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Dossier : 2008-3200(GST)G

 

ENTRE :

SOCIÉTÉ EN COMMANDITE SIGMA-LAMAQUE,

 

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 14 juin 2010, à Montréal (Québec).

Devant : L'honorable juge Lucie Lamarre

Comparutions :

 

Avocats de l’appelante :

Me Dominic C. Belley et

Me Vincent Dionne

 

 

Avocat de l’intimée :

Me Pierre Zemaitis

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L’appel de la cotisation du ministre du Revenu du Québec (ministre) établie en vertu de la Loi sur la taxe d’accise (LTA), en date du 9 juillet 2008, pour la période de novembre 2004, est accueilli et la cotisation est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation sur la base que l’appelante a droit au remboursement de la taxe payée par erreur au montant de 543 080,21 $, aux termes du paragraphe 261(1) LTA. Toutefois, la cotisation demeure inchangée en ce qui concerne les crédits sur les intrants (CTI) réclamés sur la taxe réputée, aux termes du paragraphe 169(1) et de l’article 182 LTA. Le ministre n’a pas à payer des CTI au‑delà de ce qui a déjà été accordé par la cotisation du 9 juillet 2008.

 

Chaque partie assumera ses propres dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de septembre 2010.

 

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre


 

 

 

Référence : 2010 CCI 415

Date : 20100910

Dossier : 2008-3200(GST)G

ENTRE :

 

SOCIÉTÉ EN COMMANDITE SIGMA-LAMAQUE,

appelante

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Lamarre

 

[1]               L’appelante a produit une déclaration de taxe sur les produits et services (TPS) pour la période de novembre 2004 dans laquelle elle a réclamé un montant de 543 080,21 $ au titre de la TPS payée par erreur, aux termes du paragraphe 261(1) de la Loi sur la taxe d’accise (LTA), de même qu’un crédit de taxe sur les intrants (CTI) pour la même période au montant de 472 379,67 $ pour la TPS réputée payée, aux termes du paragraphe 169(1) et de l’article 182 de la LTA (voir formulaire de déclaration pour un montant total de 1 015 566,30 $, représentant la somme des deux montants réclamés susmentionnés, en sus d’un petit montant relié à d’autres débours, avec cédule de calcul explicative, pièce A‑1, onglet 6, pages 205‑206).

 

[2]              Par cotisation en date du 9 juillet 2008, le ministre du Revenu du Québec, agissant pour et au nom du ministre du Revenu national (ministre), n’a accordé des CTI que pour un montant de 37 344,95 $ et a refusé de rembourser en totalité la soi‑disant taxe payée par erreur (voir réponse à l’avis d’appel, paragraphes 57, 68 et 69).

 

[3]              L’appelante conteste cette cotisation au motif qu’elle a droit à la totalité des CTI réclamés, de même qu’au remboursement de la taxe payée par erreur.

 

Faits

[4]              Le 20 juin 2002, l’appelante et une société du nom de « Les Services Financiers Caterpillar Limitée » (Caterpillar) ont conclu une convention de crédit‑bail (crédit‑bail) relativement à huit unités d’équipement lourd (pièce A‑1, onglet 1). Par ce crédit‑bail, Caterpillar (le bailleur) acceptait de louer à l’appelante (le preneur) deux pelles hydrauliques et six camions sur un terme de 60 mois, au bout duquel l’appelante avait l’option, entre autres, d’acheter l’ensemble des unités selon un prix prédéterminé de 1 618 328,80 $US (plus toutes taxes applicables). Le montant financé, ou 100% du prix d’achat au moment de la signature, s’élevait à 8 517 520 $US.

 

[5]              Pendant la durée du crédit-bail, l’appelante s’engageait à payer à Caterpillar le loyer de chaque unité par versements et selon les périodes de paiement prévues dans chacune des annexes du crédit‑bail, incluant toutes les taxes fédérales et provinciales applicables sur lesdits versements (article 2.2 du crédit‑bail, de même que les annexes s’y rattachant, pièce A‑1, onglet 1, page 9 et pages 26 à 68.12). Par ailleurs, l’article 2.3 du crédit‑bail prévoyait que les obligations tant du bailleur que du preneur ne pouvaient être affectées par suite, entre autres, de l’insolvabilité ou de la survenance de toute procédure de faillite par ou à l’encontre du preneur. Ainsi, tout paiement ou autre montant exigible du preneur en vertu du crédit‑bail était payable en toute circonstance conformément aux paiements prévus aux annexes (pièce A‑1, onglet 1, page 10). En vertu de l’article 4.6 du crédit‑bail, les unités demeuraient la propriété mobilière du bailleur, et à l’article 4.7, on prévoyait que, s’il ne survenait aucun cas de défaut, le preneur avait droit à la possession et à l’utilisation des unités durant toute la durée du crédit‑bail, sans empêchement de la part du bailleur. Selon l’article 8.1, alinéa e), il y avait un cas de défaut si le preneur cessait de faire affaires ou déposait une proposition ou donnait un avis d’intention s’y rapportant ou prenait des procédures en vertu de toute loi concernant la faillite, la réorganisation, l’insolvabilité ou permettant un arrangement. En cas de défaut, le bailleur pouvait mettre fin au crédit‑bail par avis écrit au preneur, ce dernier demeurant néanmoins responsable en vertu du crédit‑bail. Le bailleur avait alors discrétion pour déclarer immédiatement payable la valeur actuelle de la totalité du solde dû en regard des unités et récupérer tous dommages additionnels et dépenses encourus par le bailleur en raison du défaut du preneur et exiger que le preneur lui remette les unités (article 8.2). Le bailleur pouvait ensuite vendre les unités et le produit de la vente servirait, entre autres,  à payer les montants dus par le preneur, de même que la valeur actuelle de la totalité du solde dû, à titre de dommages liquidés (article 8.3).

 

[6]              Il était également prévu, à l’article 13, que le titre et la propriété des unités resteraient ceux du bailleur à titre de garantie pour les obligations du preneur et que les droits du preneur à la jouissance et à l’utilisation paisibles des unités existeraient tant et aussi longtemps que le preneur ne serait pas en défaut. Le crédit‑bail était régi par les lois de la province de Québec (article 16).

