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Dossier : 2007-3711(IT)G

 

ENTRE :

DEBRA BROWNING,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

Debra Browning (2008-1924(IT)G),

à Vancouver (Colombie-Britannique), le 13 janvier 2010.

 

Devant : L’honorable juge G. A. Sheridan

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me David A. G. Birnie

Avocate de l’intimée :

Me Susan Wong

____________________________________________________________________

JUGEMENT MODIFIÉ

 

          Conformément aux motifs du jugement modifié ci‑joints, l’appel est accueilli avec dépens, et la cotisation établie par le ministre du Revenu national est annulée.

 

Le présent jugement modifié et les présents motifs du jugement modifié remplacent le jugement et les motifs du jugement datés du 30 septembre 2010.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour d’octobre 2010.

 

 

 

« G. A. Sheridan »

Juge Sheridan

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour de janvier 2011.

 

 

 

 

François Brunet, réviseur


 

 

 

 

 

Dossier : 2008-1924(IT)G

 

ENTRE :

DEBRA BROWNING,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

Debra Browning (2007-3711(IT)G),

à Vancouver (Colombie-Britannique), le 13 janvier 2010.

 

Devant : L’honorable juge G. A. Sheridan

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me David A. G. Birnie

Avocate de l’intimée :

Me Susan Wong

____________________________________________________________________

JUGEMENT MODIFIÉ

 

          Conformément aux motifs du jugement modifié ci‑joints, l’appel est accueilli avec dépens, et la cotisation établie par le ministre du Revenu national est annulée.

 

Le présent jugement modifié et les présents motifs du jugement modifié remplacent le jugement et les motifs du jugement datés du 30 septembre 2010.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour d’octobre 2010.

 

 

 

« G. A. Sheridan »

Juge Sheridan

 

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour de janvier 2011.

 

 

 

 

François Brunet, réviseur

 


 

 

 

 

 

Référence : 2010 CCI 487

Date : 20101015

Dossiers : 2007-3711(IT)G

2008-1924(IT)G

 

ENTRE :

DEBRA BROWNING,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT MODIFIÉ

 

La juge Sheridan

 

[1]              À la demande de l’appelante et avec le consentement de l’intimée, les appels 2007‑3711(IT)G et 2008-1924(IT)G ont été entendus ensemble sur preuve commune.

 

[2]              L’appelante, Debra Browning, interjette appel de cotisations établies par le ministre du Revenu national (le « ministre ») en vertu du paragraphe 227(10) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). Les cotisations ont été établies par suite de l’inobservation par Mme Browning de certaines demandes formelles de paiement faites en application du paragraphe 224(4) au titre de sa dette envers Berkeley Point Developments Inc. (« Berkeley »), un « débiteur fiscal » au sens du paragraphe 224(1) de la Loi. Le ministre soutient en outre que le délai de prescription prévu à l’article 222 de la Loi joue et qu’il peut donc intenter une action fondée sur les articles 224 et 227 contre Mme Browning, au moins jusqu’en 2014, pour recouvrer la dette fiscale de Berkeley.

 

Faits

 

[3]              Berkeley est une société dans laquelle le mari de Mme Browning, Richard Browning, était actionnaire majoritaire. Mme Browning ne conteste pas qu’elle a, le 26 août 1988, contracté une dette envers Berkeley dans le cadre d’une convention hypothécaire[1] pour une somme d’environ 553 000 $, qui lui a été avancée entre 1988 et 1990 pour l’acquisition de leur résidence principale. Elle ne conteste pas non plus l’hypothèse du ministre voulant qu’en date du 14 janvier 1997, la dette fiscale de Berkeley se soit élevée à 474 272 $[2]. Mme Browning affirme toutefois qu’en date des demandes formelles de paiement sous‑jacentes aux cotisations frappées d’appel, elle n’était plus « tenue de faire un paiement » à Berkeley selon le paragraphe 224(1) et que la cotisation fondée sur le paragraphe 227(10) établie par le ministre est donc invalide.

 

[4]              En guise de toile de fond, il convient de signaler que les efforts du ministre pour recouvrer la dette fiscale de Berkeley au moyen d’une cotisation par laquelle il en demande paiement à Mme Browning remontent à plusieurs années. Bien avant l’établissement des cotisations à l’origine des présents appels, le ministre avait fait parvenir à Mme Browning, à sept occasions différentes, des demandes formelles de paiement au cours de la période du 3 novembre 1993 au 7 mars 1996 (les « précédentes demandes formelles de paiement »). Mme Browning n’a fait aucun paiement au titre des précédentes demandes formelles de paiement parce qu’elle estimait avoir remboursé la dette hypothécaire au moyen d’un transfert d’actions évaluées à 500 000 $ en faveur de Berkeley le 1er janvier 1994. Le ministre ne l’entendait pas ainsi. Il a traité son défaut de paiement comme l’inobservation des précédentes demandes formelles de paiement suivant les dispositions du paragraphe 222(4) et il a établi à son égard une cotisation totalisant 254 438,96 $ fondée sur le paragraphe 227(10).

 

[5]              Madame Browning a interjeté appel de cette cotisation. Dans une décision rendue le 3 septembre 2004[3] (le « jugement McArthur »), le juge McArthur a notamment conclu ce qui suit :

 

a) à aucun moment Berkeley ou Mme Browning n’a contesté la cotisation sous‑jacente, c’est‑à‑dire la « dette sous‑jacente » de Berkeley[4] envers la Couronne;

 

b) au moment des précédentes demandes formelles de paiement, Berkeley devait à la Couronne la somme de 482 607,59 $ et Mme Browning devait à Berkeley une somme d’environ 303 000 $ au titre du principal de la dette hypothécaire.

