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Dossier : 2006-410(IT)G

 

ENTRE :

 

F. MAX E. MARÉCHAUX,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu du 28 avril au 1er mai ainsi que les 17 et 18 juin 2009, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Judith Woods

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me David W. Chodikoff

Tarsem Basraon (stagiaire)

 

Avocats de l’intimée :

Me Peter Vita, c.r.

Me Aleksandrs Zemdegs

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

         

L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2001 est rejeté, les dépens étant adjugés à l’intimée.


        Signé à Toronto (Ontario), ce 12e jour de novembre 2009.

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour de mars 2010.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


 

 

 

 

Référence : 2009 CCI 587

Date : 20091112

Dossier : 2006-410(IT)G

 

ENTRE :

 

F. MAX E. MARÉCHAUX,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Woods

 

[1]     La question à trancher est de savoir si l’appelant, F. Max E. Maréchaux, a droit à un crédit d’impôt pour dons de bienfaisance en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») à l’égard d’un paiement de 100 000 $ effectué aux termes d’un arrangement connu sous le nom de 2001 Donation Program for Medical Science and Technology (Programme de dons pour la science et la technologie médicales) (le « programme »). L’arrangement a été commercialisé par Trinity Capital Corporation (« Trinity »).

 

[2]     L’appelant est un avocat chevronné spécialisé en immobilier au sein d’un cabinet canadien d’avocats bien connu.

 

[3]     En sa qualité de participant au programme, l’appelant a demandé un crédit d’impôt à l’égard d’un prétendu don de 100 000 $ fait à un organisme de bienfaisance enregistré (le « don »), le 31 décembre 2001.

 

[4]     Par une nouvelle cotisation concernant l’année d’imposition 2001, le crédit d’impôt a été refusé en totalité.

 

[5]     L’appelant a signifié un avis d’opposition à la cotisation et il a par la suite interjeté appel auprès de la Cour conformément à l’alinéa 169(1)b) de la Loi.

 

[6]     Deux questions se posent : à savoir s’il s’agissait d’un don, et si la disposition générale anti‑évitement s’applique.

 

[7]     J’ai conclu que le crédit d’impôt a été à juste titre refusé parce qu’il ne s’agissait pas d’un don. Compte tenu de cette conclusion, je n’ai pas à me demander si la disposition générale anti‑évitement s’applique et je ne me propose pas de le faire.

 

L’historique des faits

 

[8]     Les personnes suivantes ont témoigné pour le compte de l’appelant :

 

-                     l’appelant lui-même;

 

-                     John McKellar, fondateur de la John McKellar Charitable Foundation (la « fondation »);

 

-                     Gordon Arnold, qui a aidé Trinity à concevoir le programme. M. Arnold a assisté à l’audience par suite d’une assignation délivrée par l’intimée;

 

-                     John Thompson, président du Mackenzie Institute for the Study of Terrorism, Revolution and Propaganda (« Mackenzie »);

 

-                     Alexander Novakovic, vice‑président directeur de Brookfield Asset Management (remplaçante de Trilon Financial Corporation (« Trilon »)).

 

[9]     L’intimée n’a cité qu’un seul témoin : Howard E. Johnson, de Campbell Valuation Partners Ltd.

 

[10]    Le programme comportait ce qui était appelé des « dons financés par emprunt ». En général, les donateurs éventuels étaient invités à effectuer un don d’au moins 100 000 $ à un organisme de bienfaisance enregistré, et ils se voyaient accorder un financement favorable pour une bonne partie de la dépense.

 

[11]    Le programme a été mis en œuvre le 31 décembre 2001, avec 118 participants (les « participants ») et des dons s’élevant en tout à environ 18 305 000 $.

 

[12]    Les donateurs éventuels ont été informés au moyen de documents promotionnels des caractéristiques du programme :

 

-                     le soutien d’importants organismes de bienfaisance dans le domaine de la science et de la technologie médicales;

 

-                     un apport en espèces représentant 30 p. 100 du montant total du don;

 

-                     un don augmenté d’un prêt correspondant à 80 p. 100 du montant total du don;

 

-                     un remboursement, sur le montant du don, pouvant atteindre 62,4 p. 100, selon la province de résidence du donateur;

 

-                     l’absence de conséquences quant à un impôt minimum;

 

-                     un avis fiscal d’un cabinet d’avocats fiscalistes bien connus (l’« avis fiscal »).

