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Dossier : 2003-2513(IT)G

 

ENTRE :

BRIAN LEBLANC,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

 

ET

 

2003-2514(IT)G

ENTRE :

TERRY LEBLANC,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus les 20, 21 et 22 novembre 2006 à Ottawa (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge en chef D.G.H. Bowman

 

Comparutions :

 

Avocats des appelants :             Me William Van Veen

                                                Me François Baril

 

Avocats de l’intimée :                Me Roger Leclaire

                                                Me Nicolas Simard

 

____________________________________________________________________


JUGEMENT

 

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 1996, 1997, 1998 et 1999 sont admis avec dépens et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation conformément aux motifs ci‑joints.

 

Il ne devrait y avoir qu’un seul honoraire d’avocat pour les deux appelants.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de décembre 2006.

 

 

 

« D.G.H. Bowman »

D.G.H. Bowman, J.C.C.C.I.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour de mars 2008.

 

Maurice Audet, réviseur

 


 

 

 

Référence : 2006CCI680

Date : 20061221

Dossiers : 2003-2513(IT)G

ENTRE :

BRIAN LEBLANC,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

 

ET

 

2003-2514(IT)G

ENTRE :

TERRY LEBLANC,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge en chef Bowman

 

[1]     Il s’agit d’appels de cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu à l’égard de deux frères, Brian et Terry Leblanc. Les appels ont été entendus ensemble sur preuve commune et se rapportent aux années d’imposition 1996, 1997, 1998 et 1999.

 

[2]     Les cotisations découlent du fait que le ministre du Revenu national (le « ministre ») a inclus les gains que les appelants avaient faits sur leurs billets de loterie sportive dans leur revenu. Ce faisant, le ministre a pris la position selon laquelle le fait de parier aux loteries sportives gérées par l’État constituait une entreprise pour les appelants.

 

[3]     Les cotisations ont initialement été calculées selon la méthode de la valeur nette. Il est maintenant convenu que l’augmentation de valeur était attribuable aux gains de loterie et il est en outre convenu qu’au cours des années en question, chacun des appelants a gagné les montants suivants, déduction faite des pertes subies :

 

1996

1997

1998

1999

875 874 $

755 271 $

418 178 $

715 221 $

 

[4]     Avant d’exposer les faits de ces affaires plutôt inhabituelles, je résumerai les positions respectives des parties.

 

[5]     Les appelants ont d’abord soutenu que les gains de loterie, par leur nature même, sont toujours exonérés d’impôt et ne peuvent jamais être considérés comme un revenu tiré d’une entreprise, indépendamment de la quantité de billets achetés ou des circonstances entourant l’achat des billets. Ils affirment que les gains de loterie peuvent uniquement être considérés comme des gains en capital, et que, cela étant, ils ne sont pas imposables en vertu de l’alinéa 40(2)f) de la Loi.

 

[6]     L’argument subsidiaire des appelants est que, même s’il est possible de considérer les gains de loterie comme un revenu tiré d’une entreprise, eu égard aux faits, les appelants n’exploitaient pas une entreprise, et leurs gains de loterie n’étaient donc pas imposables à titre de revenu d’entreprise.

 

[7]     Selon la position prise par l’intimée, les gains de loteries sportives des appelants sont imposables au titre d’un revenu tiré d’une entreprise en vertu du paragraphe 9(1) de la Loi. L’avocat soutient que l’activité de jeu des appelants peut être considérée comme une entreprise parce qu’elle était gérée et organisée en vue de l’obtention d’un bénéfice.

 

Les faits

 

[8]     Les appelants sont deux jeunes célibataires dans la trentaine. Ils ont obtenu leur diplôme d’études secondaires, mais ils n’ont aucune formation régulière, quelle qu’elle soit, sauf pour certains cours d’informatique qu’ils ont suivis au secondaire. Avant de réaliser des gains énormes à la loterie, les appelants travaillaient pour l’entreprise de lavage de fenêtres de leur père.

 

[9]     Brian – et peut-être Terry, la preuve n’est pas claire ont commencé à s’intéresser aux jeux de loteries sportives avant 1992; ils semblent avoir gagné un important montant d’argent avant 1996 ou au début de l’année 1996 et s’en être servis pour commencer à effectuer les mises visées par les présents appels.

 

[10]    De 1996 à 1999, les appelants se sont lancés à fond, avec un abandon impétueux, dans des loteries sportives telles que Point Spread ou Over/Under. Les trois jeux de loterie les plus communément joués par les appelants étaient Pro‑Line, Point Spread et Over/Under. Ces jeux sont décrits par l’expert, M. Garry Smith, qui a été cité comme témoin par les appelants. M. Smith a acquis énormément d’expérience en matière de jeu.

 

[traduction] Pro‑Line les joueurs choisissent de 3 à 6 jeux figurant sur une liste de jeux (disponible par l’entremise des points de vente de billets de loterie, des quotidiens ou des sites Web des sociétés de loteries), en misant au moins 2 $ et au plus 100 $ (la mise maximale autorisée par certaines sociétés de loteries n’est que de 25 $). Pour chaque jeu, le joueur doit choisir entre trois issues possibles : a) une équipe locale gagnera, b) une équipe de visiteurs gagnera ou c) il y aura match nul (la définition de match nul varie d’un sport à l’autre). Les cotes pour chaque issue sont affichées sur la liste de jeux et le lot prévu pour une mise gagnante est indiqué sur le billet. Ainsi, une mise gagnante de 10 $ sur trois jeux avec des cotes de 2,50, 1,70 et 3,55 produit un gain de 150,90 $ (2,50 x 1,70 x 3,55 x 10). Pour gagner, il faut que toutes les sélections soient exactes.

 

Point Spread il s’agit d’un jeu comportant deux issues (une équipe de visiteurs ou une équipe locale gagne par rapport à un écart de points affiché) dans lequel les joueurs peuvent sélectionner entre 2 et 12 jeux. Les lots sont attribués pour tous les bons choix ou pour le choix des gagnants dans 9 matchs sur 10, 10 matchs sur 11, 10 matchs sur 12 ou 11 matchs sur 12. Le lot est fonction de trois facteurs : le montant misé, le nombre de jeux sélectionnés et le sport sur lequel la mise est effectuée (les issues des matchs de hockey et de baseball sont considérées comme plus faciles à prédire que celles des matchs de basketball ou de football, de sorte que le gain est légèrement supérieur pour les deux derniers sports.

 

Over/Under il y a également deux issues (les joueurs choisissent si le score total de deux équipes, dans un match individuel, sera supérieur ou inférieur à un nombre affiché) et les joueurs choisissent entre 2 et 10 matchs. Ici encore, pour gagner, il faut que toutes les sélections soient exactes.

 

[11]    Les appelants ont loué une maison à Aylmer, de façon à pouvoir jouer aux loteries au Québec et en Ontario. Ils menaient des vies inhabituelles. En effet, ils passaient leur temps à jouer à des jeux de loterie ou à regarder les sports à la télévision. Ils jouaient également au ping‑pong et au golf et restaient chez eux à boire de la bière et à manger de la pizza. Malgré leurs gains, ils vivaient frugalement et dépensaient fort peu d’argent sur des biens matériels. Leurs gains étaient toujours réinvestis dans des jeux de loterie.