 

[6]              Dans l’intervalle, les précédentes demandes formelles de paiement avaient été transmises, mais, avant le jugement McArthur, le 20 février 2002, l’appelante a fait l’objet d’une autre cotisation, s’élevant à 54 944,64 $, pour manquement à une nouvelle demande formelle de paiement faite le 11 octobre 2000 (la « demande formelle de paiement d’octobre 2000 »).

 

[7]              Le 15 avril 2005, le ministre a établi une nouvelle cotisation en conformité avec le jugement McArthur, ce qui a notamment entraîné la diminution de la somme due selon la demande formelle de paiement de 29 969,64 $ faite en octobre 2000. L’opposition que Mme Browning a produite à l’égard de la nouvelle cotisation a été confirmée le 9 août 2007 et Mme Browning a subséquemment interjeté appel à la Cour (numéro de dossier : 2007‑3711(IT)G).

 

[8]              Le 15 juin 2005, le ministre a à nouveau établi une cotisation à l’égard de Mme Browning pour une somme de 29 969,64 $ relativement à son manquement à une demande formelle de paiement datée du 27 février 1997[5].

 

[9]              Le 31 janvier 2008, Mme Browning a à nouveau fait l’objet d’une autre cotisation, cette fois pour manquement aux demandes formelles de paiement du 17 septembre 2001, du 22 octobre 2002, du 22 janvier 2004, du 20 janvier 2005 et du 16 juillet 2007 (les « demandes formelles de paiement de 2001 à 2007 ») pour une somme totale de 187 310,25 $[6]. Cette cotisation est visée par le présent appel (no de dossier : 2008‑1924(IT)G).

 

[10]         La demande formelle de paiement d’octobre 2000 et les demandes formelles de paiement faites de 2001 à 2007 sont ci‑après désignées ensemble comme les « demandes formelles de paiement actuelles ».

 

[11]         Par chèques datés du 26 août 2005 et du 15 juillet 2008, Mme Browning a effectué deux paiements de 108 246,56 $[7] et de 29 969,64 $[8], respectivement, au receveur général du Canada[9]. En ce qui concerne le paiement de 108 246,56 $, l’intimée reconnaît[10] que [traduction] « […] la dette au titre des demandes formelles de paiement [désignées dans les présents motifs comme les précédentes demandes formelles de paiement] s’élevait à 108 246,56 $ et que l’appelante a intégralement payé cette somme le 26 août 2005[11] ». Quant au paiement de 29 969,64 $, il ressort du témoignage non contredit de M. Browning que cette somme, à l’instar du paiement de 108 246,56 $, a été payée en totalité conformément à l’ordonnance rendue par la Cour canadienne de l’impôt[12] à la suite du jugement McArthur.

 

Thèse de l’appelante

[12]         Selon Mme Browning, les cotisations relatives aux demandes formelles de paiement actuelles ne sont pas valides parce que les critères légaux énoncés aux paragraphes 224(1) et (4), sur lesquels repose le pouvoir du ministre d’établir des cotisations en vertu du paragraphe 227(10), ne sont pas remplis. En commençant par le pouvoir en matière d’établissement de cotisations que confère le paragraphe 227(10), je reproduis ci‑dessous les parties pertinentes des dispositions susmentionnées :

 

227(10) Cotisation. Le ministre peut, en tout temps, établir une cotisation pour les montants suivants :

 

a)       un montant payable […] en vertu des paragraphes […] ou 224(4)

[…]

 

Les sections I et J de la partie I s’appliquent, avec les modifications nécessaires, à tout avis de cotisation que le ministre envoie à la personne ou à la société de personnes.

 

224(4) Défaut de se conformer au par. (1) […] Toute personne qui omet de se conformer à une exigence du paragraphe (1) […] est tenue de payer à Sa Majesté un montant égal au montant qu’elle était tenue, en vertu du paragraphe (1) […] de payer au receveur général.

 

224(1) Saisie-arrêt. S’il sait ou soupçonne qu’une personne est ou sera, dans les douze mois, tenue de faire un paiement à une autre personne qui, elle‑même, est tenue de faire un paiement en vertu de la présente loi (appelée « débiteur fiscal » au présent paragraphe et aux paragraphes (1.1) et (3)), le ministre peut exiger par écrit de cette personne que les fonds autrement payables au débiteur fiscal soient en totalité ou en partie versés, sans délai si les fonds sont immédiatement payables, sinon au fur et à mesure qu’ils deviennent payables, au receveur général au titre de l’obligation du débiteur fiscal en vertu de la présente loi. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[13]         Madame Browning affirme que, peu importe le montant de sa dette envers Berkeley en date du 1er janvier 1994, elle n’était plus, pendant la période pertinente au regard des demandes formelles de paiement actuelles (faites entre le 11 octobre 2000 et le 16 juillet 2007), « tenue de faire un paiement » à Berkeley. Selon le premier argument avancé par l’avocat de l’appelante, même si la valeur des actions était moindre que la dette totale de Mme Browning envers Berkeley, les titres ont été acceptés en règlement intégral et définitif de cette créance. À mon avis, il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve en ce sens et il est inutile d’examiner plus avant ce moyen d’appel.

