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Dossier de la Cour No. 2005-2022 (GST)G

 

                                        COUR CANADIENNE DE LIMPÔT

 

                                          IN RE:   Loi de l’impôt sur le revenu                                         

 

ENTRE:

 

                               B.E.S.T. LINEN SUPPLY AND SERVICES LTD.

 

                                                                                                                               Appelante

 

                                                                    - et -

 

 

                                                  SA MAJESTÉ LA REINE

 

                                                                                                                                   Intimée

 

 

 

 

Décision et motifs rendus par le Juge Paris

Services administratifs des tribunaux judiciaires,

200, rue Kent,

Ottawa (Ontario)

le mercredi 4 avril 2007 à 16 h 00

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                       A.S.A.P. Reporting Services Inc. 8 2007

 

200 Elgin Street, Suite 1004              130 King Street West, Suite 1800

Ottawa, Ontario K2P 1L5                  Toronto, Ontario M5X 1E3

(613) 564-2727                                   (416) 861-8720


                                   Ottawa, Ontario

--- La décision et les motifs du Juge Paris sont         rendus le 4 avril 2007 à 16 h 00

JUGE PARIS:  Ce sont les motifs dans l’affaire B.E.S.T. Linen Supply and Services Ltd. c. La Reine 2005-2022(GST)G.

Il s’agit d’un appel interjeté à l’égard d’une nouvelle cotisation en vertu de la Partie IX de la Loi sur la taxe d’accise selon laquelle le ministre de Revenu national (le « ministre ») a apporté des ajustements au montant payable par l’appelante en vertu de la Loi pour la période du 1er avril 2000 au 31 octobre 2003.

Parmi ces ajustements, le ministre a calculé au montant de 9 738,72 $ la TPS non perçue et non incluse dans la taxe nette déclarée par l’appelante relative à des ventes de linge usagé effectuées entre le 13 juillet 2001 et le 14 octobre 2002. C’est ce montant qui est en litige en l’instance.


Bien que l’appelante a aussi fait référence dans son avis d’appel amendé à un montant de CTI refusé, l’avocat de l’appelante a confirmé que ce montant n’était plus en litige.  De toute façon, aucune preuve relative au CTI refusé n’a été présentée.

L’appelante prétend que les ventes de linge usagé en question sont des fournitures détaxées selon le paragraphe 165(3) de la Loi parce que les acquéreurs des biens les ont exportés du Canada.

L’annexe 6 de la Loi traite les fournitures détaxées et l’article 1 de la Partie V de l’annexe 6 stipule que sont détaxées:

"... la fourniture d’un bien meuble corporel, sauf un produit soumis à l’accise effectuée par une personne au profit d’un acquéreur autre qu’un consommateur qui a l’intention d’exporter le bien si à la fois, et entre autres:

(e) la personne possède des preuves que le ministre estime acceptables de l’exportation du bien par l’acquéreur."  (Tel que lu)


En l’instance, le ministre n’a pas estimé acceptable la preuve de l’exportation du linge usagé qui lui avait été fournie par l’appelante lors d’une vérification de cette dernière.  Les faits que le ministre a tenus pour acquis en établissant la cotisation se trouvent au paragraphe 19 de la réponse modifiée à l’avis d’appel amendé. 

En établissant la cotisation en cause à l’égard de l’appelante, le Ministre s’est fondé, entre autres, sur les conclusions et les hypothèses de faits suivantes, selon le paragraphe 19 de la Réponse a l’avis d’appel:

 

a)                    l’appelante est un inscrit aux fins de la Partie IX de la L.T.A.;

b)                    l’exercice de l’appelante débute le 1er avril et se termine le 30 mars de l’année suivante;

c)                    l’appelante n’a pas tenu de registres comptables en la forme adéquate et avec les renseignements pertinents permettant d’établir ses obligations et responsabilités aux termes de la Partie IX de la L.T.A. pendant la période visée;

d)                    l’appelante exploite au Canada, plus précisément au Québec, une entreprise de service de vente, location et de nettoyage de draps de lits, de taies d’oreiller, de serviettes de bain, de nappes, de serviettes de table, d’uniformes, etc. (ci-après la « literie »), pour, entre autres, les hôtels et les restaurants;

e)                    lorsque la literie est trop usée ou abîmée et, par conséquent, ne répond plus aux normes de qualité exigées par ses clients (hôtels et restaurants), l’appelante effectue la fourniture par vente de ladite literie usée ou abîmée à des tiers telles que des entreprises de recyclage de vêtement et de linge;

