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Dossier : 2008-586(IT)G

ENTRE :

WESCAST INDUSTRIES INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu les 5, 6, 7 et 8 octobre 2009, à Toronto (Ontario).

Devant : L’honorable juge E.A. Bowie

 

Comparutions :

 

Avocats de l’appelante :

Me David C. Nathanson, c.r. et Me Adrienne K. Woodyard

Avocats de l’intimée :

Me Naomi Goldstein et

Me Ky Hong (Eric) Luu

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel de la nouvelle cotisation établie au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2002 est accueilli, et la nouvelle cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, compte tenu du fait que l’appelante a droit à une déduction pour des bénéfices de fabrication et de transformation sur l’impôt payable en application de la partie I de la Loi, au montant de 65 228,98 $.

 

L’intimée a droit aux dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour d’octobre 2010.

 

 

« E.A. Bowie »

Juge Bowie

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 10e jour de février 2011.

 

 

 

 

François Brunet, réviseur


 

 

 

 

Référence : 2010 CCI 538

Date : 20101021

Dossier : 2008-586(IT)G

ENTRE :

WESCAST INDUSTRIES INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Bowie

 

[1]     L’appelante a fait l’objet d’une nouvelle cotisation au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu[1] pour l’année d’imposition 2002. Par cette nouvelle cotisation, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé la demande que l’appelante avait faite en vue de déduire le montant global de 13 179 982 $ qu’elle avait versé à Weslin Autoipari RT (« Weslin Hungary »), conformément à certaines ententes conclues entre l’appelante, Linamar Corporation (« Linamar ») et Weslin Hungary. L’appelante et Linamar possédaient chacune une participation de 50 p. 100 dans Weslin Hungary par l’entremise d’une société de portefeuille. Il faut en l’espèce rechercher si, dans le calcul du revenu de l’appelante pour l’année 2002, ces paiements auraient dû être imputés à des dépenses courantes ou à des dépenses de capital.

 

[2]     Le ministre a également refusé une déduction pour des bénéfices de fabrication et de transformation demandée par l’appelante en vertu de l’article 125.1 de la Loi. L’intimée ne conteste plus cette déduction.

[3]   Au début de l’instruction, les parties ont déposé, aux fins du présent appel, un exposé conjoint des faits fort exhaustif qui est libellé comme suit :

 

[traduction]

 

EXPOSÉ CONJOINT PARTIEL DES FAITS

 

Aux fins du présent appel, les parties, par leurs avocats respectifs, s’entendent par les présentes sur les faits ci‑après énoncés. Les parties pourront présenter des éléments de preuve additionnels dans la mesure où ils ne sont pas incompatibles avec les faits énoncés ci‑dessous sur lesquels elles se sont entendues :

 

1.         L’appelante, Wescast Indutries Inc. (« Wescast »), est une société constituée en personne morale en vertu des lois de l’Ontario. Elle se livre à la fabrication et à la fourniture de collecteurs d’échappement en fonte, de carters de turbine, d’ensembles intégrés turbocompresseur‑collecteur d’échappement et d’enveloppes de convertisseur catalytique pour automobiles et pour camions légers.

 

2.                 En 1999, Wescast exploitait une usine à Brantford, une usine à Strathroy et deux usines à Wingham, et elle entreprenait la construction d’une troisième installation, à Wingham.

 

3.                 En 1999, Wescast détenait également une participation de 49 p. 100 dans United Machine Inc., qui possédait, au Michigan, une usine qui fabriquait des collecteurs d’échappement.

 

4.                 L’usine de Brantford « coulait » (fabriquait) des collecteurs d’échappement, qui étaient ensuite « usinés » (les bords des collecteurs étaient lissés et des trous étaient forés) par l’usine, à Strathroy. Sur les deux usines qui existaient à Wingham en 1999, l’une était une installation de coulage et l’autre exécutait des travaux d’usinage. La nouvelle usine, à Wingham, est également une installation de coulage.

 

5.                 Linamar Corporation (« Linamar ») a été constituée en personne morale en Ontario; elle s’occupait d’usinage et de fourniture de composants pour automobiles. Elle n’est pas liée à Wescast.

 

L’établissement de Weslin Hungary

 

            6.         Wescast, dans le cadre de sa stratégie de mondialisation et de diversification, a décidé de créer une usine de coulage en Europe et elle a arrêté son choix, quant à l’emplacement, sur la Hongrie.

 

            7.         La Hongrie comportait un certain nombre d’avantages, notamment de faibles coûts et une main-d’œuvre de haute qualité. De plus, le gouvernement hongrois offrait un congé fiscal de dix ans, ce qui était une mesure incitative importante aux fins de la construction de l’installation, en Hongrie.

 

            8.         Au cours de l’été 1999, Wescast et Linamar ont commencé à discuter de la possibilité d’établir une coentreprise en Hongrie. Wescast estimait que Linamar était à même de s’acquitter de cette tâche en raison de sa compétence technique, du besoin qu’elle avait d’avoir un fournisseur spécialisé dans le coulage et des possibilités de diversification pour Westcast.

 

            9.         Le 13 août 1999, Wescast et Linamar ont signé un document intitulé : « Expression d’intérêt » se rapportant à la possibilité de former une coentreprise.

 

            10.       Le 7 septembre 1999, Wescast et Linamar ont constitué en personne morale Weslin Industries Inc. (« Weslin Ontario »), en vertu des lois de l’Ontario, laquelle devait posséder toutes les actions émises et en circulation de Weslin Autoipari RT (« Weslin Hungary »), une société constituée en personne morale en vertu des lois de la République de Hongrie. Wescast, Linamar et Weslin Ontario ont conclu une convention d’actionnaires datée du 20 septembre 1999 (la « convention d’actionnaires »). Wescast et Linamar ont convenu qu’elles posséderaient chacune 50 p. 100 des actions de Weslin Ontario et qu’elles assureraient à parts égales la totalité du financement additionnel de Weslin Hungary.

 

11.       Wescast et Linamar ont conclu une entente de partenariat stratégique datée du 20 septembre 1990.

 

12.       Wescast et Linamar ont capitalisé Weslin Ontario en y investissant 105 millions de dollars. Weslin Ontario capitalisait de son côté Weslin Hungary en y investissant 105 millions de dollars. Ces 105 millions de dollars devaient initialement permettre de financer le capital.

 

Les activités commerciales de Weslin Hungary devaient consister à fabriquer et à assembler des produits (tels qu’ils sont définis à l’alinéa 1.1(i) de la convention d’actionnaires, à savoir des collecteurs d’échappement en fer, des carters de turbocompresseur, des carters de différentiel et tout autre produit que Weslin Hungary, selon ce qu’elle pouvait démontrer, pouvait exploiter commercialement et dont les parties à la convention d’actionnaires pouvaient mutuellement convenir par écrit) (les « produits »), dans la République de Hongrie, ainsi qu’à vendre les produits à des pays, en Europe, et dans tout autre pays dont Wescast, Linamar et Weslin Hungary pouvaient mutuellement convenir à l’avenir.

 

13.       La nouvelle installation que Wescast construisait à Wingham, telle qu’elle est décrite aux paragraphes 2 et 4 des présentes, devait servir de modèle à l’installation de Weslin Hungary. L’équipement et l’aménagement de l’usine de Weslin Hungary devaient être semblables à ceux de la nouvelle installation, à Wingham, et devaient inclure une ligne de moulage en châssis fermé HWS, un système AutoPour et un système d’usinage à commande manuelle ou numérique, selon les programmes.