 

[7]              L’appelante (le preneur) avait convenu d’obtenir, et de remettre à Caterpillar, (le bailleur) une lettre de garantie irrévocable d’un montant de 425 876 $US en vertu de laquelle, le bailleur pouvait, en tout temps, advenant le défaut du preneur de respecter ses obligations, demander paiement de cette lettre de garantie (article 1.4 du crédit‑bail). Cette lettre de garantie irrévocable a été donnée par la Banque Nationale du Canada (pièce A‑1, onglet 2).

 

[8]              Le 1er octobre 2003, l’appelante cessait ses opérations, et le 15 janvier 2004, elle déposait un avis d’intention de faire une proposition à ses créanciers conformément à la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (LFI) (pièce A‑1, onglet 3, pages 82‑84).

 

[9]              Le 12 février 2004, Caterpillar, par le biais de ses avocats, demandait à l’appelante de lui payer les montants qui lui étaient dus et de lui remettre ses unités (pièce A-1, onglet 3, pp 83‑84), et déposait une réquisition d’un bref de saisie avant‑jugement auprès de la Cour Supérieure du Québec, le 26 février 2004 (pièce A‑1, onglet 3, pages 85 et suivantes).

 

[10]          La proposition de l’appelante, dans laquelle est intervenue Raymond Chabot Inc., à titre de syndic, a été déposée le 7 juin 2004 (pièce A‑1, onglet 3, pages 95 et suivantes). Par cette proposition, l’appelante envisageait de vendre la totalité de ses actifs, par l’intermédiaire du syndic, à Century Mining Corporation (Century) pour un montant approximatif de 25 826 416 $. Century s’engageait à payer les créanciers de l’appelante en argent comptant ou en actions de Century, au choix du créancier, jusqu’à concurrence d’un certain montant.

 

[11]         En ce qui concerne Caterpillar, elle a fait une première réclamation, pour un montant de 8 999 068,24 $CAN (pièce A‑1, onglet 4, pages 136-138). Cette réclamation a été établie en fonction du solde des loyers mensuels prévus aux annexes du crédit‑bail, auquel on a rajouté les versements de TPS et de TVQ qui auraient été perçus si l’appelante avait respecté son engagement en vertu du crédit‑bail jusqu’à terme. Ceci a été bien expliqué par M. Emmanuel Phaneuf, le syndic de faillite, avec documents à l’appui.

 

[12]         Suite à cette première réclamation, Caterpillar a encaissé la lettre de garantie de la Banque Nationale du Canada pour un montant de 570 844,19 $CAN et a vendu les unités qu’elle avait reprises à l’appelante à une entreprise du nom de Acton Construction Inc. (Acton), pour lesquelles Caterpillar a reçu un produit net de la vente de 7 560 597,42 $CAN. Caterpillar a donc déposé une réclamation amendée auprès du syndic de l’appelante, réduisant le montant initial réclamé du montant reçu de la banque sur la lettre de garantie et d’Acton sur le produit de vente des unités. Le montant de la réclamation amendée s’élevait donc maintenant à 867 626,63 $CAN (pièce A‑1, onglet 4, pages 141‑142). Caterpillar aurait été payée pour cette nouvelle réclamation, par le syndic, en actions de Century et en argent (pièce A‑1, onglet 4, page 126 et page 129).

 

[13]          Pour ce qui est de la vente des unités par Caterpillar à Acton, le syndic n’est pas intervenu et la vente s’est faite par l’intermédiaire d’un agent, qui a reçu une commission sur le produit de la vente. Acton a payé la TPS à l’achat des unités (pièce A‑1, onglet 5, pages 182-192).

 

[14]         Madame Guylaine Dallaire, C.A., fiscaliste, est venue témoigner pour expliquer pourquoi l’appelante avait réclamé un montant de TPS payé par erreur. Selon elle, la réclamation faite par Caterpillar demandait les loyers impayés en sus de la TPS et de la TVQ. Or, Caterpillar avait pris possession des équipements et l’appelante n’exploitait plus d’entreprise. Le montant réclamé par Caterpillar était fondé sur le montant du loyer qui aurait dû être payé par l’appelante si elle avait complété le terme du crédit‑bail, mais dans les faits, c’est dans un contexte de rupture de contrat que la réclamation était faite, et, en l’occurrence, il n’y avait pas de TPS payable. Or, le montant réclamé par Caterpillar incluait la TPS au montant de 543 080,21 $CAN, lequel montant reflète ce que l’appelante demande au ministre comme TPS payée par erreur, aux termes du paragraphe 261(1) LTA.

 

[15]          Par ailleurs, après avoir soustrait ce montant de TPS payé par erreur, madame Dallaire a considéré l’application de l’article 182 LTA selon lequel une taxe est réputée payée lorsqu’un montant est versé par suite d’une rupture de contrat. Cette taxe est réputée incluse dans le montant versé, et correspond au montant réclamé par l’appelante de 472 379,67 $CAN, qui fait également l’objet du présent litige. L’article 182 LTA se lit comme suit :

Renonciation et remise de dette

 

182. (1) Pour l’application de la présente partie, dans le cas où, à un moment donné, par suite de l’inexécution, de la modification ou de la résiliation, après 1990, d’une convention portant sur la réalisation d’une fourniture taxable au Canada, sauf une fourniture détaxée, par un inscrit au profit d’une personne, un montant est payé à l’inscrit, ou fait l’objet d’une renonciation en sa faveur, autrement qu’à titre de contrepartie de la fourniture, ou encore une dette ou autre obligation de l’inscrit est réduite ou remise sans paiement au titre de la dette ou de l’obligation, les présomptions suivantes s’appliquent :

 

a) la personne est réputée avoir payé, au moment donné, un montant de contrepartie pour la fourniture égal au résultat du calcul suivant :

 

A/B × C

 

où :

A

représente 100 %,

 

 

B

le pourcentage suivant :

(i) si la taxe prévue au paragraphe 165(2) était payable relativement à la fourniture, la somme de 107% et du taux de taxe applicable à la province participante où la fourniture a été effectuée,

(ii) dans les autres cas, 107 %,

 

 

C

le montant payé, ayant fait l’objet de la renonciation ou remis, ou le montant dont la dette ou l’obligation a été réduite;

 

b) la personne est réputée avoir payé, et l’inscrit avoir perçu, au moment donné, la totalité de la taxe relative à la fourniture qui est calculée sur cette contrepartie, laquelle taxe est réputée égale au montant suivant :

 

(i)             si la taxe prévue au paragraphe 165(2) était payable relativement à la fourniture, le total des taxes prévues à ce paragraphe et au paragraphe 165(1) calculées sur cette contrepartie,

 

(ii)           dans les autres cas, la taxe prévue au paragraphe 165(1), calculée sur cette contrepartie.