 

[13]    L’appelant a été mis au courant de l’existence du programme par Judy Moore, comptable agréée qui, pendant plusieurs années, avait préparé ses déclarations de revenus. Mme Moore a fourni à l’appelant des documents qui avaient été rédigés par Trinity ou pour le compte de Trinity, notamment l’avis fiscal, et elle a également fourni des conseils.

 

[14]    Mme Moore n’a pas témoigné et on ne sait pas trop quels conseils elle a donnés. Compte tenu de la preuve qui a été présentée, je conclus que l’appelant a été informé par Mme Moore que, s’il faisait un don de 100 000 $, il pouvait s’attendre à recevoir un montant net de 14 218 $, sous réserve d’un risque de contestation de la part de l’Agence du revenu du Canada, risque qui a été qualifié de [traduction] « faible ». Le montant net reçu était composé d’économies d’impôt de 44 218 $, moins une dépense en espèces de 30 000 $ (pièce AR‑2, onglets 1 et 9).

 

[15]    Le programme comportait un certain nombre d’opérations préétablies mettant en cause un nombre passablement élevé d’entités. Plusieurs opérations sont décrites dans un exposé conjoint des faits (l’« ECF »), qui est reproduit en entier ci‑dessous :

 

[traduction]

 

Les parties, par l’entremise de leurs avocats, conviennent des faits énoncés ci‑dessous. Lorsque des documents sont mentionnés ci‑dessous, les parties ne conviennent que de leur authenticité. Le présent exposé est établi sous réserve du droit de chaque partie de présenter des éléments de preuve supplémentaires, à condition que ces éléments ne soient pas incompatibles avec les faits dont elles ont convenu, et l’intimée se réserve expressément le droit de contester la validité juridique des opérations décrites dans le présent exposé.

 

Le programme

 

1.         Trinity Capital Corporation (« Trinity »), une société de l’Ontario, a été fondée par James D. Beatty (« M. Beatty »), son président et unique administrateur. Le seul actionnaire de Trinity est James D. Beatty & Associates Inc. De l’année 2001 à l’année 2003, Trinity a promu et exploité un programme de dons financés par emprunt. En 2001, le programme a été appelé le 2001 Donation Program for Medical Science and Technology (le Programme de dons pour la science et la technologie médicales de 2001) (le « programme de Trinity »).

 

2.         Dans le cadre du programme de Trinity, les contribuables participants (les « participants ») devaient s’engager à contribuer en faisant un don en faveur d’un organisme de bienfaisance enregistré (la « contribution »).

 

3.         Trinity a fait en sorte que tous les participants empruntent, pour une partie importante de leur contribution, des fonds de Capital Structures Ltd. (« Capital »), une société de l’Ontario constituée en personne morale en 2001, dont l’unique actionnaire est Trinity et dont le président et l’unique administrateur est M. Beatty. Capital a été créée dans le seul but de fournir des prêts pour le programme de Trinity. Une photocopie des documents promotionnels décrivant le programme de Trinity a été produite sous la cote 1.

 

4.         Initialement, Trinity permettait à tous les participants d’emprunter de Capital 80 p. 100 de la contribution au moyen d’un prêt de 20 ans ne portant pas intérêt, lequel pouvait être remboursé par anticipation après le 15 janvier 2002 (le « prêt »). Les participants devaient payer les 20 p. 100 restants à l’aide de leurs propres ressources, et ils devaient également verser à Capital un montant correspondant à 10 p. 100 de la contribution au titre des honoraires, de l’assurance et d’un dépôt de garantie.