 

14.       Les travaux de construction de l’installation de Weslin Hungary ont débuté en l’an 2000. Elle a été mise en service à la fin de l’année 2001 et au début de l’année 2002. Les travaux d’usinage ont débuté en 2001 et les travaux de coulage ont débuté en 2002. Weslin Hungary a initialement commencé à fabriquer des ensembles intégrés turbocompresseur‑collecteur d’échappement en 2003.

 

15.       Lors de la conclusion de l’entente de coentreprise, Wescast prévoyait que tout financement à fournir à Weslin Hungary aux fins du paiement des frais de démarrage serait effectué au moyen du capital‑actions.

 

16.       Wescast et Linamar ont convenu de consacrer des ressources de fonctionnement à Weslin Hungary. La convention d’actionnaires stipulait également que Westcast et Linamar fourniraient à Weslin Hungary « l’aide, les renseignements techniques et renseignements concernant la transformation et la commercialisation, la gestion, l’administration du personnel, la technologie et le savoir-faire que chacune possède en matière de développement, de fabrication, de distribution et de vente de produits ». Plus précisément, Linamar devait fournir à la coentreprise son expertise en matière de commercialisation et d’usinage.

 

17.       La convention d’actionnaires prévoyait que « Wescast veillera[it] à ce que le volume de production des produits destinés au marché européen soit transféré à [Weslin Hungary] graduellement dès que possible et dès que la capacité de fabrication de [Weslin Hungary] permettra[it] à celle‑ci d’accepter des commandes ».

 

L’entente de vente et de commercialisation conclue entre Weslin Hungary, Linamar et Wescast Industries GmbH

 

18.       Wescast Industries GmbH (« Wescast GmbH ») est une filiale à cent pour cent de Wescast, constituée en personne morale en Allemagne, vers 1999. Elle assurait à Weslin Hungary un soutien aux ventes et à la commercialisation, en Europe.

 

19.       Le 20 septembre 1999, Wescast GmbH, Weslin Hungary et Linamar ont conclu une entente de vente et de commercialisation par laquelle Wescast GmbH et Linamar s’engageaient à fournir des conseils, notamment technologiques en vue d’aider Weslin Hungary dans la conception, le coulage et l’usinage de collecteurs d’échappement, de carters de turbocompresseur et de carters de différentiel ainsi qu’en ce qui concerne la commercialisation et la distribution de ces produits partout en Europe. Wescast GmbH exigeait de Weslin Hungary un paiement fondé sur le coût des services pour Wescast GmbH, plus 5 p. 100.

 

20.       Wescast GmbH fournissait les services aux termes de l’entente de vente et de commercialisation; elle a réclamé de Weslin Hungary des frais de gestion de 1 954 214 $ en 2001 et de 3 666 180 $ en 2002. Wescast et Linamar ne fournissaient pas de services à Wescast GmbH.

 

Les conseils fiscaux obtenus par Wescast

 

21.       Dans une note de service datée du 2 octobre 2000, Jim Slattery (ancien directeur financier de Wescast) faisait remarquer que Wescast n’avait pas, à ce moment‑là, de stratégie ou de processus proactif de planification fiscale et qu’elle avait besoin d’une stratégie fiscale d’entreprise globale en vue d’assurer sa croissance et sa diversification de la façon la plus simple et la plus efficace possible sur le plan fiscal. M. Slattery a donc rencontré les représentants de trois cabinets comptables en vue de déterminer les modalités d’application de la stratégie fiscale envisagée par l’appelante. Deux cabinets ont soumis des propositions : Grant Thornton et Deloitte & Touche (« Deloitte »).

 

22.       Par une lettre datée du 5 janvier 2001, John Bowey, associé fiscaliste chez Deloitte, a fourni à Wescast une proposition sur les possibilités de restructuration de Weslin Hungary.

 

23.       Par une lettre datée du 2 mars 2001, Deloitte a soumis à Wescast un projet de plan de travail.

 

24.       Le 20 mars 2001, une réunion a eu lieu aux fins de l’examen de la structure de Weslin. Le contenu de cette réunion était résumé dans une série de diapositives PowerPoint.

 

25.       Dans une lettre datée du 26 mars 2001, Deloitte a fixé les conditions de son engagement visant à aider Wescast et Linamar à restructurer Weslin Hungary en élaborant une stratégie et une structure pour celle‑ci.

 

26.       Par des lettres datées des 12 juin et 30 juillet 2001, John Bowey (Deloitte) a remis à Jim Slattery une analyse de la restructuration possible de Weslin Hungary. Dans un courriel (avec pièces jointes) envoyé à Jim Slattery le 30 juillet 2001, John Bowey effectuait une analyse plus poussée de la question.

 

27.       Par une lettre datée du 30 août 2001, Jim Slattery signifiait son acceptation des conditions d’engagement de Deloitte par Wescast en signant une copie d’une lettre de Deloitte datée du même jour.

 

28.       Par une note au dossier portant l’inscription : « Ébauche préliminaire aux fins de discussions seulement », en date du 23 octobre 2001, Charles Evans (Deloitte) résumait la recherche effectuée par Deloitte au sujet de la déductibilité de certains paiements à effectuer en faveur de Weslin Hungary.

 

29.       Dans un courriel daté du 11 décembre 2001 adressé à John Bowey, à Jim Slattery et à Keith Wettlaufer (Linamar), Judith Harris, avocate chez Osler, Hoskin & Harcourt LLP (« Osler ») indiquait qu’elle remettrait bientôt une ébauche des ententes de contribution aux coûts et une ébauche d’une licence de technologie reflétant les discussions qui avaient eu lieu lors d’une récente réunion.

 

30.              Dans une lettre datée du 31 janvier 2002, John Bowey (Deloitte) donnait des renseignements de base, accompagnés de commentaires, à l’intention de Judith Harris (Osler), au sujet des ententes de contribution aux coûts.

 

31.              Par une note de service datée du 31 janvier 2002, Judith Harris et John Bowey résumaient l’état des discussions qu’ils avaient eues sur des questions fiscales concernant Weslin Hungary, à l’intention entre autres de Jim Slattery.

 

32.              Dans un courriel d’envoi daté du 1er mars 2002, Judith Harris fournissait une ébauche des ententes de contribution aux coûts, accompagnée de commentaires, à l’intention entre autres de Jim Slattery, de Tom Shea (Wescast) et de John Bowey.

 

33.              Dans une note au dossier datée du 11 mars 2002, Charles Evans documentait la recherche qu’il avait effectuée au sujet des déclarations comptables et fiscales nécessaires à l’égard des paiements prévus dans les ententes de contribution aux coûts.

 

34.              Dans une note au dossier datée du 11 mars 2002, Steve Lawrenson (Deloitte) documentait la recherche qu’il avait effectuée au sujet des déclarations comptables nécessaires à l’égard des paiements prévus dans les ententes de contribution aux coûts.

 

35.              Par une note de service datée du 18 avril 2002, Dave Dean (Wescast) transmettait à Jim Slattery des copies non signées d’une entente de contribution au développement technologique, d’une entente de contribution à la promotion et à la publicité, et d’une entente de contribution au développement des ressources humaines, chacune d’elles étant conclue entre Wescast, Linamar et Weslin Hungary.

