Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Références : 2008 CCI 687

2008 CCI 688

 

Dossiers : 2007-4469(CPP);

2007-4468(EI)

 

ENTRE :

 

1517719 ONTARIO LTD., FAISANT AFFAIRE SOUR LE NOM D’EXPERIENCE WORKS,

 

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

 

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

CERTIFICATION DE LA TRANSCRIPTION DES
MOTIFS DU JUGEMENT

 

Je requiers que soit déposée la transcription certifiée ci‑jointe des motifs du jugement rendus oralement à l’audience à Toronto (Ontario), le 27 octobre 2008.

 

 

 

« N. Weisman »

Juge suppléant Weisman

 

 

Signé à Toronto (Ontario), ce 9e jour de janvier 2009.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de mai 2009.

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Nos des dossiers : 2007-4469(CPP)

2007-4468(EI)

 

COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT

 

Régime de pensions du Canada
et Loi sur l’assurance-emploi

 

 

ENTRE :

 

1517719 Ontario Ltd., FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM D’Experience Works,

appelante,

 

- et -

 

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

* * * * *

DÉCISION ET MOTIFS

 

APPEL ENTENDU PAR LE JUGE WEISMAN

au Service administratif des tribunaux judiciaires, 180, rue Queen Ouest,
Toronto (Ontario)
le lundi 27 octobre 2008, à 9 h 42.

 

* * * * *

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

M. Davorin Jurovicki                                                                                   pour l’appelante

 

Me Samantha Hurst                                                                                           pour l’intimé

 

 

 

A.S.A.P. Reporting Services Inc. 8 (2008)

 

200, rue Elgin, bureau 1105               140, rue King Ouest, bureau 1800

Ottawa (Ontario) K2P 1L5                Toronto (Ontario) M5X 1E3

(613) 564-2727                                   (416) 861-8720


Toronto (Ontario)

--- Les motifs du jugement ont été rendus le

           lundi 27 octobre 2008, à 15 h 25.

LE JUGE WEISMAN : J’ai entendu des appels interjetés contre des décisions de l’intimé, le ministre du Revenu national, selon lesquelles l’appelante est responsable des primes d’assurance-emploi et des cotisations au Régime de pensions du Canada pour un certain nombre de travailleurs inscrits à l’annexe B, et je crois pouvoir vous donner maintenant le chiffre; oui. Il semble que ce chiffre soit réduit à 54, étant donné que six personnes sont constituées en société. Nous parlons donc maintenant de 54 travailleurs.

Disons, par souci de clarté, qu’en ce qui concerne les personnes inscrites à l’annexe B de la réponse du ministre, l’appel a été retiré en rapport avec quatre d’entre elles, soit Peter Bandi, David Mick, Surjit Purewal et Melissa Schofield; en revanche, les appels ont été accueillis sur consentement du ministre en rapport avec Renato Chiappe, Paul Wilfred Gascoigne, Jeyabalan Gunasingam, Kamal Hamzic, Anton Milanov et Mark Scanion. Cela m’amène au chiffre de 54.

Je tiens à préciser que, même s’il a été conclu assez tard dans le procès que tous ces travailleurs ne sont pas tout à fait sur un pied d’égalité, parce que certains étaient rémunérés à l’heure quand ils travaillaient en ville et que d’autres étaient rémunérés en fonction de la distance parcourue parce qu’ils travaillaient sur la route, et que certains avaient des frais que d’autres n’avaient pas, les avocats et les représentants conviennent tous que je dois les traiter de manière égale, d’après les preuves  qui m’ont été présentées.

En établissant ses cotisations, le ministre s’est fondé sur l’alinéa 6g) du Règlement sur l’assurance-emploi et le paragraphe 34(1) du Règlement sur le Régime de pensions du Canada. Commençons tout d’abord par le Règlement sur l’assurance-emploi et la question de savoir si ces appels doivent être accueillis ou rejetés à cet égard, parce qu’il y a des aspects assez différents entre le Règlement sur l’assurance-emploi et le Règlement sur Régime de pensions du Canada; il s’agit tout d’abord de savoir si l’alinéa 6g) du Règlement sur l’assurance-emploi s’applique aux entrepreneurs indépendants. Cela est important, parce que de nombreux appelants tiennent pour acquis que les entrepreneurs indépendants sont dispensés des cotisations de l’employeur et que celles-ci ne visent que les employés.

