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Dossier : 2008-3758(GST)I

ENTRE :

614730 ONTARIO INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[traduction française officielle]

 

____________________________________________________________________

 

Appels entendus le 28 janvier 2010, à Ottawa, Canada

 

 Devant : L’honorable juge Wyman W. Webb

 

 Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

M. Sam Crupi

 

Avocate de l’intimée :

Me Suzanie Chua

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Les appels interjetés en vertu de la Loi sur la taxe d’accise (la « Loi ») à l’égard des avis de cotisation datés du 10 janvier 2007, du 27 février 2007, du 29 janvier 2008 et du 4 février 2008 sont accueillis, sans dépens, et la question est déférée au ministre du Revenu national pour qu’il procède à un nouvel examen et établisse des nouvelles cotisations en partant du principe que l’appelante a droit aux crédits de taxe sur les intrants (les « CTI ») suivants :

 

Période de déclaration

CTI accordé

1. Du 1er juillet 2006 au 30 septembre 2006

1 025,91 $

2. Du 1er octobre 2006 au 31 décembre 2006

2 565,73 $

3. Du 1er janvier 2007 au 31 mars 2007

668,60 $

5. Du 1er juillet 2007 au 30 septembre 2007

35,00 $

 

4 295,24 $

         

          L’appel interjeté en vertu de la Loi à l’égard de l’avis de cotisation daté du 19 septembre 2007 est rejeté, sans dépens.

 

          La Cour ordonne que le droit de dépôt de 100 $ payé par l’appelante lui soit remboursé.

 

 

 

Signé à Halifax (Nouvelle‑Écosse), ce 17e jour de février 2010.

 

 

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de mai 2010.

 

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.


 

 

 

 

Référence : 2010 CCI 75

Date : 20100217

Dossier : 2008-3758(GST)I

ENTRE :

614730 ONTARIO INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[traduction française officielle]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Webb

 

[1]     Les appels en cause dans la présente affaire ont trait à diverses demandes de crédit de taxe sur les intrants (les « CTI ») faites en vertu de la Loi sur la taxe d’accise (la « Loi ») pour cinq périodes de déclaration trimestrielle consécutives. Toutes ces demandes de CTI ont été refusées. Les périodes de déclaration et les CTI demandés sont les suivants :

 

Période de déclaration

CTI demandés

Date de l’avis de cotisation

1. Du 1er juillet 2006 au 30 septembre 2006

1 060,23 $

Le 10 janvier 2007

2. Du 1er octobre 2006 au 31 décembre 2006

2 653,50 $

Le 27 février 2007

3. Du 1er janvier 2007 au 31 mars 2007

840,09 $

Le 29 janvier 2008

4. Du 1er avril 2007 au 30 juin 2007

50,00 $

Le 19 septembre 2007

5. Du 1er juillet 2007 au 30 septembre 2007

120,95 $

Le 4 février 2008

Total :

4 724,77 $

 

 

[2]     À l’audience, l’appelante a déposé en preuve une annexe dans laquelle la ventilation des CTI avait été réorganisée en fonction des types de dépenses auxquelles les CTI avaient trait. Les CTI demandés peuvent être regroupés de la sorte :

 

CTI relatifs au litige en matière d’assurances

 

Période de déclaration

Description

CTI demandés

1. Du 1er juillet 2006 au 30 septembre 2006

Frais juridiques

969,08 $

1. Du 1er juillet 2006 au 30 septembre 2006

Débours

56,83 $

2. Du 1er octobre 2006 au 31 décembre 2006

Frais juridiques

2 169,70 $

2. Du 1er octobre 2006 au 31 décembre 2006

Débours

122,20 $

2. Du 1er octobre 2006 au 31 décembre 2006

Frais juridiques

179,22 $

2. Du 1er octobre 2006 au 31 décembre 2006

Débours

8,19 $

2. Du 1er octobre 2006 au 31 décembre 2006

Rapport technique

70,00 $

Total :

 

3 575,22 $

 

CTI relatifs au problème de toiture

 

Période de déclaration

Description

CTI demandés

2. Du 1er octobre 2006 au 31 décembre 2006

Refinancement

21,00 $

3. Du 1er janvier 2007 au 31 mars 2007

Frais juridiques

123,72 $

3. Du 1er janvier 2007 au 31 mars 2007

Frais juridiques

37,10 $

3. Du 1er janvier 2007 au 31 mars 2007

Frais juridiques

70,00 $

3. Du 1er janvier 2007 au 31 mars 2007

Frais juridiques

140,00 $

3. Du 1er janvier 2007 au 31 mars 2007

Rapport technique

266,28 $

5. Du 1er juillet 2007 au 30 septembre 2007

Frais juridiques

35,00 $

Total :

 

693,10 $

 

CTI relatifs à l’appel concernant la TPS

 

Période de déclaration

Description

CTI demandés

3. Du 1er janvier 2007 au 31 mars 2007

Frais juridiques

35,00 $

 

CTI relatifs aux frais de comptabilité

 

Période de déclaration

CTI demandés

2. Du 1er octobre 2006 au 31 décembre 2006

42,00 $

5. Du 1er juillet 2007 au 30 septembre 2007

34,50 $

Total :

76,50 $

 

CTI relatifs à l’utilisation de l’automobile et aux frais de bureau

 

Description

CTI demandés

Utilisation de l’automobile

207,05 $

Frais de bureau

138,13 $

Total :

345,18 $

 

[3]     Le paragraphe 169(1) de la Loi prévoit qu’une personne peut demander un CTI relativement à la taxe payée sur un bien ou un service qu’elle a acquis, dans la mesure où cette personne a acquis le bien ou le service pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales. Cette disposition est ainsi rédigée :

 

169(1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, un crédit de taxe sur les intrants d’une personne, pour sa période de déclaration au cours de laquelle elle est un inscrit, relativement à un bien ou à un service qu’elle acquiert, importe ou transfère dans une province participante, correspond au résultat du calcul suivant si, au cours de cette période, la taxe relative à la fourniture, à l’importation ou au transfert devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu’elle soit devenue payable :

 

A × B

 

où :

 

A   représente la taxe relative à la fourniture, à l’importation ou au transfert, selon le cas, qui, au cours de la période de déclaration, devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu’elle soit devenue payable;

 

B :

 

a) dans le cas où la taxe est réputée, par le paragraphe 202(4), avoir été payée relativement au bien le dernier jour d’une année d’imposition de la personne, le pourcentage que représente l’utilisation que la personne faisait du bien dans le cadre de ses activités commerciales au cours de cette année par rapport à l’utilisation totale qu’elle en faisait alors dans le cadre de ses activités commerciales et de ses entreprises;