 

36.              Dans une note de service datée du 22 avri1 2002, Tom Shea (Wescast) donnait des renseignements à Jim Slattery et à Dave Dean au sujet des ententes de contribution aux coûts.

 

37.              Wescast et Linamar ont conclu des ententes de contribution aux coûts avec Weslin Hungary, lesquelles étaient chacune datées du 1er janvier 2002 et comportaient :

 

·        une entente-cadre de contribution;

·        une entente de contribution au développement des ressources humaines;

·        une entente de contribution à la promotion et à la publicité;

·        une entente de contribution au développement technologique;

 

38.              Aux termes de chacune des ententes de contribution aux coûts, Wescast et Linamar s’engageaient chacune à verser à Weslin Hungary un montant correspondant à 37,5 p. 100 des « coûts », tels qu’ils étaient définis dans les ententes, engagés par Weslin Hungary pour les années civiles 2000, 2001 et 2002.

 

39.              Weslin Hungary n’était pas tenue de rembourser ou de payer Wescast ou Linamar, ou de fournir des services à Wescast ou à Linamar, à l’égard de tout paiement effectué en vertu des ententes de contribution aux coûts, sauf en cas de trop-perçu.

 

40.              Les ententes de contribution aux coûts étaient conçues en tant que « subventions non remboursables » afin d’éviter que les paiements soient inclus dans le revenu de Weslin Hungary, ce qui évitait de réduire les pertes essuyées par Weslin Hungary aux fins fiscales hongroises. Les pertes subies par Weslin Hungary au cours de la période de congé fiscal seraient reportées prospectivement et déduites du revenu imposable au cours de la période postérieure au congé fiscal. Pour que les « subventions » soient non imposables en Hongrie, il ne pouvait pas y avoir de conditions exigeant le remboursement, et il ne pouvait pas y avoir de lien entre la subvention et tout bénéfice futur rapatrié, ou les paiements de redevances effectués par Weslin Hungary en faveur de Wescast et de Linamar.

 

41.              En l’an 2000, Weslin Hungary a engagé les dépenses suivantes, qu’elle a ainsi qualifiées :

 

·        1 978 903 $ pour le développement des ressources humaines;

·        1 406 386 $ pour la promotion et la publicité;

·        1 570 580 $ pour le développement technologique.

 

42.              En 2001, Weslin Hungary a engagé les dépenses suivantes, qu’elle a ainsi qualifiées :

 

·        3 327 037 $ pour le développement des ressources humaines;

·        1 954 200 $ pour la promotion et la publicité;

·        6 677 521 $ pour le développement technologique.

 

43.              En 2002, Weslin Hungary a engagé les dépenses suivantes, qu’elle a ainsi qualifiées :

 

·        2 501 333 $ pour le développement des ressources humaines;

·        3 666 667 $ pour la promotion et la publicité;

·        12 061 333 $ pour le développement technologique.

 

44.              Weslin Hungary a déduit ces montants de son revenu aux fins fiscales hongroises.

 

45.              Avant que Wescast et Linamar effectuent les paiements prévus par les ententes de contribution aux coûts, les fonds utilisés aux fins du paiement des montants décrits aux paragraphes 42, 43 et 44 des présentes provenaient de l’injection initiale de capital de 105 millions de dollars.

 

46.              La part des coûts engagés par Weslin Hungary attribuable à Wescast, selon les ententes de contribution aux coûts (37,5 p. 100), était la suivante :

 

 

Coûts (développement des ressources humaines)

 

Coûts (promotion et publicité)

Coûts (Développement technologique)

Total

2000

742 000 $

527 000 $

589 000 $

1 858 000 $

2001

1 248 000 $

733 000 $

2 504 000 $

4 485 000 $

2002

938 000 $

1 375 000 $

4 523 000 $

6 836 000 $

Total

2 928 000 $

2 635 000 $

7 616 000 $

13 179 000 $

 

47.              Wescast, Linamar et Weslin Hungary ont également signé une licence de technologie datée du 1er janvier 2002. La licence de technologie accordait à Weslin Hungary une licence personnelle l’autorisant à utiliser la « technologie concédée » uniquement aux fins suivantes :

 

a)                  la conception, le coulage et l’usinage des « composants ciblés » (tels qu’ils sont définis à l’alinéa 2.1w) de la licence de technologie, ce qui comprenait des composants en fer, à savoir des collecteurs d’échappement et des carters de turbocompresseur);

 

b)                  la distribution, la vente et l’entretien par Weslin Hungary de ces composants ciblés fabriqués, uniquement à l’intérieur du territoire (tel qu’il est défini à l’alinéa 2.1aa) de la licence de technologie).

 

48.              Wescast et Linamar ont accordé la licence à Weslin Hungary afin d’aider Weslin Hungary en ce qui concerne la vente, la conception, le coulage et l’usinage de ses produits.

 

49.              Aux termes de la licence de technologie, Wescast et Linamar conservaient la pleine propriété de la technologie concédée et des améliorations y afférentes.

 

50.              Aux termes de la licence de technologie, Weslin Hungary était tenue de verser à Wescast et à Linamar une redevance dans les 25 jours suivant la fin de chaque mois, laquelle était basée sur un pourcentage des « recettes nettes », telles qu’elles sont définies à l’alinéa 2.1p) de la licence de technologie.

 

51.              Wescast a reçu de Weslin Hungary un revenu de redevances aux montants suivants pour les années 2002 à 2007 :

 

                                                            i.                    42 027,50 $

                                                          ii.                  123 532,00 $

                                                         iii.                  336 616,50 $

                                                        iv.                  559 811,00 $

                                                          v.               1 374 362,59 $

                                                        vi.               1 296 428,23 $ (au mois d’août 2007)

 

52.              Dans les déclarations de revenus qu’elle a produites pour ses années d’imposition 2000 et 2001, Wescast n’a pas déduit de montants à l’égard des paiements effectués en faveur de Weslin Hungary aux termes des ententes de contribution aux coûts.

 

53.              Dans le calcul de son revenu d’entreprise pour l’année d’imposition qui a pris fin le 29 décembre 2002, Wescast a déduit le montant de 13 179 982 $, représentant la totalité des montants versés à Weslin Hungary au cours de cette année‑là aux termes des ententes de contribution aux coûts.

 

54.              Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé, dans le calcul du revenu de Wescast pour l’année d’imposition qui a pris fin le 29 décembre 2002, la déduction du montant susmentionné de 13 179 982 $, au moyen d’une nouvelle cotisation établie par un avis de nouvelle cotisation daté du 6 juillet 2007 (la « nouvelle cotisation »).

 

55.              Par la nouvelle cotisation, le ministre n’admettait pas non plus le droit de Wescast à une déduction pour des bénéfices de fabrication et de transformation (FT) dans le calcul de l’impôt par ailleurs payable en application de la partie I de la Loi de l’impôt sur le revenu, au montant de 65 228,98 $.

 

56.              Wescast s’est opposée à la nouvelle cotisation par un avis d’opposition daté du 28 septembre 2007. Le ministre a confirmé la nouvelle cotisation.

 

57.              Le ministre ne conteste pas le droit de Wescast à la déduction pour des bénéfices de FT mentionnée au paragraphe 56 des présentes.

 

[Notes de bas de page omises.]