Mais il existe une jurisprudence bien claire, et l’avocate du ministre y a fait référence, un arrêt de la Cour d’appel fédérale intitulé Sheridan c. M.R.N. et dont la référence est [1985] A.C.F. no 230. En interprétant la disposition antérieure à l’alinéa 6g), soit l’alinéa 12g), et le libellé des deux est identique, la Cour d'appel fédérale a conclu que les infirmières placées par une agence appelante dans des hôpitaux qui étaient ses clients exerçaient un emploi assurable, même si elles n’avaient pas conclu un contrat de louage de services, ni avec l’agence, ni avec l’hôpital.

Dans la décision OLTCPI Inc. c. M.R.N., [2008] A.C.I. no 359, j’ai déclaré que je ne pouvais voir aucune différence notable entre des infirmières et des diététistes et, dans la présente affaire, je n’en vois pas non plus entre des infirmières et ces chauffeurs de camion.

Les questions qui sont importantes pour décider si l’appelante est chargée de verser des primes d’assurance-emploi consistent à savoir si elle tombe sous le coup de l’alinéa 6g) du Règlement, et, pour cela, il faut quatre choses : qu’il s’agisse d’une agence de placement, et M. Murphy a clairement reconnu que, oui, l’appelante est une agence de placement.

Ensuite, il faut que l’agence place des travailleurs chez ses clients, et cela, là encore, l’appelante l’a admis.

La troisième condition est que ces travailleurs doivent être assujettis à la direction et au contrôle du client de l’agence. Il faut pour cela procéder à une certaine analyse, et je réglerai donc le cas de la quatrième condition avant de revenir à la troisième.

Il faut que l’agence verse une rémunération. Dans le cas présent, il est admis que c’était l’agence qui rémunérait ces chauffeurs, et ensuite le montant, majoré, était facturé au client.

Pour ce qui est de la direction et du contrôle, il y a une distinction à faire entre ce qui se passe avant que le travailleur accepte le travail qu’on lui confie et la situation dans laquelle le travailleur refuse le travail. Si je soulève ce point c’est que, dans la présente affaire, il ressort clairement de la preuve que les deux types de travailleurs avaient le choix d’accepter ou de refuser un travail, en ville ou à l’extérieur.

Lorsqu’il est question d’une agence de placement, le Règlement parle de ce qui se passe une fois que le travailleur est placé, ce qui présuppose qu’il a accepté le placement. Donc, chaque fois que les placements ont été acceptés et que les camions ont été utilisés, la question qui se pose est la suivante : le client exerçait-il une surveillance et un contrôle sur les personnes qui étaient placées chez lui et qui acceptaient le placement? Selon les preuves que j’ai entendues, une surveillance et un contrôle étaient exercés. Les chauffeurs devaient suivre un trajet direct pour se rendre à leur destination et, s’ils gaspillaient du carburant, ils étaient tenus de le remplacer à leurs propres frais. On leur disait quoi livrer, et où.

Le client était propriétaire du camion. Ce fait est pertinent, pas seulement pour savoir qui possède les outils de travail, mais la jurisprudence semble indiquer qu’il s’agit d’une question de contrôle, parce que si le client est propriétaire du camion, alors il a le droit, en tant que propriétaire, de dire de quelle façon le camion doit être utilisé. Si c’est le travailleur qui est propriétaire du camion, la situation est un peu différente. Donc, le fait que le client de l’agence, l’appelante, était propriétaire du camion a une incidence sur la question du contrôle et renforce la conclusion selon laquelle il s’exerçait une surveillance et un contrôle.

