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Dossier : 2009-1051(GST)I

ENTRE :

STÉPHANE DESJARDINS,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 10 février 2010, à Montréal (Québec).

 

Devant : L'honorable juge Réal Favreau

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelant :

Me Gilles Gravel

Avocat de l'intimée :

Me Benoît Denis

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

        L’appel de la cotisation, dont l’avis est daté du 17 décembre 2007 et ne porte pas de numéro, établie en vertu de la Partie IX de la Loi sur la taxe d’accise pour la période de déclaration mensuelle de septembre 2007, est rejeté selon les motifs du jugement ci‑joint.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour d'octobre 2010.

 

 

 

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 


 

 

 

Référence : 2010 CCI 521

Date : 20101015

Dossier : 2009-1051(GST)I

ENTRE :

STÉPHANE DESJARDINS,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Favreau

 

[1]              Il s’agit d’un appel par voie de la procédure informelle d’une cotisation en vertu de la Partie IX de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. (1985), c. E‑15, telle que modifiée (la « LTA ») dont l’avis est daté du 17 décembre 2007 et ne porte pas de numéro, pour la période de déclaration mensuelle de septembre 2007 de l’appelant.

 

[2]              Selon l’avis de cotisation, le ministre du Revenu du Québec en tant que mandataire du ministre du Revenu national (collectivement désignés comme le « ministre ») a déterminé le montant de la taxe nette de l’appelant pour le mois de septembre 2007 à un montant de 960 864,59 $ de la manière suivante, à savoir :

 

Taxe sur les produits et services (« TPS ») perçue ou percevable

 

=    964 722,65 $

Crédit de taxe sur les intrants (« CTI ») accordés (inchangés)

 

      3 858,06 $

Taxe nette

960 864,59 $

 

et a imposé des intérêts au montant de 11 198,89 $ pour un montant totalisant 972 063,48 $.

 

[3]              En établissant ladite cotisation, le ministre a ajouté au montant de la TPS perçue ou percevable déclarée, la TPS que l’appelant est réputé avoir payée, à titre d’acquéreur, et perçue, à titre de fournisseur, au  montant de 962 076,84 $ (964 722,65 $ - 2 645,81 $) relativement à la fourniture à soi‑même de l’immeuble, calculée sur la juste valeur marchande (« JVM ») dudit immeuble établie par le ministre, l’appelant ne s’étant pas autocotisé lors de la fourniture à soi‑même dudit immeuble.

 

[4]              Le rajustement au montant de 962 076,84 $ apporté au calcul de la taxe nette déclarée de l’appelant mentionné au paragraphe précédent représente la TPS calculée sur la JVM de l’immeuble établie à un montant de 16 034 613,05 $ avant TPS et la taxe de vente du Québec (la « TVQ ») payables et tous les remboursements de TPS et TVQ pour un immeuble d’habitation locatif neuf applicables.

 

[5]              Dans le délai prescrit, l’appelant a produit sa déclaration mensuelle de taxe nette dans laquelle il a calculé sa taxe nette à un montant négatif de (1212,25 $) de la manière suivante, à savoir :

 

TPS perçue ou percevable

2 645,81 $

CTI demandés

3 858,06 $

Taxe nette

(1 212,25 $)

 

[6]              Quant au remboursement de la TPS pour un immeuble d’habitation locatif neuf à l’égard dudit immeuble, l’appelant ne l’a pas demandé et, par conséquent, le ministre ne le lui a pas accordé dans la mesure où il y aurait eu droit.

 

[7]              Le problème découle du fait que l’appelant a, au cours du mois de septembre 2007 alors que l’immeuble sis au 25, Place Casavant à Sainte-Thérèse (ci‑après l’« immeuble ») était presqu'achevé, transféré par bail l’occupation d’une habitation à titre résidentiel à une personne qui était la première à occuper une telle habitation. L’appelant n’a pas alors payé, à titre d’acquéreur, et n’a pas perçu à titre de fournisseur, la TPS relative à la fourniture réputée effectuée à soi‑même de l’immeuble sur la JVM de l’immeuble à ce moment. La TPS n’a pas été incluse dans le calcul de la taxe nette pour la période visée qu’il a déclarée au ministre, ni pour toute autre période mensuelle antérieure ou postérieure à la période visée.