 

[12]    La preuve a dans l’ensemble été présentée par Brian, le frère cadet. Brian estimait également qu’ils perdaient leurs mises dans 95 p. 100 des cas. Au cours des années en question, leur participation a été massive, comme je l’ai dit. Brian a témoigné qu’il n’était pas inhabituel qu’ils effectuent, chaque semaine, des mises de 200 000 à 300 000 $. Ils ne pariaient pas toutes les semaines, mais selon leurs estimations, ils dépensaient peut‑être chaque année de 10 à 13 millions de dollars. Toutefois, il est difficile de confirmer si ces chiffres sont exacts puisque les appelants ne tenaient pas de livres, de sorte que la probabilité que les estimations soient exactes se situe dans une fourchette d’une étendue indéterminée. Toutefois, c’est là tout ce dont je dispose. Même le montant des gains nets convenus est à mon avis plutôt problématique, mais je dois en accepter l’exactitude parce qu’il s’agit d’un fait convenu.

 

[13]    Les billets perdants étaient conservés au sous‑sol de leur maison, à Aylmer. Brian a dit que c’était pour établir d’où venait l’argent, au cas où quelqu’un s’interrogerait. Selon moi, la chose est également compatible avec leur comportement plutôt bizarre et obsessif. Les billets gagnants avaient été conservés à l’étage supérieur, dans des bocaux ou des boîtes, jusqu’à ce qu’il y ait un vol, ce qui les a amenés à acheter un coffre‑fort. À un moment donné, les appelants ont dû poursuivre la Société des loteries et des jeux de l’Ontario (l’« OLG ») pour la forcer à vérifier des sacs à déchets verts pleins de billets. L’affaire a été réglée.

 

[14]    Brian était toujours celui qui décidait des mises à effectuer, mais les appelants partageaient les gains moitié‑moitié. Pour effectuer ses sélections, Brian se reportait aux cotes de l’OLG ainsi qu’aux cotes à Las Vegas pour les mêmes matchs. Au cours des premières années, il obtenait tous ses renseignements des journaux ou des listes publiées de l’OLG. Par la suite, les renseignements étaient accessibles sur les sites Web de l’OLG. Brian consultait ces renseignements et décidait s’il devait effectuer une mise.

 

[15]    Au début, Brian choisissait quelques événements sportifs et calculait manuellement la combinaison des mises pour ces événements. Au cours des années ultérieures, Terry a créé un programme informatique qui effectuait cette tâche pour eux. Plus précisément, Brian entrait ses choix d’événements sportifs à l’ordinateur et le programme énumérait toutes les combinaisons possibles de ces choix. Brian déterminait son choix ou ses choix de combinaisons préférés et ils achetaient ensuite de multiples billets, parfois des milliers, pour ces choix.

 

[16]    Au cours des années d’imposition en question, les appelants pariaient quatre ou cinq fois par semaine, et achetaient des milliers de billets, pour des douzaines de combinaisons d’issues qui étaient surtout risquées. Ces mises pouvaient s’élever chaque semaine à 200 000 ou 300 000 $ en tout. Le fait de miser sur ces issues risquées augmentait le gain éventuel, mais cela augmentait également le risque de beaucoup. Il était fort peu probable que ces billets soient gagnants, mais s’ils l’étaient, les gains éventuels étaient fort élevés. Pour les appelants, cela occasionnait un grand nombre de pertes, avec quelques billets gagnants à rendement élevé. Quant au nombre de mises, les appelants en perdaient [traduction] « une forte majorité », c’est‑à‑dire, selon les estimations de Brian, qu’ils perdaient dans 95 p. 100 des cas.

 

[17]    Pour faire leurs mises, les appelants passaient leur commande par téléphone auprès d’un point de vente au détail. Étant donné que les sociétés de loteries imposaient des limites sur le nombre de billets que chaque point de vente au détail pouvait vendre, ainsi que sur le nombre de billets que chaque point de vente au détail pouvait vendre à un client particulier, les appelants devaient acheter leurs billets chez divers détaillants afin d’acheter la quantité qu’ils voulaient.

 

[18]    Compte tenu de leurs achats en grande quantité, les appelants pouvaient négocier une réduction de 2 à 3 p. 100 chez de nombreux détaillants. La réduction leur était accordée parce que les détaillants touchaient une commission sur les billets de loterie qu’ils vendaient ainsi qu’une réduction pour les billets de loterie encaissés. Les appelants offraient aux points de vente au détail d’acheter et d’encaisser leurs billets en contrepartie d’une partie de ces commissions. Ils achetaient des billets uniquement chez les détaillants qui acceptaient de leur accorder cette réduction.

 

[19]    Au début, les appelants se rendaient eux-mêmes aux points de vente pour aller chercher les billets déjà commandés, mais au milieu de l’année 1996, ils ont décidé qu’ils ne voulaient pas se déplacer, de sorte qu’ils se sont mis à payer trois de leurs amis pour leur servir [traduction] d’« aides ». Ces aides se sont vu assigner un [traduction] « territoire » ou une [traduction] « tournée » de magasins où aller chercher les billets. Les appelants avaient recours aux aides parce que, selon eux, le plaisir qu’il y avait à jouer à la loterie sportive consistait à effectuer les mises et à regarder les matchs, et non à courir ici et là dans la ville pour aller chercher les billets. Ils étaient [traduction] « paresseux » et voulaient uniquement se livrer aux activités qui leur plaisaient.

 

[20]    Vers 1998, l’OLG a abaissé les limites de vente au détail. Afin de maintenir le niveau des mises, les appelants ont dû avoir recours à un plus grand nombre d’aides jusqu’à 15 en tout pour aller chercher les billets commandés chez un plus grand nombre de détaillants. Étant donné que les limites étaient plus basses, les appelants ne pouvaient plus obtenir de réductions sur la quantité.

 

[21]    Deux choses sont évidentes : a) l’importance des mises des appelants défie toute logique; cela n’est tout simplement pas susceptible d’une analyse rationnelle; b) néanmoins, les appelants gagnaient. Il semble qu’ils gagnaient de fortes sommes. Si l’estimation de 10 000 000 à 13 000 000 $ par année est exacte et c’est là tout ce sur quoi je puis me fonder les appelants ont dépensé plus de 52 000 000 $ sur une période de quatre ans. La preuve montre également que Brian a joué à la loterie une fois en Alberta et au moins une fois en Nouvelle‑Écosse. Il semble que Brian se soit également rendu une fois en Australie pour parier. Le chiffre convenu des gains nets au cours de ces années‑là était de 2 761 544 $ pour chaque frère, soit 5 523 088 $ en tout. De toute évidence, les appelants réussissaient fort bien lorsqu’ils pariaient aux loteries sportives gérées par l’État; en particulier, ils ont gagné à deux reprises des montants élevés au début de l’année 1996 et une autre forte somme en 1999. Les appelants disent que c’est parce qu’ils ont eu [traduction] « de la chance ». L’intimée affirme que c’est parce qu’ils ont mis au point un [traduction] « système ».

