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Dossier : 2007-4989(IT)I

 

ENTRE :

 

MEICHLAND BLACKBURN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 25 janvier 2010 à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Judith Woods

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

Avocat de l’intimée :

Me Ian Theil

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L’appel interjeté à l’encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2003 est rejeté.

 

Chaque partie assumera ses propres frais.

 

 

        Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de février 2010.

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour d’avril 2010.

 

Espérance Mabushi, M.A.Trad. Jur.


Référence : 2010 CCI 69

Date : 20100204

Dossier : 2007-4989(IT)I

 

ENTRE :

 

MEICHLAND BLACKBURN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Woods

 

[1]     Meichland Blackburn a interjeté appel à l’encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour l’année d’imposition 2003.

 

[2]     Dans la cotisation, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé la déduction de frais judiciaires ou extrajudiciaires s’élevant à 14 420 $.

 

Question préliminaire

 

[3]     Au début de l’audience, l’intimée a présenté une requête visant à obtenir une ordonnance d’annulation de l’appel au motif qu’aucun avis d’opposition n’avait été dûment signifié dans la présente affaire, comme l’exige le paragraphe 169(1) de la Loi.

 

[4]     Voici le libellé du paragraphe 169(1) :

 

169(1) Lorsquun contribuable a signifié un avis dopposition à une cotisation, prévu à

larticle 165, il peut interjeter appel auprès de la Cour canadienne de limpôt pour faire annuler ou modifier la cotisation :

 

a) après que le ministre a ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation;

 

b) après lexpiration des 90 jours qui suivent la signification de lavis dopposition sans que le ministre ait notifié au contribuable le fait quil a annulé ou ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation;

 

toutefois, nul appel prévu au présent article ne peut être interjeté après l’expiration des 90 jours qui suivent la date où l’avis a été expédié par la poste au contribuable, en vertu de l’article 165, portant que le ministre a ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation.

[Non souligné dans l’original.]

 

 [5]    L’appelant a déclaré qu’il avait signifié l’avis d’opposition dans les délais prescrits, en postant une lettre au Bureau des services fiscaux de Kitchener‑Waterloo. Une copie de la lettre, qui était datée du 5 mai 2006, a été versée dans le dossier de requête.

 

[6]     L’intimée soutient que l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») n’a pas reçu d’avis d’opposition dans les délais prescrits pour la production d’un tel avis. L’agente des litiges, Stephanie Fong, a mentionné dans sa déclaration sous serment qu’elle n’avait pas réussi à trouver dans les dossiers de l’ARC une preuve selon laquelle l’appelant avait signifié un avis d’opposition dans les délais.

 

[7]     Le problème que soulève cette preuve, c’est la non-comparution de Mme Fong pour contre-interrogatoire au sujet de cette déclaration sous serment. Il n’a été procédé à aucun interrogatoire hors cour au sujet de la déclaration sous serment, ce qui est compréhensible pour un appel interjeté sous le régime de la procédure informelle.

 

[8]     L’avocat de l’intimée n’a pas insisté sur cette question, et il a soutenu subsidiairement que la lettre datée du 5 mai 2006 n’avait pas été dûment signifiée, parce qu’elle n’avait pas été adressée au chef des Appels. La lettre avait simplement été adressée à l’Agence des douanes et du revenu du Canada, Bureau des services fiscaux de Kitchener‑Waterloo.

 

[9]     L’intimée se fonde sur le raisonnement du juge Bowie dans Mohammed c. La Reine, 2006 CCI 265. Voici la teneur des passages pertinents, aux paragraphes 26 et 27 :

 

[26]      […] Le paragraphe 165(1) de la Loi dispose :

Le contribuable qui soppose à une cotisation prévue par la présente partie peut signifier au ministre, par écrit, un avis dopposition exposant les motifs de son opposition et tous les faits pertinents, dans les délais suivants [...].

Par la suite, il prescrit le délai pendant lequel cela doit être fait et pour les besoins de la présente affaire, ce serait dans les 90 jours suivant la date de mise à la poste de lavis de cotisation. Le paragraphe (2) dispose ensuite :

Lavis dopposition prévu au présent article est signifié au chef des Appels dun bureau de district ou dun centre fiscal de lAgence des douanes et du revenu du Canada soit par personne, soit par courrier.

