Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossier : 2007-2422(IT)G

ENTRE :

TRI-O-CYCLES CONCEPT INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

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Appels entendus les 26 et 27 mars 2009, à Montréal (Québec)

 

Devant : L’honorable juge B. Paris

Comparutions :

 

Avocate de l’appelante :

Me Soleil Tremblay

Avocate de l’intimée :

Me Nathalie Labbé

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JUGEMENT

 

          Les appels des cotisations établies en application de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour les années d’imposition 2002 et 2003 sont accueillis avec dépens, et l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations au motif que l’appelante exploitait une entreprise en 2002 et en 2003 et qu’elle avait droit à la déduction pour pertes d’entreprise et au crédit d’impôt à l’investissement demandés.   

 

Signé à Vancouver, Colombie-Britannique, ce 16e jour de décembre 2009.

 

« B.Paris »

Juge Paris


 

 

 

 

 

 

 

Référence : 2009 CCI 632

Date : 20091216

Dossier : 2007-2422(IT)G

ENTRE :

TRI-O-CYCLES CONCEPT INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Paris

 

[1]     La question en litige dans les présents appels est de savoir si l’appelante a droit à une déduction pour pertes d’entreprise et au crédit d’impôt à l’investissement (« CII ») relativement à la recherche scientifique et au développement expérimental (« RS&DE ») pour ses années d’imposition 2002 et 2003.

 

[2]     Le ministre du Revenu national a refusé les demandes présentées par l’appelante en vue d’obtenir des déductions pour pertes d’entreprise de 7 018 $ en 2002 et de 9 567 $ en 2003 ainsi que des CII de 13 322 $ en 2002 et de 19 321 $ en 2003 pour le motif que l’appelante n’exploitait pas une entreprise durant les années en question. L’intimée a aussi soutenu devant la Cour que certaines sommes dont la déduction est demandée à titre de dépenses d’entreprise étaient déraisonnables dans les circonstances.

 

Les faits

 

[3]     L’appelante a été constituée en société en 1997. Le seul actionnaire et administrateur de celle-ci se nomme Yves Brisson, qui a de l’expérience en conception commerciale et industrielle. 

 

[4]     L’appelante a commencé à exercer ses activités en 1999, année où elle a amorcé la mise au point d’un tricycle de ville pour adulte. M. Brisson, qui recevait un salaire de l’appelante, accomplissait presque tout, voire tout, le travail de mise au point du tricycle. Le travail de M. Brisson consistait principalement à concevoir deux éléments particuliers comportant des avancées technologiques par rapport aux tricycles pour adulte sur le marché : un système de pédalier et un système de direction.  

 

[5]     L’intimée a admis que le travail exécuté par M. Brisson pour le compte de l’appelante relevait de la RS&DE.

 

[6]     Différents prototypes des systèmes de pédalier et de direction ont été fabriqués entre 1999 et 2001 et, l’année suivante, M. Brisson a entrepris des travaux en vue d’intégrer ces composants dans un tricycle fonctionnel. En 2003, il avait mis au point ce qu’il a appelé un « prototype très proche d’un produit commercialisable ». En 2004, il a communiqué avec un agent des brevets pour que celui-ci procède à une étude de brevetabilité sur les composants. Il a dit que, même si les résultats de l’étude n’étaient pas concluants, aucun brevet existant ne l’empêchait, semble-t-il, de présenter une demande de brevet.

 

[7]     M. Brisson a témoigné que l’appelante avait l’intention d’accorder des licences concernant la technologie après avoir obtenu la protection d’un brevet et de toucher des redevances plutôt que de tirer des profits de la fabrication et de la vente en soi des tricycles. M. Brisson a expliqué que demander des brevets dans les ressorts visés par l’appelante aurait coûté jusqu’à 500 000 $ et que la procédure d’obtention des brevets, une fois amorcée, devait être menée dans un délai de deux ou de trois ans. L’appelante a suspendu ses plans après s’être vu refuser les CII en cause et en raison de la maladie et du décès ultérieur des parents de M. Brisson. Celui-ci a également dit qu’il serait, à son avis, difficile d’obtenir le financement nécessaire pour l’appelante, étant donné le refus du ministre d’accorder les CII et les déductions pour pertes d’entreprise.

