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Dossier : 2008-879(GST)G

 

ENTRE :

 

FRASER INTERNATIONAL COLLEGE LIMITED,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

________________________________________________________________

 

Appel entendu le 7 juillet 2009, à Vancouver (Colombie‑Britannique)

Par : L'honorable juge Brent Paris

 

Comparutions :

 

Avocats de l'appelante :

Me Terry G. Barnett et

Me Kimberley L. Cook

Avocat de l'intimée :

Me Bruce Senkpiel

________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel formé contre la cotisation établie en application de la Loi sur la taxe d'accise pour la période du 31 mars 2006 au 31 décembre 2006 est accueilli, avec dépens, et la cotisation est annulée au motif que l'appelante est une université et que les cours qu'elle offrait constituaient des fournitures exonérées.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour de février 2010.

 

 

« Brent Paris »

Le juge Paris

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour de mai 2010.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Référence : 2010 CCI 63

Date : 20100203

Dossier : 2008-879(GST)G

 

ENTRE :

 

FRASER INTERNATIONAL COLLEGE LIMITED,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Paris

 

[1]     L'appelante exploite le Fraser International College (« FIC »), un collège privé à but lucratif qui propose des programmes d'études visant à préparer les étudiants étrangers en vue de leur admission à l'université Simon Fraser (« SFU »).

 

[2]     La question en litige dans le présent appel consiste à savoir si les cours offerts par le FIC sont exonérés de la TPS. Les articles 7 et 16 de la partie III de l'annexe V de la Loi sur la taxe d'accise (« LTA ») exonèrent la fourniture, par une administration scolaire, un collège public ou une université, d'un service consistant à donner certains cours à des particuliers. Ces dispositions sont libellées de la manière suivante :

 

7.         La fourniture, effectuée par une administration scolaire, un collège public ou une université, d'un service consistant à donner à des particuliers des cours ou des examens qui mènent à un diplôme.

16        La fourniture, effectuée par un organisme — administration scolaire, collège public ou université — d'un service consistant à donner à des particuliers des cours, ou les examens afférents, (sauf des cours de sports, jeux ou autres loisirs, conçus pour être suivis principalement à des fins récréatives) qui font partie d'un programme constitué d'au moins deux cours et soumis à l'examen et à l'approbation d'un conseil, d'une commission ou d'un comité de l'organisme, établi en vue d'examiner et d'approuver les cours offerts par l'organisme.

 

[3]     En l'espèce, le différend porte sur la question de savoir si l'appelante est une « université ». Ce terme est défini au paragraphe 123(1) de la LTA de la manière suivante :

 

123(1) Les définitions qui suivent s'appliquent à l'article 121, à la présente partie et aux annexes V à X.

 

[...]

 

« université » Institution reconnue qui décerne des diplômes, y compris l'organisation qui administre une école affiliée à une telle institution ou l'institut de recherche d'une telle institution

 

[4]     Les parties ne s'entendent pas sur le sens qu'il convient de donner au terme « affilié » dans cette définition, et sur le point de savoir si le FIC était un collège affilié à la SFU, celle‑ci étant une institution reconnue qui décerne des diplômes.

 

[5]     L'appelante soutient que le terme « affilié » devrait recevoir son sens ordinaire, et que les liens entre l'appelante et la SFU relèvent de cette acception.

 

[6]     L'intimée fait valoir que le terme « affilié » a un sens particulier lorsqu'il vise un collège et qu'il suppose qu'une université, en vertu de sa relation avec ledit collège, accepte de décerner des diplômes aux étudiants de celui‑ci lorsqu'ils achèvent leur programme d'études. Puisque la SFU ne décerne pas de diplôme aux étudiants du FIC qui terminent leurs études, l'intimée prétend que ce dernier n'est pas un collège affilié à la SFU.

 

[7]     L'intimée affirme également que, quand bien même la Cour conclurait que l'interprétation du terme « affilié » proposée par l'appelante est correcte, il demeure néanmoins que cette dernière, au regard des faits, n'était pas affiliée à la SFU.

 

Le contexte

 

[8]     L'appelante a été constituée en janvier 2006 par IBT Education Ltd., une société australienne qui exploite un certain nombre de collèges privés au Canada, en Australie, à Singapour et au Royaume‑Uni. Ces collèges sont tous liés par un partenariat avec une université en particulier et proposent des programmes de passage à l'université destinés aux étudiants étrangers. La réussite du programme permet aux étudiants d'entrer à l'université partenaire, en général en deuxième année.