 

[14]         Le principal argument invoqué par Mme Browning tient au fait que, même si elle est demeurée endettée envers Berkeley d’une somme inférieure à celle visée par l’hypothèque, le droit de cette société, lorsque les demandes formelles de paiement actuelles ont été faites, de contraindre sa débitrice à payer la dette hypothécaire était prescrit suivant les paragraphes 3(5) et 5(1) et l’alinéa 5(2)(a) de la Limitation Act (Loi sur la prescription) de la Colombie‑Britannique :

 

[traduction]

 

Délais de prescription

 

[…]

 

3(5) Toute autre action qui n’est pas expressément visée par la présente loi ou une autre loi se prescrit par six ans à compter de la date où prend naissance le droit d’agir en justice.

 

[…]

 

Confirmation d’un droit d’action

 

5(1) Lorsqu’un délai de prescription prévu dans la présente loi a commencé à courir, mais avant son expiration, et qu’une personne contre laquelle une action peut être intentée confirme l’existence d’un droit d’action, le délai écoulé avant la date de la confirmation n’est pas comptabilisé dans le calcul du délai de prescription de l’action qui pourrait être intentée par la personne bénéficiant de la confirmation contre la personne qui l’a donnée.

 

(2) Pour l’application de la présente disposition :

 

a)         une personne confirme un droit d’action seulement si elle :

 

(i)         soit reconnaît un droit d’action, un droit ou un titre appartenant à autrui,

(ii)        soit effectue un paiement relativement à un droit d’action, à un droit ou à un titre appartenant à autrui,

 

[15]         En plus de faire obstacle à un droit d’action après l’expiration du délai de prescription applicable à une dette, la Limitation Act va jusqu’à prévoir que s’éteignent [traduction] « le droit et le titre de celui qui avait ce droit d’action ». Le paragraphe 9(1), disposition apparemment propre à la Colombie‑Britannique, est ainsi rédigé :

 

[traduction]

 

Extinction du droit d’action

 

9(1)      À l’expiration du délai de prescription prévu à la présente loi pour l’action en recouvrement de créance, de dommages‑intérêts ou autre somme due, ou en reddition de compte, s’éteignent, à l’égard de la personne contre laquelle le droit d’action aurait été exercé et de ses successeurs, le droit et le titre de celui qui avait ce droit d’action comme de quiconque le revendique par l’intermédiaire de ce dernier.

 

[16]         Comme il est mentionné plus haut, les faits suivants sont constants : Berkeley était un « débiteur fiscal » au sens du paragraphe 224(1); sa convention hypothécaire du 25 août 1988 avec Berkeley était valide; elle a reçu des fonds dans le cadre de cette convention; et son seul paiement au titre de la dette hypothécaire a eu lieu le 1er janvier 1994, lorsqu’elle a transféré à Berkeley certaines actions qui, selon le juge McArthur, avaient une valeur de 250 000 $, ce qui laissait un solde impayé à cette date de 303 000 $.

 

[17]         L’avocat de l’appelante soutient que, comme Mme Browning n’a fait aucun autre paiement au titre de l’hypothèque après le 1er janvier 1994 et comme Berkeley n’a intenté aucune action contre elle pour obtenir paiement, Berkeley avait, selon l’article 5 de la Limitation Act de la Colombie‑Britannique, six ans à partir de la date du défaut de l’appelante dans le cadre du prêt hypothécaire, soit jusqu’au 1er janvier 2000, pour intenter une action contre l’appelante afin d’exercer son droit d’obtenir remboursement aux termes de l’hypothèque. Comme aucune mesure en ce sens n’a été prise, la dette hypothécaire est devenue, après l’expiration de ce délai de six ans, inexigible de Mme Browning suivant les dispositions des paragraphes 3(5), 5(1) et 5(2) et elle est éteinte en application du paragraphe 9(1) de la Limitation Act.

 

[18]         Comme la première demande formelle de paiement actuelle a été faite en octobre 2000, soit quelques dix mois après l’expiration du délai de prescription le 1er janvier 2000, il est soutenu que Mme Browning n’était pas, à l’époque, « tenue de faire un paiement » et qu’aucuns fonds n’étaient « autrement payables » à Berkeley au sens du paragraphe 224(1). Il s’ensuit qu’elle n’a pas « omis de se conformer » aux demandes formelles de paiement actuelles fondées sur le paragraphe 224(4), puisque aucune somme n’était « payable » au sens de cette disposition. Comme les conditions du paragraphe 227(10) n’étaient pas réunies, le ministre n’avait pas le pouvoir d’établir une cotisation en application de cette disposition et la cotisation est donc invalide.

 

[19]         L’avocat de l’appelante a avancé que, dans ces circonstances, l’article 222 de la Loi ne peut jouer. Le ministre peut invoquer cette disposition pour faire renaître une dette fiscale due à la Couronne fédérale (soit directement par un débiteur fiscal, soit indirectement par un tiers dont la responsabilité au titre d’une demande formelle de paiement peut être établie) qui serait autrement prescrite sous le régime d’une loi provinciale. Cependant, ses pouvoirs ne lui permettent pas de créer une « dette fiscale » en faisant renaître entre le débiteur fiscal et le tiers une créance déjà inexigible et éteinte par cette loi. L’avocat de l’appelante a résumé son raisonnement de la façon suivante :

 

[traduction]

 

Notre système de défense est qu’il ne peut exister une dette fiscale pour l’appelante que si, au moment où ces demandes formelles de paiement ont été faites, elle était endettée aux termes du prêt hypothécaire. Voilà ce que nous voulons établir, et nous tentons de faire valoir que, parce que la Limitation Act de la Colombie‑Britannique s’applique à la dette hypothécaire, l’appelante n’était tenue au paiement d’aucune somme après le 1er janvier 2000. L’article 222 ne s’applique nullement à cette question[13].