En résumé, l’alinéa 6g) du Règlement sur l’assurance-emploi comporte quatre conditions. Selon le ministre, les quatre sont remplies, c’est-à-dire que les chauffeurs de camion dont l’appelante a retenu les services, même s’ils sont peut-être des entrepreneurs indépendants, tombent sous le coup de la Loi sur l’assurance-emploi en vertu de l’alinéa 6g) du Règlement et, cela étant, pour ce qui est des 54 travailleurs, je conclus qu’il faut rejeter l’appel.

Voyons maintenant si cela fait une différence dans le cadre du Régime de pensions du Canada. Il y en a une, et je vais lire ce que dit le paragraphe 34(1) du Règlement. Il est un peu long :

Lorsqu’une personne est placée par une agence de placement pour la fourniture de services ou dans un emploi auprès d’un client de l’agence, et que les modalités régissant la fourniture des services et le paiement de la rémunération constituent un contrat de louage de services ou y correspondent, la fourniture des services est incluse dans l’emploi ouvrant droit à pension, et l’agence ou le client, quel que soit celui qui verse la rémunération, est réputé être l’employeur de la personne aux fins de la tenue de dossiers, de la production des déclarations, du paiement, de la déduction et du versement des contributions payables, selon la Loi et le présent règlement, par la personne et en son nom.

En d’autres termes, ma tâche consiste à examiner la preuve et à voir si les conditions dans lesquelles travaillaient ces chauffeurs de camion constituaient un contrat de louage de services ou y correspondaient.

Pour régler cette question, je me dois d’examiner l’ensemble de la relation entre les parties et l’effet combiné de tout le système de fonctionnement et, à cette fin, il faut soumettre les éléments de preuve au critère en quatre volets qui a été énoncé sous forme de lignes directrices par lord Wright, dans Montreal City v. Montreal Locomotive Works Ltd. et al., et la référence est [1947] 1 D.L.R. 161; ce critère a été adopté par le juge MacGuigan de la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Wiebe Door Services v. M.N.R., dont la référence est (1986), 87 DTC 5025.

Les quatre lignes directrices en question sont le contrôle que le payeur exerce sur le travailleur, la question de savoir si c’est le travailleur ou le payeur qui possède les outils nécessaires pour que le travailleur exécute son travail, les chances de profit du travailleur, et le risque que le travailleur subisse une perte dans ses rapports avec le payeur.

Commençons par l’élément du contrôle. En analysant cette affaire au regard du règlement pris en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi, j’ai conclu qu’il s’exerçait manifestement une surveillance et un contrôle et la situation n’est pas différente ici, dans le cadre du Régime, et cela indique que les chauffeurs de camion étaient des employés.

Pour ce qui est des outils, je signale que l’outil principal, le camion, était fourni par le client de l’appelante, et non pas par l’appelante elle-même. Mais cela concerne principalement le contrôle, comme je l’ai déjà dit, parce que celui qui possède le camion a le droit de contrôler la façon dont ce dernier est utilisé. Le ministre a fait valoir aujourd’hui que ce camion était un outil à ce point important que cela militerait fortement en faveur du fait, là encore, que ces personnes sont des employés.

Le problème, c’est qu’il y a une décision de la Cour d'appel fédérale intitulée Precision Gutters Ltd. c. M.R.N., et sa référence est [2002] A.C.F. no 771, et il s’agit d’une affaire dans laquelle l’entreprise fabriquait des gouttières; les installateurs possédaient leur marteau, ou tout autre outil habituel, mais il y avait une machine de grande taille et très coûteuse, qui formait l’aluminium en gouttières et en tuyaux de descente; cette machine appartenait au payeur et était fournie par lui. Comme l’indique la Cour d’appel :

Il a été jugé que si les instruments de travail appartenaient au travailleur et qu'il était raisonnable que ceux-ci lui appartiennent, ce critère permet de conclure que la personne est un entrepreneur indépendant même si l'employeur présumé fournit des outils spéciaux pour l'entreprise en cause.

