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Dossiers : 2006-1385(IT)G

2006-1386(IT)G

ENTRE :

CAPITAL GÉNÉRALE ÉLECTRIQUE DU CANADA INC.,

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appels entendus sur preuve commune du 25 mai au 5 juin,

du 9 juin au 18 juin et les 2 et 3 juillet 2009, à Toronto (Ontario)

Devant : L’honorable juge Robert J. Hogan

Comparutions :

Avocats de l’appelante :

Me Al Meghji

Me Martha MacDonald

Me Neil Paris

Me Joseph Steiner

 

 

Avocats de l’intimée :

Me Naomi Goldstein

Me Justine Malone

Me Myra Yuzak

JUGEMENT

Les appels interjetés contre les cotisations établies en vertu des parties I et XIII de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 1996, 1997, 1998, 1999 et 2000 sont accueillis conformément aux motifs de jugement ci‑joints, et les cotisations sont annulées.

Les parties auront jusqu’au 18 décembre 2009 pour en arriver à une entente sur les dépens, à défaut de quoi il leur sera ordonné de déposer leurs observations écrites relatives aux dépens au plus tard le 21 décembre 2009. Ces observations ne doivent pas dépasser cinq pages.

 

Signé à Montréal (Québec) ce 4e jour de décembre 2009.

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour d’avril 2010.

 

 

François Brunet, réviseur


Référence : 2009 CCI 563

Date : 20091204

Dossiers : 2006-1385(IT)G

2006-1386(IT)G

ENTRE :

CAPITAL GÉNÉRALE ÉLECTRIQUE DU CANADA INC.,

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Hogan

SOMMAIRE DE LA QUESTION EN LITIGE

[1]              GE Capital US (« GECUS ») facturait des commissions à l’appelante car elle garantissait les dettes de celle‑ci envers des tiers créanciers. L’appelante a déduit ces commissions à l’égard de ses années d’imposition 1996 à 2000. Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi de nouvelles cotisations à l’égard de l’appelante, lui refusant la déduction des commissions et ajoutant la retenue d’impôt prévue à la partie XIII parce qu’il était d’avis que l’appelante ne recevait aucun avantage économique de la garantie, de sorte que le prix « sans lien de dépendance » pour la garantie était nul. L’impôt prévu à la partie XIII est réclamé au motif que les commissions sont réputées être des dividendes. La Cour est appelée à rechercher si le prix « sans lien de dépendance » pour le service est d’au moins 100 points de base (selon la thèse de l’appelante) ou s’il est nul (la thèse du ministre).

LES FAITS

[2]              Au début du procès, la Cour a reçu une réponse à une demande d’aveux relatifs à certains faits (ci‑après appelée l’« exposé conjoint des faits ») de même qu’à certains documents d’appui contenus dans un cahier conjoint de documents. Je reproduis en partie ci‑après l’exposé conjoint des faits avant de résumer les dépositions des témoins et d’examiner les éléments de preuve documentaires pertinents.

[traduction]

L’appelante et sa position dans le groupe de sociétés GE

1.      L’appelante a initialement été constituée sous la dénomination Genelco Finance Limited sous le régime des lois du Canada en 1963. L’appelante a remplacé sa dénomination par Crédit général électrique du Canada Limitée en 1969 et par Genelcan Limitée en 1973. L’appelante a adopté la dénomination Capital générale électrique du Canada Inc. (« GE Capital Canada ») [l’appelante] en 1988.

2.      Depuis sa constitution, l’appelante est une filiale indirecte en propriété exclusive de General Electric Company (« GE Company ») [GE], société américaine.

3.      [GE] exploitait des entreprises industrielles et de services financiers par l’entremise d’un grand nombre d’entités juridiques dans le monde pendant les années visées par l’appel. Selon la structure de [GE], les entreprises industrielles et de services financiers font l’objet de groupes de propriétés distincts.

4.      Le groupe de propriétés des services financiers a été constitué sous General Electric Capital Services, Inc. (« GE Capital Services ») [GECSUS], société américaine qui était une filiale directe en propriété exclusive de [GE].

5.      Filiale principale de [GECSUS], General Electric Capital Corporation (« GE Capital US ») [GECUS], est une société américaine qui constituait une filiale directe en propriété exclusive de [GECSUS] pendant les années visées par l’appel.

6.      Pendant les années visées par l’appel, l’appelante était une filiale indirecte en propriété exclusive [de GECUS].

7.      Pendant toute la période en cause, l’appelante et [GECUS] avaient un lien de dépendance au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »).

L’entreprise de [GECUS]

8.      [GECUS] était une société de services financiers pendant les années visées par l’appel et exploitait plusieurs entreprises de services financiers, selon la description qui suit.

9.      Essentiellement, le système commercial de [GECUS] consistait à emprunter des fonds des marchés des capitaux au coût le plus bas possible pour ensuite utiliser ces fonds afin de les prêter ou de consentir un crédit-bail à d’autres parties selon des conditions rentables.

10.    Initialement, l’entreprise de [GECUS] avait trait au financement de la distribution et de la vente de produits de [GE], notamment des produits de consommation. Cependant, au milieu des années 1990, les types et les marques de produits financés par [GECUS] ainsi que les services financiers offerts par [GECUS] étaient beaucoup plus diversifiés, et une très petite partie du financement fourni par [GECUS] portait sur des produits fabriqués par [GE].

11.    Au cours des années visées par l’appel, [GECUS] assurait une vaste gamme de produits et services de financement, de gestion d’actifs et d’assurance dans les cinq secteurs suivants, directement ou par l’entremise de ses filiales dans le monde :

(i)      Services à la consommation – prêts sous marque privée et cartes de crédit de banques, prêts personnels, crédit à terme sur ventes, crédit renouvelable et financement des stocks pour les marchands de détail, crédits-bails automobiles et financement des stocks, administration d’hypothèques et services d’épargne et d’assurance aux consommateurs;

(ii)     Gestion d’équipement – crédits-bails, prêts et services de gestion d’actifs, notamment les ventes, pour des portefeuilles d’équipement commercial et de transport, dont des aéronefs, des remorques, des parcs automobiles, des unités modulaires, du matériel roulant pour chemins de fer, de l’équipement de traitement de données, des conteneurs utilisés sur des navires océaniques et des satellites;

(iii)    Financement spécialisé – prêts et crédits-bails de financement pour d’importantes immobilisations, y compris des installations industrielles, des équipements industriels et des installations liées à l’énergie; prêts et investissements dans l’immobilier commercial et résidentiel; et prêts et investissements en matière d’achat de sociétés par leur direction, dont ceux à levier élevé, et restructuration du capital de sociétés;

(iv)    Financement du marché intermédiaire – prêts et financement et location‑exploitation pour les clients du marché intermédiaire, y compris les fabricants, les distributeurs et les utilisateurs finaux, pour une gamme d’équipements, notamment des équipements de traitement de données, des équipements médicaux et diagnostiques et des équipements utilisés dans la construction, la fabrication, les applications de bureau et les activités de télécommunications;

(v)     Assurance spécialisée – assurance de cautionnement financier (obligations municipales et financement structuré); assurance d’hypothèque privée; assurance des créanciers couvrant les remboursements de prêts consentis aux clients internationaux.

Entreprise de l’appelante

12.    L’appelante était une société de services financiers pendant les années visées par l’appel. Elle exploitait au Canada certaines des entreprises de services financiers que [GECUS] exploitait aux États-Unis et dans d’autres pays, comme il est indiqué plus loin.

13.    Essentiellement, le modèle commercial de l’appelante consistait à emprunter des fonds des marchés des capitaux au coût le plus bas possible pour ensuite utiliser ces fonds afin de les prêter ou de consentir un crédit-bail à d’autres parties selon des conditions rentables.

14.    Initialement, l’appelante a été constituée pour contribuer au financement des produits fabriqués ou distribués par Générale Électrique du Canada Inc. (« GE Canada »). Au milieu des années 1990, toutefois, la quasi-totalité des produits financés par l’appelante et ses filiales étaient fabriqués par d’autres sociétés que GE Canada et les membres de son groupe, et l’appelante assurait aussi une gamme d’autres services financiers.

15.    Pendant toute la période en cause, l’appelante et ses filiales canadiennes exploitaient plusieurs entreprises au Canada, dont voici quatre des plus importantes :

(i)      une entreprise de financement d’équipement commercial et de transport desservant les fabricants, les distributeurs et les utilisateurs finaux grâce à une gamme étendue de produits financiers en vue de l’acquisition d’équipement. Cette entreprise avait des bureaux partout au Canada et collaborait avec les secteurs des transports, de la construction, de l’impression, des télécommunications, de la fabrication, de l’aéronautique et de la distribution de gros et de revente;

(ii)     une entreprise de crédit-bail et de gestion de parcs de véhicules œuvrant dans le crédit-bail et le financement d’automobiles, de camions légers, de camionnettes, d’autobus, de camions moyens et lourds et de remorques pour les utilisateurs commerciaux. L’appelante et ses filiales assuraient aussi des programmes spécialisés de gestion du transport aux clients relativement à la gestion de l’entretien, à l’achat de comptes nationaux, à l’achat de carburant et à l’assurance;

(iii)    une entreprise de financement immobilier pour une gamme étendue d’immeubles productifs de revenu, y compris les immeubles à bureaux, les centres commerciaux, les complexes d’appartements, les condominiums, les édifices industriels et les entrepôts;

(iv)    une entreprise de services de gestion de la technologie, qui distribuait des produits informatiques et offrait des montages financiers comme la vente, la location de jour, la location exploitation et le crédit-bail financier. Les produits et services offerts étaient notamment les ordinateurs personnels, les mini-ordinateurs, l’équipement de tests et de mesures soutenu par des techniciens sur place, des consultants en réseautage et d’autres services de gestion de la technologie.

16.    L’appelante et ses filiales exploitaient aussi d’autres entreprises pendant les années visées par l’appel, notamment :

(i)      une entreprise de cartes de crédit sous marque privée, dans le cadre de laquelle l’appelante ou sa filiale concluait avec les clients des détaillants participants des contrats de cartes de crédit et administrait les comptes de crédit en contrepartie d’un soutien de commercialisation de programme;

(ii)     une entreprise de crédits-bails automobiles offrant des programmes de crédit-bail au détail aux concessionnaires de véhicules neufs. L’appelante ou sa filiale achetait les véhicules et les crédits-bails aux concessionnaires sans recours;

(iii)    la location et le crédit-bail à court et à long terme de parcs de semi‑remorques commerciales, de châssis et de conteneurs d’entreposage ainsi que d’édifices à bureaux évolutifs mobiles de même que la vente et le financement de cet équipement;

(iv)    une entreprise de crédits-bails de véhicules de chemin de fer à services complets offerts aux expéditeurs industriels et aux chemins de fer canadiens. L’appelante ou sa filiale offrait une gamme de services de gestion aux crédits-preneurs, dont le suivi du kilométrage, la prise des dispositions nécessaires au crédit-bail, l’assurance, les inspections, l’entretien et les réparations de même que la facturation, le recouvrement et la remise des loyers.

17.    L’entreprise de l’appelante a connu une croissance rapide pendant la période visée par l’appel [...]

[...]

19.    L’appelante (consolidée) représentait de 2 % à 2,3 % de l’actif consolidé de [GECUS] et entre 3 et 4,4 % des produits d’exploitation consolidés de [GECUS] pendant la période visée [...]

Titres de créance

20.    La stratégie commerciale de l’appelante nécessitait des capitaux importants, que l’appelante a obtenus en émettant des titres de créance sous forme d’effets de commerce et d’obligations non garanties (les « titres de créance »).

21.    Des tiers non liés à [GE] ou à [GECUS] ont acheté les titres de créance de l’appelante.

Description des effets de commerce

22.    L’appelante et les sociétés qu’elle a remplacées ont émis des billets à court terme (aussi appelés « effets de commerce ») sur les marchés canadiens des années 1970 jusqu’au début de l’année 1999.

23.    Au cours des années visées par l’appel, l’appelante a émis des effets de commerce presque quotidiennement. Le programme d’effets de commerce de [l’appelante] représentait au moins 10 % du marché d’effets de commerce émis par des sociétés au Canada.

24.    Au cours des années visées par l’appel, l’appelante a émis des effets de commerce dans le cadre des programmes des billets à court terme établis en 1989 et en 1996 (le « programme d’effets de commerce ») [...]

25.    Le programme d’effets de commerce prescrivait un capital maximal total en cours de 7 milliards de dollars. Le capital total des billets en cours pendant les années d’imposition 1996 à 1998 de l’appelante s’est situé entre un creux d’environ 1,7 milliard de dollars et un sommet d’environ 3 milliards de dollars [...]

26.    Le programme d’effets de commerce prescrivait une durée maximale de 270 jours pour les billets de l’appelante.

27.    L’appelante a régulièrement émis des effets de commerce dont le capital, l’échéance, le taux d’intérêt et l’escompte différaient [...]

28.    Les effets de commerce de l’appelante ont été émis en dollars canadiens et américains et furent négociés sur le marché d’effets de commerce canadien.

29.    Ce sont généralement des institutions financières au Canada (les « courtiers ») qui administraient les émissions d’effets de commerce de l’appelante.

30.    L’appelante a émis pour la dernière fois des effets de commerce le 4 février 1999.

Description des obligations non garanties

31.    L’appelante a émis des obligations non garanties sur les marchés européens à partir d’au moins 1988 jusqu’à 1997 (les « obligations non garanties »).

32.    Les obligations non garanties étaient généralement émises pour une durée de cinq à dix ans et prévoyaient le versement périodique d’intérêt. Les obligations non garanties étaient libellées dans diverses devises, dont le dollar australien, le dollar canadien, le franc luxembourgeois, le franc suisse et le dollar américain [...]

33.    L’appelante a émis les obligations non garanties dans le cadre de placements uniques et dans le cadre du programme de billets à moyen terme en euros à plusieurs émetteurs (mécanisme plus simple et moins coûteux d’émissions d’obligations non garanties par rapport aux placements uniques). De façon générale, les obligations non garanties ont été inscrites à la cote de la Bourse du Luxembourg [...]

34.    Un consortium d’institutions financières (les « gérants » ou les « preneurs fermes ») ont effectué la prise ferme complète des obligations non garanties émises par l’appelante.

35.    À l’égard de chaque émission d’obligations non garanties, les gérants ont convenu solidairement de faire souscrire et régler les obligations non garanties ou, à défaut, de souscrire et régler les obligations non garanties pour leur propre compte. Les gérants, l’appelante et [GECUS] ont officialisé leur accord au moyen d’une convention de souscription écrite [...]

36.    Sous réserve de la convention de souscription, chaque gestionnaire s’est fait allouer un montant précis d’obligations non garanties au titre de son engagement de prise ferme [...]

37.    Un gestionnaire ou un petit groupe de gestionnaires s’est fait allouer une partie importante de chaque émission à titre d’engagement de prise ferme (le « chef de file » ou les « cochefs de file »).

[...]

Gestion des titres de créance

39.    Le Service de la trésorerie de [GECUS] a géré les émissions de titres de créance par l’appelante. Quotidiennement, ce service a recueilli des données des unités d’exploitation de l’appelante et a déterminé la position nette de trésorerie de l’appelante pour la journée.

40.    Si l’appelante était à court de liquidités pour la journée, le Service de la trésorerie s’addressait au marché d’effets de commerce par l’entremise des courtiers. Si l’appelante disposait de liquidités pour la journée, le Service de la trésorerie déterminait le montant de dette à rembourser à la lumière des dettes qui venaient à échéance.

41.    L’appelante finançait aussi ses acquisitions de portefeuilles d’actifs et de comptes débiteurs et d’actions d’autres sociétés au moyen d’effets de commerce.

42.    À l’égard des obligations non garanties, le Service de la trésorerie effectuait une analyse de la position d’endettement canadienne au total, y compris les niveaux à l’échéance et les proportions d’effets de commerce et d’obligations non garanties. À la lumière de cette analyse, le Service de la trésorerie recherchait avec les gestionnaires des occasions de repousser l’échéance de la dette de l’appelante en transformant les effets de commerce en titres de créance à long terme.

Mise en œuvre de la garantie

43.    Avant la restructuration de la société en 1988, les émissions par l’appelante d’effets de commerce et d’obligations non garanties avaient été garanties par GE Canada, société canadienne qui était une filiale indirecte de [GE] et qui exploitait des entreprises industrielles au Canada à ce moment‑là.

44.    [GECUS] a commencé à garantir les émissions d’effets de commerce et d’obligations non garanties par l’appelante après la restructuration de la société en 1988.

45.    Depuis 1988, y compris les années visées par l’appel, [GECUS] a garanti inconditionnellement les versements exigibles aux termes des titres de créance émis par l’appelante.

46.    Le texte intégral de la garantie de [GECUS] a été imprimé sur les billets émis dans le cadre du programme d’effets de commerce de l’appelante [...]

47.    De même, le texte intégral de la garantie de [GECUS] a été imprimé sur les billets représentant les obligations non garanties [...]

Notes de crédit

48.    De façon générale, une note de crédit constitue l’avis de l’agence de notation au sujet de la solvabilité générale d’un débiteur ou de la solvabilité d’un débiteur à l’égard d’une obligation financière donnée, y compris un titre de créance, en fonction des facteurs de risque pertinents.

49.    Une « note d’émission » représente l’avis actuel de l’agence de notation au sujet de la solvabilité d’un débiteur à l’égard d’une obligation financière donnée, d’une catégorie donnée d’obligations financières ou d’un programme financier donné (y compris les notes attribuées aux programmes de billets à moyen terme et aux programmes d’effets de commerce).

50.    Une « note d’émetteur » constitue l’avis de l’agence de notation au sujet de la capacité globale d’un débiteur de respecter ses obligations financières et met l’accent sur la capacité et la volonté de l’émetteur de respecter ses obligations à l’échéance.

Agences de notation

51.    S&P [Standard and Poor’s] est une agence de notation située aux États-Unis.

52.    Moody’s Investors Service (« Moody’s ») est une agence de notation située aux États-Unis.

53.    Dominion Bond Rating Service (« DBRS ») est une agence de notation située au Canada.

54.    Canadian Bond Rating Service (« CBRS ») était une agence de notation située au Canada pendant les années visées par l’appel. CBRS a été acquise par S&P vers le 31 octobre 2000.

Notes de crédit à l’égard de [GECUS]

55.    Au cours des années visées par l’appel, S&P a attribué une note d’émetteur de AAA à [GECUS], soit la note d’émetteur la plus élevée attribuée par S&P.

56.    Au cours des années visées par l’appel, Moody’s a attribué une note d’émetteur de AAA à l’égard de [GECUS], soit la note la plus élevée de l’échelle de notation de Moody’s.

Notes de crédit à l’égard de l’appelante

57.    Au cours des années visées par l’appel, DBRS a attribué au programme d’effets de commerce de l’appelante une note de crédit publique de « R‑1 élevé ». Selon l’échelle de notation de DBRS, les effets de commerce notés R‑1 (élevé) est de la qualité la plus élevée, ce qui indique que l’entité possède sans aucun doute la capacité de rembourser ses dettes à court terme à l’échéance [...]

58.    En 1999, CBRS a attribué au programme d’effets de commerce de l’appelante une note de crédit publique de « A‑1 (élevé) ». La note de A‑1 (élevé) était la note la plus élevée sur l’échelle de notation de CBRS pour les effets de commerce [...]

59.    S&P et Moody’s ont attribué des notes de crédit aux obligations non garanties et au programme d’effets de commerce de l’appelante pendant les années visées par l’appel dans le cadre d’une recherche de crédit détaillée et de rapports de notation sur [GECUS] [...]

60.    Aucune agence de notation n’a attribué de note d’émetteur à l’appelante pendant les années en question.

La commission de garantie

Mise en œuvre de la commission de garantie

61.    Avant 1995, [GECUS] ne facturait rien à l’appelante pour la garantie des titres de créance de celle‑ci.

62.    En 1995, le conseil d’administration de l’appelante a résolu de verser des commissions pour la garantie par [GECUS] des titres de créance de l’appelante [...]

63.    L’appelante et [GECUS] ont conclu des conventions écrites concernant la commission de garantie (« conventions de commission de garantie ») [...]

64.    Suivant les conventions de commission de garantie, [GECUS] a convenu de garantir les titres de créance de l’appelante, en contrepartie de quoi l’appelante a convenu de verser à [GECUS] une commission correspondant à 1 % (soit 100 points de base) par année sur le capital des titres de créance en cours pendant une année donnée.

65.    Des commissions de garantie étaient exigibles à l’égard des obligations non garanties émises à compter du 13 avril 1995.

66.    À l’égard des effets de commerce, des commissions de garantie étaient exigibles à l’égard des émissions à compter du 31 octobre 1995 [...]

Calcul et versement des commissions de garantie

67.    Au cours des années visées par l’appel, les commissions de garantie ont été calculées de façon trimestrielle par le Service de la trésorerie de [GECUS].

68.    Généralement, l’appelante versait la commission de garantie annuelle à [GECUS] dans l’année suivant l’exigibilité.

Traitement fiscal des commissions de garantie par l’appelante

69.    Dans le calcul de son revenu pour les années en question, l’appelante a déduit la commission de garantie accumulée à chaque année, aux montants suivants :

Année d’imposition

Commission de garantie

1996

30 974 070 $

1997

37 149 390 $

1998

36 339 640 $

1999

17 586 207 $

2000

14 378 876 $

70.    L’appelante a retenu et a remis au receveur général du Canada la retenue d’impôt au taux de 10 % sur les commissions de garantie versées à [GECUS] à l’égard des années d’imposition 1996 à 2000, conformément à l’alinéa 212(1)b) et au paragraphe 214(15) de la Loi et à l’article XI de la Convention fiscale entre le Canada et les États-Unis.

Les cotisations et les nouvelles cotisations établies par le ministre

71.    Lorsqu’il a établi les nouvelles cotisations à l’égard de l’appelante en application de la partie I, le ministre a refusé intégralement de la façon suivante la déduction des commissions de garantie demandée par l’appelante :

Année d’imposition

Déduction des commissions de garantie refusée dans le calcul du revenu

1996

30 974 070 $

1997

37 149 390 $

1998

36 339 640 $

1999

17 586 207 $

2000

14 378 876 $

72.    Le ministre a établi les cotisations suivantes à l’égard de l’appelante en vertu de la partie XIII de la Loi (collectivement, les « cotisations de la partie XIII ») :

Numéro d’avis de cotisation

Date d’avis de cotisation

Fin de l’année d’imposition

Ajustement à l’impôt de la partie XIII

6240554

11 mars 2004

31 décembre 1996

1 548 704 $

6240555

11 mars 2004

31 décembre 1997

1 857 470 $

6240556

11 mars 2004

31 décembre 1998

1 816 982 $

6240557

11 mars 2004

31 décembre 1999

879 310 $

6240558

11 mars 2004

31 décembre 2000

718 944 $

[...]

[3]              L’appelante a fait entendre treize témoins, dont sept à titre de témoins experts. L’intimée a fait entendre sept témoins, dont cinq à titre de témoins experts.

SOMMAIRE DES DÉPOSITIONS DES TÉMOINS DE L’APPELANTE

Déposition de Roman Oryschuk

[4]              M. Oryschuk a déclaré qu’il était président et chef de la direction de GE Capital Solutions (« GECS »), filiale canadienne de l’appelante, pendant les années d’imposition visées. Auparavant, il dirigeait l’entreprise de crédit-bail d’équipement pour la Banque Nationale du Canada et il est devenu l’employé de GE lorsque cette entreprise a été vendue à l’appelante.

[5]              Il était chargé des opérations de cette entité au Canada. Il dirigeait une équipe de vente très dynamique qui a été en mesure de faire croître l’entreprise de crédit-bail d’équipement pour le marché intermédiaire de l’appelante pendant les années d’imposition en question. Il n’était pas chargé de répondre aux besoins de financement de l’entreprise. C’est GECUS, garante des titres de créance de l’appelante, qui exerçait cette fonction.

[6]              Les activités de l’appelante ont crû rapidement pendant la période en question. L’actif total de l’entreprise est passé de 1,3 milliard de dollars à l’arrivée de M. Oryschuk à environ 5 milliards de dollars lorsqu’il a quitté pour exercer ses nouvelles fonctions en Europe pour une société membre du groupe de GE.

[7]              M. Oryschuk a déclaré que, comme pour toutes les entreprises de GE, il jouissait d’une autonomie d’exploitation dans la mesure où ses activités respectaient les mêmes références financières que les autres entités de GE. Dans la culture de GE, un examen annuel était effectué en vue de la détermination des perspectives de croissance de l’entreprise, de nouveaux marchés, etc. Il était clair dans l’esprit du témoin que si les activités des entreprises au Canada n’atteignaient pas les objectifs financiers, elles pouvaient être vendues ou liquidées. Selon le témoin, cela pouvait se faire au moyen d’une vente des actifs appuyant un prêt ou un portefeuille de crédits-bails donné ou d’une vente de toute l’entreprise si le problème était de nature plus générale.

[8]              M. Oryschuk a ajouté que la note de AAA obtenue par l’appelante a eu une incidence sur sa société, en ce qu’elle lui permettait d’obtenir des fonds à des taux concurrentiels.

Déposition de Jeffrey Werner

[9]              M. Werner a déclaré que GE, dont le siège social est situé à Fairfield au Connecticut, était la société mère de 12 entreprises distinctes, qui étaient dirigées indépendamment l’une de l’autre. Sur ces entreprises, 11 étaient considérées comme des entreprises industrielles, œuvrant dans des domaines comme les moteurs d’aéronef, les grands électroménagers, le plastique, etc. L’autre entreprise était l’entreprise de services financiers.

[10]         Au sein de l’entreprise de services financiers, GE détenait toutes les actions de GECSUS, société de portefeuille chapeautant les entités de cette entreprise. Pour sa part, GECSUS détenait des actions de GECUS, de GE Global Insurance Holding Corp. et de Employer’s Reinsurance Corp.

[11]         Le principal objectif de GECUS consistait à financer les activités de sociétés membres du même groupe au moyen de l’émission d’effets de commerce et de titres de créance non garantis. Après avoir amassé les fonds nécessaires, GECUS les fournissait aux membres du même groupe au moyen de transferts intersociétés[1]. Pour éviter les problèmes de liquidité, GECUS conservait des lignes de crédit d’urgence d’un montant correspondant à 50 % de ses effets de commerce en cours. GECUS se chargeait de toutes les fonctions de trésorerie pour l’ensemble des entreprises du groupe GE Capital, dont l’appelante[2].

[12]         Après la restructuration en 1988, l’appelante est devenue société membre du groupe de GECUS. Les garanties fournies par l’ancienne société mère canadienne de l’appelante (GE Canadian Holdings Ltd.) ont continué de relever de celle-ci[3] et GECUS a commencé à fournir des garanties pour les titres de créance de l’appelante vers avril 1989[4]. GECUS n’a réclamé aucune commission de garantie de 1988 jusqu’à 1996, soit la première année d’imposition visée par l’appel.

[13]         Bien qu’aucune commission n’ait été initialement réclamée, on a demandé à M. Werner, dans le cadre d’un examen des prix de transfert, de formuler une recommandation à M. Jim Parke, chef des finances de GECUS, quant à la commission de garantie qui devrait être réclamée à l’appelante. M. Werner a recommandé une commission de garantie de 100 points de base (1 %) pour tous les nouveaux titres de créance émis.

[14]         M. Werner a déclaré que, pour lui, en déterminant la commission de garantie à réclamer, il était entendu que la commission devait être un prix sans lien de dépendance[5]. M. Werner a comparé les taux que l’appelante pourrait obtenir si elle pouvait contracter un emprunt à l’aide de la garantie (note de qualité supérieure) et le taux auquel elle pourrait emprunter sans la garantie (note de qualité inférieure)[6]. Cette méthode est qualifiée d’approche axée sur la courbe des taux de rendement et reflète les coûts d’emprunt selon diverses échéances et différentes notes de crédit. La différence ou l’écart a été estimé entre 100 et 300 points de base (entre 1 % et 3 %)[7].

[15]         La commission de garantie de 100 points de base (1 %) a été recommandée par M. Werner car celui‑ci croyait qu’elle représentait fidèlement l’avantage dont l’appelante bénéficiait. De plus, s’il y avait eu des négociations sans lien de dépendance, l’appelante aurait conservé une partie de l’avantage[8].

[16]         M. Werner a déclaré qu’il ne croyait pas que l’appelante aurait été notée AAA sans la garantie[9]. Il a nié que GECUS aurait nécessairement soutenu l’exploitation de l’appelante; plus précisément, il a soutenu que GECUS aurait simplement pu s’en laver les mains s’il n’y avait eu aucune garantie explicite en place[10].

[17]         Au cours du contre-interrogatoire, M. Werner a admis que la note de AAA était très importante pour GECUS[11]. En tant que société de services financiers non réglementée, GECUS n’avait pas accès aux emprunts à faible coût que permettent les dépôts et auxquels les banques ont accès. Par conséquent, GECUS et l’appelante se fiaient principalement aux marchés du crédit[12]. Sur le marché des effets de commerce, elles devaient constamment faire le roulement.

[18]         M. Werner a admis que GE appréciait sa réputation, comme l’affirmaient ses documents publics. Il a aussi admis que l’appelante avait fait appel aux services des mêmes courtiers et preneurs fermes que ceux qu’utilisent les filiales de GE dans le monde pour émettre ses effets de commerce et ses obligations[13].

Déposition de Laurence Booth, Ph.D.

[19]         M. Booth a un baccalauréat en sciences et en économie de la London School of Economics, une maîtrise ès art, une maîtrise en administration des affaires et un doctorat en administration des affaires de l’Université de l’Indiana[14]. Il est professeur de finances à l’Université de Toronto, est titulaire de la chaire CIT à la Faculté de gestion Rotman et est en charge du volet du courtage en valeurs mobilières dans le programme de maîtrise en administration des affaires de l’Université de Toronto[15]. Il est souvent intervenu à titre de témoin expert sur des questions touchant les marchés des capitaux et les marchés financiers, principalement en ce qui concerne les secteurs réglementés[16]. En particulier, en l’espèce, il a été demandé à M. Booth un avis sur :

a)    la question de savoir s’il était prudent et raisonnable de la part de l’appelante d’obtenir une garantie de GECUS;

b)    la valeur marchande de cette garantie[17].