 

[…] nous devons avoir à l’esprit la distinction qui existe entre la dette à laquelle cette cotisation donne naissance et la dette hypothécaire, sur le fondement de laquelle on a imposé cette obligation[14].

 

Thèse de l’intimée

 

[20]         L’intimée avance que, vu les règles en matière de préclusion pour même question en litige, Mme Browning ne pouvait remettre en cause la dette fiscale sous‑jacente de Berkeley puisque cette question avait déjà été tranchée de manière définitive par le juge McArthur[15]. L’avocate de l’intimée renvoie la Cour à la décision McFadyen c. R.[16], dans laquelle le juge en chef Rip a appliqué les principes de la préclusion pour même question en litige énoncés dans l’arrêt Henderson v. Henderson[17], et à l’arrêt Chevron Canada Resources Ltd. c. R.[18] de la Cour d’appel fédérale. Comme il ressort clairement à la fois des avis d’appel et des observations de l’avocat de l’appelante que Mme Browning ne conteste pas la validité de la cotisation établie à l’égard de Berkeley, il n’y a rien à ajouter sur cet argument. Comme l’avocate de l’intimée l’a elle‑même reconnu, la préclusion pour même question en litige ne joue pas en ce qui concerne la contestation de Mme Browning relative à la dette hypothécaire en date des demandes formelles de paiement actuelles. La Cour n’était pas saisie de cette question dans le cadre de l’appel sur lequel le juge McArthur a statué; ce point n’aurait pas pu être soulevé comme moyen de défense puisque, au moment des précédentes demandes formelles de paiement, la dette hypothécaire n’était pas encore frappée de prescription.

 

[21]         La seule question qui subsiste touche donc la validité des cotisations établies par le ministre en vertu des paragraphes 224(1) et (4) et 227(10) et l’applicabilité, par ailleurs, de l’article 222 à la situation de Mme Browning. À cet égard, l’intimée avance que, même si aux termes de la Limitation Act de la Colombie‑Britannique est inexigible et éteinte la dette de Mme Browning envers Berkeley, aux termes de l’article 222 de la Loi le ministre peut intenter contre Mme Browning une action en recouvrement de la dette fiscale de Berkeley sous le régime de la partie XV de la Loi au moins jusqu’au 4 mars 2014. Les parties pertinentes de l’article 222 sont reproduites ci‑dessous :

 

(1) Définitions. Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

 

« action » Toute action en recouvrement d’une dette fiscale d’un contribuable, y compris les procédures judiciaires et toute mesure prise par le ministre en vertu des paragraphes 129(2), 131(3), 132(2) ou 164(2), de l’article 203 ou d’une disposition de la présente partie.

 

« dette fiscale » Toute somme payable par un contribuable sous le régime de la présente loi.

 

(2)        Créances de Sa Majesté. La dette fiscale est une créance de Sa Majesté et est recouvrable à ce titre devant la Cour fédérale ou devant tout autre tribunal compétent ou de toute autre manière prévue par la présente loi.

 

(3) Prescription. Une action en recouvrement d’une dette fiscale ne peut être entreprise par le ministre après l’expiration du délai de prescription pour le recouvrement de la dette.

 

(4) Délai de prescription. Le délai de prescription pour le recouvrement d’une dette fiscale d’un contribuable :

 

a)      commence à courir :

[…]

 

            (ii) si le sous‑alinéa (i) ne s’applique pas et que la dette était exigible le 4 mars 2004, ou l’aurait été en l’absence de tout délai de prescription qui s’est appliqué par ailleurs au recouvrement de la dette, le 4 mars 2004;

 

b) prend fin, sous réserve du paragraphe (8), dix ans après le jour de son début. [Non souligné dans l’original.]

 

[22]         L’avocate de l’intimée a ajouté que les paragraphes 222(5), (6) et (8) permettaient de prolonger davantage ce délai :

 

(5) Reprise du délai de prescription. Le délai de prescription pour le recouvrement d’une dette fiscale d’un contribuable recommence à courir – et prend fin, sous réserve du paragraphe (8), dix ans plus tard – le jour, antérieur à celui où il prendrait fin par ailleurs, où, selon le cas :

 

a)      le contribuable reconnaît la dette conformément au paragraphe (6);

b)      le ministre entreprend une action en recouvrement de la dette;

c)      le ministre établit, en vertu des paragraphes 159(3) ou 160(2) ou de l’alinéa 227(10)a), une cotisation à l’égard d’une personne concernant la dette.

 

(6) Reconnaissance de dette fiscale. Se reconnaît débiteur d’une dette fiscale le contribuable qui, selon le cas :

 

a)      promet, par écrit, de régler la dette;

b)      reconnaît la dette par écrit, que cette reconnaissance soit ou non rédigée en des termes qui permettent de déduire une promesse de règlement et renferme ou non un refus de payer;

c)      fait un paiement au titre de la dette, y compris un prétendu paiement fait au moyen d’un titre négociable qui fait l’objet d’un refus de paiement.