 

[Je souligne.]

 

[16]         Le ministre a accepté de considérer que le montant recouvré par Caterpillar de la Banque Nationale du Canada sur la lettre de garantie était visé par l’article 182. Le ministre a donc accordé des CTI à l’appelante sur cette partie seulement, et c’est pourquoi le montant de 37 344,95 $CAN a été octroyé en CTI dans la cotisation du 9 juillet 2008.

 

[17]         Toutefois, le ministre n’a pas accepté d’appliquer l’article 182 au montant reçu par Caterpillar de Acton lors de la vente des unités saisies qui faisaient l’objet du crédit‑bail. Selon le ministre, la somme versée par Acton n’aurait pas été payée dans le contexte de l’inexécution du crédit‑bail, mais dans le contexte d’une vente d’équipements entre Caterpillar et Acton. En ce qui concerne la taxe payée par erreur, le ministre a également refusé de payer cette somme au motif que l’appelante n’avait pas, dans les faits, payé cette taxe.

 

Arguments de l'appelante

 

[18]         Le nœud du litige résiderait, selon l’avocat de l’appelante, dans le fait que la réclamation de Caterpillar a été calculée de façon erronée. En effet, Caterpillar n’aurait pas dû inclure la TPS et la TVQ dans sa preuve de réclamation, car il n’y avait plus de fourniture taxable. Si l’on considère le montant reçu sur la lettre de garantie auquel on ajoute le produit net de la vente reçu de Acton, Caterpillar était compensée entièrement pour les montants qui lui étaient dus en vertu du crédit‑bail. En fait, le solde indiqué dans la réclamation amendée au montant de 867 626, 63 $CAN, correspond aux taxes de vente (TPS et TVQ) réclamées par Caterpillar. Autrement dit, si Caterpillar n’avait pas inclus ces taxes dans sa réclamation, la dette de l’appelante envers elle aurait été complètement payée à même la lettre de garantie et le produit net de la vente reçu de Acton. C’est pourquoi l’appelante soutient qu’elle a elle-même payé ces taxes (dont la TPS) par erreur, puisque ces taxes sont venues s’ajouter au montant de la réclamation des créanciers, pour laquelle Caterpillar a reçu de l’argent et des actions de Century, cette dernière ayant repris tous les actifs de l’appelante, en assumant les dettes dues à ses créanciers.

 

[19]         Quant à la taxe réputée, prévue à l’article 182 LTA, l’appelante soutient qu’il n’est pas nécessaire pour son application qu’elle ait payé elle‑même une somme à Caterpillar. Ce qui compte, c’est que Caterpillar ait été payée par suite de l’inexécution du crédit‑bail, et, dans ce contexte, la TPS est réputée incluse dans le paiement. Et pour preuve que le montant reçu de Acton a été versé dans le contexte de l’inexécution du crédit‑bail, on argumente que cette somme a servi à réduire la créance de Caterpillar vis-à-vis de l’appelante, Caterpillar ayant donné quittance à cette dernière. En tout état de cause, l’appelante soutient que le passage introductif in fine du paragraphe 182(1) (182 in fine) s’applique puisque l’obligation qu’avait Caterpillar envers l’appelante de lui fournir l’équipement a été remise du fait de la saisie. Selon l’appelante, la valeur attribuable à l’utilisation par elle-même de l’équipement de Caterpillar a été quantifiée à 7 560 597,42 $CAN en vertu de la réclamation amendée. Ainsi, en vendant les unités à Acton, Caterpillar déniait à l’appelante son droit de pleine jouissance en conformité avec le crédit‑bail, et de ce fait, réduisait de 7 560 597,42 $CAN l’obligation qu’elle avait aux termes de l’article 4.7 du crédit‑bail.

 

[20]          L’appelante conclut donc qu’elle a droit de réclamer des CTI sur cette taxe réputée, qu’elle a estimée à 472 379,67 $CAN (pièce A‑1, onglet 6, p. 206).

 

Arguments de l'intimée

 

[21]         En ce qui concerne l’application de l’article 182 LTA, l’intimée soutient que le paiement effectué par Acton à Caterpillar a été fait en contrepartie de la vente d’équipements, pour laquelle Acton a elle-même payée la TPS. Ce paiement n’a pas été fait dans le cadre de l’inexécution du crédit‑bail, la preuve étant que le syndic n’était aucunement impliqué. L’article 182 ne s’applique pas lorsque le paiement est fait en contrepartie d’une fourniture, ce qui est précisément le cas ici.

 

[22]         Pour ce qui est de l’article 182 in fine, l’intimée soutient que cela vise le cas où l’inscrit (Caterpillar) aurait eu une dette envers l’appelante et que cette dernière aurait renoncé à sa créance par suite de l’inexécution par elle de ses obligations en vertu du crédit-bail. Selon l’intimée, Caterpillar n’avait plus d’obligation envers l’appelante du moment que celle‑ci se trouvait en défaut, Caterpillar ayant le droit, en vertu du crédit‑bail, de reprendre ses unités, lesquelles lui appartenaient de toute façon.