 

b) dans le cas où le bien ou le service est acquis, importé ou transféré dans la province, selon le cas, par la personne pour utilisation dans le cadre d’améliorations apportées à une de ses immobilisations, le pourcentage qui représente la mesure dans laquelle la personne utilisait l’immobilisation dans le cadre de ses activités commerciales immédiatement après sa dernière acquisition ou importation de tout ou partie de l’immobilisation;

 

c) dans les autres cas, le pourcentage qui représente la mesure dans laquelle la personne a acquis ou importé le bien ou le service, ou l’a transféré dans la province, selon le cas, pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[4]     L’« activité commerciale » est définie de la façon suivante à l’article 123 de la Loi :

 

« activité commerciale » Constituent des activités commerciales exercées par une personne :

 

a) l’exploitation d’une entreprise (à l’exception d’une entreprise exploitée sans attente raisonnable de profit par un particulier, une fiducie personnelle ou une société de personnes dont l’ensemble des associés sont des particuliers), sauf dans la mesure où l’entreprise comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées;

 

b) les projets à risque et les affaires de caractère commercial (à l’exception de quelque projet ou affaire qu’entreprend, sans attente raisonnable de profit, un particulier, une fiducie personnelle ou une société de personnes dont l’ensemble des associés sont des particuliers), sauf dans la mesure où le projet ou l’affaire comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées;

 

c) la réalisation de fournitures, sauf des fournitures exonérées, d’immeubles appartenant à la personne, y compris les actes qu’elle accomplit dans le cadre ou à l’occasion des fournitures.

 

[5]     L’article 141.01[1] de la Loi prévoit notamment ce qui suit :

 

141.01(1) Au présent article, constituent les initiatives d’une personne :

 

a) ses entreprises;

 

b) ses projets à risque et ses affaires de caractère commercial;

 

c) la réalisation de fournitures d’immeubles lui appartenant, y compris les actes qu’elle accomplit dans le cadre ou à l’occasion des fournitures.

 

(1.1) Pour l’application des paragraphes (1.2), (2) et (3), une contrepartie symbolique n’est pas une contrepartie.

 

[…]

 

(2) La personne qui acquiert ou importe un bien ou un service, ou le transfère dans une province participante, pour consommation ou utilisation dans le cadre de son initiative est réputée, pour l’application de la présente partie, l’acquérir, l’importer ou le transférer dans la province, selon le cas, pour consommation ou utilisation :

 

a) dans le cadre de ses activités commerciales, dans la mesure où elle l’acquiert, l’importe ou le transfère dans la province afin d’effectuer, pour une contrepartie, une fourniture taxable dans le cadre de l’initiative;

 

b) hors du cadre de ses activités commerciales, dans la mesure où elle l’acquiert, l’importe ou le transfère dans la province :

 

(i) afin d’effectuer, dans le cadre de l’initiative, une fourniture autre qu’une fourniture taxable effectuée pour une contrepartie,

 

(ii) à une fin autre que celle d’effectuer une fourniture dans le cadre de l’initiative.

 

[…]

 

[6]     À l’article 123 de la Loi, les termes « fourniture taxable », « fourniture » et « bien » sont ainsi définis :

 

« fourniture taxable » Fourniture effectuée dans le cadre d’une activité commerciale.

 

« fourniture » Sous réserve des articles 133 et 134, livraison de biens ou prestation de services, notamment par vente, transfert, troc, échange, louage, licence, donation ou aliénation.

 

« bien » À l’exclusion d’argent, tous biens – meubles et immeubles – tant corporels qu’incorporels, y compris un droit quelconque, une action ou une part.

 

Ainsi, en application de ces dispositions, pour que la somme payable en application de la Loi relativement à l’acquisition d’un bien ou d’un service donne droit à un CTI, l’acquisition doit avoir été à des fins de vente ou de louage (ou d’autre type de fourniture) du bien ou du service pour une contrepartie dans le cadre d’activités commerciales[2].

 

[7]     Dans Blanchard s/n Four Pillar Financial c. La Reine, [2001] A.C.I. no 484, [2001] G.S.T.C. 94, le juge Bowie a expliqué l’interaction des articles 169 et 141.01 de la Loi de la façon suivante :

 

[19]      La conclusion selon laquelle il n’y a qu’une seule entreprise a pour résultat que le droit à des CTI doit être déterminé en vertu des articles 169, 141 et 141.01 de la Loi. Bien qu’ils soient complexes, ils peuvent être résumés ainsi. Le droit à des CTI ne survient que dans la mesure où une taxe sur les produits et services a été payée relativement à des biens ou à des services qui ont été acquis afin d’effectuer des fournitures taxables pour une contrepartie.

 

[8]     Le paragraphe 141.1(3) de la Loi prévoit que les activités relatives à la cessation d’une activité commerciale sont réputées avoir été faites dans le cadre des activités commerciales. Cette disposition est ainsi rédigée :

 

141.1(3) Pour l’application de la présente partie :

 

a) dans la mesure où elle accomplit un acte, sauf la réalisation d’une fourniture, à l’occasion de l’acquisition, de l’établissement, de l’aliénation ou de la cessation d’une de ses activités commerciales, une personne est réputée avoir accompli l’acte dans le cadre de ses activités commerciales;

 

b) dans la mesure où elle accomplit un acte, sauf la réalisation d’une fourniture, à l’occasion de l’acquisition, de l’établissement, de l’aliénation ou de la cessation d’une de ses activités non commerciales, une personne est réputée avoir accompli l’acte en dehors du cadre d’une activité commerciale.

 

[9]     L’appelante a été constituée en société en 1985. Sam Crupi, le président de l’appelante, a affirmé que la société avait été fondée en vue de trouver, d’acheter, de rénover et de vendre des biens immobiliers. L’appelante a acheté deux biens immobiliers : le premier, acquis en 1985, est situé au 577, avenue Gladstone, à Ottawa, et le deuxième, acquis en 1986 ou en 1987, est situé au 187, rue Percy, à Ottawa. M. Crupi a aussi mentionné un troisième bien immobilier, situé au 569, avenue Gladstone, mais il l’avait acheté à titre personnel. Il a expliqué que ce bien immobilier était adjacent à celui qui était situé au 577, avenue Gladstone, et qu’au moment de l’acheter – en 1986 ou en 1987 –, on lui avait conseillé de le faire à titre personnel.

 

[10]    Le bien immobilier situé au 577, avenue Gladstone était un immeuble commercial loué à une autre personne qui y exploitait un garage. Le bien immobilier situé au 187, rue Percy était un complexe résidentiel où des locataires résidaient. Le bien immobilier situé au 569, avenue Gladstone – celui qui appartenait personnellement à Sam Crupi –, était un immeuble à usage résidentiel et commercial mixte.

