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Dossier : 2007‑3147(EI)

ENTRE :

853998 ONTARIO INC. op B & B EXPRESS,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

CHRISTOPHER POLA,

intervenant.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

853998 Ontario Inc. op B & B Express (2007‑3148(CPP)) le 1er avril 2008,

et motifs du jugement rendus oralement le 4 avril 2008

à Ottawa, Canada

 

Devant l’honorable juge J.E. Hershfield

 

Comparutions :

Représentant de l’appelante :

Avocate de l’intimé :

 

Dennis Bedard

Me Marie‑Eve Aubry

Pour l’intervenant :

L’intervenant lui‑même

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

          Les appels sont accueillis, sans frais, et la décision du ministre du Revenu national est annulée conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour d’avril 2008.

 

« J.E. Hershfield »

Juge Hershfield

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de mai 2008.

 

Aleksandra Koziorowska


 

 

Dossier : 2007‑3148(CPP)

ENTRE :

853998 ONTARIO INC. op B & B EXPRESS,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

CHRISTOPHER POLA,

intervenant.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

853998 Ontario Inc. op B & B Express (2007‑3148(EI)) le 1er avril 2008,

et motifs du jugement rendus oralement le 4 avril 2008

à Ottawa, Canada

 

Devant l’honorable juge J.E. Hershfield

 

Comparutions :

Représentant de l’appelante :

Avocate de l’intimé :

Dennis Bedard

Me Marie‑Eve Aubry

Pour l’intervenant :

L’intervenant lui‑même

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

          Les appels sont accueillis, sans frais, et la décision du ministre du Revenu national est annulée conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour d’avril 2008.

 

« J.E. Hershfield »

Juge Hershfield

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de mai 2008.

 

Aleksandra Koziorowska


 

 

 

Référence : 2008CCI196

Date : 20080409

Dossiers : 2007‑3147(EI)

  2007‑3148(CPP)  

ENTRE :

853998 ONTARIO INC. op B & B EXPRESS,

 

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

CHRISTOPHER POLA,

intervenant.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

(Rendus oralement à l’audience le 4 avril 2008 à Ottawa, Canada.)

 

Le juge Hershfield

 

[1]     L’appelante interjette appel de la décision en date du 7 mars 2007 dans laquelle le ministre du Revenu national (le « ministre ») a conclu que l’emploi exercé par l’intervenant, M. Christopher Pola (le « travailleur en cause »), était assurable et ouvrait droit à pension conformément à l’alinéa 5(1)a) de la Loi sur l’assurance‑emploi et à l’alinéa 6(1)a) du Régime de pensions du Canada pour la période allant du 1er janvier 2003 au 19 mars 2006.

 

[2]     L’appelante offre des services de livraison et a été engagée par la chaîne de restaurants St‑Hubert pour fournir des services de livraison aux établissements de celle‑ci situés dans la région d’Ottawa. Au cours de la période sous examen, le travailleur en cause était livreur à l’un de ces établissements, lequel était situé sur le boulevard Saint‑Laurent (le restaurant St‑Laurent).

 

[3]     La seule question qui se pose dans le présent appel est de savoir si le travailleur en cause était un employé de l’appelante plutôt qu’un entrepreneur indépendant.

 

[4]     L’appelante a fait témoigner cinq personnes, soit M. Smith, gérant du restaurant St‑Laurent, M. Holder, M. Salem et M. Farhadi, qui sont actuellement chauffeurs à cet endroit, et M. Bedard, l’unique actionnaire de l’appelante. Le travailleur en cause était le seul témoin de l’intimé.

 

[5]     J’examinerai en détail les témoignages présentés par toutes ces personnes, mais je passerai d’abord en revue les tâches que l’appelante accomplit pour le restaurant St‑Laurent par l’entremise de son groupe de livreurs.

 

Aperçu

 

[6]     L’appelante compte actuellement environ 21 chauffeurs faisant partie de ce qu’elle appelle un répertoire d’entrepreneurs indépendants ayant signé des contrats dans lesquels ils se sont engagés à lui fournir des services de livraison. Selon M. Bedard, au fil des années, environ 75 p. 100 des chauffeurs avaient conclu des contrats écrits de cette nature. Le travailleur en cause ne l’avait pas fait. M. Bedard a dit qu’il ne s’est pas aperçu de cette omission parce qu’il était absent lorsque le travailleur en cause est entré en fonctions. Néanmoins, tous les chauffeurs étaient traités de la même façon et accomplissaient les mêmes tâches.