 

[23]         En ce qui concerne la taxe payée par erreur, l’intimée soutient qu’il n’y a aucune preuve qu’une taxe ait été payée. Il n’y a aucune facturation qui démontre ceci. Par ailleurs, il n’y a aucune indication ou documentation qui dit que les actions de Century et le paiement en argent remis à Caterpillar par le syndic représentent la taxe payée par erreur. Ceci est une pure interprétation de l’appelante qui, en faisant des calculs, a considéré que cela pouvait être le cas. L’intimée soutient que la preuve ne démontre pas que l’appelante a effectivement payé la taxe qu’elle dit avoir payée par erreur. Cela ne peut se faire par déduction, comme tente de le faire l’appelante. Le fait que les dommages-intérêts réclamés par Caterpillar aient été calculés d’une certaine façon ne permet pas de déduire, après coup, que nécessairement on a exigé la TPS.

 

Analyse

 

[24]         Les autres dispositions législatives pertinentes de la LTA se lisent comme suit :

Règle générale

 

169. (1)    Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, un crédit de taxe sur les intrants d’une personne, pour sa période de déclaration au cours de laquelle elle est un inscrit, relativement à un bien ou à un service qu’elle acquiert, importe ou transfère dans une province participante, correspond au résultat du calcul suivant si, au cours de cette période, la taxe relative à la fourniture, à l’importation ou au transfert devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu’elle soit devenue payable :

 

A × B

où 

A

représente la taxe relative à la fourniture, à l’importation ou au transfert, selon le cas, qui, au cours de la période de déclaration, devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu’elle soit devenue payable;

 

B

 

a)  dans le cas où la taxe est réputée, par le paragraphe 202(4), avoir été payée relativement au bien le dernier jour d’une année d’imposition de la personne, le pourcentage que représente l’utilisation que la personne faisait du bien dans le cadre de ses activités commerciales au cours de cette année par rapport à l’utilisation totale qu’elle en faisait alors dans le cadre de ses activités commerciales et de ses entreprises;

 

b)   dans le cas où le bien ou le service est acquis, importé ou transféré dans la province, selon le cas, par la personne pour utilisation dans le cadre d’améliorations apportées à une de ses immobilisations, le pourcentage qui représente la mesure dans laquelle la personne utilisait l’immobilisation dans le cadre de ses activités commerciales immédiatement après sa dernière acquisition ou importation de tout ou partie de l’immobilisation;

 

c)  dans les autres cas, le pourcentage qui représente la mesure dans laquelle la personne a acquis ou importé le bien ou le service, ou l’a transféré dans la province, selon le cas, pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales.

 

[...]

 

Remboursement d’un montant payé par erreur

 

261. (1) Dans le cas où une personne paie un montant au titre de la taxe, de la taxe nette, des pénalités, des intérêts ou d’une autre obligation selon la présente partie alors qu’elle n’avait pas à le payer ou à le verser, ou paie un tel montant qui est pris en compte à ce titre, le ministre lui rembourse le montant, indépendamment du fait qu’il ait été payé par erreur ou autrement.

 

I - Remboursement de TPS payée par erreur : paragraphe 261(1) LTA

 

[25]         Il ne semble pas contesté que l’appelante n’avait pas de TPS à payer sur le montant de la réclamation faite par Caterpillar au syndic de faillite. Bien que l’agent d’opposition ait reconnu dans son mémoire que Caterpillar avait déterminé la valeur actuelle de la totalité du solde dû par l’appelante à titre de dommages‑intérêts sur la base des montants de loyer à payer mensuellement, incluant la TPS et la TVQ, il était d’avis qu’il n’y avait aucune fourniture taxable effectuée au profit de l’appelante sur laquelle il y aurait  eu une taxe applicable en vertu de la LTA (voir Mémoire sur opposition, pièce A‑1, onglet 13, page 240).

 

[26]         Ainsi, la pierre d’achoppement réside non pas dans le fait qu’il n’y avait aucune taxe payable, mais dans le fait que l’intimée ne reconnaît pas qu’il y ait eu paiement de la taxe, alors que l’appelante dit qu’elle a bel et bien payé cette taxe par erreur. De fait, pour avoir droit au remboursement, l’appelante doit établir qu’elle a, dans les faits, payé cette taxe qui ne devait pas être payée.

 

[27]         L’appelante soutient qu’elle l’a payée puisque la TPS a été prise en compte pour établir le montant de la réclamation de Caterpillar, laquelle a reçu en retour de l’argent et des actions de Century, qui avait auparavant fait l’acquisition de tous les actifs de l’appelante en assumant ses dettes.

 

[28]         Que Caterpillar ait remis ou non la TPS au gouvernement (ce quelle devait faire si elle l’a réellement perçue[1]), cela ne modifie pas le droit de l’appelante de recevoir le remboursement, si, effectivement, elle prouve qu’elle a versé cette taxe par erreur au fournisseur (ici Caterpillar). Dans la mesure où elle peut prouver que Caterpillar a exigé la taxe par erreur, et qu’elle l’a payée, l’appelante a droit à un remboursement. De même, si Caterpillar a remis dans les faits cette taxe au gouvernement, ce n’est pas cette dernière qui peut réclamer un remboursement, puisqu’elle n’aurait remis qu’un montant perçu au titre de la taxe et payé par l’appelante. (Voir McDonell c. R, [2005] G.S.T.C. 134, aux paragraphes 21-34)

 

[29]         Quant à savoir si Caterpillar a exigé la TPS par erreur, j’aurais tendance à répondre par l’affirmative. L’article 8.5 du crédit‑bail, qui s’appliquait en cas de défaut, se lit comme suit :

8.5         Les recours en vertu des présentes en faveur du bailleur ne devront pas être considérés comme étant exclusifs mais seront cumulatifs et devront s’ajouter à tout autre recours dont il pourrait disposer en droit ou en équité; pourvu, néanmoins, que le bailleur ne soit pas autorisé à recouvrer un montant en dommages-intérêts qui soit supérieur à ce […] qu’il aurait pu gagner par suite de l’exécution complète, en temps opportun, des obligations du preneur en vertu de ce crédit-bail, incluant tous les frais, dépenses et coûts encourus par le bailleur pour exercer ses droits en vertu de ce crédit-bail et toutes les charges afférentes à un paiement en retard, tel que prévu à la clause 2.2 des présentes.

