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Dossier : 2007-1604(IT)G

ENTRE :

CHRISTIAN BERGERON,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

____________________________________________________________________

Appel entendu le 25 janvier 2010, à Montréal (Québec).

 

Devant : L'honorable juge Lucie Lamarre

 

Comparutions :

 

Pour l'appelant :

L’appelant lui-même

 

 

Avocat de l'intimée :

Me Mounes Ayadi

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

        L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2001 est rejeté, avec dépens en faveur de l’intimée selon le Tarif B des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), le tout selon les motifs du jugement ci-joints.

 

 

Signé à Montréal, Québec, ce 28e jour de janvier 2010.

 

 

 

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre


 

 

 

 

Référence : 2010 CCI 56

Date : 20100128

Dossier : 2007-1604(IT)G

ENTRE :

CHRISTIAN BERGERON,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Lamarre

 

[1]              L’appelant en appelle d’une cotisation établie par le ministre du Revenu national (ministre) pour l’année d’imposition 2001, par laquelle on a rajouté à son revenu d’emploi la somme de 61 751 $, à titre d’allocation pour frais de subsistance et de déplacement qu’il a reçue de son employeur, Conseiller en informatique d’affaires CIA Inc. (CIA), conformément à l’alinéa 6(1)b) de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR). Le ministre a estimé que cette allocation ne pouvait être exempte d’impôt par application du paragraphe 6(6) de la LIR, concernant l’emploi sur un chantier particulier ou en un endroit éloigné.

 

[2]              Ces dispositions législatives se lisent comme suit :

 

ARTICLE 6 :        Éléments à Inclure à titre de revenu tiré d’une charge ou d’un emploi.

            (1) Sont à inclure dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, d’une charge ou d’un emploi, ceux des éléments suivants qui sont applicables :

 

[. . .]

b)   Frais personnels ou de subsistance – les sommes qu’il a reçues au cours de l’année à titre d’allocations pour frais personnels ou de subsistance ou à titre d’allocations à toute autre fin, sauf :

 

[. . .]

 

(6) Emploi sur un chantier particulier ou en un endroit éloigné. Malgré le paragraphe (1), un contribuable n’inclut, dans le calcul de son revenu tiré, pour une année d’imposition, d’une charge ou d’un emploi, aucun montant qu’il a reçu, ou dont il a joui, au titre, dans l’occupation ou en vertu de sa charge ou de son emploi et qui représente la valeur des frais – ou une allocation (n’excédant pas un montant raisonnable) se rapportant aux frais – qu’il a supportés pour :

 

a)      sa pension et son logement, pendant une période donnée :

(i)                  soit sur un chantier particulier qui est un endroit où le travail accompli par lui était un travail de nature temporaire, alors qu’il tenait ailleurs et comme lieu principal de résidence, un établissement domestique autonome :

(A)     d’une part, qui est resté à sa disposition pendant toute la période et qu’il n’a pas loué à une autre personne,

(B)     d’autre part, où on ne pouvait raisonnablement s’attendre à ce qu’il retourne quotidiennement étant donné la distance entre l’établissement et le chantier,

(ii)                soit à un endroit où on ne pouvait raisonnablement s’attendre à ce qu’il établisse et tienne un établissement domestique autonome, étant donné l’éloignement de cet endroit de toute agglomération,

si la période au cours de laquelle son travail l’a obligé à s’absenter de son lieu principal de résidence ou à être sur ce chantier ou à cet endroit était d’au moins 36 heures;

b)      le transport, au titre d’une période visée à l’alinéa a) pendant laquelle il a reçu de son employeur la pension et le logement ou une allocation raisonnable au titre de la pension et du logement, entre :

(i)                  soit son lieu principal de résidence et le chantier particulier visés au sous-alinéa a)(i),

(ii)                soit l’endroit mentionné au sous-alinéa a)(ii) et un endroit au Canada ou un endroit dans un pays où le contribuable est employé.

 

Faits

 

[3]              L’appelant est un informaticien qui a été engagé par CIA pour travailler en France sur des contrats octroyés à la société CIA France, détenue par CIA. Son premier contrat a débuté le 30 juin 1997, et a été renouvelé par la suite jusqu’au 14 janvier 2002. Tout ce temps, il a travaillé pour le même client (Qualitech devenu par la suite IPSI).