 

[7]     M. Bedard établissait un horaire de travail pour les chauffeurs du groupe en fonction des besoins du restaurant et l’affichait à l’établissement. Le groupe affecté au restaurant St‑Laurent était composé d’environ 18 chauffeurs. Certains étaient des chauffeurs réguliers et travaillaient selon un horaire fixe, tandis que d’autres travaillaient pendant les heures de pointe ou comblaient les besoins lorsque le restaurant était occupé ou manquait de personnel; d’autres encore offraient simplement leurs services lorsqu’ils avaient besoin de travailler. Le travailleur en cause semble avoir été l’un des chauffeurs réguliers.

 

[8]     Les chauffeurs devaient utiliser leurs propres véhicules et payer tous les frais liés à l’utilisation et à l’exploitation de ceux‑ci. Apparemment, la plupart ont reçu un téléphone cellulaire et un sac thermal à utiliser pour garder au chaud les repas à livrer. Certains pouvaient aussi recevoir un uniforme (chemise et manteau d’hiver comportant un logo et insigne porte‑nom) ainsi qu’un lecteur de cartes de crédit.

 

[9]     En général, il me semble que les chauffeurs devaient se conformer à l’horaire affiché. Cela ne signifie pas que des périodes de travail obligatoires étaient imposées. Je reviendrai plus loin sur cette question. Les chauffeurs livraient les commandes selon la méthode du premier arrivé, premier servi, et certaines règles ou procédures avaient été fixées de façon à assurer un service de livraison satisfaisant et efficace. Les règles en question qui ont été mentionnées à l’audience étaient les suivantes : les chauffeurs n’étaient pas autorisés à apporter plus de cinq commandes à livrer à la fois, ni à attendre plus de 25 minutes une autre commande lorsqu’ils avaient déjà en main une commande à livrer; de plus, jusqu’à un certain point, lorsqu’il y avait plusieurs commandes à livrer, celles‑ci étaient réparties en fonction du lieu de livraison et du trajet de manière à assurer la livraison dans un délai acceptable.

 

[10]    Les chauffeurs étaient rémunérés principalement à l’heure, mais les taux, les conditions, les moments et le mode de paiement étaient négociés sur une base individuelle pour chaque chauffeur. Les conditions de paiement n’étaient pas précisées dans les contrats écrits. Certains chauffeurs étaient payés à la livraison. Pour sa part, le travailleur en cause était rémunéré à l’heure. Au cours de la première année, il a touché 6 $ l’heure. À sa demande, ce taux a été porté à 7 $ par la suite. Jusque vers le milieu ou la fin de l’année 2005, les chauffeurs consignaient simplement leurs heures de travail sans utiliser un système de déclaration formel, même si des feuilles de temps étaient apparemment disponibles. À l’automne de l’année 2005 ou peut‑être même au début de l’été de cette même année, un système d’horodatage à carte a apparemment été mis sur pied, mais n’était pas utilisé par tous les chauffeurs. Les chauffeurs tenaient un registre de leurs heures de travail sans vraiment être surveillés par l’appelante. En tout état de cause, le temps passé au travail n’était pas la principale source d’argent des chauffeurs, dont les profits dépendaient indéniablement en grande partie des pourboires.

 

Les témoignages

 

[11]    M. Smith a présenté un témoignage crédible, d’autant plus que, de tous les témoins, il était celui qui avait le moins d’intérêt dans le résultat de l’appel. Par ailleurs, il n’avait pas beaucoup de contacts directs avec les chauffeurs; par conséquent, sa déposition était fondée dans une large mesure sur son observation de ceux‑ci.

 

[12]    M. Smith est gérant chez St‑Hubert depuis 22 ans et a passé les 12 dernières années au restaurant St‑Laurent. Il est responsable de la cuisine, y compris l’embauche des cuisiniers, et des commandes à livrer. Il a confirmé que les chauffeurs devaient effectuer les livraisons au fur et à mesure que les commandes étaient prêtes. Ils étaient payés par le client, et les paiements étaient remis au restaurant à la fin de la journée, déduction faite des pourboires.

 