 

[11]    Le bien immobilier situé au 187, rue Percy a été vendu en 2000. En octobre 2001, le bien immobilier situé au 577, avenue Gladstone a été détruit par un incendie. Le coût de reconstruction d’un immeuble d’une superficie de 10 000 pieds carrés – la superficie qu’avait l’immeuble détruit par l’incendie – avait été estimé à environ 1 million de dollars. La compagnie d’assurance qui assurait l’immeuble a versé 364 000 $ à l’appelante. Un immeuble plus petit a ensuite été construit sur le terrain, puis le bien immobilier a été vendu en 2005. De même, le bien immobilier situé au 569, avenue Gladstone – dont Sam Crupi était propriétaire à titre personnel – a été vendu en 2005, peu après la vente du bien immobilier situé du 577, avenue Gladstone.

 

CTI relatifs au litige en matière d’assurances

 

[12]    L’appelante était insatisfaite du paiement qu’elle avait reçu de la compagnie d’assurance relativement à sa réclamation pour le sinistre causé par l’incendie. Par conséquent, l’appelante a intenté une poursuite à l’encontre de la compagnie d’assurance. Les frais juridiques, les débours et les frais liés au rapport technique préparé par un ingénieur qui sont en cause dans la présente affaire ont trait à cette poursuite. Si l’appelante réussi à obtenir un paiement supplémentaire de la société d’assurance grâce à sa poursuite, elle n’aura pas à payer de taxe sur les produits et services (la « TPS ») sur ce montant‑là.

 

[13]    Le terme « service financier » est notamment défini de la sorte à l’article 123 de la Loi :

 

[…]

 

f.1) le paiement ou la réception d’un montant en règlement total ou partiel d’une réclamation découlant d’une police d’assurance;

 

[…]

 

[14]    La fourniture d’un service financier est une fourniture exonérée[3] et ne constitue donc pas une fourniture effectuée dans le cadre d’une activité commerciale. Bien que la réception d’un montant découlant d’une police d’assurance soit visée par la définition de service financier, je suis d’avis que le paiement du montant par la compagnie d’assurance ne peut pas constituer la fourniture d’un bien, car, au sens de la Loi, le terme « bien » exclut l’argent. Si le paiement d’argent n’est pas une fourniture, il ne peut pas non plus être une fourniture exonérée, ou même une fourniture taxable. De toute manière, il est évident que toute somme que l’appelante recevrait éventuellement de la compagnie d’assurance grâce à sa poursuite relative à la police d’assurance ne serait pas taxable en application de la Loi.

 

[15]    En l’espèce, la question est de savoir si l’appelante a droit aux CTI qu’elle a demandés. Il faut donc se demander si l’appelante a fait l’acquisition des biens et des services visés par le litige en matière d’assurances afin d’effectuer elle-même une fourniture taxable. Pour que l’on puisse conclure que l’appelante a fait la « fourniture » de biens ou de services au sens de Loi, il faut que l’appelante ait bel et bien fait la livraison des biens ou la prestation des services. J’ai donc du mal à comprendre comment la réception d’un montant découlant d’une police d’assurance ferait que l’appelante ait fourni quoi que ce soit. Le seul bien que l’on pourrait conclure que l’appelante a fourni en contrepartie d’un paiement supplémentaire est la chose non possessoire (l’objet du litige) qu’elle détient à l’encontre de la compagnie d’assurance relativement à un tel paiement supplémentaire. Si la poursuite de l’appelante devait échouer, on pourrait présumer qu’elle n’avait pas de chose non possessoire, et qu’elle n’avait donc livré aucun bien.

 

[16]    Ainsi, deux scénarios sont possibles. Le premier veut que l’appelante ne fera aucune livraison de bien ou prestation de service dans le cadre du litige en matière d’assurances, ce qui voudrait dire qu’elle ne réalisera aucune fourniture de bien ou de service dans le cadre de ce litige. Ainsi, les biens et les services acquis par l’appelante dans le cadre du litige en matière d’assurances l’auraient été « à une fin autre que celle d’effectuer une fourniture » et donc, en application de l’alinéa 141.01(2)b) de la Loi, l’appelante serait réputée avoir acquis les biens et les services pour consommation ou utilisation hors du cadre de ses activités commerciales, ce qui l’empêcherait d’avoir droit à des CTI pour la TPS payée relativement à ces acquisitions.

 

[17]    Le second scénario veut que l’appelante a fait ou fera la prestation de la chose non possessoire qu’elle détient à l’encontre de la compagnie d’assurance. Cependant, comme la chose non possessoire représente le droit de recevoir un paiement supplémentaire en vertu de la police d’assurance, je suis d’avis que l’intention du législateur était de faire de la prestation d’une telle chose possessoire la fourniture exonérée d’un service financier, puisque la définition de service financier inclut expressément la réception d’un paiement découlant d’une police d’assurance – la chose non possessoire serait donc le bien livré en contrepartie du paiement versé par la compagnie d’assurance[4]. La fourniture de la chose non possessoire ne constituerait pas une fourniture taxable, mais plutôt une fourniture exonérée. Ainsi, en application de l’alinéa 141.01(2)b) de la Loi, l’appelante serait réputée avoir fait l’acquisition des biens et des services relatifs au litige en matière d’assurances pour consommation ou utilisation à une fin autre que celle d’effectuer une fourniture dans le cadre d’une activité commerciale, ce qui l’empêcherait d’avoir droit à des CTI pour la TPS payée relativement à ces acquisitions. Peu importe lequel de ces scénarios est le bon, le résultat est le même.

 

[18]    Il semble donc clair que l’acquisition des biens et des services relatifs au litige en matière d’assurances n’avait pas été faite afin d’effectuer une fourniture taxable, et qu’en application du paragraphe 141.01(2) de la Loi, ces biens et services n’avaient donc pas été acquis pour consommation ou utilisation dans le cadre d’une activité commerciale.