 

[4]     À la fin des années 1990, l’appelante était le principal fournisseur de collecteurs d’échappement en fonte dans l’industrie automobile nord-américaine. Elle était un fournisseur de premier niveau, ce qui voulait dire qu’elle traitait directement avec les fabricants de véhicules et qu’elle participait à la phase de conception ainsi qu’à la phase de fabrication. Il était d’une importance cruciale pour elle de maintenir ce statut de fournisseur de premier niveau, non seulement en vue de conserver sa part de marché, mais aussi en vue de maintenir son niveau de rentabilité.

 

[5]     L’appelante a produit un grand nombre d’éléments de preuve en vue d’établir non seulement qu’elle détenait ce statut de premier niveau, et à quel point  il était important qu’elle maintienne ce statut, mais aussi que la situation, dans l’industrie, à la fin du vingtième siècle était telle qu’il était essentiel qu’elle développe une capacité de fabrication en Europe. Les regroupements qui avaient lieu dans l’industrie automobile et la tendance à la fabrication de divers modèles et de diverses marques de véhicules sur une plateforme commune et avec des composants moteur communs pour différents marchés voulaient dire que l’appelante et les autres fournisseurs de pièces de premier niveau devaient être en mesure de livrer un produit à un prix concurrentiel, tant en Amérique du Nord qu’en Europe.

 

[6]     Une capacité de fabrication à l’échelle mondiale était essentielle non seulement afin de permettre à l’appelante d’accroître ses ventes sur les marchés étrangers, mais aussi afin de lui permettre de maintenir son statut de premier niveau et de protéger sa position sur le marché nord-américain. Les trois principaux fabricants nord‑américains, qui achetaient la plus grande partie de la production de l’appelante, utilisaient de plus en plus les mêmes conceptions à l’échelle mondiale, et ils cherchaient également de plus en plus à réduire leurs coûts, ce qui voulait dire qu’ils payaient moins les fournisseurs de composants. Ils connaissaient également un déclin de leur part du marché automobile nord‑américain, ce qui bien sûr voulait dire qu’il y avait un fléchissement de la demande de composants de leur part.

 

[7]     Il ressort clairement des éléments de preuve que l’expansion, sous la forme de l’acquisition ou de la création d’une capacité de fabrication européenne, n’était pas simplement souhaitable, mais qu’elle était aussi nécessaire à la survie à long terme de la société. Comme l’a dit M. Finnie, qui était PDG de l’appelante à ce moment‑là, le message qui leur était unanimement porté par leurs clients était le suivant : [traduction] « Ou bien vous prenez de l’essor, ou bien vous retournez chez vous. » Ce témoignage a été repris par M. Frackowiak, qui est actuellement président du conseil d’administration et PDG de l’appelante et qui est membre du conseil d’administration depuis 1992, ainsi que par M. Slattery, qui était vice‑président responsable du développement d’entreprise entre les années 1997 et 2000 et directeur financier de l’appelante de l’année 2000 à l’année 2002. Leurs témoignages ont été corroborés par celui de William Golden, employé de longue date de General Motors, qui était membre de l’équipe responsable des décisions en matière d’achat à l’égard des collecteurs d’échappement à l’échelle mondiale entre le début des années 1990 et le moment où il a pris sa retraite, en 2004.

 

[8]     L’avocat de l’appelante soutient que les montants que celle‑ci a versés à Weslin Hungary peuvent être traités comme des dépenses courantes, et qu’ils sont donc déductibles dans le calcul du revenu de l’année d’imposition 2002, parce qu’il s’agissait de paiements qui conféraient à l’appelante des avantages importants dans ses activités au Canada. Plus précisément, l’appelante acquérait des connaissances et du savoir‑faire techniques, en ce qui concerne l’usinage et le coulage de collecteurs en fer, en collaborant avec les techniciens de Linamar au démarrage de Weslin Hungary. En particulier, l’appelante a acquis de l’expertise dans la formulation d’alliages qui peuvent résister aux températures élevées des moteurs turbo ainsi que dans les processus d’usinage à commande numérique par ordinateur grâce à son association avec Linamar, en Hongrie. Elle retirait également des avantages pour ce qui est de sa capacité d’attirer un plus grand nombre d’employés hautement qualifiés et d’améliorer ainsi la qualité de sa main-d’œuvre au Canada. Comme l’a dit M. Frackowiak dans son témoignage, l’appelante devait attirer un personnel plus expérimenté pour sa main-d’œuvre, et il était utile à cette fin d’exercer ses activités à l’échelle mondiale.

 

[9]     L’entreprise de l’appelante au Canada bénéficiait également de l’accroissement des ventes qu’elle attribue à l’existence de l’entreprise hongroise. Mark Swedan a été chef, Développement d’entreprise, directeur, Systèmes de partie chaude, et plus récemment directeur, Ventes nord‑américaines, chez Wescast. Il a témoigné que Wescast avait développé la capacité de production de carters de turbines dans son entreprise canadienne directement par suite de la coentreprise qu’elle avait établie avec Linamar, en Hongrie. Plus précisément, c’est l’expertise qu’elle a acquise en ce qui concerne l’usinage de ces composants et les relations qu’elle a établies en Europe avec les fabricants de turbocompresseurs, comme Honeywell et Borg Warner, qui lui ont permis d’obtenir des commandes et de fournir ces produits en Amérique du Nord. M. Swedan a déclaré qu’au moment de l’instruction, les recettes, réelles et prévues, que l’appelante attribuait aux activités générées par suite de l’établissement de l’usine hongroise correspondaient à environ 150 millions de dollars.

 

[10]    Comme les paragraphes 21 à 40 de l’exposé conjoint des faits l’indiquent clairement, Wescast et Linamar ont conclu les ententes de contribution aux termes desquelles les paiements contestés ont été effectués à la suite de conseils fiscaux donnés par des comptables et par des avocats sur une période d’environ 16 mois. M. Slattery, qui était PDG de l’appelante à ce moment‑là, et John Bowey, associé fiscaliste du cabinet comptable Deloitte & Touche, ont témoigné au sujet des délibérations qui avaient mené à la formulation de ces ententes. M. Slattery a entamé des discussions avec M. Bowey et avec un autre cabinet comptable en vue d’obtenir des conseils fiscaux à l’égard de l’entreprise de l’appelante, non seulement en ce qui concerne la coentreprise, mais aussi globalement. Apparemment, c’était M. Bowey qui avait proposé les ententes de contribution aux coûts, l’idée étant que les fonds consacrés au démarrage de l’entreprise hongroise comporteraient certains avantages directs pour les activités de fabrication de l’appelante au Canada et qu’il fallait donc opérer un montage avantageux sur le plan fiscal. Dans un discours décousu, M. Slattery a donné l’explication suivante au sujet de la façon dont ils étaient arrivés à leur décision, avec Judith Harris, l’avocate qui a rédigé les documents, au sujet du montage des ententes de contribution aux coûts. M. Slattery a expliqué comment les coûts avaient été attribués, dans une proportion de 37,5 p. 100 chacune, à l’appelante et à Linamar, et de 25 p. 100 à Weslin :

 

[traduction]

 

Q.        Un pourcentage donné de chaque catégorie de coûts a été établi comme étant ce que Wescast et Linamar verseraient à Weslin pour la contribution aux coûts. Comment est‑on arrivé à ce chiffre?

 

R.                     Premièrement, quant à la nature de ces montants, nous devions procéder à deux tests. L’un se rapportait à la nature des frais qu’il fallait engager pour que cela soit sensé. Il fallait que ce soit quelque chose de judicieux et qu’en théorie, nous passerions de toute façon en charges, parce que ce serait en soi une dépense visant à procurer un avantage, et, dans les deux cas, la chose était sensée quant à la nature et au montant.