On remarque immédiatement que le paragraphe (2) comporte une obligation et cela, bien entendu, est renforcé par les motifs du jugement du juge Sexton dans laffaire McClelland. On suppose que lobligation existe parce que de nombreux documents sont signifiés soit par courrier soit par personne à lARC dans de nombreux bureaux à travers le Canada. Un avis dopposition est un document de grande importance car (et ceci nest pas remis en cause devant moi), un avis dopposition valide signifié dans les formes prescrites est une condition préalable nécessaire à un appel devant la présente Cour.

[27]    Limportance du document est évidente et limportance du document est la raison pour laquelle lobligation existe et le fait quil sagit dune obligation est souligné à la fois par la Loi dinterprétation et par le jugement dans laffaire McClelland. Le paragraphe 165(6) dispose :

Le ministre peut accepter un avis dopposition signifié en vertu du présent article malgré linobservation des modalités prévues au paragraphe (2).

On ne peut nier, je pense, quil sagit là dun pouvoir discrétionnaire du ministre. Lopposition entre les obligations contenues aux paragraphes (1) et (2) et la permission contenue au paragraphe (6) nest pas le résultat dune erreur de rédaction et si, dans une cause particulière, le ministre refuse daccepter un avis dopposition signifié de façon irrégulière comme étant valide, à mon avis, la présente Cour na aucun pouvoir ni de renverser son refus, ni de rendre valide un avis dopposition signifié de façon irrégulière.

 

[10]    Le problème que soulève cet argument, c’est qu’il n’avait été mentionné ni dans la réponse ni dans le dossier de requête déposé avant l’audience. Je ne suis pas convaincue que l’appelant a été avisé de cet argument suffisamment à l’avance pour pouvoir préparer une réponse.

 

[11]    L’avocat de l’intimée m’a informée à l’audience que l’appelant avait été préalablement avisé de cet argument au moyen d’une correspondance.

 

[12]    À mon avis, une correspondance informelle ne constitue pas un avis suffisant des arguments qui doivent être présentés à l’audience. L’appelant devrait pouvoir se fonder sur la réponse et les documents de la requête, déposés auprès de la Cour, afin de comprendre les questions que l’intimée entend soulever.

 

[13]    Je ne vois pas pourquoi l’intimée n’aurait pas pu soulever la question plus tôt. Il est clair que l’intimée était au courant de la lettre datée du 5 mai 2006 parce qu’une copie a été versée dans le dossier de requête. Toutefois, aucun argument n’a été invoqué relativement à cette lettre dans les documents de la requête.

 

[14]    Dans ces circonstances, il serait injuste, à mon avis, que l’intimée soulève cette question au début de l’instance.

 

Déductibilité des frais judiciaires ou extrajudiciaires

 

[15]    En ce qui concerne la question de fond, bon nombre des faits pertinents ont été exposés dans deux décisions antérieures de la Cour, toutes deux publiées sous l’intitulé Blackburn c. La Reine : 2004 CCI 180 et 2006 CCI 332. Un bref résumé suffit.

 

[16]    Au mois d’octobre 1997, l’appelant, un policier, a été accusé de l’infraction criminelle de conduite dangereuse. L’incident est survenu alors que l’appelant n’était pas en service.

 

[17]    L’appelant a été reconnu coupable, et, au mois d’août 1999, il a été condamné à une peine d’emprisonnement de 30 jours. À partir de la date du prononcé de la sentence, l’appelant a été suspendu du service de police, sans solde.

 

[18]    Au mois de juillet 2000, la condamnation a été annulée en appel. L’appelant a réintégré ses fonctions au service de police et il a reçu son salaire pour la période de suspension.

 

[19]    Au mois de février 2002, les accusations criminelles ont fait l’objet d’un nouveau procès. L’issue du nouveau procès fut une nouvelle déclaration de culpabilité au mois de juin 2002.

 

[20]    L’appelant a formé un appel contre la nouvelle déclaration de culpablilité, mais il n’a pas eu gain de cause.

 

[21]    Du mois de juillet 2002 au mois de décembre 2002, l’appelant était en congé de maladie non payé. Au mois de décembre 2002, l’employeur a mis fin à l’emploi.

 

[22]    L’appelant demande la déduction des frais judiciaires ou extrajudiciaires payés en 2003 et concernant la tenue de l’appel formé contre la nouvelle déclaration de culpabilité.

 

[23]    Pour que l’appelant ait droit à cette déduction, les frais doivent avoir été engagés pour recouvrer le traitement ou salaire qui lui était dû. Les dispositions législatives pertinentes, à savoir le paragraphe 8(2) et l’alinéa 8(1)b) de la Loi prévoient ce qui suit :

 

8(2) Seuls les montants prévus au présent article sont déductibles dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, d’une charge ou d’un emploi.