 

[8]     Selon la preuve, M. Brisson a travaillé, pour le compte de l’appelante, 1 000 heures par année en 1999 et en 2000, 500 heures en 2001, 700 heures en 2002 et 1 000 heures en 2003, et il touchait un salaire de 50 $ l’heure.

 

[9]     L’appelante a demandé, et obtenu, des CII relativement aux dépenses de RS&DE qu’elle avait engagées au cours de ses années d’imposition 1999, 2000 et 2001. En avril 2004, elle a demandé des CII pour des dépenses de RS&DE s’élevant à 35 000 $ en 2002 et à 50 457 $ en 2003 : il s’agissait du salaire de M. Brisson (et de l’achat de quelques pièces d’équipement en 2003). L’appelante a aussi déclaré des pertes d’entreprise pour les années en question. Le ministre a refusé ces demandes par la voie de cotisations datées du 15 avril 2005 parce qu’il ne croyait pas que l’appelante avait alors commencé à exploiter une entreprise.  

 

[10]    Les hypothèses principales sur lesquelles le ministre s’est fondé pour établir la cotisation sont  énoncées à  l’alinéa 6k) de la réponse à l’avis d’appel, qui se lit comme suit :

 

k)         Durant les années en litige, l’appelante n’avait pas débuté l’exploitation d’une entreprise;

 

(i)         l’appelante n’a effectué aucune vente et n’a gagné aucun revenu depuis sa constitution en 1997 ni durant les années en litige;

 

(ii)              l’appelante n’effectuait aucune activité commerciale véritable au cours des années en litige;

 

(iii)            les équipements, matériaux et sous-traitance et autres frais sont des dépenses de nature générale sans relation avec l’exploitation d’une entreprise;

 

(iv)       aucune structure organisationnelle n’était en place;

 

(v)        aucune analyse du marché, de faisabilité ou de plan d’entreprise structuré n’était établi;

 

(vi)       [il] n’existait aucune documentation, correspondance, entente de commercialisation, ou autre démarche documentée démontrant la présence d’une activité régulière du processus de gain ou un prélude essentiel à l’exploitation normale d’une entreprise;

 

(vii)      l’appelante n’a obtenu aucun financement autre que les fonds avancés par M. Brisson pour le versement de son salaire et certains crédits afférents à la RS&DE provinciaux et fédéraux.

 

Positions des parties

[11]    L’avocate de l’intimée a soutenu qu’en 2002 et en 2003, l’appelante n’avait pas encore établi de structure pour l’entreprise qu’elle souhaitait exploiter, et que ses activités étaient seulement des préparatifs en vue de la création d’une entreprise.

 

[12]    L’avocate de l’intimée a affirmé que l’appelante n’avait fait aucune étude pour établir la demande potentielle de tricycles pour adulte ou les coûts associés à leur fabrication, qu’elle n’avait discuté avec aucun fabricant de la possibilité de fabriquer les tricycles, qu’elle n’avait ni revenu ni infrastructure lui permettant de toucher un revenu, et qu’elle n’avait pris aucune mesure pour obtenir du financement. L’intimée laisse entendre que, dans l’ensemble, l’appelante n’a rien fait de concret pour mettre en marché son produit et qu’elle a réalisé peu de progrès dans le projet depuis le début de celui-ci en 1999. L’avocate a qualifié le plan de l’appelante de « un peu irréaliste ».

 

[13]    Subsidiairement, l’intimée a soutenu que les sommes versées à titre de salaire par l’appelante à M. Brisson étaient déraisonnables et qu’il y a donc lieu de refuser les déductions demandées. L’intimée a fait valoir que l’appelante n’avait pas les moyens de payer ces sommes à M. Brisson parce qu’elle ne gagnait aucun revenu. Elle a aussi fait valoir que l’appelante avait payé le salaire à même les avances que lui avait faites M. Brisson, et a laissé entendre que les avances de M. Brisson et les paiements versés à celui-ci par l’appelante, suivis de la remise de fonds par M. Brisson à l’appelante, ont eu lieu à plusieurs reprises.

 

[14]    L’intimée laisse aussi entendre que l’appelante a seulement payé ces sommes à M. Brisson pour toucher des CII, car les paiements de salaire étaient admissibles à titre de dépenses de RS&DE. Dans les circonstances, l’intimée dit que les dépenses salariales étaient déraisonnables au sens de l’article 67 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »).

