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Dossier : 2009-3318(IT)I

 

ENTRE :

 

KAYVON BOGZARAN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 19 août 2010 à Edmonton (Alberta)

 

Devant : L’honorable juge Judith Woods

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

 

Avocat de l’intimée :

Me Adam Gotfried

Jane Conly (stagiaire en droit)

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

L’appel interjeté à l’encontre des cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu à l’égard des années d’imposition 2004, 2005 et 2006 est accueilli, et les cotisation sont déférées au ministre du Revenu national pour qu’il procède à un nouvel examen et établisse de nouvelles cotisations en partant du principe que : 1) le revenu pour chacune des années d’imposition 2004 et 2005 doit être réduit de 9 600 $; 2) le revenu pour l’année d’imposition 2006 doit être réduit de 55 600 $; 3) les pénalités doivent être réduites en conséquence.  

 

Chaque partie assumera ses propres dépens.

 

      

Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour de septembre 2010.

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour d’octobre 2010.

 

 

Hélène Tremblay, traductrice


 

 

Référence : 2010 CCI 457

Date : 20100901

Dossier : 2009-3318(IT)I

 

ENTRE :

 

KAYVON BOGZARAN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

La juge Woods

 

[1]              Dans des cotisations fondées sur l’avoir net établies à l’égard de Kayvon Bogzaran en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), le revenu de ce dernier a été établi à 37 321,82 $, à 38 185,40 $ et à 81 651,37 $ pour les années d’imposition 2004, 2005 et 2006 respectivement. La question à trancher en l’espèce est de savoir si ces montants représentent des estimations correctes du revenu de l’appelant.

 

[2]              Les cotisations comprennent des pénalités imposées en application du paragraphe 162(1) de la Loi pour défaut de produire une déclaration de revenu dans le délai prévu. L’appelant convient que cette pénalité est appropriée, parce qu’il n’a effectivement pas produit ses déclarations en temps opportun.   

 

[3]              L’appelant se représentait lui‑même à l’audience et a témoigné pour son propre compte. Le vérificateur, John Suen, a été le seul témoin à comparaître pour l’intimée et a témoigné en premier.


Processus de vérification et d’oppositions

 

[4]              La présente affaire a été portée à l’attention de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») par la GRC en Colombie‑Britannique, qui avait saisi 46 600 $ trouvés dans le véhicule de l’appelant le 3 octobre 2007. L’appelant a été arrêté, mais aucun élément de preuve n’indique que des accusations ont été portées contre lui.   

 

[5]              Les cotisations en cause ont été établies quelques semaines après que l’argent a été saisi et sans que l’appelant n’en soit d’abord mis au courant. Bien qu’il semble que cela était la chose à faire étant donné les circonstances, la vérification s’est avérée relativement sommaire. Les cotisations étaient fondées principalement sur le rapport de police relatif à la saisie (pièce R-3) et sur les recherches d’enregistrement de propriété effectuées par le vérificateur.  

 

[6]              Après que les cotisations ont été établies, un comptable représentant l’appelant a déposé des avis d’opposition ainsi que des déclarations de revenu pour les années visées par les cotisations. Dans ces déclarations, l’appelant a déclaré des revenus annuels d’environ 20 000 $ tirés d’une entreprise de vente de compléments alimentaires pour musculation et de services d’entraîneur personnel.  

 

[7]              L’agent des appels n’était pas d’avis qu’il était justifié d’apporter des modifications à l’analyse de l’avoir net, et les cotisations ont été ratifiées.  

 

[8]              Le fait que tout juste avant de ratifier les cotisations, soit environ 18 mois après la présentation des oppositions, l’agent des appels a écrit à l’appelant, par l’entremise du comptable de celui‑ci, et lui a demandé des documents à l’appui de ses déclarations. Dans un suivi téléphonique auprès du comptable de l’appelant, ce dernier a dit à l’agent des appels qu’il était sans nouvelles de l’appelant depuis un certain temps. Les cotisations ont été ratifiées peu de temps après. Il semble qu’aucune mesure n’a été prise afin de retrouver l’appelant.

 

Détermination de l’avoir net

 

[9]              Comme il a été mentionné ci‑dessus, le vérificateur a déterminé que les revenus de l’appelant pour les années d’imposition 2004, 2005 et 2006 s’élevaient respectivement à 37 321,82 $, à 38 185,40 $ et à 81 651,37 $.

 

[10]         D’après ce que le vérificateur a pu conclure, pendant la période en cause, l’appelant, qui était dans la fin vingtaine, ne détenait aucun actif autre que les 46 000 $ en espèces saisis par la police en 2007. On suppose que cet argent constituait un revenu gagné en 2006, soit la dernière année d’imposition visée par la vérification.  