 

[30]          Ainsi, le bailleur (Caterpillar) n’était pas autorisé à recouvrer un montant en dommages-intérêts qui était supérieur à ce qu’il aurait pu gagner par suite de l’exécution complète, en temps opportun, des obligations du preneur (l’appelante) en vertu du crédit‑bail. Il me semble évident que de tels dommages‑intérêts ne pouvaient inclure la TPS puisque cette taxe perçue en temps normal aurait été remise au gouvernement. Autrement dit, la TPS ne peut être ajoutée au montant qu’aurait pu gagner, ou recevoir à son profit, Caterpillar, si le crédit‑bail avait été exécuté jusqu’au bout.

 

[31]         La question qui se pose maintenant est celle de savoir si l’appelante a effectivement payé cette TPS qu’elle réclame aujourd’hui en vertu du paragraphe 261(1) LTA. L’appelante a invoqué les articles suivants du Code civil du Québec (CcQ) :

 

1553.  Par paiement on entend non seulement le versement d'une somme d'argent pour acquitter une obligation, mais aussi l'exécution même de ce qui est l'objet de l'obligation.

 

1554.  Tout paiement suppose une obligation: ce qui a été payé sans qu'il existe une obligation est sujet à répétition.

 

La répétition n'est cependant pas admise à l'égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées.

 

1555.  Le paiement peut être fait par toute personne, lors même qu'elle serait un tiers par rapport à l'obligation; le créancier peut être mis en demeure par l'offre d'un tiers d'exécuter l'obligation pour le débiteur, mais il faut que cette offre soit faite pour l'avantage du débiteur et non dans le seul but de changer de créancier.

 

Toutefois, le créancier ne peut être contraint de recevoir le paiement d'un tiers lorsqu'il a intérêt à ce que le paiement soit fait personnellement par le débiteur.

 

1556.  Pour payer valablement, il faut avoir dans ce qui est dû un droit qui autorise à le donner en paiement.

 

Néanmoins, si ce qui est dû est une somme d'argent ou autre chose qui se consomme par l'usage, le paiement ne peut être recouvré contre le créancier qui l'a consommé de bonne foi, quoique ce paiement ait été fait par une personne qui n'était pas autorisée à le faire.

 

[...]

 

1567. Les frais du paiement sont à la charge du débiteur.

 

1568.  Le débiteur qui paie a droit à une quittance et à la remise du titre original de l'obligation.

 

[...]

 

1604.  Le créancier, s'il ne se prévaut pas du droit de forcer, dans les cas qui le permettent, l'exécution en nature de l'obligation contractuelle de son débiteur, a droit à la résolution du contrat, ou à sa résiliation s'il s'agit d'un contrat à exécution successive.

 

[...]

 

1607.  Le créancier a droit à des dommages-intérêts en réparation du préjudice, qu'il soit corporel, moral ou matériel, que lui cause le défaut du débiteur et qui en est une suite immédiate et directe.

 

1608.  L'obligation du débiteur de payer des dommages-intérêts au créancier n'est ni atténuée ni modifiée par le fait que le créancier reçoive une prestation d'un tiers, par suite du préjudice qu'il a subi, sauf dans la mesure où le tiers est subrogé aux droits du créancier.

[...]

 

1611.  Les dommages-intérêts dus au créancier compensent la perte qu'il subit et le gain dont il est privé.

 

[...]

 

1613.  En matière contractuelle, le débiteur n'est tenu que des dommages-intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir au moment où l'obligation a été contractée, [...]

[...]

 

1622.  La clause pénale est celle par laquelle les parties évaluent par anticipation les dommages-intérêts en stipulant que le débiteur se soumettra à une peine au cas où il n'exécuterait pas son obligation.

 

Elle donne au créancier le droit de se prévaloir de cette clause au lieu de poursuivre, dans les cas qui le permettent, l'exécution en nature de l'obligation; mais il ne peut en aucun cas demander en même temps l'exécution et la peine, à moins que celle-ci n'ait été stipulée que pour le seul retard dans l'exécution de l'obligation.

 

[32]         Ici, Caterpillar a fait une réclamation pour dommages-intérêts, qu’elle a calculés en fonction des loyers mensuels résiduels à payer, auxquels elle a ajouté les taxes à percevoir. Tout le monde s’entend qu’il n’y avait aucune taxe à percevoir sur les dommages-intérêts réclamés. Pourtant, Caterpillar a inclus cette taxe dans le montant global de la réclamation pour laquelle elle a reçu des actions de Century et de l’argent, et elle a donné ensuite quittance complète en ce qui concerne la dette de l’appelante. Par ailleurs, il semble que les frais, dépenses et coûts engagés par Caterpillar pour exercer ses droits en vertu du crédit-bail et toutes les charges afférentes aux paiements en retard ont été pris en compte séparément sous la rubrique « Repossession Costs » (pièce A-1, onglet 4, page 142).

 

[33]         À mon avis, l’appelante a raison d’invoquer le fait qu’elle a payé cette taxe. N’eût été ces montants de taxe dont Caterpillar s’est servi pour établir le montant de sa réclamation, Century, par l’intermédiaire du syndic, n’aurait pas eu à payer Caterpillar en actions et en argent. Ceci ressort bien de la preuve qui démontre que, sans le montant rajouté pour les taxes, Caterpillar avait été complètement dédommagée à même la lettre de garantie de la banque et le produit de la vente des unités à Acton. Caterpillar s’est bel et bien enrichie au détriment de l’appelante, qui, elle, a transféré ses actifs à Century qui, à son tour, en assumant les dettes de l’appelante, en a fait profiter Caterpillar en lui remettant, par l’intermédiaire du syndic, de l’argent et des actions pour une valeur équivalant au montant total de la taxe ajoutée dans la réclamation. Par la suite, Caterpillar a donné quittance complète à l’appelante, reconnaissant ainsi que cette dernière s’était acquittée de sa dette. Or, cette dette payée en argent et en actions de Century par le syndic correspondait à la portion de TPS et de TVQ ajoutée aux montants de loyers encore à percevoir par Caterpillar. Caterpillar n’était pas justifiée de percevoir cette taxe puisqu’elle n’effectuait plus aucune fourniture taxable. Je conclus donc que l’appelante a droit au remboursement réclamé en vertu du paragraphe 261(1) LTA.