 

[22]    J’ai déjà mentionné qu’il m’était difficile d’accepter l’exactitude des chiffres qui ont été mentionnés avec une certaine insouciance excessive. Néanmoins, il a été convenu des gains nets et je dispose du témoignage non contesté des appelants au sujet des montants qu’ils dépensaient aux loteries sportives. Si nous acceptons ces chiffres, cela voudrait dire que, si les appelants ont dépensé 50 000 000 $ pour produire des gains nets de 5 500 000 $, ils doivent avoir eu des gains bruts s’élevant au montant mirobolant de 55 500 000 $.

 

[23]    Il est devenu évident à mes yeux que le mot [traduction] « cotes » ou « chances » a été employé dans plusieurs sens différents dans la preuve; j’ai confirmé cette impression à l’aide des réponses que j’ai obtenues aux questions que j’ai posées à l’expert, M. Smith. Les [traduction] « chances » de gagner un jeu de hasard comme le Lotto 6/49 forment un rapport mathématiquement déterminé qui ne change pas. Les chances d’avoir un billet gagnant la cagnotte du Lotto 6/49 seraient apparemment de 1 sur 13,5 millions. Un autre sens dans lequel le mot « cotes » ou « chances » est employé, du moins dans le contexte du jeu, fait entrer en ligne de compte un autre facteur à savoir combien de mises sont effectuées sur un résultat particulier. Ainsi, aux courses, la cote d’un cheval particulier peut constamment changer jusqu’au moment où les paris sont fermés selon le nombre de personnes qui parient sur les chances de gagner de ce cheval. Le Canadian Oxford Dictionary laisse entrevoir, pas trop clairement, cette distinction. Les autres dictionnaires, et notamment l’Oxford English Dictionary en 20 volumes, ne sont pas beaucoup plus clairs.

 

[24]    Le mot « odds » (cotes ou chances) est défini comme suit dans le Canadian Oxford Dictionary :

 

[traductionodds (cotes, chances) nom au pluriel 1 rapport entre les montants misés par les parties à un pari, basé sur la probabilité prévue d’une façon ou d’une autre. 2 a chances ou prépondérance des probabilités en faveur ou à l’encontre d’un résultat donné (les chances sont à l’encontre; les chances sont qu’il pleuvra). cette probabilité exprimée sous forme de rapport (les chances de perdre sont de 500 contre 1). prépondérance des avantages (les chances sont en votre faveur, gagner à l’encontre de toutes les chances). avantage égalisateur en faveur d’un concurrent plus faible; handicap. différence procurant un avantage (il n’y a pas de chances). at odds (souvent suivi du mot « with ») en conflit ou en opposition. by all odds certainement. over the odds Brit. au‑delà d’un prix généralement convenu, etc.; take odds accepter un pari. [apparemment pl. du nom ODD « choses inégales » : comparer avec NEWS]

 

[25]    L’expert, M. Smith, a donné un troisième sens du mot « cotes » ou « chances », les chances [traduction] « partielles », données par les sociétés de loteries, comparativement aux chances [traduction] « véritables ». Il ressort du tableau 4 du rapport de l’expert que les sociétés de loteries accordent des chances qui sont fort différentes des chances véritables afin de limiter les montants qu’elles ont à verser. Plus il y a de jeux qui sont joués, plus l’écart s’accentue d’une façon incroyable. Si une personne joue à 10 jeux, la somme versée est de 200 contre 1. Les chances véritables sont de 1 024 contre 1. Cela montre que les gens comme les appelants jouent avec un adversaire, l’OLG, qui a tous les atouts dans son jeu, à leur détriment.

 

[26]    Le rapport de M. Smith démontre plusieurs points d’une façon assez remarquable :

 

           a)     Les chances de perdre dans les loteries, comme les loteries sportives du type auquel les appelants jouaient, sont astronomiques;

           b)     Il est impossible de déjouer les cotes;

           c)     Les sommes versées ne correspondent aucunement aux chances véritables;

           d)     L’habileté n’entre pas en ligne de compte lorsqu’il s’agit de gagner aux loteries sportives.

 

[27]    Les appelants soutiennent que les gains de loterie, par leur nature même, sont toujours exonérés d’impôt et ne peuvent jamais être considérés comme un revenu tiré d’une entreprise, et ce, indépendamment de la quantité de billets qui sont achetés ou des circonstances entourant l’achat des billets. Ils font valoir que la jurisprudence et l’alinéa 40(2)f) de la Loi confirment cette non‑imposabilité.

 

Paragraphe 9(1)

 

Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, le revenu qu’un contribuable tire d’une entreprise ou d’un bien pour une année d’imposition est le bénéfice qu’il en tire pour cette année.

 

Alinéa 40(2)f)

 

Malgré le paragraphe (1) :

 

[…]

 

f) est nul le gain ou la perte du contribuable résultant de la disposition :

 

            (i) soit d’une chance de gagner un prix ou un pari,

           (ii) soit d’un droit de recevoir une somme comme prix ou comme enjeu d’un pari,

 

à l’occasion d’une loterie ou d’un pari collectif mentionné à l’article 205 du Code criminel;

 

Article 248

 

« entreprise » Sont compris parmi les entreprises les professions, métiers, commerces, industries ou activités de quelque genre que ce soit et, sauf pour l’application de l’alinéa 18(2)c), de l’article 54.2, du paragraphe 95(1) et de l’alinéa 110.6(14)f), les projets comportant un risque ou les affaires de caractère commercial, à l’exclusion toutefois d’une charge ou d’un emploi.

 

[28]    Il ne servirait à rien de citer les nombreuses définitions données par les tribunaux judiciaires du mot « entreprise » ou de l’expression « exploitant une entreprise ». On peut citer des myriades de définitions judiciaires du mot « entreprise » (celle figurant dans le Stroud’s Judicial Dictionary, 5e éd., compte plus de six pages), et ce, sans arriver pour autant à une solution dans un cas comme celui‑ci. Ainsi, on peut commencer par la définition donnée par le maître des rôles Jessel, dans la décision Smith v. Anderson, (1880) 15 Ch.D. 247, à la page 258[1] :

 

[traduction] [...] tout ce qui occupe le temps d’un homme, tout ce qui retient son attention, tout ce à quoi il consacre son labeur en vue de réaliser des profits constitue une entreprise. Il s’agit d’un mot dont l’usage est largement répandu et dont la signification n’est pas définie.

 

Une telle définition serait habituellement inattaquable lorsqu’il est question d’une activité commerciale. La définition, si elle est appliquée littéralement et machinalement, comprend les activités d’une personne qui parie d’une façon constante et régulière sur les chevaux, ou qui joue à des loteries ou à des tables de jeu. Cela voudrait dire que les activités de jeu dans tous les cas susmentionnés constitueraient une entreprise; pourtant, nous savons qu’il n’en est pas ainsi. Le jeu même si le joueur s’y livre régulièrement, fréquemment et systématiquement est quelque chose qui, par sa nature, n’est pas généralement considéré comme une activité commerciale, sauf dans des circonstances fort exceptionnelles. C’est ce qui est reconnu dans les décisions mentionnées ci‑après.