 

5.         Dans le cas où un participant s’engageait à faire un don de 1 000 $, le programme de Trinity fonctionnait de façon que le participant :

 

            a)         verse un montant de 200 $ à Trinity;

 

b)         signe une entente en vue d’emprunter un montant de 800 $ de Capital;

 

c)         dépose un montant de 80 $ auprès de Capital à titre de garantie pour le prêt, ce montant devant être placé de façon à s’accroître jusqu’à concurrence d’un montant de 800 $ en 20 ans (le « dépôt de garantie »);

 

d)         verse un montant de douze dollars à Capital à titre d’honoraires pour qu’elle prenne les dispositions pour le prêt (les « honoraires »);

 

e)         verse à Capital un montant additionnel de huit dollars à titre de prime d’une police d’assurance (établie aux Bermudes) visant à assurer le risque que le dépôt de garantie n’atteigne pas 800 $ en 20 ans (la « police d’assurance »).

           

6.                  Le programme de Trinity a par la suite été expressément modifié, de façon à prévoir que 70 p. 100 seulement de la contribution provienne du montant du prêt, le participant devant verser les 30 p. 100 restants à l’aide de ses propres ressources. Le reste du prêt, correspondant à 10 p. 100 de la contribution, était utilisé pour les honoraires, le dépôt de garantie et la police d’assurance. Le montant total du prêt correspondait donc encore à 80 p. 100 de la contribution. Une photocopie des documents promotionnels décrivant le programme de Trinity à la suite des modifications susmentionnées a été produite sous la cote 2.

 

7.                  Le programme de Trinity prévoyait que tous les participants pourraient céder à Capital, après le 15 janvier 2002, la police d’assurance et le dépôt de garantie en remboursement intégral du prêt, et Capital était tenue d’accepter la cession du dépôt de garantie et de la police d’assurance en remboursement intégral du prêt.

 

Le transfert de fonds

 

8.                  La John McKellar Charitable Foundation (la « fondation ») est un organisme de bienfaisance enregistré canadien, ayant été enregistrée en 1987 par son fondateur, John D. McKellar. Les administrateurs de la fondation sont John D. McKellar, Marjorie McKellar et Barbara McKellar.

 

9.                  Par l’intermédiaire du programme de Trinity, Trinity facilitait le transfert de fonds des participants à la fondation. En échange de ce transfert, la fondation remettait aux participants des reçus pour don de bienfaisance au montant des fonds transférés, y compris les montants des prêts.

 

10.              Dans le cadre du programme de Trinity, et par l’intermédiaire des comptes en fiducie d’un avocat, la fondation a reçu un montant de 18 305 000 $ de contributions de 118 participants en 2001, dont environ 70 p. 100 représentaient les montants des prêts. Une copie des documents de la fondation indiquant les paiements reçus a été produite sous la cote 3.

 

Les paiements effectués par la fondation

 

11.              La fondation a transmis la presque totalité de ces fonds au Mackenzie Institute for the Study of Terrorism (« Mackenzie »), un organisme de bienfaisance enregistré canadien, ainsi qu’à l’Université Cornell (« Cornell »), une université américaine qui est une université visée à l’annexe VIII (article 3503) du Règlement de l’impôt sur le revenu.

 

12.              La fondation a transmis un montant de 12 479 024 $ à Mackenzie et un montant de 5 643 000 $ à Cornell. Elle a reçu 182 976 $ à ses propres fins. Une photocopie des documents de la fondation indiquant les fonds transmis en 2001 a été produite sous la cote 4.

 

13.              En 2001, Trinity a également agi à titre d’agent de collecte de fonds pour Mackenzie. Une photocopie du contrat de collecte de fonds a été produite sous la cote 5.

 

Les opérations concernant Mackenzie

 

14.              Conformément à un accord d’exclusivité de licence, daté du 31 décembre 2001, et à un accord modificateur daté du 15 janvier 2002, Charterbridge Holdings International Ltd. (« Charterbridge »), une société des îles Vierges britanniques, a acquis d’Osteopharm Inc. (« Osteopharm »), une société canadienne, une licence exclusive en vue de découvrir et de mettre au point certains produits décrits dans l’accord d’exclusivité de licence, d’obtenir l’approbation réglementaire à leur égard, ainsi que de fabriquer et de vendre ces produits (la « propriété intellectuelle d’Osteopharm »). Des copies de l’accord et de l’accord modificateur ont été produites sous les cotes 6 et 7.