 

[8]              La seule question en litige est de déterminer la JVM, au mois de septembre 2007, de l’immeuble de l’appelant et, par conséquent, le montant de la TPS payable par l’appelant pour la période visée lors de la fourniture à soi‑même dudit immeuble.

 

[9]              L’appelant prétend que la JVM de l’immeuble se situe entre 14 700 000 $ et 14 900 000 $ alors que la JVM de l’immeuble retenue par le ministre est de 16 034 614,05 $, selon la méthode du coût de remplacement.

 

[10]         L’appelant a mandaté une évaluatrice agréée afin de faire évaluer la JVM de l’immeuble au 30 septembre 2007. Une lettre d’opinion de la JVM de l’immeuble a été produite le 7 mars 2008 et un rapport d’évaluation daté du 20 novembre 2009 a été préparé aux fins du litige.

 

[11]         Avant de procéder à l’analyse du rapport d’évaluation, il y a lieu d’apporter des précisions concernant certaines caractéristiques de l’immeuble en question. Il s’agit d’un immeuble multi‑résidentiel neuf de 6 étages (incluant le rez‑de‑chaussée) et un sous‑sol pour le garage. L’immeuble dont la structure est en béton comprend 180 logements, soit 12 unités de type studio ou 1½ pièce, 60 unités de 3½ pièces, 95 unités de 4½ pièces et 13 unités de 5½ pièces. L’immeuble comprend une piscine intérieure chauffée, un bain à remous (spa), un sauna, une salle d’exercice et une salle communautaire et 243 places de stationnement, soit 79 places intérieures, 154 places extérieures et 10 places pour les visiteurs. Le garage du sous‑sol et les étages sont reliés par deux ascenseurs. Chaque unité de logement possède son compteur électrique pour l’éclairage et le chauffage; l’eau chaude est comprise dans le loyer et est fournie par le système de chauffage central à air chaud au gaz qui chauffe également les aires communes. Les unités de logement sont chauffées au moyen de plinthes électriques. Le recouvrement de plancher utilisé dans les aires communes sont des carreaux de céramique et du tapis alors que, dans les unités de logement, des carreaux de céramique et du stratifié (plancher flottant) ont été utilisés. Selon les observations de l’évaluatrice, la qualité de la structure de construction est dans la « classe B » alors que le type de finition intérieure et extérieure est de type « low cost ».

 

[12]         Madame Sylvie Lavoie, évaluatrice agréée, a témoigné à l’audience et elle a fourni des explications sur la méthode d’évaluation retenue et sur les facteurs ayant eu une incidence sur son évaluation. Elle a indiqué qu’elle avait considéré les trois méthodes normalement utilisées pour faire l’évaluation d’une propriété immobilière, soit la méthode du coût dont l’indice de valeur était de 17 700 000 $, la méthode du revenu dont l’indice de valeur était de 14 900 000 $ et la méthode de comparaison dont l’indice de valeur se situait entre 12 700 000 $ et 16 700 000 $. Selon elle, la meilleure méthode à utiliser dans les circonstances était la méthode du revenu parce que l’immeuble est générateur de revenus et que les revenus reflètent davantage la valeur de l’immeuble que ce qu’il a coûté pour le construire. Dans son rapport d’évaluation (pièce A‑1), elle a fait l’observation suivante à la page 21 :

 

Un acquéreur potentiel et bien averti s’intéressera beaucoup plus aux revenus que rapporte l’immeuble [sic] ainsi que le pourcentage de dépenses et combien de flux monétaire rapporte l’immeuble que combien il [sic] a coûté à construire.

 

La méthode de comparaison n’a pas été retenue à cause du faible taux de comparabilité des ventes répertoriées et analysées.

 

[13]         L’évaluatrice a expliqué que les fondements de la méthode du revenu sont basés sur le fait que la valeur d’un immeuble dépend de sa capacité à produire un niveau de revenu continu sur une base régulière à long terme. Pour réaliser la méthode du revenu, il faut estimer et normaliser le revenu brut effectif, ensuite estimer et normaliser les dépenses d’exploitation pour établir un revenu net normalisé qui est converti au taux du marché recherché par les investisseurs.