 

[29]    Les joueurs compulsifs, qu’ils jouent à des loteries ou à des tables de jeu, peuvent consacrer beaucoup de temps et d’argent à parier et, à coup sûr, ils le font dans le but de gagner. Les gens qui vont tous les jours à la piste de courses consacrent du temps et de l’argent à ce passe‑temps et il se peut qu’ils acquièrent peu à peu une certaine expertise, ou du moins qu’ils arrivent à se convaincre qu’ils en acquièrent. Toutefois, habituellement, leurs gains ne sont pas imposés et, fait encore plus important, leurs pertes ne sont pas déductibles. Je commencerai par le jugement rendu par le juge Rowlatt, l’un des juges anglais les plus respectés en matière fiscale. Dans l’arrêt Graham v. Green, [1925] 2 K.B. 37, ce juge a dit ce qui suit, à la page 38 :

 

[traduction] En l’espèce, l’appelant avait l’habitude de parier sur des chevaux à la cote de départ. Il le faisait sur une grande échelle et d’une façon soutenue, et avec une telle perspicacité qu’il en tirait un revenu, et il est conclu qu’il s’agissait fondamentalement de son moyen de subsistance. Cela étant, il a fait l’objet d’une cotisation d’impôt sur le revenu à l’égard de ces émoluments, d’où le présent appel.

 

Aux pages 41 et 42, le juge a dit ce qui suit :

 

[Traduction]        Nous en arrivons au pari pur et simple. Il a été établi qu’un bookmaker exerce une profession imposable. Quel est le système du bookmaker? Il sait qu’un grand nombre de gens sont prêts à miser sur des chevaux et qu’ils miseront auprès de toute personne qui affirme donner des cotes raisonnables comme bookmaker. En calculant les cotes pour divers chevaux sur une longue période et en les cotant de façon que dans l’ensemble les chances, si je puis utiliser cette expression, soient en sa faveur, il fait un profit. Il me semble qu’il organise ses efforts de la même façon que la personne qui décide d’acheter des choses en vue de tirer profit de la différence de valeur en capital dans un cas individuel.

 

        À l’envers de la médaille, il y a l’homme qui place un pari auprès du bookmaker, comme c’est ici le cas. Il s’agit de simples paris. Cet homme engage chaque fois un montant correspondant à la cote de départ. Je ne crois pas qu’il soit possible de dire qu’il organise ses efforts de la même façon qu’un bookmaker, car je ne crois pas que l’objet, selon sa manière de voir, s’y prête. En effet, cet homme fait simplement ce que fait tout homme qui joue habilement aux cartes, qui joue tous les jours. Il joue aujourd’hui, et il jouera demain, et il jouera le lendemain, et il est habile à chaque jour, plus habile dans l’ensemble que les gens avec qui il joue, et il gagne. Cependant, dans ce cas‑là, il ne semble pas possible de constater quoi que ce soit qui permette de dire que ses activités individuelles sont regroupées de la même façon que des activités particulières sont regroupées dans le sens où on l’entend dans le commerce. Je crois qu’il est uniquement possible de dire que cet homme a une dépendance au jeu, au sens où on l’entend communément. Il est fort difficile d’exprimer la chose, mais il me semble que les gens diraient que cet homme a une dépendance au jeu, et qu’ils ne pourraient pas dire que le jeu est sa profession. Ce sujet comporte énormément de difficultés sur le plan linguistique, ce qui indique selon moi les difficultés importantes qu’il comporte sur le plan de la pensée. Une habitude ne donne pas lieu à un impôt. Je ne crois pas que le mot « habituel » ou même « systématique » décrive pleinement ce qui est l’essence de l’expression « commerce, entreprise, emploi ou profession ». Je puis uniquement dire qu’à mon avis, le revenu que ce monsieur a réussi à gagner ne constitue pas un bénéfice ou un gain, et que l’appel doit être accueilli avec dépens.

 

[30]    Un avis à peu près similaire a été exprimé par le juge Hugessen dans l’arrêt The Queen v. Rumack, 92 DTC 6143, à la page 6143 :

 

        Le présent appel soulève la question du traitement fiscal qu’il convient de donner à certains types de gains de loterie. Traditionnellement, ces gains ont toujours été exonérés de l’impôt sur le revenu car ils étaient considérés comme des "gains fortuits", et par conséquent comme constituant du capital.

 

et à la page 6144 :

 

        Avec l’introduction au Canada en 1972 de l’impôt sur les gains en capital, il est devenu nécessaire d’envisager la possibilité que les gains de loterie qui ne constituaient pas un revenu soient néanmoins imposables à titre de gains en capital. De toute évidence, on a pris la décision de principe de ne pas les assujettir à l’impôt. À la suite de cette décision, on a édicté l’alinéa 40(2)f) et le paragraphe 52(4) précités qui se trouvent tous les deux dans la sous-section c de la section B de la Partie I intitulée "Gains en capital imposables et pertes en capital déductibles".

 

[31]    Dans ce dernier arrêt, il a été conclu que la fraction « revenu » de rentrées d’argent provenant d’une rente achetée à l’aide d’une somme gagnée à la loterie constituait un revenu étant donné qu’elle n’était pas visée à l’alinéa 40(2)f). Les remarques du juge Hugessen illustrent d’une façon générale l’attitude qui est adoptée, au Canada, à l’égard des gains de loterie, mais elles ne traitent pas de la question de savoir si les gains de jeu, qui ne sont pas exonérés d’impôt en vertu de l’alinéa 40(2)f) à titre de gains en capital, sont imposables parce qu’ils constituent un revenu tiré d’une entreprise.

 

[32]    Il existe une autre série d’arrêts faisant autorité dans lesquels la décision rendue par le juge Rowlatt dans l’affaire Graham v. Green, précitée, a donné lieu à une distinction. Dans la décision Burdge v. Pyne, [1969] 1 All E.R. 467 (Ch. Div.), M. Burdge avait été débouté de son appel devant le juge Pennycuick, de la Chancery Division. M. Burdge était propriétaire d’un club de jeu où il pariait. La cour a conclu que les gains de jeu faisaient simplement partie du revenu ordinaire du club dont M. Burdge était propriétaire. En parlant du jugement rendu par le juge Rowlatt dans l’affaire Graham v. Green, le juge Pennycuick a dit ce qui suit aux pages 470 et 471 :

 

[traduction] Dans ses motifs de jugement, le savant juge examine minutieusement la nature des opérations de jeu et il conclut qu’en l’absence d’une organisation comparable à celle d’un bookmaker, les opérations de jeu ne constituent pas en tant que telles un commerce ou une entreprise donnant lieu à une accusation selon l’affaire VI de l’annexe D. Cette dernière affaire est loin de ressembler à celle qui nous occupe, parce qu’en l’espèce, il y a un commerce, alors que la personne accusée dans cette affaire‑là n’exploitait pas du tout un commerce.