 

[19]    Toutefois, ce ne sont pas là les motifs sur lesquels étaient fondées les cotisations établies à l’égard de l’appelante. Les paragraphes 14 à 19 de la réponse à l’avis d’appel sont ainsi rédigés :

 

          [traduction]

 

[…]

 

 

14.       Lorsqu’il a déterminé la dette de TPS de l’appelante, le ministre s’est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

 

a)                  l’appelante a été constituée en société le 23 avril 1985;

 

b)                  l’appelante s’est inscrite aux fins de la TPS le 1er janvier 1991;

 

c)                  l’appelante devait présenter ses déclarations trimestriellement, et son exercice prenait fin le 31 mars;

 

d)                  l’appelante exploitait une entreprise de location commerciale;

 

e)                  l’appelante était propriétaire d’un bien immobilier situé au 577, avenue Gladstone, à Ottawa (le « bien immobilier »);

 

f)                    ce bien immobilier était le seul dont l’appelante était propriétaire;

 

g)                  le 16 octobre 2001, le bien immobilier a été détruit par un incendie;

 

h)                  le bien immobilier a été reconstruit après l’incendie;

 

i)                    le bien immobilier a été vendu en novembre 2005;

 

j)                    après la vente du bien immobilier, l’appelante n’a exploité aucune entreprise ayant des activités commerciales;

 

k)                  après la vente du bien immobilier, la seule activité de l’entreprise exploitée par l’appelante consistait en la détention de placements hypothécaires;

 

l)                    après la vente du bien immobilier, les seuls revenus de l’appelante étaient des revenus de placement;

 

m)                pendant la période allant du 1er juillet 2006 au 30 septembre 2007, l’appelante a demandé des CTI totalisant 4 724,77 $;

 

n)                  l’appelante a payé des frais juridiques pour se défendre dans une poursuite intentée par des fournisseurs qui avaient participé à la reconstruction du bien immobilier;

 

o)                  les CTI demandés avaient trait aux frais juridiques payés par l’appelante et décrits à l’alinéa n);

 

p)                  les frais juridiques et les autres frais n’ont pas été payés pour acquérir des services pour consommation ou utilisation dans le cadre des activités commerciales de l’appelante.

 

15.       Le ministre s’est aussi fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

 

a)                  pendant la période allant du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2005, l’appelante a reçu des CTI totalisant 32 374 $ relativement aux frais de reconstruction du bien immobilier;

 

b)                  une partie des frais juridiques payés par l’appelante après la vente du bien immobilier visait à recouvrir le produit d’une police d’assurance relativement à l’incendie du bien immobilier;

 

c)                  les CTI demandés relativement aux frais juridiques décrits à l’alinéa 14n) totalisent 672 $ pour la période allant du 1er juillet 2006 au 30 septembre 2007;

 

d)                  les CTI demandés relativement aux frais juridiques décrits à l’alinéa 15b) totalisent 3 616 $ pour la période allant du 1er juillet 2006 au 30 septembre 2007;

 

e)                  le reste des CTI restants (437 $) ont trait à diverses dépenses, par exemple des frais de comptabilité, des frais d’utilisation d’une automobile et des frais de bureau et d’achat de fournitures.

 

B.        Question en litige

 

16.       Dans le présent litige, la question est de savoir si l’appelante a droit aux CTI totalisant 4 724,77 $ qu’elle a demandés.

 

C.        Dispositions législatives, moyens invoqués et conclusions recherchées

 

17.              Il se fonde sur les articles 123, 141 et 169 de la Loi sur la taxe d’accise (la « Loi »).

 

18.              Il soutient que les CTI demandés (4 724,77 $) n’ont pas trait à des montants payés pour acquérir des biens ou des services pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre des activités commerciales de l’appelante, et qu’il a donc eu raison de refuser les CTI en application de l’alinéa 169(1)c) de la Loi.

 

19.              Il demande le rejet de l’appel.

 

[20]    La réponse à l’avis d’appel ne comporte aucune référence à l’article 141.01 de la Loi, qui est un article distinct de l’article 141 de la Loi. De même, la réponse ne contient aucune référence au libellé utilisé dans cet article pour restreindre le droit à des CTI en limitant le sens de biens ou de services acquis pour consommation ou utilisation aux seuls biens et services acquis afin d’effectuer une fourniture taxable pour une contrepartie, et ce, seulement dans la mesure où ces biens et services ont été acquis. Le seul passage de la réponse à l’avis d’appel ou est repris le libellé de la Loi pour expliquer les motifs de cotisation fait référence à l’article 169 de la Loi – l’un des trois articles mentionnés dans la réponse –, lequel limite le sens de l’expression biens ou services acquis aux seuls biens et services acquis pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre d’une activité commerciale (là encore, seulement dans la mesure où cette acquisition a été ainsi faite). De plus, la réponse ne contient aucune mention de la définition de « service financier », et, plus précisément, aucune référence à l’alinéa f.1) de cette définition, lequel prévoit que la réception d’un montant en règlement d’une réclamation découlant d’une police d’assurance est une fourniture exonérée. En outre, la réponse ne contient aucune référence à la définition de bien – qui exclut l’argent – ou à tout autre argument voulant que, si l’appelante avait fourni quoi que ce soit en faisant l’acquisition des biens et des services relatifs au litige en matière d’assurances, elle avait fourni sa chose non possessoire – une fourniture exonérée.

 

[21]    Comme les cotisations établies à l’égard de l’appelante étaient fondées sur le motif que les montants payés par cette dernière n’avaient pas servi à « acquérir des biens ou des services pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre des activités commerciales de l’appelante », pour avoir droit aux CTI qu’elle a demandés, il suffit que l’appelante établisse que les biens et les services en cause ont été acquis pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre d’une de ses activités commerciales. Si les cotisations avaient été fondées sur l’article 141.01 de la Loi, l’appelante aurait été obligée de démontrer qu’elle avait acquis les biens et les services en question afin d’effectuer une fourniture taxable, et non seulement qu’elle les avait acquis pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre d’une de ses activités commerciales. Le paragraphe 141.1(3) de la Loi élargit la portée de ce qui est fait dans le cadre d’activités commerciales en y incluant tout ce qui est accompli à l’occasion de l’acquisition, de l’établissement, de l’aliénation ou de la cessation d’une activité commerciale.

 

[22]    Pour pouvoir avoir recours à l’article 141.01 de la Loi pour refuser à l’appelante les CTI qu’elle a demandés, il me faudrait me fonder sur un motif distinct de celui sur lequel étaient fondées les cotisations établies à l’égard de l’appelante. Dans Pedwell v. The Queen, 2000 DTC 6405, [2000] 3 C.T.C. 246, le juge Rothstein s’est exprimé de la sorte au nom de la Cour d’appel fédérale :

 

[15]      Quoique les parties aient fait référence à bon nombre de décisions sur la question, l’arrêt Banque Continentale établit maintenant clairement que le ministre est lié par les motifs de sa cotisation (sous réserve du paragraphe 152(9) [Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1 (mod. par L.C. 1999, ch. 22, art. 63.1)], qui s’applique aux appels pour lesquels une décision a été rendue après le 17 juin 1999 et qui n’est pas pertinent en l’espèce de toute manière). Même si, dans la présente affaire, le ministre n’a pas avancé de motifs différents au soutien de sa cotisation, j’estime que le principe énoncé dans l’arrêt Banque Continentale est applicable à une décision judiciaire rendue pour des motifs différents de ceux figurant dans l’avis de nouvelle cotisation.