[13]    Le restaurant St‑Laurent était ouvert de 11 h à 22 h du dimanche au jeudi et de 11 h à 23 h le vendredi et le samedi. Au début de la semaine, du lundi au mercredi, de quatre à six chauffeurs devaient normalement travailler entre 11 h et 16 h (horaire de jour). L’horaire de jour du jeudi et du vendredi nécessitait environ huit chauffeurs. Il s’agissait de périodes occupées. De 16 h à 22 h (l’horaire du soir), environ cinq ou six chauffeurs travaillaient au début de la semaine. Vers la fin de la semaine, le jeudi et le vendredi, le restaurant comptait environ huit chauffeurs le soir et de 10 à 12 chauffeurs la fin de semaine. Selon M. Smith, pendant ces périodes, les chauffeurs n’étaient pas tenus de rester au restaurant entre les livraisons ni de prêter main‑forte au personnel de la cuisine ou de la salle à manger. Étant donné que les livraisons étaient attribuées selon la méthode du premier arrivé, premier servi, bon nombre de chauffeurs se tenaient tout près du restaurant. En ce qui a trait aux uniformes et à la formation, M. Smith a dit qu’il n’était au courant d’aucune règle qui aurait été imposée aux chauffeurs, hormis l’obligation de maintenir une apparence [traduction] « propre et présentable » pendant les livraisons; la seule formation consistait à limiter les nouveaux chauffeurs à un nombre plus restreint de livraisons au départ (trois plutôt que cinq) afin de s’assurer qu’ils pourraient s’acquitter de leurs fonctions rapidement. M. Smith a dit qu’il n’était au courant d’aucune forme de surveillance, ni de la présence d’un superviseur, au restaurant St‑Laurent. Il a souligné que, lorsqu’un chauffeur avait une tenue négligée ou malpropre, il recevait une chemise du personnel. M. Pola était peut‑être un exemple de chauffeur qui, dès le départ, désirait porter l’uniforme du personnel lors du service de livraison.

 

[14]    M. Smith a confirmé que M. Bedard établissait un horaire faisant état des heures de travail des chauffeurs chaque semaine. Il a dit qu’à l’occasion, les chauffeurs envoyaient des personnes qui les remplaçaient pendant les heures qui leur avaient été attribuées et que certains de ces remplaçants étaient des personnes qu’il ne connaissait pas et qui n’avaient jamais fait de livraison pour St‑Hubert auparavant. Ces remplacements étaient tout à fait acceptables, mais les remplaçants en question ne pouvaient pas faire plus de trois livraisons au départ (plutôt que cinq), tel qu’il est mentionné plus haut. M. Smith a ajouté qu’aucun des chauffeurs ne suivait vraiment un horaire strict ou exact et que, même si la plupart se tenaient tout près du restaurant, ils étaient libres de leurs allées et venues. Si cette situation occasionnait une pénurie de chauffeurs ou que, pour une raison ou pour une autre, un plus grand nombre de chauffeurs était nécessaire, on communiquait avec M. Bedard et d’autres chauffeurs étaient appelés en renfort. À l’occasion, M. Bedard a lui‑même remplacé un chauffeur. De plus, malgré l’horaire établi, certains chauffeurs passaient parfois au restaurant même s’ils ne devaient pas travailler pour voir s’il y avait des livraisons à faire et, dans l’affirmative, ils pouvaient travailler en dehors des heures qui leur avaient été attribuées.

 

[15]    M. Smith a reconnu que les pourboires étaient déduits des sommes remises au restaurant. Aucun élément de preuve ne donne à penser qu’il a eu des problèmes ou préoccupations liés aux montants reçus, même lorsque les chauffeurs étaient inconnus. Il a reconnu qu’il versait un supplément aux chauffeurs qui devaient livrer à nouveau une commande par suite d’une erreur commise par le personnel de la cuisine, en plus de la rémunération à laquelle ils pouvaient s’attendre pour leur temps ou pour la livraison. Le supplément visait probablement à les dédommager de la perte de pourboire en pareil cas. Il a dit que, d’après ce qu’il savait, aucun montant n’a été exigé d’un chauffeur à l’égard d’une perte causée par l’erreur de celui‑ci.

 

[16]    Le deuxième témoin de l’appelante, M. Holder, a été cuisinier chez St‑Hubert au cours des 18 dernières années, en plus d’agir à l’occasion comme chauffeur pour l’appelante. Il a présenté un témoignage franc au cours duquel il a mentionné qu’il avait signé avec l’appelante un contrat stipulant qu’il n’était pas un employé, mais plutôt un mandataire indépendant. Son taux et son mode de rémunération ont été négociés avec M. Bedard. Il a dit qu’aucune surveillance n’était exercée à l’endroit des chauffeurs et que personne n’était intervenu dans ce qu’il faisait. Il a reconnu qu’il tirait un profit des livraisons, déduction faite de ses frais de véhicule automobile, et que, si tel n’était pas le cas, il [traduction] « ne le ferait pas ». Selon son témoignage, le profit qu’il tirait dépendait de la rapidité avec laquelle les livraisons étaient effectuées et des pourboires que les clients lui donnaient. Il a précisé qu’il était payé à l’heure, que des commandes aient été reçues ou non, mais qu’en l’absence de livraisons, il ne pouvait pas faire de profit, car il n’avait pas d’occasion de recevoir des pourboires. Il a expliqué qu’il avait choisi le mode de paiement qu’il préférait, soit un taux horaire par opposition à un paiement à la livraison. Il ne se sentait pas lié par son horaire de travail et il lui arrivait souvent de faire des emplettes entre les livraisons. Tous les chauffeurs qui ont témoigné semblaient croire qu’ils avaient cette liberté, mais un seul a mentionné qu’il contrôlait ce type d’absence au moment de signaler les heures travaillées, parce qu’il était payé à l’heure.