 

Revenus de location

 

[14]         En date de l’évaluation, le résumé de la location selon les baux de location en vigueur était comme suit :

 

Logements

Nombre

d’unités

Prix moyen

mensuel

Loyers réels potentiels

Unités

vacantes

% Vacance

(# unités)

% Vacance

($ revenus)

1½ pièce

12

628 $

90 360 $

0

0,0 %

0,0 %

3½ pièces

60

679 $

488 880 $

0

0,0 %

0,0 %

4½ pièces

95

859 $

979 200 $

18

10,0 %

11,2 %

5½ pièces

13

1 068 $

166 680 $

2

1,1 %

1,5 %

Total

180

 

1 725 120 $

20

11,1 %

12,7 %

 

[15]         L’évaluatrice a observé dans son rapport d’évaluation que les loyers mensuels de l’immeuble étaient plus élevés que les loyers moyens observés par la Société canadienne d’hypothèque et de logement (« SCHL ») dans la Zone 26 et publiés dans son rapport sur le marché locatif en octobre 2007 mais que les loyers mensuels étaient comparables aux loyers mensuels moyens observés pour les grands complexes résidentiels (100 unités et plus) sur le territoire de Laval et de la Rive‑Nord. Par contre, l’évaluatrice a appliqué une prime de risque au taux global d’actualisation (« TGA ») parce que le niveau des loyers risque d’être difficile à maintenir dans le temps à cause de la finition intérieure des appartements qui est inférieure à ce que l’on pourrait s’attendre pour ce type de construction. Selon elle, le propriétaire risque de devoir offrir des gratuités (mois de loyer ou de stationnement) afin de maintenir le niveau de loyer actuel.

 

Vacances et mauvaises créances ‑ logements

 

[16]         L’immeuble présentait un taux d’inoccupation pour l’ensemble des logements (11,1 % à 12,7 %) plus élevé que les taux d’inoccupation observés par la SCHL (0,8 % à 4,4 %). Selon l’évaluatrice, cet écart était dû au fait, qu’en date d’évaluation, l’immeuble était encore en processus de location. Pour fin d’évaluation, elle a normalisé le taux d’inoccupation à 4,0 %, incluant à la fois l’inoccupation et les mauvaises créances.

 

Revenus de stationnement, vacances et mauvaises créances

 

[17]         La propriété à l’étude dispose de 79 places de stationnement intérieures, 154 places de stationnement extérieures et 10 places de stationnement extérieures sont réservées aux visiteurs. Les taux de location sont de 60 $/mois pour une place intérieure et 15 $/mois pour une place extérieure. La situation à la date d’évaluation était la suivante :

 

Stationnements

Disponibles

Loués

Vacants

Intérieurs

79

51

64,6 %

28

35,4 %

Extérieurs

154

101

65,6 %

53

34,4 %

Sous‑total

233

152

65,2 %

81

34,8 %

Visiteurs (extérieurs)

10

 

 

 

 

Total

243

 

 

 

 

 

L’évaluatrice a constaté que le nombre de places de stationnement était supérieur aux besoins des locataires et pour les fins de l’étude, elle a appliqué un taux de vacances et de mauvaises créances de 30 %, en fonction du taux de vacances retenu pour les logements.

 

Dépenses d’exploitation

 

[18]         Comme l’immeuble est une nouvelle construction, aucun historique des dépenses d’exploitation n’était disponible pour analyse et comparaison avec des immeubles de même catégorie. Afin d’estimer les montants de dépenses normales, l’évaluatrice a consulté les dépenses d’exploitation prévues pour 2008 et elle a procédé à des estimations à partir des dépenses mensuelles pour le mois de janvier 2008 et des contrats d’entretien pour 2007‑2008. Selon elle, le montant des dépenses d’exploitation lui apparaissait normal. Les dépenses à l’égard desquelles elle ne disposait d’aucune information ont été estimées à partir des données d’immeubles comparables.

