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Dossier : 2008­3363(IT)G

 

ENTRE :

ROCCHETTA M. CIRONE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

________________________________________________________________

 

Appels entendus le 1er mars 2010, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L'honorable juge Brent Paris

 

Comparutions :

 

Pour l'appelante :

L'appelante elle­même

Avocat de l'intimée :

Me Amit Ummat

________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi ») pour les années d'imposition 2003 et 2004 sont accueillis et les nouvelles cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations compte tenu du fait que l'appelante a eu des dépenses de vendeurs déductibles additionnelles de 1 186,91 $ en 2003 et de 1 177 $ en 2004.

 

          L'appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi pour l'année d'imposition 2005 est rejeté.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de mars 2010.

 

 

« Brent Paris »

Le juge Paris

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de juin 2010.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Référence : 2010 CCI 137

Date : 20100305

Dossier : 2008­3363(IT)G

 

ENTRE :

 

ROCCHETTA M. CIRONE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Paris

 

[1]     Il s'agit d'appels de nouvelles cotisations concernant les années d'imposition 2003, 2004 et 2005 de l'appelante. Au cours des années en question, l'appelante travaillait pour Westside Cemeteries Limited et vendait des mausolées; elle était rémunérée à la commission. Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi de nouvelles cotisations en vue de refuser en partie les dépenses de vendeurs dont la déduction était demandée en vertu de l'alinéa 8(1)f) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « LIR »). Le ministre a également refusé d'accorder la partie correspondante du remboursement de la taxe sur les produits et services (la « TPS ») demandé par l'appelante en vertu de l'article 253 de la Loi sur la taxe d'accise (la « LTA ») au titre des dépenses de vendeurs[1].

 

[2]     Le ministre a refusé la déduction des dépenses comme suit :

 

Année d'imposition

 

Montant demandé

Montant admis

Montant refusé

 

2003

40 125 $

16 051 $

24 077 $

2004

33 414 $

13 366 $

20 048 $

2005

14 331 $

5 770 $

8 516 $

 

Le ministre a également refusé comme suit les dépenses admissibles au titre de la TPS :

 

Année d'imposition

 

Montant demandé

Montant admis

Montant refusé

 

2003

37 367 $

5 979 $

31 388 $

2004

31 299 $

5 008 $

26 291 $

2005

13 588 $

2 201 $

11 657 $

 

En établissant les nouvelles cotisations, le ministre a supposé que l'appelante n'avait pas eu de dépenses de vendeurs et de dépenses admissibles au remboursement de la TPS en sus des montants admis.

 

[3]     À l'audience, l'appelante a témoigné qu'elle s'était occupée de la vente de mausolées pour Westside Cemeteries Ltd. jusqu'en 2005, lorsque, selon ce qu'elle a affirmé, il a été mis fin à son emploi sans préavis. La perte de son emploi a bouleversé l'appelante et, par conséquent, quelques mois plus tard, elle a jeté la plupart des documents se rapportant à l'emploi exercé chez Westside. Parmi ces documents, il y avait les documents fiscaux concernant ses années d'imposition 2003 et 2004. Lorsque l'Agence du revenu du Canada (l'« ARC ») a par la suite procédé à une vérification en 2006, l'appelante n'a donc pas pu fournir de reçus ou de pièces à l'appui des dépenses dont elle avait demandé la déduction pour ces deux années‑là.

 

[4]     À un autre moment pendant son témoignage, l'appelante a déclaré avoir été amenée à croire que son année d'imposition 2004 était close avant de jeter ses documents. À un moment donné en 2005 (avant la vérification qui a donné lieu à l'établissement des nouvelles cotisations visées par l'appel), l'ARC avait communiqué avec l'appelante et lui avait demandé de fournir des reçus à l'appui de certains frais médicaux qu'elle avait déduits dans sa déclaration de revenus de 2004. L'appelante a envoyé ces documents et, le 28 décembre 2005, l'ARC lui a envoyé une lettre l'informant que l'examen de la déclaration de 2004 était terminé et qu'aucun rajustement n'était nécessaire. L'appelante a déclaré avoir cru comprendre que l'ARC estimait que sa déclaration était exacte et qu'elle n'avait plus à conserver ses documents.

 

[5]     Selon moi, cette explication est plutôt confuse, puisque la date de la lettre de l'ARC ne correspond pas au témoignage antérieur de l'appelante, lorsque celle‑ci affirmait avoir jeté les documents quelques mois après avoir perdu son emploi, au mois de mai 2005. De plus, comme l'avocat de l'intimée l'a fait remarquer, l'ARC demandait à l'appelante, dans sa lettre, de conserver les documents qui étaient retournés avec la lettre.