 

[17]    M. Holder a dit avoir vu à maintes reprises des chauffeurs se faire remplacer par d’autres personnes, qu’il pouvait avoir et avait effectivement eu recours à une personne pour l’aider et qu’il était libre de ses allées et venues, même s’il prévenait M. Bedard, par courtoisie, des périodes où il ne pouvait travailler. Il n’était pas tenu de porter un uniforme et n’en portait pas.

 

[18]    Le témoignage de M. Salem, le témoin suivant, est celui qui me semble le moins crédible. M. Salem a été chauffeur pendant plus de 10 ans, mais s’est montré souvent raisonneur et irrévérencieux au cours de son témoignage, notamment en ce qui a trait à la liberté dont il jouissait, à la consignation de ses heures de travail et au fait qu’il n’était pas payé à l’heure ainsi qu’à ses négociations concernant son mode de rémunération. Il a confirmé avec plus de sincérité que les chauffeurs pouvaient se faire remplacer et qu’il avait vu le travailleur en cause se faire remplacer par son fils, qui faisait également partie du groupe de chauffeurs. Comprenant que le travailleur en cause déclarerait au cours de son témoignage qu’il était superviseur, M. Salem a nié jouer un rôle de surveillant et nié l’existence de la moindre forme de surveillance par quiconque. M. Bedard se trouvait rarement au restaurant, de sorte qu’il n’y avait là aucune personne exerçant un pouvoir à l’endroit des chauffeurs.

 

[19]    La dernière personne qui a témoigné pour l’appelante avant M. Bedard lui‑même était un autre chauffeur, M. Farhadi, qui a été le témoin le plus franc. Il avait travaillé pour l’appelante au cours des trois dernières années en qualité d’entrepreneur indépendant. Il a expliqué qu’il discutait chaque semaine de son horaire avec M. Bedard afin de fixer les périodes au cours desquelles il serait disponible pour travailler. Il a ajouté que, même si des heures étaient attribuées, il lui arrivait souvent d’arriver tôt au restaurant pour voir s’il y avait des commandes à emporter et de s’en aller lorsque le restaurant n’était pas occupé. Il a dit qu’il était payé à l’heure et qu’il remettait chaque semaine une feuille sur laquelle il avait consigné ses heures. Il n’a pas fait la moindre allusion à une carte de pointage. Il se faisait remplacer à l’occasion par un autre chauffeur, auquel cas il facturait l’appelante et payait lui‑même ce chauffeur, ce qui était permis. Il ne se sentait pas obligé d’expliquer ses absences et rien ne l’empêchait de faire des emplettes pendant ses heures de travail ou d’aller chercher son fils à l’école. S’il était absent pendant une longue période au cours d’un quart de travail, il ne facturait pas son temps. Il n’était pas surveillé à cet égard. Il agissait de manière responsable : il informait M. Bedard de ses périodes de disponibilité et ne facturait pas d’heures au cours desquelles il n’effectuait pas de livraison.

 

[20]    En résumé, je peux dire que tous les chauffeurs fournissaient leurs véhicules et supportaient les frais liés à l’entretien de ceux‑ci et que tous ont tiré profit de l’engagement. Tous les chauffeurs ont confirmé qu’ils n’étaient nullement surveillés, qu’ils n’étaient pas tenus de se trouver au restaurant aux heures qui leur avaient été attribuées et qu’ils pouvaient se faire remplacer. Aucun des chauffeurs ne portait d’uniforme ou estimait qu’il était tenu d’en porter un; tout ce qui était exigé d’eux, c’était de maintenir une apparence [traduction] « présentable et propre ». Ils ont tous déclaré qu’ils estimaient ou croyaient qu’ils étaient des entrepreneurs indépendants et non pas des employés de l’appelante.