 

Frais de gestion et réserve structurale

 

[19]         Pour les fins d’évaluation, l’évaluatrice a retenu des frais de gestion de 4 % du revenu brut effectif (« RBF ») et une réserve structurale de l’ordre de 2 % du RBE.

 

Estimation de la valeur par la méthode du revenu

 

[20]         Compte tenu des données précédentes, l’évaluatrice a estimé que le revenu net effectif de l’immeuble était de 1 156 606 $ auquel elle a appliqué un TGA de 7,75 % alors que les taux observés sur le marché sont plutôt de l’ordre de 6,24 % à 7,60 %. Le taux de TGA de 7,75 % comprend une prime de risque de 0,50 %, ce qui équivaut à environ un demi-mois de loyer gratuit ou à un ajustement des loyers de 4 % à la baisse. De plus, compte tenu de la faible qualité des matériaux de construction, elle a estimé qu’il y avait un risque dans le temps que le montant des dépenses d’entretien et de réparations excède le niveau normal. Selon la méthode d’actualisation directe, elle a estimé la valeur de l’immeuble à 14 900 000 $, soit 82 778 $ par unité de logement (excluant les taxes applicables et les remboursements).

 

[21]         Le ministre a fait analyser le rapport d’évaluation par un évaluateur agréé, monsieur Jocelyn Martin. Ce dernier a été reconnu à titre d’expert par la Cour et a témoigné à l’audience. Selon lui, dans le contexte de la fourniture à soi‑même, il s’agit de simuler le prix qu’un investisseur aurait eu à payer à un constructeur indépendant pour se procurer un immeuble comprenant le terrain et le bâtiment. Selon l'évaluateur Martin, la méthode du coût est la méthode à utiliser pour déterminer la JVM de l’immeuble au 30 septembre 2007.

 

[22]         Dans son analyse de la méthode du coût, l’évaluateur a estimé que la valeur du terrain, le coût de remplacement du bâtiment et le coût de l’aménagement du terrain reflètaient bien la valeur de chacune des composantes à la date de l’évaluation. L’évaluateur a toutefois indiqué que, dans le cas d’un immeuble résidentiel, la JVM devait inclure les différentes taxes et remboursements applicables à la date de l’évaluation. Par conséquent, la valeur de l’immeuble pour fins de cotisation serait de 15 533 129 $ (sans le remboursement du 36 %) et de 16 264 795 $ (avec le remboursement du 36 %).

 

[23]         Dans son analyse de la méthode du revenu, l’évaluateur a estimé que les revenus bruts de location, le taux d’inoccupation, les dépenses d’exploitation et les revenus représentaient fidèlement le potentiel locatif de l’immeuble. Le seul élément sujet à une interrogation concernait le TGA de l’ordre de 7,75 % incluant une prime de risque de 0,50 %. Selon lui, la prime de risque n’est aucunement justifiée compte tenu du fait que la qualité de la finition intérieure des unités de logement de l'immeuble se retrouve dans la majorité des constructions récentes destinées à des fins de location. De plus, il estime que le TGA devrait s’approcher de la limite inférieure des taux comparables calculés, qui varient de 6,24 % à 7,60 % pour une moyenne de 6,93 %, parce que les immeubles comparables utilisés sont des ventes d’immeubles locatifs dont l’année de construction se situait entre 1961 et 1967. D’importantes dépenses en capital devront être consacrées à ces immeubles pour permettre la continuité du niveau et de la qualité des revenus de location.

 

[24]         L’évaluateur Martin était également d'opinion que la méthode de comparaison ne pouvait être retenue compte tenu du faible niveau de comparabilité des ventes répertoriées.

 

[25]         Concernant l’exercice de réconciliation de l’évaluatrice Lavoie, l’évaluateur Martin a souligné que la valeur retenue de 14 900 000 $ excluait les taxes provinciales et fédérales, si applicables. Or, comme la valeur économique est basée sur l’analyse de transactions d’immeubles exonérés, l’indication obtenue par cette approche inclut par défaut les taxes nettes (TPS et TVQ moins les remboursements). Selon l’évaluateur Martin, le revenu net effectif de 1 156 606 $ divisé par 17 700 000 indique un TGA de l’ordre de 6,53 %. Ce taux est corroboré par le marché (un taux inférieur à 7 % est souvent utilisé dans le cas de constructions neuves) et démontre que le propriétaire était justifié de construire l’immeuble.