           

À coup sûr, en ce qui concerne la commercialisation, cela était relativement simple, parce qu’il y avait un groupement de coûts, en Allemagne, qu’il fallait subventionner au cours des premières années d’existence de Weslin. Ce groupement de coûts était déjà – nous constations déjà qu’il serait fort avantageux pour Wescast à très court terme, compte tenu des discussions que nous avions avec les clients existants et éventuels au sujet des programmes, discussions que nous n’aurions probablement pas eues si nous ne nous étions pas engagés en Europe. Le bureau chargé des ventes, de la commercialisation et de l’ingénierie dans son ensemble constituait une première étape d’une stratégie à plusieurs étapes qui finalement – tout cela faisait partie d’une stratégie globale qui incluait la construction d’une installation en Europe. Il était impossible de faire une distinction entre les deux. Nous voulions d’abord organiser les ventes et la commercialisation – ici encore, c’est ce qui est arrivé en Amérique du Nord. Ces relations étaient créées et nous avons constaté fort rapidement que nous allions être en mesure d’utiliser à pleine capacité une fonderie en Hongrie et de contribuer ensuite également au volume d’affaires voulu en Amérique du Nord.

 

                                     Nous avons examiné le groupement de coûts en Europe et nous l’avons partagé en trois. C’était surtout une question de jugement; il ne s’agissait pas d’une science exacte, mais, selon nous, cela semblait être une répartition raisonnable, compte tenu du temps, de l’attention et de l’effort que nos gens consacraient en Allemagne à l’effort de vente et de commercialisation ainsi que de l’avantage que les intéressés espéraient en retirer. C’était donc là ce dont il s’agissait sur le plan des ventes et de la commercialisation.

 

            L’autre point, un autre point avantageux se rapportait aux personnes, et c’était peut‑être le point le plus simple des trois. Il y avait un groupement de coûts associé à nos expatriés et ils revenaient tous en Amérique du Nord et profiteraient tous de l’expérience qu’ils auraient acquise en Europe, de sorte qu’ils seraient de meilleurs dirigeants, des dirigeants plus forts, meilleurs sur le plan technique, et, en fait, ils renforceraient les capacités techniques et les capacités de leadership de toute notre entreprise au Canada. De plus, dans certains cas, à cause de la relation qu’ils entretenaient avec Linamar, l’intention à ce moment‑là était qu’ils seraient également – notre vision comprenait une installation possible d’usinage en propriété commune pour des turbocompresseurs en Amérique du Nord, grâce à ce partenariat stratégique. La chose était également considérée comme une possibilité, mais, à coup sûr, nous croyions que les relations que certaines de ces personnes entretenaient serait fort avantageuses lorsqu’elles reviendraient en Amérique du Nord.

 

            Cela constituait une partie, mais l’autre partie, comme je l’ai déjà souligné, était que notre organisation devenait beaucoup plus forte en tant que telle du fait qu’elle devait aider à assurer le perfectionnement des gens qui dirigeaient, en fin de compte, l’entreprise en Europe. Nous avons élaboré des manuels et des programmes de formation et nous avons fourni des gens – la meilleure façon d’apprendre quelque chose, c’est d’avoir en fait à l’enseigner, et c’est une situation dans laquelle nous avons mis un grand nombre des membres de notre personnel à tous les niveaux, depuis ceux qui coulaient le fer jusqu’à ceux qui cassaient les moules et ceux qui s’occupaient de l’usinage. Nous avons élaboré des procédures et nous avons assuré la formation et nous sommes devenus en conséquence une société à l’échelle internationale. C’est là un autre point où il est relativement facile d’identifier le groupement de coûts. La façon de répartir les coûts est une question de jugement. Nous savions certes que la moitié des coûts seraient – qu’il y aurait sans aucun doute des coûts résiduels pour Weslin, mais il serait sans aucun doute sensé que Wescast et Linarnar paient une partie de ces coûts. Nous sommes arrivés aux pourcentages que nous avons choisis. C’était en bonne partie une question de jugement, mais nous avons en rétrospective estimé que les chiffres étaient tout à fait raisonnables, étant donné les avantages organisationnels dans leur ensemble que nous prévoyions retirer et que nous avons en fait constatés.

 

Q.        Weslin a été capitalisée jusqu’à concurrence d’un montant d’environ 105 millions de dollars?

 

R.         C’est exact.

 

Q.        Dans la mesure où Weslin avait besoin de fonds en sus de cette somme, les recevait‑elle au moyen de ces paiements de contribution aux coûts?

 

R.         C’est exact. Nous avons capitalisé la construction de l’installation en numéraire et au moyen d’injections de capitaux par l’entremise de Weslin au Canada. Les pertes de démarrage étaient en bonne partie subventionnées par le Canada au moyen de ce partage des coûts ou des ententes de contribution aux coûts. Cela était en partie justifié par le fait que nous savions que cette entreprise européenne allait comporter pour nous un avantage, et que cet avantage serait important pour notre entreprise canadienne. Toutefois, pour obtenir réellement cet avantage, nous devions y être, c’est‑à‑dire notamment que nous devions avoir des gens, il fallait lancer l’entreprise. Nous devions verser ces subventions afin d’obtenir les avantages que nous espérions retirer au Canada au moyen de cet arrangement.

 

Q.        Auriez‑vous joint cette coentreprise hongroise en l’absence de ces avantages?

 

[…]

 

LE TÉMOIN :  En réponse, je dirais qu’il s’agit d’une question hypothétique, et je ne puis y répondre ainsi. Cependant, je peux dire que le coût et les risques et l’exposition et l’allocation de ressources humaines associés à l’entreprise européenne n’étaient pas quelque chose qu’à ce moment‑là, nous estimions être obligés de faire. Ce qui nous obligeait à le faire, c’était que nous nous demandions ce que serait notre entreprise nord‑américaine dans dix ans, si nous ne faisions rien. Si nous ne faisions rien, c’étaient les facteurs qui influeraient sur notre entreprise nord‑américaine. La décision que nous avons prise en matière d’investissement découlait probablement des avantages auxquels nous nous attendions. C’est ce qui a en fin de compte emporté la décision; quant à Westcast, cela allait de soi. Mais ce qui nous tourmentait, c’était de savoir ce qu’il adviendrait de notre entreprise, jusqu’à quel point cela était important. Nous ne voulons pas investir en Europe simplement pour le plaisir. Nous avons une certaine somme dont nous pouvons de toute façon disposer, ou c’est ce que nous croyions, mais après avoir examiné cette hypothèse, il est devenu clair que nous allions courir un risque énorme en ne devenant pas un fournisseur à l’échelle mondiale. Cela était très, très important quant à la prise de décision. Cela est bien documenté et telle était la conviction absolue de toute l’équipe de gestion[2].