 

[16]      Premièrement, si la Couronne ne peut pas modifier les motifs d’une nouvelle cotisation après l’expiration du délai prévu à cette fin, la Cour de l’impôt se trouve dans la même position. Le contribuable subit le même préjudice – la privation de l’avantage tiré de ce délai. Il n’est pas loisible à la Cour de l’impôt ni à la Cour fédérale d’élaborer elles‑mêmes des motifs de cotisation alors que ces motifs ne constituent pas le fondement de la nouvelle cotisation établie par le ministre relativement au contribuable.

 

[17]      Deuxièmement, même s’il est loisible au ministre de modifier les motifs de la cotisation avant l’expiration du délai prévu à cette fin, j’estime que lorsqu’il ne le fait pas, le juge de la Cour de l’impôt doit s’en tenir à la cotisation en litige. L’équité exige que le contribuable ait une possibilité raisonnable de contester de nouveaux motifs de cotisation. Si le juge de la Cour de l’impôt se fonde sur des motifs de cotisation qui ne sont pas en cause dans l’instance, le contribuable est privé de cette possibilité.

 

[18]      Dans sa décision et après la présentation de la preuve et des arguments relatifs aux motifs de cotisation du ministre en l’espèce, le juge de la Cour de l’impôt a pris l’initiative de modifier le fondement de cette cotisation sans que l’appelant ait la possibilité de se faire entendre quant à cette modification. Cela ressort du fait que le jugement de la Cour de l’impôt a accueilli l’appel interjeté par l’appelant, c’est‑à‑dire, qu’il a conclu qu’il n’y avait pas appropriation d’un bien‑fonds, ce qui constituait le fondement de la cotisation du ministre, tout en renvoyant l’affaire au ministre pour qu’il établisse une nouvelle cotisation fondée sur l’appropriation du produit de la vente à Euler et du dépôt versé par Landpark. Ce qui s’est produit équivaut à permettre au ministre d’interjeter appel de sa propre nouvelle cotisation.

 

[19]      Je ne dis pas que le ministre ne peut pas fonder sa cotisation sur des motifs subsidiaires. Cela n’a toutefois pas été fait en l’espèce.

 

[Souligné dans l’original.]

 

[23]    Je ne peux donc pas modifier le motif des cotisations établies à l’égard de l’appelante. La réponse à l’avis d’appel ne comporte aucune référence à l’article 141.01 de la Loi, et l’avocate de l’intimée n’a pas directement fait référence à cette disposition pendant sa plaidoirie. Cette dernière a invoqué les décisions de la Cour canadienne de l’impôt et de la Cour d’appel fédérale dans Haggart c. La Reine, (2003 G.T.C. 739, [2003] G.S.T.C. 71, et 2003 CAF 446, 2004 G.T.C. 1057, [2003] G.S.T.C. 174). Dans cette affaire, Haggart Construction Ltd. avait exploité une entreprise à Fort McMurray, en Alberta, jusqu’à ce que sa banque lui ait demandé de rembourser son prêt. M. Haggart et sa société en ensuite intenté une poursuite à l’encontre de la banque, et ils ont réussi à obtenir des dommages‑intérêts. Dans Haggart, la question en litige était de savoir si M. Haggart (qui avait continué à exploiter son entreprise en tant que propriétaire unique après que la société ait été obligée de cesser d’exploiter l’entreprise) avait droit à des CTI relativement à la TPS liée aux frais juridiques payés dans le cadre de la poursuite intentée contre la banque.

 

[24]    Dans la décision de la Cour canadienne de l’impôt dans Haggart, le juge Little s’est exprimé de la façon suivante :

 

[15]    Me Michael Taylor, avocat de l’intimée, a soutenu que l’appelant n’avait pas droit à des crédits de taxe sur les intrants pour les raisons suivantes :

 

1.         La poursuite judiciaire n’a pas été entamée dans le cadre d’activités commerciales, mais dans le but d’obtenir un dédommagement.

 

2.         S’il est déterminé que la poursuite judiciaire a été entamée dans le cadre d’activités commerciales, lorsque la poursuite a été entamée les activités commerciales n’étaient pas celles de l’appelant, mais celles de Construction, une entité juridique distincte.

 

3.         Si la poursuite judiciaire a été entamée dans le cadre d’activités commerciales et si vous concluez que ce sont des activités commerciales de l’appelant, le ministre fait valoir que l’appelant ne peut pas demander des crédits de taxe sur les intrants parce que les services juridiques n’ont pas été acquis afin d’effectuer des fournitures taxables pour une contrepartie.

 

[25]    Bien que ce passage ne contienne aucune référence à des dispositions précises de la Loi, comme le troisième argument contient le passage « les services juridiques n’ont pas été acquis afin d’effectuer des fournitures taxables pour une contrepartie », il semble évident que, dans Haggart, l’intimée avait fondé au moins un des motifs de sa cotisation sur le paragraphe 141.02 de la Loi, car l’expression « afin d’effectuer, pour une contrepartie, une fourniture taxable » se trouve à cet article‑là, et non pas au paragraphe 169(1) de la Loi.

 

[26]    Toujours dans Haggart, le juge Little a fait référence à un certain nombre de décisions qui venaient appuyer le troisième argument soulevé par Me Taylor, argument qui semble avoir été fondé sur le paragraphe 141.01(2) de la Loi. Lorsqu’il a rejeté l’appel, le juge Little a conclu de la sorte :

 

[22]    En prenant en considération l’application de l’article 169 de la Loi, je ne crois pas qu’on puisse dire que l’appelant a entamé la poursuite judiciaire ou payé les frais juridiques afin d’effectuer ou de produire des fournitures taxables.

 

[Souligné dans l’original.]

 

[27]    Puisque le juge Little a souligné l’expression « afin d’effectuer ou de produire des fournitures taxables », il semble clair qu’il s’est fondé sur le paragraphe 141.01(2) de la Loi pour restreindre les biens et les services acquis pour consommation ou utilisation dans la cadre d’une activité commerciale aux seuls biens et services acquis afin d’effectuer des fournitures taxables, ce qui correspond à la restriction établie au paragraphe 141.01(2) de la Loi.

 

[28]    Lorsqu’elle a rejeté l’appel interjeté à l’égard de la décision du juge Little dans Haggart, la Cour d’appel fédérale s’est ainsi exprimée :

 

[2]        Bien que le demandeur ait relancé son entreprise comme une entreprise à propriétaire unique, il n’a pas établi de lien direct ou indirect entre l’acquisition de services juridiques et une fourniture permanente de services taxables. Il s’ensuit que les services juridiques n’ont pas été acquis « dans le cadre de ses activités commerciales » au sens du paragraphe 169(1) de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E-15, et que, si le paragraphe 140.01(2)[*] s’applique, les services n’ont pas été acquis « afin d’effectuer une fourniture taxable dans le cadre de l’initiative ».