 

15.              Trinity a fait en sorte que Mackenzie reçoive de la fondation un montant de 12 479 024 $ sur les contributions, et Mackenzie s’est donc engagée à conclure une convention d’achat‑vente, datée du 31 décembre 2001, en vue d’acheter de Charterbridge une part de 5 p. 100 dans l’exploitation commerciale de la propriété intellectuelle d’Osteopharm moyennant le paiement d’un montant de 65 000 000 $. Conformément à cette convention, Mackenzie s’est engagée à consacrer un montant de 11 628 887 $ sur les contributions que Charterbridge devait recevoir de la fondation à l’acquisition d’une part de 0,9 p. 100 dans l’exploitation commerciale de la propriété intellectuelle d’Osteopharm. Des photocopies de la convention d’achat conclue entre Mackenzie et Charterbridge, des instructions données par la fondation à Weir Foulds LLP, selon lesquelles un montant de 11 628 887 $ devait être versé à Charterbridge, ainsi qu’un accusé de réception de Charterbridge, ont été produits sous les cotes 8, 9 et 10.

 

16.              Mackenzie a également fait en sorte qu’un montant de 725 274 $ sur les fonds à recevoir de la fondation soit transmis à Charterbridge. Conformément aux instructions de Mackenzie, Charterbridge a ensuite transmis à Trinity un montant de 748 741 $ conformément au contrat de collecte de fonds conclu par Mackenzie.

 

Les opérations concernant Cornell

 

17.              LifeTech Corporation (« LifeTech ») est une société publique canadienne de biotechnologie, M. Beatty agissant à titre de président du conseil d’administration de la société, laquelle a par la suite changé de nom pour adopter celui de IATRA Life Sciences Corporation.

 

18.              Conformément à une entente datée du 31 décembre 2001, Charterbridge a acquis de LifeTech deux laboratoires de confinement biologique de niveau III (les « laboratoires ») ainsi que tous les brevets pertinents et toute la propriété intellectuelle se rapportant à l’invention d’un générateur d’ozone et d’un appareil d’administration concentrée, ainsi qu’un certain nombre de modèles fonctionnels de ces inventions (la « propriété intellectuelle de Lifetech »). La contrepartie donnée pour cette opération comprenait le paiement d’un montant de 600 000 $ en faveur de Lifetech et l’octroi à Lifetech du droit exclusif de mettre au point et de commercialiser au Canada un test diagnostique exclusif pour les maladies rénales (qui a par la suite été changé en un droit exclusif de mettre au point et de commercialiser un test diagnostique exclusif pour l’ostéoporose) au moment de l’acquisition par Charterbridge, le cas échéant, d’un tel droit. Une photocopie de l’entente ainsi que la documentation y afférente, et notamment des communiqués de presse, ont été produits sous la cote 11.

 

19.              Trinity a fait en sorte que Cornell reçoive de la fondation un montant de 5 643 000 $ sur les contributions, et Cornell s’est donc engagée à conclure deux ententes, toutes deux datées du 31 décembre 2001, en vue d’acquérir de Charterbridge les laboratoires et la propriété intellectuelle de Lifetech, au prix d’achat global de 5 643 000 $, et de transmettre à Charterbridge tous les fonds à recevoir de la fondation. Des photocopies des ententes ont été produites sous les cotes 12 et 13.

 

Les fonds prêtés

 

20.              Capital n’avait pas suffisamment de fonds pour consentir les prêts aux participants, aux montants combinés de 14 644 000 $. Elle a donc emprunté un montant de 14 052 000 $ de Trilon Financial Corporation (« Trilon »), une société canadienne de services financiers, au moyen d’un prêt d’un jour, et un montant de 592 000 $ de Trinity. Le billet, le contrat de garantie générale et les instructions données à Trinity par Capital ont été produits sous les cotes 14, 15 et 16

 

21.              Charterbridge a transmis à Capital au moins 14 052 000 $ sur les 17 997 161 $ à recevoir de Mackenzie et de Cornell, aux conditions énoncées dans un billet daté du 31 décembre 2001, que Capital a fourni à Charterbridge. Une photocopie du billet que Capital a émis en faveur de Charterbridge a été produite sous la cote 17.