 

        L’autre affaire est Down (Inspector of Taxes) v. Compston. Le sommaire est rédigé comme suit :

 

    L’intimé, un golfeur professionnel, avait régulièrement joué au golf en privé pendant un certain nombre d’années, en plus de se livrer à ses autres activités, en pariant divers montants. L’intimé a fait l’objet, en vertu de l’annexe D, d’une cotisation visant entre autres l’excédent des gains sur les pertes découlant des paris effectués, pour le motif que les sommes gagnées ne pouvaient pas être considérées à juste titre comme de simples sommes reçues par suite d’un pari, mais qu’il s’agissait plutôt de bénéfices découlant de sa profession de golfeur; JUGEMENT : les sommes gagnées par l’intimé ne découlaient pas de son emploi ou de sa profession, et elles n’étaient pas assimilables aux pourboires reçus en échange d’un service; de plus, il n’y avait pas d’organisation permettant d’étayer la thèse selon laquelle l’intimé exploitait une entreprise de jeu. Par conséquent, la cotisation devrait être annulée.

 

       Comme nous le verrons, dans cette affaire‑là, M. Compston exploitait une entreprise ou exerçait une profession, à savoir celle de golfeur professionnel mais il a été conclu qu’on ne pouvait pas dire que les paris qu’il avait effectués en privé avec les personnes avec qui il devait jouer au golf découlaient de sa profession de golfeur. Le juge Lawrence a dit ce qui suit :

 

    L’argument invoqué au nom de la Couronne est, si je comprends bien, qu’en l’espèce une profession est exercée par un golfeur professionnel, et que les gains découlant des paris effectués à l’égard des matchs de golf joués par un golfeur professionnel sont réalisés dans le cadre de sa profession de golfeur et découlent de cette profession, et qu’il n’est donc pas nécessaire de conclure qu’il y a un si grand nombre d’opérations, ou une telle organisation associée à ces activités de jeu que cela constitue une profession ou un emploi distinct en tant que tels; on affirme qu’étant donné que l’intimé exerce la profession de golfeur, les gains provenant de ces matchs sont réalisés dans le cadre de cette profession et en découlent, et qu’ils sont donc imposables, comme le sont les offrandes remises à Pâques à un membre du clergé ou les pourboires d’un serveur. D’autre part, il est soutenu pour le compte de l’intimé que les sommes gagnées par ce dernier ne découlent pas vraiment de sa profession, mais qu’elles découlent plutôt des paris; la profession de golfeur donne simplement à l’intimé la possibilité de parier et n’est pas à proprement parler à l’origine des gains tirés des paris.

 

Puis, après avoir examiné certains exemples donnés par l’avocat de l’intimé, le juge a ajouté :

 

           Je souscris à l’argument qui a été présenté au nom de l’intimé ainsi qu’à la décision rendue par les commissaires en l’espèce, et je conclus que les sommes gagnées par l’intimé ne découlaient pas de son emploi ou de sa profession [...]

 

Puis, le juge dit enfin qu’il n’y a pas d’organisation.

 

      Par conséquent, dans cette affaire‑là, la profession donnait d’une certaine façon la possibilité de parier, en ce sens que M. Compston n’aurait pas eu de compagnons avec qui parier dans ses parties s’il n’avait pas été golfeur professionnel, mais les paris ne découlaient pas de sa profession. Il me semble ici encore qu’il est tout à fait possible de distinguer cette affaire‑là, et ce, pour la simple raison qu’en l’espèce, le club n’était pas simplement l’occasion qui permettait au contribuable de jouer aux cartes en privé. Le contribuable jouait aux cartes dans le cadre des activités du club et les sommes qu’il gagnait en jouant aux cartes découlaient pleinement, me semble‑t‑il, de l’exploitation du club.

 

Je tiens à dire que la décision Down v. Compston citée par le juge Pennycuick ([1937] 2 All E.R. 475) semble plutôt se situer à la limite.

 

[33]    La décision Down pourrait être comparée à la décision Luprypa v. The Queen, 97 DTC 1417. Les faits de cette affaire sont plutôt intéressants. À la page 1417, le juge McArthur a dit ce qui suit :

 

        L’appelant a témoigné qu’avant 1989, il avait exercé différents emplois rémunérateurs. Après sa séparation et son divorce en 1986, il a fait face à la "crise de la quarantaine" et a passé les trois années ici en cause à jouer au billard pour de l’argent. Il a déclaré que tous les jours, du lundi au vendredi, il jouait au snooker l’après-midi en cherchant pendant ce temps à améliorer ses compétences. Chaque soir de la semaine, à compter de 23 h, il se rendait dans un bar où il affrontait des adversaires qui étaient en état d’ébriété. L’appelant ne consommait pas de boissons alcooliques pendant la semaine, ce qui lui donnait un avantage. Il a déclaré qu’en jouant ainsi au billard, il avait gagné 16 000 $ en 1989, 20 000 $ en 1990 et 40 000 $ en 1991. Il était un joueur habile et il gagnait 200 à 300 $ presque tous les jours. Compte tenu du montant approximatif de 200 $ qu’il affirme avoir gagné tous les jours, l’appelant aurait gagné 48 000 $ par année sur une période de 48 semaines.

 

Il est utile de citer l’analyse à laquelle a procédé le juge McArthur, aux pages 1418 et 1419 :

 

Analyse (Le jeu en tant que revenu)

      Il s’agit essentiellement de savoir si les sommes que l’appelant a gagnées au billard sont imposables. Dans ses savantes plaidoiries, l’avocat de l’appelant a soutenu qu’il n’avait pu trouver nulle part dans la jurisprudence une affaire dans laquelle les gains tirés du jeu avaient été jugés imposables. Il a reporté la Cour à plusieurs arrêts.

     Dans l’affaire Balanko v. M.N.R., 81 DTC 887, le contribuable avait librement et fréquemment fait des paris sur des courses de chevaux, sur des événements sportifs et sur des jeux de cartes en vue de réaliser un bénéfice. La Commission de révision de l’impôt a statué qu’il ne s’agissait pas d’une entreprise établie de façon qu’il soit possible de considérer le contribuable comme un joueur de profession. M. J. Bonner, membre de la Commission (tel était alors son titre), a déclaré ceci à la page 888 :

 

[traduction

 

 

[...] Il y a absence totale de preuve de l’existence d’un système organisé dans le but de gérer ou d’atténuer les risques. Cette absence de système distingue l’appelant, joueur invétéré, du joueur professionnel.

 

Dans la décision Dubrovsky v. M.N.R., 88 DTC 1712, le juge de la Cour de l’impôt a statué que les activités de jeu du contribuable ne constituaient pas une source de revenu étant donné qu’il n’existait aucune attente raisonnable de profit et que c’était simplement une question de chance.