[20]         M. Booth a reconnu ne pas être un expert dans l’établissement de notes de crédit et a déclaré qu’on ne le lui avait pas demandé. En fait, il a souligné que la plupart des sociétés mères américaines ou multinationales garantissent les titres de créances de leurs filiales canadiennes[18].

[21]         Généralement, les sociétés de services financiers non réglementées n’ont pas de particuliers déposants captifs. À l’inverse, les institutions bancaires réglementées jouissent d’un réseau étendu de détail et génèrent une partie importante de leurs fonds des dépôts de leurs clients, lesquels sont assurés par la Société d’assurance-dépôts du Canada. Cela permet aux banques de disposer d’une importante source de fonds stables à faible coût[19]. Sans garantie, les sociétés de services financiers comme l’appelante souffriraient d’un désavantage concurrentiel considérable. Selon M. Booth, en l’absence de garantie, l’appelante n’aurait pas été en mesure d’obtenir les capitaux qu’elle a reçus.

[22]         M. Booth a soutenu que la garantie offrait aussi d’autres avantages à l’appelante; par exemple, celle‑ci ne devait pas payer de frais de placement lorsqu’elle émettait des effets de commerce par l’entremise du réseau de courtiers. De plus, l’appelante a évité d’avoir besoin de lignes de crédit d’urgence, ce qui aurait été requis si les titres de créance n’avaient pas été garantis. En principe, la totalité des effets de commerce d’un émetteur doit être soutenue par des lignes de crédit d’urgence à titre de protection contre le risque de refinancement qui survient pendant les périodes d’instabilité financière où les investisseurs recherchent les titres émis par l’État, comme les bons du Trésor. L’appelante n’a pas eu besoin de négocier des lignes de crédit d’urgence étant donné que GECUS était considérée comme le créancier de dernier ressort et avait pris les dispositions nécessaires pour que de telles facilités de crédit soient disponibles. Ce montage, joint à la garantie explicite, a permis à l’appelante de profiter de la note de crédit parfaite de GECUS.

[23]         M. Booth a témoigné être d’avis que l’appelante n’aurait pas pu recevoir une note de AAA ou R‑1 élevé pour ses effets de commerce sans garantie explicite de la part de GECUS[20]. Vu la garantie et la note, les effets de commerce de l’appelante étaient pratiquement sans risque, comme les bons du Trésor[21]. La garantie signifiait que l’appelante pouvait amasser d’importantes sommes plusieurs fois par jour, par téléphone, auprès d’un éventail d’investisseurs[22]. M. Booth a admis que le nom GE faisait élever à lui seul la note de crédit; toutefois, il croyait qu’il était extrêmement improbable que cela aurait permis à l’appelante d’obtenir une note de crédit suffisante pour permettre l’accès aux marchés des effets de commerce et des swaps dans la mesure requise pour qu’elle finance ses activités au Canada.

[24]         M. Booth a reconnu que les marchés des capitaux seraient extrêmement surpris si GECUS permettait que sa filiale canadienne soit en défaut, dans l’hypothèse où elle n’aurait pas garanti les titres de créance de l’appelante. Toutefois, M. Booth a fait valoir deux circonstances dans lesquelles la société mère pourrait permettre qu’une filiale soit en défaut : un choc unique épisodique qui entraîne une énorme perte d’argent ou une détérioration graduelle de l’entreprise[23]. M. Booth a souligné que c’était la valeur économique de la filiale qui comptait, et non pas si elle avait la même dénomination que GECUS ou si elle en était considérée comme une filiale « essentielle » ou « stratégiquement importante ». M. Booth a déclaré que si l’incitatif économique de la société mère la pousse à se retirer, c’est ce qu’elle fera, modifiant ainsi la qualification, p ex., essentielle ou stratégiquement importante, de la filiale[24].

Déposition de Brian Neysmith

[25]         M. Neysmith, maintenant à la retraite, était l’un des cofondateurs de CBRS en 1973. Après la vente de la société à S&P en 2000, il est demeuré auprès de S&P jusqu’en janvier 2003[25]. Sa principale fonction, après la vente, consistait à [traduction] « fusionner les deux sociétés pour harmoniser les critères de notation [et] la méthodologie de notation »[26]. M. Neysmith est celui qui a autorisé l’établissement de nouvelles notes[27].

[26]         Pendant la période pertinente, CBRS détenait une importante part du marché à moyen terme canadien de la notation des titres de créance à long terme et des effets de commerce; par exemple, dans le marché des effets de commerce, CBRS exerçait entre 50 % et 60 % des activités de notation.

[27]         M. Neysmith a déclaré que CBRS et DBRS avaient la même philosophie d’analyse du crédit : examiner la situation financière actuelle de la société et ses antécédents[28]. Même si les notes étaient similaires dans environ 75 % des cas, les sociétés et les émetteurs sollicitaient généralement les deux : CBRS et DBRS[29].

[28]         M. Neysmith a affirmé que CBRS n’aurait pas attribué à l’appelante une note de AAA sans la garantie de GECUS. Selon le témoin, CBRS aurait attribué à l’appelante une note inférieure à A+ ou A‑1 élevé.

Déposition de Mark Fidelman

[29]         M. Fidelman est économiste, actuellement au service de Deloitte Tax LLP aux Etats-Unis, à titre de directeur des affaires fiscales. Son expertise porte sur les prix de transfert et les prix du secteur de l’assurance[30].

[30]         M. Fidelman a utilisé un modèle conçu pour l’établissement des prix des produits d’assurance aux fins de la détermination d’un prix sans lien de dépendance pour la garantie.

[31]         Selon le témoin, une garantie de dette peut être assimilée à une forme d’assurance-crédit. Les garanties financières sont vendues en tant que produits d’assurance pour améliorer la solvabilité à l’égard des dettes des secteurs public et privé. Les municipalités constituent des exemples d’entités publiques aux États-Unis recourant à l’assurance garantie financière pour les émissions de titres de créance aux fins de développement économique et d’obligations garanties par les recettes générales[31].

[32]         Selon M. Fidelman, la note de crédit indépendante de l’appelante pendant la période d’évaluation se situait entre BB et BB+ selon un modèle d’établissement des prix d’assurance[32].

[33]         Selon le témoin, l’assureur ne tient pas compte de l’avantage d’une « garantie implicite » de la société mère pour une filiale en vue d’établir le prix de l’assurance. Puisque l’assureur s’attend à se faire demander de payer selon les modalités d’une assurance défaillance de crédit, il ne s’attend pas à ce que la société mère du débiteur paie en raison d’un soutien implicite, de sorte qu’il ne tient pas compte d’une garantie implicite pour établir une prime appropriée concernant le produit.

[34]         Lorsqu’on lui a demandé de faire des observations sur un expert de l’intimée, M. Saunders, M. Fidelman a affirmé que le coût de la perte prévue ne constitue qu’un volet des commissions de garantie totales réclamées qui respecterait l’exigence du principe de pleine concurrence et que l’autre volet important est le rendement du capital de risque investi[33]. M. Fidelman a contesté le calcul de M. Saunders qui était fondé sur le régime de réglementation Basel II. Tout d’abord, Basel II n’était pas en vigueur pendant les années en cause; c’est plutôt Basel I qui jouait pendant cette période[34].

[35]         Fondant son avis sur la méthodologie d’établissement des prix de l’assurance, M. Fidelman a conclu que la commission de 1 % réclamée par GECUS à l’appelante ne générait pas le rendement du capital investi qu’un assureur exigerait pour une garantie d’assurance. Pour ce motif, la commission versée par l’appelante n’est pas supérieure à celle qui est réclamée dans le cadre d’une relation sans lien de dépendance.

Déposition de John Frederick Coombs

[36]         M. Coombs est banquier et vice-président du conseil de Valeurs mobilières TD et vice-président principal du Groupe financier Banque TD, chef de l’Europe et de l’Asie pacifique[35]. Ce témoin est expert en matière bancaire et de crédit[36]. Il n’est pas expert en matière de prix de transfert ni de notation.

[37]         M. Coombs a conclu que l’appelante n’aurait pas été capable d’emprunter les fonds qu’elle a empruntés sur le marché canadien des effets de commerce sans la garantie de GECUS[37].

[38]         M. Coombs a déclaré que le ratio emprunts/capitaux propres de l’appelante était plus élevé que celui d’autres sociétés indépendantes dans le marché. Le ratio de l’appelante se situait entre 10 pour 1 et 12 pour 1 tandis que d’autres institutions financières non réglementées affichaient des ratios se situant entre 5 pour 1 et 8 pour 1. À la lumière de ce seul facteur, M. Coombs a estimé que l’appelante ne se serait pas fait attribuer une note de qualité supérieure[38].

[39]         M. Coombs a affirmé que si l’appelante n’avait pas bénéficié de la garantie officielle de la société mère, les banques canadiennes ne lui auraient offert que des facilités de crédit limitées. Ces facilités auraient été des facilités de crédit de taux de change, de dérivés et d’exploitation à court terme (d’un terme de 3 à 12 mois) de montants allant peut-être jusqu’à 100 millions de dollars au total[39]. Selon la conclusion tirée par M. Coombs, l’appelante n’aurait pas été en mesure de négocier de lignes de crédit d’urgence suffisamment importantes pour soutenir son programme d’effets de commerce sans la garantie de sa société mère, de sorte que l’appelante ne se serait pas fait attribuer de note de qualité supérieure.

[40]         M. Coombs a soutenu que son avis serait resté inchangé si une agence de notation avait été éventuellement prête à attribuer à l’émetteur une note de qualité supérieure. Les banques utilisent généralement les notes sur les titres de créance offerts au public comme lignes directrices ou plafond, mais attribuent des notes internes en fonction de leur propre analyse fondamentale. Valeurs mobilières TD attribue fréquemment des notes internes de risque inférieures à celles qu’établissent les agences de notation. Les banques seraient accommodantes dans une certaine mesure, mais M. Coombs ne croyait pas que le genre d’accommodation donnée aurait suffi pour que l’appelante exerce ses activités pendant la période en cause[40].

[41]         À son avis, sans la garantie, l’appelante n’aurait pas été capable d’obtenir de la part des banques les lignes de crédit d’urgence requises pour obtenir de DBRS ou, à ce moment‑là, de CBRS, une note de qualité supérieure[41].

[42]         M. Coombs a rejeté l’argument de garantie implicite, estimant que si la société mère ne permettrait jamais à l’appelante de faire faillite, les banques canadiennes s’attendraient à ce que cet engagement soit appuyé par une garantie officielle[42].

Déposition de William John Chambers, Ph.D.

[43]         M. Chambers est professeur à l’Université de Boston depuis 2005. Il a reçu un baccalauréat ès arts du Collège de Wooster en 1968 et une maîtrise ès arts, une maîtrise en philosophie et un doctorat en économie à l’Université Columbia, celui-ci en 1975[43]. Il a entrepris sa carrière avec S&P en 1983 et a occupé plusieurs postes importants auprès de la société jusqu’à son départ en 2005.

[44]         On a demandé à M. Chambers de fournir son opinion sur la note de crédit de l’appelante pour les années d’imposition visées, dans l’hypothèse où ses titres de créance ne seraient pas garantis par GECUS. On lui a dit d’utiliser à cette fin les critères de notation et la méthodologie de S&P applicables lors des années en question[44].

[45]         M. Chambers a expliqué qu’en préparant une note de crédit pour une société qui est une filiale d’une autre, S&P détermine d’abord la solvabilité indépendante de la société mère et de la filiale. À cette étape, selon M. Chambers, les agences de notation tiennent compte de la relation entre la société mère et la filiale sur le plan des services de gestion et d’expertise fournis par la première ainsi que de leur dénomination commune[45]. Toutefois, ni S&P ni Moody’s ne tiennent compte de la possibilité que la société mère injecte des fonds dans la filiale ou fournisse un soutien financier d’une autre manière[46].

[46]         M. Chambers a conclu que la solvabilité indépendante de l’appelante, établie selon les critères de notation de S&P, aurait été une note de B+ ou BB‑ pendant la période en cause[47].

[47]         Pendant le procès, il y a eu beaucoup de confusion concernant la distinction entre une note indépendante et une note réelle. De la façon dont je vois les choses, selon ces deux notes, on considère la filiale comme une entreprise distincte par opposition à une entreprise faisant partie d’un groupe intégré. Les deux se distinguent cependant par le fait que la note réelle tient compte des avantages de la dénomination commune, de l’équipe de gestion de la société mère et des ententes commerciales existantes, comme les prêts intersociétés. La note indépendante fait abstraction de ces conditions. Puisque M. Chambers tient compte de ces éléments, sa première étape donne lieu à une note réelle plutôt qu’à une note indépendante.

Première étape : Analyse de l’appelante de façon indépendante ou réelle

[48]         M. Chambers a attribué une note se situant entre B+ et BB‑ à l’appelante pour diverses raisons. L’appelante était une entité rentable, croissant rapidement dans un marché très stable. Pourtant, la croissance rapide peut être un mauvais signe pour les institutions financières. L’appelante était peu capitalisée et son niveau d’endettement était très élevé. En outre, sa rentabilité diminuait aussi pendant la période. Même si l’appelante avait réduit son endettement et croissait rapidement, elle ne semblait pas être en mesure de générer continuellement des bénéfices ou d’augmenter les bénéfices. M. Chambers a souligné que le rendement du capital investi de l’appelante a augmenté en 1995 et en 1996 pour commencer ensuite à diminuer[48].

[49]         M. Chambers a examiné la concurrence, qui était et est toujours très intense. La part de marché des grandes institutions bancaires a diminué, mais le secteur dans son ensemble croissait rapidement : environ 10 % par année pendant la période pertinente[49].

[50]         Dans ce marché concurrentiel, l’appelante était un nouvel arrivant. Le groupe GE avait clairement la mission de croître, ce qui s’est traduit par de nombreuses acquisitions[50]. Dans l’ensemble, sa croissance s’est établie à environ 20 % par année, sur une base composée.

[51]         M. Chambers a estimé que la note de l’appelante aurait été meilleure si l’appelante avait conservé un ratio emprunts/capitaux propres de 7 pour 1 ou de 8 pour 1, comme c’est le cas pour GECUS[51].

[52]         Aux yeux de M. Chambers, cet élément a pesé lourd lorsqu’il a établi la note indépendante et la note réelle. Même si la société était rentable, sa croissance rapide pouvait donner lieu à des problèmes de gestion. En outre, l’augmentation des provisions de perte sur prêts et le niveau d’endettement exposaient la société à des risques supplémentaires[52].

Deuxième étape : Tenir compte de la relation société mère-filiale dans l’établissement de la note indépendante et de la note réelle

[53]         M. Chambers a déclaré qu’une fois que l’analyste de notation a bien pondéré les facteurs pertinents, celui‑ci cherche à classer la filiale sur une échelle qui va des entités considérées « essentielles », à une extrémité, à « indépendantes », à l’autre extrémité. Le terme « essentielle », dans la terminologie des agences de notation, décrit généralement une filiale soutenue par la société mère dans pratiquement toutes les circonstances. Ce terme tend à connoter que la filiale constitue une partie vitale de l’entreprise du groupe, représente une proportion importante des affaires et s’accapare d’une part de marché considérable pour les principaux produits ou marchés du groupe. Il est plus probable que la filiale soit qualifiée d’« essentielle » si son rendement financier et sa croissance sont supérieurs à ceux de l’entreprise dans son ensemble; par conséquent, il est très improbable qu’un soutien soit requis dans ce cas. En d’autres termes, la filiale est une partie clé de l’organisation; essentiellement, l’organisation ne pourrait pas fonctionner dans sa forme actuelle sans cette entité[53]. Fait non surprenant, on ne s’attend pas à ce que les filiales considérées « indépendantes » bénéficient du soutien de la société mère puisqu’elles peuvent être vendues ou liquidées sans incidence sur le bien-être financier du groupe dans son ensemble.

[54]         Dans les cas où la société mère est jugée financièrement plus solide et plus solvable que sa filiale, deux approches sont suivies pour déterminer la note de crédit finale de cette dernière, comme l’a reconnu M. Chambers. Ces méthodologies sont qualifiées d’approche descendante et d’approche ascendante[54].

[55]         Selon l’approche descendante, le point de départ est la note de crédit supérieure de la société mère. M. Chambers a estimé que l’un des problèmes affligeant l’approche descendante réside dans le fait que la société mère et la filiale se présentent sur le marché généralement lorsqu’elles génèrent de bons résultats[55]. Toutefois, les notes tiennent aussi compte de ce qui peut se produire pendant les périodes de tension financière. Selon le témoin, l’approche ascendante est plus saine parce qu’elle part de la note indépendante ou réelle, qui est ajustée par la prise en compte de l’ampleur du soutien qui peut raisonnablement être prévu dans les circonstances[56].

[56]         M. Chambers a déclaré que l’entité faible appartenant à une société mère forte bénéficie généralement, quoique pas toujours, d’une note plus forte que si elle était indépendante. Si on suppose que la société mère est en mesure de soutenir sa filiale pendant une période de tension financière, l’échelle des possibilités va néanmoins de l’égalisation des notes, à une extrémité, à l’aide très réduite ou nulle de la solvabilité de la société mère, à l’autre extrémité. Lorsqu’il y a un large écart, les agences de notation exigent davantage de preuve de soutien probable[57].

[57]         Dans son rapport, M. Chambers a recensé les facteurs qu’utilise S&P pour combler l’écart de notation, notamment l’importance stratégique, le pourcentage de propriété, le contrôle de gestion, la dénomination commune, le domicile dans le même pays, la source commune de capitaux, la capacité financière de fournir un soutien, l’importance du montant d’investissement, l’investissement par rapport à l’endettement, la nature des autres propriétaires, la position déclarée de la direction, les antécédents de la société mère dans des circonstances similaires et la nature des risques potentiels[58].

[58]         Selon le témoin, les facteurs ne sont pas également pondérés dans l’évaluation. De façon générale, l’incitatif économique constitue le facteur le plus important qui fonde l’appréciation du niveau de lien entre une société mère et une filiale[59].

[59]         M. Chambers a examiné les facteurs un par un à la lumière de l’organisation GE dans son ensemble. Par exemple, il était stratégiquement important pour GECUS d’exercer des activités au Canada car cela s’inscrivait dans son plan global d’expansion internationale. Par ailleurs, M. Chambers a souligné que l’actif de l’appelante représentait une très faible proportion de l’actif consolidé de GECUS. Pour cette raison, M. Chambers ne pouvait pas déduire que l’appelante avait beaucoup d’importance stratégique dans l’ensemble de l’organisation GE[60].

[60]         M. Chambers a reconnu que l’appelante était une filiale en propriété exclusive[61] et qu’une société mère a davantage tendance à soutenir une filiale en propriété exclusive qu’une filiale dans laquelle elle a une participation minoritaire[62].

[61]         Le témoin a souligné que même s’il existait un contrôle de direction global quotidien à partir du sommet de la hiérarchie, l’exploitation locale jouissait d’un grand pouvoir discrétionnaire pour ses activités[63]. L’appelante ne fournissait pas de services essentiels ou clés à sa société mère.

[62]         Le témoin a fait remarquer que l’appelante et GECUS n’avaient pas la même source de capitaux. Les deux sociétés faisaient appel aux marchés des capitaux visant les grandes entreprises pour obtenir du financement, mais les titres utilisés étaient différents. L’appelante mettait l’accent principalement sur le marché canadien et les marchés européens, tandis que GECUS et les autres filiales contractaient des emprunts sur les marchés américain et international[64].

[63]         Vers le milieu de l’échelle, la catégorie « stratégiquement importante » se situe entre les deux extrêmes (« essentielle » et « indépendante »). Certains aspects de l’entreprise, c.‑à‑d. un produit ou un endroit donné, sont importants à titre de moteur de croissance pour l’organisation ou pour la stabilité du groupe[65].

[64]         M. Chambers a conclu cette partie de son analyse en conluant que l’appelante serait classée comme une filiale « indépendante » de GECUS par les agences de notation, ce qui signifie qu’on s’attendrait à ce que GECUS fournisse peu de soutien financier à l’appelante en périodes de tension financière, dans l’hypothèse où ses titres de créance ne seront pas garantis par GECUS[66].

Note de crédit de l’appelante sans la garantie

[65]         Concernant la note finale de l’appelante, M. Chambers a déclaré que, sans garantie explicite, la note indépendante pouvait être augmentée d’un ou deux niveaux parce que l’appelante se situe dans le groupe de sociétés GE Capital. Par conséquent, si la note indépendante de l’appelante était jugée s’établir à B+, sa note finale s’établirait probablement entre BB‑ et BB. Si la note indépendante était établie à BB‑, la note finale attribuée aux titres de créance non garantis serait de BB ou BB+[67].

[66]         L’avis de M. Chambers a été influencé par le fait que tous les titres de créance de l’appelante avaient été garantis de 1988 à 1995. Si on suppose qu’aucune des nouvelles émissions de titres de créance à compter de 1996 n’aurait été garantie, les agences de notation, selon M. Chambers, auraient exigé la formulation claire du soutien auquel on pourrait s’attendre de la société mère[68]. En pratique, l’agence de notation appellerait probablement la société et solliciterait une déclaration claire concernant la question[69]. De l’avis de M. Chambers, il aurait été difficile pour GECUS de convaincre un comité de notation que rien n’avait changé après le retrait de la garantie explicite[70].

Déposition de John Campbell Hull, Ph.D.

[67]         M. Hull est le professeur des dérivés et de la gestion des risques du Maple Financial Group qui enseigne à la Faculté de gestion Rotman de l’Université de Toronto[71]. Il est titulaire d’un baccalauréat ès arts et d’une maîtrise ès arts en mathématiques de l’Université Cambridge en Angleterre, d’une maîtrise ès arts en recherche opérationnelle de l’Université Lancaster en Angleterre et d’un doctorat en finances de l’Université Cranfield en Angleterre[72].

[68]         Il a été demandé à M. Hull de fournir un avis sur la valeur de la garantie en cause par analogie au prix d’un swap sur défaillance de crédit (« SDC »). Il a évalué la garantie au moyen de l’approche axée sur le taux de rendement qui consistait à analyser l’écart entre les obligations notées AAA‑ et les obligations qui s’établissent en moyenne entre B et BB, soit la note de crédit qu’on a demandé à M. Hull de présumer pour l’appelante en l’absence d’une garantie explicite[73].

[69]         Selon M. Hull, un SDC est une forme de garantie financière. Dans un SDC, il y a deux parties, soit celle qui fournit la protection, souvent une société d’assurance ou une institution financière, et l’acheteur. De façon générale, l’acheteur de protection détient des titres de créance dans une entité de référence et recherche la protection contre les défaillances de crédit. En cas de défaut par l’entité de référence, le fournisseur de protection indemnise l’acheteur en lui versant jusqu’à la valeur nominale de l’obligation[74].

[70]         Aux fins de son analyse, M. Hull a tenu pour acquis que la garantie serait en vigueur aussi longtemps que l’appelante continuerait d’exploiter une entreprise au Canada parce que si la garantie était retirée, l’appelante serait incapable d’émettre des effets de commerce pour obtenir les fonds nécessaires au remboursement des effets qui viennent à échéance[75].

[71]         Néanmoins, dans son calcul de l’écart entre la note de crédit de l’appelante avec garantie et sa note sans garantie, M. Hull utilise le taux de rendement sur les obligations à échéance de cinq et dix ans[76].

[72]         Le témoin a conclu que l’écart global se situait à environ 352 points de base entre une note de AAA et la note de B+ à BB‑ présumée pour l’appelante en l’absence de garantie explicite. Par conséquent, la valeur de la garantie explicite se situait à environ 1,83 % en fonction d’une note de crédit se situant entre BB+ et BBB‑[77].

Déposition de Stephen Cole

[73]         M. Cole est comptable et associé principal au cabinet Cole & Partners. Il est membre de l’Institut des comptables agréés de l’Ontario, de l’Institut canadien des experts en évaluation d’entreprises ainsi que de l’Institut d’arbitrage et de médiation du Canada Inc.[78].

[74]         On a demandé à M. Cole d’expliquer la notion conceptuelle de l’évaluation dans le contexte de la détermination du prix sans lien de dépendance pour la garantie. Il a formulé des commentaires sur la question de savoir si la relation entre l’appelante et GECUS influencerait le prix auquel un tiers garant serait prêt à participer[79].

[75]         Selon M. Cole, le garant part de la notion du prix sans lien de dépendance. Le prix sans lien de dépendance est le montant, déterminé conformément au principe de pleine concurrence, qui aurait été raisonnable dans les circonstances si les parties à l’opération n’avaient pas eu de lien de dépendance[80].

[76]         M. Cole a décrit une négociation fictive dans son rapport. La dynamique du marché, dont un acheteur et un vendeur, fait partie intégrante des définitions de juste valeur marchande et de prix sans lien de dépendance. M. Cole a décrit les points de vue de l’acheteur et du débiteur de même que le point de vue des fournisseurs sans lien de dépendance de la garantie[81]. L’idée centrale de toute négociation est que les parties trouvent un compromis mutuellement acceptable. L’objectif de l’acheteur, en l’espèce l’appelante, consiste à trouver une assurance ou une garantie au prix le plus bas possible. À l’inverse, le fournisseur aspire au prix le plus haut possible[82]. Le marché doit se composer de nombreux fournisseurs et il doit y avoir de nombreuses parties dans le monde ayant des caractéristiques similaires, comme des capitaux et une taille importants de même que des connaissances spécialisées en finance, qui pourraient toutes fournir la garantie[83].

[77]         M. Cole a conclu que l’éventail des prix sans lien de dépendance et selon la juste valeur marchande pour la garantie se situe clairement au‑dessus de 1 %[84]. M. Cole en est arrivé à une commission de 0,85 % seulement à l’égard d’une situation où le garant estime que l’appelante représente un risque de crédit AAA et où il n’y a aucune garantie explicite. Pourtant, M. Cole ne croit pas qu’il aurait été possible, de façon réaliste, pour l’appelante d’obtenir à elle seule une note de AAA[85].

[78]         M. Cole a souligné que GECUS n’avait pas intérêt à se faire verser un dividende de la filiale canadienne; si elle l’avait fait, elle aurait simplement fait augmenter la dette de la société canadienne et remboursé des dettes de la société américaine, mais son accès total aux capitaux aurait été identique sur une base consolidée[86]. Il n’y aurait pas eu non plus d’avantage pour la société mère si l’appelante avait été capitalisée différemment puisque le ratio emprunts/capitaux propres de GECUS est établi sur une base consolidée tout comme son accès aux capitaux[87]. Bref, la capacité d’emprunt de GECUS était notamment liée à son ratio emprunts/capitaux propres consolidé.

[79]         M. Cole a justifié le caractère raisonnable de sa commission de garantie et de la commission de garantie réclamée par GECUS en examinant la proportion de ces commissions par rapport aux bénéfices gagnés par l’appelante au cours de chacune des années d’imposition en cause. Selon le témoin, une commission de garantie de 1 % se situait entre 33 % et 40 % des bénéfices totaux avant impôt et avant garantie de l’appelante. M. Cole a estimé que GECUS aurait eu droit à un rendement d’entre 15 % et 20 % si elle avait investi environ 275 millions de dollars de capitaux supplémentaires dans l’appelante pour améliorer la solvabilité de cette dernière. Ce pourcentage se traduit par environ 69 millions de dollars de bénéfices, ce qui est très près des commissions de garantie moyennes qui ont en fait été reçues[88].

[80]         En contre-interrogatoire, M. Cole a confirmé son avis selon lequel l’appelante n’aurait pas pu obtenir une note de AAA sans la garantie. Le témoin a estimé qu’une garantie explicite était nécessaire pour permettre à l’appelante d’exécuter son plan d’affaires, lequel était fondé sur l’atteinte du plus bas coût des capitaux[89].

Déposition de Rowland Alexander Lewis

[81]         L’appelante a cité M. Lewis pour qu’il témoigne sur la façon dont les services de trésorerie des grandes multinationales considèrent la notion de soutien implicite lorsqu’ils établissent le prix d’effets de commerce libellé en dollars canadiens utilisé pour investir à court terme des fonds libellés en dollars canadiens. De 1980 à 2000, M. Lewis a été employé par les services de la trésorerie de Texaco Canada et de Heddington Insurance, assureur captif de Texaco[90].

[82]         M. Lewis a déclaré qu’en tant que trésorier adjoint, il investissait dans des effets de commerce selon les lignes directrices sur les investissements, notamment la sécurité du capital, la liquidité et le bénéfice prévisible[91]. M. Lewis a défini le soutien implicite comme une présomption de la part des tiers qu’en cas de défaut d’un émetteur, la société mère de celui‑ci interviendrait et rembourserait tout le monde[92]. Texaco n’aurait attribué aucune valeur au soutien implicite pendant la période en cause parce que tous ses investissements dans les effets à court terme devaient être faits de manière à garantir la sécurité du capital[93]. Lorsqu’elle avait le choix entre des titres de créance non garantis de l’appelante et des titres de créance de GECUS ou de GE, Texaco achètait ces derniers.

Déposition de David Victor Daubaras

[83]         M. Daubaras occupe le poste de vice-président, Fiscalité, auprès de l’appelante depuis 1995[94].

[84]         M. Daubaras était d’avis que l’appelante n’était pas le simple prolongement de GECUS. Selon le témoin, les États-Unis fournissaient une cible financière à l’appelante et il appartenait à la direction canadienne de celle‑ci d’atteindre cette cible[95].

Déposition de Bruce Bennett

[85]         M. Bennett dirigeait le service juridique de la Division de la trésorerie de GECUS entre 1992 et 1998[96]. Le témoin était chargé de superviser un petit groupe d’avocats qui surveillaient et mettaient en œuvre les émissions de titres de créance de GECUS, son assurance et ses opérations sur dérivés.

[86]         M. Bennett a témoigné que les objectifs commerciaux du Service de la trésorerie de GECUS consistaient à financer les activités commerciales consolidées de GECUS au plus bas coût possible tout en adhérant aux lignes directrices sur la gestion du risque établies par la haute direction[97]. Selon celles-ci, les dettes devaient correspondre au flux de revenu tiré des actifs qu’elles finançaient. Par exemple, un actif générant un flux de revenu à court terme doit être soutenu par un emprunt à court terme[98].