 

[21]    M. Bedard a été la dernière personne à témoigner pour l’appelante. Il a répété une bonne partie des déclarations faites par les témoins précédents et il avait une connaissance de première main de la plupart de ces faits. Il a dit qu’il avait mis sur pied le système d’horodatage à carte afin que les chauffeurs ne soient pas tenus de consigner leurs heures de travail sur des bouts de papier, mais il n’était pas troublé par l’absence générale de système de vérification des heures pour lesquelles il rémunérait les chauffeurs. Il a souligné qu’il avait fourni au restaurant deux véhicules de livraison commerciale comportant un logo jaune qui étaient conduits par des employés portant un uniforme; le travailleur en cause ne faisait pas partie de ces employés. Il a expliqué que, même s’il établissait des horaires de travail, il s’agissait plutôt de lignes directrices et il ne punissait personne en cas de non‑respect. Le contrat écrit permet expressément aux chauffeurs de se faire remplacer et il respectait cette clause. Cependant, les chauffeurs devaient faire un minimum de travail pour gagner de l’argent, et il était rare que plusieurs chauffeurs soient absents pendant un même quart. Lorsqu’ils ne pouvaient pas travailler, les chauffeurs se faisaient habituellement remplacer ou l’informaient afin qu’il puisse trouver un remplaçant. Il pouvait toujours trouver des remplaçants à la dernière minute lorsqu’on lui demandait de le faire. Les chauffeurs avaient des téléphones cellulaires et pouvaient être joints. Apparemment, il y avait toujours de l’argent à faire, et il disposait d’un groupe de chauffeurs motivés.

 

[22]    Il a reconnu que, lorsqu’il s’absentait, il remettait son téléavertisseur à l’un des chauffeurs plus expérimentés pour qu’il s’occupe des remplacements, mais ce chauffeur n’était pas superviseur. Il n’y avait aucune supervision. Il exploitait cette entreprise depuis 1984 et, même s’il a eu des problèmes avec les chauffeurs à l’occasion, les choses se passaient relativement bien. En revanche, le restaurant Orléans avait parfois besoin d’un coordonnateur des chauffeurs pendant les périodes de pointe pour veiller à la bonne marche des affaires. Le restaurant St‑Laurent n’a jamais eu besoin d’un coordonnateur des chauffeurs sur place, ce qui semble être confirmé par les horaires présentés en preuve.

 

[23]    M. Bedard a reconnu que les chauffeurs étaient habituellement payés à l’heure, mais qu’ils avaient le choix du mode de rémunération. Le profit provenait des pourboires et dépendait directement du nombre de livraisons et de la qualité du service. Une motivation existait indépendamment de la façon dont il rémunérait les chauffeurs.

 

[24]    Le travailleur en cause est la seule personne qui a témoigné pour l’intimé. Bien qu’il se soit montré assez rigide et raisonneur quant à certains aspects (notamment en ce qui a trait à la formation et à la surveillance pouvant exister, aux responsabilités qu’il se sentait obligé d’assumer dans la cuisine et même à la question de savoir s’il avait réalisé un profit) et bien qu’il ait été manifestement mécontent de son congédiement, je suis disposé à reconnaître qu’il a peut‑être perçu son engagement d’une façon différente par rapport aux autres travailleurs. Il n’a pas eu de rencontre initiale avec M. Bedard ni n’a pris connaissance d’un contrat. Il a semblé sincère au sujet de sa perception concernant les chauffeurs remplaçants qui, selon lui, devaient être d’autres chauffeurs du groupe, et semblait vraiment croire que les horaires affichés devaient être respectés. Il ne croyait pas que la rémunération était négociable, sauf en ce qui a trait à la possibilité de demander une augmentation du taux horaire. Il a peut‑être même cru qu’il devait porter un insigne porte‑nom et une chemise ou un manteau du personnel, qui lui ont été fournis lorsqu’il a commencé à faire de la livraison pour l’appelante, malgré le fait que d’autres chauffeurs autour de lui n’en portaient apparemment pas. Il a peut‑être cru aussi qu’il était censé utiliser l’appareil d’horodatage, même si les autres ne le faisaient apparemment pas.

 

[25]    De plus, il a peut‑être cru sincèrement que les règles que lui‑même et les autres devaient suivre étaient une forme de contrôle de l’employeur quant à la façon dont il exécutait son travail, les règles en question ayant consisté dans la surveillance du temps consacré aux livraisons, dans le nombre maximal de commandes confiées aux nouveaux chauffeurs (trois) et aux chauffeurs expérimentés (cinq) ainsi que dans le délai maximal fixé pour l’attente d’autres commandes à livrer.

 

[26]    Il a expliqué que les chauffeurs étaient réprimandés lorsque les règles n’étaient pas respectées et que M. Salem agissait en qualité de superviseur à cet égard. Il a dit que M. Salem l’avait réprimandé à au moins une occasion. Je n’ai trouvé aucun élément de preuve corroborant cette affirmation, bien que M. Salem m’a semblé être le type de personne qui pouvait fort bien intervenir de cette façon pour assurer la bonne marche des affaires. Cette conduite serait dans son intérêt, sinon dans celui de tous les chauffeurs.