 

[15]    L’appelante a soutenu qu’elle disposait de tous les éléments nécessaires pour exploiter son entreprise en 2002 et en 2003 et que le travail de conception et de mise au point exécuté par M. Brisson faisait partie intégrante de ses activités. Elle a dit que son plan d’affaire était raisonnable et qu’elle travaillait en vue d’obtenir un brevet qui lui permettrait d’aborder les fabricants de bicyclettes. Selon l’avocate de l’appelante, le ministre avait accepté la thèse que l’appelante avait déjà commencé à exercer ses activités vu qu’il lui a accordé des CII en 1999, 2000 et 2001. L’avocate a aussi souligné que l’appelante avait consacré beaucoup de temps et d’argent à la mise au point d’un tricycle pour adulte.

 

[16]    L’appelante a soutenu que les versements de salaire étaient raisonnables vu la nature du travail exécuté et le temps qui y a été consacré par M. Brisson.   

 

Dispositions législatives applicables

 

[17]    Selon le paragraphe 127(5) de la Loi, le contribuable doit exploiter une entreprise pour pouvoir demander la déduction de ses dépenses de RS&DE au titre du paragraphe 37(1), qui commence en ces termes :

 

37(1)    Le contribuable qui exploite une entreprise au Canada au cours d'une année d'imposition peut déduire dans le calcul du revenu qu’il tire de cette entreprise pour l'année un montant qui ne dépasse pas l'excédent éventuel du total des montants suivants : […]

 

[18]    L’article 67 de la Loi interdit la déduction d’une somme, sauf dans la mesure où celle-ci est raisonnable dans les circonstances. Cette disposition se lit comme suit :

 

67.       Dans le calcul du revenu, aucune déduction ne peut être faite relativement à une dépense à l'égard de laquelle une somme est déductible par ailleurs en vertu de la présente loi, sauf dans la mesure où cette dépense était raisonnable dans les circonstances. [Non souligné dans l’original.]

 

Analyse

[19]    Les décisions Gartry v. The Queen[1] et Samson et Frères Ltée. c. Canada[2]  

donnent des conseils utiles sur la question de savoir si un contribuable a commencé à exploiter une entreprise.

 

[20]    Dans Gartry, le contribuable avait décidé de se lancer en affaire en tant que pêcheur commercial. À cette fin, il a acheté un bateau, pris des dispositions pour embaucher un équipage, négocié du financement et obtenu les permis d’exploitation nécessaires. Le bateau a toutefois coulé avant que sa propriété ne soit transférée au contribuable. Le ministre a refusé la déduction pour pertes d’entreprise demandée par le contribuable relativement aux activités que celui-ci a exercées avant la perte du navire, et il a été soutenu que l’entreprise n’avait pas commencé ses activités. Le juge en chef adjoint Bowman (tel était alors son titre) a signalé que, même si chaque cas dépend des faits qui lui sont propres, 

 

Lorsqu’un contribuable a pris des mesures importantes, des mesures essentielles pour exploiter l’entreprise, il est juste de conclure que l’entreprise avait démarré. (paragraphe 16)

 

Dans cette décision, Bowman A.C.J. (tel était alors son titre) a conclu que l’entreprise avait commencé ses activités et que ses affaires allaient bon train lorsque le contribuable a engage les dépenses dont il a sollicité la déduction. 

 

[21]    Dans Samson et Frères Ltée. c. Canada[3], le ministre avait refusé une déduction pour pertes d’entreprise au motif que le contribuable n’exploitait pas une entreprise. Le contribuable avait exploité auparavant une entreprise de transformation de la viande, mais son usine a été détruite en grande partie dans un incendie deux ans avant la première des années en cause. À la suite de l’incendie, le contribuable a eu l’intention de faire construire ailleurs une nouvelle usine, plus grande que l’ancienne. Il a demandé l’aide du gouvernement pour aller de l’avant avec le projet, mais sa demande a été rejetée. La Cour a conclu que les mesures prises par le contribuable pour obtenir de l’équipement et des installations constituaient des étapes préliminaires du lancement de l’entreprise et que le plan à cette fin a été abandonné parce que le contribuable n’avait pas été en mesure d’obtenir le financement nécessaire. La Cour a donc jugé que le contribuable n’avait pas encore lancé la nouvelle entreprise durant les années en cause.  