 

[11]    Dans son témoignage, M. Bowey a également parlé du processus décisionnel :

 

[traduction]

 

R.                     Je crois qu’une chose m’a particulièrement frappé, en ce qui concerne ma participation à ces discussions, lorsqu’il est devenu évident qu’ils envisageaient de retirer des avantages bien au‑delà des bénéfices tirés, en Hongrie, de la production des pièces pour automobile qu’ils allaient produire en Hongrie, et, comme je l’ai dit, au fur et à mesure qu’ils se faisaient une idée sur la raison pour laquelle cela pourrait être déductible au Canada, soit à titre de perte attribuable à un paiement de subvention, ou, comme cela s’est finalement avéré être le cas, dans le cadre d’une entente de contribution aux coûts. Je lui ai dit, lors d’une réunion que nous avons eue : « Jim, je cherche à comprendre. Auriez‑vous fait cet investissement en Hongrie avec Linamar si ce n’était de ces autres facteurs que vous m’exposez, des facteurs qui seront difficiles à quantifier, mais qui pourtant ont une importance cruciale pour Wescast? » Il m’a regardé droit dans les yeux, et il a dit : « Je puis vous dire que nous ne l’aurions pas fait à ce prix. » Et c’est vraiment là ce qui, selon moi, après tout notre travail, nous a amenés à dire que, si ces autres facteurs, ces avantages, qui en découleraient directement pour Wescast étaient suffisamment importants pour qu’il dise qu’en leur absence, ils n’auraient pas fait à ce prix cet investissement en tant que véritable investissement, cela nous amenait de plus en plus à croire qu’ils avaient droit à un allégement fiscal au Canada. Mais cela ne nous disait pas combien ils auraient payé. Cependant, à la suite de cette discussion, je suis retourné le voir et je lui ai dit : « Eh bien, Jim, l’autre question logique serait de savoir ce que vous auriez fait si vous considériez la chose sous l’angle d’un pur investissement. Et encore une fois, et cela s’est produit bien après le début de l’année 2001, bien après qu’ils eurent pris l’engagement financier et qu’ils eurent effectué l’investissement, mais je lui demandais s’il s’agissait uniquement d’investir dans une organisation qui produirait finalement des dividendes pour son organisation par suite des bénéfices qu’elle générerait en Hongrie, et il m’a répondu : « Je ne puis vous le dire. » Cependant, il a ajouté : « Je puis vous dire que notre taux de rendement de référence minimum est 20 p. 100 » et il a dit que c’était un minimum.

 

Je me rappelle simplement qu’à ce moment‑là, je crois que nous avons examiné certaines prévisions. Il m’a envoyé certaines prévisions après l’une des réunions que nous avions eues au sujet de la rentabilité prévue, selon eux, et nous avons effectué des calculs rudimentaires; si l’on capitalisait le flux de revenu prévu et si l’on déterminait combien de capital serait investi dans l’entreprise afin d’obtenir ce flux de revenu, nous obtenions un chiffre de l’ordre de 50 à 55 millions de dollars lorsque l’engagement global était de 75 millions de dollars, une fois incluses les pertes de démarrage prévues. Encore une fois, je me suis alors demandé : « Si c’était là, selon ce que vous nous dites, votre façon de penser, même si vous ne l’avez pas exprimé à ce moment‑là, cela est réellement important parce qu’ils diront alors qu’une partie de l’engagement global, bien qu’il ait semblé au départ que cet engagement global devait être sous la forme de capital‑actions ou de prêts ou d’avances, au moins une partie de l’engagement n’était pas justifiée par le taux de rendement que l’on prévoyait obtenir des bénéfices générés en Hongrie. » Divers autres éléments, nous a‑t‑il dit, les avaient amenés à décider d’aller de l’avant à ce prix.

 

                                    Je crois que c’est à compter de ce moment‑là que nous nous sommes demandé, compte tenu de tous nos efforts, lorsqu’il s’agissait d’envisager une restructuration possible, de quelle manière l’on pouvait cerner  le flux de paiements transmis de la Hongrie à Wescast, au Canada, s’ils voulaient prendre la position selon laquelle leur part des pertes de démarrage serait déduite si le revenu nécessaire à cette fin serait réalisé? Nous ne sommes plus aussi certains qu’il faut ainsi envisager la chose, parce que nos motifs initiaux étaient justifiés. Nous ne pouvions pas quantifier la chose et il ne pouvait pas le faire non plus. Mais, il nous a donné des exemples d’activités essentielles auxquelles une nouvelle possibilité pourrait donner lieu ou d’économies qu’ils pouvaient faire à l’égard de certaines usines existantes, au Canada, ou de connaissances qu’ils allaient acquérir ou, d’autre part, de l’atténuation des risques de perte d’affaires. Sans donner de chiffres, il a dit que le potentiel de toutes ces possibilités était beaucoup plus élevé que les pertes qu’ils prévoyaient essuyer par suite de l’engagement.

 

 

Q.               Vous êtes arrivé à cette conclusion?

 

R.                     Le cabinet Deloitte était initialement d’avis que, cela étant, il était justifié de simplement rembourser chacune des parties de sa part des pertes comme on l’avait initialement envisagé. Cependant, Judith Harris, du cabinet Osler, participait aux discussions, et elle voulait, comme eux, aligner les contributions résultant des paiements effectués à titre gratuit par Wescast et par Linamar et les catégories de coûts dont M. Slattery avait fait mention, et s’en tenir aux coûts de vente et de commercialisation, parce que c’était sans aucun doute l’un des avantages que Wescast prévoyait retirer. Les coûts afférents aux ressources humaines se rapportaient aux relations des expatriés et le coût technologique se rapportait à l’accès qu’ils avaient à la technologie. À leur avis, il était préférable d’agir ainsi plutôt que de subventionner simplement les pertes de démarrage. Et nous n’étions pas en désaccord, nous appuyions cette position.

 

Q.        Comment est-on finalement arrivé à la formule permettant de déterminer les contributions aux coûts?

 

R.                     Je ne crois pas que la méthode utilisée était particulièrement scientifique. On y est arrivé en consultation avec Wescast et Linamar. Je puis vous dire que, selon la conception et l’idée sous‑jacente initiale, il devait au départ s’agir d’un chiffre approximatif quant à l’engagement qu’ils avaient pris de partager le financement des pertes de démarrage, mais, si le chiffre avait été autre, cela ne serait qu’une pure coïncidence. Le principe était encore le même, à savoir qu’il était justifié d’effectuer ces paiements à titre gratuit, compte tenu des avantages qu’ils prévoyaient en retirer[3].

 

[12]    Je ne doute pas que le lancement de l’entreprise hongroise comportait pour l’appelante certains avantages dont elle tirerait dans une certaine mesure parti pour ce qui est de l’exploitation de son entreprise au Canada. Je ne doute pas non plus que les témoignages des témoins de l’appelante, et plus particulièrement ceux de M. Slattery, de M. Bowey et de M. Swedan, visaient à donner une image beaucoup plus favorable que ce qui était réellement justifié par les faits. Il importe de noter que, bien qu’un grand nombre de courriels et de lettres ait été échangés entre l’appelante, ses comptables et ses avocats, lesquels visaient à préciser et à quantifier les avantages que la chose comportait pour les activités canadiennes de l’appelante, personne n’a apparemment tenté de procéder à une analyse financière, par écrit ou autrement, susceptible d’être produite. M. Bowey a parlé de [traduction] « calculs rudimentaires », mais ces calculs n’étaient pas disponibles lors de l’instruction, et aucun des témoins de l’appelante n’a tenté de les reproduire. La preuve des avantages qui en découleraient pour Wescast au Canada n’était pas du tout précise – elle était simplement composée du genre d’assertions vagues qui sont ci‑dessus reproduites.