 

II - Taxe réputée payée : article 182 LTA

 

[34]         La version anglaise du passage introductif du paragraphe 182(1) de la LTA se lit comme suit :

Forfeiture, extinguished debt, etc.

 

182.(1) For the purposes of this Part, where at any time, as a consequence of the breach, modification or termination after 1990 of an agreement for the making of a taxable supply (other than a zero-rated supply) of property or a service in Canada by a registrant to a person, an amount is paid or forfeited to the registrant otherwise than as consideration for the supply, or a debt or other obligation of the registrant is reduced or extinguished without payment on account of the debt or obligation,

[Je souligne.]

 

[35]         La Cour suprême du Canada a établi les balises quant aux principes généraux d’interprétation des lois, entre autres, dans Hypothèques Trustco Canada c. Canada, [2005] 2 R.C.S. 601, à la page 610, paragraphe 10 :

5.1         Principes généraux d’interprétation

 

Il est depuis longtemps établi en matière d’interprétation des lois qu’« il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » : voir 65302 British Columbia Ltd. Canada, [1999] 3 R.C.S. 804, par. 50. L’interprétation d’une disposition législative doit être fondée sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique destinée à dégager un sens qui s’harmonise avec la Loi dans son ensemble. Lorsque le libellé d’une disposition est précis et non équivoque, le sens ordinaire des mots joue un rôle primordial dans le processus d’interprétation. Par contre, lorsque les mots utilisés peuvent avoir plus d’un sens raisonnable, leur sens ordinaire joue un rôle moins important. L’incidence relative du sens ordinaire, du contexte et de l’objet sur le processus d’interprétation peut varier, mais les tribunaux doivent, dans tous les cas, chercher à interpréter les dispositions d’une loi comme formant un tout harmonieux.

 

[...]

 

[36]         À la lecture du texte de loi, l’article 182 de la LTA trouvera application dans un premier temps si, « par suite » (ou, dans la version anglaise, "as a consequence of") de l’inexécution d’une convention portant sur la réalisation d’une fourniture taxable au Canada par un inscrit au profit d’une personne, un montant est payé à l’inscrit autrement qu’à titre de contrepartie de la fourniture. Si on applique ces termes législatifs dans le contexte actuel, il faudrait que, par suite de l’inexécution du crédit‑bail portant sur la location des unités par Caterpillar à l’appelante, un montant ait été payé à Caterpillar autrement qu’à titre de contrepartie pour ces unités.

 

[37]         À la lecture du texte même, je ne pense pas que l’on puisse dire que cette partie de l’article 182 LTA trouve application relativement au paiement fait par Acton. En effet, selon le texte, il est vrai que quiconque peut payer l’inscrit (ici, Caterpillar), mais à condition que ce paiement ne soit pas fait en contrepartie de la fourniture (les unités, en ce qui nous concerne). En achetant les unités saisies par Caterpillar, Acton payait Caterpillar le prix demandé en contrepartie de la disposition de ces mêmes unités. Acton a elle‑même payé la TPS à l’achat de ces unités. S’il est vrai que c’est suite à l’inexécution du crédit‑bail que Caterpillar a saisi les unités en faisant l’objet, Acton a acquis ces mêmes unités dans un contexte tout à fait indépendant, non relié en soi à l’inexécution du crédit‑bail. Acton a payé Caterpillar en contrepartie des unités qu’elle a acquises dans l’exploitation de sa propre entreprise.

 

[38]         Le fait que le paiement reçu de Acton par Caterpillar ait servi à réduire la dette de l’appelante vis‑à‑vis de Caterpillar ne modifie en rien, selon moi, la non-application de l’article 182. La dette a été réduite par application de l’article 8.3 du crédit‑bail. Si une personne liée à l’appelante, ou ayant intérêt à ce que la dette de l’appelante soit éteinte, ou obligée d’effectuer le paiement, comme ce fut le cas de la Banque Nationale, avait payé le montant dû par l’appelante en vertu du crédit‑bail, alors on aurait pu invoquer l’article 182 pour dire qu’il y avait une taxe réputée.

 

[39]         Selon ce que je comprends, l’article 182 vise le cas où le paiement effectué est un substitut économique du montant qui aurait dû être payé en vertu de la convention[2] (ici, le crédit‑bail), auquel cas, le fournisseur qui reçoit le paiement est obligé de remettre au gouvernement la taxe réputée incluse, laquelle peut ensuite être réclamée à titre de CTI. C’est pourquoi l’article 182 exclut tout paiement fait en contrepartie de la fourniture, car dans ce cas, la TPS est payable en sus de ce paiement et est remise au gouvernement par l’inscrit qui l’a prélevée. En effet, il serait illogique, il me semble, qu’une taxe soit réputée incluse dans le paiement fait par Acton, alors que cette dernière a dû verser cette taxe séparément. Donner raison à l’appelante aurait pour effet de compter deux fois la taxe sur la fourniture du même bien pour la même période. Selon le raisonnement de l’appelante, parce que sa dette consistant en les loyers résiduels à payer a été réduite du montant équivalant au produit de la disposition des unités en faveur d’Acton, Caterpillar devrait aussi remettre au gouvernement, en sus de la taxe perçue de Acton, une taxe réputée sur l’utilisation qui aurait été faite par l’appelante de ces mêmes unités pour la même période, si le crédit-bail n’avait pas pris fin. Cela ne peut certainement pas être l’intention du législateur. En acceptant de donner quittance à l’appelante, Caterpillar reconnaissait avoir été dédommagée autrement pour ce qui est du montant qu’elle aurait dû percevoir en vertu du crédit‑bail, puisque cette somme lui a été remise par Acton. Toutefois, cette dernière a versé la TPS lors de l’acquisition de ces unités, dans le contexte d’une activité commerciale. Selon moi, on ne peut dire qu’il y a eu paiement à l’inscrit (Caterpillar) autrement qu’à titre de contrepartie de la fourniture.

