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Dossier : 2006-1395(IT)G

 

ENTRE :

ANDREW BENNETT,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

________________________________________________________________

 

Appel entendu les 6 et 7 avril 2010, à Vancouver (Colombie‑Britannique).

 

Devant : L'honorable juge L. M. Little

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelant :

Me John C. Drove

 

Avocates de l'intimée :

Me Jasmine Sidhu

Me Christa Akey

 

________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2004 est rejeté, avec dépens.

 

Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique), ce 9e jour d'août 2010.

 

 

« L. M. Little »

Le juge Little

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 2e jour de décembre 2010.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Référence : 2010 CCI 413

Date : 20100809

Dossier : 2006-1395(IT)G

 

ENTRE :

ANDREW BENNETT,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Little

 

A.      LES FAITS

 

[1]     L'appelant réside à Surrey, en Colombie‑Britannique.

 

[2]     Dans sa déclaration de revenus pour l'année d'imposition 2004, l'appelant a cherché à déduire 51 787 $.

 

[3]     L'intimée déclare dans sa réponse qu'après la production de la déclaration de revenus de 2004 par l'appelant, l'Agence du revenu du Canada (l'« ARC ») lui a demandé d'étayer la demande de déduction de 51 787 $. L'appelant n'a pas fourni la documentation que les fonctionnaires de l'ARC lui avaient demandé de produire et la déduction de 51 787 $ a été refusée.

 

[4]     Le 12 septembre 2005, l'appelant a présenté un avis d'opposition.

 

[5]     Le 13 février 2006, le ministre du Revenu national a établi un avis de ratification.

 

[6]     L'appelant a déposé un avis d'appel le 12 mai 2006.

 

B.      LA QUESTION EN LITIGE

 

[7]     L'appelant a-t-il le droit de déduire la somme de 51 787 $ dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition 2004?

 

C.      ANALYSE ET DÉCISION

 

[8]     Il découle des faits présentés à l'audience que l'appelant a demandé les déductions suivantes dans sa déclaration de revenus pour l'année d'imposition 2004 :

 

Frais d'exploration au Canada (les « FEC »)

20 000,00 $

Frais d'aménagement au Canada (les « FAC »)

5 959,89 $

Rémunération

30 000,00 $

 

(Pièce A-1, onglet 2)

 

(Note : L'appelant a fourni plus tard à l'ARC une déclaration selon laquelle le montant de 30 000 $ qu'il avait déclaré précédemment en tant que rémunération correspondait à d'« autres montants » qu'il avait payés à Zelon Enterprises Ltd.)

 

[9]     Dans son argumentation, l'avocat de l'appelant a déclaré ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

 

Me Drove : [...] l'appelant invoque le paragraphe 66.1(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu. C'est sur ce paragraphe qu'il se fonde pour demander la déduction de 50 000 $ [...]

 

(Transcription, à la page 140, lignes 18 à 20)

 

[10]    À la page 146 de la transcription, Me Drove s'est ainsi exprimé :

 

[TRADUCTION]

 

Me Drove : [...] Ainsi, il est seulement question des frais d'exploration au Canada de 50 000 $ que l'appelant a demandé à déduire en totalité pour [l'année] d'imposition 2004 [...]

 

(Transcription, à la page 146, lignes 23 à 25)

 

[11]    Dans son argumentation, l'avocat de l'appelant a déclaré que la déduction des FAC devrait être refusée. Il a fait les commentaires suivants au sujet des FAC :

 

[TRADUCTION]

 

Me Drove : Toutefois, je prétends que l'appelant n'a pas prouvé qu'il a eu cette dépense. [...] Alors, je la retire. [...]

 

(Transcription, à la page 146, lignes 18 à 22)

 

[12]    Le terme « frais d'exploration au Canada » est défini au paragraphe 66.1(6) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »). Voici en partie la définition de ce terme :

 

« frais d'exploration au Canada » — « frais d'exploration au Canada » Relativement à un contribuable, les dépenses suivantes, engagées après le 6 mai 1974 :

 

[...]

 

fune dépense engagée par le contribuable [...] en vue de déterminer l'existence, la localisation, l'étendue ou la qualité d'une ressource minérale au Canada, y compris :

 

[...]

 

[13]    L'appelant a affirmé dans son témoignage qu'il avait conclu une convention orale avec John H. Hajek. (Note : lors du contre‑interrogatoire, l'avocate de l'intimée a demandé à M. Hajek à quel moment il avait conclu la convention orale avec l'appelant. Voici la réponse de M. Hajek :

 

[TRADUCTION]

 

R.                     Je ne m'en souviens pas.

 

Me Akey :         Vous ne vous en souvenez pas?

 

R.                     Non.

 

Me Akey :         Vous ne vous souvenez pas non plus de la convention orale que vous avez conclue en 2003?

 

R.                     Non, comment le pourrais‑je?

 

(Transcription, à la page 87, lignes 6 à 11))

 

[14]    Monsieur Hajek a déclaré qu'il avait obtenu son diplôme de chimiste d'une université située à Paris, en France.