[87]         M. Bennett a reconnu que GECUS appréciait sa note de AAA puisque aucun de ses concurrents n’était en mesure d’emprunter au même bas taux. Selon le témoin, la garantie de GECUS permettait à l’appelante d’emprunter au taux d’intérêt le plus bas. Du point de vue fiscal, cette garantie permettait à l’appelante d’emprunter sans défrayer le coût de la retenue d’impôt canadienne. Si GECUS avait emprunté les fonds directement pour ensuite les prêter à l’appelante, une retenue d’impôt aurait dû être effectuée sur les versements d’intérêt. La garantie était aussi facile d’exécution. Du point de vue de l’investisseur, c’est comme si GECUS empruntait directement les fonds. Du point de vue du risque de crédit, il y avait fongibilité entre les effets de commerce émis par GECUS et ceux qui étaient émis par l’appelante en raison de la garantie explicite. En résumé, la garantie explicite signifiait que les porteurs de titres de créance de l’appelante bénéficiaient du risque de crédit plus faible de GECUS en bonne partie de la même manière que si les fonds avaient été prêtés d’abord à GECUS puis par GECUS à l’appelante[99].

SOMMAIRE DES DÉPOSITIONS DES TÉMOINS DE L’INTIMÉE

Déposition de Stephen Allan Mitchell

[88]         M. Mitchell est actuellement courtier en valeurs mobilières au service de RBC Marchés des Capitaux, filiale en propriété exclusive de la Banque Royale du Canada (« RBC »). En 1995, il était directeur principal des services bancaires aux entreprises à RBC[100].

[89]         De 1995 à 2000, RBC avait des relations d’affaires avec l’appelante. La nature de ces liens englobait les services de gestion de liquidités et les facilités de crédit[101]. Son employeur actuel, RBC Marchés des Capitaux, a une relation continue avec l’appelante[102].

[90]         M. Mitchell est signataire d’une lettre datée du 7 novembre 1995 apparemment rédigée en réponse à une lettre datée du 10 octobre 1995, toutes deux produites sous la cote R‑9A[103]. La lettre du 10 octobre sollicitait des renseignements concernant l’établissement des prix des prêts à faire aux filiales canadiennes de GE et GECUS. Plus particulièrement, cette lettre contenait une question de l’appelante concernant la capacité d’emprunt de GECUS sur une base indépendante et concernant le prix d’une facilité de crédit de 2 milliards de dollars sans garantie explicite de la société mère[104].

[91]         En contre-interrogatoire, M. Mitchell a affirmé que, comme l’indique le troisième paragraphe de la lettre du 7 novembre 1995, compte tenu de la structure du bilan canadien à ce moment‑là et des ratios inhérents d’emprunt et de couverture des dettes, la société canadienne aurait une note inférieure à BB. Toutefois, il faut savoir que la lettre datée du 7 novembre 1995 ne portait sur aucune opération entre RBC et l’appelante; elle fournissait plutôt des observations sur le marché seulement, de sorte que personne n’aurait sollicité une approbation de crédit ou une décision sur le crédit à RBC afin d’émettre ce type de lettre[105].

[92]         La même lettre mentionne que plusieurs filiales canadiennes de GE devaient obtenir la garantie de la société mère avant qu’un engagement par la banque de fournir des facilités de crédit puisse être envisagé. M. Mitchell a témoigné que le fait qu’il s’agissait de filiales de GE ne suffisait pas en soi pour justifier une facilité de crédit en l’absence de garantie officielle[106]. Il a ajouté que la suggestion dans cette lettre voulait qu’au niveau de notation B, le coût de la facilité entièrement utilisée s’établirait à 250 points de base, plus le TIOL[107]. M. Mitchell a aussi convenu que l’appelante ne pouvait pas être considérée comme une société notée AAA[108].

Déposition de Kevin Charles Clark

[93]         En 1995, M. Clark était agent de crédit à la Banque Scotia et était responsable du territoire du Connecticut. Il avait notamment pour objectif d’établir des liens avec les clients emprunteurs de la banque. GECUS et GE faisaient partie de son portefeuille et étaient des clients de la Banque Scotia[109].

[94]         M. Clark ne connaissait pas trop l’objectif sous-jacent à la demande de GECUS; généralement, comme dans la lettre du 24 juillet 1995 par exemple, on lui demandait quel était le coût d’emprunt des fonds au Canada avec et sans soutien de la société mère[110]. Il croyait à l’époque que la lettre aboutirait à des prêts et que la demande de crédit visait les fins générales de la société[111].

[95]         Des sociétés comme GECUS ou l’appelante, dont les entreprises sont grandes et diversifiées, empruntent fréquemment pour ce que M. Clark a appelé les fins générales de la société, ce qui leur donne une certaine souplesse dans l’utilisation de leurs fonds[112].

[96]         En 1995, la Banque de Nouvelle-Écosse aurait été prête à se charger de mettre sur pied un engagement non garanti de 2 milliards de dollars envers l’appelante. Cela aurait été fait par la constitution d’un consortium; c’est‑à-dire que la banque aurait été prête à tenter de prendre les dispositions nécessaires à l’obtention d’un tel financement pour l’appelante[113].

[97]         Dans les milieux des prêts par consortium, assumer la charge de prendre les dispositions nécessaires à l’établissement d’une facilité pour un nom réputé sur le marché aurait été considérée comme une occasion attrayante, même si la facilité n’était pas destinée à GECUS elle-même. Cela aurait permis à la Banque de Nouvelle-Écosse de « poser » dans le milieu des consortium de prêts[114].

[98]         Dans l’évaluation de la demande de prêt non garanti, l’attrait de la dénomination GE et de l’appartenance au groupe de GE était pertinent pour l’analyse de M. Clark, à la lumière du fait que GECUS figurait parmi les plus grands utilisateurs d’effets de commerce aux États-Unis[115].

[99]         Au paragraphe 3 de sa lettre (pièce R‑9B), M. Clark a fait référence à la « propriété ». Selon le témoin, le terme « propriété » signifiait emprunter avec une garantie. Il aurait donné différents taux selon l’existence ou non de la propriété. Par conséquent, l’appelante aurait pu emprunter à un taux préférentiel s’il y avait eu une garantie de la part de GECUS[116].

Déposition d’Anthony Saunders, Ph.D.

[100]     M. Saunders est titulaire d’un baccalauréat, d’une maîtrise et d’un doctorat en économie de la London School of Economics[117]. Professeur de finances à la Faculté des affaires Stern de l’Université de New York, il a été qualifié en tant qu’économiste spécialisé en évaluation du risque de crédit et en analyse et évaluation des garanties fondées sur la solvabilité[118].

[101]     Dans son rapport, M. Saunders n’a pas examiné la note de crédit de l’appelante en tant qu’entité indépendante; il estimait qu’il était évident que l’appelante était une société essentielle ou stratégiquement importante par rapport à sa société mère, GECUS[119].

[102]     À titre de question procédurale préliminaire portant sur la recevabilité du rapport en contre-preuve de M. Saunders, l’appelante a affirmé que ce rapport ne constituait pas une contre-preuve en soi, mais servait plutôt à combler les lacunes du rapport initial de M. Saunders. J’ai dit que je suspendais jusqu’au prononcé de mon jugement final ma décision à cet égard. L’appelante n’a pas pu me convaincre selon la prépondérance des probabilités que les aspects de contre-preuve du rapport en contre-preuve de M. Saunders ne constituaient pas une contre-preuve. À mon avis, M. Saunders a traité de l’approche de l’entité indépendante dans son rapport en contre-preuve afin de contrer l’approche adoptée par l’appelante, approche qu’il rejetait dans les circonstances. Bien qu’il ait effectivement reconnu que l’analyse sur la base d’une entité indépendante s’inscrit dans la méthode suivie par Moody’s et S&P[120], il est aussi clair que M. Saunders a effectué son analyse sans employer celle-ci parce qu’il considérait que cette étape était redondante. En bref, M. Saunders estimait qu’il n’était pas nécessaire d’effectuer une analyse sur la base d’une entité indépendante parce que la conclusion allait de soi dans les circonstances. Par conséquent, je ne puis retenir la thèse de l’appelante selon laquelle une telle analyse s’inscrivait en fait dans la méthode que M. Saunders voulait suivre. Vu sous cet angle, j’estime que le rapport en contre-preuve rédigé par ce dernier constitue une contre-preuve légitime et valable en soi.

[103]     M. Saunders a suivi trois étapes pour évaluer le caractère raisonnable de la commission de 1 %. Premièrement, il a établi la façon dont les agences de notation établiraient la note de l’appelante. Deuxièmement, ayant établi cette note, il a calculé la commission appropriée qui serait réclamée par un tiers garant. Troisièmement, il a recherché si la commission de 1 % était excessive compte tenu du rendement du capital investi ajusté selon le risque (« RCIAR »)[121].

[104]     M. Saunders a relevé trois approches d’évaluation de la solvabilité : (i) les systèmes experts, (ii) les systèmes de notation traditionnels et (iii) le modèle quantitatif[122].

[105]     Le système expert est purement qualitatif et est fondé sur les caractéristiques de l’emprunteur, à savoir notamment : la nature, le capital et la capacité de remboursement. Le problème des systèmes experts est qu’ils sont purement subjectifs. Là où les systèmes experts diffèrent des systèmes quantitatifs, ce n’est pas tant dans la détermination des facteurs, mais dans la pondération des facteurs uniforme[123].

[106]     En ce qui concerne les modèles de notation de crédit traditionnels, ils ont recours aux systèmes qualitatifs experts et aux systèmes quantitatifs. Ces modèles mettent l’accent sur le risque de défaut à long terme[124].

[107]     Le troisième modèle, le modèle quantitatif, est généralement fondé sur les données des marchés des capitaux, comme le cours des actions, le cours des obligations et l’écart des SDC[125]. M. Saunders a témoigné que, pendant la période visée par la cotisation, les investisseurs, institutionnels ou particuliers, se sont fondés le plus sur les modèles de notation traditionnels. M. Saunders a suivi cette méthode dans son rapport[126].

[108]     En bref, M. Saunders a conclu que l’appelante était une filiale essentielle de GECUS pendant la période en cause et aurait été notée AAA. Subsidiairement, il a conclu que l’appelante pouvait être considérée comme stratégiquement importante, plutôt qu’essentielle, pour GECUS, auquel cas elle aurait été notée AA. Il a conclu que la commission aurait été liée à une garantie d’un tiers afférente à une note de AA plutôt qu’à une note de AAA. Pour ce motif, il a conclu que la commission ne serait située entre 15 et 24 points de base pendant la période pertinente. À l’examen du rendement du capital investi ajusté selon le risque, M. Saunders a conclu que la commission de 1 % produisait un rendement du capital investi ajusté selon le risque très élevé, beaucoup plus élevé que ce qu’on appelle le « taux de rendement minimal ». Dans le modèle du RCIAR, le « taux de rendement minimal » est le rendement du capital investi exigé par les actionnaires avant de s’engager à investir[127].

[109]     M. Saunders a soutenu que M. Chambers n’avait pas suffisamment majoré la note lorsqu’il a tenu compte du soutien implicite de la société mère. Il a ajouté que l’importance de la réputation est plus grande pour les institutions financières non réglementées que pour les institutions financières réglementées puisque celles-ci peuvent se permettre de se fier aux organismes de réglementation pour faire le nettoyage et restreindre leurs activités de prêt. À son avis, les institutions financières non réglementées ne peuvent compter que sur leur réputation pour leur permettre de préserver et rehausser la confiance du marché à leur égard, et la majoration de la note devrait refléter ce fait[128].

[110]     M. Saunders était d’avis que GECUS aurait subi un coût énorme si elle avait laissé l’appelante faire défaut :

[traduction]

Comme je l’ai dit, en tant qu’économiste, en bout de ligne il s’agit d’une simple question de coût / bénéfice. Le coût est énorme. Vous avez une société, GEC Capital Corporation [GECUS], qui émet pour au moins 2 milliards de dollars d’effets de commerce et pour des milliards de dollars d’obligations. S’il était même possible que cela entraîne un abaissement d’un ou de deux niveaux, il s’agirait d’une augmentation énorme du coût d’emprunt[129].

[111]     Cinq facteurs ont amené M. Saunders à conclure que les agences de notation auraient probablement considéré l’appelante comme une filiale essentielle de GECUS : (i) le caractère spécial, l’importance et la valeur se rattachant à la note de AAA; (ii) l’aspect marque qui provient de la même dénomination : les investisseurs déserteront plus vraisemblablement une société mère qui porte la même dénomination qu’une filiale qui est en défaut; (iii) le degré élevé d’intégration financière et administrative; (iv) la longévité de la filiale : l’appelante est présente au Canada depuis près de 40 ans; (v) la taille de la filiale (l’appelante) par rapport au marché canadien des capitaux[130].

[112]     M. Saunders n’a pas accordé beaucoup d’importance au fait que l’appelante est domiciliée au Canada et est indépendante de GECUS. Il a fait remarquer qu’avec l’ALENA, dans une association de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, il y a des liens économiques étroits qui réduisent l’importance des domiciles distincts de l’appelante et de GECUS. De plus, il estimait aussi que l’appelante, avec un ratio emprunts/capitaux propres de 12 pour 1, était bien capitalisée par rapport aux banques, pour lesquelles un ratio emprunts/capitaux propres de 18 pour 1 est considéré adéquat, si on garde à l’esprit le fait qu’il s’agit de capitaux propres de première qualité d’une filiale essentielle[131].

[113]     Pour calculer la différence entre ce qu’une filiale ayant une note de AA et une société ayant une note de AAA pouvait éventuellement payer, M. Saunders a examiné l’écart de rendement entre la société notée AAA et la société notée AA, en fonction des données canadiennes. Il ne pouvait pas vraiment utiliser d’obligations de sociétés canadiennes notées AAA, seulement les obligations du gouvernement du Canada, ce qui signifie que l’écart serait en réalité plus élevé compte tenu que les obligations de sociétés notées AAA ont tendance à rapporter un peu plus que les obligations d’État notées AAA[132]. Bien que l’écart intègre une prime de liquidité puisqu’il ne mesure pas seulement le risque de défaut, M. Saunders est d’avis qu’il a été conservateur en tenant pour acquis que l’écart de liquidité serait nul, attribuant la totalité de l’écart au risque de défaut[133].

[114]     M. Saunders a aussi effectué une analyse de mortalité; ses conclusions sont énoncées à l’onglet A de la pièce 13 annexée à son rapport[134].

[115]     L’analyse du RCIAR effectuée par M. Saunders comportait un calcul du montant de capital qu’un tiers exigerait pour soutenir le capital à risque de l’appelante, considérant l’appelante comme méritant une note de AAA ou de AA. Dans son analyse, M. Saunders a utilisé trois modèles de calcul[135]. La moyenne des trois modèles après impôt (si on présume un taux d’imposition de 40 %) est de 113 %, ce qui est élevé comparativement au taux de rendement minimal de 22 % ou de 23 %[136], ce qui signifie que le RCIAR est plus de quatre fois plus grand que le rendement du capital investi de l’actionnaire, ce qui laisse voir que la commission réclamée par GECUS était trop élevée[137]. Il a affirmé qu’une commission de garantie raisonnable dans les circonstances aurait été de 20 points de base[138].

[116]     À l’aide du modèle des nombres premiers à deux chiffres de différence  Z‑score de M. Altman, lequel est, selon lui, très pertinent pour déterminer la solvabilité des institutions financières, M. Saunders a établi que la solvabilité de l’appelante s’était améliorée pendant les années 1998 à 2000 parce que la capacité de celle-ci de rembourser ses dettes s’est améliorée grâce à la conversion de titres de créance à court terme en titres de créance à long terme auprès d’une société de financement liée en 1999 et en 2000[139]. Ce résultat découle de la notion selon laquelle les investisseurs s’inquiètent de la capacité de remboursement, qu’on calcule selon lui en mesurant l’actif à court terme par rapport au passif à court terme. Dans son rapport en contre-preuve, M. Fidelman a recalculé la variable X1 du modèle des nombres premiers à deux chiffres de différence Z‑score de M. Altman pour tenir compte du classement erroné des comptes à recevoir dans le passif à long terme[140]. M. Saunders estimait que la réduction des effets de commerce (c.‑à‑d. des titres de créance à court terme) réduit proportionnellement le passif à court terme. Il a ajouté que M. Fidelman a utilisé le modèle RiskCalc conçu pour les sociétés de fabrication[141]. À son avis, les trois avantages que comportent l’utilisation du modèle des nombres premiers à deux chiffres de différence Z‑score résident dans le fait que ce modèle a été calibré juste avant la période en cause en l’espèce, qu’il s’agit d’un modèle du secteur privé et qu’il porte sur les sociétés autres que de fabrication[142].

[117]     M. Saunders a témoigné que la seule incidence qu’il y aurait si GECUS abandonnait sa garantie explicite à l’égard des placements de titres de créance de l’appelante consisterait en la réduction de la note de celle-ci, qui passerait de AAA à AA. À son avis, la société mère américaine aurait toujours un incitatif d’appuyer l’appelante afin de conserver sa propre note de AAA en l’absence de garantie explicite. Selon M. Saunders, l’incitatif économique est le plus important facteur dans le domaine de la finance[143].

[118]     M. Saunders a soutenu que la garantie écrite explicite constituait un mécanisme coûteux et inutile compte tenu de la force de l’incitatif économique pour la société mère de fournir à l’appelante un soutien implicite, mais il a convenu que la garantie explicite réalisait l’objectif d’obtention d’une note de AAA pour l’appelante[144]. L’investisseur institutionnel, constatant les placements de titres de créance non garantis de l’appelante, mais sachant qu’ils sont émis au Connecticut, par le même trésorier, par la même société et avec la même structure d’endettement, estimerait que les titres de créance ne sont pas émis par une société distincte[145].

[119]     Selon M. Saunders, GECUS a décidé du niveau de capitalisation à imposer à l’appelante. On ne peut pas considérer cela comme une capitalisation indépendante. Par conséquent, le niveau réel de capitalisation de l’appelante ne devrait pas être pris en considération en vue de la détermination de sa note de crédit indépendante. Du point de vue du témoin, ce qui établit si l’appelante constitue une filiale essentielle en fonction des critères de S&P, c’est le ratio du capital consolidé par opposition au ratio du capital indépendant de l’appelante, puisque l’appelante n’a pas choisi son propre ratio de capital. En outre, comme la société mère a une note de AAA, elle pouvait injecter des capitaux dans la filiale à tout moment[146].

[120]     Concernant les critères de S&P pour la qualification de filiale essentielle, dont l’un est l’impossibilité d’imaginer que l’unité pourrait être vendue alors que sa [traduction] « dépendance envers le reste du groupe fait qu’il est impossible de disjoindre l’entité du reste du groupe de la société mère »[147], M. Saunders était d’avis qu’étant donné le système de plaque tournante et la volonté de maximiser la diversification géographique, il est inconcevable que l’appelante soit vendue.

[121]     M. Saunders a reconnu que GE Financial Assurance Holdings Inc. avait une note de A+ même si elle était une filiale en propriété exclusive portant la dénomination GE et comptant pour 20 % de l’actif de GECUS consolidé[148].

Déposition de Harold J. Meyerman

[122]     M. Meyerman a été reconnu comme expert en services bancaires, et non pas en notation[149]. Il a passé la majeure partie de sa carrière aux États-Unis, où il a occupé des postes très élevés dans le domaine des services bancaires avant de prendre sa retraite. Au début de sa carrière, pendant une très brève période, M. Meyerman a été directeur de succursale d’une banque canadienne située en Colombie-Britannique[150].

[123]     Le témoin a déclaré que les banques procèdent à leur propre analyse des risques de crédit, généralement à l’aide d’une approche ascendante, analysant les diverses entités et arrivant ensuite à un état consolidé[151]. Les banques utilisent les analyses des agences de notation comme vérification de leurs propres notes internes[152].

[124]     Entre 1995 et 1998, selon M. Meyerman, l’Amérique du Nord était un marché intégré pour les effets de commerce. Les investisseurs canadiens investissaient dans les effets des émetteurs américains et réciproquement[153].

[125]     Selon le témoin, la réputation de GE était inégalée. Même parmi les sociétés notées AAA, elle était dans une classe à part. Pendant cette période, GE était la société la plus admirée du monde. Les grands investisseurs voulaient acquérir les titres de créance de GE ou de GECUS[154]. À cette époque, GE ou GECUS pouvait dicter ses propres conditions en matière d’engagements[155].

[126]     Des discussions entre la banque de M. Meyerman et GECUS au sujet de l’émission par l’appelante d’effets de commerce en son propre nom sans garantie explicite amènerait nécessairement les gens de l’agence de notation à égaliser les notes, ou presque à tout le moins. C’est ce que les investisseurs demanderaient[156].

[127]     Le témoin semblait très bien savoir que le retrait de la garantie de GECUS ne serait pas bien accueilli par les agences de notation appelées à noter les titres de créance non garantis de l’appelante. En contre-interrogatoire, le témoin m’a donné l’impression qu’une note de crédit de qualité très supérieure de AAA pour l’appelante aurait été encore plus concevable si ses titres de créance avaient été non garantis dès le début. Le témoin a affirmé qu’il voudrait très bien comprendre le raisonnement sous-jacent à la décision hypothétique de M. Werner de cesser de garantir les titres de créance de l’appelante. Même si le témoin a insisté qu’il serait néanmoins possible d’émettre des effets notés AAA si GECUS montrait des signes de soutien, il a reconnu qu’il y aurait une différence de coût entre deux émissions de billets notés AAA, l’une garantie et l’autre non garantie[157].

[128]     M. Meyerman n’acceptait pas l’idée que la garantie explicite constituait la façon la plus efficace ou rentable de permettre à l’appelante de faire son entrée sur les marchés financiers sur la foi de la force financière de sa société mère, GECUS; cependant, il considérait la garantie explicite comme un moyen plus certain d’encourager les investisseurs. Toutefois, même lorsqu’il y a une garantie explicite, les investisseurs posent des questions concernant la qualité du crédit, mais dans une moindre mesure[158].

[129]     M. Meyerman a fait valoir que, dans un monde hypothétique, une raison possible d’abandonner la garantie de la société mère serait de réduire le coût de financement de la société canadienne, lui permettant ainsi de livrer concurrence plus efficacement. Il n’a pas retenu l’idée que l’abandon de la garantie implique forcément que GECUS a décidé de se réserver le choix de venir ou non à la rescousse de l’appelante[159].

Déposition de Edward Emmer

[130]     M. Emmer a été entendu en qualité d’expert en analyse de notes de crédit. Il a passé presque toute sa carrière chez S&P, commençant en 1969 et prenant sa retraite en 2008. Il a consacré la majorité de ce temps à la division de la notation où, entre 1992 et 2005, il était chef des notes mondiales de sociétés et d’État[160]. Le témoin a été reconnu comme expert en analyse de risque de crédit relativement à une vaste gamme d’entités multinationales, y compris les entreprises industrielles et les institutions financières mondiales[161].

[131]     Pendant sa période à S&P, M. Emmer rencontrait régulièrement les membres de la haute direction de GE. Par exemple, il a participé, avec d’autres employés de S&P, aux examens annuels de GE auxquels les membres de sa haute direction assistaient[162].

[132]     Même s’il a été de moins en moins en contact direct avec les membres de la haute direction de GE à mesure que sa charge de gestion augmentait, ils se rencontraient néanmoins une fois par année. Ses analystes le tenaient également au courant. De plus, si un événement majeur pouvait avoir une incidence sur la note de AAA de GECUS, il participait aux discussions[163].

[133]     Sa mission aux fins de la présente affaire consistait à déterminer la façon dont S&P établirait une note aux titres de créance non garantis de l’appelante. Il a conclu que les titres de créance non garantis de l’appelante obtiendraient la même note que sa société mère, GECUS[164].

[134]     Il a admis avoir fait une erreur de calcul concernant la taille de l’appelante par rapport à GECUS, comme l’a souligné M. Chambers. Cette erreur s’est produite car il a omis de tenir compte des différences de valeur des monnaies. M. Emmer a ajouté que cette erreur de calcul ne changeait pas son avis global à l’égard de l’ampleur du soutien que la société mère fournirait à sa filiale canadienne[165] : GECUS soutiendrait l’appelante même si elle retirait sa garantie. L’appelante était essentiellement un prolongement des unités d’exploitation mondiale[166].

[135]     M. Emmer a fait référence à deux approches différentes de détermination des notes : l’approche axée sur le modèle et l’approche axée sur l’analyse. Selon l’approche axée sur le modèle, on analyse les ratios financiers et on les soumet à un modèle, qui détermine la note. Les institutions ayant d’importants montants de prêts impayés avaient tendance à utiliser cette approche. Selon l’approche axée sur l’analyse, on examine bon nombre des mêmes facteurs utilisés comme entrées dans le modèle mais, en outre, cette approche tient compte de certains facteurs qualitatifs prospectifs, comme l’intention et la stratégie de la direction pour la société[167].

[136]     S&P préfère l’approche axée sur l’analyse, selon le cas, parce que les facteurs qualitatifs peuvent avoir beaucoup plus de poids que les facteurs quantitatifs. En l’espèce, par exemple, les chiffres indiquent une chose, mais si on examine la structure de propriété, à savoir le fait que GECUS est propriétaire de l’appelante, on peut tirer une conclusion très différente[168].

[137]     M. Emmer a effectué une analyse pyramidale des notes de crédit à l’égard de l’appelante. Il a conclu que pour la période en cause, l’appelante, en raison du fait qu’elle appartenait à GECUS, obtiendrait une note supérieure à celle des titres de créance externes du gouvernement du Canada[169]. La qualité de la direction de GE était excellente, ce qui se répercutait sur les décisions de gestion de l’appelante[170]. GE avait une forte culture du crédit qui englobait plusieurs caractéristiques : un engagement d’excellence, un système de valeurs sain, la connaissance de l’incidence de chaque opération sur l’institution financière, la mise en équilibre entre le court terme et le long terme, le respect des facteurs fondamentaux du crédit et l’absence de tolérance pour les imprévus[171]. Ces caractéristiques étaient des facteurs déterminants dans l’établissement de la façon dont on s’attendrait à ce que la société agisse sur le marché à l’égard de ses titres de créance[172].

[138]     Dans son évaluation du profil de l’appelante, par opposition à sa note de crédit, M. Emmer a conclu que le profil n’indiquerait pas une note de AAA sur une base indépendante[173].

[139]     S&P aurait considéré le fait que GECUS garantissait les titres de créance de l’appelante comme indiquant que l’appelante est une filiale importante parce que autrement, GECUS n’aurait pas accordé cette garantie. Selon M. Emmer, GECUS ne garantirait que ce qu’elle appuie fermement et considère comme une partie importante à long terme de la société[174]. J’ai cependant noté qu’au cours de sa déposition, il a eu peine à expliquer la façon dont l’appelante et GECUS pourraient présenter une décision par GECUS de cesser de garantir les titres de créance de l’appelante. Si la garantie des titres de créance signifiait que GECUS appuierait l’appelante, le retrait de la garantie signifiait‑il le contraire? M. Emmer m’a donné l’impression que GECUS n’envisagerait pas un tel acte parce que celui‑ci nuirait à la capacité de l’appelante d’amasser des capitaux rapidement et de façon abordable.

[140]     Cela dit, le témoin a soutenu que S&P considérerait que l’appelante est stratégiquement importante pour sa société mère malgré sa proportion relativement faible d’actifs sur une base consolidée. L’appelante fait affaires au Canada depuis 1963. Le Canada est voisin des États-Unis, et l’expansion mondiale constituait un objectif stratégique important de GE et GECUS. Pour ces raisons, l’appelante était un actif stratégique important que sa société mère n’abandonnerait pas[175].

[141]     En ce qui concerne le lien société mère-filiale aux fins de la notation, M. Emmer estimait que les sociétés mères agissent dans leur intérêt. En l’espèce, il est approprié d’égaliser les notes de la filiale et de la société mère. Dans le cas d’entités qui dépendent du financement sur les marchés des capitaux, la société mère risque moins d’abandonner la filiale[176].

[142]     M. Emmer a milité en faveur d’une approche descendante pour en arriver à la note de l’appelante. Il considérait cette approche comme la plus appropriée dans ce cas puisqu’il estimait que le fait que l’appelante appartenait à GECUS constituait le facteur le plus important. Les titres de créance non garantis de l’appelante devaient être approuvés par son conseil d’administration, composé de membres de la haute direction de GECUS. Les titres de créance doivent aussi être approuvés par GECUS aux fins de conformité à ses politiques internes. Le témoin était d’avis que si le conseil de l’appelante et le vice-président des finances de GE autorisaient l’émission des titres de créance non garantis de l’appelante, ils appuieraient ceux‑ci, en particulier compte tenu du fait que les lettres « GE » sont reliées à ces titres. Selon le témoin, il est absolument impossible que GECUS abandonne les titres de créance de l’appelante sur les marchés des capitaux, par opposition aux titres de créance découlant d’une opération privée, puisque GECUS dépendait des marchés des capitaux pour obtenir son financement – elle devait procéder au roulement de plus de 2 à 3 milliards de dollars de titres de créance chaque jour et elle émettait pour des dizaines de milliards de dollars de titres de créance chaque année[177].

[143]     M. Emmer estimait que M. Chambers accordait trop d’importance aux états financiers mêmes de l’appelante et qu’il n’accordait pas suffisamment de poids au fait que l’appelante appartenait à GECUS et, en bout de ligne, à GE. M. Chambers sous-estimait aussi l’effet qu’un défaut de l’appelante aurait, non seulement sur l’appelante, mais aussi sur GECUS[178].

[144]     M. Emmer était d’avis que les états financiers de l’appelante ne disaient pas tout. Il soulignait qu’on avait probablement passé plus de temps à examiner les états financiers de l’appelante au cours du dernier mois que GE ne l’a fait au cours d’une période complète de cinq ans. À son avis, les états financiers de l’appelante ne constituaient qu’une consolidation comptable[179].

[145]     M. Emmer ne pouvait pas concilier son avis et à celui de M. Chambers (AAA par rapport à BB) et ne pensait pas non plus qu’un comité de notation aurait accepté la recommandation de M. Chambers pendant la période en question[180]. Selon M. Emmer, l’avis de M. Chambers n’était pas vraiment raisonnable étant donné que M. Emmer ne connaissait aucun cas où une institution financière notée AAA avait une filiale portant son nom notée BB[181].