 

[40]         Quant à l’argument de l’appelante que l’article 182 in fine devrait s’appliquer au motif qu’une obligation de Caterpillar aurait été remise sans paiement du fait de la saisie des unités, je ne peux souscrire à cet argument.

 

[41]         Les articles 1842 et 1850 C.c.Q traitent du crédit-bail comme suit :

1842. Le crédit-bail est le contrat par lequel une personne, le crédit-bailleur, met un meuble à la disposition d'une autre personne, le crédit-preneur, pendant une période de temps déterminée et moyennant une contrepartie.

 

Le bien qui fait l'objet du crédit-bail est acquis d'un tiers par le crédit-bailleur, à la demande du crédit-preneur et conformément aux instructions de ce dernier.

 

Le crédit-bail ne peut être consenti qu'à des fins d'entreprise.

 

[...]

 

1850. Lorsque le contrat de crédit-bail prend fin, le crédit-preneur est tenu de rendre le bien au crédit-bailleur, à moins qu'il ne se soit prévalu, le cas échéant, de la faculté que lui réserve le contrat de l'acquérir.

 

[42]         En vertu du crédit‑bail, Caterpillar avait l’obligation de laisser la possession et l’utilisation des unités à l’appelante, dans la mesure où celle‑ci exécutait ses paiements. La convention de crédit‑bail prévoyait que, dès qu’il y avait défaut, Caterpillar était en droit de mettre fin au crédit-bail et de reprendre possession des unités, qui, au demeurant, étaient toujours sa propriété (articles 4.6 et 8.2 du crédit-bail). Par ailleurs, le droit du preneur (de l’appelante) à la jouissance et à l’utilisation des unités prenait fin en cas de défaut (article 13 du crédit-bail). Dès lors, on ne peut plus parler d’obligation de mettre les unités à la disposition de l’appelante à partir du moment où cette dernière se retrouvait en défaut.

 

[43]         Dans le contexte de l’article 1373 C.c.Q., l’obligation est « un lien de droit, existant entre deux ou plusieurs personnes, par lequel une personne, appelée débiteur, est tenue envers une autre, appelée créancier, d’exécuter une prestation consistant à faire ou à ne pas faire quelque chose, sous la menace d’une contrainte juridique »[3]. De plus, l’article 1671 C.c.Q.  prévoit l’extinction de l’obligation par la remise. Dans le contexte de l’article 1687 C.c.Q., la remise de dette est « l’acte conventionnel par lequel le créancier décharge son débiteur de l’exécution de la totalité ou d’une partie de son obligation »[4].

 

[44]         On ne peut donc invoquer la remise ou la réduction de l’obligation sans paiement ici, puisque cette obligation de Caterpillar envers l’appelante n’existait plus tout simplement, du fait que cette dernière s’est retrouvée en défaut. L’appelante ne pouvait plus exercer aucune contrainte juridique contre Caterpillar. Caterpillar ne devait rien à l’appelante et n’avait aucune obligation envers l’appelante dès le moment où cette dernière était en défaut. L’appelante, n’ayant plus aucun droit à la jouissance et à l’utilisation des unités, ne pouvait décharger Caterpillar de l’exécution d’une obligation que celle‑ci n’avait pas.[5]

 

[45]         J’en conclus que l’appelante n’a pas démontré qu’il y avait eu remise d’obligation sans paiement en ce qui concerne Caterpillar.

 

[46]         Par ailleurs, dans les notes explicatives concernant le projet de loi C-70 (L.C. 1997, ch.10), reproduites dans Taxes à la consommation, Législation annotée 2008, 17e édition (CCH), sous la rubrique, Archives des notes explicatives, aux pages 394 et 395, on disait ceci :

 

Projet de loi C-70—TVH (L.C. 1997, c. 10) : L’article 182 porte sur le cas où, par suite de l’inexécution, de la modification ou de l’annulation d’une convention portant sur une fourniture taxable par un inscrit, des montants sont payés par une personne à l’inscrit, ou font l’objet d’une renonciation par une personne en faveur d’un inscrit, autrement qu’à titre de contrepartie de la fourniture. Cet article porte également sur les cas où la dette ou autre obligation d’un inscrit envers une personne est réduite ou éteinte sans paiement au titre de la dette ou de l’obligation. Dans les deux cas, l’inscrit est réputé avoir effectué une fourniture taxable au profit de la personne et avoir perçu la taxe sur le montant payé, réduit, éteint ou ayant fait l’objet d’une renonciation. La personne qui paie le montant, ou y renonce, est réputée avoir payé la taxe; si elle est un inscrit, elle peut avoir droit à un crédit de taxe sur les intrants au titre de cette taxe.

[...]

Cette modification entre en vigueur le 1er avril 1997.

 

Projet de loi C-70 (L.C. 1997, c. 10) : L’article 182 traite des cas où, par suite de l’inexécution, de la modification ou de l’annulation d’une convention portant sur la réalisation d’une fourniture taxable par un inscrit au profit d’une personne, un montant est payé à l’inscrit, ou fait l’objet d’une renonciation en sa faveur, autrement qu’à titre de contrepartie de la fourniture. L’article 182 traite aussi des cas où une dette ou autre obligation de l’inscrit est réduite ou remise sans paiement au titre de la dette ou de l’obligation. Dans les deux cas, l’inscrit est réputé avoir effectué une fourniture taxable au profit de cette personne et avoir perçu un montant de taxe égal à 7/107 du montant payé, ayant fait l’objet de la renonciation ou remis, ou du montant dont la dette ou l’obligation a été réduite. La personne ayant payé le montant ou y ayant renoncé est réputée avoir payé la taxe et, si elle est un inscrit, peut avoir droit à un crédit de taxe sur les intrants à l’égard de cette taxe.