 

[27]    Bien que le travailleur en cause n’ait pas expressément reconnu que l’horaire de travail était souple, il l’a admis implicitement au cours de son témoignage. Il savait qu’il n’était pas tenu de travailler selon un horaire prévu à l’avance. Il croyait simplement qu’il devait se trouver un remplaçant convenable ou signaler ce remplacement à M. Bedard ou à l’un des chauffeurs plus expérimentés, qu’il considérait comme un superviseur. Il s’agissait probablement de l’un des chauffeurs plus expérimentés qui avait le téléavertisseur en main lorsque M. Bedard s’absentait. Il n’a pas dit qu’il était tenu de rester au restaurant ou à proximité de celui‑ci pendant une période fixe, mais a plutôt expliqué qu’il restait dans le restaurant pendant cette période parce qu’il craignait de manquer une commande à livrer.

 

[28]    Je dois ajouter ici que je doute de la franchise du travailleur en cause sur certains aspects, même si je reconnais qu’il a peut‑être sincèrement compris de manière différente le régime de travail qui s’appliquait à lui. Lorsqu’il s’est fait demander comment il déclarait son revenu, il a dit qu’il ne le déclarait pas. Il a reconnu qu’il avait travaillé comme chauffeur auparavant en qualité d’employé et qu’il recevait un feuillet T4. Il savait que l’appelante ne le considérait pas comme un employé dès avril 2004, puisqu’il n’avait pas reçu de feuillet T4 de celle‑ci à cette date, mais il affirme quand même qu’il croyait qu’il était un employé. Il ne déclare pas le revenu en raison de la nature de celui‑ci? Il ne s’oppose pas à cette façon de procéder jusqu’à ce qu’il soit congédié, lorsqu’une question se pose au sujet de son assurabilité selon le régime d’assurance‑emploi? Cette attitude n’a pas d’incidence sur la nature juridique de son emploi; cependant, examinée avec d’autres contradictions, elle m’incite à douter de sa franchise. Son témoignage n’est pas celui d’une personne désintéressée.

 

[29]    À la lumière des faits et observations précités au sujet des éléments de preuve que j’ai acceptés, j’en arrive maintenant aux critères juridiques que je dois appliquer pour décider si le travailleur en cause était un employé ou un entrepreneur indépendant.

 

Jurisprudence

 

[30]    Dans 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] A.C.S. n° 61, la Cour suprême du Canada s’est attardée à la distinction entre l’employé et l’entrepreneur indépendant. Lorsqu’il a passé en revue les différents critères servant à décider si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, le juge Major, qui s’exprimait au nom de la cour, a accepté l’application du critère à quatre volets énoncé dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. v. The Minister of National Revenue, 87 DTC 5025, selon lequel les facteurs à prendre en compte sont (1) le contrôle, (2) la propriété des instruments de travail, (3) la possibilité de profit et (4) le risque de perte. Ces facteurs devraient être appliqués à une question centrale, qui est celle de savoir si le travailleur travaillait à son compte. Dans bien des cas, cette question soulève celle de savoir si le travailleur possède sa propre entreprise pour laquelle il travaille.

[31]    Qui plus est, plus récemment, la Cour d’appel fédérale a souligné qu’il est nécessaire d’examiner les critères énoncés dans les arrêts Sagaz et Wiebe Door à la lumière de l’intention des parties au sujet de la nature de leur relation contractuelle (voir, p. ex., Royal Winnipeg Ballet c. Canada (M.R.N.), 2006 CAF 87, et City Water International Inc. c. Canada (M.R.N.), 2006 CAF 350). Dans ce dernier arrêt, la Cour d’appel fédérale a confirmé que, lorsque les autres critères ne sont pas déterminants ou que l’affaire est difficile à trancher et que les facteurs pertinents pointent dans les deux directions avec autant de force, l’intention contractuelle des parties ne peut pas être laissée de côté. Une certaine mutualité doit évidemment exister, qu’elle soit expresse ou tacite, et il ne convient d’accorder de la valeur à l’intention des parties que si le contrat reflète de façon satisfaisante la relation juridique qui les unit.

 

Analyse

 

Contrôle

 

[32]    Les prétendues règles établies pour veiller à ce que les chauffeurs agissent de manière à exécuter en bonne et due forme la tâche qui leur a été confiée ne constituent pas un contrôle exercé à leur endroit. La personne qui confie des tâches le fait toujours de manière à s’assurer que celles‑ci seront exécutées conformément à ses exigences. L’entrepreneur indépendant ne peut agir comme bon lui semble sans se préoccuper de la façon dont sa conduite touche d’autres entrepreneurs ou le résultat visé par la partie qui l’a engagé.