 

[…]

 

(8) Prorogation du délai de prescription. Le nombre de jours où au moins un des faits suivants se vérifie prolonge d’autant la durée du délai de prescription :

 

a)     en raison de l’un des paragraphes 225.1(2) à (5), le ministre n’est pas en mesure d’exercer les actions visées au paragraphe 225.1(1) relativement à la dette fiscale;

b)     le ministre a accepté et détient une garantie pour le paiement de la dette fiscale;

c)      la personne, qui résidait au Canada à la date applicable visée à l’alinéa (4)a) relativement à la dette fiscale, est un non‑résident;

d)     l’une des actions que le ministre peut exercer par ailleurs relativement à la dette fiscale est limitée ou interdite en vertu d’une disposition quelconque de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies ou de la Loi sur la médiation en matière d’endettement agricole.

 

[23]         Il est allégué qu’en l’espèce Mme Browning a « reconn[u] » sa dette fiscale au sens des paragraphes 222(5) et (6) lorsqu’en 2005, puis à nouveau en 2008, elle avait effectué des paiements au titre des précédentes demandes formelles de paiement de 108 246,56 $ et de 29 969,64 $, respectivement, ce qui aurait donné naissance à de nouveaux délais de prescription de dix ans. Selon le paragraphe 222(8), la durée du délai pourrait être prolongée encore davantage afin de compenser le nombre de jours où la Loi empêchait le ministre d’intenter une action en recouvrement, par exemple, pendant que l’appel interjeté à l’égard d’une cotisation est en instance[19].

 

[24]         L’avocate de l’intimée a rappelé à la Cour que les modifications touchant l’article 222 avaient été apportées à la suite de l’arrêt R. c. Markevich[20]. Par cet arrêt, la Cour suprême du Canada a conclu que, comme la Loi de l’impôt sur le revenu de l’époque était muette quant aux délais de prescription applicables au recouvrement des dettes fiscales, le délai de prescription prévu dans la Limitation Act de la Colombie‑Britannique s’appliquait pour faire échec aux mesures de recouvrement que le ministre avait prises contre M. Markevich. Il s’en est immédiatement ensuivi une succession de modifications, lesquelles visaient précisément à faire en sorte que les délais de prescription fédéraux applicables aux actions en recouvrement d’une dette fiscale l’emportent sur les délais qui étaient prévus dans les textes législatifs provinciaux et qui auraient autrement pu avoir pour effet de rendre la dette inexigible.

 

[25]         En préambule à son analyse approfondie de l’article 222, l’avocate de l’intimée a examiné certains termes définis qui, selon elle, sont pertinents au regard de la situation de Mme Browning : le paragraphe 248(1) de la Loi dispose que le terme « contribuable » englobe « toutes les personnes, même si elles ne sont pas tenues de payer l’impôt ». Suivant le paragraphe 222(1), une « dette fiscale » s’entend de toute somme payable par un contribuable et une « action » comprend « toute mesure prise par le ministre » sous le régime de la partie XV, Application et exécution (dans laquelle se trouvent notamment les articles 224 et 227), pour recouvrer « une dette fiscale d’un contribuable ». En conséquence, même si elle n’était pas elle‑même tenue de payer l’impôt, Mme Browning tombe sous le coup des définitions données au paragraphe 222(1) et demeure assujettie aux effets du paragraphe 222(4) en ce qui concerne la dette fiscale de Berkeley dont il est fait état dans sa cotisation de 1993[21]. Comme cette dette fiscale était exigible et non réglée lorsque l’article 222 est entré en vigueur le 4 mars 2004, le délai dans lequel le ministre pouvait s’adresser à elle pour le paiement de la dette fiscale de Berkeley a commencé à courir à cette date. Ce délai de dix ans ayant été prolongé davantage par la reconnaissance, par Mme Browning, de la dette fiscale de Berkeley et, à nouveau, par ses appels des cotisations visant les demandes formelles de paiement actuelles, le ministre dispose au moins jusqu’au mois de mars 2014 pour prendre des mesures de recouvrement contre elle. Ainsi muni de [traduction] « l’éventail extraordinairement efficace de mesures[22] » offert par l’article 222, les délais de prescription prévus dans la Limitation Act de la Colombie-Britannique ne peuvent absolument pas être opposés au Ministre.

 

[26]         L’avocate de l’intimée ne s’est penchée sur les paragraphes 224(1) et (4) et 227(10) que pour dire qu’il s’agissait des [traduction] « dispositions ayant donné naissance aux présents appels[23] ».

 

Analyse

 

[27]         À mon avis, le peu d’attention que l’intimée a accordée au pouvoir de cotisation du ministre met en lumière la faiblesse fondamentale de sa thèse. Le point de départ de n’importe quel appel visant une cotisation établie en vertu de la Loi est la validité de la cotisation. Pour être valide, la cotisation fondée sur le paragraphe 227(10) doit satisfaire à l’ensemble des exigences préalables prévues aux paragraphes 224(1) et (4)[24]. Tant que cette conclusion quant au fond n’a pas été tirée, je conviens avec l’avocat de l’appelante que l’article 222 ne saurait jouer.