 

[4]              L’appelant a témoigné qu’il a toujours eu un contrat de travail avec CIA. Il en a déposé deux qui sont signés en date du 1er janvier 2000. Le premier indique que le contrat de travail débute le 1er janvier 2000 et le deuxième que le début du contrat est le 1er mai 2000. Dans les deux contrats, on mentionne que le contrat de travail est pour une durée de 12 mois et qu’il est renouvelable pour des périodes de 12 mois consécutifs ou moins. On y retrouve également dans chacun une clause intitulée « terminaison prématurée ». Selon cette clause, le contrat prend automatiquement fin à l’expiration du préavis de cessation d’emploi prévu aux conditions générales. Ainsi, les deux parties peuvent mettre fin au contrat ou décider de ne pas le renouveler en fournissant à l’autre partie un préavis écrit d’un mois. Le contrat prend également fin à la cessation d’emploi ou à la fin de la carte de séjour en territoire français. Relativement à ce dernier point, le contrat prévoit que ce dernier est conditionnel à l’obtention d’un visa de long séjour en territoire français, desservi par la direction départementale du travail et de l’emploi de France.

 

[5]              L’appelant a déposé en preuve deux cartes de séjour temporaire, l’une valable du 15 mai 2000 au 14 mai 2001 et l’autre du 15 mai 2001 au 13 février 2002. Il a expliqué que ces cartes de séjour étaient valides seulement s’il avait une autorisation de travail. Il est d’ailleurs indiqué sur ces cartes de séjour que l’appelant est un travailleur temporaire et qu’il détient une autorisation provisoire de travail.

 

[6]              L’appelant a expliqué que le contrat sur lequel il travaillait au début 2000 s’était terminé en mai 2000 et que CIA l’a réengagé sur un autre contrat. De ce que je comprends, il a été assigné à des fonctions de direction pour lesquelles ses responsabilités étaient plus importantes. Son salaire mensuel est passé de 33 600 francs français (FF) à 51 800 FF à compter du 1er mai 2000. Quant aux frais forfaitaires mensuels pour subvenir aux frais de subsistance et de déplacement pour un séjour à l’étranger, ils sont passés de 16 800 FF à 25 900 FF à compter du 1er mai 2000. Cette allocation de subsistance correspond à 50% du salaire. L’appelant explique toutefois que cette allocation est calculée pour tenir compte du coût de la vie et qu’avec ses nouvelles fonctions, son coût de vie a augmenté. Il a donc demandé une allocation plus élevée correspondant à ses nouvelles fonctions, entre autres pour l’achat d’une voiture en France. En sus de cette allocation, l’appelant s’est fait rembourser toutes ses dépenses pour se déplacer de son endroit de travail en France en région éloignée (États-Unis, Canada et Lyon en France). Le contrat établissant le salaire et l’allocation de subsistance versés à l’appelant en 2001 n’a pas été déposé en preuve. L’appelant ne conteste pas toutefois que l’allocation de subsistance qu’il a reçue de son employeur s’élève à 61 751 $ en 2001, et il a déclaré un revenu d’emploi de 123 719 $ pour cette même année. Cette allocation n’inclut pas les dépenses remboursées à l’appelant pour ses déplacements en région éloignée. Le montant ainsi remboursé n’a pas été inclus au revenu de l’appelant par le ministre.

 

[7]              L’appelant a également déposé en preuve trois certificats d’assurance santé pendant son séjour en France. Le premier a été établi pour une durée de détachement n’excédant pas trois ans, pour la période du 30 juin 1997 au 10 avril 1999. Les deuxième et troisième ont été établis pour une durée de détachement pouvant excéder trois ans, le deuxième pour la période du 10 avril 1999 au 10 avril 2002 et le dernier pour une période chevauchante du 1er février 2000 au 10 avril 2002.

 

[8]              L’appelant a expliqué qu’il avait pris un logement meublé à Paris car il ne savait jamais si le client mettrait un terme au contrat sur lequel il travaillait. Ainsi à l’automne 2001, on a mis fin à son contrat. Il a eu deux mois d’avis et est revenu au Canada en janvier 2002.