f)                    pendant la période visée, l’appelante a effectué, au Canada, la fourniture par vente de literie usée ou abîmée pour une contrepartie totale au montant de 315 474,68 $, lequel montant se ventile en un montant de 194 868,32 $ durant son exercice se terminant le 31 mars 2002 et en un montant de 120 606,36 $ durant son exercice se terminant le 31 mars 2003;

g)                    toutes lesdites fournitures effectuées par l’appelante mentionnées au sous-paragraphe précédent ne font pas l’objet d’une facturation et lorsqu’elles le font, l’identité des acquéreurs n’y est pas indiquée de façon à pouvoir l’identifier adéquatement;

h)                    l’appelante a aussi effectué la fourniture par vente de 510 barils usagés durant son exercice se terminant le 31 mars 2003 pour une contrepartie de 5 100,00 $, soit 200 barils le 5 août 2002 pour une contrepartie de 2 000,00 $ à un acquéreur anonyme selon la facture préparée par l’appelante, mais qui serait, selon les allégations du paragraphe 5 de l’avis d’appel modifié, WETIPP (NIG.) LTD et 300 barils le 14 octobre 2002 pour une contrepartie de 3 100,00 $ dont l’acquéreur est KRAZNIAC IMPORT;

i)                    les acquéreurs de ladite literie usée ou abîmée ou desdits barils usagés en prennent livraison au Canada, c’est-à-dire que l’appelante n’expédie pas elle-même à l’extérieur du Canada les biens fournis aux acquéreurs ni ne mandate un transporteur public, qu’elle aurait elle-même payé, pour expédier à l’extérieur du Canada les biens fournis aux acquéreurs dans la mesure où lesdits biens seraient effectivement exportés hors du Canada après que l’appelante en ait effectué la fourniture auxdits acquéreurs;

j)                    l’appelante n’a pas perçu la TPS lors des fournitures qu’elle a effectuées par vente de la literie usée ou abîmée ou des 510 barils usagés acquis par les acquéreurs et lesdits acquéreurs n’ont pas payé ladite TPS à l’appelante;

k)                    l’appelante n’a fourni aucune preuve, que le Ministre a estimé acceptable, de l’exportation par les acquéreurs, que cela soit dans un délai raisonnable ou non après en avoir pris livraison de l’appelante, de tout ou partie de la literie usée ou abîmée ou des 510 barils en cause dont l’appelante a effectué la fourniture par vente;

l)                    le montant de TPS que l’appelante n’a pas perçu lors de fournitures qu’elle a effectuées par vente de la literie usée ou abîmée ou des 510 barils usagés est de 22 440,22 $, soit 7% de 320 574,68 $ (315 474,68 $ + 5 100,00 $), montant que l’appelante n’a pas inclus dans le calcul de sa taxe nette qu’elle a déclarée au Ministre pour la période visée;

m)                    l’appelante est donc redevable au Ministre du montant des ajustements de 26 164,15 $ (lequel inclus le montant de 22 440,22 $ mentionné précédemment, lequel montant de 22 440,22 $ comprend le montant de 12 701,50 $ [7% de 181 450,00 $ (24 750 $ + 46 600 $ + 110 100,00 $)] qui est contesté) apportés à sa taxe nette déclarée pour la période visée, plus l’intérêt net et la pénalité;

La preuve révèle que l’appelante exploite au Québec et en Ontario une entreprise telle que décrite au paragraphe 19(1) de la Réponse à l’avis d’appel et, qu’au cours de l’exploitation, l’appelante a vendu des quantités de linge usagé

qui ne rencontraient plus les exigences de ses clients.

Monsieur Raffoul, principal de l’appelante, a témoigné qu’il n’y avait pas de

marché pour le linge usagé au Canada, mais que l’appelante en a vendu à des sociétés étrangères, commençant en 2000.  Un dénommé monsieur Ahmed lui avait été présenté comme acheteur ou agent des sociétés étrangères à savoir Wetipp, une société nigérienne et Krazniak, une société bosniaque.


L’appelante a vendu sur une

période d’à peu près trois ans une quantité de

linge à monsieur Ahmed qui agissait pour le compte de Wetipp et Krazniak.  L’appelante émettait à monsieur Ahmed un reçu manuscrit préparé par monsieur Raffoul pour chaque vente. Une copie de ces reçus a été

produite à la Cour sous les cotes A-8.1 8.12 et A‑9.1 à 9.10.

Sur ces reçus, monsieur Raffoul a marqué le nom "Ahmed" et "Cash Sale" ou "Cash Sale" ou "Ahmed Nigéria" ou "Cash sale offshore company" ou "Vezna Krazniak Bosnia cash sale for recycling in Bosnia" ou des variations sur ce thème.

