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Référence : 2009 CCI 558

Date : 20091103

Dossier : 2009-260(IT)I

ENTRE :

IRMA HENKELS,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[traduction française officielle]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

_______________________________________________________________

 

(Rendus oralement à l’audience le 12 août 2009,

à Cranbrook (Colombie‑Britannique))

 

Par : L’honorable juge Campbell J. Miller

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

M. J. Malcolm Killam

 

Avocat de l’intimée :

Me Whitney Dunn

_______________________________________________________________

 

Le juge Miller

 

[1]     L’appel de Mme Henkels, instruit sous le régime de la procédure informelle, a été interjeté à l’égard de la cotisation établie par l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») pour l’année d’imposition 2005 relativement aux revenus locatifs que Mme Henkels avait reçus pendant cette année‑là. Deux questions sont en litige dans la présente affaire. La première est de savoir si la déduction à laquelle Mme Henkels a droit relativement à la location d’une partie de sa résidence correspond à 35 % ou à 50 % de ses dépenses courantes relatives à la propriété. La deuxième question est de savoir si Mme Henkels a droit à une déduction pour amortissement (« DPA ») supérieure à celle que l’ARC lui a accordée. À cet égard, l’ARC a seulement accordé une DPA relativement aux frais de pavage de l’entrée de la propriété de Mme Henkels.

 

[2]     Je ferai maintenant un bref exposé des faits. Mme Henkels n’a pas témoigné. C’est plutôt son représentant, M. Killam (son comptable et planificateur financier agréé), qui a comparu en son nom. M. Killam était bien au fait de la situation de Mme Henkels et connaissait très bien la propriété de celle‑ci. M. Killam a été un témoin crédible. Il était le conseiller financier de Mme Henkels depuis de nombreuses années, et il avait commencé à établir ses déclarations de revenus en 2005. Dans les déclarations de revenus qu’elle avait produites jusqu’à ce moment‑là, Mme Henkels avait toujours demandé des déductions de 35 % à l’égard des dépenses relatives à la propriété, ce qui représentait le pourcentage de la superficie totale de la résidence principale occupée par le locataire.

 

[3]     Mme Henkels était propriétaire d’une maison de 2 000 pieds carrés dont faisait partie un logement locatif de 700 pieds carrés situé au rez‑de‑chaussée. Ce logement comportait une pièce servant à la fois de salon et de cuisine, une chambre à coucher et une salle de bains. À l’étage, le logement où Mme Henkels vivait comptait deux chambres à coucher, un salon, une cuisine et deux salles de bains.

 

[4]     En 2005, Mme Henkels a eu un seul locataire. Mme Henkels et son locataire avaient chacun une voiture et ils partageaient l’entrée et un abri à voiture de deux places. Selon M. Killam, le locataire avait accès à l’entière propriété.

 

[5]     Mme Henkels avait commencé à louer une partie de sa propriété en 1994. Tout juste avant cela, elle avait dépensé 15 000 $ pour faire réparer le puits d’eau situé à environ 285 pieds de la résidence. Mme Henkels a demandé une déduction correspondant à 50 % des dépenses relatives à la propriété qui étaient liées à la location de sa résidence. Les dépenses pour lesquelles des déductions ont été demandées incluaient des frais d’assurance, des frais d’entretien et de réparation, des taxes foncières, des salaires, des frais de services publics, des frais de sécurité, des frais de jardinage et des frais de déneigement. Mme Henkels a aussi demandé une déduction de 900 $ à l’égard de frais juridiques et de comptabilité, et ce, même si 500 $ de ce montant avaient seulement été facturés en 2008 relativement à des services fournis après l’année d’imposition 2005.

 

[6]     En se fondant sur le pourcentage de la superficie louée, l’ARC a permis à Mme Henkels de déduire 35 % des dépenses relatives à la propriété. Si j’accordais à Mme Henkels la déduction qu’elle a demandée, ses revenus locatifs pour l’année en cause seraient réduits de 3 875 $ à presque rien. Les calculs de l’ARC permettraient seulement à Mme Henkels de déduire des dépenses totalisant 2 096 $, ce qui lui laisserait un revenu net de 1 778 $.