 

[6]     L'appelante a pu fournir au vérificateur de l'ARC les documents concernant les dépenses qu'elle avait eues pour son année d'imposition 2005 parce qu'elle avait conservé ces documents séparément des documents se rapportant aux années 2003 et 2004. Après avoir examiné les documents, le vérificateur a refusé dans une proportion d'environ 60 p. 100 les déductions demandées pour l'année 2005.

 

[7]     À l'audience, le vérificateur a témoigné qu'une bonne partie des montants dont la déduction était demandée en 2005 n'étaient pas justifiés à l'aide de reçus. Ainsi, un montant de 2 825 $ sur les 4 592 $ que l'appelante avait déduits pour des [TRADUCTION] « fournitures » n'était pas justifié par des pièces. De plus, aucun document ni aucun détail n'avaient été fournis à l'appui de la déduction de [TRADUCTION] « commissions d'aiguillage » de 2 200 $. En ce qui concerne les montants qui auraient été dépensés pour des cadeaux remis à des fins de promotion, ainsi qu'au titre des repas et de la représentation, aucun nom de client n'a été fourni au vérificateur en vue de lui permettre d'établir un lien entre ces frais et l'emploi de l'appelante.

 

[8]     Lors du contre‑interrogatoire, l'appelante a reconnu avoir déduit au titre des dépenses de vendeurs certains montants dépensés pour des mises en pli et du Tylenol. Dans la lettre de proposition envoyée à l'appelante[2], le vérificateur fait également mention de montants que l'appelante avait déduits en tant que dépenses de vendeurs pour des vêtements, des frais de nettoyage, des frais de passeport, le loyer et des [TRADUCTION] « cours ». Le vérificateur n'a pas accepté ces montants.

 

[9]     Le vérificateur a également réduit les frais d'utilisation de la voiture de l'appelante pour l'année 2005, de façon à ce que la proportion de l'utilisation du véhicule aux fins de l'emploi soit de 70 p. 100 plutôt que de 90 p. 100, comme l'avait demandé l'appelante. Pour déterminer la mesure dans laquelle l'appelante utilisait le véhicule à des fins personnelles, le vérificateur a tenu compte de la distance entre la résidence de l'appelante et son lieu de travail, et il a également supposé que l'appelante avait parcouru un certain nombre de kilomètres additionnels pour des courses personnelles. L'appelante n'a pas pu expliquer comment elle avait déterminé l'utilisation du véhicule à des fins commerciales.

 

[10]    Étant donné que l'appelante n'a pas pu fournir de documents à l'appui des frais payés en 2003 et en 2004, le vérificateur a admis dans la même proportion qu'en 2005 — 40 p. 100 — le total des frais dont la déduction avait été demandée pour ces années‑là.

 

[11]    À l'audience, l'appelante a produit certains relevés bancaires et certains chèques oblitérés qui, selon elle, indiquaient les paiements qu'elle avait effectués pour les commissions d'aiguillage et pour les cadeaux offerts à des clients en 2003 et en 2004. Elle a également produit trois annonces publicitaires (l'une datant de l'année 2003 et deux de l'année 2005) qu'elle avait fait paraître dans des revues. L'appelante ne se rappelait pas combien lui avaient coûté ces annonces. L'appelante n'a pas cherché à expliquer les autres frais précis que le vérificateur avait refusés. Elle s'est contentée de dire qu'elle était une personne honorable et digne de foi et que ses déclarations de revenus avaient été préparées par un cabinet comptable bien connu.

 

Analyse

 

[12]    L'appelante a la charge de prouver que les faits sur lesquels le ministre s'est fondé pour établir les nouvelles cotisations sont erronés : Johnston v. Minister of National Revenue[3]. Afin d'avoir gain de cause, l'appelante doit donc démontrer qu'elle a eu les dépenses qui ont été refusées et qu'elle les a faites afin de gagner un revenu d'emploi.