 

[11]         On a aussi supposé que le revenu de l’appelant comprenait ses dépenses personnelles, qui, à l’aide du peu de renseignements obtenus, ont été établies à  40 707,35 $, à 41 043,38 $ et à 41 366,97 $ respectivement pour chacune des années d’imposition en cause.  

 

[12]         À l’exception de deux éléments, les montants relatifs aux dépenses personnelles étaient fondés sur les renseignements généraux publiés par Statistique Canada. Les exceptions en question sont les montants pour le paiement du loyer et du véhicule, qui ont été estimés à environ 17 000 $ et 9 600 $ respectivement par année. Ces montants ont été établis en fonction de déclarations faites par l’appelant et inscrites dans le rapport de police selon lesquelles l’appelant payait un loyer de 1 350 $ par mois et que les paiements mensuels relatifs à son véhicule s’élevaient à 850 $.

 

Analyse

 

[13]         Normalement, l’ARC établit des cotisations fondées sur l’avoir net dans des situations où elle ne dispose pas de suffisamment d’information pour déterminer le revenu d’un contribuable. Le fait que l’ARC a décidé de mener une analyse de l’avoir net et d’établir des cotisations sans en aviser l’appelant, dans ce cas-ci, ne me pose aucun problème.  

 

[14]         En règle générale, il incombe à l’appelant de prouver que le calcul de l’avoir net est erroné. Pour ce faire, il peut établir des sources de revenu non imposable justifiant l’avoir net ou bien prouver que des erreurs ont été commises lors de l’établissement de l’avoir net.  

 

[15]         Comme il a été mentionné ci‑dessus, l’appelant a témoigné pour son propre compte. Il a affirmé que la somme d’argent trouvée dans son véhicule était constituée en partie d’épargnes relatives à son entreprise de compléments alimentaires et de services d’entraînement personnel et en partie de dons et de legs. Il a expliqué qu’il n’avait pas de compte bancaire et qu’il conservait son argent dans un coffre-fort. Il a aussi affirmé qu’il habitait la maison de son grand-père et qu’il payait un loyer d’environ 350 $.

 

[16]         Dans son ensemble, le témoignage a été trop bref et trop vague pour s’avérer convaincant. Je souligne aussi que, dans une certaine mesure, le témoignage était contraire à ce qui était contenu dans le rapport de police. Par exemple, l’appelant a affirmé que l’argent n’était pas caché dans le véhicule, alors que selon le rapport de police, l’argent a été trouvé dans le couvercle d’une valise. De plus, selon le rapport de police, l’appelant a affirmé aux agents de police qu’il louait une maison dans l’ouest de Vancouver et qu’il habitait seul. Lors de l’audience, l’appelant a affirmé qu’il habitait avec son grand-père.

 

[17]         Je conclus de façon générale que le témoignage de l’appelant n’est pas du tout digne de foi.

 

[18]         J’en suis aussi arrivée à une conclusion semblable en ce qui a trait aux reçus manuscrits qui ont été présentés comme preuve du revenu d’entreprise de l’appelant. Ces reçus auraient facilement pu être forgés, et du premier coup d’œil, on serait porté à croire que c’est bel et bien le cas.

 

[19]         Aucun des éléments de preuve présentés par l’appelant n’était digne de foi. Néanmoins, l’affaire ne s’arrête pas là. Il convient de faire quelques rajustements au calcul de l’avoir net.   

 

[20]         D’abord, je ne suis pas convaincue que l’appelant a reçu suffisamment d’information concernant les frais afférents à son véhicule. En annexe à la réponse à l’avis d’appel, on trouve un montant de 9 600 $ représentant les dépenses personnelles annuelles. L’explication donnée pour ce montant est simplement « observations du contribuable ». Aucun lien n’est établi avec les paiements relatifs au véhicule.  

 

[21]         Je ne suis pas non plus convaincue que l’appelant comprenait ce que représentait cet élément, surtout étant donné qu’il n’a pas participé à la vérification et qu’on n’a pas communiqué avec lui à l’étape des appels. À moins que cet élément ait été clairement énoncé dans la réponse à l’avis d’appel, il serait injuste de s’attendre à ce que l’appelant produise une preuve concernant les frais afférents à son véhicule.  

 

[22]         En outre, il est indiqué dans le rapport de police que l’appelant était au volant d’une Cadillac Escalade neuve. Il se peut que les paiements relatifs au véhicule que l’appelant a déclarés aux agents de police au moment de son arrestation n’aient pas été faits pendant les années d’imposition en cause.  

 

[23]         Étant donné les circonstances, cet élément devrait être exclu du calcul de l’avoir net de l’appelant.

 

[24]         Ensuite, à mon avis, l’argent qui a été saisi ne devrait pas être attribué au revenu pour l’année d’imposition 2006. Compte tenu de la preuve dans son ensemble, il est plus probable que le montant en question représentait un revenu gagné au cours de la seconde moitié de 2007, soit peu de temps avant que les agents de police ne saisissent l’argent, le 3 octobre 2007.