 

22.              Capital a transmis à Trilon les 14 052 000 $ à recevoir de Charterbridge en vue de rembourser le prêt d’un jour utilisé pour financer les prêts.

 

23.              Le transfert de fonds entre les entités pertinentes a eu lieu aux dates suivantes :

 

Opération                                                       Date

 

Trilon, au moyen d’un prêt d’un jour,    31 décembre 2001

a remis à Capital un montant de

14 052 000 $ sur les fonds prêtés

 

Trinity a fourni à Capital un montant                  31 décembre 2001

de 592 000 $ sur les fonds prêtés

 

Capital a transmis les fonds prêtés à la   31 décembre 2001

fondation (conformément à la contribution

du participant)

 

La fondation a transmis à Cornell et à    31 décembre 2001

Mackenzie les paiements, moins un

montant qu’elle a conservé

 


Cornell et Mackenzie ont transmis un    31 décembre 2001

montant de 14 052 000 $ sur les fonds

prêtés de la fondation à Charterbridge

 

Charterbridge a transmis un montant de 31 décembre 2001

14 052 000 $ sur les fonds prêtés

de Cornell et de Mackenzie à Capital

 

Capital a utilisé les fonds de Charterbridge        31 décembre 2001

en vue de rembourser le prêt d’un jour

consenti par Trilon

 

24.              En 2002, la plupart des participants ont cédé à Capital leurs dépôts de garantie et leurs polices d’assurance en remboursement intégral des prêts qui leur avaient été consentis.

 

25.              Conformément au contrat de prêt conclu entre Capital et Charterbridge, les fonds ont été remboursés sur une période donnée, Capital cédant à Charterbridge les dépôts de garantie et les polices d’assurance qu’elle avait reçus des participants.

 

26.              Toutes les étapes susmentionnées, y compris les prêts contestés consentis aux participants, l’achat du matériel de laboratoire et de la propriété intellectuelle de Lifetech, et la transmission de fonds prévue par la série d’opérations qui ont été effectuées dans le cadre du programme de Trinity, étaient prédéterminées et interdépendantes.

 

27.              La fondation a remis aux participants 118 reçus aux fins de l’impôt, pour le plein montant des contributions, y compris le montant financé à l’aide des prêts.

 

28.              La plupart des participants ont demandé des crédits d’impôt pour dons de bienfaisance pour leur année d’imposition 2001 en utilisant les reçus délivrés par la fondation.

 

[16]    L’ECF décrit assez bien le fonctionnement du programme, dans la mesure où il était révélé par la preuve.

 

[17]    Lorsque l’appelant a accepté de participer au programme, il n’était pas au courant d’un grand nombre des opérations décrites ci‑dessus. En particulier, il ne possédait pas de renseignements détaillés au sujet de ce à quoi servirait le don, une fois offert à la fondation.

 

[18]    Les éléments du programme qui intéressaient directement l’appelant sont décrits aux paragraphes 4 à 10 ainsi que 24 de l’ECF.

 

[19]    L’appelant a participé au programme en effectuant le don minimum de 100 000 $, les modalités d’exécution étant les suivantes :

 

-                     à un moment donné au mois de décembre 2001, l’appelant s’est engagé à offrir à la fondation un don de 100 000 $, à condition que le prêt de 80 000 $ lui soit consenti;

 

-                     au moment de la clôture, le 31 décembre 2001, un montant de 30 000 $ provenant des propres fonds de l’appelant a été versé à la fondation;

 

-                     également au moment de la clôture, l’appelant a reçu un prêt de 20 ans ne portant pas intérêt, au montant de 80 000 $. Il a été demandé que, sur le produit du prêt, un montant de 70 000 $ soit versé à la fondation et qu’un montant de 10 000 $ soit versé à Capital (le prêteur);

 

-                     le 16 janvier 2002, l’appelant a cédé à Capital le dépôt de garantie et la police d’assurance en remboursement intégral du prêt de 80 000 $.

 

[20]    Le programme, tel qu’il était commercialisé, prévoyait que les participants seraient en mesure de rembourser les prêts au complet peu de temps après la clôture en cédant à Capital le dépôt de garantie et la police d’assurance (l’« option de vente »), mais les ententes pertinentes ne prévoient pas clairement un engagement à cet effet.