 

[13]    La tâche de prouver que les dépenses ont été effectuées est plus difficile lorsque le contribuable n'a pas conservé de documents ou de reçus, mais il lui est néanmoins loisible de fournir une preuve orale au sujet de ces dépenses. Si cette preuve est jugée crédible, le tribunal peut admettre les dépenses en l'absence d'une preuve documentaire : voir Hickman Motors Ltd. c. La Reine[4], au paragraphe 87 :

 

87        [...] De plus, lorsque la LIR n'exige aucun document d'appui, le témoignage crédible d'un contribuable suffit, malgré l'absence de documents : Weinberger c. M.N.R., 64 D.T.C. 5060 (C. de l'É.); Naka c. La Reine, 95 D.T.C. 407 (C.C.I.); Page c. La Reine, 95 D.T.C. 373 (C.C.I.).

 

[14]    À mon avis, il faut un certain degré de précision au sujet du genre de dépenses qui ont été déduites et du montant de ces dépenses, ainsi que des renseignements suffisants pour établir l'existence d'un lien entre les dépenses et les activités de vente de l'appelante. Or, la preuve fournie par l'appelante est loin de respecter cette norme. Dans son témoignage, l'appelante n'a fourni presque aucun renseignement au sujet des dépenses précises qui ont été déduites, sauf pour certaines commissions d'aiguillage et pour certains cadeaux. Dans l'ensemble, l'appelante demande simplement à la Cour de croire sur parole qu'elle a effectué les dépenses et qu'elle les a effectuées afin de gagner un revenu.

 

[15]    Même pour l'année d'imposition 2005, pour laquelle l'appelante avait probablement conservé ses documents, aucune tentative n'a été faite afin de démontrer que les montants que le vérificateur avait refusés étaient inexacts.

 

[16]    Je conclus que seuls les commissions d'aiguillage et les cadeaux qui s'élèvent à 1 186,91 $ en 2003 et à 1 177 $ en 2004 ont été établis par l'appelante. L'objet de ces paiements, comme l'appelante l'a expliqué, était vraisemblable et je reconnais que ces montants ont été payés pour offrir des cadeaux à des clients et aux personnes qui mettaient l'appelante en rapport avec des clients. En outre, les montants me semblent raisonnables.

 

[17]    Étant donné que rien ne montre que l'appelante a payé la TPS sur les commissions d'aiguillage et puisque le fait d'offrir un cadeau ne comporte pas l'acquisition d'un service ou d'un bien de la part du donateur, aucun des montants que j'ai admis au titre des dépenses d'emploi additionnelles ne peut donner droit au remboursement de la TPS en vertu de l'article 253 de la LTA.

 

[18]    En ce qui concerne les trois annonces publicitaires présentées par l'appelante, je note qu'une seule se rapportait à l'année 2003. Je note également que le vérificateur a admis au complet le montant déduit par l'appelante pour la publicité en 2005. Étant donné que les montants globaux qui ont été admis pour les années 2003 et 2004 étaient fondés sur les résultats de la vérification de 2005, il est logique de conclure qu'un montant avait déjà été admis pour la publicité au cours de ces années‑là. Quoi qu'il en soit, l'appelante n'a pas pu indiquer le montant qu'elle avait payé pour l'annonce publiée en 2003. Par conséquent, aucun montant additionnel ne sera admis pour l'année 2003.

 

[19]    Pour ces motifs, les appels concernant les années 2003 et 2004 sont accueillis en partie et les nouvelles cotisations relatives à ces années d'imposition sont déférées au ministre compte tenu du fait que l'appelante a le droit de déduire des dépenses de vendeurs additionnelles de 1 186,91 $ en 2003 et de 1 177 $ en 2004. L'appel concernant l'année 2005 est rejeté. Aucuns dépens ne seront adjugés.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de mars 2010.

 

 

« Brent Paris »

Le juge Paris

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de juin 2010.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


RÉFÉRENCE :                                  2010 CCI 137

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2008­3363(IT)G

 

INTITULÉ :                                       ROCCHETTA M. CIRONE c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                  Le 1er mars 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L'honorable juge Brent Paris

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 5 mars 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelante :

L'appelante elle­même

Avocat de l'intimée :

Me Amit Ummat

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

          Pour l'appelante :

 

                   Nom :           S/O

 

                   Cabinet :      S/O

 

          Pour l'intimée :       John H. Sims, c.r.

                                       Sous­procureur général du Canada

                                       Ottawa, Canada

 

 



[1]           Conformément au paragraphe 253(3) de la LTA, le remboursement de la TPS (y compris l'appel d'une cotisation concernant un remboursement) est traité en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu.

 

[2]           Pièce R­1, onglet 8.

 

[3]           [1948] R.C.S. 486 (C.S.C.).

 

[4]           [1997] 2 R.C.S. 336, au paragraphe 87.

 

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