 

8(1) Sont déductibles dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré, pour une année

d’imposition, d’une charge ou d’un emploi ceux des éléments suivants qui se rapportent entièrement à cette source de revenus, ou la partie des éléments suivants qu’il est raisonnable de considérer comme s’y rapportant:

[…]

b) les sommes payées par le contribuable au cours de l’année au titre des frais judiciaires ou extrajudiciaires qu’il a engagés pour recouvrer le traitement ou salaire qui lui est dû par son employeur ou ancien employeur ou pour établir un droit à ceux-ci;

                                                                             [Non souligné dans l’original.]

 

[24]    Je voudrais d’abord faire des observations au sujet de la charge de la preuve sur cette question. Selon la réponse, le ministre n’a formulé aucune hypothèse quant à la nature des frais judiciaires ou extrajudiciaires engagés. L’avocat de l’intimée a reconnu que cette dernière avait la charge de la preuve.

 

[25]    L’appelant soutient que si la nouvelle déclaration de culpabilité avait été infirmée, il aurait eu droit à des dommages-intérêts pour congédiement injustifié.

 

[26]    Le problème que soulève cet argument, c’est que les dommages-intérêts pour congédiement injustifié ne constituent pas un « traitement ou salaire » au sens de la Loi.

 

[27]    Les dispositions législatives pertinentes sont les définitions de « traitement ou salaire » et d’« allocation de retraite » qui se trouvent à l’article 248 de la Loi.

 

« traitement ou salaire » Sauf aux articles 5 et 63 et à la définition de « prestation consécutive au décès », le revenu que tire un contribuable d’une charge ou d’un emploi, calculé d’après la sous-section a de la section B de la partie I, y compris les honoraires touchés par le contribuable pour des services qu’il n’a pas fournis dans le cours des activités de son entreprise, mais à l’exclusion des prestations de retraite ou de pension, ainsi que des allocations de retraite.

 

« allocation de retraite » Somme, sauf une prestation de retraite ou de pension, une somme reçue en raison du décès d’un employé ou un avantage visé au sous‑alinéa 6(1)a)(iv), reçue par un contribuable ou, après son décès, par une personne qui était à sa charge ou qui lui était apparentée, ou par un représentant légal du contribuable :

 

            a) soit en reconnaissance de longs états de service du contribuable au moment où                                  il prend sa retraite d’une charge ou d’un emploi ou par la suite;

 

            b) soit à l’égard de la perte par le contribuable d’une charge ou d’un emploi,                             qu’elle ait été reçue ou non à titre de dommages ou conformément à une                                       ordonnance ou sur jugement d’un tribunal compétent.

[Non souligné dans l’original.]

 

[28]    Il ressort clairement des définitions ci-dessus que les dommages-intérêts pour congédiement injustifié ne constituent pas un « traitement ou salaire » aux fins de l’alinéa 8(1)b) de la Loi. Par conséquent, même si un acquittement au niveau de l’appel avait donné lieu à l’octroi de dommages-intérêts, les frais judiciaires ou extrajudiciaires au titre de la présente disposition n’auraient pas été déductibles.

 

[29]    L’appelant avance que le raisonnement du juge Bowie dans la décision relative à l’année d’imposition 2000 soutient son argument. Je ne suis pas de cet avis.

 

[30]    Les circonstances examinées par le juge Bowie étaient très différentes de celles de l’espèce. Dans les faits dont le juge Bowie était saisi, les frais judiciaires ou extrajudiciaires avaient été engagés relativement à l’appel formé contre la première condamnation. Ces frais étaient déductibles car, par suite du gain de cause en appel, l’appelant avait été rémunéré pour la période pendant laquelle il avait été suspendu sans solde. Ces montants constituaient un traitement ou salaire dû et non des dommages-intérêts pour congédiement injustifié.

 

[31]    À mon avis, la décision du juge Bowie n’est pas applicable en l’espèce.

 

Conclusion

 

[32]    L’appel est rejeté. Chaque partie assumera ses propres frais.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de février 2010.

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour d’avril 2010.

 

Espérance Mabushi, M.A.Trad. Jur.

 


RÉFÉRENCE :                                  2010 CCI 69

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2007-4989(IT)I

 

INTITULÉ :                                       MEICHLAND BLACKBURN

                                                          c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 25 janvier 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge J. M. Woods

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 4 février 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

Avocat de l’intimée :

Me Ian Theil

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :                         

 

                          Nom :                      s/o

 

                          Cabinet :                 

                                                         

      

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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