 

[15]    Monsieur Hajek a déclaré avoir travaillé dans le domaine de l'exploration minière pendant quarante‑cinq ans. Monsieur Hajek a ajouté qu'il travaille comme expert‑conseil spécialisé en géochimie.

 

[16]    Monsieur Hajek a déclaré que lui et sa femme avaient créé deux sociétés : Zelon Chemicals Ltd. en 1973 et Zelon Enterprises Ltd. en 1976.

 

[17]    Monsieur Hajek a déclaré que Zelon Chemicals Ltd. détient les actifs et que Zelon Enterprises Ltd. est son cabinet d'expert‑conseil, qui prend la plus grande partie du risque.

 

[18]    Monsieur Hajek a déclaré que Zelon Chemicals Ltd. et Zelon Enterprises Ltd. faisaient des travaux d'exploration dans la région de Cariboo, en Colombie‑Britannique.

 

[19]    À la page 83 de la transcription, M. Hajek a déclaré ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

 

R.                     [...] les deux sociétés, Zelon Enterprises Ltd. et Zelon Chemicals Ltd., et elles ont déjà un intérêt résiduel. Je ne me souviens pas du chiffre exact, mais je pense que 8 000 000 $ ont été dépensés.

 

(Transcription, à la page 83, lignes 6 à 9)

 

[20]    L'avocate de l'intimée, Me Akey, a demandé à M. Hajek s'il avait des relevés bancaires, des chèques payés ou des documents justificatifs qui pourraient démontrer que ce montant (c.‑à‑d. les factures) avait été payé. Voici la réponse de M. Hajek :

 

[TRADUCTION]

 

R.                     Non, parce qu'ils concernent les échanges entre les deux sociétés, et dans le cas d'un projet commun, cela signifie que les frais relatifs à ce projet font seulement partie des frais généraux.

 

(Transcription, à la page 91, lignes 15 à 18)

 

[21]    Maître Akey a aussi demandé à M. Hajek d'expliquer le sens du terme « intérêt résiduel ». Maître Akey a mentionné la lettre du 28 novembre 2004, dans laquelle il est précisé que M. Bennett avait payé des frais d'exploration minière de 30 000 $. Maître Akey a posé la question suivante :

 

[TRADUCTION]

 

Me Akey :         Il n'est mentionné nulle part dans le document qu'il recevra un intérêt résiduel.

 

R.                     Eh bien, c'est sous‑entendu.

 

Me Akey :         C'est vous qui sous‑entendez.

 

R.                     Non, c'est d'usage dans l'industrie minière. Vous mettez X dollars dans une entreprise, vous recevez un intérêt proportionnel à ce montant, à moins d'une indication contraire.

 

(Transcription, à la page 87, lignes 16 à 23)

 

[22]    L'appelant n'a pas pu démontrer l'intérêt qu'il aurait au sujet des concessions minières, ni comment la hauteur de son intérêt serait calculée.

 

[23]    Je suis arrivé à la conclusion selon laquelle les frais pour lesquels l'appelant demande une déduction ne sont pas admissibles en tant que FEC pour les motifs suivants :

 

a)       L'appelant n'a ni payé de FEC ni mené d'activités d'exploration minière pour son propre compte. L'appelant a déclaré qu'il était simplement un investisseur;

 

(Transcription, à la page 11, lignes 23 et 24)

 

b)      L'appelant n'était pas un associé d'une société de personnes dont faisaient partie M. Hajek, Zelon Enterprises Ltd. ou Zelon Chemicals Ltd.;

 

(Transcription, à la page 102, lignes 2 à 9)

 

c)       L'appelant n'avait pas participé à une coentreprise avec M. Hajek, Zelon Enterprises Ltd. ou Zelon Chemicals Ltd.;

 

(Transcription, à la page 102, lignes 10 à 12)

 

d)      L'appelant n'avait pas d'actions accréditives émises par Zelon Enterprises Ltd. ou par Zelon Chemicals Ltd.;

 

(Transcription, à la page 107, lignes 13 à 16)

 

e)       L'appelant n'a pas produit de document original, comme un grand livre général, pour démontrer que Zelon Chemicals Ltd. ou Zelon Enterprises Ltd. avait reçu le montant fourni par l'appelant;

 

f)       Aucun élément de preuve n'a été produit pour établir que les chèques fournis par l'appelant avaient été encaissés par le bénéficiaire. Les originaux des chèques et des traites bancaires n'ont pas été produits et aucun relevé bancaire n'a été présenté pour prouver que l'appelant avait payé les montants ou que Zelon Chemicals Ltd. ou Zelon Enterprises Ltd. avait reçu ces montants. Au lieu de présenter à la Cour des documents corroborants originaux, l'appelant et M. Hajek ont produit des documents qu'ils avaient créés;