 

[7]     L’ARC a aussi accordé une DPA de 8 % pour les frais de pavage de l’entrée, à titre de dépense relative à un bien de catégorie 17. Mme Henkels soutient, par l’entremise de M. Killam, qu’elle a droit aux DPA suivantes : 18 000 $ pour une pompe à puits d’eau, 15 000 $ pour une fournaise, 150 $ pour un réservoir à eau chaude, 550 $ pour un adoucisseur d’eau, 1 400 $ pour une installation septique, 900 $ pour un réfrigérateur, 500 $ pour une cuisinière et 3 000 $ pour des meubles.

 

[8]     M. Killam a avancé que ces immobilisations appartenaient à la catégorie 8, une catégorie fourre‑tout à laquelle s’applique un taux de 20 %. Mis à part les frais de réparation du puits totalisant 1 500 $, pour lesquels M. Killam a dit que Mme Henkels avaient peut‑être des reçus, toutes les autres DPA demandées représentent l’estimation que M. Killam a faite de la juste valeur marchande au moment où Mme Henkels avait commencé à louer une partie de sa résidence.

 

Analyse

 

[9]     Je traiterai d’abord des dépenses relatives à la propriété, c’est‑à‑dire les dépenses courantes. Me Dunn a invoqué plusieurs décisions pour étayer sa thèse voulant que le rapport entre le pourcentage de la superficie utilisée à des fins locatives et le pourcentage de la superficie utilisée à des fins personnelles soit une façon valable et acceptable de répartir les frais. Dans ces décisions-là – notamment Connor (J.G.) v. Canada[1]–, ou, du moins, dans la majorité d’entre elles, le litige portait sur des intérêts hypothécaires et non pas sur des dépenses relatives à une propriété. À mon avis, ces décisions‑là ne permettent pas d’affirmer que le pourcentage de la superficie utilisée est la seule façon de répartir les dépenses.

 

[10]    M. Killam soutient que dans la présente affaire, deux personnes utilisaient la propriété de façon égale, et qu’il est donc indiqué d’accorder la déduction de 50 % des dépenses relatives à la propriété. À mon avis, il existe certaines dépenses pour lesquelles une répartition en deux parties égales semble plus raisonnable et logique. Par exemple, les frais de services publics, de sécurité, de jardinage et de déneigement – à savoir les frais où il y a un lien direct entre l’utilisation et le coût. Toutefois, il n’en va pas de même des autres dépenses, lesquelles – je suis d’accord avec Me Dunn à cet égard – doivent à juste titre être réparties en fonction du pourcentage de la superficie utilisée.

 

[11]     De plus, M. Killam a affirmé qu’il fallait tenir compte, en accordant un pourcentage supplémentaire, de la perte de vie privée subie par Mme Henkels. Comme je n’ai pas entendu Mme Henkels s’exprimer à ce sujet, je ne suis pas prêt à faire droit à cette demande. D’ailleurs, il se peut que, loin d’avoir souffert d’une perte de vie privée, Mme Henkels ait tiré un grand plaisir de la présence du locataire. Les éléments de preuve présentés ne me permettent pas de me prononcer sur cette question‑là.

 

[12]    Ainsi, pour ce qui est de dépenses courantes, j’accorderai une déduction supplémentaire de 15 % pour les frais de services publics, de sécurité, de jardinage et de déneigement. Cela totalise 455 $, ce qui laisse à Mme Henkels un revenu net de 1 323 $ (1 778 $ moins 455 $).

 

[13]    Je me pencherai maintenant sur la question des DPA pour décider si Mme Henkels a droit à d’autres DPA que celle que l’ARC lui a accordée relativement au pavage de l’entrée de la propriété. Je n’ai reçu aucun document de M. Killam au sujet des dépenses en immobilisations en cause. De plus, je n’ai reçu aucune autre évaluation détaillée que l’hypothèse éclairée mise de l’avant par M. Killam, à titre de planificateur financier et de personne qui, j’en suis convaincu, était bien au fait des coûts habituels de tels travaux. Je suis réticent à trancher ces questions en me fondant seulement sur des renseignements si limités, sauf pour ce qui est des frais de réparation du puits d’eau (15 000 $), qui, j’en suis convaincu, avaient été engagés par Mme Henkels juste avant qu’elle commence à louer une partie de sa propriété.