Dans la décision M.N.R. v. Morden, 61 DTC 1266, à la page 1267, le juge Cameron, de la Cour de l’Échiquier, a statué que :

 

[traduction]

 

 

       Les gains que l’intimé a tirés du jeu ne constituaient pas un revenu assujetti à l’impôt. L’intimé était un joueur invétéré; c’était son passe-temps et le jeu lui donnait la stimulation dont il avait besoin. Le montant du pari était parfois élevé et les gains importants, mais on ne saurait conclure que, pendant les années en question, l’intimé exploitait une entreprise de nature commerciale relativement aux paris qu’il faisait ou qu’il avait organisé ces activités de façon à en faire une entreprise, un métier ou une profession.

 

      L’avocat de l’intimée a reporté la Cour aux passages suivants des mêmes arrêts. Dans la décision Balanko v. M.N.R., 81 DTC 887, la Cour a dit ceci, à la page 888 :

 

[traduction]

 

 

Même s’il est nécessaire de courir des risques [...], l’activité commerciale se caractérise par la gestion ou l’atténuation des risques. [...] Il y a absence totale de preuve de l’existence d’un système organisé dans le but de gérer ou d’atténuer les risques. Cette absence de système distingue l’appelant, joueur invétéré, du joueur professionnel.

 

Dans la décision Dubrovsky (précitée), la Cour a dit que ce genre d’affaire dépend principalement des faits qui lui sont propres.

      Dans le jugement Morden (précité), la Cour de l’Échiquier a déclaré ceci, à la page 1269 :

 

[traduction]

 

 

       Pour être imposable, un gain tiré du jeu doit résulter de l’exploitation d’une "entreprise" au sens de l’alinéa 127(1)e) (précité). Les gains occasionnels provenant de paris qui sont faits dans le cadre d’une partie de bridge ou de poker entre amis ou de paris qui sont parfois faits aux courses, ne sont clairement pas, à mon avis, assujettis à l’impôt. Comme l’a déclaré le juge suppléant Hyndman dans la décision Walker, chaque cas est un cas d’espèce. Un critère raisonnable en pareil cas semble être celui qui a été énoncé dans le jugement Lala Indra Sen, [1940] 8 I.T.R. (Ind.) 187, où le juge Braund a dit ceci, à la p. 218 :

 

 

       S’il existe un critère qui est, comme je le crois, plus important qu’un autre, c’est celui qui consiste à essayer de voir quel est l’objectif dominant de la personne en cause, à savoir s’il s’agissait d’exploiter une entreprise de nature commerciale ou si cette personne cherchait principalement à se divertir.

 

 

       [...] Je ne puis trouver aucun élément de preuve montrant que pendant les années en question, l’intimé a exploité une entreprise de nature commerciale relativement aux paris qu’il faisait, ou qu’il avait organisé ces activités de façon à en faire une entreprise, un métier ou une profession.

 

      Cela étant, il ne m’est pas difficile de conclure que l’appelant exploitait une entreprise dans le cadre de laquelle il jouait au billard en vue de réaliser un bénéfice. Il avait établi un système et il avait une attente raisonnable de profit. Pendant les années en question, c’était sa principale source de revenu. Il dirigeait son entreprise d’une façon professionnelle :

a)         Il gérait minutieusement les risques.

 

b)         Il était un joueur habile.

 

c)         Il jouait toutes les semaines du lundi au vendredi.

 

d)         Il passait ses après-midi à jouer au snooker pour améliorer ses compétences.

 

e)         Il jouait après 23 h lorsque ses adversaires étaient en état d’ébriété, de façon à minimiser son risque.

 

f)          Il gagnait presque tout le temps, et se faisait environ 200 $ par jour.

 

g)         Il consommait des boissons alcooliques pendant la fin de semaine seulement, lorsqu’il ne jouait pas au billard, de façon à être sobre lorsqu’il affrontait des adversaires, qui étaient en état d’ébriété.

 

h)         Il était calculateur et discipliné.

 

i)          C’était sa principale source de revenu et il comptait sur ce revenu régulier.

 

[34]    Compte tenu de la preuve, je ne crois pas qu’il soit raisonnablement possible de conclure que les facteurs énoncés par le juge McArthur s’appliquent en l’espèce.

 

[35]    Dans l’analyse exhaustive qu’il a effectuée, le juge McArthur n’a pas mentionné la décision rendue par le juge Dumoulin, de la Cour de l’Échiquier, dans l’affaire M.N.R. v. Beaudin, 65 DTC 5077. Dans cette dernière affaire la question litigieuse portait sur l’imposabilité de gains réalisés à la piste de courses par un médecin de campagne. Apparemment, le médecin utilisait son cheval pour tirer son boghei afin de visiter ses patients en hiver; en été, il faisait courir ce cheval versatile et gagnait de fortes sommes. Voici ce qu’a dit le juge Dumoulin à la page 5078 :

 

[traduction] [...] À n’en pas douter, ce médecin de campagne semble bien avoir consacré tous ses moments de loisir, et peut-être même un peu plus que cela, aux prouesses hippiques de ses bêtes.

      Il n’en reste pas moins que le degré d’intérêt ou de zèle selon lequel on s’adonne à un passe-temps (hobby) n’en change pas pour autant la nature.

 

[36]    Une autre décision faisant autorité à laquelle j’aimerais référer est la décision The Queen v. Balanko, 88 DTC 6228, dans laquelle le juge Collier, de la Section de première instance de la Cour fédérale, a conclu que les gains d’un joueur invétéré n’étaient pas imposables. Aux pages 6229 et 6230, le juge Collier a fait les remarques suivantes :

 

        Je fais miennes les conclusions de M. Bonner. Je cite un extrait de ses motifs publiés dans l’affaire Balanko versus Ministrer of National Revenue, (1981) Dominion Tax Cases 887, à la page 888 :

 

        [traduction]

        De la preuve, je qualifierais les parties de cartes de l’appelant au Seroza Club et au bureau de Ventress comme étant celles d’un client par opposition à celles d’un propriétaire d’une maison de jeu. L’appelant jouait, dit‑il, parce qu’il aimait jouer.

 

       Ses visites à la piste de courses de chevaux ne semblent avoir été ni régulières ni particulièrement fréquentes au cours des années en cause.

 

       La preuve offerte par l’appelant quant à ses paris sur les événements sportifs est qu’il n’aimait guère regarder ces événements à moins d’avoir placé un pari sur leur résultat. Le montant des paris semblait avoir varié mais paraît aussi avoir été substantiel, au moins dans certains cas, et assurément sur une base de gains cumulatifs.

 

       L’appelant empruntait de temps à autre de l’argent pour financer ses paris. Sauf pour ses gains au jeu, il n’avait aucune autre source substantielle de revenu et aucun emploi important si ce n’est son travail au Seroza Club ci‑haut mentionné, lors de la dernière partie des trois années en cause.

 

       Il ne peut y avoir aucun doute que l’appelant s’adonnait à sa passion peu ordinaire pour le jeu mais je ne peux conclure que ce faisant, il exploitait une entreprise. Le procureur du ministre fait observer que l’appelant jouait avec l’espoir de faire un profit. Toutefois, il faut bien remarquer que cette attitude est celle de tous les joueurs, et l’intention de gagner ou de faire de l’argent en pariant, que tous les joueurs ont, ne mène pas à la conclusion que tous ceux qui parient ou même ceux qui parient souvent, exploitent une entreprise.