 

[13]    Il importe également de noter que l’on a dit peu de choses au sujet des avantages dont M. Slattery et M. Bowey ont parlé avec tant d’enthousiasme lorsque l’équipe de gestion principale de l’appelante a préparé une note de service[4] à l’intention du conseil d’administration, le 22 juin 1999, en vue de recommander d’aller de l’avant avec la coentreprise. Dans une note de service de six pages, deux pages sont consacrées aux [traduction] « Avantages pour Wescast ». Il y est question des avantages que Wescast pouvait espérer du fait de sa présence en Europe sur le plan de la fabrication et du fait qu’elle collaborerait avec Linamar sur le marché européen et sur le marché des produits autres que les collecteurs, au lieu de lui faire concurrence. En ce qui concerne les avantages maintenant invoqués pour justifier la déduction d’environ 13 millions de dollars pour les bénéfices réalisés par l’entreprise canadienne de l’appelante, on se contente de faire l’observation suivante :

 

[traduction]

 

Accès à l’expertise en matière d’usinage

 

·        Linamar possède énormément d’expertise et d’expérience en ce qui concerne l’usinage rentable d’une vaste gamme de pièces complexes, de haute précision. Nous nous attendons à avoir accès à cette expertise, grâce à leur association à l’entreprise de fabrication de collecteurs, et à ce que cela nous aide à améliorer notre compétitivité en ce qui concerne les coûts et l’utilisation du capital en Europe ainsi qu’en Amérique du Nord[5].

 

Par ailleurs, les avantages pour l’appelante qui sont énoncés dans cette note de service sont simplement les avantages qui résulteront de sa présence en Europe sur le plan de la fabrication.

 

[14]    L’annexe 3 de la note de service en question expose, dans ses grands lignes, les prévisions financières pour une installation autonome de fabrication de collecteurs en Hongrie. Dans deux tableaux intitulés : [traduction] « Pertes d’exploitation en argent attribuables au démarrage 1999-2001 » et [traduction] « Coûts de démarrage globaux 1999-2005 », on estime que ce qui est décrit comme étant les [traduction] « Coûts globaux accessoires, échelonnés sur une période de cinq ans », s’élèveraient à 26,6 millions de dollars, y compris des pertes globales d’exploitation en argent de 15,307 millions de dollars pour la période de trois ans allant de l’année 1999 à l’année 2001.

 

[15]    À l’annexe 2 de cette note de service, on énumère environ 25 postes, dans l’usine hongroise, qui seraient comblés par des expatriés canadiens au cours de la période de démarrage, et pourtant il n’est pas soutenu, dans cette note de service, que cela pourrait comporter un avantage intangible pour l’entreprise de l’appelante au Canada.

 

[16]    De toute évidence, l’appelante, comme on pourrait s’y attendre, a prévu et planifié les coûts accessoires de démarrage qu’il fallait engager afin d’amener la filiale hongroise à la phase de production, au coût de 105 millions de dollars. Les ententes de contribution de 2002 sont le produit d’esprits fertiles d’experts en planification fiscale tentant de caractériser 75 p. 100 des frais de démarrage comme étant ce qu’il en coûtait à l’appelante et à Linamar pour faire des affaires au Canada. Dans son argumentation, Me Goldstein a correctement qualifié la chose de planification fiscale rétroactive.

 

[17]    Cheryl Robinson, comptable agréée, a témoigné pour l’appelante au sujet des principes comptables généralement reconnus (les « PCGR »). Mme Robinson est associée au cabinet KPMG LLP et compte plus de 25 années d’expérience en matière de comptabilité et de vérification. Au sein du cabinet, elle est notamment chargée du contrôle de la qualité et des consultations sur des questions comptables difficiles, ainsi que de l’élaboration de cours de formation portant sur les PCGR. J’ai retenu son témoignage, malgré les objections de l’avocate de l’intimée, étant donné que son opinion pouvait selon moi être utile aux fins du règlement de la question dont je suis saisi.

 

[18]    Dans le cadre de sa mission, Mme Robinson devait exprimer une opinion au sujet de la question de savoir s’il était acceptable pour Wescast, selon les PCGR, de passer en charges dans ses comptes non consolidés les paiements de contribution qui étaient effectués aux termes des ententes de contribution aux coûts. Mme Robinson a exprimé l’avis selon lequel [traduction] « [...] il [était] raisonnable de conclure qu’il [était] acceptable, selon les PCGR, d’inscrire la contribution aux coûts à titre de charges dans les comptes non consolidés de Wescast ». Dans son exposé écrit, Mme Robinson a indiqué le fondement factuel de son opinion comme suit :

 

[traduction]

 

On nous a informés qu’il y avait diverses raisons pour lesquelles Wescast se joindrait à la coentreprise, et notamment des raisons se rapportant aux « activités ordinaires génératrices de revenus ou aux activités ordinaires de prestation de services » de Westcast, notamment :

 

-           l’accès à la liste des clients de Linamar, l’associée dans la coentreprise;

 

-           l’élimination de la concurrence nord-américaine future;

 

-           une présence à l’échelle mondiale visant à renforcer ses relations avec ses principaux clients et à avoir accès à d’autres clients établis à l’étranger, entraînant l’accroissement des ventes conclues par Wescast en Amérique du Nord;

 

-           l’amélioration des compétences des employés expatriés participant au lancement de Weslin;

 

            -           le savoir-faire technique mis à la disposition de Wescast par suite de la plateforme de conception et des techniques de production innovatrices proposées pour la nouvelle usine de Weslin.

 

On nous a également informés qu’il était prévu qu’un grand nombre de ces avantages permettraient, en fin de compte, d’accroître de beaucoup la rentabilité de Wescast en Amérique du Nord. Enfin, on nous a informés que les coûts se rattachant à la contribution aux coûts effectuée par Wescast seraient engagés par Weslin dans le cours normal de ses activités.

 

[19]    Cela m’amène à penser que Mme Robinson estimait que l’objet de l’entente de coentreprise était la raison immédiate pour laquelle l’appelante effectuait les paiements de contribution aux coûts et qu’elle considérait donc, en fait, ces paiements isolément par rapport à l’investissement de 105 millions de dollars dans l’usine de Weslin Hungary et indépendamment du fait que les paiements devaient être effectués en vue de fournir le fonds de roulement de démarrage de l’usine. Lorsqu’on lui a demandé, lors du contre‑interrogatoire, si les contributions aux coûts pouvaient être inscrites à titre d’actif selon les PCGR, Mme Robinson a refusé d’exprimer une opinion, en disant simplement que sa mission consistait uniquement à établir s’il était raisonnable de les traiter comme une charge, et qu’elle n’exprimerait pas d’opinion sur les autres possibilités [traduction] « sans procéder à une analyse et à une recherche plus poussées ». Étant donné que le témoignage de Mme Robinson était fondé sur le fait que l’appelante estimait que les paiements visaient principalement à lui procurer un avantage dans son entreprise canadienne plutôt qu’à fournir le capital de démarrage nécessaire à l’entreprise hongroise, et compte tenu du fait que Mme Robinson s’est montrée réticente, lors du contre‑interrogatoire, lorsqu’il s’est agi d’exprimer une opinion en dehors des paramètres fort étroits de son mandat, je doute énormément de son objectivité et j’accorde peu de poids à son témoignage.