 

[9]              Par ailleurs, il a toujours gardé accès au logement loué par sa mère à Montréal, et pour lequel il payait la moitié du loyer. Il a déposé en preuve le bail signé par sa mère, de même que son compte bancaire au Canada montrant les retraits attitrés au loyer. Il a dit qu’il avait conservé son automobile et que celle-ci restait dans le garage attenant au logement.

 

Analyse

 

[10]         Il ne semble pas contesté que l’allocation de 61 751 $, qui fait l’objet du litige, a été reçue par l’appelant pour ses frais personnels et de subsistance en 2001. À ce titre, elle est à la base imposable aux termes de l’alinéa 6(1)b) de la LIR. La question qui se pose est celle de savoir si elle peut être exemptée par l’application du paragraphe 6(6) de la LIR. La première condition, celle de la raisonnabilité du montant versé à l’appelant pour cette allocation de subsistance, est factuelle.

 

[11]         L’intimée considère que l’appelant n’a pas prouvé que cette allocation n’excédait pas une valeur raisonnable se rapportant aux frais supportés pour sa pension et son logement en France. Selon l’intimée, il s’agit d’un salaire déguisé, puisque cette allocation correspond tout simplement à 50% du salaire. Ainsi, si cette allocation avait été vraiment établie en fonction du coût de la vie, elle n’aurait pas été augmentée en fonction de l’augmentation de salaire qu’a reçue l’appelant en mai 2000. D’ailleurs, l’appelant a lui-même indiqué qu’il avait négocié cette allocation en fonction de ses nouvelles responsabilités. L’intimée souligne que l’allocation visée au paragraphe 6(6) de la LIR doit couvrir les frais de subsistance (pension et logement). Or, l’appelant a mentionné qu’il avait considéré l’achat d’un véhicule automobile en France.

 

[12]         De son côté, l’appelant considère qu’il était raisonnable de recevoir cette allocation puisque son travail était d’un niveau plus élevé que les autres employés de CIA, et qu’il avait en conséquence des dépenses plus élevées à cause de son statut dans l’entreprise.

 

[13]         Il ressort de la preuve que cette allocation correspondait tout simplement à 50% de son salaire, cette même allocation ayant été réajustée en fonction de l’augmentation de salaire en mai 2000. L’appelant a négocié cette allocation avec l’employeur au même titre que son salaire. J’estime que l’appelant n’a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, que cette allocation n’excédait pas un montant raisonnable, se rapportant aux frais qu’il a supportés pour sa pension et son logement lors de son détachement en France. Aucun élément de preuve n’a été fourni par l’appelant étayant sa thèse. Cette première condition n’étant pas remplie, l’allocation en question devient donc imposable aux termes de l’alinéa 6(1)b) de la LIR.

 

[14]         Cette conclusion me dispense de considérer les autres conditions qui doivent être remplies pour l’application du paragraphe 6(6) de la LIR, et qui ont été plaidées par les parties. Ainsi je n’ai plus à décider si le travail de l’appelant en France était de nature temporaire, ce qui, à mon avis, selon la preuve aurait pu s’interpréter dans l’affirmative ou la négative.

 

[15]         Je n’ai plus également à me prononcer sur la question à savoir si l’appelant tenait ailleurs (dans le cas présent à Montréal), un établissement domestique autonome qui est resté à sa disposition pendant toute la période et qu’il n’a pas loué à une autre personne. Je dirais simplement que j’estime, selon la preuve, que je peux répondre dans l’affirmative à cette question.

 

[16]         Pour ces motifs, je suis d’avis de rejeter l’appel avec dépens contre l’appelant selon le Tarif B des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale).

 

Signé à Montréal, Québec, ce 28e jour de janvier 2010.

 

 

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre


RÉFÉRENCE :                                  2010 CCI 56

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2007-1604(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              CHRISTIAN BERGERON c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 25 janvier 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Lucie Lamarre

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 28 janvier 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Mounes Ayadi

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant:

 

                     Nom :                           

 

                 Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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