 

       Le procureur du ministre insiste que l’appelant prenait des risques et qu’il empruntait de l’argent pour continuer à parier. Alors que le fait de prendre des risques est nécessaire dans une entreprise, c’est la gestion ou la minimisation du risque qui caractérise une entreprise. Par exemple, un assureur se basera sur l’incidence statistique d’un événement pour décider s’il couvrira le risque et le cas échéant, pour fixer le montant de la prime. Il n’y a aucune preuve en l’espèce démontrant un quelconque système de minimisation ou de gestion du risque. Cette absence de système distingue l’appelant, un joueur invétéré, d’un joueur professionnel. À cet égard, je cite la décision de M. le juge Rowlatt dans l’affaire Graham v. Green, (1925) 2 C.B.R. 37.

 

        J’ai lu toute la jurisprudence qui m’a été soumise par le procureur. Comme on l’a souvent dit, une cause de ce genre dépend principalement de ses faits particuliers. Je cite toutefois spécialement l’affaire Minister of National Revenue v. Morden, (1961) Dominion Tax Cases 1266. Je conclus en l’espèce, comme M. le juge Cameron avait fait alors, que les activités de jeu de l’appelant en 1974, 1975 et 1976 n’équivalent pas à un métier ou à l’exploitation d’une entreprise.

 

Compte tenu de ces décisions, il reste que certains types de paris peuvent dans certains cas constituer une entreprise, mais qu’il en sera rarement ainsi.

 

[37]    Les affaires de jeu peuvent être rangées en trois catégories générales :

 

a)      Il y a des cas où le jeu, pour les joueurs, constitue un divertissement. Les joueurs ne sont pas assujettis à l’impôt même s’ils s’adonnent à cette activité régulièrement, et même d’une façon compulsive, en faisant preuve d’une certaine organisation ou en mettant en œuvre un système donné. Les affaires Graham v. Green, Balanko, Markowitz v. M.N.R., 64 DTC 397, Walker v. M.N.R., 52 DTC 1001, Beaudin et Epel v. The Queen, 2003 DTC 1361, en sont des exemples;

 

b)     Il a été conclu que les gains de jeu sont imposables lorsque le jeu était l’accessoire d’une entreprise qui était exploitée, comme c’est le cas pour le propriétaire d’un casino qui parie dans son propre casino et pour le propriétaire de chevaux qui entraîne et fait courir des chevaux et qui parie aux courses; (Down ou Badame v. M.N.R., 51 DTC 29);

 

           c)      Il a également été conclu que les gains de jeu sont imposables lorsqu’une personne utilise sa propre expertise et ses propres habiletés pour gagner sa vie dans un jeu de hasard où l’habileté entre fortement en ligne de compte (par exemple, celui qui joue au billard et qui, étant tout à fait sobre, défie des joueurs en état d’ébriété de jouer une partie). Un autre exemple plus flamboyant est celui du joueur professionnel à bord d’un bateau‑casino.

 

[38]    De quel côté de la balance l’affaire qui nous occupe penche‑t‑elle? La décision n’est pas facile, en bonne partie à cause des chiffres élevés qui sont en cause. D’une part, il y a le fait que les gains de loterie n’ont jamais été imposés au Canada et la conception générale voulant que les gains de loterie ne soient pas imposables est fermement ancrée dans l’esprit des Canadiens. D’autre part, il y a l’argument selon lequel le fait de jouer à la loterie, ce qui comporte à coup sûr la recherche du profit, ressemble tout simplement à toute autre activité : si l’on s’y adonne suffisamment souvent, cela devient une entreprise. Pour les motifs énoncés ci‑dessous, je ne crois pas que ce soit tout simplement comme quelque chose d’autre. Le fait de parier dans des jeux de hasard, comme les loteries, ne comporte tout simplement pas la marque d’une entreprise commerciale.

 

[39]    L’idée selon laquelle les gains de jeu sont imposables comporte un corollaire logique : si les personnes qui jouent souvent à la loterie doivent être assujetties à l’impôt à l’égard de leurs gains, leurs pertes devraient être déductibles. Toutefois, il s’agit de considérations de principe qui relèvent du législateur, et non des tribunaux judiciaires. On demande à la Cour d’appliquer les critères, habituellement applicables à l’activité commerciale, à un jeu de hasard à l’égard duquel les indices habituels de la commercialité ne s’appliquent tout simplement pas. À mon avis, les activités des appelants, lorsqu’ils jouent aux loteries sportives, n’appartiennent ni à la catégorie b) ni à la catégorie c).

 

[40]    L’avocat de l’intimée énumère un certain nombre de faits qui, soutient‑il, prouvent que les appelants exploitaient une entreprise, notamment :

 

·        Les appelants ne travaillaient pas, mais ils vivaient plutôt du produit des gains tirés de loteries sportives;

·        Les appelants jouaient dans un certain nombre de ressorts et ils se sont installés près de la frontière Québec‑Ontario en vue de faciliter cette activité de jeu multijuridictionnelle;

·        Les appelants examinaient les cotes des sociétés de loteries par rapport aux cotes à Las Vegas, et ils les comparaient;

·        Les appelants effectuaient uniquement des mises risquées avec un gain éventuel élevé;

·        Les appelants utilisaient un programme informatique pour arriver aux combinaisons de résultats risqués;

·        Les appelants structuraient leurs mises en vue de maximiser les gains dans les points de vente au détail;

·        Les appelants achetaient un grand nombre de billets et dépensaient énormément d’argent sur une base régulière;

·        Les appelants achetaient leurs billets dans divers points de vente au détail;

·        Les appelants demandaient aux détaillants de leur accorder des réductions sur la quantité et ils ne traitaient qu’avec ceux qui consentaient à le faire;

·        Les appelants avaient recours à une quinzaine d’aides rémunérés pour s’occuper de l’achat et de la vérification des billets;

·        Plus les appelants gagnaient, plus ils effectuaient de mises.

 

[41]    Il est soutenu que les appelants doivent avoir mis au point un système puisqu’ils réussissaient si bien et que ce système comportait l’achat d’un grand nombre de billets sur des résultats risqués, ce qui, est‑il soutenu, minimisait leur risque; en effet, une victoire leur assurait une forte somme. Pour les motifs énoncés ci‑dessous, cela me semble une fausse conclusion.

 

[42]    J’examinerai d’abord le dernier point. Si je comprends bien, on affirme que le joueur, puisqu’il gagnait, devait avoir mis au point un système, de sorte qu’il exploite une entreprise. Si ce joueur avait perdu, cela aurait prouvé l’absence de système et par conséquent d’entreprise, et les pertes n’auraient pas été déductibles. Cette prétention est l’exposé à peu près le plus classique qu’il m’ait été donné d’entendre quant à l’erreur logique post hoc ergo propter hoc. Il est vrai que les appelants gagnaient, mais il n’existe absolument aucun fondement dans la preuve permettant de dire qu’ils gagnaient parce qu’ils avaient mis au point un système. Les appelants gagnaient, et ce, bien qu’ils n’aient pas de système. Si l’on cherche quelles étaient leurs habitudes, on constate qu’ils effectuaient des mises massives, et ce, d’une façon imprudente, et que lorsqu’ils le pouvaient, ils misaient sur des résultats risqués. À coup sûr, cela voulait dire que, s’ils gagnaient, ils gagnaient énormément d’argent, mais que par contre, s’ils perdaient, ils perdaient beaucoup d’argent et, compte tenu des chances astronomiques à l’encontre d’une victoire, les probabilités de perte étaient beaucoup plus fortes que les probabilités de réussite.