Aucun reçu ne démontrait une adresse de l’acheteur ou d’autres renseignements qui pourraient identifier cet acheteur.

Monsieur Raffoul a témoigné que monsieur Ahmed payait en espèces.  Il lui a dit que les biens étaient pour être exportés et qu’aucun montant de TPS n’était alors exigible sur les ventes.

Monsieur Raffoul dit d’avoir téléphoné à Revenu Québec et qu’on lui avait confirmé qu’il n’était pas obligé de percevoir la TPS sur ces ventes.

Ahmed venait chercher les biens chez l’appelante avec un conteneur qu’il

remplissait lui-même ou qu’il faisait remplir avec l’aide de travailleurs qu’il amenait avec lui.


La preuve révèle aussi que toutes les ventes à monsieur Ahmed ont été déclarées par l’appelante dans ses états financiers ainsi qu’aux fins de l’impôt sur le revenu.

Lors d’une vérification de

TPS/TVQ, la vérificatrice a demandé à l’appelante les preuves que le linge usagé vendu à monsieur Ahmed entre le 13 juillet 2001 et le 31 octobre 2002 avait été exporté.  La vérificatrice cherchait une preuve écrite au-delà des copies des factures fournies à monsieur Ahmed.

L’appelante a fait des efforts

pour obtenir une preuve supplémentaire des exportations et a présenté à la vérificatrice deux lettres de Wetipp et Krazniak.  Pourtant, elle n’a pas accepté ces lettres comme preuve adéquate de l’exportation.

La première de Wetipp ne faisait référence qu’à des achats faits par Wetipp de l’appelante antérieurs aux ventes sous étude.


La deuxième lettre de Krazniak référait à des achats faits de l’appelante entre 2000 et 2001 au montant de 110 100 $ (selon la lettre) "For the purpose to be resold outside Canada".  Les dates des ventes et le montant ne s’accordaient pas avec les factures manuscrites présentées à la vérificatrice.

L’appelante n’a pas présenté d’autre preuve d’exportations des biens à la vérificatrice avant l’émission de l’avis de nouvelle cotisation en litige.

Par la suite de l’émission de l’avis de nouvelle cotisation, l’appelante a obtenu trois connaissements de Wetipp et Krazniak démontrant des exportations de linge usagé.  Les connaissements portent les dates suivantes:  le 19 novembre 2001, le 30 août 2002 et le 18 octobre 2002.

L’appelante a aussi obtenu une lettre de Wetipp datée du 1er juin 2006 qui fournissait des copies de certaines factures relatives aux ventes de linge usagé qui avaient eu lieu le 12 août 2000, le 13 octobre 2000, le 10 février 2001 et le 24 mars 2001.

Wetipp dans la lettre dit aussi que:


"Following our telephone conversation, these are the copies of your invoices and this is to confirm to you that the merchandise bought from B.E.S.T. Linen Supply and Services was received by us in the same shape and form, used, stained as when they were delivered and were not modified." 

Ces derniers documents ont été donnés au procureur de l’intimée pendant le litige.

L’appelante prétend que toute la preuve fournie au ministre démontre l’exportation des biens vendus à Wetipp et Krazniak et que ces ventes étaient alors des fournitures détaxées.  L’appelante prétend que le ministre, en refusant d’accepter cette preuve, a omis de tenir compte des faits pertinents dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire selon l’article 1 de la Partie V de l’annexe 6 de la Loi.  L’avocat de l’appelante soumet que la vérificatrice acceptait que les biens aient été exportés du Canada, mais cherchait une preuve documentaire de ce fait.

Il a référé à l’affaire Rockwood Motor Products c. La Reine [2005] G.S.T.C. 84, de cette Cour où le Juge en chef Bowman a accordé l’appel dans des circonstances semblables.


L’avocat de l’appelante prétend aussi que toutes les demandes de preuve faites par la vérificatrice ont été satisfaites et, à la lumière de l’ensemble de la preuve, la Cour devrait en venir à la conclusion que les biens en l’instance ont été exportés.

Finalement, et alternativement, l’appelante demande l’annulation des pénalités imposées en vertu de l’article 281 de la Loi vu les efforts faits par l’appelante pour se conformer au paragraphe 1 de la Partie V de l’annexe 6.