 

[26]         Lors de son témoignage, l’évaluateur Martin a souligné le fait que le coût réel de construction, soit 16 034 000 $ avant les taxes, correspondait au coût établi par l’évaluatrice Lavoie à 17 700 000 $ sur la base de livres de référence.

 

Analyse

 

[27]         La règle de la fourniture à soi‑même d’un immeuble d’habitation à logements multiples est énoncée au paragraphe 191(3) de la LTA en ces termes :

 

(3) Fourniture à soi-même d'un immeuble d'habitation à logements multiples — Pour l'application de la présente partie, lorsque les conditions suivantes sont réunies :

 

a)      la construction ou les rénovations majeures d'un immeuble d'habitation à logements multiples sont achevées en grande partie,

 

b)      le constructeur, selon le cas :

 

(i) transfère à une personne, qui n'est pas l'acheteur en vertu du contrat de vente visant l'immeuble, la possession d'une habitation de celui-ci aux termes d'un bail, d'une licence ou d'un accord semblable conclu en vue de l'occupation de l'habitation à titre résidentiel,

 

(i.1) transfère à une personne la possession d'une habitation de l'immeuble aux termes d'une convention prévoyant :

 

(A) d'une part, la fourniture par vente de tout ou partie du bâtiment faisant partie de l'immeuble,

 

(B) d'autre part, la fourniture par bail du fonds faisant partie de l'immeuble ou la fourniture d'un tel bail par cession,

 

(ii) étant un particulier, occupe lui-même à titre résidentiel une habitation de l'immeuble,

 

c)      le constructeur, la personne ou un particulier locataire de celle-ci ou titulaire d'un permis de celle-ci est le premier à occuper une telle habitation à titre résidentiel après que les travaux sont achevés en grande partie,

 

le constructeur est réputé :

 

d)      avoir effectué et reçu, par vente, la fourniture taxable de l'immeuble le jour où les travaux sont achevés en grande partie ou, s'il est postérieur, le jour où la possession de l'habitation est transférée à la personne ou l'habitation est occupée par lui;

 

e)      avoir payé à titre d'acquéreur et perçu à titre de fournisseur, au dernier en date de ces jours, la taxe relative à la fourniture, calculée sur la juste valeur marchande de l'immeuble ce jour-là.

 

[28]         L’application de la règle de la fourniture à soi‑même à l’immeuble sous étude n’est pas contestée par l’appelant et seule la détermination de la JVM de l’immeuble au 30 septembre 2007 fait l’objet de la contestation.

 

[29]         L’expression « juste valeur marchande » est définit au paragraphe 123(1) de la LTA de la façon suivante :

 

« juste valeur marchande » Juste valeur marchande d'un bien ou d'un service fourni à une personne, abstraction faite de la taxe exclue de la contrepartie de la fourniture en application de l'article 154.

 

[30]         Notre Cour s’est penchée dans plusieurs décisions sur le sens de l’expression « juste valeur marchande » et sur l’utilisation de la méthode du coût dans l’application du paragraphe 191(3) de la LTA (Résidences Majeau Inc. c. R., [2009] G.S.T.C. 90 (CCI) confirmée par [2010] G.S.T.C. 10 (CAF), Timber Lodge Ltd. c. R., [1994] G.S.T.C. l73 (CCI), Charleswood Legion Non-Profit Housing Inc. c. R., [1998] G.S.T.C. 8, Métal Santigen Inc. c. R., 2007 D.T.C. 1037, Sira Enterprises Ltd. c. R., [2000] G.S.T.C. 102 (CCI)).