Je pense que c’est exactement de cela dont nous parlons. En l’espèce, j’ai une preuve qu’il y avait les outils habituels que fournit le chauffeur de camion, comme ses aides à la navigation, des cartes et un GPS, des lunettes de sécurité, des bottes de sécurité, des casques et des gants. Je crois donc que cela correspond, comme je l’ai dit, à l’arrêt Precision.

Nous avons affaire ici à des travailleurs qui fournissent les outils habituels dont ils ont besoin, et cela tend à dénoter qu’ils sont des entrepreneurs indépendants. Le facteur du contrôle milite en faveur du fait qu’ils sont des employés; le facteur des outils milite en faveur du fait qu’ils sont des entrepreneurs indépendants.

Examinons maintenant la question des chances de profit. Nous avons des personnes qui travaillent en ville à 17 $ l’heure, et des personnes qui circulent sur les routes à un tarif fixé au mille parcouru, qui n’a pas été dévoilé. Je signale, tout d’abord, que ces tarifs n’ont pas été négociés, chose que les entrepreneurs indépendants font habituellement. Ils ont été fixés par l’appelante. C’est ce que le président a déclaré. Cette absence de négociation des tarifs tend à dénoter que la personne est un employé, mais cela ne règle pas la question des chances de profit, parce que toutes ces personnes, quel que soit l’endroit où elles travaillaient, en ville ou à l’extérieur, n’avaient pas à travailler exclusivement pour l’appelante; elles étaient libres d’aller là où c’était le plus payant pour elles. C’est là, en fait, la raison pour laquelle l’appelante paie 70 p. 100 des régimes de prestations; pour inciter ces personnes à lui rester fidèles.

J’en conclus que les deux catégories de travailleurs avaient une chance de réaliser un profit en gérant comme il faut leurs affaires. Ils pouvaient décider d’aller là où ils obtiendraient le taux de rendement le plus élevé. Dans le cas d’Amir Kilic, la preuve indique qu’il ne recevait que 20 % de son revenu de l’appelante. Dans son cas, il était très évident qu’il pouvait réaliser un profit en gérant comme il faut ses affaires. Par conséquent, tout compte fait, même s’il y a un facteur qui tend à donner l’impression que ces personnes pourraient être des employés, le facteur des chances de profit indique qu’ils sont des entrepreneurs indépendants.

Passons maintenant aux risques de pertes. C’est là la principale différence, s’il y en a une, entre les gens qui travaillent à l’heure et en ville et ceux qui sont rémunérés en fonction de la distance parcourue sur la route; c’est-à-dire que les frais sont différent et que cela peut donc faire une différence sur le plan des risques de pertes. Il y avait les frais qu’engageaient ceux qui travaillaient sur la route, les aides à la navigation, les cartes et le GPS, les lunettes de sécurité, les bottes, les casques et les gants, de même que les frais de nourriture et de logement engagés à l’extérieur de la ville.

Je signale que les gens qui travaillent en ville peuvent avoir besoin d’une sorte de carte de la ville. Je doute qu’un GPS soit aussi nécessaire en ville que sur la route mais, néanmoins, je suppose que cette ville est assez grande pour qu’un GPS ne soit pas un outil tout à fait inutile. Je conclus donc que les frais sont comparables, sauf ceux qui se rapportent à la nourriture et au logement à l’extérieur de la ville, que doivent payer ceux qui travaillent sur la route. En outre, les chauffeurs étaient en général responsables des légers dommages occasionnés au camion ainsi que du coût du carburant gaspillé s’ils prenaient la mauvaise route ou s’égaraient.

Mais la preuve ne m’a pas convaincu que ces frais étaient considérables. Il y a une différence entre des frais fixes et des frais variables, comme les comptables ici présents le savent bien, et si une personne a des frais fixes, ils demeurent constants, que la personne travaille ou pas. Les frais variables ne sont engagés que lorsqu’on est au travail. Les seuls frais fixes que je vois étaient liés au matériel de sécurité, et cela ne représentait pas beaucoup d’argent. Les chambres d’hôtel et la nourriture n’étaient payés que si les travailleurs étaient sur la route et qu’ils gagnaient de l’argent. Quant au nombre de fois où les camions ont subi de légers dommages, je n’ai pas entendu de preuve comme quoi il s’agissait là d’un risque de perte considérable.