 

[3]        La présente conclusion est en outre soutenue par le fait que la Cour d’appel de l’Alberta, en confirmant les dommages-intérêts accordés au procès, a déclaré que ceux-ci se caractérisaient plus précisément comme une compensation pour la destruction totale de l’entreprise, plutôt que pour la perte de profit (voir Haggart Construction Ltd. c. Canadian Imperial Bank of Commerce, 1999 ABCA 180 (C.A. Alb.), au paragraphe 5).

 

[4]        Il est également manifeste que les dommages-intérêts accordés par les cours de la province de l’Alberta avaient pour fondement le délit civil commis par la banque en 1989 lorsqu’elle a à tort annulé le prêt accordé à l’entreprise du demandeur. La perte de revenus continue ensuite subie par M. Haggart et son entreprise correspondait simplement au montant des dommages découlant du délit civil commis en 1989.

 

[5]        Pour ces motifs, la demande est rejetée avec dépens.

 

[29]    Les éditeurs d’un recueil anglais où cette décision a été publiée ont ajouté une note en bas de page (*) au paragraphe 2 pour souligner que la référence au paragraphe 140.01(2) de la Loi[5] aurait en fait dû renvoyer au paragraphe 141.01(2) de la Loi. Je ne comprends pas pourquoi la Cour fédérale d’appel a dit « si le paragraphe [141.01(2)] s’applique ». Elle avait exprimé de la façon suivante son motif pour rejeter l’appel :

 

[2]        Bien que le demandeur ait relancé son entreprise comme une entreprise à propriétaire unique, il n’a pas établi de lien direct ou indirect entre l’acquisition de services juridiques et une fourniture permanente de services taxables. Il s’ensuit que les services juridiques n’ont pas été acquis « dans le cadre de ses activités commerciales » au sens du paragraphe 169(1) de la Loi sur la taxe d’accise […]

 

[30]    L’exigence prévue au paragraphe 141.01(2) de la Loi était un motif subsidiaire du rejet de l’appel, si cette disposition s’était appliquée.

 

[31]    Au début de l’audience, l’avocate de l’intimée a présenté une requête de modification de la réponse à l’avis d’appel. La plupart des modifications proposées visaient à supprimer des hypothèses de fait, mais l’intimée cherchait aussi à ajouter un nouveau motif de cotisation. L’intimée voulait ajouter le passage suivant à la fin du paragraphe 18 de la réponse à l’avis d’appel :

 

          [traduction]

 

Subsidiairement, il soutient que l’appelante a fait la prestation de services financiers, et que les CTI demandés n’avaient donc aucun lien avec la production de fournitures taxables.

 

[32]    Les modifications proposées n’incluaient aucune référence à l’article 141.01 de la Loi. Lorsque j’ai répondu à l’avocate de l’intimée que, si la réponse à l’avis d’appel était modifiée de façon à y inclure ce nouveau motif de cotisation, il faudrait ajourner l’audience pour donner le temps à l’appelante de comprendre ce nouveau motif (la définition de service financier n’est ni simple ni brève) et d’y préparer une défense, l’avocate de l’intimée a retiré sa requête de modification de la réponse à l’avis d’appel. De toute manière, les modifications proposées n’incluaient aucune référence à l’article 141.01 de la Loi et aucune référence à un argument voulant que les biens et les services acquis dans le cadre du litige en matière d’assurances n’avaient pas été acquis afin d’effectuer des fournitures taxables pour une considération. De plus, ces modifications n’expliquaient en rien la façon dont l’appelante aurait prétendument fait la prestation de services financiers, et, d’ailleurs, l’avocate de l’intimée a reconnu que les modifications proposées relativement à ce nouvel argument n’étaient pas fondées sur l’alinéa f.1) de la définition de « service financier ».

 

[33]    Pas conséquent, il me semble devoir décider si l’appel peut être accueilli compte tenu du motif sur lequel étaient fondées les cotisations établies à l’égard de l’appelante. Ce motif, qui est le même que celui qui a été invoqué pour refuser les CTI demandés, porte que les biens et les services acquis dans le cadre du litige en matière d’assurances n’avaient pas été acquis pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre d’une activité commerciale de l’appelante.

 

[34]    Il semble que l’hypothèse de fait exposée à l’alinéa 14j) de la réponse à l’avis d’appel ait joué un rôle fort important dans l’établissement des cotisations à l’égard de l’appelante. Cette hypothèse est ainsi rédigée :

 

          [traduction]

           

j)                    après la vente du bien immobilier, l’appelante n’a exploité aucune entreprise ayant des activités commerciales

 

[35]    L’avocate de l’intimée a soutenu que, s’il n’existait pas d’entreprise, il ne pouvait pas y avoir d’activité commerciale. Cependant, le terme activité commerciale est défini de la façon suivante à l’article 123 de la Loi :

 

« activité commerciale » Constituent des activités commerciales exercées par une personne :

 

a) l’exploitation d’une entreprise (à l’exception d’une entreprise exploitée sans attente raisonnable de profit par un particulier, une fiducie personnelle ou une société de personnes dont l’ensemble des associés sont des particuliers), sauf dans la mesure où l’entreprise comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées;

 

b) les projets à risque et les affaires de caractère commercial (à l’exception de quelque projet ou affaire qu’entreprend, sans attente raisonnable de profit, un particulier, une fiducie personnelle ou une société de personnes dont l’ensemble des associés sont des particuliers), sauf dans la mesure où le projet ou l’affaire comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées;

 

c) la réalisation de fournitures, sauf des fournitures exonérées, d’immeubles appartenant à la personne, y compris les actes qu’elle accomplit dans le cadre ou à l’occasion des fournitures.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[36]    La réalisation de fournitures (y compris par louage ou par vente) d’immeubles (sauf s’il s’agit d’une fourniture exonérée) constitue une activité commerciale, et ce, peu importe que cette fourniture puisse ou non être qualifiée d’activité d’une entreprise[6]. De plus, les activités faites à l’occasion de la cessation d’une activité commerciale constituent des activités commerciales. Le paragraphe 141.1(3) de la Loi est ainsi rédigé :

 

141.1(3) Pour l’application de la présente partie :

 

a) dans la mesure où elle accomplit un acte, sauf la réalisation d’une fourniture, à l’occasion de l’acquisition, de l’établissement, de l’aliénation ou de la cessation d’une de ses activités commerciales, une personne est réputée avoir accompli l’acte dans le cadre de ses activités commerciales;