 

[21]    Dans son témoignage, l’appelant a fait remarquer que les ententes pertinentes n’exigeaient pas que la police d’assurance lui soit fournie. Il était uniquement exigé qu’une demande soit faite en vue d’obtenir une police d’assurance. Étant donné que l’option de vente dépendait de cette exigence, le résultat était que l’option de vente n’avait peut‑être aucun effet.

 

[22]    Toutefois, l’appelant a également déclaré qu’il était passablement convaincu que l’option de vente s’appliquerait parce que telle était l’intention de tous les intéressés (transcription, pages 126 à 128). Il a également témoigné qu’il était prêt à courir un risque à l’égard de l’option de vente parce que son objectif principal était de faire un don de bienfaisance pour la science et la technologie médicales.

 

[23]    Je reconnais que les ententes ne prévoient pas clairement une option de vente efficace parce qu’il n’existait aucune obligation claire de fournir la police d’assurance.

 

[24]    En ce qui concerne les éléments du programme une fois les fonds versés à la fondation, il ressort clairement de l’ECF que la presque totalité des fonds ont été transférés à Charterbridge et à Trinity par les organismes de bienfaisance.

 

[25]    Presque tous les fonds donnés devaient être utilisés aux fins de l’acquisition de biens de Charterbridge, sauf pour un petit montant d’argent que les organismes de bienfaisance pouvaient conserver. La preuve n’était pas suffisante pour établir la valeur de ces biens au moment pertinent. Dans la mesure où MM. Arnold et Thompson ont soutenu que les biens avaient une valeur élevée, selon moi, leurs témoignages n’étaient pas du tout convaincants.

 

Les programmes ultérieurs

 

[26]    En 2002 et en 2003, Trinity a promu des programmes semblables à celui qui est ici en cause. Le montant total des prétendus dons effectués au cours des années ultérieures était d’environ 106 000 000 $ et 94 000 000 $. La fondation et Mackenzie ont toutes deux pris part aux programmes ultérieurs.

 

Analyse

 

[27]    L’article 118.1 de la Loi prévoit l’octroi d’un crédit d’impôt aux particuliers à l’égard d’une fraction précise des dons effectués à des organismes de bienfaisance enregistrés et à d’autres organisations énumérées.

 

[28]    L’intimée soutient que le montant de 100 000 $ que l’appelant a transféré à la fondation ne donne pas droit à ce crédit parce qu’il ne s’agissait pas d’un don.

 

[29]    La disposition pertinente définit l’expression « total des dons de bienfaisance » au paragraphe 118.1(1), qui est libellé ainsi :

 

« total des dons de bienfaisance » Quant à un particulier pour une année d’imposition, le total des montants représentant chacun la valeur juste marchande d’un don (à l’exclusion de celui dont la juste valeur marchande est incluse dans le total des dons à l’État, le total des dons de biens culturels ou le total des dons de biens écosensibles du particulier pour l’année) qu’il a fait au cours de l’année ou d’une des cinq années d’imposition précédentes (mais non au cours d’une année pour laquelle il a demandé une déduction en application du paragraphe 110(2) dans le calcul de son revenu imposable) aux entités suivantes, dans la mesure où ces montants n’ont été ni déduits dans le calcul de son revenu imposable pour une année d’imposition se terminant avant 1988, ni inclus dans le calcul d’un montant déduit en application du présent article dans le calcul de son impôt payable en vertu de la présente partie pour une année d’imposition antérieure :

 

         a) organismes de bienfaisance enregistrés;

 

         b) associations canadiennes enregistrées de sport amateur;

 

c) sociétés d’habitation résidant au Canada et exonérées, en application de l’alinéa 149(1)i), de l’impôt payable en vertu de la présente partie;

 

 

d) municipalités du Canada;

 

e) Organisation des Nations Unies ou institutions qui lui sont reliées;

 

f) universités situées à l’étranger, visées par règlement et qui comptent d’ordinaire, parmi leurs étudiants, des étudiants venant du Canada;

 

g) œuvres de bienfaisance situées à l’étranger et auxquelles Sa Majesté du chef du Canada a fait un don au cours de l’année d’imposition du particulier ou au cours des douze mois précédant cette année;

 

g.1) Sa Majesté du chef du Canada ou d’une province.