 

[...] selon l’article 182, la taxe s’applique aux montants payés, ayant fait l’objet d’une renonciation ou appliqués en réduction ou en extinction d’une dette ou d’une autre obligation par suite du bris, de la modification ou de la cessation d’une convention concernant une fourniture taxable.

 

La modification apportée aux règles d’application de la TPS fait en sorte que l’article 182 s’applique aux montants payés, réduits, remis ou ayant fait l’objet d’une renonciation après 1990, peu importe le moment auquel la convention a été conclue. Cette règle d’application n’est pas nécessaire selon la loi actuelle puisqu’une nouvelle fourniture est réputée effectuée d’après le paragraphe182(1) et que les dispositions transitoires de la TPS précisent que la taxe s’applique à toute fourniture qui est réputée avoir été effectuée. Par contraste, selon la version modifiée du paragraphe 182(1), le montant payé, ayant fait l’objet d’une renonciation ou appliqué en réduction ou en extinction d’une dette ou autre obligation est considéré comme la contrepartie de la fourniture initiale.

 

Cette modification entre en vigueur le 24 avril 1996.

 

[47]         Ainsi, le législateur parle, entre autres, de montants appliqués en réduction ou en extinction d’une dette ou d’une autre obligation par suite de la rupture ou de la cessation d’une convention concernant une fourniture taxable. Ici, par suite de la rupture de la convention de crédit-bail, le bailleur, Caterpillar, n’avait aucune obligation de mettre les équipements à la disposition du preneur, l’appelante. Au contraire, Caterpillar avait maintenant un droit de reprendre possession de ses unités qui faisaient l’objet du crédit-bail et l’appelante n’avait plus aucun droit sur ces unités. On ne peut donc parler d’un montant de 7 560 597.42 $ CAN appliqué en réduction ou en extinction d’une obligation de Caterpillar de mettre ces équipements à la disposition de l’appelante, tel que plaidé par cette dernière.

 

[48]         Finalement, pour les raisons indiquées plus haut, et à la lecture de ces notes explicatives, je ne peux concevoir que l’intention du législateur ait été que la taxe soit réputée incluse alors que cette taxe a été payée séparément par Acton.

 

[49]         Dans l’arrêt de la Cour Suprême dans l’affaire Johns-Manville Canada Inc. c. R., 1985 CarswellNat at 666, [1985] 2 R.C.S. 46, le juge Estey a cité le passage de l’arrêt Regent Oil Co. v. Strick portant sur le « bons sens » :

 

24     Cette analyse de la jurisprudence nous ramène à l'idée première exprimée par lord Reid dans l'arrêt Regent Oil Co. v. Strick, [1966] A.C. 295, à la p. 313 :

 

[TRADUCTION] II n'est donc pas surprenant qu'aucun critère, principe ou règle pratique ne soit déterminant. En définitive, il s'agit d'une question de droit que la cour doit trancher, mais c'est là une question à laquelle il faut répondre en fonction de toutes les circonstances dont il faut raisonnablement tenir compte; le poids qu'il faut accorder aux circonstances particulières d'un cas donné doit dépendre du bon sens plutôt que de l'application stricte d'un principe juridique quelconque.

 

[50]         Je suis du même avis que l’intimée, à savoir que l’article 182 in fine trouverait application dans le cas où Caterpillar aurait elle‑même eu une dette ou une obligation indépendante  déjà existante envers l’appelante, pour laquelle il y aurait eu compensation par suite de l’inexécution de la convention par l’appelante. Ce n’est pas le cas ici.

 

[51]         Pour ces raisons, je suis d’avis d’accueillir l’appel afin d’accorder le remboursement de la taxe payée par erreur au montant de 543 080,21 $, aux termes du paragraphe 261(1) LTA. Toutefois, la cotisation demeure inchangée en ce qui concerne les CTI réclamés sur la taxe réputée, aux termes du paragraphe 169(1) et de l’article 182 LTA. L’intimée n’a pas à payer des CTI au‑delà de ce qui a déjà été accordé par la cotisation du 9 juillet 2008. Chaque partie assumera ses propres dépens.

 

 

 

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de septembre 2010.

 

 

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre


 

 

RÉFÉRENCE :                                  2010 CCI 415

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2008-3200(GST)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              Société en commandite Sigma-Lamaque c. Sa Majesté la Reine

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 14 juin 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Lucie Lamarre

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 10 septembre 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l’appelante :

Me Dominic C. Belley et

Me Vincent Dionne

 

Avocat de l’intimée :

Me Pierre Zemaitis

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelante :

 

                     Nom :                            Me Dominic C. Belley

                 Cabinet :                           Ogilvy Renault S.E.N.C.R.L., s.r.l.

                     Ville :                            Montréal (Québec)

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1]           Voir  ITA International Travel Agency Ltd. c. Canada, [2002] A.C.F. no 733 (QL) 2002 ACF 200, [2002] G.S.T.C. 58, qui confirme [2000] A.C.I. no 866, [2001] G.S.T.C. 5

[2]           Voir commentaires de David Sherman dans l'éditorial suivant la décision rendue dans MISask Industries Ltd. c. R., 2007 G.S.T.C. 17 (TCC).

[3]          Jean-Louis Baudoin et Pierre-Gabriel Jobin, Les obligations, 5e éd., Cowansville (Qc), Yvon Blais 1998, p. 17.

[4]          Ibid. p. 786.

[5]           Par ailleurs, bien qu’aucune partie en l’instance n’ait soulevé ce point, je note que la version anglaise du paragraphe 182(1) in fine diffère de la version française. On parle d’une obligation qui est "reduced or extinguished" alors qu’en français, on parle de « réduite ou remise ». Cependant, pour les fins du présent litige, je ne crois pas que cela ait une importance puisque je conclus à la non‑existence d’une obligation envers l’appelante après la rupture de la convention de crédit‑bail. S’il n’y a pas d’obligation, on n’a dès lors plus à se poser la question si celle ci a été réduite ou remise, ou « reduced or extinguished ».

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