 

[9]     L'appelante et la SFU ont conclu une [TRADUCTION] « entente de reconnaissance et de services d'enseignement » (l'« entente ») le 29 mars 2006. L'entente prévoit un accord de coopération entre le FIC et la SFU en vertu duquel le FIC doit élaborer et offrir des programmes de passage à l'université et la SFU doit fournir des services et des installations pour aider le FIC dans la mise en oeuvre de ces programmes. En échange, le FIC verse des droits à la SFU.

 

[10]    Conformément à l'entente, la SFU a reconnu le FIC comme lui étant affilié. L'article 3 de l'entente stipule que :

 

[TRADUCTION]

 

L'université reconnaît et convient qu'en raison de la nature et de l'étendue de l'accord de coopération entre les parties, le collège est reconnu comme étant « affilié à » l'université à compter de la date de prise d'effet, étant entendu que l'université n'assume aucune responsabilité ou obligation en conséquence de cette affiliation, sauf stipulation contraire expresse de la présente entente.

 

L'accord de coopération entre la SFU et le FIC prévoit notamment ce qui suit :

 

                la fourniture de locaux d'enseignement et de bureaux au profit du FIC sur le campus de la SFU;

 

                la supervision par la SFU des programmes d'études du FIC et du matériel de cours;

 

                l'approbation des enseignants du FIC par la SFU;

 

                l'admission garantie des étudiants du FIC par la SFU lorsqu'ils satisfont aux exigences fixées pour les étudiants du FIC;

 

                l'utilisation des installations et des services de la SFU par les étudiants du FIC;

 

                la création d'un comité consultatif pédagogique composé de représentants de la SFU et du FIC, afin de définir les politiques pédagogiques et de surveiller la qualité des cours offerts par le FIC;

 

               la collaboration entre la SFU et le FIC pour concevoir des programmes d'études destinés au FIC à partir des cours et du matériel de la SFU se rapportant à divers cours de premier cycle de cette dernière.

 

[11]    Aux termes de l'alinéa 7f) de l'entente, la SFU accorde au FIC la permission de se présenter comme un collège affilié à la SFU et d'annoncer ses cours comme étant offerts en affiliation avec la SFU. En vertu de l'alinéa 5k), le FIC doit informer ses étudiants qu'ils étudient au sein d'un collège affilié à la SFU.

 

[12]    L'entente a été approuvée par le sénat et le bureau des gouverneurs de la SFU au printemps 2006, et le FIC a commencé ses activités en septembre de la même année.

 

[13]    Madame Beverly Hudson, directrice du FIC, a déclaré dans son témoignage que les programmes de passage à l'université offerts par le FIC avaient le même contenu que les cours correspondant de la SFU et qu'ils étaient élaborés avec le concours de la SFU et approuvés par cette dernière. Les enseignants du FIC rencontraient chaque semestre les coordonnateurs de cours de la SFU pour examiner les critères de notation, les examens finaux et les notes finales, afin de s'assurer que les normes appliquées au FIC soient équivalentes à celles appliquées à la SFU pour les mêmes cours. Les étudiants du FIC qui obtenaient une moyenne pondérée cumulative de 2,5 pour leurs cours étaient assurés d'être admis à la SFU. Madame Hudson a également déclaré que la lettre d'admission envoyée aux étudiants du FIC était signée conjointement par elle, pour le compte du FIC, et par le directeur des admissions de la SFU.

 

[14]    La brochure de recrutement du FIC, intitulée [TRADUCTION] « Votre porte d'entrée à l'université Simon Fraser », comporte le logo de la SFU et la mention [TRADUCTION] « en association avec l'université Simon Fraser » sur sa couverture. Un message de bienvenue du vice‑chancelier de la SFU figure en première page, suivi d'un message similaire de Mme Hudson à la deuxième page. La participation de la SFU à la conception et à l'encadrement des programmes du FIC est soulignée, et tous les cours sont présentés comme menant à une éventuelle entrée à la faculté correspondante de la SFU. La brochure contient aussi une page décrivant la SFU et son campus, et les résidences pour étudiants de la SFU figurent sur la liste des possibilités de logement pour les étudiants.