 

(Non souligné dans l’original.)

 

[30]    Le mot « don », pour l’application de cette disposition, n’est pas défini dans la Loi et on lui a attribué son sens général.

 

[31]    Dans certaines décisions judiciaires pertinentes, les tribunaux ont eu tendance à décrire, de façons légèrement différentes, ce qu’est un don. Pour les besoins du présent appel, il n’est pas nécessaire d’analyser ces nuances. Il suffit de se reporter à la description d’un « don » que le juge Linden a donnée dans l’arrêt The Queen v. Friedberg, 92 DTC 6031 (C.A.F.), page 6032 :

 

  La Loi de l’impôt sur le revenu ne définit pas le mot « don », et ce sont les principes généraux du droit concernant les dons que les tribunaux appliquent en pareille circonstance. Comme le juge Stone l’a expliqué dans l’arrêt La Reine c. McBurney, 85 D.T.C. 5433, à la p. 5435 :

 

  La Loi ne définit pas le mot « dons ». Rien dans le contexte à l’intérieur duquel ce terme est employé ne porte à croire qu’il y revêt un sens technique plutôt que son sens ordinaire.

 

Par conséquent, un don est le transfert volontaire du bien d’un donateur à un donataire, en échange duquel le donateur ne reçoit pas d’avantage ni de contrepartie (voir le juge Heald dans La Reine c. Zandstra [74 DTC 6416] [1974] 2 C.F. 254, à la p. 261). L’avantage fiscal qui est conféré par un don n’est généralement pas considéré comme un « avantage » au sens où on l’entend dans cette définition car s’il en était ainsi, bien des donateurs seraient dans l’impossibilité de se prévaloir des déductions relatives aux dons de charité.

 

(Non souligné dans l’original.)

 

[32]    Si la définition susmentionnée est appliquée aux faits de la présente affaire, il est clair que l’appelant n’a pas effectué de don à la fondation puisqu’il obtenait un important avantage en échange du don.

 

[33]    L’avantage découle de l’entente de financement. Le prêt de 80 000 $ ne portant pas intérêt que l’appelant a reçu, auquel vient s’ajouter l’option de vente prévue, constituait un avantage important qui était donné en échange du don. Le financement n’était pas accordé indépendamment du don. Les deux étaient inextricablement liés par les ententes pertinentes.

 

[34]    Pour les besoins du présent appel, il n’est pas nécessaire d’attribuer une valeur à l’avantage. Toutefois, il semble être de l’ordre de 70 000 $ (les 80 000 $ reçus moins la dépense de 10 000 $), moins une légère réduction pour le risque que présentait l’option de vente si elle n’avait aucun effet. Il s’agit certes d’un avantage important.

 

[35]    J’aimerais également faire remarquer que, même en l’absence de l’option de vente, le financement conférait un important avantage. Il est évident en soi qu’un prêt de 20 ans ne portant pas intérêt constitue un avantage économique considérable pour le débiteur. J’aimerais également faire remarquer qu’il n’était pas raisonnable de s’attendre à ce que le dépôt de garantie de 8 000 $ atteigne un montant de près de 80 000 $ en 20 ans. La preuve soumise par M. Johnson le montrait clairement, même si l’on tient compte des divergences d’opinions au sujet de certaines des hypothèses qu’il a émises.

 

[36]    J’examinerai maintenant certains arguments invoqués par l’avocat de l’appelant.

 

[37]    Il a été fait mention de la décision Cooper v. The Queen, 88 DTC 6525 (C.F. 1re inst.). Dans cette décision, le juge Rouleau a conclu que l’octroi d’un prêt ne portant pas intérêt par une fiducie en faveur d’un bénéficiaire/exécuteur ne constituait pas un avantage qu’il fallait inclure dans le revenu en vertu du paragraphe 105(1) de la Loi.