Selon la règle générale énoncée au paragraphe 142(1) de la Loi:

"Pour l’application de la présente partie et sous réserve des articles 143, 144 et 179, un bien ou un service est réputé fourni au Canada si, s’agissant d’un bien meuble corporel fourni par vente, il est ou sera livré à l’acquéreur au Canada ou il sera mis à sa disposition."  (Tel que lu)


La TPS est payable par l’acquéreur d’une fourniture faite au Canada et perceptible par le fournisseur selon les paragraphes 165(1), 168(1) et 221(1) de la Loi.  Dans le cas d’une fourniture détaxée, le taux est fixé par le paragraphe 165(3) de la Loi à 0%.  Les fournitures détaxées sont énumérées comme déjà indiqué à l’annexe 6 de la Loi et pour les exportations, la disposition pertinente est la Partie V de l’annexe.

La décision du ministre ici que la preuve de l’exportation n’était pas acceptable est une décision discrétionnaire.  Je cite la décision de cette Cour dans l’affaire Uranus Auto Sales c. La Reine [2002]G.S.T.C. 39:


"Le ministre est la seule personne qui peut estimer acceptable ou non la preuve de l’exportation fournie par un contribuable.  À mon avis, cette Cour ne peut pas intervenir à moins que la preuve démontre que le ministre, en arrivant à la décision, a tenu compte des facteurs dépourvus

d'intérêts, a omis de tenir compte des faits pertinents, a violé un principe de droit ou a agi de mauvaise foi." (Tel que lu)

La preuve ne démontre pas comme prétend l’appelante que le ministre n’a pas tenu compte ni des lettres de Wetipp et Krazniak, ni des connaissements.  Il est clair que le ministre les a examinées et analysées pour enfin les rejeter pour les motifs clairement détaillés par l’avocat de l’intimée lors de ses arguments.  J’accepte ses prétentions en ce qui concerne les incohérences entre ces documents et les ventes en litige.

Quant aux factures elles-mêmes, le manque de détails tels que l’adresse de l’acheteur et souvent même le nom de l’acheteur, justifiait le refus du ministre de les accepter comme preuve d’exportations.

Il n’y avait pas de preuve non plus que le ministre aurait basé sa décision sur des facteurs non pertinents ou qu’il aurait agi de mauvaise foi, ou aurait violé un principe de droit.

Étant donné cette conclusion, la Cour n’a pas droit d’intervenir en l’espèce.


Je rejette aussi l’hypothèse que

la vérificatrice aurait accepté que les biens aient été exportés.  La preuve n’étaye pas cet argument et l’arrêt Rockwood n’est pas applicable.

Finalement, l’appelante ne peut réussir avec une défense de diligence raisonnable à l’encontre de l’application de la pénalité de l’article 281 à la Loi.  Même si monsieur Raffoul avait fait une demande auprès de Revenu Québec pour s’informer si l’appelante devait ou non percevoir

la TPS et la TVQ sur ces ventes, ceci en soi, n’est pas suffisant pour fonder une défense de diligence raisonnable.

Dans l’arrêt Stafford, Stafford et Jakeman c. Canada [1995], G.S.T.C. 7, le Juge Bowman tel qu’il était alors a dit:

"La diligence raisonnable englobe plus que simplement accepter un quelconque avis oral qu’a pu donner un répartiteur du ministre du Revenu national." (Tel que lu)

Dans l’arrêt Wong c. La Reine [1996] G.S.T.C. 73 la Cour dit:


"La diligence raisonnable n’est rien de plus que le

soin qu’une personne raisonnable prendrait pour assurer le respect de la Loi. Elle ne requiert ni la perfection ni l’infaillibilité.  Elle requiert toutefois plus

qu’une demande de renseignement auprès d’un fonctionnaire du ministère du Revenu."  (Tel que lu)

En conclusion, l’appelante n’a pas réussi à démontrer que la Cour pourrait intervenir dans la décision du ministre que la preuve de l’exportation fournie par l’appelante n’était pas acceptable.  L’intimée a pourtant consenti à ce que la cotisation soit déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant pour acquis la vente de 280 barils en octobre 2002 au montant de 2 800 $ était une fourniture détaxée.  Ceci entraîne une réduction de TPS de 196 $.  L’appel ne sera accordé que pour tenir compte de cette concession.


Vu le succès très limité de l’appelante dans cette affaire, j’accorde les

dépens à l’intimée.

-- Conclusion de la décision orale et les motifs

   à 16 h 15


I HEREBY CERTIFY THAT I have, to the best

of my skill and ability, accurately recorded

by Stenomask and transcribed therefrom, the

foregoing proceeding.

 

 

 

 

 

Lynne Blondin, Certified Court Reporter

 

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