 

[15]    Madame Hudson a déclaré que les numéros des étudiants du FIC étaient délivrés par la SFU, que leur carte d'étudiant leur donnait accès aux bibliothèques, aux équipements sportifs et aux laboratoires informatiques de la SFU, et que les étudiants du FIC avaient le droit de devenir membres des clubs et des associations de la SFU.

 

[16]    Madame Kate Ross, registraire et directrice principale des inscriptions de la SFU, a témoigné que cette dernière avait conclu l'entente avec le FIC afin d'accroître le nombre d'inscriptions d'étudiants étrangers, conformément à son objectif de diversifier sa population étudiante. Elle a également obtenu des avantages financiers grâce à l'entente, tant en ce qui concerne les droits qui lui étaient payés par le FIC que les frais de scolarité plus élevés acquittés par les étudiants étrangers pour suivre les cours de la SFU. La preuve a révélé qu'entre 92 % et 95 % des diplômés du FIC poursuivaient leurs études à la SFU.

 

Les arguments de l'intimée

 

[17]    L'avocat de l'intimée a fait valoir qu'un « collège affilié » est un collège dont les diplômés se voient décerner un diplôme par l'université à laquelle ce collège est affilié. Il a affirmé que cette notion [TRADUCTION] « existait depuis longtemps », qu'elle constituait une [TRADUCTION] « définition acceptée dans les cercles universitaires » et qu'elle faisait [TRADUCTION] « partie de la structure institutionnelle des universités importée du Royaume‑Uni au Canada ».

 

[18]    L'avocat de l'intimée a mentionné deux arrêts, Re City of London and Ursuline Religious of the Diocese of London[1] et Renvoi relatif au projet de loi 30, An Act to Amend the Education Act (Ontario)[2], qui font référence au terme « collège affilié ». Il a également renvoyé au « Répertoire des universités canadiennes »[3] publié par l'Association des universités et collèges du Canada (« AUCC »), qui comporte les définitions suivantes d'« établissement fédéré, affilié » et de « collège constituant » dans son glossaire :

 

Établissement fédéré, affilié : une université ou un collège peut s'associer à une autre université, souvent appelée université « mère », à titre d'établissement fédéré ou affilié. L'établissement fédéré s'administre lui-même et est autorisé à conférer des grades mais pendant la durée de l'accord de fédération, il s'abstient totalement ou partiellement d'exercer ce pouvoir. Un établissement affilié s'administre lui‑même mais n'a pas le pouvoir de conférer des grades. Dans les deux cas, l'université mère supervise l'enseignement des programmes visés par l'accord de fédération ou d'affiliation et confère les grades aux étudiants qui les terminent avec succès.

 

[...]

 

Collège constituant : collège qui fait partie intégrante d'une université et qui est sous son autorité pour toute question administrative ou pédagogique.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[19]    L'avocat a fait référence à l'énoncé de politique P‑220 de l'Agence du revenu du Canada intitulé Entités canadiennes qui sont admissibles en tant qu'« université » au sens de la Loi sur la taxe d'accise et daté du 26 octobre 1998. Selon le paragraphe 2 de ce document :

 

Une institution n'est considérée comme administrant une école affiliée à une université ou une institution décernant des diplômes (l'« institution mère ») que lorsqu'il y a un accord formel d'affiliation entre l'institution mère et l'école affiliée dans le cadre duquel l'institution mère accepte de décerner des diplômes aux finissants de l'école affiliée en échange d'un certain degré de contrôle sur les normes académiques et les cours offerts par l'école affiliée [...]

 

[20] Puisque la SFU ne décernait pas de diplômes aux étudiants du FIC, l'intimée dit que le collège n'était pas affilié à la SFU.

 

[21]    À titre subsidiaire, l'avocat de l'intimée a fait valoir que le FIC et la SFU n'étaient pas affiliés selon le sens ordinaire de ce terme. Il a fait référence à certains documents écrits, dont la brochure du FIC destinée aux étudiants éventuels, qui décrivait le FIC comme étant « associé » à la SFU ou « en partenariat » avec celle‑ci, plutôt qu'« affilié ». Il a également soulevé que le FIC ne figurait pas au « Répertoire des universités canadiennes » de l'AUCC en tant que collège affilié à la SFU. En outre, il a attiré l'attention de la Cour sur le paragraphe 35(2) de la loi intitulée University Act[4] (Loi sur les universités) de la Colombie‑Britannique, qui régit la composition du sénat des universités et selon lequel l'organe de direction de chaque collège affilié doit élire un membre du sénat. Pour l'avocat de l'intimée, le fait que le FIC ne disposait d'aucun siège au sénat de la SFU montrait qu'il n'était pas affilié à cette dernière.