 

[22]    La Cour a fait les observations suivantes au paragraphe 22 de la décision Samson et Frères Ltée. :

 

22        […] il m’apparaît clair que pour qu'une entreprise existe et ait débuté, on doit avoir dépassé le simple stade de l'intention de la débuter. Un projet, même articulé, de le faire n'est, à mon avis, que l'expression de cette intention et doit être poussé plus loin. Les éléments essentiels se rattachant à la structure même de l'entreprise, soit le financement, les actifs et la main-d'oeuvre nécessaires doivent avoir été recherchés et réunis avant que l'on puisse affirmer que l'entreprise existe et qu'elle a débuté. J'ajouterai que la décision de débuter l'entreprise telle qu'on peut la déceler par des mesures « importantes » ou « essentielles » prises par le contribuable en vue de l'exploitation même constitue un indice important que l'entreprise a débuté. C'est là, à mon avis, le sens de la décision du juge Bowman de cette cour dans l'affaire Gartry (précitée). Il est en effet assez difficile de concevoir qu'une entreprise ait débuté avant même qu'une décision ferme à cet égard n'ait été prise et que les éléments essentiels se rattachant à la structure même d'une telle entreprise n'aient été réunis.

[Non souligné dans l’original.]

 

[23]    En l’espèce, il semble que l’appelante a créé, durant les années en cause, une structure qui comprend tous les éléments nécessaires pour exploiter une entreprise. Celle-ci disposait du capital investi au départ par M. Brisson, soit environ 130 000 $ (selon les états financiers de l’appelante pour 2002 et ceux pour 2003), ainsi que des locaux où elle se livre à ses activités. L’appelante comptait sur les services de M. Brisson, un employé qualifié pour exécuter le travail de mise au point et de conception. Elle avait aussi un plan de fonctionnement et mettait ce plan à exécution d’une manière organisée et méthodique impliquant un investissement considérable de temps et d’argent. L’appelante était allée bien au-delà de l’étude de la possibilité d’établir une entreprise, ainsi que de la mise en commun des éléments nécessaires à l’exploitation de l’entreprise. L’infrastructure nécessaire à la mise au point du tricycle pour adulte était en place et le travail avait commencé en 1999. Cela fait contraste avec la situation qui prévalait dans Samson et Frères, une affaire où la Cour a conclu que le contribuable n’avait pas encore pris une décision ferme concernant le lancement de la nouvelle entreprise et que le projet était toujours demeuré conditionnel à l’obtention du financement requis.  

 

[24]    Le fait que l’appelante n’ait touché aucun revenu en 2002 et en 2003 ne permet pas en soi de trancher la question de savoir si une entreprise a commencé ses activités. Il faut se rappeler que la nature de l’entreprise de l’appelante et la mise au point d’un nouveau produit impliquent une période d’établissement plus longue que dans le cas d’autres types d’entreprise. Comme l’a fait remarquer Bowman A.C.J. (tel était alors son titre) dans Gartry, chaque affaire dépend des faits qui lui sont propres, et :  

 

Pour ce qui est de la détermination du moment où une entreprise débute, il n’est pas réaliste de dire que c’est au moment où l’on commence à tirer de l’argent du commerce ou de la fabrication d’un bien ou de la prestation d’un service ou, à l’autre extrême, que c’est au moment où l’on a pour la première fois eu l’intention de lancer l’entreprise[4].

 

[25]    Il n’est pas non plus fatal à la position de l’appelante que les seuls fonds dont elle dispose aient été obtenus de M. Brisson ou au moyen de crédits d’impôt en 1999, 2000 et 2001. À mon sens, l’objet des crédits d’impôt obtenus par l’appelante est de fournir de l’aide financière pour le travail de recherche et de développement, et j’estime qu’il s’agit d’une source légitime de fonds de roulement dans le cas d’une entreprise, comme celle en l’espèce, qui met au point un nouveau produit. Le financement provenant des actionnaires est une façon tout aussi acceptable de recueillir le capital de lancement d’une petite entreprise.