 

[33]    Je suis d’avis que le travailleur en cause ne faisait l’objet d’aucune forme de surveillance ou de contrôle qui l’aurait placé dans une position de subalterne. Le fait qu’il a accepté de venir en aide au personnel de la cuisine, comme on le lui avait demandé, n’est pas pertinent. Aucun élément de preuve crédible ne montre qu’il était tenu d’agir de la sorte. J’estime qu’il pouvait refuser de travailler à tout moment et qu’il était totalement libre de ses allées et venues. Le fait qu’il ne s’est pas prévalu de cette liberté et s’en est tenu à un horaire témoigne des efforts qu’il a déployés en qualité d’entrepreneur pour réaliser des profits. Les absences pendant les heures de travail prévues ne seraient pas viables sur le plan économique. Compte tenu des témoignages concordants des autres chauffeurs, je n’ai aucune raison de croire que ceux‑ci étaient réprimandés lorsqu’ils s’absentaient ou que leurs allées et venues étaient surveillées. Dans ces circonstances, je suis d’avis que l’application du critère du contrôle mène à la conclusion que le travailleur en cause était un entrepreneur indépendant.

 

Instruments et propriété du matériel

 

[34]    Tous les témoins ont convenu que les chauffeurs devaient fournir la principale pièce d’équipement, soit un véhicule, pour effectuer les livraisons. Les chauffeurs devaient payer eux‑mêmes tous les frais liés à l’utilisation de leurs véhicules. De plus, aucune exigence n’était fixée quant au type de véhicule qui devait être utilisé ou même quant à l’état du véhicule en question.

 

[35]    Il a été confirmé que le travailleur en cause possédait son propre véhicule et qu’il l’utilisait pour fournir des services de livraison.

 

[36]    Le fait qu’un téléphone cellulaire, un lecteur de cartes, des sacs thermaux et des chemises du personnel ont été fournis au travailleur en cause n’est pas pertinent dans un sens relatif. Il aurait pu travailler sans ces articles, comme le faisaient d’autres chauffeurs, sauf en ce qui a trait au téléphone cellulaire et au sac thermal.

 

[37]    Le fait que la pièce d’équipement la plus importante dont le travailleur en cause avait besoin pour accomplir ses tâches de chauffeur lui appartenait donne fortement à penser qu’il exploitait sa propre entreprise.

 

Possibilité de profit et risque de perte

 

[38]    Même s’il est vrai qu’un salaire horaire est un signe de l’existence d’un lien d’emploi, ce n’est pas toujours le cas. Dans la décision DHL Express (Canada) Ltd. c. Canada (M.R.N.), 2005 CCI 178, qui concernait un livreur possédant son propre véhicule, la Cour a formulé les remarques suivantes au paragraphe 25 :

 

[…] Les risques financiers ne sont pas simplement liés au fait que le travailleur se voit accorder une garantie minimale. Il y a un risque constant d’accident, un risque élevé, étant donné le temps passé par M. Hiles au volant de son camion. Ce risque était entièrement assumé par M. Hiles qui était en outre responsable des frais d’entretien et de réparation. Les coûts résultant de toute infraction commise par M. Hiles étaient également supportés par celui‑ci. […]

 

[39]    Par ailleurs, dans DRL Group Ltd. c. M.R.N., 2006 CCI 331, le juge de première instance a examiné les pourboires versés aux guides touristiques et conclu que ces pourboires constituaient un moyen de faire des profits et un indice du fait que les guides étaient des entrepreneurs indépendants.

 

[40]    Dans la présente affaire, la plus importante source de rémunération et possibilité de réaliser un profit plutôt que de subir une perte, du travailleur en cause, résidait dans les pourboires. En toute logique, la simple rémunération à l’heure ou à la pièce mènerait à une perte. L’essence, l’assurance, l’entretien et l’usure donnent lieu à des frais importants. Si les chauffeurs n’adoptent pas une attitude d’entrepreneur, ils risquent de subir une perte. C’est la raison pour laquelle, pendant environ 24 années, M. Bedard n’a pas eu à surveiller les chauffeurs : la conduite de chacun est dictée par les aléas de l’entreprise qu’il exploite. Le profit qu’ils réalisaient dépendait de la façon dont ils dirigeaient leur travail. S’ils faisaient des emplettes entre les livraisons ou qu’ils n’attendaient pas les commandes, ils ne faisaient pas d’argent. Selon certains témoignages, les chauffeurs se mettaient en ligne avant l’ouverture du restaurant afin de s’assurer qu’ils recevraient les premières commandes à livrer pour le repas du midi, lesquelles étaient rentables. De plus, le pourboire dépendait de la rapidité avec laquelle les livraisons étaient effectuées et du comportement du livreur à l’endroit du client à la porte. À l’exception du travailleur en cause, tous les chauffeurs entendus ont été unanimes sur ce point. La possibilité de réaliser un profit plutôt que de subir une perte dépendait de la façon dont ils s’y prenaient pour tirer parti de l’occasion de travail offerte par le contrat qu’ils avaient conclu avec l’appelante.