 

Analyse

 

[22]    Les principes qui régissent l'interprétation des lois fiscales ont été énoncés par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Placer Dome Canada Ltd. c. Ontario (Ministre des Finances)[5], aux paragraphes 21 à 23 :

 

21        Dans l'arrêt Stubart Investments Ltd. c. La Reine, notre Cour a rejeté l'approche restrictive en matière d'interprétation des lois fiscales et a statué que la méthode d'interprétation moderne s'applique autant à ces lois qu'aux autres lois. En d'autres termes, « il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur » (p. 578) : voir l'arrêt 65302 British Columbia Ltd. c. Canada. Toutefois, le caractère détaillé et précis de nombreuses dispositions fiscales a souvent incité à mettre davantage l'accent sur l'interprétation textuelle : Hypothèques Trustco Canada c. Canada. Les contribuables ont le droit de s'en remettre au sens clair des dispositions fiscales pour organiser leurs affaires. Lorsqu'il est précis et non équivoque, le texte d'une loi joue un rôle primordial dans le processus d'interprétation.

 

22        Par contre, lorsque le texte d'une loi peut recevoir plus d'une interprétation raisonnable, le sens ordinaire des mots joue un rôle moins important et il peut devenir nécessaire de se référer davantage au contexte et à l'objet de la Loi : Trustco Canada, par. 10. De plus, comme la juge en chef McLachlin l'a fait remarquer au par. 47, « [m]ême lorsque le sens de certaines dispositions peut paraître non ambigu à première vue, le contexte et l'objet de la loi peuvent révéler ou dissiper des ambiguïtés latentes. » La Juge en chef a ensuite expliqué que, pour dissiper les ambiguïtés explicites ou latentes d'une mesure législative fiscale, « les tribunaux doivent adopter une méthode d'interprétation législative textuelle, contextuelle et téléologique unifiée ».

 

23        Le degré de précision et de clarté du libellé d'une disposition fiscale influe donc sur la méthode d'interprétation. Lorsque le sens d'une telle disposition ou son application aux faits ne présente aucune ambiguïté, il suffit de l'appliquer. La mention de l'objet de la disposition [TRADUCTION] « ne peut pas servir à créer une exception tacite à ce qui est clairement prescrit » : voir P. W. Hogg, J. E. Magee et J. Li, Principles of Canadian Income Tax Law (5e éd. 2005), p. 569; Shell Canada Ltée c. Canada. Lorsque, comme en l'espèce, la disposition peut recevoir plus d'une interprétation raisonnable, il faut accorder plus d'importance au contexte, à l'économie et à l'objet de la loi en question. Par conséquent, l'objet d'une loi peut servir non pas à mettre de côté le texte clair d'une disposition, mais à donner l'interprétation la plus plausible à une disposition ambiguë.

 

[23]    En l'espèce, l'intimée ne m'a pas convaincu que le terme « affilié », employé dans la LTA dans la définition du terme « université », comporte une quelconque ambiguïté.

 

[24]    Les arrêts mentionnés par l'intimée n'apportent aucun éclairage sur la signification du terme « affilié » et n'appuient pas l'affirmation suivant laquelle ce terme a un sens spécial dans les « cercles universitaires ». À part l'énoncé de politique de l'ARC, le seul endroit où l'on trouve la définition d'« affilié » proposée par l'intimée est le glossaire du « Répertoire des universités canadiennes » de l'AUCC. Toutefois, en l'absence d'éléments montrant que le législateur a tenu compte de la position de l'AUCC en rédigeant la définition du terme « université » dans la LTA, je ne peux accorder un quelconque poids à la définition du glossaire pour les fins de l'interprétation du terme « affilié ».