 

[26]    Bon nombre des points soulevés par l’intimée ont trait à la question de savoir si l’appelante exerçait ses activités de façon commerciale, plutôt qu’à la question de savoir si elle avait commencé l’exploitation de son entreprise. Il n’y a toutefois lieu d’examiner le caractère commercial de la conduite de l’appelante que si les activités de l’appelante comportent un élément personnel (Stewart c. La Reine[5]). L’intimée n’a pas fait valoir dans la présente affaire que l’intention principale de l’appelante n’était pas de réaliser un profit, ou encore que ses activités comportaient un élément personnel.

 

[27]    Ayant jugé que l’appelante exploitait une entreprise en 2002 et en 2003, je me penche maintenant sur l’argument subsidiaire de l’intimée, selon lequel les sommes versées à M. Brisson en guise de salaire – 35 000 $ en 2002 et 50 000 $ en 2003 – étaient déraisonnables.  

 

[28]    Les cours ont interprété l’objet de l’article 67 comme signifiant que le montant et l’importance d’une dépense doivent être raisonnables : Mohammad v. The Queen[6] et Gabco Ltd. v. The Queen[7]. En outre, dans Stewart, la Cour suprême du Canada a décrété que l’examen du caractère raisonnable pour l’application de l’article 67 peut prendre en compte le type de dépense dont le contribuable demande la déduction et le rapport entre cette dépense et l’entreprise du contribuable (voir aussi Hammill c. La Reine[8]).

 

[29]    En l’espèce, il incombe à l’intimée de démontrer que les dépenses de salaire en cause sont déraisonnables compte tenu de l’entreprise de l’appelante, que ce soit par leur montant ou leur nature.

 

[30]    M. Brisson a touché 50 $ l’heure pour son travail. On n’a présenté aucune preuve montrant que ce taux de rémunération était déraisonnable vu la nature du travail de conception exécuté par M. Brisson. Ce dernier a témoigné avoir travaillé 700 heures en 2002 et 1 000 heures en 2003 pour l’appelante. Son témoignage n’a pas été mis en doute en contre-interrogatoire. L’intimée n’a appelé aucun témoin pour montrer que le temps de travail de M. Brisson était anormalement élevé ou déraisonnable compte tenu des résultats obtenus.

 

[31]    De plus, je n’accepte pas l’argument selon lequel le fait que le salaire a été payé à même les fonds versés à l’appelante par ses actionnaires ou reçus à titre de crédits d’impôt, plutôt qu’à même les recettes, devrait mener à la conclusion que la dépense était déraisonnable. Si c’était le cas, on pourrait soutenir que tout salaire payé pour la mise au point d’un produit est déraisonnable. Je rejette aussi l’idée que la manière dont M. Brisson a remis les fonds à l’appelante influe sur la question du caractère raisonnable des dépenses.  

 

[32]    Dans l’ensemble, je conclus que l’intimée n’est pas parvenue à démontrer que, pour reprendre les propos de la Cour de l’Échiquier dans Gabco Ltd.[9], [traduction] « aucun homme d’affaire raisonnable ne se serait engagé par contrat à payer une telle somme s’il avait seulement à l’esprit l’intérêt commercial de l’appelante ».  


 

 

[33]    Pour les motifs qui précèdent, les appels sont accueillis avec dépens.

 

Signé à Vancouver, Colombie-Britannique, ce 16e jour de décembre 2009.

 

« B.Paris »

Juge Paris

 

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2009 CCI 632

 

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2007-2422(IT)G

 

 

INTITULÉ :                                       TRI-O-CYCLES CONCEPT INC. et

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Les 26 et 27 mars 2009

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge B. Paris

 

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 16 décembre 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Avocate de l’appelante :

Me Soleil Tremblay

Avocate de l’intimée :

Me Nathalie Labbé

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                      Me Soleil Tremblay

 

                            Cabinet :                Alepin, Gauthier

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1]           94 DTC 1947.

 

[2]           [1995] A.C.I. no 1385.

 

[3]           [1995] A.C.I. no 1385.

 

[4]           Précitée, paragraphe 16.

[5]           [2002] 2 R.C.S. 645.

 

[6]           97 DTC 5503 (CAF).

 

[7]           68 DTC 5210 (CAF).

 

[8]           2005 A.C.F. no 1197.

 

[9]           Précitée, paragraphe 52.

 

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