[146]     Selon M. Emmer, l’analyse sur une base indépendante mise de l’avant par M. Chambers est circulaire et futile puisque GECUS peut donner à l’appelante, sur le plan financier, l’apparence qu’elle désire lui accorder sans que cela ne touche les états financiers consolidés de GECUS[182]. Par conséquent, il estimait que M. Chambers mettait trop d’accent sur le ratio de capitalisation de l’appelante dans son analyse.

[147]     En l’absence de garantie explicite, M. Emmer n’était pas certain que la société mère aurait quelque chose à faire (au-delà de son soutien implicite) pour rehausser le bilan de la filiale afin de le faire correspondre à ce que les marchés des capitaux exigeaient dans le cadre d’une analyse sur une base indépendante. En ce sens, selon M. Emmer, le soutien est explicite et non pas implicite[183]. Toutefois, si on suppose que la propriété est intacte et que tout est égal par ailleurs, il estimait que cela donnerait lieu à la recommandation de note qu’il ferait au comité de notation[184].

[148]     Dans le pire des cas raisonnablement concevables où l’on permettrait que l’appelante fasse défaut, GECUS éprouverait des difficultés à procéder au roulement de ses titres de créance à l’échéance ou serait incapable de le faire. Par conséquent, si le marché commençait à perdre confiance en GECUS par suite du défaut de l’appelante, GECUS disposerait d’environ une semaine pour améliorer l’opinion du marché parce que même si elle épuisait ses lignes de crédit bancaires, elle ne disposerait pas de suffisamment de liquidités pour rembourser les effets de commerce[185]. Par conséquent, selon M. Emmer, GECUS ferait tout en son pouvoir pour prévenir une perte de confiance du marché à son égard[186].

[149]     Enfin, il a convenu qu’il y avait manifestement une raison commerciale à l’appui de la garantie : celle‑ci fournissait un mécanisme simple d’égalisation des notes. Toutefois, selon le témoin, cela ne signifie pas que l’appelante n’aurait pas été notée AAA sans la garantie[187].

Déposition de Brian Becker, Ph.D.

[150]     M. Becker est titulaire d’un doctorat en économie appliquée de la Faculté Wharton de l’Université de la Pennsylvanie[188]. M. Becker a été reconnu comme économiste spécialisé en prix de transfert[189].

[151]     Le témoin a déclaré qu’une évaluation en fonction de l’absence de lien de dépendance comporte une méthode à deux étapes. La première consiste à définir l’objet de l’évaluation, à défaut de quoi il est difficile de déterminer la preuve à rechercher en vue d’en arriver à la valeur. En l’espèce, la détermination de la façon dont les différents facteurs stratégiques et les différentes caractéristiques s’inscriraient dans une telle évaluation n’est pas simple. La deuxième étape consiste à rechercher la preuve de ce que serait le prix directement sur le marché, au moyen des prix, des marges bénéficiaires, des notes et de toute chose qui pourrait avoir une valeur. Ensuite, il faut trier tous ces renseignements pour trouver les plus utiles, en apportant les ajustements nécessaires[190].

[152]     À la première étape, M. Becker a décrit les caractéristiques de l’opération pertinente. Il a ensuite déterminé de quoi aurait l’air l’opération si les parties n’avaient pas de lien de dépendance[191]. Selon le témoin, l’une des plus importantes caractéristiques dans cette affaire est la structure organisationnelle des parties[192].

[153]     Pour définir l’opération, il faut tenir compte non seulement des conditions de l’opération, mais aussi du comportement des parties. Les risques des parties pour le débiteur hypothétique et le garant hypothétique devraient correspondre aux risques liés aux parties dans la véritable opération[193].

[154]     Dans son rapport en contre-preuve, M. Becker a analysé l’imprécision du scénario adopté par M. Cole, qui, dans son rapport, a conservé le garant dans la même structure et situation mais a révisé la position de la partie qui bénéficie de la garantie en tant que société indépendante. En apportant un ajustement à la baisse pour seulement une des parties à l’opération, M. Cole a rendu son scénario biaisé et imprécis[194].

[155]     Il faut considérer le prix de transfert des deux points de vue, soit du point de vue du garant sur le plan de ses coûts et de celui du débiteur/bénéficiaire sur le plan des avantages qu’il en tire. Les deux parties doivent être satisfaites pour conclure une opération. M. Becker a contesté le modèle fondé sur l’assurance de M. Fidelman au motif que son application ne considérait la question que du point de vue du garant. Le seul examen du coût dans certains calculs pour une partie n’entraîne pas la réalisation d’une opération à moins que l’autre partie ne soit prête à défrayer ce coût[195].

[156]     Le modèle de M. Fidelman, se situant du point de vue des coûts pour le garant, ne tient pas compte de ce que le débiteur pourrait être prêt à payer compte tenu de l’existence de soutien implicite. Selon le témoin, la prise de cet aspect en considération mènerait dans les faits à la fixation d’une commission plus basse que le débiteur serait prêt à payer pour la garantie.[196]

[157]     L’avocat de l’intimée a fait référence à la déposition de M. Cole selon laquelle il ne faut pas tenir compte de la relation société mère-filiale dans une évaluation en fonction de l’absence de lien de dépendance. En réponse, M. Becker a fait remarquer que M. Cole prenait effectivement en considération la relation société mère-filiale, à tout le moins à l’égard du garant, en refusant de considérer le garant comme une entité indépendante. En outre, la relation société mère-filiale et la structure organisationnelle complète influent potentiellement sur la façon dont on définit et qualifie l’opération, de sorte qu’à cet égard, le prix de transfert que connaissait M. Becker intègre déjà la relation société mère-filiale (c.‑à‑d. la structure organisationnelle)[197].

Déposition de Deloris Wright, Ph.D.

[158]     Mme Wright est titulaire d’un baccalauréat en gestion de l’Université d’État de l’Oklahoma et d’un doctorat en économie de l’Université d’État de l’Iowa[198]. Elle a été reconnue comme économiste spécialisée en prix de transfert[199]. On n’a pas demandé à Mme Wright d’effectuer une étude du prix de transfert, mais plutôt de critiquer l’analyse de l’appelante[200].

[159]     Selon le témoin, la première étape dans l’approche analytique de la détermination des prix sans lien de dépendance consiste à cerner l’opération visée. Ce faisant, elle a tenu pour acquis que les parties n’étaient pas liées, mais les autres aspects de cette relation sont demeurés les mêmes[201]. Elle a examiné les deux parties à l’opération. À l’égard des deux parties, la question qu’il faut se poser est la suivante : Quelles sont les fonctions exercées et les risques courus? La prochaine étape consiste à se demander quel est le sens de ces faits pour ensuite établir s’il existe une opération comparable sur le marché dans laquelle des parties non liées traitent l’une avec l’autre de la même façon que l’appelante et GECUS[202].

[160]     Soulignant qu’il n’existe pas de facteurs comparatifs parfaits, Mme Wright a déclaré que l’étape suivante consiste à évaluer l’opération comparable par rapport à l’opération en cause et à rechercher quelles sont les différences entre l’opération comparable et l’opération en cause qui ont un effet sur le prix que des parties non liées établiraient? On procède ensuite à des ajustements pour tenir compte de ces différences. À ce moment‑là, le résultat est un prix sans lien de dépendance fiable[203], mais le facteur comparatif peut être rejeté dès le début s’il est trop différent[204]. Les parties peuvent recourir à une différente méthode dans ce cas.

[161]     Lorsqu’elle a lu la transcription du procès, Mme Wright a remarqué deux faits supplémentaires. Premièrement, personne du côté de l’appelante n’a participé à l’opération. Deuxièmement, puisqu’il y avait de 50 à 60 acteurs dans le marché des effets de commerce, GECUS émettait ses titres de créance à un petit marché des capitaux mondial intégré. Par conséquent, les questions de réputation sont devenues très importantes[205].

[162]     Le témoin a affirmé qu’il n’existe aucune opération comparable en l’espèce puisqu’un tiers garant ne gérerait jamais le risque comme GECUS le fait. Sans opération comparable, le témoin a analysé l’opération en cause de la façon suivante : toutes les décisions sont prises aux États-Unis, de sorte qu’il faut rechercher quel prix la société mère américaine réclamerait et quel prix la filiale canadienne serait prête à payer. L’appelante dirait que la société mère américaine prend toutes les décisions et contrôle tous les risques, ce qui garantit que la filiale canadienne (l’appelante) ne fera pas défaut de rembourser le prêt[206].

[163]     Le témoin a cependant bel et bien reconnu que GECUS assume des risques par suite de la garantie (p. ex., le risque que les investisseurs se tournent vers les titres d’État de qualité seulement), même si elle a un pouvoir de supervision sur la filiale[207]. Il y a aussi un avantage pour l’appelante, en ce que GECUS ne peut pas l’abandonner en cas de crise de liquidité ou de fuite vers la qualité qui rend le refinancement de la dette prohibitif ou impossible[208].

[164]     Mme Wright a déclaré qu’un bon nombre de facteurs doivent être pris en considération dans la détermination d’un prix sans lien de dépendance pour la garantie. Premièrement, il faut tenir compte de la réputation de la société mère (c.‑à‑d., le soutien implicite). Dans la mesure où on en a tenu compte dans l’analyse, aucun autre ajustement n’est nécessaire. De plus, aucun engagement n’était requis de la part de l’appelante par suite de la garantie, ce qui représente un avantage pour elle. Cela devrait se refléter dans le montant de la commission. Cela a comme effet une augmentation de la commission. Ensuite, il n’y avait aucune provision pour pertes éventuelles dans GECUS, mais M. Fidelman a calculé sa commission en tenant pour acquis que l’assureur aurait une provision pour pertes éventuelles et qu’il devrait y avoir un rendement sur cela. Ce rendement devrait provenir de la commission. Enfin, il faut tenir compte de ce que le témoin a qualifié de substance de l’opération, soit la question de savoir si dans un cas où les parties ne sont pas liées, le débiteur verserait la commission au garant lorsque le garant a le contrôle total sur le risque de défaut[209]. Je souligne que le témoin a aussi avalisé l’observation de la Cour selon laquelle si la garantie est retirée, il faut aussi attribuer une valeur à l’effet négatif que cela aurait sur la perception par le marché de la volonté de la société mère de soutenir l’appelante[210]. Mme Wright s’a aussi confirmé que les avantages revenant à GECUS à titre d’actionnaire ne doivent pas être pris en considération dans la détermination d’un prix du marché pour l’opération[211].

[165]     Selon le témoin, l’analyse de M. Cole n’a pas établi de comparaison entre les faits intersociétés et les faits tiers. Mme Wright a estimé que les résultats de M. Cole n’étaient pas fiables parce qu’il n’a pas tenu compte des ajustements dans son analyse[212].

[166]     Selon Mme Wright, GECUS aurait été prête à réclamer à l’appelante une faible commission de garantie parce que le coût potentiel pour GECUS d’un défaut de la part de l’appelante aurait été beaucoup plus conséquent que l’avantage potentiel qu’elle aurait tiré d’une commission de garantie sans lien de dépendance[213].

THÈSES DES PARTIES

Thèse de l’intimée

[167]     L’avocat de l’intimée soutient que l’ancien paragraphe 69(2) et l’ actuel alinéa 247(2)a), soit les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu[214] (la « LIR ») qui jouent en l’espèce, sont conformes aux principes énoncés dans les Principes de l’Organisation de coopération et de développement économiques applicables en matière de prix de transfert (les « Principes de l’OCDE »)[215]. À cet égard, le chapitre 7 des Principes de l’OCDE contient des observations particulières sur les services intragroupes. Ce chapitre nous informe au sujet de deux questions clés : si un service intragroupe a en fait été fourni et, dans l’affirmative, quel en est le juste prix sans lien de dépendance. L’un des principes clés invoqués par l’intimée dans cette affaire est énoncé au paragraphe 7.13, qui prévoit ce qui suit :

De même, il ne faut pas considérer qu’une entreprise associée bénéficie d’un service intra-groupe lorsqu’elle obtient des avantages accessoires qui sont uniquement imputables au fait qu’elle fait partie d’une entité plus vaste et non à l’exercice d’une activité spécifique. Par exemple, il n’y a pas de prestation de service lorsqu’une entreprise associée dispose, du seul fait de son affiliation, d’une meilleure cote de crédit, mais en général on considère qu’il y a prestation de service lorsque cette meilleure notation est due à une garantie d’un autre membre du groupe ou lorsque l’entreprise bénéficie de la notoriété du groupe en liaison avec des campagnes générales de commercialisation et de relations publiques. À cet égard, il faut distinguer l’association passive de la promotion active des caractéristiques d’un groupe multinational qui a une incidence positive sur les perspectives de profit des différents membres du groupe. Il faut tenir compte des circonstances de chaque cas d’espèce.

[Non souligné dans l’original.]

[168]     L’intimée soutient que la note de crédit de l’appelante serait égalisée avec celle de GECUS en raison de son affiliation en l’absence d’entente de garantie. Selon cette thèse, l’intimée prétend que l’appelante aurait pu emprunter la même somme au même taux d’intérêt sans garantie explicite qu’avec une telle garantie. Par conséquent, l’appelante n’a pas reçu d’avantage économique de la garantie. Dans ce cas, le prix sans lien de dépendance de la garantie est nul. L’entente de garantie constituait simplement une indication plus claire du soutien implicite qui existait déjà en faveur de l’appelante.

[169]     On m’invite à examiner la méthode de notation du crédit élaborée et appliquée par S&P dans les années d’imposition visées pour établir si la note de crédit de l’appelante serait égalisée avec celle de sa société mère en l’absence de garantie explicite. Selon le système de notation de crédit de S&P, de l’avis de l’intimée, l’appelante serait considérée comme une « filiale essentielle ». D’après l’intimée, le point fondamental à retenir est que la note de crédit de l’appelante serait majorée à la note de AAA de sa société mère, GECUS, au motif que S&P et les porteurs de titres de créance de l’appelante reconnaîtraient que GECUS a un fort incitatif économique pour fournir un soutien financier à l’appelante en période de tension financière, même en l’absence d’obligations contractuelles en ce sens.

[170]     Cet incitatif économique découle de la note de crédit de AAA de GECUS, laquelle lui permet d’emprunter d’importantes sommes à des taux d’intérêt très bas. Cette note de qualité supérieure la plus élevée constitue un avantage concurrentiel considérable puisque peu d’entreprises actives dans le secteur des services financiers non réglementés sont notées AAA. L’intimée soutient que GECUS subirait un important abaissement de sa note de crédit si elle permettait qu’un membre de son groupe portant la même dénomination, comme l’appelante, fasse défaut de rembourser ses dettes. Dans un tel cas, les coûts d’emprunt supplémentaires engagés par GECUS seraient supérieurs au coût du soutien financier fourni à l’appelante, ce qui pousse GECUS à intervenir. Par conséquent, GECUS ne sacrifierait pas sa note de AAA en permettant que l’appelante fasse défaut sur ses titres de créance non garantis.

[171]     L’avocat de l’intimée souligne que M. Emmer, qui a été reconnu comme expert en méthode de notation du crédit, a affirmé que ce type de « soutien implicite » serait reconnu par S&P dans le cas de l’appelante et que sa note de crédit serait égalisée avec celle de GECUS même en l’absence de garantie explicite.

[172]     Subsidiairement, l’intimée m’invite à adopter une approche à deux étapes si je conclus que la note de crédit de l’appelante ne serait pas égalisée avec celle de GECUS. A la première étape, je dois déterminer l’écart de taux d’intérêt en fonction de mes conclusions concernant la différence entre la note de crédit de l’appelante et celle de GECUS (l’« approche axée sur le taux de rendement »). Selon la deuxième étape, il faut apporter les ajustements appropriés à l’écart de taux d’intérêt pour tenir compte des avantages dont bénéficie GECUS aux termes de l’entente de garantie. L’intimée soutient que ces avantages seraient pris en considération lors d’une négociation sans lien de dépendance.

Thèse de l’appelante

[173]     L’appelante avance deux arguments de droit à l’encontre de l’approche adoptée par la Couronne dans cette affaire. MMeghji, avocat de l’appelante, souligne que l’approche de la Couronne suppose qu’il faut prendre en considération les avantages qui découlent de la relation entre les parties pour établir si les commissions annuelles de 100 points de base versées par l’appelante pour la garantie sont supérieures à un prix sans lien de dépendance. Il prétend que l’avantage du fait d’être membre du même groupe, s’il y a lieu, que tire l’appelante de sa place dans la structure organisationnelle de GECUS ne peut pas être pris en considération aux termes du paragraphe 69(2) et de l’alinéa 247(2)a) de la LIR. Le régime établi par ces dispositions exige qu’on oppose les parties l’une à l’autre pour déterminer la façon dont elles auraient disposé leur opération si elles n’avaient pas eu de lien de dépendance. Toutes les distorsions découlant de la relation entre les parties doivent être éliminées pour qu’on en arrive à un résultat sans lien de dépendance.

[174]     S’il y a un avantage découlant de l’affiliation, comme l’allègue la Couronne, il existe parce que GECUS est propriétaire indirect de la totalité des actions de l’appelante et contrôle celle‑ci. Ce facteur n’existe pas dans une relation sans lien de dépendance et doit être écarté pour déterminer un prix sans lien de dépendance pour l’opération. Il découle de cette prémisse que la note de crédit de l’appelante avant la mise en œuvre de la garantie explicite doit être déterminée uniquement sur une base indépendante sans que ne soit prise en considération toute note de crédit liée au soutien implicite de GECUS. Sur une base indépendante, il est soutenu que la preuve démontre que la note de crédit de l’appelante est au mieux de BB au cours des années en question. Par conséquent, selon l’approche axée sur le taux de rendement proposée par la Couronne, l’avantage économique dont bénéficie l’appelante aux termes de l’entente de garantie est très supérieur aux commissions versées à GECUS.

[175]     On ajoute que les facteurs que la Couronne m’invite à prendre en considération dans le cadre de cette approche subsidiaire à deux étapes constituent des avantages qui reviennent à GECUS à titre d’actionnaire. Par exemple, les dividendes plus élevés éventuels en raison de la hausse des bénéfices découlant des épargnes de coût d’intérêt reviennent à GECUS en raison du fait qu’elle est propriétaire d’actions et non pas en raison de l’entente de garantie. Cet avantage est attribuable au fait que GECUS a assumé le risque d’investir des capitaux dans l’entreprise de l’appelante. Il faut faire abstraction de tous les avantages attribuables à la propriété d’actions.

[176]     Enfin, l’appelante soutient que l’approche suivie par la Couronne en l’espèce est erronée parce qu’elle est fondée sur l’idéé que la garantie explicite n’était pas nécessaire pour l’appelante dans les circonstances. Il est soutenu que telle est la raison pour laquelle la Couronne a produit des éléments de preuve pour me convaincre que l’appelante serait notée AAA même sans garantie explicite de la part de sa société mère. Selon l’appelante, le paragraphe 69(2) et l’alinéa 247(2)a) de la LIR exigent que le prix de l’opération préparée par les parties soit fixé par le ministre. Les parties ont conclu une opération de garantie, et l’approche axée sur le taux de rendement avancée par le ministre ne fait que déterminer le coût auquel l’appelante peut emprunter des fonds; il n’est pas la question de rechercher ce que coûterait une garantie dans des circonstances semblables. Le ministre n’a pas pris la peine de rechercher si une partie sans lien de dépendance aurait fourni une garantie à l’appelante puisqu’il avait décidé que la garantie n’était tout simplement pas nécessaire dans les circonstances. Pour retenir la thèse de l’intimée, il aurait fallu que les nouvelles cotisations soient fondées sur l’alinéa 18(1)a) de la LIR.

[177]     Enfin, l’appelante soutient que la thèse de la Couronne dans cette affaire n’est pas confortée par la preuve produite à l’audience. En bref, l’appelante soutient que la preuve démontre ce qui suit :

(a)   La garantie explicite a été mise en œuvre pour combler les besoins commerciaux réels de l’appelante. Cela est confirmé par le fait qu’une garantie explicite est en vigueur depuis 1988. C’est seulement en 1995 qu’une commission de garantie a été réclamée. L’intimée accepte maintenant ce fait puisqu’elle n’invoque plus l’alinéa 247(2)b) de la LIR.

(b)   La garantie explicite bénéficiait aux prêteurs de l’appelante, qui obtenaient le droit, en cas de défaut de l’appelante, d’exiger le paiement à GECUS, laquelle est maintenant tenue légalement de s’acquitter des obligations de l’appelante par suite de la garantie explicite.

c)    Même si on retenait la thèse de la Couronne concernant l’affaire, l’appelante n’aurait pas obtenu de note de AAA de S&P ou de toute autre agence de notation si l’analyse avait tenu compte du soutien implicite. La note de crédit de l’appelante se serait située entre BB et BB‑ sans garantie explicite.

d)    Les agences de notation et les courtiers en valeurs mobilières exigeraient que l’appelante maintienne en vigueur des lettres de garantie au montant de 3 milliards de dollars si elle tentait d’obtenir l’accès aux marchés canadiens des effets de commerce sans garantie explicite. L’appelante ne pouvait pas négocier de lignes de crédit sans le soutien explicite de sa société mère.

ANALYSE

Legislation pertinente

[178]     J’examine maintenant les thèses opposées défendues par les parties avant d’aborder la preuve en l’espèce.

La note de crédit sur une base indépendante constitue-t-elle la bonne méthode analytique?

[179]     Il est constant que les différences de libellé entre le paragraphe 69(2) et l’alinéa 247(2)a) de la LIR ne sont pas significatives aux fins du présent appel. Il est également constant que c’est l’opération organisée par les sociétés qui fait l’objet de l’analyse sur le prix de transfert. Il y a controverse sur les caractéristiques pertinentes sur le plan économique de l’entente de garantie dont je dois tenir compte pour déterminer un prix sans lien de dépendance pour l’opération de garantie.

[180]     L’appelante soutient que l’approche de l’intimée est erronée parce que le paragraphe 69(2) et l’alinéa 247(2)a) exigent que je situe l’appelante et GECUS de façon opposée l’une à l’autre comme des parties sans lien de dépendance afin de déterminer si le prix convenu correspond à la norme de pleine concurrence. Selon l’intimée, vu le libellé du paragraphe 69(2), je suis appelé à rechercher si le montant versé était supérieur au montant qui « aurait été raisonnable dans les circonstances si la personne non‑résidente et le contribuable n’avaient eu aucun lien de dépendance ». La notion de « soutien implicite » qu’a invoquée la Couronne pour me convaincre que la note de crédit de l’appelante serait égalisée avec celle de GECUS exige que l’on conserve la relation avec un important lien de dépendance que le paragraphe 69(2) et l’alinéa 247(2)a) m’invitent à écarter. Autrement dit, les pressions sur la réputation qui peuvent amener GECUS à soutenir l’appelante en période de tension financière existent parce que l’appelante serait une filiale essentielle. Ce type de pression n’existe pas dans le cadre d’une relation sans lien de dépendance. Il faut écarter tous les facteurs d’influence découlant de la relation avec lien de dépendance pour garantir un résultat qui reflète l’absence de lien de dépendance. Le risque couru par une partie à une opération n’a aucune incidence sur le risque de défaut de l’autre partie avant la conclusion de l’entente de garantie. En l’espèce, le défaut de l’appelante de respecter ses obligations financières ternirait la réputation de sa société mère parce qu’on s’attend à ce que les émetteurs notés AAA ne laissent pas leurs filiales essentielles faire défaut.

[181]     Je suis d’avis qu’il faut procéder à l’analyse minutieuse du régime des règles sur le prix de transfert pour trancher cette question. Puisqu’il est constant qu’il n’existe aucune distinction significative entre la portée du paragraphe 69(2) et celle de l’alinéa 247(2)a) de la LIR, je me pencherai sur ce texte-ci parce qu’il est plus complet et constitue le dernier mot du législateur fédéral sur la question.

[182]     L’alinéa 247(2)a) de la LIR dispose que les règles canadiennes sur le prix de transfert visent les parties qui ont un lien de dépendance. Pour l’application de la LIR, les personnes liées sont réputées avoir un lien de dépendance[216]. En ce qui concerne la société, l’alinéa 251(2)b) de la LIR dispose qu’elle est liée à :

(i) une personne qui contrôle la société si cette dernière est contrôlée par une personne,

(ii) une personne qui est membre d’un groupe lié qui contrôle la société,

(iii) toute personne liée à une personne visée au sous-alinéa (i) ou (ii).

[183]     De même, l’alinéa 251(2)c) dispose que deux sociétés sont considérées liées :

(i) si elles sont contrôlées par la même personne ou le même groupe de personnes,

(ii) si chacune des sociétés est contrôlée par une personne et si la personne contrôlant l’une des sociétés est liée à la personne qui contrôle l’autre société,

(iii) si l’une des sociétés est contrôlée par une personne et si cette personne est liée à un membre d’un groupe lié qui contrôle l’autre société,

(iv) si l’une des sociétés est contrôlée par une personne et si cette personne est liée à chaque membre d’un groupe non lié qui contrôle l’autre société,

(v) si l’un des membres d’un groupe lié contrôlant une des sociétés est lié à chaque membre d’un groupe non lié qui contrôle l’autre société,

(vi) si chaque membre d’un groupe non lié contrôlant une des sociétés est lié à au moins un membre d’un groupe non lié qui contrôle l’autre société.

[184]     Le fil conducteur de tous ces cas est le contrôle de droit. Le contrôle en droit s’entend du droit de contrôle découlant de la propriété des actions comportant la majorité des droits de vote qui peuvent être exercés pour l’élection de la majorité des administrateurs au conseil d’une société.

[185]     Selon l’alinéa 251(1)c), est une question de fait la question de savoir si des parties non liées ont un lien de dépendance. La jurisprudence a construit les critères suivants à cet égard :

a)    Un seul cerveau dirige‑t‑il les négociations pour les deux parties à la transaction?

b)    Les parties à la transaction agissent-elles de concert sans intérêts distincts?

c)    Y a‑t‑il exercice effectif du contrôle?

Le fil conducteur en l’espèce est le contrôle effectif.

[186]     Il est constant que GECUS et l’appelante sont liées et ont un lien de dépendance en raison du contrôle de droit que la première exerce sur la dernière.

[187]     Selon l’alinéa 247(2)a), le juge des faits est aussi tenu d’appliquer le principe de pleine concurrence pour rechercher s’il y a lieu d’ajuster le montant autrement déterminé pour l’application de la LIR pour qu’il corresponde « à la valeur ou à la nature » des montants qui auraient été déterminés si les conditions de l’opération avaient eu lieu entre parties sans lien de dépendance. En l’espèce, voici le noeud du litige : la commission de garantie versée par l’appelante à GECUS est-elle supérieure à un prix établi sans lien de dépendance? Il y a deux thèses opposées qui sont défendues devant moi à ce sujet. Les facteurs pertinents sur le plan économique doivent-ils être tous pris en considération dans la détermination d’un prix établi sans lien de dépendance pour l’opération afin qu’on en arrive à une comparaison significative, comme le soutient la Couronne? Selon le régime des alinéas 247(2)a) et c), faut-il écarter tous les facteurs propres au lien de dépendance doivent être écartés, comme l’affirme l’avocat de l’appelante? Que disent les dispositions pertinentes sur le prix de transfert à cet égard? Avant de répondre à cette question, il est important de rappeler les principes pertinents d’interprétation des lois.

[188]     Les termes d’une loi ne peuvent pas être modifiés par une analyse textuelle, contextuelle et téléologique lorsqu’ils sont clairs. Il faut simplement interpréter les termes ou expressions selon leur sens ordinaire, ce qu’on appelle souvent la règle du sens ordinaire. Toutefois, les expressions « sans lien de dépendance » et « avec lien de dépendance » sont des créations de la loi. Il ne s’agit pas de termes utilisés dans le langage courant dont on peut facilement établir le sens ordinaire. En l’espèce, les parties ont débattu de la question de savoir comment l’expression « sans lien de dépendance » doit être interprétée dans un monde hypothétique, ce qui rend nécessairement quelque peu incertain l’effet juridique et concret de l’opération. Vu que le sens ordinaire de cette expression n’est pas clair, il faut effectuer une analyse textuelle, contextuelle et téléologique pour en préciser le sens au regard du prix de transfert.

[189]     La Cour suprême du Canada a énoncé ainsi la méthode moderne d’interprétation des lois dans l’arrêt Hypothèques Trustco Canada c. Canada[217] :

10        Il est depuis longtemps établi en matière d’interprétation des lois qu’« il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » : voir 65302 British Columbia Ltd. c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 804, par. 50. L’interprétation d’une disposition législative doit être fondée sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique destinée à dégager un sens qui s’harmonise avec la Loi dans son ensemble.

[Non souligné dans l’original.]

[190]     On attribue souvent la paternité de la règle moderne à E.A. Driedger, selon lequel [traduction] « il faut lire les mots d’une loi dans leur contexte global en suivant leur sens grammatical et ordinaire qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur »[218].

[191]     Comme il a été souligné dans Ministre du Revenu national c. Sheldon’s Engineering Ltd.[219], en ce qui concerne l’expression « sans lien de dépendance » :

[traduction]

La Loi de l’impôt sur le revenu [...] ne vise pas à définir le sens général de l’expression; elle ne fait qu’énoncer certaines circonstances où des personnes sont réputées ne pas traiter sans lien de dépendance les unes avec les autres.

[192]     Bien que de nombreuses décisions, y compris dans le domaine de la fiscalité, aient tenté de définir l’expression « lien de dépendance », peu ont porté sur l’expression contraire, à savoir le sens de l’expression « sans lien de dépendance ».