 

[43]    On dit parfois que l’une des caractéristiques d’une entreprise se rapporte aux mesures qui sont prises pour minimiser le risque. Si c’est le cas, l’investissement énorme effectué par les appelants dans des résultats risqués est l’antithèse de la minimisation des risques.

 

[44]    Tous les autres points énumérés sont compatibles avec une activité de jeu compulsive plutôt qu’avec une entreprise et indiquent de fait pareille activité compulsive.

 

[45]    L’avocat de l’intimée dit que le grand nombre d’achats, d’une valeur élevée en dollars, couvrant de multiples issues, démontre que les appelants avaient mis au point un système et qu’il s’ensuit donc que les appelants s’étaient lancés dans une entreprise. Avec égards, je ne puis souscrire à cette prétention. Il est vrai que les appelants misaient chaque fois de gros montants sur des douzaines de combinaisons différentes (parlay). Pour chaque combinaison, ils achetaient un grand nombre de billets dans divers points de vente partout dans la ville. Ils payaient ensuite leurs amis pour qu’ils aillent chercher tous leurs billets. Toutefois, à mon avis, la complexité administrative de leurs habitudes d’achat était attribuable au fait que l’OLG imposait des limites sur le nombre de mises par billet et sur le nombre d’achats en un même point de vente. En l’absence de telles limites, les appelants auraient pu acheter quelques billets à mise élevée en un seul endroit. Cela n’est pas différent d’un joueur, à Las Vegas, qui place de grosses piles de jetons partout sur la table de jeu, pour un seul tour de roue. La simple complexité des habitudes d’achat des appelants n’en fait pas un système qui transformerait leurs gains en un revenu d’entreprise.

 

[46]    Le problème que pose le fait qu’on signale la seule quantité des mises effectuées comme une indication de l’existence d’une entreprise est le suivant : en matière de jeu, un grand nombre de paris n’indique, en soi, pas autre chose qu’une tendance à parier fortement. La personne qui vend coup sur coup six maisons en un an risque d’avoir perdu son innocence fiscale et de devenir un commerçant. Six transactions de titres ne justifient aucune conclusion similaire. Combien d’opérations de jeu faut‑il pour que le parieur devienne un joueur professionnel? Je ne crois pas que la quantité de paris à elle seule constitue une indication sérieuse. Supposons qu’une personne effectue 20 paris à chaque tirage du Lotto 6/49. Cela veut dire qu’elle en effectue 2080 chaque année. C’est un nombre élevé. Dans le cas de tout autre produit, même dans le cas d’actions, cela pourrait indiquer une activité commerciale. Je ne crois pas qu’il en soit ainsi dans le cas des paris à une loterie. La quantité de paris n’est toutefois pas, en matière de jeu, une indication de l’existence d’une entreprise ou la marque d’un joueur professionnel. De fait, cela indique selon toute probabilité exactement le contraire.

 

[47]    La preuve soumise par le professeur Garry Smith au sujet des chances en matière de jeu et des caractéristiques du jeu professionnel a été fort utile. Je retiens sa conclusion selon laquelle, compte tenu de la rigidité de la structure de jeu, des plafonds de gains artificiels et de l’effet minime (le cas échéant) des connaissances dans le domaine des sports, les jeux de loteries sportives (parlay) offrent des probabilités atterrantes à l’encontre de la réussite régulière d’un joueur. En l’absence d’un système quelconque visant à « gagner contre la maison », on ne saurait raisonnablement s’attendre à gagner un bénéfice. Toutefois, le professeur Smith a dit qu’il ne connaissait aucun système qui permette de « gagner contre la maison » dans les jeux de loteries sportives (parlay). Étant donné l’inexistence de pareil système, et puisque les probabilités sont si atterrantes, les joueurs professionnels n’effectuent pas de mises parlay, qu’ils appellent des [traduction] « paris de dupes ». Lorsque je lui ai demandé s’il croyait que les habitudes d’achat des appelants pouvaient être considérées comme un tel système, M. Smith a déclaré que c’était [traduction] « incroyablement risqué » et qu’en fait cela devrait être considéré comme un système de [traduction] « maximisation du risque ». Je suis d’accord.

 

[48]    Cette conclusion est conforme à la jurisprudence en matière de jeu. Les appelants ne sont pas des joueurs professionnels qui évaluent leurs risques, qui les minimisent et qui se fondent sur des renseignements d’initiés ainsi que sur leurs connaissances et sur leurs compétences. Ils ne ressemblent pas au propriétaire de chevaux de course qui a accès aux entraîneurs, aux chevaux, à l’état de la piste et à d’autres renseignements d’initiés sur lesquels il se fonde pour parier. Ils ne ressemblent pas, non plus, aux personnes aguerries qui jouent aux cartes ou au billard et qui s’attaquent à des adversaires inexpérimentés sans défiance. Ils sont plutôt décrits d’une façon plus exacte comme des joueurs compulsifs qui tentent continuellement leur chance à un jeu de hasard.

 

[49]    Eu égard à ces faits, j’ai conclu que les activités de jeu des appelants étaient de nature personnelle. Par conséquent, leurs gains ne constituent pas un revenu d’entreprise conformément au paragraphe 9(1) de la Loi. Il s’agit de gains en capital et, cela étant, ces gains ne sont pas imposables en vertu de l’alinéa 40(2)f) de la Loi.

 

[50]    Les appels sont admis avec dépens et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation conformément aux présents motifs. Il ne devrait y avoir qu’un seul honoraire d’avocat pour les deux appelants.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de décembre 2006.

 

 

 

« D.G.H. Bowman »

D.G.H. Bowman, J.C.C.C.I.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour de mars 2008.

 

Maurice Audet, réviseur

 


RÉFÉRENCE :                                  2006CCI680

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2003-2513(IT)G

                                                          2003-2514(IT)G

 

INTITULÉ :                                       Brian Leblanc et Terry Leblanc

                                                          c.

                                                          Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Les 20, 21 et 22 novembre 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge en chef D.G.H. Bowman

                                                         

DATE DU JUGEMENT 

ET MOTIFS DU JUGEMENT :          Le 21 décembre 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats des appelants :

Me William Van Veen

Me François Baril

 

Avocats de l’intimée :

Me Roger Leclaire

Me Nicolas Simard

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :                          Gowling, Lafleur et Henderson

                                                          Bureau 260, 160, rue Elgin

                                                          Ottawa (Ontario) K1P 1C3

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1]           Annulée sur un point différent 15 Ch.D. 268.

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