 

[28]         En l’espèce, les cotisations du ministre reposent sur l’hypothèse de fait voulant que Mme Browning, au moment des demandes formelles de paiement actuelles, ait été « tenue de faire un paiement » à Berkeley et qu’elle soit donc responsable de la dette fiscale de Berkeley selon le paragraphe 224(1)[25]. Bien que l’éventuelle dette fiscale de Mme Browning découle des demandes formelles de paiement actuelles faites en application du paragraphe 224(1) de la Loi, c’est la cotisation subséquente fondée sur le paragraphe 227(10) qui fait l’objet de l’appel. Si elle conteste cette cotisation, Mme Browning a la possibilité de réfuter les hypothèses formulées au soutien de celle‑ci.

 

[29]         Dans l’affaire Maritime Life Assurance Company c. Her Majesty the Queen[26], par exemple, la contribuable a contesté avec succès la cotisation établie à son égard par le ministre pour défaut d’obtempérer à une demande formelle de paiement. Elle a en effet montré qu’elle n’était pas tenue de faire un paiement au débiteur fiscal au moment où les demandes formelles de paiement lui avaient été adressées.

 

6          La question de savoir si les demandes de paiement du ministre sont efficaces dépend, du moins au départ, de la réponse à la question de savoir si les valeurs au comptant des polices étaient « payables », au sens du paragraphe 224(1), lorsque les demandes ont été faites. J’ai cru comprendre que les deux avocats reconnaissaient que la réponse à cette question dépend simplement de la question de savoir si SK et RK pouvaient à ce moment‑là demander à la société appelante de leur verser sans délai la valeur au comptant des polices. Le fait qu’il en soit ainsi ne saurait être contesté, compte tenu d’un certain nombre d’arrêts qui font autorité, dont le plus récent est l’arrêt Canada (Attorney General) v. Yannelis2 de la Cour d’appel fédérale du Canada. Dans cet arrêt‑là, il a été statué que le mot « payable » tel qu’il est utilisé au sous‑alinéa 58(8)b)(i) du Règlement sur l’assurance-chômage

 

[...] renvoie au moment où la paye de vacances est due à un prestataire en ce sens qu’il peut, par son contrat de travail et par la règle générale, se la faire payer et que son employeur est tenu de la verser. Autrement dit, elle est payable lorsqu’un demandeur est en mesure, sur le plan juridique, de faire exécuter le paiement. Ce moment, ainsi qu’il a été décidé dans l’affaire Legge précitée, ne devrait pas dépendre du moment où la paye de vacances impayée a par hasard été demandée si, sur le plan juridique, elle est devenue payable dans le sens ci‑dessus à un moment antérieur. [Non souligné dans l’original; notes de bas de page omises.]

 

[30]         En conséquence, bien que le paragraphe 224(1) permette au ministre d’adresser par écrit à un tiers une demande formelle de paiement de « fonds autrement payables au débiteur fiscal » sur le seul fondement d’un soupçon, le tiers n’assume aucune responsabilité s’il peut établir qu’au moment où les demandes formelles de paiement ont été faites, aucune somme n’était « due » et qu’il n’était « pas tenu de la verser ». Un moyen de défense possible selon « la règle générale » consiste à établir qu’à la date de prise d’effet de la demande formelle de paiement, le débiteur fiscal ne pouvait exiger le paiement de la dette auprès du tiers par suite de l’application d’un texte législatif provincial sur la prescription.

 

[31]         C’est là le système de défense de Mme Browning. À cet égard, ce cas de figure est bien différent de celui de la décision Markevich. Contrairement à Mme Browning, M. Markevich avait directement fait l’objet d’une cotisation et il invoquait uniquement les délais de prescription prévus dans les mêmes dispositions du texte législatif de la Colombie‑Britannique afin de contester l’exigibilité de sa « dette fiscale » par ailleurs reconnue. Même si l’avocate de l’intimée a décrit ainsi la question soulevée dans l’affaire Markevich, [traduction] « savoir si […] le [ministre] a adressé trop tardivement les demandes formelles de paiement[27] », il ressort des conclusions de fait tirés par le juge Evans (tel était alors son titre) en première instance que les mentions faites des demandes formelles de paiement n’étaient qu’accessoires à la question de fond visée par l’appel, soit la responsabilité directe de M. Markevich envers la Couronne :

 

[…]

 

3 Le demandeur, M. Markevich, était pendant toute la période en question un résident de la Colombie‑Britannique. Durant les premières années 1980, il a omis de payer l’impôt sur le revenu gagné dans la promotion de valeurs mobilières. Il n’a jamais contesté la validité ou l’exactitude des avis de cotisation envoyés par le ministre.

 

4 En 1986, Revenu Canada a établi qu’il devait 267 437,61 $ en impôt. En 1987, sa maison a été vendue et le Ministère a affecté le produit de la vente à l’apurement partiel de sa dette fiscale. Dans le courant de l’année, Revenu Canada a décidé de « radier » le solde de l’impôt encore dû, par ce motif que le demandeur n’avait aucun autre actif ni revenu, et qu’il n’y avait aucune perspective réaliste de perception dans un avenir prévisible.

 

5 « Radier » une dette ne signifie pas l’éteindre ou en faire grâce; il s’agit d’une opération comptable interne qui enlève la dette fiscale d’un contribuable du rôle de perception active de Revenu Canada. Le paragraphe 25(3) de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F‑11 (modifiée), prévoit que « [l]a radiation visée au présent article ne porte pas atteinte au droit de Sa Majesté de recouvrer la créance en cause ».