[193]     Le juge Porter a examiné attentivement le sens de l’absence de lien de dépendance dans la décision Crawford & Co. c. Canada[220]. La disposition examinée, soit le paragraphe 5(2) de la Loi sur l’assurance-emploi[221], fait référence à l’alinéa 251(1)b) de la LIR aux fins d’éclaircissement sur la question du lien de dépendance. Comme l’a souligné le juge Porter, la majorité des affaires où l’expression « sans lien de dépendance » a été examinée au Canada étaient des affaires où « il s’agissait d’une seule personne (morale ou physique) qui contrôlait les deux parties à une opération particulière ». Plus précisement, il a fait les observations suivantes :

29        Cependant, le simple fait que ces causes faisant jurisprudence comportaient de telles situations factuelles ne signifie pas que des personnes ayant ordinairement un lien de dépendance ne peuvent en fait traiter l’une avec l’autre à un moment donné comme des personnes sans lien de dépendance, pas plus que cela ne signifie que des personnes n’ayant ordinairement aucun lien de dépendance ne pourraient de temps à autre traiter l’une avec l’autre comme des personnes ayant un lien de dépendance. Ces causes sont tout simplement des exemples de ce que n’est pas une relation entre personnes sans lien de dépendance; elles ne définissent pas en termes positifs ce qu’est une opération entre personnes sans lien de dépendance. Ainsi, au bout du compte, tous les faits doivent être pris en considération, et tous les critères pertinents énoncés dans la jurisprudence doivent être appliqués.

[194]     Le sens du lien de dépendance a été examiné dans une affaire ne relevant pas du droit fiscal par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans l’arrêt Re Galaxy Sports Inc.[222], laquelle a défini cette notion comme signifiant l’absence [traduction] « de dépendance, de contrôle ou d’influence entre la société et la personne en question », en ce sens que celle-ci ne dispose d’aucun levier moral ou psychologique suffisant pour diminuer ou peut-être influencer le libre arbitre de celle-là.

[195]     Est plus conforme à la théorie économique la définition consacrée par la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta dans l’arrêt Pocklington Foods Inc. c. Alberta (Provincial Treasurer)[223] :

[traduction]

197      En supposant que les parties n’avaient pas de lien de dépendance, la négociation est envisagée entre des parties qui ont des intérêts opposés, chacune ayant un intérêt économique à l’égard de l’issue.

[196]     Compte tenu de ces autorités, la notion de « traiter sans lien de dépendance » utilisée dans le contexte des règles sur les prix de transfert afin de déterminer un prix du marché pour une opération renvoie à la manière dont des parties indépendantes négociant l’une avec l’autre sur le marché se comporteraient – le vendeur ou le fournisseur de service, en vue d’obtenir le prix le plus élevé ou des conditions les plus favorables pour ses biens ou services, et l’autre partie, l’acheteur, en vue d’acquérir les biens ou services au prix le plus bas.

[197]     En fin de compte, le principe de « pleine concurrence » dans le contexte du prix de transfert découle de la théorie économique moderne, laquelle est fondée sur les observations sur la façon dont les parties agissent sur le marché. La théorie économique présume que les agents économiques emploient une analyse coût/bénéfice lorsqu’ils choisissent parmi les différentes possibilités pour atteindre leurs objectifs commerciaux. Le principe de pleine concurrence intègre aussi d’autres caractéristiques du comportement humain général. Les agents économiques recherchent tous les renseignements pertinents, y compris les renseignements qui les aident à comprendre les raisons pour lesquelles l’autre partie conclut une opération avec eux. M. Becker a avancé ces notions dans son rapport et pendant son témoignage à l’audience.

[198]     Il s’agit dans donc d’une question de fait; plus précisément, il faut cerner les caractéristiques pertinentes sur le plan économique de l’opération qui peuvent influencer les parties sans lien de dépendance dans leurs négociations.

[199]     Je suis d’avis que l’avocat de l’appelante a méconnu le principe de pleine concurrence lorsqu’il m’a indiqué que la notion de « soutien implicite » devait être écartée parce qu’elle tire son origine de la relation avec lien de dépendance. Cette notion n’a rien à voir avec l’exercice du contrôle de fait ou de droit qui définit la relation avec lien de dépendance. La pression sur la réputation est exercée par les porteur de titres de créance de GECUS. Ce sont ces porteurs qui réagiraient négativement si GECUS permettait que l’appelante manque au remboursement de ses titres de créance. Le fait que GE et GECUS apprécient leur note de AAA est bien connu sur le marché. Dans de nombreux cas, ce sont GE et GECUS qui ont annoncé publiquement l’importance de leur note de crédit de AAA dans leurs communiqués et leurs rapports annuels[224].

[200]     Je peux facilement imaginer comment, à l’heure actuelle, l’investisseur légendaire Warren Buffett aurait su que GE appréciait sa note de crédit de AAA et que la perte de cette note donnerait lieu à d’importantes charges financières supplémentaires pour toutes ses activités. Il ne fait pas de doute que ce facteur aurait été pris en considération dans l’élaboration des conditions, la détermination du taux de dividende et la prime de conversion des actions privilégiées de GE que Berkshire Hathaway a souscrites[225]. Manifestement, GE aurait soupesé les avantages et les inconvénients d’un placement privé par rapport à un appel public à l’épargne ou au lobbyisme auprès du gouvernement américain en vue d’un soutien au crédit ou d’appui. Les investisseurs et les bénéficiaires d’investissements qui réussissent tentent évidemment toujours d’utiliser tous les renseignements et la situation actuelle à leur avantage.

[201]     Il ressort de la preuve, qui est analysée plus loin dans le présent jugement, que toute personne concluant un contrat avec GE ou GECUS saurait que ceux‑ci veulent préserver leur note élevée. M. Chambers, qui a témoigné pour l’appelante, accepte le fait qu’un soutien implicite peut mener à une augmentation de deux niveaux de la note de crédit de l’appelante pour les titres de créance non garantis par rapport à une note indépendante. La question de fait qui se pose est donc la suivante : cette méthode de négociation serait-elle couronnée de succès, compte tenu des autres faits et circonstances pertinents, dont certains sont manifestement défavorables, qui seraient pris en considération lors de négociations sans lien de dépendance?

[202]     Mon interprétation du principe de « pleine concurrence » utilisé dans le contexte du paragraphe 247(2) concorde avec la décision GlaxoSmithKline Inc. c. La Reine[226], rendue par mon collègue, le juge en chef adjoint Rip (tel était alors son titre). Dans cette affaire, il a reconnu que le principe de pleine concurrence énoncé dans les Principes de l’OCDE nous éclaire ainsi sur l’interprétation et l’application correctes de l’ancien paragraphe 69(2) :


59     Le paragraphe 69(2) de la Loi est analogue au paragraphe 9(1) du Modèle de Convention de double imposition de l’OCDE concernant le revenu et la fortune. En 1979, l’OCDE a publié des commentaires sur l’analyse de l’établissement des prix de transfert. L’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») se fonde sur les principes de l’OCDE en établissant ses cotisations : Circulaire d’information 87-2 du 2 février 1987, intitulée Fixation du prix des transferts internationaux et autres transactions internationales. La circulaire d’information 87-
2 a été remplacée le 27 septembre 1999 par la circulaire 87-2R, intitulée Prix de transfert international. La Cour d’appel fédérale a dit : « On semble s’entendre sur le fait que les Principes de l’OCDE éclairent ou devraient servir à éclairer l’interprétation et l’application du paragraphe 69(2) ».

60     Les Principes de l’OCDE portant sur le paragraphe 9(1) sont fondés sur le principe du prix de pleine concurrence aux fins de la détermination des prix que les entreprises multinationales (les « EMN ») exigeraient pour les biens et les services vendus d’un ressort à un autre. Le principe de pleine concurrence tient compte du fait que les prix demandés par les entreprises indépendantes sont fonction des forces du marché lorsque ces entreprises traitent les unes avec les autres. Les Principes reconnaissent que les transferts entre les EMN ne sont pas forcément le résultat du libre mécanisme du marché, mais qu’ils peuvent plutôt avoir été adoptés par souci de commodité pour les EMN. Par conséquent, les prix fixés par une EMN peuvent être fort différents des prix dont conviennent entre elles des personnes sans lien de dépendance effectuant les mêmes transactions ou des transactions similaires dans les mêmes conditions ou dans des conditions similaires.

[203]     Le juge en chef adjoint Rip appliquait les principes consacrés par la Cour d’appel fédérale dans la décision SmithKline Beecham Animal Health Inc. c. Canada[227].

[204]     Selon le paragraphe 1.6 des Principes de l’OCDE, la notion de parties indépendantes sert à l’ajustement des bénéfices « aux conditions qui prévaudraient entre entreprises indépendantes pour des transactions et dans des circonstances comparables »[228]. Le paragraphe 1.15 des Principes de l’OCDE précise ce principe en ces termes :

L’application du principe de pleine concurrence se fonde généralement sur une comparaison entre les conditions pratiquées pour une transaction entre entreprises associées et celles pratiquées pour une transaction entre entreprises indépendantes. Pour qu’une telle comparaison soit significative, il faut que les caractéristiques économiques des situations prises en compte soient suffisamment comparables. Cela signifie qu’il ne doit pas y avoir de différences entre les situations comparées pouvant notamment influer sur l’élément examiné du point de vue méthodologique (par exemple le prix ou la marge bénéficiaire) ou si des correctifs suffisamment fiables peuvent être utilisés pour éliminer l’incidence de telles différences. [...] Cet élément doit être pris en compte pour la comparabilité, puisque des entreprises indépendantes tiennent généralement compte de toutes les différences économiquement significatives entre les options réalistes qui s’offrent à elles (et notamment des différences de niveau de risque ou aux autres facteurs de comparabilité qui sont évoqués ci‑dessous) lorsqu’elles évaluent ces options.

[Non souligné dans l’original.]

[205]     On explique ainsi clairement l’importance de conserver les caractéristiques économiques pertinentes de l’opération contrôlée afin de garantir la fiabilité des comparaisons avec les opérations non contrôlées.

Faut‑il faire jouer l’alinéa 18(1)a) pour confirmer les nouvelles cotisations?

[206]     L’avocat de l’appelante critique aussi la méthode suivie par l’intimée en l’espèce au motif que le ministre n’a pas posé une question cruciale qu’appellent le  paragraphe 69(2) et l’alinéa 247(2)a) de la LIR. Selon l’appelante, la thèse de la Couronne ne peut être retenue que s’il est décidé que la garantie explicite n’était pas nécessaire dans les circonstances puisque la note de crédit de l’appelante aurait été égalisée avec celle de sa société mère de toute manière. Selon l’appelante, aux termes du paragraphe 69(2) et de l’alinéa 247(2)a) de la LIR, le ministre est tenu de s’informer sur la façon dont les parties avec lien de dépendance auraient fixé le prix de l’opération dans des circonstances similaires. Cela n’a pas été fait. La Couronne n’a pas produit d’élément de preuve d’établissement de prix à l’audience comme l’exigeaient les dispositions en question.

[207]     Je suis d’avis que l’avocat de l’appelante a trop simplifié l’approche adoptée par la Couronne dans cette affaire. En fait, l’intimée n’a pas soutenu que la commission de garantie n’avait pas été engagée en vue du gain d’un revenu, ce qui est le critère prescrit par l’alinéa 18(1)a). Le point de départ de l’approche de la Couronne est la solvabilité de l’appelante avant la mise en œuvre de la garantie explicite. L’intimée soutient que l’objet d’une garantie est le soutien au crédit. Pour conclure si, dans les faits, la garantie explicite atténuait le risque de défaut sur les titres de créance de l’appelante, il faut d’abord déterminer la note de crédit de l’appelante sans la garantie explicite.

[208]     Selon l’intimée, puisque la garantie ne soutient pas le crédit de l’appelante, celle‑ci n’aurait pas conclu le contrat de garantie avec GECUS si les parties n’avaient pas été liées. L’intimée affirme qu’un émetteur noté AAA ne conclurait pas de contrat de garantie dans des circonstances similaires.

[209]     Autrement dit, en raison du soutien implicite, il y a égalisation des notes entre l’appelante et sa société mère plus solide, GECUS. Dans ce cas, l’appelante n’aurait aucune raison de rechercher un tiers garant sur le marché. Quelqu’un pourrait être prêt à fournir la garantie en contrepartie d’un prix supérieur à zéro, mais l’appelante ne serait pas prête à l’acheter si elle ne conférait aucun avantage économique. Il n’est donc pas surprenant de ne pas pouvoir trouver de données du marché pouvant servir à l’établissement du prix de l’opération.

[210]     Je retiens cette thèse. Je suis d’avis que la personne sans lien de dépendance ne conclurait pas un contrat visant un service si elle estimait que le service ne lui procurerait aucun avantage dans les circonstances. Je conclus que l’argument qui précède est convaincant sur ce point, dans la mesure où la preuve examinée plus loin dans le présent jugement démontre que l’appelante n’a tiré aucun avantage ou presque de l’entente de garantie.

[211]     Je souligne que la jurisprudence sur une disposition similaire au paragraphe 69(2) et à l’alinéa 247(2)a) ne conforte pas la thèse de l’appelante selon laquelle aucune de ces dispositions ne peut jouer pour éliminer entièrement la dépense. Selon la jurisprudence, le ministre peut invoquer l’article 67 de la LIR pour refuser la déduction d’une dépense, en tout ou en partie, si l’on peut démontrer que la dépense n’était pas raisonnable dans les circonstances. L’article 67 s’applique en grande partie de la même façon que le paragraphe 69(2). Cette dernière disposition met l’accent sur le caractère raisonnable d’une dépense engagée par un contribuable dans une opération transfrontalière entre parties liées.

[212]     Cette question a été examinée par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Hammill c. Canada[229]; elle a alors rejeté l’argument de l’appelant selon lequel on ne pouvait se servir de l’article 67 pour réduire une dépense à zéro :

52        Dans le cadre de sa formulation de « l’approche recommandée », la Cour suprême a défini l’article 67 comme le moyen législatif de contrôler les dépenses excessives ou injustifiées une fois établie l’existence d’une source de revenu. Elle propose les remarques suivantes au paragraphe 57 :

[...] Si la déductibilité d’une dépense particulière est en cause, ce n’est pas l’existence d’une source de revenu qui doit être mise en doute, mais plutôt le lien entre cette dépense et la source à laquelle elle est censée se reporter. Le fait qu’une dépense soit considérée comme faisant partie des frais personnels ou de subsistance n’influe aucunement sur la qualification de la source de revenu à laquelle le contribuable tente de rattacher la dépense; cela signifie simplement que la dépense ne peut être rattachée à la source de revenu en question. De même, si, dans les circonstances, la dépense est déraisonnable eu égard à la source de revenu, alors l’art. 67 de la Loi établit un mécanisme permettant d’en réduire ou d’en supprimer le montant. Là encore, toutefois, des dépenses excessives ou déraisonnables n’ont aucune incidence sur la qualification d’une activité comme étant une source de revenu. [Non souligné dans l’original.]

53        Le choix des termes (réduire ou supprimer) n’a en l’occurrence rien de fortuit. La Cour suprême définissait l’article 67 comme le moyen légitime d’apprécier le caractère raisonnable d’une dépense une fois établie l’existence d’une entreprise. Elle le faisait après avoir expliqué que, au premier niveau de l’examen (c’est‑à‑dire, celui qui concerne l’existence d’une source de revenu et le rapport entre une dépense donnée et cette source), les tribunaux ne devraient pas contester le jugement commercial du contribuable (Stewart, précité, paragraphes 55, 56 et 57). L’article 67 se trouvait ainsi caractérisé comme étant la disposition législative autorisant un examen du caractère raisonnable de la dépense. À mon sens, la Cour suprême a établi dans Stewart qu’il n’existe pas de limite intrinsèque à l’application de l’article 67 et que, lorsque les circonstances le justifient, celui‑ci peut être invoqué pour refuser la déduction de la totalité d’une dépense, si son caractère déraisonnable est établi.

[213]     Je ne vois aucune raison d’écarter ce principe en l’espèce. Pendant les débats, j’ai demandé à l’avocat de l’appelante s’il convenait avec moi que son approche signifiait que le ministre ne pouvait pas contester un service de gérance ou un service opérant dédoublement en fonction des règles sur les prix de transfert invoquées en l’espèce. L’avocat de l’appelante a abondé dans mon sens. Je suis d’avis que, vu les principes énoncés dans l’arrêt Hammill, cet argument est mal fondé. Une charge de prix de transfert peut être éliminée en fonction des règles sur les prix de transfert sans qu’il y ait recours à l’alinéa 18(1)a), pourvu qu’il soit établi que la valeur de l’avantage tiré du service est nulle.

Le rôle des témoins experts

[214]     Avant d’entreprendre une analyse détaillée des témoignages et des opinions techniques présentés par les experts à l’audience, je suis d’avis qu’il serait utile de nous rappeler du rôle que l’expert est appelé à jouer et de l’approche que le juge de première instance doit suivre lorsqu’il entend son opinion.

[215]     Tout d’abord, en ce qui concerne le témoignage d’expert, je suis d’avis qu’il est essentiel que le juge comprenne entièrement l’opinion du témoin avant de décider de la retenir en tout ou en partie, ou de la rejeter. Je présume que les avocats des deux parties ont consacré beaucoup de temps à comprendre les opinions que les experts ont eu à formuler à l’audience. Les avocats des deux parties ont démontré qu’ils étaient extrêmement bien préparés pour l’audience et avaient acquis une maîtrise des renseignements et des théories financiers très techniques. J’ai complimenté les deux parties à la fin de l’audience pour leur minutie. Néanmoins, plusieurs des points techniques couverts par les experts de chaque partie appelaient de nombreuses précisions. Par exemple, le modèle des nombres premiers à deux chiffres de différence Z‑score de M. Altman qu’a utilisé M. Saunders dans son rapport est très technique et difficile à comprendre à première vue par le profane.

[216]     Bryant, Lederman et Fuerst s’expriment ainsi dans The Law of Evidence in Canada :

[traduction]

Le témoin expert doit fournir une aide indépendante à la Cour et ne doit pas jouer le rôle d’un plaideur. L’expert doit énoncer les faits ou les hypothèses sur lesquels son avis est fondé et ne doit pas omettre d’examiner les faits importants qui affaiblissent sa conclusion[230].

[217]     De même, Jean‑Claude Royer, dans La preuve civile, décrit ainsi la responsabilité de l’expert : « L’expert doit être impartial. Son rôle est d’éclairer le tribunal et non d’être l’avocat d’une partie »[231].

[218]     Deuxièmement, après avoir écouté les experts, j’ai remarqué qu’il leur est facile dans le feu de l’action d’oublier l’avis souvent répété par les avocats des parties. Le rôle de l’expert consiste à exprimer, sur un sujet technique, une opinion impartiale que la Cour estime utile d’entendre et qui est pertinente à l’objet de l’affaire, ni plus ni moins.

[219]     Je comprends la position difficile dans laquelle notre système juridique place les témoins experts, et puisqu’ils se trouvent dans une telle position, leur déposition peut parfois être biaisée, à mon sens. J’ajouterai que cette conséquence n’est pas nécessairement la faute de l’expert mais qu’elle est une conséquence de la pression qui lui est imposée par le système. Les experts savent qu’il est plus facile d’obtenir des missions lorsque leurs opinions sont souvent retenues par les tribunaux.

[220]     Par exemple, Glenn R. Anderson fait valoir, dans son traité intitulé Expert Evidence, que le parti-pris de l’expert n’est pas toujours malhonnête ni ne constitue toujours une tentative délibérée de tromper ou d’égarer la Cour.

[traduction]  

Les attitudes et les attentes inhérentes au système contradictoire favorisent certaines croyances au sujet du rôle du témoin expert. Certains témoins experts estiment sincèrement qu’il leur appartient d’aider les personnes qui les engagent par tous les moyens permis par leurs connaissances spécialisées. Ces experts sont partiaux, mais pas nécessairement malhonnêtes. Ils omettent cependant d’accomplir leur principale obligation d’aider les juges et les jurés[232].

[221]     Le protonotaire Sandler de la Cour supérieure de justice de l’Ontario analyse aussi cette difficulté dans la décision Peter Lombardi Construction Inc. c. Colonnade Investments Inc.[233]; il a alors accordé peu de poids à la déposition de deux témoins experts dont l’objectivité et l’indépendance ont été compromises en partie en raison des « exigences du litige ».

[traduction]

420      Pour rendre une décision sur une question particulière alors que les opinions et les valeurs qui m’ont été présentées par M. Doherty et M. Hand étaient contradictoires, j’ai parfois retenu l’opinion de M. Doherty et parfois celle de M. Hand, et parfois je n’en ai retenu aucune et j’en suis venu à ma propre appréciation en fonction des probabilités et du caractère raisonnable entourant une question donnée [...]

[222]     Le protonotaire Sandler a conclu que les témoins experts sont devenus des défenseurs d’une position donnée sur certaines questions et [traduction] « ont laissé leur obligation envers leurs clients respectifs l’emporter sur leur obligation d’aider la Cour à rendre une décision correcte »[234].

[223]     Dans une autre affaire, le protonotaire Sandler a accordé plus de poids au témoignage d’un expert militant. Il a fait valoir que l’expert était allé « trop loin » dans ses opinions et a bien pris soin de souligner qu’aucun des témoins d’opinion déposant dans ce procès n’était à l’abri de problèmes de crédibilité comme le parti-pris et le manque d’objectivité[235]. Le protonotaire Sandler a ensuite cité les observations du juge Feldman dans la décision Interamerican Transport Systems Inc. c. Canadian Pacific Express and Transport Ltd.[236] :

[traduction]

61        Le témoin expert doit aider la Cour à comprendre les choses qui sont au‑delà de l’expertise du juge des faits. Ce témoin n’est pas le défenseur d’une partie, mais un expert indépendant. Bien entendu, les témoins experts sont rémunérés par la partie qui les fait entendre, ce qui pourrait en soi être considéré nuire à leur indépendance. La Cour examine la façon dont l’expert témoigne, notamment si l’expert assume le rôle de défenseur d’une partie, ou demeure objectif, lorsqu’il pondère la preuve et attribue une valeur à son opinion. Si l’expert adopte une attitude neutre, le fait qu’il soit payé ou que le défendeur soit son client ne portera pas à conséquence, mais tel ne sera pas le cas s’il semble perdre sa neutralité. Dans ce cas, la valeur de son témoignage peut diminuer considérablement[237].

[224]     Dans l’affaire Fenwick c. Parklane Nurseries Limited[238], le juge MacFarland a conclu que le témoin expert de l’appelant était partial et a accordé peu de poids à son témoignage.

[traduction]

35        Généralement, les tribunaux accordent aux témoins experts beaucoup de respect. Cela s’explique par le fait que ces personnes possèdent une expertise dans un domaine donné d’activités où les profanes ont besoin d’aide. La marque du témoin expert est qu’il exerce son jugement professionnel indépendant dans son appréciation des faits d’une affaire donnée. Lorsqu’il semble que le témoin que l’on a produit comme expert n’a pas cette indépendance professionnelle mais a plutôt pris fait et cause pour son client qui paie les factures, la Cour sera extrêmement réticente à accorder beaucoup de poids à ses opinions.

[225]     Encore une fois, dans l’affaire Shearsmith c. Houdek, le juge Romilly a accordé peu de poids au témoignage de l’expert qui était davantage le défenseur d’une partie qu’un témoin d’opinion objectif[239].

[226]     Tout bien considéré, les juges doivent veiller à ce que les experts se conforment à leur rôle d’amis de la Cour; ils doivent décider si l’expert s’est écarté de ce rôle et si sa déposition est préjudiciable à l’intérêt de la justice[240]. Comme l’exemple précédent l’illustre, les tribunaux canadiens ont simplement, dans certains cas, disqualifié les témoins d’opinion pour avoir joué le rôle de défenseurs, tandis que dans d’autres cas, les juges ont accordé peu de poids au témoignage de ceux-ci. Cependant, tous les tribunaux ont conclu qu’un manque d’objectivité, de neutralité et d’indépendance a, à tout le moins, un effet considérable sur le poids à accorder au témoignage d’expert, si ce témoignage n’est pas simplement déclaré inadmissible au départ.

[227]     Je suis d’avis qu’il incombe au juge de première instance de veiller à ce que l’expert qui témoigne devant lui n’a pas, par inadvertance ou délibérément, enfilé une toge d’avocat lorsqu’il a fait valoir son opinion devant la Cour. Souvent, une telle conduite inappropriée ne peut être découverte qu’au moyen de questions directes du juge à l’expert. Le contre-interrogatoire de l’avocat adverse exposera aussi souvent une telle conduite, mais pas toujours. De toute manière, voilà un moment que l’on ne compare plus le juge à un sphinx. Le silence du juge n’est plus considéré garantir l’impartialité et la neutralité dans le processus décisionnel. En 1985, le juge Lamer (tel était alors son titre) a fait remarquer dans l’arrêt Brouillard dit Chatel c. La Reine[241] :

17        [...] il est clair que l’on n’exige plus du juge la passivité d’antan; d’être ce que, moi, j’appelle un juge sphinx. Non seulement acceptons-nous aujourd’hui que le juge intervienne dans le débat adversaire, mais croyons-nous aussi qu’il est parfois essentiel qu’il le fasse pour que justice soit effectivement rendue. Ainsi un juge peut et, parfois, doit poser des questions aux témoins, les interrompre dans leur témoignage, et au besoin les rappeler à l’ordre.

[Non souligné dans l’original.]

[228]     Cette tendance moderne est fondée sur le principe que le rôle principal du juge consiste à discerner la vérité. Les parties ne peuvent pas toutes se permettre d’embaucher les meilleurs avocats et n’ont parfois pas les moyens d’obtenir du tout les services d’un avocat. L’augmentation importante des coûts a restreint l’accessibilité des tribunaux. Le juge Rinfret, de la Cour du Banc de la Reine du Québec, qui est maintenant la Cour d’appel du Québec, a décrit ainsi les deux théories opposées :

La question à se poser est bien la suivante : En quoi consiste la justice?

Un juge doit‑il, sans mot dire, écouter les témoignages, entendre les arguments et se restreindre à décider uniquement sur la preuve et les arguments que veulent bien lui soumettre les avocats au dossier?

Un juge doit‑il, s’il s’aperçoit que, par inadvertance, incapacité ou ignorance, un avocat oublie de faire une preuve ou de présenter un argument, rendre une décision qu’il sait inéquitable pour les autres parties?

Le client doit‑il souffrir de la maladresse de son avocat?

Certaines personnes soutiennent l’affirmative, elles sont de l’école que le juge doit s’en tenir strictement et rigoureusement à ce qu’on lui présente et que les avocats, et non le juge, sont les maîtres du procès.

L’autre théorie veut, au contraire, que le seul maître du procès soit le juge et que c’est à lui à le diriger dans les meilleurs intérêts de la justice. Pour ce faire, le juge se doit de s’enquérir de tous les faits, même de ceux qu’on aurait, pour une raison ou pour une autre, omis de lui soumettre; il se doit de soulever des questions de droit, même si elles ne lui sont pas soumises, pourvu que, dans chaque cas, il donne aux parties ou à leurs avocats l’opportunité de les débattre.

Le droit ou, si l’on veut, la justice n’est pas affaire de surprise ou de technicalités.

Il est du devoir du juge de faire le plus de lumière possible sur la question, de rectifier la situation et de suppléer à la maladresse ou à l’ignorance de l’avocat, si besoin est. C’est ainsi que je comprends la justice.

Le juge ne doit pas, cependant, faire perdre aux parties leurs droits acquis, et c’est dans l’exercice de sa discrétion qu’il verra à protéger ceux‑ci[242].

[229]     Il est loisible au juge d’intervenir dans l’instance dans l’intérêt de la vérité, pourvu qu’il donne aux deux parties toute la latitude nécessaire pour répondre aux points soulevés par ces questions. Plus récemment, la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt NCJ Educational Services Limited c. Canada (Revenu national)[243] a tempéré la conception plus traditionnelle du rôle du juge qui a été exposée dans l’arrêt James c. The Queen[244] en observant que celui-ci n’enseigne pas que le juge doit s’abstenir d’intervenir; il doit plutôt s’abstenir de trop intervenir. Le juge Desjardins cite le passage suivant du manuel A Book for Judges[245] dont l’auteur est l’honorable J.O. Wilson à l’appui de cette conception plus moderne de la justice :

[traduction]

La règle n’interdit pas toute intervention; elle interdit l’intervention excessive. Edmund Burke a dit ce qui suit : « le juge n’est pas placé dans ce poste élevé pour être le simple arbitre des parties. Il a une autre obligation, indépendante de celle qui précède, et cette obligation consiste à déterminer la vérité. [...] »

 

[Non souligné dans l’original.]

[230]     Je suis d’avis que, lorsqu’on a affaire aux experts, non seulement les questions posées aux fins de précisions sont permises, mais aussi les questions visant à garantir que le témoin expert n’est pas devenu partial, sous réserve du plein droit de l’avocat de poser des questions complémentaires lors de l’interrogatoire en chef ou du contre-interrogatoire et de répondre aux questions soulevées par le juge.

Paramètres de détermination du prix sans lien de dépendance

Définir l’opération hypothétique

[231]     L’intimée a fait entendre deux économistes spécialisés en prix de transfert, à savoir Mme Wright et M. Becker, à titre de témoins experts chargés de donner leur opinion sur les critères d’analyse du prix de transfert. Je conclus que ces deux témoins étaient impartiaux. Ils ont parfois répondu à mes questions inquisitives d’une façon qui ne confortait pas toujours l’intimée dans sa thèse. Ils sont intervenus comme experts impartiaux, et non pas comme des défenseurs, évitant ainsi l’erreur fatale souvent commise par les témoins experts. Ces deux témoins avaient une expérience concrète approfondie dans le domaine du prix de transfert et comptaient de nombreuses publications à leur crédit. Je conclus que leurs opinions ont été très utiles et étaient conformes aux Principes de l’OCDE sur lesquels les règles canadiennes sur les prix de transfert sont fondées.

[232]     Ces deux professionnels ont convenu que la première étape dans un contentieux relatif aux prix de transfert consistait à bien cerner les opérations en cause. En l’espèce, cela signifie identifier les parties à l’opération contrôlée, les fonctions de chaque partie et le risque assumé dans le cadre de l’opération.

[233]     Dans son rapport, M. Becker a observé que [traduction] « il est nécessaire de définir les modalités et les caractéristiques d’une opération en créant une opération hypothétique (sans lien de dépendance). Cette opération hypothétique sert de référence pour l’opération intersociétés sans lien de dépendance. »[246].

[234]     M. Becker a souligné l’importance de faire correspondre les risques de l’opération dans le cas de figure donné. Le risque de crédit a une influence considérable sur la perte éventuelle du garant, de sorte qu’il devrait influencer le prix réclamé. Cela est différent de nombreuses autres types d’opération entre parties liées où le risque peut jouer un rôle beaucoup moins grand. En l’espèce, les caractéristiques de l’opération d’emprunt, à laquelle la garantie est accessoire, ont aussi une influence sur le risque couru.