 

[14]    Même si j’aurais bien aimé recevoir de pièces justificatives à ce sujet‑là, M. Killam a été un témoin crédible et bien informé sur la question. Il reste donc à décider à quelle catégorie de DPA la pompe à puits d’eau appartient. Au nom de l’intimée, Me Dunn a dit qu’elle appartenait à la classe 1, plus précisément à l’alinéa q) de la partie de l’annexe II du Règlement de l’impôt sur le revenu (le « Règlement ») relative à la catégorie 1 :

 

Catégorie 1 (4 pour cent)

 

Les biens non compris dans aucune autre catégorie constitués par

 

[…]

 

q) un bâtiment ou une autre construction, ou toute partie de ceux-ci, y compris les parties constituantes notamment les fils électriques, la plomberie, les réseaux d’extinction automatiques, le matériel de climatisation, les appareils de chauffage, les appareils d’éclairage, les ascenseurs et les escaliers roulants […]

 

[15]    M. Killam soutient que les dépenses ont plutôt trait à des biens appartenant à la catégorie 8, qui est aussi une catégorie fourre‑tout. La disposition pertinente de l’annexe II du règlement qui porte sur la catégorie 8 (20 %) est ainsi rédigée :

 

Catégorie 8 (20 pour cent)

 

Les biens non compris dans les catégories 1, 2, 7, 9, 11, 17 ou 30 qui sont constitués par :

 

[…]

 

i) une immobilisation matérielle qui n’est pas comprise dans une autre catégorie de la présente annexe à l’exception

 

[…] [Suivent ici des exceptions qui ne sont pas pertinentes.]

 

[16]    On ne m’a pas présenté beaucoup de décisions portant sur la question, mais je vais prendre la disposition portant sur la catégorie 1 au pied de la lettre. Pour appartenir à la catégorie 1, le puits d’eau et la pompe doivent faire partie de la résidence de Mme Henkels. Me Dunn a habillement plaidé que, comme le système d’approvisionnement en eau était essentiel au bon fonctionnement de la résidence, il en faisait partie. Je ne suis pas d’accord avec Me Dunn. Le puits d’eau se trouvait à 285 pieds de la résidence. Il s’agissait d’une structure complètement séparée, et, même si l’approvisionnement en eau est manifestement essentiel au bon fonctionnement de la résidence, cela ne veut pas dire que le puits en fait partie. Le puits d’eau est séparé physiquement de la résidence, ce qui, à mon avis, fait qu’il est plus logique de dire qu’il appartient à la catégorie 8, une catégorie fourre‑tout à laquelle s’applique un taux de 20 %. L’approvisionnement en eau est un service, et j’ai déjà conclu que ce genre de dépenses doit être réparti en deux parts égales. Mme Henkels a donc droit à une déduction représentant 20 % de 50 %, ou autrement dit, à 10 % de 15 000 $, soit 1 500 $. Cette déduction est supérieure à son revenu net, et elle ramène donc son revenu locatif tiré de la propriété à zéro, quoiqu’elle n’ait pas le droit de déduire une perte.

 

[17]    L’appel est accueilli et la question est déférée au ministre du Revenu national pour qu’il procède à un nouvel examen et établisse une nouvelle cotisation en tenant compte du fait que Mme Henkels à droit à une déduction supplémentaire de 455 $ au titre de dépenses courantes et à une DPA supplémentaire de 1 500 $. Comme ces déductions dépassent 1 323 $, elles suffisent à réduire le revenu de Mme Henkels à zéro.

 

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour de novembre 2009.

 

 

 

« Campbell J. Miller »

Juge J. Miller

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de décembre 2009.

 

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.



RÉFÉRENCE :

2009 CCI 558

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2009-260(IT)I

 

INTITULÉ :

Irma Henkels c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Cranbrook (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 12 août 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Campbell J. Miller

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 25 août 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

M. J. Malcolm Killam

 

Avocat de l’intimée :

Me Withney Dunn

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

Pour l’appelante :

 

Nom :

s.o.

 

Cabinet :

 

 

Pour l’intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 



[1] 1995 CarswellNat 643.

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