 

6 Depuis 1992, le demandeur fait état d’un revenu dans ses déclarations d’impôt; certaines années, il a tardé à payer l’impôt établi. Après paiement de l’impôt pour ces années, il a reçu en septembre 1993 un état de compte où le solde dû à Revenu Canada était 0 $. Pour les années 1995 à 1997, il était de nouveau en retard de paiement, et des sommations de payer ont été envoyées à ses débiteurs pour les informer de la dette fiscale du contribuable et leur enjoindre de payer à Revenu Canada ce qu’ils devaient au demandeur. Durant cette période, les relevés de compte envoyés au demandeur et les sommations de payer envoyées à ses débiteurs indiquaient seulement le montant de l’impôt dû pour ces années, et non le montant plus important de la dette fiscale antérieure à l’année 1986.

 

7 En janvier 1998 cependant, il a été informé qu’il devait aussi l’impôt impayé des années antérieures, jusqu’en 1986 inclusivement, savoir 770 583,42 $ dont 267 437,61 $ pour l’impôt en souffrance et 503 145,81 $ pour les intérêts courus. Il appert qu’à la suite d’un changement dans la politique en la matière, les dettes fiscales antérieurement radiées sont maintenant incluses par Revenu Canada dans les relevés de compte envoyés aux contribuables comme dans les sommations de payer envoyées, le cas échéant, à leurs débiteurs.

 

8 N’ayant pratiquement rien entendu au sujet de cette dette dans toutes ses communications avec Revenu Canada depuis 1986, et n’ayant ni reconnu la dette ni effectué aucun paiement à ce titre depuis 1986, le demandeur a été tout décontenancé par cette information reçue en janvier 1998. En particulier, il craignait que la mention de cette somme considérable dans les sommations de payer dont Mme Kara lui disait qu’elles seraient envoyées à ses débiteurs ne soit extrêmement préjudiciable à son entreprise. Il y a cependant lieu de noter aussi qu’en août 1996, il avait été informé que l’avis de cotisation établi pour l’année d’imposition 1993 ne comprenait pas la dette fiscale antérieure et qu’un relevé détaillé suivrait. Ce relevé n’a pas été envoyé[28]. [Non souligné dans l’original.]

 

[32]         Contrairement à M. Markevich (et, d’ailleurs, aux contribuables visés dans les quelques décisions rendues après les modifications accessoires apportées à l’article 222 (Gibson c. R.[29] et Collins v. R.[30]), Mme Browning n’est pas elle‑même endettée envers la Couronne pour ses propres impôts non payés. Et, à la différence de la contribuable dans l’arrêt Bleau c. Canada[31], elle n’essaie pas de faire valoir que la dette fiscale sous‑jacente de Berkeley est frappée de prescription : dans cette affaire, la contribuable est devenue responsable du paiement de la dette fiscale de l’auteur d’un transfert au sens de l’article 160 au moment du transfert, soit bien avant l’expiration d’un quelconque délai de prescription susceptible de jouer. Cependant, Mme Browning invoque le délai de prescription prévu dans la loi provinciale non pas pour faire obstacle à l’action que le ministre a intentée en vue de recouvrer une dette fiscale déjà établie, mais plutôt pour montrer qu’aucune dette de ce genre n’a jamais existé.

 

[33]         La Cour doit donc maintenant rechercher si Mme Browning était « tenue de faire un paiement » à Berkeley aux dates de prise d’effet des demandes formelles de paiement actuelles. Je retiens le témoignage de M. Browning selon lequel l’appelante, après le 1er janvier 1994, n’a fait aucun autre paiement au titre de la dette hypothécaire et Berkeley n’a pris aucune mesure pour la contraindre à payer. Dans ces circonstances, à cette date, l’appelante était en défaut selon le document hypothécaire et Berkeley avait jusqu’au 1er janvier 2000, sous le régime de la Limitation Act de la Colombie‑Britannique, pour intenter une action et exercer son droit au remboursement de sa dette hypothécaire. Étant donné que cette mesure n’a pas été prise et que Mme Browning n’a rien fait pour confirmer la dette avant l’expiration du délai de prescription, la dette hypothécaire, le 1er janvier 2000, est devenue inexigible et a été éteinte conformément aux paragraphes 3(5), 5(1), 5(2) et 9(1) de la Limitation Act de la Colombie‑Britannique.

 

[34]         Il s’ensuit que, lorsque les demandes formelles de paiement actuelles ont été faites (d’octobre 2000 à juillet 2007), Mme Browning n’était plus responsable envers Berkeley de la dette hypothécaire. Par conséquent, les critères d’application prévus aux paragraphes 224(1) et (4) ne sont pas remplis, le ministre n’avait pas le pouvoir d’établir une cotisation fondée sur le paragraphe 227(10) à l’égard de Mme Browning et la cotisation est donc invalide.

 

[35]         Dans cette situation, il est inutile d’examiner les arguments relatifs à l’article 222 avancés par l’intimée. Le ministre ne peut pas invoquer cette disposition pour contourner les critères prévus à l’article 224, sur lesquels repose son pouvoir d’établir une cotisation en vertu du paragraphe 227(10).