L’autre chose que j’ai trouvé pertinente est que, si on a le choix de refuser un travail, cela réduit sûrement le risque de perte; une personne peut simplement refuser un travail qui ne paraît pas attrayant parce qu’il faut séjourner longtemps hors de la ville, et que cela implique beaucoup de chambres d’hôtel et de repas. Je ne conclus donc pas que l’une ou l’autre catégorie de travailleurs subissait un risque de perte considérable, et, par conséquent, à mon avis, le facteur des risques de perte indique que ces travailleurs étaient des employés. Bien sûr, les travailleurs rémunérés à l’heure avaient encore moins de frais à supporter et donc encore moins de risques de pertes à encourir.

Je reviens brièvement à ce droit de refuser du travail, qui semble susciter de plus en plus d’attention et d’importance dans la jurisprudence. Lorsqu’une personne a le droit de refuser un travail, la loi semble dire qu’il s’agit là d’un signe d’indépendance, par opposition à une situation de subordination et un contrôle, et cela dénote que la personne est un entrepreneur indépendant. Et, par ailleurs, cela a incidence sur les profits et sur les pertes. Là encore, je me reporte à la décision Precision Gutters, où la Cour indique ce qui suit :

[…] Selon moi, la capacité de négocier les modalités d'un contrat suppose une chance de bénéfice et un risque de perte de la même manière que permettre à une personne d'accepter ou de refuser du travail suppose une chance de bénéfice et un risque de perte. […]

Dans ce passage, la Cour d'appel fédérale expose l’importance du fait d’avoir le droit de refuser du travail; ce point a une incidence non seulement sur le contrôle, mais aussi sur le profit et sur les pertes.

C’est ce qui se passe habituellement, mais l’affaire dont je suis saisi est un peu différente, et j’en ai déjà parlé, parce que nous n’avons pas affaire à des gens qui acceptent ou refusent du travail. Nous parlons de gens qui ont déjà accepté un placement, et ils sont donc un peu différents. Si cela est un peu obscur, j’espère éclaircir davantage les choses.

La Cour d’appel parle principalement des gens qui, lorsqu’on leur offre un travail, l’acceptent ou ne l’acceptent pas. Mais, ici, nous avons affaire à des gens qui ont été placés par une agence de placement, et ils ont accepté ce placement, et c’est ce que je disais plus tôt, et à mon avis la situation est un peu différente.

Au paragraphe 34(1) et à l’alinéa 6g) des deux Règlements, il est présumé que le placement a été accepté et, une fois qu’il a été accepté, la question est de savoir si le travailleur est assujetti à la direction et au contrôle du client. Ici, exception faite des facteurs dont j’ai parlé, le droit de refuser un projet amoindrira les frais, mais quand il est question du droit de refuser des projets en général, cela est exclu de la présente analyse. L’affaire ne tombe pas dans la même catégorie que celle dont il était question dans Precision Gutters parce que, comme je l’ai dit plus d’une fois, le projet a déjà été accepté au moment où une personne accepte d’être placée par une agence de placement.

Nous sommes maintenant dans la situation où le facteur du contrôle dénote que ces personnes étaient des employés, le facteur des outils qu’ils étaient des entrepreneurs indépendants, le facteur des chances de profit qu’ils étaient des entrepreneurs indépendants et le facteur du risque de pertes qu’ils étaient des employés. Cela donne un résultat de deux d’un côté, et deux de l’autre.