 

b) dans la mesure où elle accomplit un acte, sauf la réalisation d’une fourniture, à l’occasion de l’acquisition, de l’établissement, de l’aliénation ou de la cessation d’une de ses activités non commerciales, une personne est réputée avoir accompli l’acte en dehors du cadre d’une activité commerciale.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[37]    L’avocate de l’intimée a affirmé avoir été incapable de communiquer avec le représentant de l’appelante, et qu’elle n’a donc pas pu découvrir les motifs sur lesquels celui‑ci avait fondé les demandes de CTI de l’appelante. Le représentant de l’appelante n’est pas avocat, et les dispositions de la Loi sont complexes. Je suis aussi d’avis que l’intimée savait que le bien immobilier en cause était un bien locatif commercial (voir l’alinéa 14d)) de la réponse à l’avis d’appel), que le bien immobilier avait été détruit par un incendie (alinéa 14g)), qu’un nouvel immeuble avait été construit (alinéa 14h)) et que l’appelante avait payé des frais juridiques pour recouvrer un montant en règlement d’une police d’assurance (alinéa 15b)). Selon moi, comme l’intimée avait connaissance de tous ces faits, elle aurait dû consulter les définitions d’« activité commerciale » (y compris l’alinéa c) de cette définition) et de « service financier », de même que les articles 141.1 et 141.01 de la Loi.

 

[38]    On ne sait pas avec certitude si le bien immobilier a été loué après sa reconstruction ou s’il a été vendu avant d’avoir été loué. Cependant, je suis d’avis que l’activité commerciale réalisée par le louage du bien immobilier a cessé à cause de l’incendie, car l’incendie a détruit le bien immobilier. Je crois aussi que les activités liées à la tentative d’obtention d’un montant supplémentaire en règlement de la police d’assurance ont été accomplies à l’occasion de la cessation de l’activité commerciale, car c’est l’incendie qui a entraîné la cessation de cette activité‑là. Il existe aussi un lien entre le litige en matière d’assurances et l’activité commerciale que constitue la vente du bien immobilier, car le produit d’assurance éventuellement obtenu au moyen de la poursuite servirait à reconstruire l’immeuble, ou, maintenant le bien immobilier vendu, à rembourser les sommes empruntées pour cette reconstruction.

 

[39]    Les cotisations établies à l’égard de l’appelante n’avaient pas pour motif que les biens et les services acquis par l’appelante dans le cadre du litige en matière d’assurances avaient été acquis pour recevoir un montant supplémentaire en règlement de sa police d’assurance (ce qui voudrait dire qu’il ne s’agirait pas d’une fourniture taxable au sens de la Loi, et à l’égard de laquelle l’appelante n’aurait fait aucune fourniture taxable au sens de la Loi) et que ces biens et services n’auraient pas été acquis par l’appelante afin d’effectuer des fournitures taxables (l’exigence prévue au paragraphe 141.01(2) de la Loi), comme je l’ai expliqué ci‑dessus. Si les cotisations avaient été fondées sur ce motif, ou encore s’il avait s’était agi d’un motif subsidiaire de cotisation, l’intimée aurait eu gain de cause. Comme l’intimée n’a pas fondé ses cotisations sur ce motif‑là, de façon principale ou subsidiaire, c’est l’appelante qui aura gain de cause en l’espèce.

 

[40]    Par conséquent, la partie des appels relative aux CTI demandés pour la TPS payée sur les biens et services acquis dans le cadre du litige en matière d’assurances est accueillie, mis à part le fait que la TPS payée pour le rapport technique était de 65,42 $ plutôt que de 70 $. L’appelante avait reçu une facture de 2 615,44 $, TPS incluse, pour ce rapport, mais elle s’est opposée au montant facturé, et les parties sont arrivées à un règlement. L’appelante a versé un total de 1000 $ à l’ingénieur pour son travail. Ce paiement de 1 000 $ incluait la TPS, ce qui veut dire que la TPS payée par l’appelante s’élevait à 65,42 $ (7/107 de 1 000 $) et non pas à 7 % de 1 000 $, car la TPS n’avait pas été payée sur le 1 000 $, mais en faisait plutôt partie.

 

CTI relatifs au problème de toiture

 

[41]    Le nouvel immeuble construit au 577, avenue Gladstone après l’incendie avait un problème de toiture. Sam Crupi a affirmé que le toit de l’immeuble fuyait, et que l’appelante avait donc refusé de faire le paiement final au couvreur. Celui‑ci a répliqué en faisant inscrire un privilège à l’endroit du bien immobilier. Les frais relatifs au problème de toiture sont les frais juridiques et les frais liés au rapport technique qui ont été nécessaires à la réparation du toit qui fuyait et à la radiation du privilège que le couvreur avait fait inscrire. À mon avis, ces frais ont été payés à l’égard de biens et services liés à une activité commerciale : la vente du bien immobilier situé au 577, avenue Gladstone, lequel était clairement un bien commercial et non pas un bien résidentiel. Si elle voulait vendre le bien immobilier, l’appelante devait faire radier le privilège. Les biens et les services acquis par l’appelante relativement au problème de toiture ont été acquis pour consommation ou utilisation dans le cadre d’une activité commerciale. Ainsi, les CTI relatifs aux biens et aux services acquis relativement au problème de toiture que l’appelante a demandés lui sont accordés.

 

CTI relatifs à l’appel concernant la TPS

 

[42]    À mon avis, ces CTI avaient un lien avec les activités commerciales de l’appelante dans la même mesure où l’appelante a eu gain de cause dans la présente affaire, car le motif de cotisation était limité à l’article 169 de la Loi. La déduction demandée est de seulement 35 $, et étant donné que, comme il est expliqué ci‑dessous, l’appelante a droit à environ 90 % des CTI qu’elle a demandés, elle a droit à un CTI de 31,50 $ à l’égard de l’appel concernant la TPS.

 

CTI relatifs aux frais de comptabilité

 

[43]    Il semble que les frais de comptabilité en cause ont trait à l’établissement des déclarations de revenus et des états financiers de la société. Pendant les périodes visées par les appels, les seuls revenus de l’appelante étaient des revenus de placement. L’appelante soutient qu’elle menait des activités commerciales, à savoir le fait de trouver, d’acheter, de rénover et de vendre des biens immobiliers. Cependant, pendant les 25 années depuis la constitution de l’appelante en société, elle a seulement fait l’acquisition de deux biens immobiliers, dont l’un était un bien résidentiel dont la location ou la vente auraient constitué une fourniture exonérée. Exception faite des activités commerciales liées au bien immobilier situé au 577, avenue Gladstone dont j’ai traité ci‑dessus, l’appelante n’a pas su démontrer qu’elle avait exercé des activités commerciales pendant les périodes visées par les appels.