[235]     Par conséquent, l’une des premières étapes de l’analyse est la détermination de la note des titres de créance de l’appelante avec et sans la garantie. Normalement, le prix de la garantie dépend du risque de défaut assumé par le garant. Plus la note de crédit initiale de l’émetteur sans la garantie est élevée, plus le prix est faible et inversement.

[236]     Comme cela a été mentionné, l’appelante n’avait pas de service de trésorerie. GECUS a centralisé toutes les fonctions de trésorerie de l’appelante au siège social. Selon les instructions fermes de GECUS, seul le groupe de trésorerie de M. Werner pouvait contracter des emprunts et traiter avec les investisseurs, les preneurs fermes et les banquiers. Je déduis de la preuve que tel était le cas parce que GECUS devait rassurer ses investisseurs en leur montrant qu’elle avait mis en œuvre des pratiques financières conservatrices dans toute son organisation. Ce comportement se reflétait dans la note de crédit de AAA de GECUS.

[237]     Le groupe de trésorerie de M. Werner fixait le moment des émissions des titres de créance de l’appelante et en négociait les conditions. Par conséquent, GECUS, le garant, exerçait le contrôle sur le risque de défaut de l’appelante. Un tiers garant ne contrôle pas la fonction financière de son débiteur. Il ne détermine pas comment et quand le débiteur émet les titres de créance. Il ne gère pas les flux de trésorerie du débiteur ni ne contrôle les remboursements de dette.

[238]     Un tiers garant ne contrôle pas l’échéancier à l’égard de sa garantie. L’entente de soutien au crédit est négociée à l’avance pour un terme fixe et convenue par les deux parties, et le débiteur détermine le moment de l’émission des titres de créance. Par conséquent, un tiers garant assume davantage de risques que GECUS en l’espèce. Par exemple, les effets de commerce doivent être refinancés à chaque période de 30, 60 ou 90 jours, selon la date d’échéance des titres de créance. Pour assurer au marché que les titres de créance peuvent être remboursés, il faut que les investisseurs sachent que les émissions de titres de créance ultérieures sont aussi couvertes par la même garantie d’un tiers, autrement le tiers pourrait refuser de garantir les nouveaux titres de créance émis pour remplacer les titres de créance qui viennent à échéance ou réclamer une prime plus élevée pour la garantie. Puisqu’il faut une ligne de crédit pour l’obtention d’une note de crédit de AAA, on peut facilement s’imaginer que le consortium de banques exige que le soutien au crédit d’un tiers soit en vigueur pour toute la durée de la ligne de crédit. Autrement, le consortium de banques courrait un risque beaucoup plus grand.

[239]     La garantie fournie par GECUS à l’appelante n’a pas été établie à l’avance pour une durée fixe. La garantie était ponctuelle et se rattachait seulement à l’émission des effets de commerce, activité que le Service de la trésorerie de GECUS contrôlait dans une certaine mesure dans le cadre de la gestion des liquidités pour l’appelante. Manifestement parce que les parties avaient un lien de dépendance, il était inutile de convenir à l’avance d’un terme pour la garantie. Cette situation aurait été exclue, pour les raisons mentionnées, si une opération avec un tiers avait été conclue. Par conséquent, le garant sans lien de dépendance courrait davantage de risques que GECUS, ce qui appelait un ajustement du prix ou le recours à une autre méthode de détermination du prix sans lien de dépendance. Je suis d’avis que tous ces facteurs seraient différents pour un tiers assureur ou garant; ces facteurs amplifieraient sans aucun doute le risque pour l’assureur ou le garant, ce qui entraînerait une prime plus élevée.

[240]     Me Meghji, avocat de l’appelante, a soutenu que l’on ne doit pas prendre en considération ces facteurs dans la détermination d’un prix sans lien de dépendance au motif que GECUS contrôle ces facteurs en raison de sa participation indirecte dans l’appelante. En termes simples, ce dont il est question ici, c’est d’un avantage revenant à GECUS à titre d’actionnaire. Je suis d’avis que l’argument de Me Meghji est fondé sur la simplification à l’extrême des règles du droit des sociétés applicables à l’appelante.

[241]     En théorie, ou selon le droit des sociétés, les administrateurs gèrent les activités commerciales et les affaires internes de la société ou en surveillent la gestion[247], tandis que les dirigeants dirigent les opérations quotidiennes dans le cadre des politiques et des directives établies par le conseil d’administration élu. Pourtant, en pratique, lorsque les forces économiques entrent en jeu, les dirigeants de grandes sociétés en déterminent la destinée; ils ont la vision de la société; ils en détiennent les rennes; et ils choisissent souvent leurs propres successeurs[248].

[242]     Les actionnaires ont certains droits; par exemple, ils élisent le conseil d’administration. Ces règles juridiques peuvent être modifiées au moyen d’une convention unanime des actionnaires et les actionnaires peuvent s’approprier les pouvoirs du conseil d’administration « de gérer les activités commerciales et les affaires internes de la société ou d’en surveiller la gestion »[249].

[243]     En ce qui concerne les activités quotidiennes de l’entreprise, la Loi canadienne sur les sociétés par actions (la « LCSA ») ne permet pas expressément aux actionnaires de s’approprier les pouvoirs des dirigeants. Selon Bruce Welling, cela [traduction] « concorde, sur le plan de la forme, avec la notion traditionnelle de droit des sociétés voulant que les dirigeants sont des préposés aux pouvoirs limités nommés par le conseil d’administration »[250].

[244]     Dans l’arrêt Duha Printers (Western) Ltd. c. Canada[251], le juge Iacobucci a donné les explications suivantes :

61        [...] En général, les administrateurs ont une responsabilité non pas envers les actionnaires mais envers la société, de sorte que les actionnaires ne pouvaient pas contrôler les décisions quotidiennes des administrateurs concernant l’entreprise ni celles des dirigeants qu’ils avaient désignés. Autrement dit, même si les actionnaires pouvaient élire les personnes qui composeraient le conseil, les membres du conseil, une fois élus, exerçaient pratiquement tout le pouvoir décisionnel, sous réserve de la capacité des actionnaires de révoquer ou de ne pas réélire les administrateurs dont ils n’étaient pas satisfaits.

[Non souligné dans l’original.]

[245]     En tout état de cause, existe toujours la distinction fondamentale voulant que les actionnaires puissent s’approprier le pouvoir de nommer les dirigeants, mais non pas le pouvoir des dirigeants de gérer l’entreprise. C’est ce qui ressort de la lecture minutieuse du paragraphe 146(1) de la LCSA[252].

[246]     Comme le démontre ce qui précède, GECUS ne pouvait pas s’approprier les fonctions de gestion de liquidités de l’appelante en exerçant les droits de vote qu’elle détenait indirectement à l’égard de celle‑ci. Concrètement, elle s’est appropriée la fonction, mais cela n’était pas attribuable au fait qu’elle possédait des actions de l’appelante.

[247]     Je souligne également qu’il faut aussi dûment tenir compte du fait que les titres de créance de l’appelante étaient garantis par GECUS depuis 1998. Les investisseurs de l’appelante s’étaient habitués au fait que ses titres de créance étaient garantis par sa société mère américaine beaucoup plus grande bien avant que GECUS ne décide de réclamer à l’appelante une commission pour cette garantie. Dans des négociations sans lien de dépendance, ce fait ne passerait pas inaperçu. Un garant éventuel, à l’aube des négociations, prévoirait qu’il serait difficile pour le débiteur de convaincre ses investisseurs d’accepter des titres de créance non garantis selon les mêmes conditions que les titres de créance garantis par sa société mère. Les investisseurs attribueraient une moins grande valeur au soutien implicite de la société mère dans ce cas de figure; ils se demanderaient très probablement pourquoi des titres de créance non garantis sont maintenant émis. Le coût d’emprunt serait probablement plus élevé que si les titres de créance de l’appelante n’avaient jamais été garantis par GECUS. Le garant sans lien de dépendance pourrait utiliser cette connaissance comme levier de négociation avec le débiteur. GECUS et l’appelante sont censées négocier en tant que parties sans lien de dépendance. Cet historique de garantie met l’appelante dans une position plus vulnérable, comme le démontre la preuve analysée plus loin dans les présents motifs[253].

[248]     La Couronne soutient que la question en litige en l’espèce ne justifie pas une enquête sur l’incidence du retrait de la garantie. Selon l’intimée, le procès porte sur le prix du maintien de la garantie.

[249]     Il me semble que cet argument est ironique à la lumière de la preuve produite par l’intimée à l’audience. C’est l’intimée qui a insisté pour que le prix sans lien de dépendance de la garantie soit déterminé à l’aide de l’approche fondée sur le taux de rendement. L’intimée sollicitait donc la détermination de la note de crédit de l’appelante avec et sans garantie explicite. On ne peut pas déterminer avec précision la note de crédit de l’appelante en faisant fi du fait qu’une garantie a été fournie pour tous les titres de créance émis auparavant[254]. La Couronne ne peut pas trier les caractéristiques économiques pertinentes des opérations et n’utiliser que les seuls faits qui vont dans le sens de sa thèse. Les témoins de l’appelante et de l’intimée ont reconnu que la garantie antérieure est un fait pertinent qu’on ne peut rejeter du revers de la main dans la détermination d’une note de crédit pour l’appelante sans garantie explicite.

[250]     Cela nous mène à l’étape suivante, laquelle porte sur la juste description de l’analyse par les parties de l’opération hypothétique. M. Becker affirme que le garant hypothétique devrait avoir des caractéristiques similaires à celles de GECUS, à savoir qu’il devrait être une filiale multinationale notée AAA d’une société mère multinationale notée AAA. De même, le débiteur hypothétique devrait être une filiale d’une société multinationale notée AAA. La société mère hypothétique du débiteur devrait être une société exploitant une entreprise de services financiers internationale non réglementée qui emprunte d’importantes sommes sur les marchés internationaux d’effets de commerce.

[251]     Mme Wright a souligné ainsi l’importance de l’évaluation de la comparabilité des opérations, ou l’importance de la méthode suivie pour justifier le prix de transfert :

[traduction]

Une étude minutieuse sur le prix de transfert appellerait des efforts considérables pour savoir si GECUS doit être comparée à une banque ou à une société d’assurance garante parce que cela touche le calcul de la commission de garantie. L’augmentation éventuelle des dépenses d’intérêt de GECUS attribuables au défaut de [l’appelante] est beaucoup plus importante que la commission de garantie qu’une banque ou société d’assurance tierce exigerait [...][255]

La bonne méthode

[252]     Il est constant qu’il n’y a aucune opération comparable non contrôlée. Il est aussi constant que les méthodes du prix de revente et du prix de revient majoré sont inapplicables. Ayant éliminé les méthodes privilégiées fondées sur l’opération, chaque partie a soumis à mon examen des méthodes différentes de détermination du prix.

[253]     L’appelante a qualifié le modèle fondé sur l’assurance et la méthode fondée sur les SDC de méthodes de rechange. L’intimée a présenté la méthode fondée sur la note de crédit de S&P dans le cadre de l’approche axée sur le taux de rendement de l’établissement de la note de crédit de l’appelante sans garantie, selon la théorie que la commission de garantie ne peut pas être supérieure à la valeur de l’avantage découlant du service assuré.

Méthode fondée sur l’assurance

[254]     Au procès, à la suite de l’interrogatoire principal et du contre-interrogatoire de M. Fidelman, j’ai ait avoir de grandes réserves au sujet de la méthode qu’il proposait. Premièrement, M. Fidelman a admis que l’assurance caution était utilisée à titre de soutien au crédit seulement pour les obligations municipales et les titres adossés à des créances. On ne l’a pas utilisée pour atténuer le risque de défaut à l’égard des obligations de sociétés ou des effets de commerce. Je soupçonne que le marché ne s’est pas développé parce que les assureurs attribuent au risque un prix plus élevé que l’avantage perçu par les sociétés émettrices qui ont des sociétés mères en mesure de fournir un soutien au crédit sous forme de garantie ou d’autres types de soutien explicite. En l’espèce, je suis d’avis que le risque assumé n’est pas le même pour un assureur que pour GECUS, puisque l’assureur n’est pas en mesure de contrôler le moment, les conditions et le paiement du placement de titres de créance de l’appelante. On demande à l’assureur de cautionner GECUS avant l’émission et pour une durée déterminée. Cela n’était pas le cas pour l’entente négociée entre GECUS et l’appelante. Bref, le garant n’a aucun contrôle sur le risque de défaut du débiteur. C’est une situation très différente de celle dont bénéficie GECUS.

[255]     Je conviens avec M. Fidelman que, logiquement, un tiers assureur accorderait très peu de valeur au « soutien implicite » de GECUS puisque si l’assureur se faisait exiger l’exécution de sa garantie des titres de créance de l’appelante, elle devrait payer. Néanmoins, GE et GECUS n’apprécieraient pas que l’appelante fasse défaut de rembourser ses titres de créance puisque cela indiquerait au marché que des parties de l’entreprise consolidée ne sont pas aussi fiables que prévu. En bout de ligne, les créanciers de GE et de GECUS leur prêtent sur la foi du bilan consolidé de ces sociétés. C’est ce qu’ont confirmé les experts de l’appelante, M. Cole et M. Coombs.

[256]     En outre, M. Fidelman s’est fondé sur un produit de notation du crédit appelé « RiskCalc » pour obtenir une note indépendante. La note de crédit indépendante ne tenait pas compte du soutien implicite de GECUS puisqu’elle ne visait pas les débiteurs du secteur financier qui avaient des sociétés mères notées AAA. M. Fidelman a dû procéder à une « majoration » arbitraire pour que la note corresponde aux notes des sociétés indépendantes, ce qui remet en doute la fiabilité de cette méthode. Finalement, M. Fidelman a conclu que la commission de garantie aux termes de l’approche fondée sur l’assurance serait toujours de 0,85 % même si l’appelante était considérée comme un émetteur noté AAA sans garantie explicite. Cela contredit la position adoptée par M. Werner, qui était d’avis qu’une commission de garantie sans lien de dépendance ne pouvait pas être supérieure à la valeur de l’avantage reçu par l’appelante.

[257]     Il m’est impossible de conclure avec quelque certitude que ce soit si les facteurs qui précèdent, dont certains soutiennent la méthode fondée sur l’assurance et d’autres manifestement pas, constituent de parfaits contrepoids les uns par rapport aux autres. M. Fidelman ne s’est pas prononcé sur la façon dont le risque supplémentaire que courrait l’assureur influencerait le prix. Je présume que s’il n’a pas abordé le fait qu’un tiers assureur assume un risque plus grand dans le cadre d’une entente de garantie sans lien de dépendance correctement structurée, c’est en raison des conseils de l’avocat, compte tenu de l’argument de droit que j’avais rejeté auparavant. Par conséquent, j’estime que la méthode fondée sur l’assurance n’est pas fiable dans les circonstances, sauf peut-être pour ce qui est de son utilisation à titre d’une méthode parmi d’autres à examiner à l’étape de la « vérification de la logique » recommandée par Mme Wright à titre d’étape finale dans la détermination du prix sans lien de dépendance pour l’opération.

Méthode fondée sur les SDC

[258]     M. Hull suit une méthode fondée sur les SDC pour en arriver à une fourchette applicable à l’opération de garantie. Il ressort de l’examen minutieux de la déposition de M. Hull que l’approche fondée sur les SDC est analogue à l’approche axée sur le taux de rendement proposée par l’intimée. Ce témoin a admis qu’on lui a demandé d’utiliser, aux fins de son analyse, une note de crédit hypothétique que lui a fournie l’avocat de l’intimée. Sur le fondement de cette note, il conclut que la prime exigée pour un SDC serait égale à la différence de taux de rendement entre la note présumée de l’appelante et la note de AAA attribuée aux titres de créance de l’appelante par suite de la garantie de GECUS. En bout de ligne, l’analyse de M. Hull ne contribue pas beaucoup à la clarification de la question en litige en l’espèce. L’exactitude de sa conclusion dépend entièrement de l’exactitude de la note de crédit hypothétique présumée qu’il utilise dans son rapport. Tel est le nœud de l’affaire.

Approche axée sur le taux de rendement

[259]     L’intimée soutient que la première étape de l’enquête sur le prix de transfert consiste à calculer la valeur de l’avantage dont bénéficie l’appelante par suite de la garantie de GECUS. Cela doit être fait au moyen de l’approche axée sur le taux de rendement. L’avantage correspond à l’économie du coût d’intérêt pour l’appelante que l’on détermine en comparant le coût d’intérêt des titres de créance non garantis à celui des titres de créance garantis. Pour établir les économies d’intérêt de l’appelante, il faut en arriver à une conclusion de fait sur la note de crédit de l’appelante sans le soutien explicite de sa société mère. L’appelante pourrait-elle être un émetteur noté AAA sans la garantie?

[260]     L’avocat de l’appelante conteste cette approche au motif qu’elle ne comporte pas la recherche d’un prix sans lien de dépendance. L’appelante soutient que cette méthode mène à la détermination d’une valeur pour le propriétaire. De plus, il soutient que la Couronne a établi le prix de la mauvaise opération. Selon lui, le ministre doit, aux fins de l’appel, déterminer le prix de l’opération réelle, qui est une garantie et non pas un prêt, contrairement à ce que soutient l’intimée.

[261]     Cette dernière thèse est contredite par la déposition du principal témoin ordinaire de l’appelante, M. Werner, qui a déclaré qu’il a déterminé la commission de garantie en fonction de son estimation de l’avantage reçu par l’appelante[256] :

[traduction]

Me Meghji : Maintenant, M. Werner, quel était selon vous votre objectif lorsque vous avez déterminé la commission de garantie?

M. Werner : J’ai compris que mon objectif consistait à établir et à soutenir une commission de garantie qui était sans lien de dépendance, qui était un taux du marché, qui pouvait être soutenue par des données, des données objectives, sur le marché.

Me Meghji : Maintenant, lorsque vous avez tenté d’y parvenir, vous avez utilisé l’expression « prix du marché ». Je vais utiliser ce terme.

En arrivant à ce prix du marché de la garantie, le montant de la commission de garantie – Monsieur, j’aimerais que vous passiez minutieusement en revue chacun des détails – qu’avez-vous fait exactement, vous et votre personnel?

M. Werner : Nous avons commencé par déterminer ce que serait l’avantage pour l’emprunteur de la garantie, c’est‑à-dire GE Capital Canada.

Me Meghji : O.K. Et en commençant par cela, avez-vous dû effectuer une analyse afin de savoir si GE Capital Canada était une société de qualité supérieure?

M. Werner : Nous en avons parlé à la fin de – la réponse est oui. Nous en avons parlé à la fin de la journée hier, que nous avions conclu en 1988, 1989 que GE Capital Canada était, au mieux, à la limite de la qualité supérieure et de la qualité inférieure, et que notre avis sur cette solvabilité n’avait pas changé.

Me Meghji : Donc vous êtes parti de là, qu’il ne s’agissait pas d’une société de qualité supérieure?

M. Werner : Oui.

Me Meghji : Ensuite vous avez dit que vous avez commencé par poser la question : Quel était l’avantage pour GE Capital Canada?

M. Werner : Oui.

Me Meghji : Maintenant, comment se fait‑il que vous ayez déterminé l’avantage de la garantie pour GE Capital Canada?

M. Werner : Eh bien, ils ne pouvaient certainement pas – ne paieraient pas, dans un contexte commercial, une commission de garantie plus élevée que l’avantage de cette garantie.

[Non souligné dans l’original.]

[262]     Dans sa déposition, M. Werner a admis que l’approche axée sur le taux de rendement proposée par la Couronne constitue en fait une méthode acceptable pour déterminer un prix sans lien de dépendance. Comme ses propres termes l’indiquent, c’est la méthode qu’il a lui-même utilisée.

Application de la méthode fondée sur la note de crédit

[263]      La Couronne soutient que l’appelante n’a pas bénéficié de la garantie par GECUS de ses titres de créance puisque ceux‑ci auraient été notés AAA seulement sur le fondement du soutien implicite de GECUS. L’intimée a fait reconnaitre M. Emmer comme expert en méthodes de notation de crédit et l’appelante a fait qualifier ainsi M. Chambers. Ces deux experts ont occupé des postes importants auprès de S&P au cours de leurs longues carrières au service de cette agence de notation.

[264]     Les deux experts se sont fondés dans diverses mesures sur les critères de notation publiés par S&P et Moody’s pour démystifier le processus de notation. Les opinions contraires exprimées par les experts sont en grande partie fondées sur deux facteurs. M. Chambers préfère les facteurs quantitatifs pertinents par rapport aux facteurs qualitatifs applicables. M. Chambers, qui a été cité par l’appelante, accorde davantage de poids à des facteurs comme la faible importance du bilan de l’appelante comparativement à celui de sa société mère et son ratio élevé emprunts/capitaux propres de 12 pour 1 pour conclure que l’appelante n’avait pas les caractéristiques nécessaires pour être notée AAA. Elle se trouvait au seuil d’une note de qualité supérieure lorsqu’on tenait compte d’un certain degré de soutien implicite de sa société mère, GECUS.

[265]     M. Emmer en arrive à l’opinion contraire parce qu’il favorise les facteurs qualitatifs plutôt que quantitatifs dans son analyse. En l’espèce, M. Emmer soutient que GECUS aurait vu sa réputation terriblement entachée si elle avait permis que l’appelante fasse défaut sur les titres de créance non garantis qu’elle a émis au public. Selon cet expert, GECUS aurait pris toutes les mesures nécessaires pour qu’il n’y ait aucun défaut puisque autrement, sa propre note très appréciée de AAA aurait été mis en péril. Le coût qu’elle engagerait en raison d’un abaissement de sa note de crédit serait très supérieur au coût de la prévention du défaut de l’appelante. GECUS a fourni sa garantie uniquement dans son propre intérêt. La garantie facilitait la tâche de son Service de trésorerie à l’égard des placements de titres de créance par l’appelante.

[266]     L’avis de M. Emmer sur cette question ne me convainc pas. Je suis d’avis que l’on ne peut pas écarter du revers de la main les facteurs quantitatifs relevés par M. Chambers dans son rapport sur la base de la théorie de la pression sur la réputation. Il ressort de la preuve que S&P, l’agence de notation où M. Emmer a passé sa carrière, exigeait que GE conclue une convention de soutien au crédit en fonction de laquelle elle s’engageait à maintenir le ratio emprunts/capitaux propres de GECUS à 8 pour 1. GE et GECUS bénéficiaient de notes AAA lors des années d’imposition visées. Je crois comprendre que la justification de la convention de soutien au crédit était liée au nombre d’actions privilégiées que GECUS avait émises aux investisseurs externes. Les actions privilégiées comportent des caractéristiques semblables aux titres de créance. Elles ne sont pas considérées offrir le même type de capital permanent que les actions ordinaires. Des événements peuvent donner lieu au rachat des actions sauf si on les a déclarées perpétuelles. À titre de protection contre l’érosion du capital, la convention de soutien au crédit exigeait notamment de GE qu’elle ajoute des capitaux si des actions privilégiées étaient rachetées sans être remplacées[257]. J’imagine que si le ratio emprunts/capitaux propres de GECUS n’avait pas été important, S&P n’aurait pas senti le besoin d’exiger la conclusion de la convention de soutien au crédit.

[267]     M. Emmer et la Couronne rejettent le ratio emprunts/capitaux propres au motif que son application est circulaire. En d’autres termes, GECUS peut faire en sorte que le bilan de l’appelante paraisse plus ou moins attrayant en lui fournissant plus ou moins de capitaux. GECUS n’a pas fourni davantage de capitaux à l’appelante parce que la garantie la dispensait de le faire. Il n’importe pas que cela soit vrai ou non. Je crois que les créanciers et les agences de notation se préoccupent du ratio emprunts/capitaux propres des débiteurs. À mon avis, les actions ordinaires procurent un moyen plus solide que le soutien implicite de faire face à une tempête de difficultés financières qui touche le secteur ou à une récession généralisée. Les créanciers n’ont aucun recours contre la société mère s’ils comptent sur l’intervention de la société mère en faveur de sa filiale et qu’elle n’a pas lieu. Je déduis que S&P a reconnu ce fait lorsqu’elle a exigé que GE conclue une convention de soutien au crédit à l’égard de sa filiale directe, GECUS[258].

[268]     Je rejette également l’idée que GECUS aurait pu injecter des capitaux dans l’appelante pour améliorer le ratio emprunts/capitaux propres de cette dernière; en effet, cela contredit le principe reconnu selon lequel la société est une personne distincte dont l’existence même assure la protection de responsabilité limitée à ses actionnaires. Le risque que court l’actionnaire en raison de la société est limité aux capitaux que l’actionnaire décide d’investir. En l’absence de garantie de la part de l’actionnaire, les créanciers ne peuvent compter sur rien de plus ou de moins.

[269]     Cela dit, il faut nuancer en ce qui concerne les autres types de sociétés qui existent au Canada. Par exemple, les actionnaires d’une société à responsabilité illimitée de l’Alberta (« SARIA ») sont solidairement responsables, de façon illimitée, des dettes, actes et défauts de la SARIA. Ce type d’entité est souvent utilisé dans les financements transfrontaliers avec les États-Unis pour faciliter ce qu’on appelle les mécanismes de financement qui favorisent le cumul des déductions[259].

[270]     Puisque l’actionnaire est solidairement responsable sous le régime de la SARIA, une garantie des dettes de la société par l’actionnaire ne donne pas nécessairement lieu à un avantage pour la société. Au surplus, puisque la responsabilité solidaire découle de la propriété d’actions, il peut n’y avoir aucun service pour lequel l’actionnaire peut réclamer des frais; il s’agit d’une association passive à titre d’actionnaire. Si l’actionnaire a une note de crédit plus élevée que la filiale, le statut juridique à lui seul peut justifier une majoration de la note de crédit de la filiale. Cela peut aussi avoir des incidences sur le taux d’intérêt qui pourrait être exigé sur les prêts intersociétés; encore que cela est moins évident si l’actionnaire n’est qu’une société coquille intermédiaire dont les seuls actifs sont les actions de la SARIA. Cela peut aussi être vrai si une société mère indirecte d’une SARIA fournit une garantie pour ses dettes, dans l’hypothèse, par exemple, que l’actionnaire direct est une société non résidente. La garantie dans ces circonstances peut avantager la SARIA et son actionnaire, ce qui peut appeler la répartition de la responsabilité à parts égales.

[271]     Mais là encore, une autre réserve s’impose à l’égard de la société à responsabilité illimitée de la Nouvelle-Écosse (« SARINE »), à laquelle on a souvent recours dans le cadre de financement transfrontalier aux fins susmentionnées. Dans ce cas, la responsabilité de l’actionnaire est conditionnelle.

[272]     En bref, la Companies Act de la Nouvelle-Écosse (« NSCA »)[260] permet la constitution d’une société sans limite à la responsabilité de ses actionnaires. Suivant l’article 135 de la NSCA, les actionnaires actuels et anciens d’une SARINE sont solidairement responsables des dettes lorsque la SARINE est liquidée et qu’elle n’a pas suffisamment d’actifs pour s’acquitter de ses obligations. Pour les anciens actionnaires, la responsabilité est éteinte s’ils ont cessé d’être actionnaires un an avant la liquidation.

[273]     La SARINE doit être liquidée si elle n’a pas suffisamment d’actifs pour s’acquitter de ses obligations. Il n’y a aucune responsabilité immédiate pour l’actionnaire. Dans ce contexte, la garantie pourrait procurer un avantage supérieur à la société et un avantage plus aléatoire à l’actionnaire. Cela serait particulièrement vrai si l’actionnaire était une société coquille. Inutile de dire que les faits de chaque affaire doivent être bien compris. Vu ces éléments, il faut savoir qu’il est dangereux pour les contribuables de tirer des conclusions générales à partir de ce cas puisque les différences de fait ou de caractéristiques économiques d’une opération peuvent aboutir à un résultat très différent. En bout de ligne, le prix de transfert est en grande partie une question de fait à laquelle il faut ajouter une dose élevée de bon sens.

[274]     M. Emmer a aussi utilisé l’argument de la pression sur la réputation pour passer outre à une première étape essentielle imposée par le critère de la méthodologie fondée sur la notation utilisé pour la notation des filiales d’une société ouverte. Les documents sur la notation produits au procès indiquent que l’analyste doit entreprendre le processus de notation en établissant la note indépendante de la filiale avant de conclure si la majoration de la note est requise pour tenir compte de l’avantage du soutien implicite de la société mère. CLes documents expliquent la justification de la note indépendante; l’objectif de celle-ci consiste à permettre à l’analyste d’évaluer l’écart entre les notes de la filiale et de sa société mère. Il faut des signes plus concrets de soutien implicite pour combler un grand écart de notes. L’analyste ne peut pas soumettre une proposition de note au comité de notation qui supervise la note finale avant que cette étape ne soit franchie. M. Emmer connaissait cette exigence, mais il ne s’y est pas conformé entièrement dans son rapport principal. Je ne vois rien dans les documents exigeant que cette étape soit complétée seulement à l’égard de certains types de secteurs. Puisqu’il a omis d’accomplir cette première étape essentielle, il n’a aucun point de référence pour fonder une opinion sur l’écart de notes et sur les signes de soutien implicite que l’analyste doit reconnaître pour justifier la majoration de la note de l’appelante. Au regard de ces éléments, il me semble que son opinion sur le sujet est au mieux sujette à caution.

[275]     Par contre, M. Chambers a effectué une analyse de notation indépendante comme le prescrivaient les critères de S&P en vigueur pendant les années visées. Après avoir appliqué tous les critères pertinents, il conclut que l’appelante aurait reçu une note se situant entre B+ et BB‑ sur une base indépendante. Par conséquent, il est en position de conclure qu’il y a une importante différence entre la note indépendante de l’appelante et celle de sa société mère. Cet écart est de 12 ou 13 niveaux. Il a affirmé que la majoration typique de la note est de deux à trois niveaux.