 

[38]    Cette décision n’aide pas l’appelant. Le fondement de la décision rendue dans l’affaire Cooper ne portait pas sur le sens du mot « avantage » dans un sens général, mais elle portait sur l’interprétation donnée par la Cour du régime législatif particulier quant à l’imposition d’avantages.

 

[39]    En ce qui concerne la question de savoir si un prêt ne portant pas intérêt peut en général être considéré comme un avantage, le juge Rouleau pensait qu’il pouvait l’être. À la page 6528, le juge a dit :

 

Il ne fait aucun doute que, dans un certain sens, le prêt consenti au demandeur représentait pour ce dernier un avantage considérable, comme quiconque a essayé de négocier un prêt sans intérêt peut l’attester. […]

 

[40]    L’avocat de l’appelant soutient également que l’appelant a effectué le don principalement à des fins de bienfaisance, et que les économies d’impôt étaient une considération secondaire.

 

[41]    Cet argument était en bonne partie fondé sur le témoignage intéressé de l’appelant, auquel venait s’ajouter une preuve à l’appui des antécédents de l’appelant dans le domaine des œuvres de bienfaisance et des dons de bienfaisance.

 

[42]    Même s’il est reconnu que la participation de l’appelant au programme était principalement influencée par un but charitable, cela n’aiderait pas l’appelant. Une fois qu’il est conclu que l’appelant prévoyait recevoir un avantage en échange du don, comme il en a en fait reçu, il n’y a pas de don.  

 

[43]    L’avocat a également cité la décision Antoine Guertin Ltée v. The Queen, 81 DTC 5268 (C.F. 1re inst.), confirmée par 88 DTC 6126 (C.A.F.). Cette décision se rapportait à un prêt consenti à des conditions favorables par un organisme de bienfaisance. Le juge de première instance a conclu que les conditions favorables n’avaient pas pour effet de rendre le prêt artificiel.

 

[44]    Le problème que pose cette prétention est que le caractère véritable des ententes de financement conclues avec l’appelant n’est pas en litige en l’espèce. Je ne crois pas que la décision Antoine Guertin aide l’appelant.

 

[45]    Cela est suffisant pour qu’il soit possible de statuer sur l’appel, et je n’ai pas à examiner l’argument subsidiaire de l’intimée selon lequel le reçu que la fondation a remis aux fins de l’impôt et le crédit d’impôt y afférent constituent un avantage.

 

[46]    Cependant, je tiens à faire de brèves remarques au sujet de la question de savoir si l’appelant a effectué un don partiel en déboursant de l’argent de sa propre poche.

 

[47]    L’appelant n’a pas plaidé ce point, avec raison, à mon avis.

 

[48]    Dans certaines conditions, il peut être approprié de partager une opération en deux parties, de sorte qu’il y a d’une part un don et d’autre part quelque chose d’autre.

 

[49]    Eu égard aux faits particuliers de la présente affaire, il n’est pas approprié de partager ainsi l’opération. Dans ce cas‑ci, il n’y a qu’un seul arrangement interdépendant, et aucune partie de cet arrangement ne peut être considérée comme un don que l’appelant a effectué sans s’attendre à quoi que ce soit en échange. Sur ce point, je me suis fondée sur la décision suivante que l’avocat de l’intimée a citée : Hudson Bay Mining and Smelting Co. v. The Queen, 89 DTC 5515 (C.A.F.).

 


Dispositif

 

[50]    L’appel est rejeté, les dépens étant adjugés à l’intimée.

 

 

 

Signé à Toronto (Ontario), ce 12e jour de novembre 2009.

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour de mars 2010.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


RÉFÉRENCE :                                  2009 CCI 587

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2006-410(IT)G

 

INTITULÉ :                                       F. MAX E. MARÉCHAUX

                                                          c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATES DE L’AUDIENCE :               Du 28 avril au 1er mai et les

                                                          17 et 18 juin 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge J. M. Woods

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 12 novembre 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

Me David W. Chodikoff

Tarsem Basraon (stagiaire)

 

Avocats de l’intimée :

Me Peter Vita, c.r.

Me Aleksandrs Zemdegs

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                   Nom :                             David W. Chodikoff

 

                   Cabinet :                         Miller Thomson LLP

                                                          Toronto (Ontario)

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 

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