 

[31]         À la page 20 de son rapport d’évaluation, l’évaluatrice Lavoie a reconnu que la méthode du coût pouvait entraîner des résultats concluants lorsqu’il s’agit de bâtiments neufs ou relativement neufs :

 

Selon le manuel intitulé Traité de l’évaluation foncière (DESJARDINS, Jean-Guy, Traité de l’évaluation foncière, 1992) [sic], l’utilisation de la méthode du coût pour la recherche de la valeur marchande peut présenter une alternative acceptable lorsque la méthode du revenu ne peut s’appliquer et où la rareté des ventes récentes de propriétés comparables ne permet pas l’utilisation de la méthode de comparaison. La méthode du coût peut toutefois entraîner des résultats concluants lorsqu’il s’agit de bâtiments neufs ou relativement neufs. C’est le cas lorsque les bâtiments représentent l’usage optimal et que les bâtiments sont situés dans des unités de voisinage où des terrains vacants sont régulièrement vendus. Dans ce contexte, on peut calculer avec un degré assez élevé d’exactitude la valeur du terrain et compte tenu que le bâtiment est neuf ou relativement neuf, les possibilités d’erreur dans le calcul de la dépréciation sont moins élevés.

 

[32]         L’évaluation a toutefois écarté la méthode du coût parce que la méthode du revenu pouvait s’appliquer en l’espèce et que l’immeuble n’était pas situé dans un secteur où des terrains vacants sont régulièrement vendus. Par contre, elle a noté que l’appelant avait acheté en avril 2006 de la Ville de Sainte‑Thérèse, le terrain sur lequel l’immeuble est construit au prix de 390 906,64 $ avant les taxes. Elle a considéré que cette vente représentait le prix du marché. Pour les fins de l’évaluation, l’évaluatrice Lavoie a arrondi à 3,00 $ le pied carré, ce qui représente une augmentation de valeur dans le temps de 2,5 %.

 

[33]         Sur la base du rapport d’évaluation, on constate que la valeur obtenue avec la méthode du coût est supérieure à la valeur obtenue avec la méthode du revenu. L’écart entre ces deux valeurs représente une dépréciation économique importante. À moins de circonstances particulières, je doute qu’un entrepreneur en construction ou tout homme d’affaires ayant l’expertise et les connaissances nécessaires pour réaliser un projet de cette ampleur accepterait de vendre une nouvelle construction à un prix qui soit inférieur à son prix coûtant dans le contexte d’un marché immobilier fortement à la hausse.

 

[34]         La preuve n’a pas démontré qu’il y a eu des dépassements dans les coûts de construction ni de problèmes particuliers quant à la contamination du sol, aux infrastructures de raccordements avec les services municipaux ou à des erreurs de conception ou de construction.

 

[35]         Dans les circonstances, je suis d’opinion que la méthode du coût doit être retenue comme étant la meilleure méthode pour déterminer la JVM de l’immeuble qui était totalement neuf et en période de location à la date d’évaluation.

 

[36]         La méthode du revenu, telle qu’appliquée par l’évaluatrice Lavoie, comporte trois éléments de faiblesse, soit l’historique des revenus et des dépenses, le taux de TGA et la prime de risque. L’évaluatrice Lavoie s’est basée sur une seule année d’historique du revenu et des dépenses ce qui est insuffisant pour établir une tendance à long terme. L’évaluatrice Lavoie a utilisé un taux de TGA de 7,25 % sur la base de seulement trois immeubles comparables dont deux dataient de 2004. L’échantillonnage étant déficient, le résultat est par conséquent peu probant; un taux inférieur à 7 % aurait dû être utilisé. L’application d’une prime de risque de 0,50 % n’est pas justifiée parce que la très grande majorité des immeubles servant à la location sont maintenant construits de la façon dont l’immeuble est construit. Les matériaux de qualité inférieure utilisés peuvent facilement être remplacés à faible coût.

 

 

 

 

[37]         Par conséquent, l’appel est rejeté.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour d'octobre 2010.

 

 

 

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2010 CCI 521

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2009-1051(GST)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              Stéphane Desjardins c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 10 février 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Réal Favreau

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 15 octobre 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelant :

Me Gilles Gravel

Avocat de l'intimée :

Me Benoît Denis

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant:

 

                     Nom :                            Me Gilles Gravel

                 Cabinet :                           Avocat

                                                          Laval, Québec

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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