[276]     Il y a d’autres difficultés concernant l’influence que, selon M. Emmer, la conservation de sa réputation aurait eue sur le comportement de GECUS. Dans ce contexte, je considère la pression sur la réputation comme une conséquence de l’accumulation de capital social sur le marché par GE et GECUS. Il est constant que les émetteurs notés AAA doivent faire preuve d’un comportement uniforme pour que les porteurs de leurs titres de créances aient confiance qu’elles s’acquitteront rapidement de leurs obligations. Les parties divergent en ce qui concerne la mesure dans laquelle ce comportement uniforme doit être affiché, l’intimée prétendant que l’appelante doit aussi l’adopter puisqu’elle est une filiale essentielle ou stratégiquement importante.

[277]     En contre-interrogatoire, M. Emmer s’est fait présenter le rapport de notation de S&P publié en 1999 pour le groupe GE. GE Financial Corp., filiale d’assurance indirecte de deux sociétés mères notées AAA, GECUS et GE, a été notée A+, c’est‑à‑dire quatre niveaux de moins que la note AAA de ses sociétés mères[261]. Je souligne que GE Financial Corp. avait dix fois plus d’actifs que l’appelante; ses actifs représentaient environ 21 % des actifs consolidés de GECUS. Si la réputation à elle seule constitue un important facteur d’égalisation des notes, il s’ensuit que GE Financial Corp. aurait certainement été une bien meilleure candidate pour la majoration des notes proposée par M. Emmer pour l’appelante. Un défaut de la part de GE Financial Corp. aurait sans doute eu une incidence plus grande sur GECUS qu’un défaut par l’appelante. Je conviens que GE Financial Corp. est une société d’assurance réglementée et que l’appelante exploite une entreprise de services financiers non réglementée. Néanmoins, je ne peux pas voir en quoi le défaut par GE Financial Corp. aurait moins de conséquences pour GECUS que le défaut par l’appelante. Je retiens l’avis de M. Chambers selon lequel la différence de taille suffit pour expliquer une incidence plus grande.

[278]     De plus, M. Emmer a fait une erreur de calcul dans son application d’un fait quantitatif. M. Emmer a admis que M. Chambers avait correctement souligné qu’il avait omis de tenir compte des différences de change lorsqu’il a comparé certains des ratios financiers de l’appelante à ceux de sa société mère. Après correction de ces erreurs, le ratio de croissance et l’importance du bilan de l’appelante comparativement au bilan consolidé de GECUS ont été révisés à la baisse.

[279]     Je conclus aussi que M. Emmer a omis de tenir compte de façon adéquate de l’incidence du retrait de la garantie de GECUS. Cette garantie était en vigueur bien avant qu’une commission de garantie ne soit mentionnée. La Couronne ne soutient plus que la garantie a été conclue à titre de faux-semblant masquant le transfert des bénéfices de l’appelante sous forme de commission de garantie. La garantie a été conclue uniquement pour des raisons commerciales légitimes.

[280]     Selon M. Chambers, les investisseurs et les agences de notation auraient réagi négativement au retrait de la garantie. Je conviens que si GECUS avait retiré sa garantie, cela aurait signifié que sa volonté de fournir un soutien au crédit à l’appelante avait diminué. J’imagine qu’il aurait été difficile dans les circonstances de convaincre les investisseurs qu’ils ne devaient pas s’inquiéter du retrait de la garantie sous prétexte que les pressions sur la réputation forceraient GECUS à éviter le défaut de l’appelante de toute manière. De plus, j’estime que les investisseurs auraient réagi en citant le proverbe bien connu selon lequel « un tiens vaut mieux que deux tu l’auras ».

[281]     Le soutien implicite n’est rien de plus qu’une attente concernant la façon dont quelqu’un se comportera à l’avenir parce que des raisons économiques le pousseront à agir d’une certaine façon. La situation économique peut changer rapidement, comme le démontre le récent effondrement du marché du crédit. Une garantie constitue une forme beaucoup plus efficace de protection. Il s’agit d’une chose à laquelle les investisseurs en l’espèce auraient été réticents à renoncer à la lumière du fait que la quasi‑totalité des titres de créance de l’appelante est garantie depuis très longtemps[262].

[282]     Lorsqu’il a été cité par l’intimée, M. Emmer a reconnu qu’il avait eu de la difficulté à imaginer comment l’appelante aurait pu présenter une décision de retirer la garantie comme un fait positif ou neutre lorsqu’elle aurait tenté d’obtenir des engagements pour des effets de commerce non garantis. Par exemple, en réponse à ma question sur ce point, il a déclaré ce qui suit[263] :

[traduction]

LE JUGE HOGAN : Les faits sont un peu différents. Je pense que les avocats viennent vous poser la question et vous adoptez votre attitude cynique et sceptique et ils disent : nous garantissons vos titres de créance depuis maintenant huit ans et nous voulons retirer la garantie. Pouvons-nous le faire?

            N’est‑il pas vrai qu’une sonnerie d’alarme retentirait et vous diriez, pourquoi – ne poseriez-vous pas ces questions − pourquoi ne voulez-vous pas le mettre par écrit? Pourquoi changez-vous d’attitude en quelque sorte?

LE TÉMOIN : Il faudrait demander : Autrement que dans ce cas donné, pourquoi voudraient-ils cesser de garantir les titres de créance de leur filiale?

            Je comprends pourquoi nous regardons cela sous cet angle, et je pense que mon raisonnement était et serait encore que s’ils leur permettaient d’émettre les titres de créance, ils les soutiendraient avec ou sans garantie.

            Cependant, il est difficile d’imaginer un cas de figure où ils ne garantiraient pas ou cesseraient de garantir les titres de créance, sauf pour les fins des discussions que nous avons eues au cours des trois ou quatre dernières semaines.

            J’ai donc des problèmes à franchir cette étape parce que je suis d’accord qu’il s’agit d’un cas de figure irréaliste. C’est très hypothétique.

            Pourquoi voudraient-ils cesser? Vous savez, vous regardez l’infrastructure qu’ils ont en place à Stamford, au Connecticut, le bureau des opérations et toutes les relations qu’ils ont avec les courtiers d’effets de commerce, et ainsi de suite. Et pourquoi voudraient-ils cesser de faire cela?

            Donc, j’estime qu’il s’agit d’un cas de figure irréaliste sur lequel vous me demandez mon opinion. C’est donc pourquoi je reviens toujours au même point, que s’ils les laissent faire cela, s’ils les laissent – désolé − s’ils laissaient le Canada émettre sans la garantie, ils l’appuieraient.

            La question qui se pose est la suivante : Pourquoi voudraient-ils faire cela? Et il est très difficile pour moi d’imaginer une raison – il s’agirait d’une décision irrationnelle de leur part.

            Donc, c’est le défi que, j’imagine, auquel faisons face depuis quelques semaines. Cela devient très, vous savez, hypothétique et vous savez, un peu irréaliste de présumer cela.

            Je veux dire, tout – selon ce que je crois comprendre − tout ce que GECC fait est – vous savez, je pense qu’ils ont, je crois que nous en avons discuté, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, et j’oublie la façon dont le Japon a été structuré, mais ils ont garanti cela.8

            Le signal d’alarme retentirait aussi. Et avant qu’il retentisse, je sais que celui de M. Werner retentirait bien avant le mien, et il dirait, est‑ce que c’est raisonnable pour nous de faire cela? Et je pense qu’il conclurait qu’il ne s’agirait pas d’une décision raisonnable; donc il ne le ferait pas.

LE JUGE HOGAN : Il dirait, pourquoi courir après les ennuis, exact?

LE TÉMOIN : Exactement, oui, oui. Pourquoi a) courir après les ennuis, et b) je pense, vous savez, même si nous attribuions une note de AAA aux titres de créance, je pense néanmoins que les investisseurs voudraient une prime.

LE JUGE HOGAN : Ils voudraient une prime?

LE TÉMOIN : Ils voudraient une prime sans la garantie, oui. Je veux dire, nous sommes ici depuis un mois ou trois semaines – on dirait que ça fait un mois – depuis trois semaines à discuter de cela, et nous n’avons pas tiré de conclusion définitive.

            Nous pourrions les noter AAA, mais cela ne signifie pas que les investisseurs n’exigeraient pas un genre de prime. La garantie est claire. C’est en noir et blanc. La voilà. Vous n’avez pas besoin de passer par 15 critères et de compter les anges sur la tête d’une épingle pour voir s’il s’agit d’une filiale essentielle, stratégique, non stratégique ou peu importe.

[Non souligné dans l’original.]

[283]     Lorsqu’on lui a posé toutes ces questions, j’ai remarqué, vu le comportement de M. Emmer, qu’il n’était pas très à l’aise pour y répondre. Par exemple, il affirme que le retrait de la garantie est un cas de figure irréaliste. Pour les raisons que j’ai mentionnées auparavant, cette question se trouve au cœur même de la preuve produite par la Couronne au procès. Il s’agit d’un fait pertinent sur le plan économique que M. Emmer aurait dû prendre en considération lorsqu’il a préparé son avis.

La garantie était-elle nécessaire?

[284]     Le dernier point sur ce sujet est la question de savoir si les participants au marché auraient acheté les titres de créance non garantis de l’appelante même s’ils étaient notées AAA. De façon générale, je pourrais aborder ce point simplement en référant à ma conclusion antérieure selon laquelle il ne ressort pas de la preuve, selon la prépondérance des probabilités, que les titres de créance non garantis de l’appelante auraient une note se rapprochant de AAA. Néanmoins, je me pencherai sur cette question précise parce que cette affaire est la première de son genre à être soumise à l’examen de la Cour et qu’il y a une importante somme d’argent en jeu.

[285]     M. Coombs a témoigné que les banques tiennent compte des notes attribuées par les tiers. Toutefois, il a souligné que ces notes ne constituent qu’un des nombreux facteurs examinés dans le cadre du processus d’évaluation interne du crédit des banques. Il a aussi souligné que les notes attribuées à l’interne par les banques sont souvent plus basses que les notes accordées par les agences de notation externes.

[286]     Je ne suis pas surpris que les banques adoptent une approche plus prudente. Elles engagent des capitaux tandis que les agences de notation sont payées pour fournir un avis sur la note de crédit de l’émetteur des titres de créance qu’on leur demande de noter. Cela soulève de nombreuses questions de conflit d’intérêts qui dépassent le cadre de la présente affaire. Il suffit de dire que les événements récents comme l’effondrement soudain des structures de financement par titres adossés à des créances ont démontré que ces préoccupations sont néanmoins très légitimes.

[287]     M. Lewis a souligné dans son témoignage que les participants au marché avertis comme Texaco n’attribueraient pas de poids au soutien implicite parce qu’autrement, ils accepteraient un risque sans rendement proportionnel. La sécurité du remboursement du capital était fondamentale et le soutien implicite n’était qu’une extrapolation d’une opinion selon laquelle les incitatifs économiques amèneraient la société mère à agir même si elle n’y était pas légalement obligée. Le soutien implicite est comme une métaphore du « portefeuille invincible ». C’est une chose en laquelle les investisseurs croient et à laquelle ils pourraient avoir accès afin d’avoir un soutien financier si les bonnes conditions sont réunies, mais peu d’investisseurs sont suffisamment insensés pour croire que cela équivaut à une garantie. M. Emmer reconnaît ce fait dans son témoignage cité au paragraphe 282. De par sa nature, le soutien implicite ne procure pas aux investisseurs avertis le même degré d’assurance que la société mère agira qu’une garantie légalement exécutoire.

[288]     Je souligne que le marché des effets de commerce se compose en grande partie d’investisseurs avertis, qu’il s’agisse de sociétés qui doivent investir des liquidités à court terme excédentaires, d’importantes caisses de retraite ou d’entités conduites comme des fiducies de fonds communs de placement qui ont recours aux services de gestionnaires de fonds chevronnés. Les investisseurs individuels participent souvent à ce marché en achetant des parts de fiducies de fonds communs de placement, bénéficiant ainsi de la connaissance du marché des gestionnaires de placements des fonds. À la lumière de ce témoignage, il semble peu plausible que l’appelante aurait pu recueillir des sommes aussi importantes aux faibles taux d’intérêt dont elle a bénéficié même si ses titres de créance avaient été notés AAA. M. Emmer a confirmé ce fait en contre-interrogatoire[264]. M. Booth a aussi confirmé que la plupart des filiales canadiennes des sociétés ouvertes étrangères empruntent sur le marché des effets de commerce canadien sur la foi d’une garantie de la société mère. La Couronne n’a pas contesté ce fait. Par conséquent, il est difficile d’imaginer que les investisseurs seraient également prêts à accepter un prix de titres de créance notés AAA pour les titres de créance non garantis de l’appelante.

[289]     MM. Saunders et Meyerman ont aussi témoigné, notamment, que l’incitatif économique était le facteur le plus important dans la détermination de la probabilité de soutien de la société mère. Ces témoins ont confirmé le fait que GE et GECUS appréciaient leur note de AAA. Cette note constituait l’élément clé des stratégies concurrentielles des deux sociétés, mais encore plus pour GECUS que GE puisque la capacité d’offrir des taux d’intérêt bas est un avantage concurrentiel important pour le crédit-bail et les autres formes de financement d’équipement.

[290]     Je n’ai aucun doute que GE et GECUS appréciaient leur note de AAA. M. Werner a confirmé ce fait dans sa déposition. Cela dit, j’estime, pour les motifs susmentionnés, que conclure que la note de crédit de l’appelante serait égalisée avec celle de sa société mère en l’absence de garantie constitue un acte de foi injustifié. Je souligne que MM. Saunders et Meyerman ne sont pas des experts en méthodes des agences de notation.

[291]     Comme je l’ai déjà dit, la thèse de la Couronne selon laquelle la garantie était inutile contredit l’appréciation commerciale de M. Werner selon laquelle la garantie était nécessaire; M. Emmer a reconnu le bien-fondé de cette thèse en contre-interrogatoire. Dans d’autres domaines faisant jouer la LIR, la jurisprudence enseigne que l’on doit faire preuve de prudence avant d’adopter des conclusions qui contredisent l’appréciation commerciale dûment appliquée des contribuables. Cette approche est privilégiée afin d’éviter le syndrome bien connu du « gérant d’estrade ». En l’espèce, on a demandé aux experts de fournir un avis après le fait en fonction de renseignements incomplets. Ils ne se trouvaient pas au cœur des activités commerciales. Il est difficile d’établir la dynamique exacte des marchés du crédit après coup. Ceux‑ci évoluent rapidement.

[292]     En formulant ces observations, je note que le libellé de l’article 247 de la LIR semble poser problème lorsqu’on tente d’appliquer la notion d’appréciation commerciale : en effet, le paragraphe 247(2) permet au ministre d’examiner certaines opérations transfrontalières et essentiellement de substituer un prix sans lien de dépendance au prix utilisé dans l’opération. Je renvoie à la règle de l’appréciation commerciale simplement parce qu’il s’agit d’un outil utile d’appréciation de la crédibilité d’un témoin. En outre, la reconnaissance par M. Emmer de la légitimité de la garantie par exemple, tend à corroborer la déposition de M. Werner. Finalement, soit dit en passant, je note que M. Werner a quitté GE et GECUS pour prendre sa retraite il y a plusieurs années. L’écoulement du temps l’a libéré de l’influence de son ancien employeur et a sans aucun doute contribué à son objectivité sur le sujet de la garantie.

[293]     M. Werner était occupé à recueillir des milliards de dollars de fonds pour l’appelante lorsque la question de la garantie était examinée. Il traitait avec les principaux intermédiaires du marché des capitaux quotidiennement. M. Meyerman reconnaît que M. Werner excellait à son emploi et que le personnel de la trésorerie de GECUS était souvent plus chevronné et qualifié en ce qui concerne le fonctionnement des marchés des titres des créances que le personnel des grandes banques[265]. M. Werner a été jugé selon les résultats qu’il atteignait dans une culture d’entreprise qui punissait l’échec rapidement et récompensait le succès à long terme. Pour cette raison, il faut attribuer davantage de poids à la déposition de M. Werner sur ce point.

[294]     L’opinion de M. Werner est confortée par la déposition de M. Coombs. Compte tenu de son expérience des services bancaires canadiens, M. Coombs était beaucoup plus au courant du fonctionnement des marchés des capitaux canadiens que M. Meyerman, qui exerçait ses activités surtout aux États-Unis. Les événements récents illustrent qu’il y a des différences de pratiques dans les marchés des capitaux de différents pays. Les banques canadiennes ont des pratiques de prêt plus conservatrices que les banques américaines, comme l’a confirmé M. Coombs dans sa déposition.

[295]     M. Meyerman retient cette opinion, quoiqu’il a assorti son opinion d’une réserve : seule la Banque TD serait reconnue pour son conservatisme. Il n’est pas contesté qu’il faille des lignes de crédit bancaires pour soutenir les titres de créance émis sur les marchés d’effets de commerce. Les lignes de crédit sont nécessaires à titre de protection contre les risques systémiques du marché, y compris les risques liés à la liquidité. Ceux qui investissent dans les effets de commerce ont besoin de l’assurance qu’à l’échéance, l’émetteur sera en mesure de rembourser. Par exemple, si un émetteur est incapable d’émettre de nouveaux effets de commerce en raison d’une fuite vers la qualité, les lignes de crédit doivent être disponibles aux fins de prélèvement pour les effets à échéance. Cela assure aux investisseurs que le remboursement du capital est sûr malgré la possibilité de perturbations à court terme du marché.

[296]     M. Coombs a insisté dans sa déposition sur le fait que l’appelante ne pouvait pas obtenir de lignes de crédit suffisamment conséquentes pour couvrir l’important volume de titres de créance qu’elle devait émettre afin d’exécuter son plan d’affaires. M. Meyerman reconnaît que les banques canadiennes auraient à jouer un rôle important dans ce type de lignes de crédit. Je ne peux voir comment un grand consortium bancaire aurait pu être créé pour soutenir une ligne de crédit suffisante pour couvrir les effets de commerce émis par l’appelante, à la lumière du fait que les titres de créance de l’appelante étaient garantis par GECUS depuis de nombreuses années. Si la réponse est que des incitatifs économiques amèneraient GECUS à soutenir l’appelante de toute manière, je peux facilement imaginer que, comme l’a prétendu M. Coombs, les banques diraient : « au lieu de parler, mettez votre agent sur la table ».

[297]     Lors des débats, la Couronne a tenté de minimiser ce point en faisant valoir que GECUS avait en vigueur des lignes de crédit sur lesquelles l’appelante pouvait compter. Je ne peux retenir cet argument. À titre de personne morale distincte, GECUS n’est pas tenue de donner à l’appelante l’accès à ses lignes de crédit. Si elle l’avait fait au moyen d’une entente contractuelle, elle aurait dû négocier cela avec son consortium bancaire. Il ne fait aucun doute qu’on se serait attendu à ce que GECUS demeure responsable pour les montants prélevés par sa filiale, l’appelante. Cela serait devenu une forme différente de soutien explicite qui aurait constitué un véritable service de groupe pour lequel GECUS aurait pu réclamer une commission sans lien de dépendance.

[298]     M. Saunders était le seul témoin expert de l’intimée qui a parlé du prix du marché de la garantie. Son opinion sur la commission de garantie était fondée sur sa conclusion selon laquelle la note de crédit finale de l’appelante aurait été AA+ sans garantie explicite. Je retiens pas ses conclusions sur la note de crédit finale de l’appelante pour bon nombre des mêmes motifs pour lesquels je ne retiens pas l’opinion de M. Emmer sur ce sujet. Brièvement, M. Saunders n’a pas tenu compte de l’effet du retrait de la garantie. Il n’a pas établi de note indépendante dans son rapport initial. Sa conclusion contredit l’appréciation commerciale de M. Werner. Dans le cas de ce témoin, j’ajouterais qu’il a reconnu qu’il n’était pas un expert de l’application de méthodes de notation. En bref, je préfère les dépositions de MM. Chambers et Werner sur ce point.

[299]     La méthode suivie par M. Saunders pour évaluer la commission de garantie semble aussi erronée. Il a utilisé des données de défaut historiques provenant des agences de notation pour une note de crédit de AA pour en arriver à la provision pour perte prévue. Il soutient que la note de l’appelante aurait été de moins de 100 points de base en fonction de son opinion sur sa note de crédit, que j’ai jugée erronée. Même si on présume que son hypothèse est juste, il omet de tenir compte d’un taux de rendement sur le capital à risque, ce qui est requis à titre de compensation pour la perte prévue. Puisque M. Saunders parle d’une provision seulement pour la perte prévue, il n’a pas prévu de rendement sous forme de bénéfice. Cette méthode permet au garant de recouvrer seulement son coût. Dans le monde des opérations sans lien de dépendance, un service est généralement assuré en vue d’un bénéfice. Un garant ne risquerait pas des capitaux en espérant seulement faire ses frais. Si tel était le cas, il vaudrait mieux qu’il investisse ses capitaux dans des dépôts à terme sans risque.

[300]     L’analyse de M. Saunders intègre aussi l’exigence de capital en fonction des risques erronée. Il utilise l’exigence de capital en fonction des risques du régime Bâle II, et non pas celle du régime Bâle I, qui était en vigueur pendant les années en question. Lorsqu’on applique l’exigence Bâle I conjointement avec l’opinion de M. Saunders selon laquelle l’appelante serait notée AA, ce que j’ai rejeté pour les raisons mentionnées, le rendement du capital investi prévu de GECUS passe de 149,3 % à 12,5 %. Lorsqu’on apporte des ajustements au modèle du « capital à risque » de M. Saunders de manière à tenir compte d’une note finale de BB+, le rendement du capital à risque investi prévu passe à 7,5 %.

[301]     Pour tous les motifs qui précèdent, je conclus que la note de crédit finale de l’appelante sans soutien explicite se situerait entre BBB‑ et BB+. Cela signifie que la majoration de la note entre la note indépendante et la note réelle de manière à ce qu’il soit tenu compte du soutien implicite est de trois niveaux.

D’autres ajustements sont-ils requis en ce qui concerne l’approche axée sur le taux de rendement?

[302]     L’intimée soutient que la détermination de l’écart de rendement ne constitue que la première étape ou le point de départ de la détermination de la valeur de la garantie explicite de GECUS. Selon l’intimée, il faut apporter d’autres ajustements pour tenir compte des avantages que fournit la garantie à GECUS. La Couronne soutient que l’approche axée sur le taux de rendement donne lieu à une référence de « valeur pour le propriétaire ». Il s’agit d’un critère inapproprié de détermination d’une commission sans lien de dépendance. Dans ses observations écrites produits à l’audience, l’intimée énonce les points suivants en tant qu’avantages potentiels que l’appelante peut soulever, dans ses négociations sans lien de dépendance hypothétiques avec GECUS, en vue d’abaisser la commission de garantie qu’elle devrait payer :

[traduction]

 

a.       aucune gestion du risque[266];

b.      c’est dans l’intérêt de [GECUS] de soutenir l’appelante, même en l’absence de garantie explicite, en raison des coûts potentiels de l’absence de soutien, dont la perte de la note de AAA entraînant des coûts d’intérêt plus élevés, la perte de clients et l’incapacité d’effectuer le roulement des effets de commerce[267];

c.       l’accès plus facile de [GECUS] au capital de l’appelante et la liberté de GECUS à l’égard de ce capital puisqu’il n’y a aucune restriction prenant naissance comme cela pourrait être le cas avec d’autres formes de garantie[268];

d.      l’appelante s’inscrit dans la stratégie de plaque tournante privilégiée par [GE]; l’affaiblissement d’un rayon affaiblirait toute la roue[269];

e.       aucuns frais pour [GECUS][270];

f.        si un tiers fournit une garantie, [GECUS] sera exonérée de son obligation et devrait donc contribuer au paiement du coût de cette garantie[271].

[303]     Les deuxième, troisième et cinquième points susmentionnés avancés par la Couronne sont tous couverts par l’approche axée sur le taux de rendement parce que la note finale reflète une majoration de trois niveaux. Bref, les pressions sur la réputation et les incitatifs économiques qui poussent GECUS à fournir un soutien financier sont déjà entièrement pris en considération dans l’analyse de l’approche axée sur le taux de rendement. Un deuxième ajustement reviendrait à compter deux fois ces facteurs.

[304]     J’ai examiné le premier point dans mon analyse de la méthodologie fondée sur l’assurance proposée par M. Fidelman. Je conclus qu’un tiers assureur ne voudrait pas évaluer le risque au même prix que GECUS l’a fait parce qu’il assumerait un risque plus grand. Je retiens aussi l’opinion selon laquelle un tiers assureur accorderait moins de poids au soutien implicite en raison du fait que l’existence d’une garantie fournie par un tiers constituerait une forte indication que la société mère n’est pas prête à soutenir sa filiale en cas de défaillance ou de défaut de payer les titres de créance visés par cette garantie. L’assureur devrait en principe payer dans un tel cas puisqu’il a reçu une prime pour le service de prise en charge du risque de défaut de l’appelante. Les deux facteurs que je viens de mentionner dans ce paragraphe s’annulent mutuellement dans une certaine mesure. Cela dit, il est trop difficile de conclure s’ils constituent des contrepoids parfaits l’un à l’autre. Comme je l’ai souligné auparavant dans le présent jugement, c’est pourquoi j’ai choisi l’approche axée sur le taux de rendement plutôt que la méthodologie fondée sur l’assurance.

[305]     Je retiens l’opinion de M. Werner selon laquelle on ne peut pas s’attendre à ce que l’appelante paie la totalité de ses économies de coût d’intérêt. Autrement, elle n’aurait aucun incitatif économique à effectuer l’opération. Gardant cela à l’esprit, je note que, selon l’approche axée sur le taux de rendement, les économies de coût d’intérêt basées sur l’écart de notes entre BBB‑/BBB+ et AAA, cette dernière étant la note attribuée si la garantie de GECUS est en vigueur, correspondent à environ 183 points de base ou 1,83 %[272]. Je suis d’avis qu’une commission de garantie de 1 % est égale ou inférieure à un prix sans lien de dépendance dans les circonstances, puisque l’appelante a bénéficié d’un avantage économique net considérable grâce à l’opération. Le bénéfice économique net est supérieur au taux de 1,83 % calculé selon l’approche axée sur le taux de rendement[273]. Sans garantie, l’appelante aurait été incapable de fournir des lettres de garantie d’un montant suffisant pour couvrir son programme d’effets de commerce. Il est constant que l’appelante n’a pas remboursé GECUS pour les frais que cette dernière a engagés en fonction de sa ligne de crédit. En l’absence de garantie, l’appelante aurait été incapable d’exécuter son plan d’affaires puisque le marché canadien des effets de commerce favorisait les émetteurs de la qualité la plus élevée.

Retenue d’impôt prévue à la partie XIII

[306]     La Couronne soutient que le ministre a établi les cotisations en vertu de la partie XIII au motif que la commission de garantie constituait un avantage que l’appelante a conféré à un actionnaire. Ces montants sont réputés être des dividendes pour l’application de la partie XIII.

[307]     Cette thèse est intenable à la lumière de ma conclusion selon laquelle la commission de garantie versée par l’appelante n’était pas supérieure au montant d’un prix sans lien de dépendance. Il est constant que l’appelante a versé le montant total de la retenue d’impôt exigible sur la commission de garantie compte tenu du fait que les montants étaient réputés être des versements d’intérêts pour l’application de la partie XIII. Par conséquent, il n’y a aucun motif permettant de confirmer les cotisations de la partie XIII.

CONCLUSION

[308]     Pour tous les motifs susmentionnés, j’accueille les appels interjetés par l’appelante et j’annule par les présentes les cotisations établies en vertu des parties I et XIII de la LIR et visées par ces appels.

[309]     Les décisions citées et examinées par la Cour figurent à l’annexe.

 

Signé à Montréal (Québec) ce 4e jour de décembre 2009.

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour d’avril 2010.

 

 

François Brunet, réviseur


ANNEXE

DÉCISIONS CITÉES

Brouillard dit Chatel c. La Reine, [1985] 1 R.C.S. 39 (LexUM).

Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601, 2005 DTC 5523.

Crawford & Co. c. Canada, [1999] A.C.I. No. 850 (QL).

Duha Printers (Western) Ltd. c. Canada, [1998] 1 R.C.S. 795.

Fenwick c. Parklane Nurseries Limited, [1996] O.J. No. 3656 (QL) (C.J.O. (Div. gén.)).

GlaxoSmithKline Inc. c. La Reine, 2008 CCI 324, 2008 DTC 3957.

Hammill c. Canada, 2005 CAF 252, [2005] C.A.F. no 1197 (QL).

Interamerican Transport Systems Inc. c. Canadian Pacific Express and Transport Ltd., [1995] O.J. No. 3644 (QL) (C.J.O. (Div. gén.)).

James c. The Queen, [2001] DTC 5075 (CAF).

Minister of National Revenue c. Sheldon’s Engineering Ltd., [1955] R.C.S. 637.

NCJ Educational Services Limited c. Canada (Revenu national), 2009 CAF 131.

Peter Lombardi Construction Inc. c. Colonnade Investments Inc., [1999] O.J. No. 3752 (QL) (C.S.J.O.).

Pocklington Foods Inc. c. Alberta (Provincial Treasurer) (1998), 159 D.L.R. (4th) 81 (CA.A.).

Poulin c. Laliberté, [1953] B.R. 8 (B.R.Q.).

Re Galaxy Sports Inc., 2004 BCCA 284.

Rudberg (c.o.b. Urban Design & Renovation) c. Ishaky, [2000] O.J. No. 376 (QL) (C.S.J.O.).

Shearsmith c. Houdek, 2008 BCSC 997.

SmithKline Beecham Animal Health Inc. c. Canada, 2002 CAF 229, [2002] C.A.F. no 837 (QL).

DÉCISIONS EXAMINÉES

Décisions canadiennes

Apa c. La Reine, 2004 CCI 212 (CCI).

Aventis Pharma Inc. c. The Queen, 2008 DTC 3712 (CCI).

Baxter c. The Queen, 2004 DTC 3497 (CCI).

Boucher c. Doiron, [2000] A.N.B. no 382 (QL) (C.A.N.‑B.).

Brouillard dit Chatel c. La Reine, [1985] 1 R.C.S. 39 (LexUM).

Burke c. Gauthier (1987), 24 C.P.C. (2d) 281 (H.C.O.).

Covert c. Nouvelle-Écosse (ministre des Finances), [1980] 2 R.C.S. 774.

Fortino c. The Queen, 97 DTC 55 (CCI).

Gabco Ltd. c. M.N.R., 68 DTC 5210 (C.E.).

General Electric Capital Canada Inc. c. The Queen, 2008 DTC 3576 (CCI).