 

g)       La preuve présentée par M. Hajek prête fortement à confusion. Par exemple, dans les documents produits, il y a un mélange continuel des paiements faits par Zelon Chemicals Ltd., par Zelon Enterprises Ltd., et par M. Hajek au moyen de sa carte de crédit personnelle;

 

h)       La preuve présentée à la Cour par l'appelant et par M. Hajek n'est pas celle à laquelle on s'attendrait d'un point de vue comptable ou commercial. Pour illustrer le caractère inhabituel et insatisfaisant de la tenue de comptes, je reproduis la question suivante :

 

[TRADUCTION]

 

Me Akey :         Alors, vous avez quelque part une liste des investisseurs et une liste des —

 

R.                     Non, non, pas une liste d'investisseurs. C'est —

 

(Transcription, à la page 84, lignes 6 à 9)

 

i)        M. Hajek a produit un certain nombre de factures fournies par les parties, mais il n'a présenté ni chèques payés, ni relevés bancaires, ni grands livres généraux, ni aucune autre preuve pour démontrer que les divers montants avaient été payés;

 

(Transcription, à la page 92, lignes 17 à 19);

 

j)        L'avocate de l'intimée a renvoyé à plusieurs factures manuscrites qui ont été déposées auprès de la Cour et a posé la question suivante à M. Hajek :

 

Me Akey :         [...] Où est-ce qu'il apparaît que le paiement a été fait? Où est le relevé bancaire, le grand livre général, le chèque payé, ou toute autre preuve qui démontre que ces montants ont été effectivement payés par la société?

 

R.                     Je ne m'en souviens pas.

 

(Transcription, de la page 91, ligne 24, à la page 92, ligne 2)

 

k)       Ainsi que je l'ai mentionné ci‑dessus, M. Hajek a déclaré que l'appelant recevrait un intérêt dans le bien‑fonds, lequel intérêt serait proportionnel au montant investi. Toutefois, la preuve quant à l'intérêt que l'appelant devait recevoir était mal étayée;

 

l)        De plus, M. Hajek a déclaré que 8 000 000 $ avaient été dépensés pour les programmes d'exploration du bien‑fonds. Il n'y a pas de certitude quant à la manière dont l'intérêt de l'appelant serait calculé; autrement dit, l'intérêt de l'appelant concernant les concessions minières serait‑il calculé proportionnellement au montant payé par les autres investisseurs relativement à ces concessions?

 

[24]    Je tiens à souligner aussi que la « convention » conclue entre l'appelant et M. Hajek était « orale » et serait intervenue à un moment que M. Hajek dit ne pas pouvoir déterminer. Je ne crois pas qu'un homme d'affaires conclurait une convention orale avec un promoteur minier aux fins d'établir le bien-fondé d'une demande de déduction au titre de FEC.

 

[25]    Je partage également l'avis de l'avocate de l'intimée lorsqu'elle invoque la décision de la Cour d'appel fédérale dans R. c. Friedberg, no A‑65‑89, 5 décembre 1991, 92 D.T.C. 6031. La déclaration suivante tirée de Friedberg est applicable en l'espèce :

 

En droit fiscal, la forme a de l'importance. Une simple intention subjective, en l'espèce comme dans d'autres instances en matière fiscale, ne suffit pas en soi à modifier la caractérisation d'une opération aux fins de l'impôt. Lorsqu'un contribuable prend certaines dispositions formelles à l'égard de ses affaires, il peut s'ensuivre d'importants avantages fiscaux [...] Toutefois, si un contribuable omet de prendre les mesures formelles appropriées, peut‑être que des impôts devront être payés. [...] En résumé, la preuve d'une intention subjective ne peut servir à « rectifier » des documents qui s'orientent clairement vers une direction précise.

 

[26]    À mon avis, la preuve et les documents produits par l'appelant et par M. Hajek étaient vagues, imprécis et inadéquats, et n'avaient pas été établis d'une manière commerciale normale. Compte tenu de l'absence d'une preuve acceptable, je ne peux pas conclure que l'appelant avait eu des frais d'exploration au Canada au cours de l'année d'imposition 2004.

 

[27]    L'appel est rejeté, avec dépens.

 

Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique), ce 9e jour d'août 2010.

 

 

« L. M. Little »

Le juge Little

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 2e jour de décembre 2010.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


RÉFÉRENCE :                                  2010 CCI 413

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2006-1395(IT)G

 

INTITULÉ :                                       ANDREW BENNETT c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATES DE L'AUDIENCE :               Les 6 et 7 avril 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L'honorable juge L. M. Little

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 9 août 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelant :

Me John C. Drove

Avocates de l'intimée :

Me Jasmine Sidhu

Me Christa Akey

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

          Pour l'appelant :

 

                   Nom :           John C. Drove

 

                   Cabinet :      John Drove Law Corporation

                                       Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

          Pour l'intimée :       Myles J. Kirvan

                                       Sous-procureur général du Canada

                                       Ottawa, Canada

 

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