelante au sujet du contenu de certains documents, en raison de problèmes de lisibilité. 

 

[39]    Dans la décision Docherty c. Ministre du Revenu national, [2000] A.C.I. no 690, j’ai tenu les propos suivants au paragraphe 25 :

 

[25]      Le modèle à utiliser pour établir une comparaison avec les relations de travail entre parties sans lien de dépendance ne nécessite pas une concordance parfaite. Cette affirmation se trouve confirmée par le libellé de la loi, qui utilise les termes un « contrat de travail à peu près semblable ». Chaque fois que les parties sont liées entre elles au sens de la disposition législative pertinente, la relation de travail comportera nécessairement des particularités, surtout si le conjoint est le seul employé ou s’il fait partie d’un effectif restreint. Cependant, le but n’est pas d’empêcher les personnes qui satisfont aux critères établis de participer au régime national d'assurance-emploi. Les en exclure sans raison valable est une mesure inéquitable, qui va à l'encontre de l'esprit de la loi.

 

[40]    Dans la décision Dancause c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2008] A.C.I. n 365; 2008 CCI 320, le juge Tardif a été saisi d’une affaire visant la conjointe du payeur et son emploi auprès de celui‑ci comme coiffeuse dans un salon employant sept autres travailleurs. Le ministre a conclu que l’emploi de l’appelante ne constituait pas un emploi assurable. Le juge Tardif a accueilli l’appel en ce qui concernait une période en particulier, mais ce sont ses commentaires aux paragraphes 37 à 45 inclusivement qui sont intéressants :

 

37     En l’espèce, d’entrée de jeu, le dossier soulève certains doutes quant à savoir si le travail effectué par l’appelante était comparable à celui des autres employés. Je fais notamment référence à la durée des périodes de travail qui correspondent aux périodes de travail dont l’appelante avait besoin pour avoir droit à des prestations.

 

38     À cet égard, dans certains cas, il peut s’agir d’un simple hasard. Cependant, si le scénario se répète, cela laisse plus de place au doute. Si d’autres éléments de preuve pointent dans la même direction, cela peut suffire à faire basculer la prépondérance de la preuve du côté de la thèse de l’intimé.

 

39     En l’espèce, outre la durée des périodes de travail, il y a la question du salaire de l’appelante qui a été réduit à un moment donné pour correspondre exactement à ce à quoi avait droit l’appelante pour ne pas être pénalisée par le régime de l’assurance‑emploi. Ce sont là des faits objectifs auxquels il faut ajouter les nombreuses explications générales et souvent confuses et l’absence de témoins (compagnes de travail, comptable, etc.).

 

40     Il s’agit d’un dossier où l’intention de tirer profit au maximum du régime d’assurance‑emploi a eu pour effet de créer des situations douteuses, sinon invraisemblables.

 

41     Il n’y a aucun doute que le droit aux prestations est un droit légitime et fondamental. Par contre, ce droit ne permet ni autorise les abus et/ou les complaisances; lorsque les abus sont manifestes, la conséquence pourrait être une conclusion à l’effet qu’il n’est pas raisonnable d’imaginer une relation de travail à peu près semblable entre des parties qui seraient des tiers.

 

42     En adoptant une approche raisonnable et accommodante, certains faits semblent plus vraisemblables et, en bout de piste, plus acceptables dans le contexte d’une entreprise familiale.

 

43     Certes, le droit à des prestations est un droit important et il est tout à fait légitime que les chômeurs veuillent obtenir des prestations lorsqu’ils répondent aux exigences.

 

44     Or, répondre aux exigences du régime est une chose et participer à un stratagème visant à rendre une personne admissible aux prestations maximales du régime en est une autre.

 

45     En l’espèce, la prépondérance de la preuve indique que les parties ont manifestement exagéré. Toutefois, en raison de sa grossesse, il est clair que l’appelante avait droit aux prestations découlant de son congé de maternité.

 

[41]    Les faits visés dans le présent appel ne ressemblent guère à ceux dont était saisi le juge Miller dans l’arrêt Hatami c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2007] A.C.I. n268; 2007 CCI 428. Dans cette affaire, la conjointe du payeur avait aidé son mari à établir une entreprise, travaillait sporadiquement sans rémunération et acceptait de ne pas encaisser des chèques de paye jusqu’à ce que le flux de trésorerie de l’entreprise lui permette de les encaisser. Le juge Miller a aussi conclu que les feuilles de temps avaient été créées après coup et les a qualifiées de « façade ».

 

[42]    Le travail effectué par l’appelante dans le présent appel était de durée limitée en raison de la nature précise de la tâche à accomplir. L’appelante n’avait pas travaillé pour Able avant la période pertinente et n’a pas travaillé pour Able par la suite. L’appelante avait le droit d’effectuer un travail légitime pour un employeur et l’a fait. Le problème est survenu parce qu’elle était liée à la société employeuse, qui était une entreprise familiale, et parce que le ministre a décidé que le contrat de travail n’avait pas été exécuté dans des circonstances qui auraient été prévues dans un contrat à peu près semblable si les parties n’avaient pas eu de lien de dépendance. Je ne suis pas d’accord. Les circonstances pertinentes à la rétribution, aux compétences requises, au lieu de travail, à la durée de la tâche et à la nature et l’importance du travail visé par la situation particulière et inhabituelle pendant la période pertinente étaient compatibles avec celles qui auraient été applicables à une relation de travail avec une partie sans lien de dépendance. Si une voisine avait accompli la tâche exécutée par Mme Babich dans des circonstances similaires, cela aurait été raisonnable. Cette travailleuse sans lien de dépendance aurait peut‑être pu emmener occasionnellement son propre enfant au travail et fournir ses services en fonction de son propre horaire personnel et des exigences physiques et mentales liées à une grossesse avancée. La tâche à accomplir n’était pas difficile et était assortie d’une date d’expiration d’environ un mois.

 

[43]    Les témoignages de l’appelante et d’Ernest étaient crédibles. Les deux ont été francs au sujet du désir de l’appelante d’obtenir un nombre suffisant d’heures de travail pour être admissible aux prestations de maternité. Comme l’a précisé Ernest, [traduction] « Monique était disponible et nous étions occupés ». Sans plus, il n’y a rien d’irrégulier au contrat de travail subséquent conclu entre Mme Babich et Ernest, qui agissait au nom d’Able à titre de dirigeant d’entreprise.

 

[44]    Compte tenu de mes conclusions énoncées ci-dessus et de l’application de la jurisprudence pertinente, l’appel est accueilli et la décision du ministre, datée du 27 novembre 2008, est modifiée pour faire état de la conclusion suivante :

         

          Monique Babich exerçait un emploi assurable pour

          Able Enterprises Ltd. du 1er avril 2008 au 25 avril 2008.

 

 

       Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 28e jour d’octobre 2009.

 

 

« D.W. Rowe »

Juge Rowe

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour de janvier 2010.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice

 


RÉFÉRENCE :                                  2009 CCI 551

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2009-660(EI)

 

INTITULÉ :                                       MONIQUE BABICH et M.R.N.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Les 16 et 17 septembre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge suppléant D.W. Rowe

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 28 octobre 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

M. Earl Babich

Avocate de l’intimé :

Me Pavanjit Mahil Pandher

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                     

 

                          Cabinet :

 

       Pour l’intimé :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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