 

[44]    Comme l’appelante n’a pas réussi à établir dans quelle mesure les services de comptabilité en question ont été acquis dans le cadre des activités commerciales liées au bien locatif situé au 577, avenue Gladstone, sa demande de CTI à cet égard doit être rejetée.

 

CTI relatifs à l’utilisation de l’automobile et aux frais de bureau

 

[45]    Sam Crupi a affirmé que ces CTI ont trait à des frais d’utilisation d’une automobile et à des frais de bureau payés relativement aux activités immobilières de l’appelante. Comme l’a expliqué M. Crupi, ces activités étaient de trouver, d’acheter, de rénover et de vendre des biens immobiliers. Puisque, comme je l’ai souligné précédemment, l’appelante a acquis seulement deux biens immobiliers en 25 ans (le premier en 1985 et le deuxième en 1986 ou en 1987) et que l’un de ces deux biens immobiliers était un complexe résidentiel, j’ai conclu que l’appelante n’a pas démontré qu’elle avait exercé des activités commerciales de façon continue. L’appelante n’a établi aucun lien entre, d’une part, l’acquisition des biens et des services relatifs à l’utilisation de l’automobile ou aux frais de bureau et, d’autre part, les activités commerciales relatives au bien immobilier situé au 577, avenue Gladstone. Par conséquent, l’appelante n’a pas droit aux CTI demandés à cet égard.

 

Conclusion

 

[46]    Les appels sont accueillis, sans dépens, et la question est déférée au ministre du Revenu national pour qu’il procède à un nouvel examen et établisse des nouvelles cotisations en partant du principe que l’appelante a droit aux CTI suivants :

 

Période de déclaration

Description

CTI accordé

1. Du 1er juillet 2006 au 30 septembre 2006

Litige en matière d’assurances

969,08 $

1. Du 1er juillet 2006 au 30 septembre 2006

Litige en matière d’assurances

56,83 $

Total pour la première période de déclaration :

 

1 025,91 $

 

 

 

2. Du 1er octobre 2006 au 31 décembre 2006

Litige en matière d’assurances

2 169,70 $

2. Du 1er octobre 2006 au 31 décembre 2006

Litige en matière d’assurances

122,20 $

2. Du 1er octobre 2006 au 31 décembre 2006

Litige en matière d’assurances

179,22 $

2. Du 1er octobre 2006 au 31 décembre 2006

Litige en matière d’assurances

8,19 $

2. Du 1er octobre 2006 au 31 décembre 2006

Litige en matière d’assurances

65,42 $

2. Du 1er octobre 2006 au 31 décembre 2006

Problème de toiture

21,00 $

Total pour la deuxième période de déclaration :

 

2 565,73 $

 

 

 

3. Du 1er janvier 2007 au 31 mars 2007

Problème de toiture

123,72 $

3. Du 1er janvier 2007 au 31 mars 2007

Problème de toiture

37,10 $

3. Du 1er janvier 2007 au 31 mars 2007

Problème de toiture

70,00 $

3. Du 1er janvier 2007 au 31 mars 2007

Problème de toiture

140,00 $

3. Du 1er janvier 2007 au 31 mars 2007

Problème de toiture

266,28 $

3. Du 1er janvier 2007 au 31 mars 2007

Appel concernant la TPS

31,50 $

Total pour la troisième période de déclaration :

 

668,60 $

 

 

 

5. Du 1er juillet 2007 au 30 septembre 2007

Problème de toiture

35,00 $

Total pour la cinquième période de déclaration :

 

35,00 $

 

 

 

Total des CTI accordés :

 

4 295,24 $

 

[47]    L’appel interjeté en vertu de la Loi à l’égard de l’avis de cotisation daté du 19 septembre 2007 est rejeté, sans dépens.

 

 

 

Signé à Halifax (Nouvelle‑Écosse), ce 17e jour de février 2010.

 

 

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de mai 2010.

 

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.



RÉFÉRENCE :

2010 CCI 75

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2008-3758(GST)I

 

INTITULÉ :

614730 Ontario Inc. c.

Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa, Canada

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 28 janvier 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Wyman W. Webb

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 17 février 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

M. Sam Crupi

 

Avocate de l’intimée :

Me Suzanie Chua

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

Pour l’appelante :

 

Nom :

 

 

Cabinet :

 

 

Pour l’intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 



[1] Dans Perfection Dairy Group Ltd. v. The Queen, [2008] G.S.T.C. 124, 2008 G.T.C. 599, j’ai traité de la question de savoir si l’article 141.01 de la Loi constitue une règle d’application générale (voir les paragraphes 18 à 21 de cette décision). Voir aussi la décision du juge C. Miller dans BJ Services Co. Canada v. The Queen, [2002] G.S.T.C. 124, 2003 G.T.C. 513.

[2] Dans Bronfman Trust c. La Reine, [1987] 1 C.T.C. 117, 71 N.R. 134, [1987] 1 R.C.S. 32, 36 D.L.R. (4th) 197, 87 D.T.C. 5059, la Cour suprême du Canada s’est penchée sur la question de savoir si les intérêts courus sur les fonds empruntés pour verser des prélèvements sur le capital (afin de conserver des biens produisant des revenus) sont déductibles. Le juge en chef Dickson a observé que « [d]ans le calcul de son revenu pour une année d’imposition, un contribuable peut déduire l’intérêt payé sur de l’argent emprunté et “utilisé en vue de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien” ». La Cour suprême a conclu que, comme les fonds empruntés avaient directement servi à verser des prélèvements sur le capital, ces fonds n’avaient pas été utilisés en vue de produire un revenu. Voir aussi l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans Singleton c. Canada, 2001 CSC 61, 2001 D.T.C. 5533 (Eng.), 275 N.R. 133, 204 D.L.R. (4th) 564, [2002] 1 C.T.C. 121, [2001] 2 R.C.S. 1046.

[3] Voir la partie VII de l’annexe V de la Loi et la définition de « fourniture exonérée » à l’article 123 de la Loi.

[4] Voir le paragraphe 10 de l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, 2005 DTC 5523 (Eng.), [2005] 5 C.T.C. 215, 340 N.R. 1, 259 D.L.R. (4th) 193, [2005] 2 R.C.S. 601, pour des observations sur les principes d’interprétation des lois.

[5] La Loi ne comporte aucun article 140.01.

[6] Il convient de noter que la définition d’entreprise prévue à l’article 123 de la Loi inclut les activités exercées de façon régulière ou continue qui comportent la fourniture de biens par bail, licence ou accord semblable.

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