 

[41]    Compte tenu de ce facteur, je ne vois aucun élément permettant de conclure que le travailleur en cause avait une relation employeur‑employé avec l’appelante.

 

Le travailleur en cause exploitait‑il une entreprise pour son propre compte?

 

[42]    Il a été soutenu que le travailleur en cause n’exploitait pas sa propre entreprise, mais qu’il était plutôt employé dans l’entreprise de l’appelante. Même s’il est vrai que de nombreux travailleurs se trouvant dans cette situation ne se considéreraient pas comme des personnes exploitant une entreprise, cette perception n’est pas déterminante, et ce, malgré le fait qu’elle soit soutenue par des facteurs comme l’absence de raison sociale, d’inscription d’affaires ou de numéro d’entreprise ou de numéro de TPS ou encore l’absence d’autres clients ou d’activités promotionnelles visant à obtenir des clients. Ces indices pourraient être utiles, sinon nécessaires dans certaines circonstances pour permettre de conclure qu’un travailleur exploite une entreprise pour lui‑même, mais non dans une situation semblable à celle de la présente affaire. Même lorsqu’elle est examinée à la lumière de l’absence de ces indices courants, la perception invoquée en l’espèce ne correspond pas à la réalité juridique. Dans la présente affaire, chaque chauffeur, y compris le travailleur en cause, exploite sa propre entreprise. Les critères énoncés dans l’arrêt Wiebe Door montrent que nous sommes ici en présence de chauffeurs qui exploitent véritablement une entreprise commerciale sans être dans une position de subalternes. Un des indices les plus forts de l’existence de cette entreprise est le fait que les chauffeurs avaient manifestement l’autorisation de se faire remplacer et se faisaient effectivement remplacer; ils pouvaient même engager d’autres personnes qui étaient responsables devant eux et non devant l’appelante. Le fait que le travailleur en cause ne s’est pas prévalu de cette possibilité ou qu’il en ignorait même l’existence ne suffit pas pour qu’on puisse établir une distinction entre lui et les autres chauffeurs. Compte tenu du mode d’exploitation général de l’entreprise de l’appelante et du rôle du travailleur en cause, je ne puis faire aucune distinction de cette nature.

 

Intentions

 

[43]    L’application des facteurs énoncés dans l’arrêt Wiebe Door est concluante en l’espèce, de sorte qu’il n’est pas nécessaire d’examiner les intentions. Le critère n’aiderait pas l’appelante si j’en arrivais à la conclusion que l’intention n’était pas mutuelle, bien que je souligne à cet égard que j’ai des doutes au sujet des raisons pour lesquelles le travailleur en cause nie avoir compris qu’il serait traité comme un entrepreneur indépendant ou nie avoir accepté pareil traitement. Quoi qu’il en soit, il n’est pas nécessaire que j’en arrive à une conclusion sur cette question.

 

Conclusion

 

[44]    Pour tous les motifs exposés ci‑dessus, j’en arrive à la conclusion qu’en tout temps pendant la période pertinente, le travailleur en cause était un entrepreneur indépendant et n’exerçait pas un emploi assurable ou un emploi ouvrant droit à pension pour l’appelante. En conséquence, les appels sont accueillis.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour d’avril 2008.

 

 

« J.E. Hershfield »

Juge Hershfield

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de mai 2008.

 

Aleksandra Koziorowska


 

RÉFÉRENCE :

2008CCI196

 

Nos DES DOSSIERS DE

LA COUR :

2007‑3147(EI) et 2007‑3148(CPP)

 

INTITULÉ :

853998 Ontario Inc. op B & B Express et Le ministre du Revenu national et Christopher Pola

 

LIEU DE L’AUDIENCE:

Ottawa, Canada

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 1er avril 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L’honorable juge J.E. Hershfield

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 9 avril 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

Dennis Bedard

 

Avocate de l’intimé :

 

Pour l’intervenant :

Me Marie-Eve Aubry

 

L’intervenant lui-même

 

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

Pour l’appelante :

 

Nom :

 

 

Cabinet :

 

 

Pour l’intimé :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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