 

[25]    Je ne suis pas non plus convaincu, eu égard à la seule définition du glossaire de l'AUCC, que l'expression « collège affilié » soit un terme spécialisé en matière d'enseignement postsecondaire ayant une signification juridique établie et reconnue. Lorsqu'un terme utilisé dans une loi fiscale a une signification juridique bien définie, il est raisonnable de présumer que le législateur avait connaissance du droit commun et qu'il entendait adopter cette acception (Will‑Kare Paving & Contracting Limited c. La Reine[6]).

 

[26]    En l'espèce, cependant, l'intimée n'a pas démontré que le terme « collège affilié » ait une signification juridique reconnue, que ce soit en droit fédéral ou en droit provincial. Les seules dispositions légales employant le terme « collège affilié » produites par l'intimée figurent dans la loi intitulée University Act, qui ne définit pas ce terme. Au paragraphe 37(1), la loi confie la gouvernance des universités à leur sénat et, à l'alinéa 37(1)u), elle confère au sénat le pouvoir d'établir les conditions d'affiliation avec d'autres établissements d'enseignement, y compris les collèges. Cet alinéa dispose que :

 

[TRADUCTION]

 

37(1) La gouvernance pédagogique de l'université est confiée au sénat, qui détient les pouvoirs suivants :

 

[...]

 

u) l'établissement des conditions d'affiliation avec d'autres universités, collèges et établissements d'enseignement, ainsi que la modification ou la résiliation de l'affiliation;

 

Cela me donne à penser que la législature de la Colombie-Britannique n'avait pas l'intention de limiter les conditions de l'affiliation entre une université et un collège à celles visées par la définition du glossaire de l'AUCC, mais plutôt de laisser le soin d'en décider au sénat de chaque université.

 

[27]    La position administrative de l'Agence du revenu du Canada énoncée dans la politique P‑220 ne peut pas venir en aide à l'intimée en l'espèce, puisqu'il n'a pas été démontré qu'il y a une quelconque ambiguïté dans l'emploi du mot « affilié » dans la définition d'« université ». La pratique administrative ne constitue un guide utile qu'en présence de plusieurs interprétations raisonnables possibles. En l'absence d'ambiguïté, il n'y a lieu d'accorder qu'un faible poids à la pratique administrative.

 

[28]    Le cadre légal ne nous éclaire pas beaucoup en l'espèce. Le terme « université » est employé à divers endroits de la LTA et des règlements connexes, dont la partie III de l'annexe V. Voici quelques exemples[7] :

 

               l'alinéa 19(3)c) et le paragraphe 21(3) du Règlement sur la comptabilité abrégée (TPS/TVH) concernant le droit d'une université d'utiliser la méthode de la comptabilité abrégée pour la TPS;

 

               l'alinéa 259(1)c) de la LTA, qui prévoit un remboursement de la TPS dans le cas d'achats de documents imprimés par une université;

 

               le paragraphe 191(6) de la LTA, qui prévoit une exception à la règle sur les fournitures à soi-même pour les résidences étudiantes lorsque le constructeur est une université;

 

               les alinéas 149(1)b) et c), qui excluent les universités de l'analyse visant à déterminer si une organisation est une institution financière.

 

[29]    Le terme « université » figure également dans la définition du terme « organisme de services publics », au paragraphe 123(1) de la LTA, qui s'applique à la détermination du seuil de petit fournisseur et au traitement fiscal des immeubles utilisés comme immobilisations, ainsi qu'au droit d'utiliser la méthode de la comptabilité abrégée. Un « organisme déterminé de services publics » a droit au remboursement de 67 % de la TPS qu'il paie sur les fournitures utilisées pour faire des fournitures exonérées, mais seules les universités à but non lucratif ont droit à ce remboursement.

 

[30]    Bien que cette liste ne soit pas forcément exhaustive, les dispositions de la LTA et des règlements dans lesquelles figure le terme « université » illustrent le « caractère détaillé et précis de nombreuses dispositions fiscales » qui amène dans un tel cas à mettre davantage l'accent sur l'interprétation textuelle[8].

 

[31]    Pour autant que je puisse en juger, ces dispositions ne donnent aucune indication de l'intention du législateur lorsqu'il a choisi d'inclure les collèges affiliés dans la définition d'« université », et le cadre légal ne crée aucune équivoque latente dans cette définition.

 

[32]    Je conviens avec les avocats de l'appelante que si le législateur avait eu pour intention qu'une entité ne soit affiliée à une université que si cette dernière décerne un diplôme pour le programme d'études suivi au sein de l'entité affiliée, cette limite aurait été énoncée directement dans le texte de loi.