Ce qui nous amène à l’arrêt Le Royal Winnipeg Ballet c. M.R.N., [2006] A.C.F. no 339, une décision de la Cour d'appel fédérale. Dans cet arrêt, la Cour d'appel fédérale indique ce que je dois faire dans ces circonstances. Comme je l’ai dit dans la décision Logitek Technology Ltd. c. M.R.N., [2008] A.C.I. no 309, même si l’intention commune des parties, à savoir qu’un travailleur est un entrepreneur indépendant dans sa relation de travail avec l’employeur, n’en détermine pas le caractère juridique, l’arrêt Royal Winnipeg Ballet offre les directives suivantes quant à sa pertinence. Il s’agit du paragraphe 81 de cet arrêt :

[…] le juge de la Cour canadienne de l’impôt aurait dû prendre acte du témoignage non contredit relatif à l’interprétation commune des parties selon laquelle les danseurs étaient des entrepreneurs indépendants et se demander ensuite, en se fondant sur les facteurs de l’arrêt Wiebe Door, si cette intention avait été réalisée. […]

Dans le cas présent, les facteurs énoncés dans Wiebe Door ne sont pas déterminants, et il y a des affaires telles que Wolf c. Canada qui indiquent que l’intention des parties revêt plus d’importance lorsque le critère en quatre volets ou les facteurs énoncés dans Wiebe Door ne donnent pas des résultats concluants. En passant, Wolf c. Canada est un arrêt de la Cour d'appel fédérale, et la référence est [2002] 4 C.F. 396.

Nous avons ici une preuve très claire que l’intention commune des parties est que ces personnes sont des entrepreneurs indépendants, ce qui tranche la question, car les facteurs énoncés dans Wiebe Door sont équivoques.

Cela m’amène à conclure que je me dois d’accueillir les appels dans le cadre du Régime de pensions du Canada, à savoir que les conditions dans lesquelles ces personnes travaillaient, tant en ville qu’à l’extérieur, ne correspondaient pas à un contrat de louage de services.

Enfin, il faut parler des hypothèses formulées dans la réponse du ministre à l’avis d’appel. Ces hypothèses présentent des difficultés auxquelles j’ai déjà fait allusion mais, assez souvent — et dans une certaine mesure dans la présente affaire, ce qui explique pourquoi j’en parle – il se peut que les hypothèses soient véridiques, mais qu’elle ne prouvent rien de pertinent.

Par exemple, nous avons ici l’hypothèse 9d), à savoir que M. Murphy est l’unique actionnaire. Il ne s’agit certainement pas là d’un point que l’appelante peut réfuter, et j’ai vu bien des réponses – et celle-ci correspond largement à la catégorie des réponses dans lesquelles on ne peut réfuter aucune des hypothèses, parce qu’elles sont vraies; mais elles ne prouvent pas l’applicabilité des quatre facteurs de Wiebe Door ou ne concernent pas la question de savoir si ce travail est analogue, et cela crée des problèmes, car le ministre peut dire que les hypothèses n’ont pas été « démolies ». Je crains que ce ne soit pas suffisant.

En l’espèce, je crois que la seule hypothèse qui a été réellement démolie est la 9n), qui concerne les frais, la question de savoir si les travailleurs engagent des frais. Toutes les autres, même si elles n’ont pas été démolies, n’étaient pas concluantes. Je crois donc que j’ai entendu suffisamment de faits nouveaux, ou que les faits n’ont pas été suffisamment appréciés ou correctement appréciés par le ministre, qui avait affaire à des faits connus en rapport avec le Régime de pensions du Canada, et je conclus que sa décision était objectivement déraisonnable, tandis que j’ai conclu qu’en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi elle était objectivement raisonnable.

Je n’ai rien d’autre à ajouter.

Merci de votre aide. Nous obtenons un résultat partagé, ce qui est plutôt inusité.

--- Fin de l’audience.


 

RÉFÉRENCES :

2008 CCI 687

2008 CCI 688

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR :

2007-4469(CPP)

2007-4468(EI)

 

INTITULÉ :

1517719 Ontario Ltd., faisant affaire sous le nom d’Experience Works, et le ministre du Revenu national

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 27 octobre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge suppléant N. Weisman

 

DATE DU JUGEMENT ORAL :

Le 27 octobre 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

Davorin Jurovicki

 

Avocate de l’intimé :

Me Samantha Hurst

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l’appelante :

 

Nom :

 

Cabinet :

 

 

Pour l’intimé :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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