 

[36]         Malgré les modifications apportées à l’article 222 par suite de l’arrêt Markevich, l’enseignement de cette décision est toujours d’actualité : le ministre a l’obligation d’agir avec une certaine célérité dans le recouvrement des dettes fiscales. Le choix du ministre en l’espèce d’adresser au compte‑goutte des demandes formelles de paiement à Mme Browning sur une période de 15 ans pour recouvrer la dette fiscale de 1989‑1990 de Berkeley est loin de correspondre à la situation idéale qu’évoque le juge Major au paragraphe 20 de l’arrêt de la Cour suprême du Canada :

 

[…] Si, pendant une longue période, le ministre ne fait aucun effort pour recouvrer une créance fiscale, le contribuable peut, un moment donné, raisonnablement en venir à penser ne plus être redevable de cette obligation, et gérer ses affaires en conséquence. En outre, un délai de prescription incite le ministre à agir avec diligence dans le recouvrement des créances fiscales. Vu les répercussions importantes que celui‑ci a sur la sécurité financière des citoyens canadiens, le fait pour le ministère de tarder à exercer ses droits en matière de recouvrement est contraire à l’intérêt public. […][32]

 

[37]         Les appels sont accueillis, avec dépens, et les cotisations établies par le ministre du Revenu national sont annulées.

 

Les présents jugements modifiés et les présents motifs des jugements modifiés remplacent les jugements et les motifs des jugements datés du 30 septembre 2010.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour d’octobre 2010.

 

 

« G. A. Sheridan »

Juge Sheridan

 

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour de janvier 2011.

 

 

 

 

François Brunet, réviseur

 


RÉFÉRENCE :                                  2010 CCI 487

 

NOS DES DOSSIERS DE LA COUR :          2007-3711(IT)G; 2008-1924(IT)G

 

INTITULÉ :                                       Debra Browning c.

                                                          Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 13 janvier 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

MODIFIÉ :                                       L’honorable juge G. A. Sheridan

 

DATE DU JUGEMENT

MODIFIÉ :                                       Le 15 octobre 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelante :

Me David A.G. Birnie

Avocate de l’intimée :

Me Susan Wong

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                      David A. G. Birnie

 

                          Cabinet :                  Birnie & Company

                                                          Vancouver (Colombie-Britannique)

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1] Pièce A-1, recueil des documents de l’appelante, onglet 8.

 

[2] Réponse à l’avis d’appel no 2007-3711(IT)G, alinéa 14e); réponse à l’avis d’appel no 2008‑1924(IT)G, alinéa 13e).

 

[3] Pièce R-1 (2004 CCI 414).

 

[4] Ci-dessus, paragraphe 11.

[5] L’appelante allègue au paragraphe 16 de l’avis d’appel no 2007-3711(IT)G que cette somme a été payée en totalité. Au paragraphe 7 de la réponse à l’avis d’appel, le ministre nie que la somme a été payée intégralement, mais il reconnaît l’exactitude des autres faits énoncés au paragraphe 16. Les mêmes allégations, admissions et dénégations figurent au paragraphe 17 de l’avis d’appel no 2008‑1924(IT)G et au paragraphe 6 de la réponse, respectivement.

 

[6] On affirme au paragraphe 10 de la réponse à l’avis d’appel no 2008‑1924(IT)G que cette somme correspond à 75 versements mensuels de 2 497,47 $ payables par l’appelante à Berkeley aux termes du document hypothécaire, selon le jugement McArthur.

 

[7] Pièce A-1, recueil des documents de l’appelante, onglet 12.

 

[8] Ci-dessus, onglet 13.

 

[9] Témoignage de Richard Browning, transcription, page 42, lignes 2 à 21.

 

[10] Réponse à l’avis d’appel no 2008-1924(IT)G, paragraphe 1.

 

[11] Avis d’appel no 2008-1924(IT)G, paragraphe 16.

 

[12] Témoignage de Richard Browning, transcription, page 42, lignes 18 à 25.

 

[13] Transcription, page 93, lignes 14 à 21.

 

[14] Transcription, page 94, lignes 9 à 12.

 

[15] Transcription, page 83, lignes 9 à 16; page 86, lignes 10 à 25, jusqu’à la page 87, lignes 1 à 15.

 

[16] 2008 CCI 441.

 

[17] (1843), 3 Hare 100, page 115 (vice chancelier Wigram).

 

[18] [1999] 3 C.T.C. 140, paragraphe 36 (juge Noël).

[19] Paragraphes 225.1(2) à (5).

 

[20] [2003] 1 R.C.S. 94.

[21] Recueil des documents de l’appelante, onglet 1.

 

[22] Transcription, page 76, lignes 12 et 13.

 

[23] Transcription, page 79, lignes 16 et 17.

 

[24] Marina Homes Ltd. et al v. Her Majesty the Queen, 2001 DTC 5046, paragraphe 19 (C.F. 1re inst.).

 

[25] Réponse à l’avis d’appel no 2007-3711(IT)G, paragraphe 14(l), et réponse à l’avis d’appel no 2008-1924(IT)G, alinéa 13l).

 

[26] 97 DTC 1321 (C.C.I.).

 

[27] Transcription, page 66, lignes 12 et 13.

[28] [1999] 2 C.T.C. 104, paragraphes 3 à 8. (C.F. 1re inst.).

 

[29] 2005 CAF 180; [2006] 2 C.T.C. 5. (C.A.F.).

 

[30] [2006] 1 C.T.C. 1. (F.C.).

 

[31] [2007] A.C.F. no 209. (C.A.F.); 2006 CCI 36, paragraphe 8 (C.C.I.).

[32] Plus haut.

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