General Motors Acceptance Corp. of Canada Ltd. c. The Queen, 99 DTC 975 (CCI).

Gestion Yvan Drouin Inc. c. The Queen, 2001 DTC 72 (CCI).

Giang c. Clayton, 2003 BCSC 1236, [2003] B.C.J. No. 1874 (QL) (CSCB).

Gilette Canada Inc. c. The Queen, 2001 DTC 895 (CCI).

Gosselin c. The Queen, [1997] 2 C.T.C. 2830 (CCI).

Harris c. The Queen, [2002] 1 C.T.C. 243 (C.F. 1re inst.).

Heron Bay Investments Ltd. c. La Reine, 2009 CCI 337, [2009] A.C.I. no 346 (QL).

Hickman Motors Limited c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 336 (CSC).

H.T. Hoy Holdings Limited c. The Queen, [1997] 2 C.T.C. 2874 (CCI).

Indalex Ltd. c. R., 86 DTC 6039 (C.F. 1re inst.), 1987 CarswellNat 554 (CAF).

Irving Oil Ltd. c. The Queen, 88 DTC 6138 (C.F. 1re inst.).

Jolly Farmer Products Inc. c. La Reine, 2008 CCI 409, 2008 DTC 4396.

La Compagnie minière Québec Cartier c. M.N.R., 84 DTC 1348 (CCI).

Lennox c. Arbor Memorial Services Inc., [2001] O.J. No. 4725 (QL), 56 O.R. (3d) 795 (C.A.O.).

Lipson c. Canada, 2009 CSC 1 (CSC).

Long c. The Queen, 98 DTC 1420 (CCI).

Métis Child, Family and Community Services c. A.J.M., [2008] A.M. no 76 (QL) (C.A.M.).

Millward c. The Queen, 86 DTC 6538 (C.F. 1re inst.).

M.N.R. c. Merritt Estate, 69 DTC 5159 (C.E.).

M.N.R. c. Pillsbury Holdings Ltd., 64 DTC 5184 (C.E.).

Bande de Montana c. Canada, [2000] 1 C.F. 267 (C.F. 1re inst.).

National Justice Compania Naviera S.A. c. Prudential Assurance Co., Ltd. (The “Ikarian Reefer”), [1993] 2 Lloyd’s Rep. 68 (Q.B., Com. Ct.).

Nichol c. The Queen, [1993] 2 C.T.C. 2906, 93 DTC 1216 (CCI).

Magasins à rayons Peoples c. Wise, 2004 CSC 68, [2004] 3 R.C.S. 461.

Peter Cundill & Associates Ltd. c. The Queen, 91 DTC 5085 (C.F. 1re inst.).

Placer Dome Canada Limited c. Ontario (Ministre des Finances), 2006 CSC 20 (CSC).

Pollock c. The Queen, 94 DTC 6050 (CAF).

R. c. Jolivet, 2000 CSC 29, [2000] A.C.S. no 28 (QL).

R. c. Sussex Justices; ex parte McCarthy, [1924] 1 K.B. 256.

Robinson c. M.N.R., 93 DTC 254 (CCI).

Robson Leather Co. Ltd. c. M.N.R., 74 DTC 6666 (C.F. 1re inst.).

Safety Boss Ltd. c. The Queen, 2000 DTC 1767 (CCI).

Santoro c. The Queen, 2004 DTC 3684 (CCI).

Sentinel Hill et al. c. Attorney General of Canada, 2008 DTC 6568 (C.A.O.).

Simons c. M.N.R., 85 DTC 105 (CCI).

Stanfield c. The Queen, 2007 DTC 1071 (CCI).

Stewart c. Canada, 2002 CSC 46, [2002] A.C.S. no 46 (QL).

Swiss Bank Corporation c. M.N.R., [1971] C.T.C. 427 (C.E.).

Teichgraber c. Gallant, 2003 ABQB 58, [2003] A.J. No. 70 (QL).

Tonn c. The Queen, [1996] 1 C.T.C. 205, 96 DTC 6001 (CAF).

The Queen c. Anchor Pointe Energy Ltd., 2007 DTC 5379 (CAF).

The Queen c. Chopp, 98 DTC 6014 (CAF).

The Queen c. Franklin, 2002 DTC 6803 (CAF).

The Queen c. Loewen, 2004 DTC 6321 (CAF).

Canada c. McLarty, 2008 CSC 26 (CSC).

W.D. Latimer Co. c. Dijon Investments Ltd., [1992] O.J. No. 2909 (QL) (C.J.O.).

Windsor Plastic Products Ltd. c. The Queen, 86 DTC 6171 (C.F. 1re inst.).

Décisions étrangères

DHL Corp. c. Comm’r, (9th Cir. C.A.), 285 F.3d 1210 (2002).

DSG Retail Limited et al. c. The Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs, [2009] UKFTT 31 (TC) (Angleterre).

Merck & Co., Inc. c. United States, 24 Cl. Ct. 73, 79 (1991).

Morton-Norwich Prods., Inc. c. United States, 221 Ct. Cl. 83, 602 F.2d 270, 274 (1979).

Roche Products Pty Limited and Commissioner of Taxation, [2008] AATA 639 (Australie).

Salomon c. A. Salomon and Co., [1897] A.C. 22 (H.L.).

San Remo Macaroni Co. c. Federal Commissioner of Taxation, [1999] CAF 1468 (Australie).

Smith c. Van Gorkom, (Del. 1985) 488 A.2d 858.

Xiling Inc. et al. c. Commissioner of Internal Revenue, 2009 U.S. App. LEXIS 11118, 2009-1 U.S. Tax. Cas. (CCH) P50, 405 (9th Circuit).

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Business Corporation Act, R.S.A. 2000, c. B-9, s. 15.2

Loi canadienne sur les sociétés par actions, L.R.C. (1985), ch. C‑44, par. 102(1) et 146(1)

Companies Act (Nova Scotia), R.S. 1989, c. 81, s. 1.

Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23, par. 5(2)

Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.), al. 18(1)a), 247(2)a), 247(2)b), 247(2)c), 247(3)a), 251(1)c), 251(2)b), 251(2)c) et par. 69(2)

AUTEURS ET MONOGRAPHIES CITÉS

Anderson, Glenn R., Expert Evidence, 2e éd. (Markham, Ont. : LexisNexis, 2009).

Bryant, Alan W., Lederman, Sidney N. & Fuerst, Michelle K., The Law of Evidence in Canada, 3e éd. (Markham, Ont. : LexisNexis, 2009).

Cudmore, Gordon D., Civil Evidence Handbook, vol. 2, éd. en feuilles mobiles (Toronto : Carswell, 1987).

Driedger, E.A., Construction of Statutes, 2e éd. (Toronto : Butterworths, 1983).

OCDE, Principes applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales (Paris : Éditions OCDE, 1995), à jour en 2001.

Royer, Jean-Claude, La preuve civile, 4e éd. (Cowansville, Qc : Éditions Yvon Blais, 2008).

Welling, Bruce, Corporate Law in Canada : The Governing Principles, 3e éd. (London, Ont. : Scribblers Publishing, 2006).

Wilson, J.O., A Book for Judges, (Ottawa : Ministre des Approvisionnements et Services Canada, 1980).


RÉFÉRENCE :                                  2009 CCI 563

NOS DE DOSSIER :                            2006-1385(IT)G, 2006-1386(IT)G

INTITULÉ :                                       CAPITAL GÉNÉRALE ÉLECTRIQUE DU CANADA INC. C. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

DATES DE L’AUDIENCE :               Du 25 mai au 5 juin, du 9 au 18 juin,

                                                          les 2 et 3 juillet 2009

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Robert J. Hogan

DATE DU JUGEMENT :                   Le 4 décembre 2009

COMPARUTIONS :

Avocats de l’appelante :

Me Al Meghji

Me Martha MacDonald

Me Neil Paris

Me Joseph Steiner

 

 

Avocats de l’intimée :

Me Naomi Goldstein

Me Justine Malone

Me Myra Yuzak

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

       Pour l’appelante :

                          Nom :                      Al Meghji

                          Cabinet :                  Osler, Hoskin & Harcourt s.r.l.

                                                          Toronto (Ontario)

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 



[1] Transcription du procès, page 136, lignes 1 à 4.

[2] GE avait son propre groupe de la trésorerie pour recueillir des fonds pour les 11 entreprises industrielles, quoique cela a rarement été fait car GE avait beaucoup d’actifs et avait des flux de trésorerie positifs de 10 milliards de dollars par année, de sorte qu’elle disposait des ressources nécessaires pour financer les entreprises industrielles.

[3] Transcription du procès, page 293, lignes 8 à 16.

[4] Ibid., page 297, lignes 20 à 25.

[5] Ibid., page 224, lignes 9 à 13.

[6] Ibid., page 227, lignes 2 à 5.

[7] Ibid., page 228, lignes 13 à 18.

[8] Ibid., de la page 229, ligne 1, à la page 230, ligne 6.

[9] Ibid., page 214, lignes 10 à 16.

[10] Ibid., de la page 232, ligne 13, à la page 233, ligne 15.

[11] Ibid., page 382, lignes 1 à 19.

[12] Ibid., page 367, lignes 3 à 9.

[13] Ibid., page 359, lignes 2 à 15; de la page 371, ligne 24, à la page 372, ligne 1.

[14] Ibid., page 512, lignes 3 à 8.

[15] Ibid., page 511, lignes 1 à 22.

[16] Ibid., page 513, lignes 3 à 5.

[17] Ibid., de la page 519, ligne 23, à la page 520, ligne 4.

[18] Ibid., page 542, lignes 6 à 9.

[19] Ibid., page 543, lignes 2 à 18.

[20] Ibid., page 554, lignes 3 à 12.

[21] Ibid., page 585, lignes 19 à 22.

[22] Ibid., page 584, lignes 20 à 25.

[23] Ibid., page 590, lignes 19 à 25.

[24] Ibid., de la page 644, ligne 19, à la page 645, ligne 3.

[25] Ibid., page 683, lignes 2 à 16.

[26] Ibid., page 683, lignes 17 à 22.

[27] Ibid., page 686, lignes 10 à 18.

[28] Ibid., page 700, lignes 19 à 24.

[29] Ibid., page 701, ligne 8.

[30] Ibid., pages 961 et 962.

[31] Ibid., pages 990 à 992.

[32] Ibid., page 1048, lignes 11 à 14.

[33] Ibid., page 3358, lignes 18 à 22.

[34] Ibid., page 3359, lignes 8 à 25.

[35] Ibid., page 1120, ligne 22 et page 1121, lignes 5 à 9.

[36] Ibid., page 1131, lignes 17 à 23.

[37] Ibid., page 1140, lignes 20 à 25.

[38] Ibid., page 1155, lignes 1 à 19.

[39] Ibid., de la page 1158, ligne 20, à la page 1159, ligne 14.

[40] Ibid., de la page 1169, ligne 23, à la page 1170, ligne 4.

[41] Ibid., page 1173, lignes 2 à 9.

[42] Ibid., page 1174, lignes 13 à 15.

[43] Ibid., page 1303, lignes 14 à 20.

[44] Ibid., de la page 1332, ligne 25, à la page 1333, ligne 3; page 1333, lignes 9 à 14.

[45] Ibid., page 1794, lignes 9 à 17.

[46] Ibid., pages 1792 à 1794.

[47] Ibid., page 1333, lignes 9 à 14.

[48] Ibid., de la page 1356, ligne 5, à la page 1357, ligne 6.

[49] Ibid., page 1359, lignes 3 à 20.

[50] Ibid., de la page 1360, ligne 19, à la page 1361, ligne 7.

[51] Ibid., de la page 1366, ligne 16, à la page 1367, ligne 2; page 1367, lignes 14 à 17.

[52] Ibid., page 1385, lignes 2 à 19.

[53] Ibid., page 1449, lignes 18 à 22.

[54] Ibid., page 1427, lignes 15 à 25.

[55] Ibid., page 1428, lignes 9 à 14.

[56] Ibid., page 1429, lignes 7 à 13.

[57] Ibid., pages 1432 et 1433.

[58] Ibid., page 1443, lignes 5 à 14. Voir aussi la pièce A‑85, rapport d’expert de M. William Chambers, page 18.

[59] Ibid., page 1443, lignes 20 à 25.

[60] Ibid., de la page 1454, ligne 16, à la page 1455, ligne 5.

[61] Ibid., page 1456, lignes 14 à 19.

[62] Ibid., de la page 1706, ligne 23, à la page 1707, ligne 2.

[63] Ibid., page 1457, lignes 3 à 17.

[64] Ibid., page 1465, lignes 15 à 25.

[65] Ibid., de la page 1450, ligne 22, à la page 1451, ligne 14.

[66] Ibid., pages 1640 et 1641.

[67] Ibid., page 1334, lignes 9 à 17.

[68] Ibid., page 1523, lignes 10 à 16.

[69] Ibid., de la page 1524, ligne 18, à la page 1525, ligne 4.

[70] Ibid., page 1526, lignes 14 à 19.

[71] Ibid., page 1808, lignes 9 à 13.

[72] Ibid., page 1810, lignes 4 à 12.

[73] Ibid., page 1815, lignes 4 à 21.

[74] Ibid., page 1835, lignes 11 à 22.

[75] Ibid., de la page 1845, ligne 16, à la page 1846, ligne 8.

[76] Ibid., page 1846, lignes 12 à 17.

[77] Ibid., page 1859, lignes 5 à 25.

[78] Ibid., page 1904, lignes 1 à 14.

[79] Ibid., page 1912, lignes 11 à 14.

[80] Ibid., page 1934, lignes 5 à 16.

[81] Ibid., page 1977, lignes 2 à 6.

[82] Ibid., page 1977, lignes 14 à 20.

[83] Ibid., page 1978, lignes 5 à 12.

[84] Ibid., page 1986, lignes 3 à 4.

[85] Ibid., page 1986, lignes 11 à 21.

[86] Ibid., page 2000, lignes 2 à 10.

[87] Ibid., page 2000, lignes 16 à 23.

[88] Ibid., pages 2000 à 2002.

[89] Ibid., de la page 2014, ligne 20, à la page 2015, ligne 3.

[90] Ibid., page 2089, lignes 12 à 20.

[91] Ibid., page 2096, lignes 7 à 10.

[92] Ibid., page 2103, lignes 4 à 8.

[93] Ibid., page 2103, lignes 17 à 20.

[94] Ibid., page 2108, lignes 10 à 20.

[95] Ibid., pages 2116 à 2118.

[96] Ibid., page 2974, lignes 16 à 20.

[97] Ibid., page 2981, lignes 1 à 9.

[98] Ibid., page 2982, lignes 9 à 25.

[99] Ibid., page 3005.

[100] Ibid., de la page 2250, ligne 8, à la page 2251, ligne 8.

[101] Ibid., page 2252, lignes 5 à 14.

[102] Ibid., lignes 15 à 18.

[103] Ibid., de la page 2253, ligne 6, à la page 2254, ligne 19.

[104] Ibid., page 2258, lignes 4 à 13.

[105] Ibid., pages 2267 à 2270.

[106] Ibid., page 2272, lignes 10 à 17.

[107] Ibid., page 2275, lignes 1 à 6.

[108] Ibid., de la page 2276, ligne 19, à la page 2277, ligne 4.

[109] Ibid., page 2279, lignes 2 à 11.

[110] Ibid., page 2283, lignes 15 à 24.

[111] Ibid., page 2284, lignes 9 à 22.

[112] Ibid., page 2285, lignes 6 à 10.

[113] Ibid., page 2289, lignes 2 à 14.

[114] Ibid., page 2291, lignes 1 à 13.

[115] Ibid., de la page 2293, ligne 13, à la page 2294, ligne 7.

[116] Ibid., de la page 2294, ligne 8, à la page 2295, ligne 3.

[117] Ibid., page 2329, lignes 15 à 18.

[118] Ibid., page 2339, lignes 16 à 25.

[119] Ibid., pages 2353 et 2354.

[120] Ibid., pages 2367 et 2368.

[121] Ibid., page 2375, lignes 6 à 25.

[122] Ibid., page 2376, lignes 14 à 21.

[123] Ibid., de la page 2376, ligne 22, à la page 2377, ligne 25.

[124] Ibid., page 2378, lignes 2 à 19.

[125] Ibid., de la page 2378, ligne 20, à la page 2379, ligne 18.

[126] Ibid., page 2380, lignes 11 à 23.

[127] Ibid., de la page 2380, ligne 14, à la page 2381, ligne 12.

[128] Ibid., pages 2282 et 2283.

[129] Ibid., de la page 2384, ligne 24, à la page 2385, ligne 6.

[130] Ibid., pages 2388 à 2395.

[131] Ibid., pages 2398 et 2399.

[132] Ibid., pages 2405 et 2406.

[133] Ibid., page 2408, lignes 8 à 13.

[134] Ibid., de la page 2410, ligne 19, à la page 2411, ligne 5.

[135] Ibid., pages 2415 et 2416. Les résultats sont résumés à l’onglet 18 de la pièce R‑24.

[136] Ibid., de la page 2424, ligne 18, à la page 2425, ligne 23.

[137] Ibid., de la page 2425, ligne 18, à la page 2426, ligne 10.

[138] Ibid., page 2430, lignes 19 à 25.

[139] Ibid., pages 2433 à 2438.

[140] Ibid., pages 3378 et 3393.

[141] Ibid., de la page 2434, ligne 23, à la page 2435, ligne 1.

[142] Ibid., page 2435, lignes 10 à 17.

[143] Ibid., pages 2439 à 2441.

[144] Ibid., page 2447, lignes 1 à 22.

[145] Ibid., de la page 2486, ligne 16, à la page 2487, ligne 16.

[146] Ibid., page 2525, lignes 16 à 25.

[147] Ibid., page 2532, lignes 8 à 17.

[148] Ibid., de la page 2564, ligne 1, à la page 2565, ligne 18.

[149] Ibid., page 2651, lignes 6 à 12.

[150] Ibid., pages 2624 à 2638.

[151] Ibid., de la page 2653, ligne 20, à la page 2654, ligne 4.

[152] Ibid., de la page 2655, ligne 18, à la page 2656, ligne 8.

[153] Ibid., de la page 2659, ligne 18, à la page 2660, ligne 13.

[154] Ibid., page 2661, lignes 7 à 25, et page 2662.

[155] Ibid., page 2664, lignes 19 à 25.

[156] Ibid., pages 2681 à 2684.

[157] Ibid., de la page 2692, ligne 17, à la page 2693, ligne 15.

[158] Ibid., de la page 2722, ligne 1, à la page 2723, ligne 15.

[159] Ibid., pages 2755 à 2757.

[160] Ibid., pages 2782, 2783 et 2793.

[161] Ibid., page 2811, lignes 15 à 22.

[162] Ibid., de la page 2798, ligne 1, à la page 2799, ligne 20.

[163] Ibid., page 2806, lignes 7 à 24.

[164] Ibid., page 2812, lignes 15 à 25.

[165] Ibid., de la page 2813, ligne 11, à la page 2814, ligne 22.

[166] Ibid., page 2816, lignes 9 à 21.

[167] Ibid., de la page 2825, ligne 19, à la page 2827, ligne 21.

[168] Ibid., de la page 2827, ligne 22, à la page 2828, ligne 13.

[169] Ibid., page 2837, lignes 10 à 13.

[170] Ibid., page 2839, lignes 11 à 19; de la page 2840, ligne 18, à la page 2841, ligne 4.

[171] Ibid., de la page 2841, ligne 6, à la page 2842, ligne 3.

[172] Ibid., page 2843, lignes 5 à 20.

[173] Ibid., de la page 2843, ligne 21, à la page 2844, ligne 9.

[174] Ibid., de la page 2846, ligne 22, à la page 2847, ligne 10.

[175] Ibid., de la page 2847, ligne 21, à la page 2848, ligne 6.

[176] Ibid., de la page 2867, ligne 10, à la page 2868, ligne 13.

[177] Ibid., page 2872, lignes 14 à 17; de la page 2873, ligne 15, à la page 2875, ligne 16.

[178] Ibid., page 2817, lignes 2 à 20.

[179] Ibid., page 2818, lignes 4 à 18.

[180] Ibid., de la page 2818, ligne 19, à la page 2819, ligne 6.

[181] Ibid., page 2819, lignes 7 à 16.

[182] Ibid., page 2885, lignes 3 à 25.

[183] Ibid., de la page 2886, ligne 11, à la page 2887, ligne 8.

[184] Ibid., page 2887, lignes 12 à 18.

[185] Ibid., de la page 2929, ligne 25, à la page 2931, ligne 4.

[186] Ibid., page 2932, lignes 14 à 17.

[187] Ibid., page 3139, lignes 9 à 19.

[188] Ibid., page 3146, lignes 1 à 4.

[189] Ibid., page 3163, lignes 6 à 8. Le rapport d’expert de M. Becker est déposé sous la cote R‑31 et son rapport en contre-preuve figure à la pièce R‑32.

[190] Ibid., de la page 3178, ligne 7, à la page 3179, ligne 7.

[191] Ibid., pages 3179 à 3184.

[192] Ibid., page 3188, lignes 8 à 13.

[193] Ibid., de la page 3188, ligne 14, à la page 3191, ligne 10; page 3192, lignes 6 à 13.

[194] Ibid., de la page 3194, ligne 14, à la page 3195, ligne 17.

[195] Ibid., page 3197, lignes 10 à 21.

[196] Ibid., page 3200, lignes 1 à 17.

[197] Ibid., de la page 3202, ligne 10, à la page 3203, ligne 24.

[198] Ibid., de la page 3208, ligne 20, à la page 3209, ligne 2.

[199] Ibid., page 3224, lignes 1 à 2. Le rapport en contre-preuve de Mme Wright est déposé sous la cote R‑33.

[200] Ibid., de la page 3239, ligne 22, à la page 3240, ligne 4.

[201] Ibid., page 3240, lignes 5 à 24.

[202] Ibid., page 3241, lignes 3 à 23.

[203] Ibid., page 3242, lignes 3 à 18.

[204] Ibid., page 3242, lignes 19 à 25.

[205] Ibid., pages 3243 à 3247.

[206] Ibid., page 3255, lignes 2 à 22.

[207] Ibid., page 3257, lignes 1 à 12.

[208] Ibid., page 3257, lignes 13 à 22.

[209] Ibid., de la page 3276, ligne 9, à la page 3278, ligne 8.

[210] Ibid., page 3269, lignes 8 à 19.

[211] Ibid., de la page 3260, ligne 21, à la page 3261, ligne 16.

[212] Ibid., page 3280, lignes 10 à 19.

[213] Ibid., page 3302, lignes 9 à 14.

[214] L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.).

[215] OCDE, Principes applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales (Paris : Éditions OCDE, 1995), avec ses suppléments jusqu’en 2001.

[216] Voir l’alinéa 251(1)a) de la LIR.

[217] 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601.

[218] E.A. Driedger, Construction of Statutes, 2nd ed. (Toronto : Butterworths, 1983), à la page 87 (« Driedger »).

[219] [1955] R.C.S. 637.

[220] [1999] A.C.I. no 850 (QL).

[221] L.C., 1996, ch. 23.

[222] 2004 BCCA 284.

[223] (1998), 159 D.L.R. (4th) 81.

[224] General Electric Company, rapport annuel 1999, analyse par la Direction des ressources financières et des liquidités, page 53 :

[traduction] À la lumière du rendement passé et des attentes actuelles, compte tenu de la souplesse financière qui accompagne un solide bilan et les notes de crédit les plus élevées, la direction estime que GE est bien placée pour mener à terme le programme d’achat d’actions, pour faire croître les dividendes parallèlement aux bénéfices et pour continuer de faire des investissements de choix en vue de la croissance à long terme.

[225] http://www.genewscenter.com/content/detail.aspx?ReleaseID=4220&NewsAreaID=2, communiqué [traduction] « GE annonce le placement d’actions ordinaires; Warren Buffett annonce un investissement dans GE », 1er octobre 2008.

[226] 2008 CCI 324, 2008 DTC 3957.

[227] 2002 CAF 229, [2002] A.C.F. no 837 (QL).

[228] La notion d’entreprise indépendante est très semblable à la notion de lien de dépendance puisque les deux notions supposent qu’aucune partie ne contrôle l’autre ou n’est assujettie à un contrôle commun.

[229] 2005 CAF 252, [2005] A.C.F. no 1197 (QL).

[230] Alan W. Bryant, Sidney N. Lederman et Michelle K. Fuerst, The Law of Evidence in Canada, 3e éd. (Markham, Ontario : LexisNexis, 2009), au paragraphe 12.134.

[231] Jean-Claude Royer, La preuve civile, 4e éd. (Cowansville, Québec : Éditions Yvon Blais, 2008), au paragraphe 468.

[232] Glenn R. Anderson, Expert Evidence, 2e éd. (Markham, Ontario : LexisNexis, 2009), à la page 341.

[233] [1999] O.J. no 3752 (QL) (C.S.J.O.).

[234] Ibid., au paragraphe 419.

[235] Rudberg (c.o.b. Urban Design & Renovation) c. Ishaky, [2000] O.J. no 376 (QL) (C.S.J.O.), au paragraphe 232 (Rudberg).

[236] [1995] O.J. no 3644 (QL) (C.J.O. – Div. gén.).

[237] Rudberg, note 235.

[238] [1996] O.J. no 3656 (QL) (C.J.O. – Div. gén.).

[239] 2008 BCSC 997, au paragraphe 11.

[240] Gordon D. Cudmore, Civil Evidence Handbook, vol. 2, édition en feuilles mobiles (Toronto : Carswell, 1987), au paragraphe 14.

[241] [1985] 1 R.C.S. 39 (LexUM) (Brouillard).

[242] Poulin c. Laliberté, [1953] B.R. 8, aux pages 9 et 10.

[243] 2009 CAF 131.

[244] 2001 DTC 5075 (CAF).

[245] J.O. Wilson, A Book for Judges, rédigé sur demande du Conseil canadien de la magistrature (Ottawa : ministère des Approvisionnements et Services du Canada, 1980), à la page 44.

[246] Pièce R‑31, rapport d’expert de M. Brian Becker, Economic Analysis of the Guarantees Made by General Electric Capital Corporation to General Electric Canada Inc. 1996-2000, pages 12 et 13.

[247] Loi canadienne sur les sociétés par actions, L.R.C. (1985), ch. C‑44 , paragraphe 102(1) [LCSA] : « 102(1) Sous réserve de toute convention unanime des actionnaires, les administrateurs gèrent les activités commerciales et les affaires internes de la société ou en surveillent la gestion ».

[248] Bruce Welling, Corporate Law in Canada: The Governing Principles, 3e éd. (London, Ontario : Scribblers Publishing, 2006) aux pages 300 et 469 (Welling).

[249] LCSA, note 247, paragraphe 146(1) :

146(1) Est valide, si elle est par ailleurs licite, la convention écrite conclue par tous les actionnaires d’une société soit entre eux, soit avec des tiers, qui restreint, en tout ou en partie, les pouvoirs des administrateurs de gérer les activités commerciales et les affaires internes de la société ou d’en surveiller la gestion.

[250] Welling, note 248, à la page 469.

[251] [1998] 1 R.C.S. 795.

[252] LCSA, note 247.

[253] Voir les paragraphes 280 et 281.

[254] Transcription du procès, page 3094, lignes 15 à 18.

[255] Pièce R‑33, rapport en contre-preuve de Mme Deloris Wright, 3e page.

[256] Transcription du procès, de la page 224, ligne 6, à la page 225, ligne 24.

[257] Ibid., de la page 1221, ligne 12, à la page 1222, ligne 18.

[258] Une convention de soutien au crédit est un engagement contractuel qui équivaut à la prestation d’un service.

[259] Business Corporations Act, R.S.A. 2000, ch. B‑9, art. 15.2.

[Traduction]
15.2 – Responsabilité 1) La responsabilité de chaque actionnaire d’une société constituée sous le régime de la présente Loi en tant que société à responsabilité illimitée pour les dettes, les actes ou le défaut de la société à responsabilité illimitée est illimitée et solidaire.

2) Nonobstant le paragraphe 1), mais sous réserve de toute exonération de responsabilité applicable du fait de l’utilisation de la Limitations Act comme moyen de défense, l’ancien actionnaire d’une société à responsabilité illimitée n’est pas responsable des dettes, des actes ou du défaut de la société à responsabilité illimitée à moins qu’une action visant l’exécution d’une réclamation découlant de ces dettes, de ces actes ou de ce défaut est intentée dans un délai de deux ans de la date à laquelle l’ancien actionnaire a cessé d’en être actionnaire.

3) L’ancien actionnaire d’une société à responsabilité illimitée n’est pas responsable des dettes, des actes ou du défaut de la société à responsabilité illimitée qui n’existaient pas au moment où l’ancien actionnaire a cessé d’en être actionnaire.

[Non souligné dans l’original.]

[260] R.S. 1989, ch. 81, art. 1.

[261] Transcription du procès, de la page 3117, ligne 21, à la page 3119.

[262] Ibid., page 3094, lignes 15 à 18. L’exception est un petit prêt à court terme (75 millions de dollars) lié à la fin de l’exercice de l’appelante.

[263] Ibid., pages 3099 à 3102.

[264] Ibid., page 506, lignes 8 à 25.

[265] Ibid., pages 2762 et 2763.

[266] Observations écrites de l’intimée, au paragraphe 70.

[267] Ibid., au paragraphe 72.

[268] Transcription du procès, page 218, lignes 11 à 23; page 3005, lignes 10 à 16.

[269] Ibid., de la page 2392, ligne 8, à la page 2393, ligne 11.

[270] Ibid., de la page 2191, ligne 16, à la page 2194.

[271] Ibid., de la page 1872, ligne 17, à la page 1876, ligne 13; de la page 3198, ligne 24, à la page 3199, ligne 10.

[272] Pièce A‑88, rapport d’expert de Stephen Cole, pages 38 et 39. M. Cole s’est fondé sur les travaux de MM. Hull et Booth pour atteindre ce résultat.

[273] Transcription du procès, page 552, lignes 20 à 25. Selon M. Booth, la garantie offrait d’autres avantages pour l’appelante : celle‑ci n’avait pas à verser les frais de placement requis afin de placer des effets de commerce par l’entremise du réseau de courtiers et elle n’avait pas à payer pour des lignes de crédit d’urgence au Canada.

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