 

[25]         Selon ce qui est indiqué dans le rapport de la direction des appels (pièce R‑6), la position du ministre était que l’appelant avait [traduction] « accumulé sa fortune au moyen d’activités illégales ». Il s’agit là d’une hypothèse qui n’a pas été énoncée dans la réponse à l’avis d’appel alors qu’elle aurait dû l’être. Cependant, cela est sans conséquence, étant donné que je suis convaincue que l’appelant était bien au courant que c’était là la position du ministre.

 

[26]         Je suis saisie de très peu d’éléments de preuve. Toutefois, selon la prépondérance des probabilités, il se peut fort bien que l’argent saisi ait été gagné au moyen d’activités illégales.  

 

[27]         Malgré qu’il n’y ait aucune preuve voulant que des accusations aient été portées contre l’appelant, la moitié de l’argent saisi a été confisquée en 2008 en application d’une ordonnance sur consentement rendue en vertu de la Civil Forfeiture Act. L’ordonnance a été produite en preuve lorsque j’ai demandé ce qu’étaient devenus les fonds saisis. La position de l’avocat était que cette information n’est pas pertinente dans le cadre du présent appel, mais il a tout de même fourni une copie de l’ordonnance portant sur la confiscation. Selon ce qui est indiqué dans cette ordonnance, le reste de l’argent qui a été saisi a été envoyé au receveur général du Canada. L’avocat m’a avisée que cela avait été fait afin de satisfaire aux obligations fiscales de l’appelant.

 

[28]         En réponse, l’appelant a affirmé que son avocat n’avait pas le pouvoir de consentir à l’ordonnance en question. Dans les circonstances du présent appel, je ne peux prêter foi à cette affirmation.    

 

[29]         Bien que cela n’ait pas d’incidence directe sur l’appel, je tiens aussi à souligner le fait que l’appelant a un casier judiciaire. Malgré qu’aucun élément de preuve n’ait été présenté à cet égard, selon des motifs de jugement publiés par la cour provinciale de la Colombie‑Britannique le 19 janvier 2009, l’appelant a été condamné à une peine de deux ans et demi après avoir plaidé coupable à une accusation de séquestration. Selon ce qui est énoncé dans les motifs, l’appelant s’était associé à des personnes impliquées dans des activités criminelles.  

 

[30]         Dans ce contexte, et étant donné que l’appelant n’a pas été en mesure de fournir une explication crédible concernant les fonds, je conclus qu’il se peut fort bien que l’argent saisi soit le fruit d’activités illégales.

 

[31]         Par conséquent, je conclus que le ministre a, à juste titre, ajouté les 46 000 $ au revenu de l’appelant. Je ne crois cependant pas qu’il était raisonnable de supposer que ce revenu avait été gagné pendant l’année d’imposition 2006.

 

[32]         La police a trouvé l’argent en octobre 2007. Cet argent a vraisemblablement été gagné peu avant la saisie. Par conséquent, il aurait dû être inclus dans le revenu de l’appelant pour l’année d’imposition 2007.

 

[33]         L’avocat de l’intimée soutient que l’hypothèse du ministre selon laquelle le montant en cause constitue un revenu gagné en 2006 devrait être confirmée, à moins que l’appelant ne s’acquitte du fardeau qui lui incombe de démolir les hypothèses du ministre. Il s’agit effectivement de la règle générale, mais les hypothèses formulées doivent être fondées sur l’information dont dispose le ministre. Dans les circonstances en l’espèce, où l’appelant a été trouvé, en octobre 2007, avec un important montant de produits présumés de la criminalité, l’hypothèse la plus raisonnable est qu’il s’agit d’un revenu gagné au cours de l’année d’imposition 2007.     

 

[34]         Par conséquent, l’appel est accueilli, et les cotisations sont déférées au ministre pour qu’il procède à un nouvel examen et établisse de nouvelles cotisations en partant du principe que le revenu pour chacune des années d’imposition 2004 et 2005 doit être réduit de 9 600 $ et que le revenu pour l’année d’imposition 2006 doit être réduit de 55 600 $.      

 

[35]         Chaque partie assumera ses propres dépens.

 

 

      


Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour de septembre 2010.

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour d’octobre 2010.

 

 

Hélène Tremblay, traductrice

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2010 CCI 457

 

N° DU DOSSIER DE LA COUR :     2009-3318(IT)I

 

INTITULÉ :                                       KAYVON BOGZARAN c. SA MAJESTÉ LA REINE  

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 19 août 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge J. M. Woods

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 1er septembre 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

 

Avocat de l’intimée :

Me Adam Gotfried

Jane Conly (stagiaire en droit)

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                      s/o

 

                     Cabinet :                      

 

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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