 

[33]    Puisqu'il n'a pas été démontré que l'emploi du terme « affilié » dans la définition d'« université » de la LTA comporte une ambiguïté latente ou expresse, il convient de lui donner son sens ordinaire. Le verbe « affilier » (en anglais, affiliate) est défini de la manière suivante dans le dictionnaire Canadian Oxford Dictionary[9] :

 

[TRADUCTION]

 

1. joindre ou lier (à une organisation plus large); adopter à titre d'établissement membre, etc.

 

2. s'associer à une association ou un organisme.

 

Le dictionnaire Random House Dictionary of the English Language[10] en donne la définition suivante :

 

[TRADUCTION]

 

1. mettre en association ou lier étroitement : Le centre de recherche est affilié à l'université. 2. joindre ou unir à un groupe; associer

 

Il ressort de ces définitions que le terme « affilié », dans son acception ordinaire, signifie « associé » ou « lié étroitement à ».

 

[34]    La preuve présentée par l'appelante fait clairement apparaître que le FIC était associé ou étroitement lié à la SFU. À cet égard, je renvoie à l'accord de coopération entre le FIC et la SFU consigné dans l'entente de reconnaissance et de services d'enseignement. Suivant le témoignage non contredit de Mme Hudson, le FIC et la SFU ont mis en oeuvre cet accord dans les faits et le FIC s'est présenté et comporté comme étant associé à la SFU et comme une porte d'entrée offrant aux étudiants étrangers un accès direct à la SFU. En outre, les termes employés par le FIC dans sa documentation écrite décrivait une relation ou un lien étroit entre le FIC et la SFU, et il importe peu qu'il ait lui‑même indiqué être associé à la SFU ou avoir établi un partenariat avec celle‑ci plutôt que d'indiquer lui être affilié.

 

[35]    Je n'accepte pas non plus l'argument de l'intimée suivant lequel le FIC n'était pas affilié à la SFU puisqu'il ne disposait pas de siège au sénat de cette dernière. Je ne vois pas en quoi l'inobservation de l'alinéa 35(2)j) de la loi intitulée University Act modifie la nature de la relation entre la SFU et le FIC. Il se peut que le FIC soit en droit d'élire un membre du sénat de la SFU, et qu'il puisse insister pour que cela lui soit permis. Rien n'indique que la SFU refuserait de le lui permettre.

 

[36]    Pour ces motifs, je conclus que l'appelante relève de la définition d'« université » figurant dans la LTA et qu'en conséquence, les cours qu'elle offrait constituaient des fournitures exonérées au sens de l'article 7 ou de l'article 16 de la partie III de l'annexe V de la LTA.

 

[37]    L'appel est accueilli, avec dépens à l'appelante, et la cotisation est annulée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour de février 2010.

 

 

« Brent Paris »

Le juge Paris

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour de mai 2010.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


RÉFÉRENCE :                                  2010 CCI 63

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2008‑879(GST)G

 

INTITULÉ :                                       FRASER INTERNATIONAL COLLEGE LIMITED c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                  Le 7 juillet 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L'honorable juge Brent Paris

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 3 février 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l'appelante :

Me Terry G. Barnett et

Me Kimberley L. Cook

Avocat de l'intimée :

Me Bruce Senkpiel

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

          Pour l'appelante :

                   Nom :           Me Terry G. Barnett

                                      Me Kimberley L. Cook

                   Cabinet :      Thorsteinssons

 

          Pour l'intimée :       John H. Sims, c.r.

                                      Sous‑procureur général du Canada

                                      Ottawa, Canada

 



[1]           [1964] 1 O.R. 587, 43 D.L.R. (2d) 220 (C.A. Ont.).

 

[2]           [1987] 1 R.C.S. 1148.

 

[3]           42e éd., 2008.

 

[4]           R.S.B.C. 1996, ch. 468.

 

[5]           [2006] 1 R.C.S. 715, 2006 CSC 20.

 

[6]           2000 CSC 36.

 

[7]           Tirés de l'analyse de David Sherman au sujet du paragraphe 123(1), « université ».

 

[8]           Voir Placer Dome, par. 21.

 

[9]           2e éd., 2004.

 

[10]          2e éd., 1987.

 

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