 

[20]    Me Nathanson s’appuie sur 33 décisions, s’échelonnant sur un siècle, depuis la décision Vallambrosa Rubber[6] jusqu’à la décision Valiant Cleaning[7]. Me Goldstein a, pour sa part, cité 17 décisions; très peu de décisions figuraient sur les deux listes. L’appelante invoque le principe que la juge Campbell a suivi dans l’affaire Valiant Cleaning, à savoir que les avances de fonds de roulement consenties à une filiale, si elles visent avant tout à protéger l’entreprise de la société mère contre le préjudice financier qu’elle pourrait par ailleurs subir si la filiale ne respectait pas ses engagements, peuvent à juste titre être traitées par la société mère à titre de dépenses courantes. Il est clair qu’il s’agit d’un critère fondé sur l’objet visé. Le juge Dixon s’est exprimé comme suit dans l’arrêt Hallstroms Pty. Ltd. c. Federal Commissioner of Taxation[8] :

 

[traduction]

 

Ce qui est une sortie d’argent imputable au capital et ce qui est une sortie d’argent imputable au revenu dépendent de ce que la dépense vise à effectuer au point de vue pratique et commercial, plutôt que de la classification juridique des droits légaux, le cas échéant, obtenus, exercés ou épuisés dans le processus.

 

[21]    Weslin Hungary a dépensé les 13 millions de dollars ici en cause entre les années 2000 et 2002 en utilisant des fonds qu’elle avait reçus de ses deux sociétés mères lors de la capitalisation initiale de 105 millions de dollars, et elle a considéré d’une façon tout à fait appropriée ces dépenses comme des dépenses courantes au cours de ces trois années. Il s’agissait de frais de démarrage. Les paiements équivalents que Weslin a effectués en sa faveur aux termes des ententes de contribution représentaient simplement la part du fonds de roulement attribuable à Wescast, lequel, comme tous les intéressés le savaient au départ, devait être fourni à Weslin Hungary par les sociétés mères pour amener l’usine de cette dernière au stade de la production. Le démarrage conférait peut‑être certains avantages accessoires à Wescast, par opposition aux avantages découlant de l’établissement d’une présence en Europe sur le plan de la fabrication sous la forme de l’usine de Weslin Hungary, mais la nature de ces avantages ne ressortent pas précisément des éléments de preuves. Ils ne permettent pas non plus de les quantifier ou d’opérer de distinction entre les deux sortes d’avantages.

 

[22]    Les paiements effectués par Weslin ne visaient pas non plus à créer ces avantages. Les paiements ont été effectués par les deux sociétés mères, parce que le fait de fournir à Weslin Hungary le fonds de roulement nécessaire pour lui permettre de survivre au cours de la période de démarrage faisait partie intégrante de la décision de créer Weslin Hungary et de construire l’usine en Hongrie. Cette décision, du point de vue de l’appelante, résultait sans aucun doute de la tendance à la mondialisation qui se manifestait dans l’industrie de l’automobile ainsi que de la nécessité à long terme pour l’appelante de « se mondialiser » pour sa survie future, mais cela, bien sûr, ne pourrait pas justifier le traitement de la capitalisation de Wesklin Hungary à titre de dépense courante des sociétés mères. La dépense en immobilisations de 105 millions de dollars et la dépense de 26 millions de dollars se rapportant au fonds de roulement, sur lesquelles un montant de 13 millions de dollars représentait la part de l’appelante, ont été engagées exactement pour la même fin, soit créer une usine opérationnelle en Europe dans le cadre d’une stratégie mondiale à long terme. Les conseillers fiscaux de l’appelante, et les témoins de l’appelante à l’instruction, ont tenté d’attribuer une fin différente aux paiements de contribution aux coûts, à savoir que ces paiements conféraient, indépendamment de l’usine elle‑même, des avantages à l’appelante et à Linamar. Or, aucune fin de ce genre n’avait donné lieu à ces paiements; il s’agissait tout simplement de fournir à Weslin Hungary un fonds de roulement de démarrage.

 

[23]    Il n’existe aucune ligne de démarcation nette entre les dépenses imputables au capital et les dépenses imputables au revenu. On peut toutefois dégager certains principes de la jurisprudence. Le professeur Krishna les résume comme suit :

 

[traduction]

 

            1.         Le caractère de l’avantage ou la durée de l’avantage (plus l’avantage est durable, plus la dépense est probablement imputable au capital);

 

            2.         Le caractère récurrent et la fréquence de la dépense (plus la dépense est fréquente, moins l’avantage est durable);

 

3.         L’identification du paiement en tant que substitution des dépenses qui seraient imputables au capital ou au revenu (ce qui remplace une dépense en capital est probablement une dépense en capital)[9].

 

En l’espèce, les paiements font partie intégrante de l’établissement de l’installation hongroise, de sorte qu’ils sont de nature durable. Il est déclaré que les ententes dureront tant que la coentreprise existera, mais qu’une partie pourra les résilier auparavant sur préavis de 30 jours. À coup sûr, on ne voulait pas que les paiements continuent à être effectués une fois que Weslin Hungary serait rentable en tant qu’entité autonome. Les paiements constituent une substitution à la capitalisation en actions qui était initialement prévue comme méthode de financement des coûts de démarrage de l’usine hongroise. Ces facteurs connotent tous une dépense en capital plutôt qu’une dépense imputable au revenu.

 

[24]    Lors des débats, Me Nathanson m’a renvoyé au passage suivant des motifs de jugement rendus par lord Denning, M.R., dans la décision Heather (Inspector of Taxes) c. P-E Consulting Group Ltd.[10] :

 

[TRADUCTION]

 

La question – s’agit-il d’une dépense d’exploitation ou d’une dépense de capital? – est une question continuellement posée par les hommes d’affaires, les comptables et les avocats. La réponse est souvent facile, parfois elle l’est moins. La difficulté provient de la nature de la question. Elle suppose en effet que toute dépense peut être toujours placée dans l’une ou l’autre des catégories, mais c’est tout bonnement impossible. Certains cas se trouvent à la limite des deux catégories et ce n’est pas une ligne de démarcation claire; il s’agit plutôt d’une zone floue et mal définie où tout un chacun peut se perdre. Différentes personnes peuvent arriver à des conclusions différentes et pourtant également correctes. On peut comparer cette zone au passage du jour à la nuit, ou du rouge à l’orange. Tout le monde peut saisir la différence, sauf dans les cas marginaux, où chacun est dans le doute. On peut se prononcer pour l’une ou l’autre. Dans ces cas marginaux, les praticiens – qu’ils soient comptables ou juristes – sont obligés de choisir l’une ou l’autre catégorie. Ainsi, grâce à la coutume ou au droit, à la pratique ou à la doctrine, la frontière est délimitée avec plus de certitude. Au moins en ce qui concerne cette zone, où l’on ne peut dire qu’une décision est correcte ou fautive, la seule règle sûre consiste à s’appuyer sur la jurisprudence. Il faut donc examiner les décisions pour vérifier si le problème en cause a déjà été posé. Si c’est le cas, adoptez la solution donnée et, dans le cas contraire, adoptez la solution donnée dans l’affaire la plus analogue possible.

 

Selon Me Nathanson, la décision la plus pertinente en l’espèce est Valiant Cleaning c. La Reine[11] dont l’auteur est la juge Campbell. C’est peut‑être bien la raison pour laquelle M. Slattery avait lu cette décision en se préparant à témoigner.

 

[25]    A mon avis, les faits de la décision Valiant Cleaning ne sont pas semblables à ceux de l’espèce. Dans cette affaire‑là, la contribuable, un fournisseur de premier niveau dans l’industrie de l’automobile en Amérique du Nord, avait acquis une filiale, Elan, qui exerçait ses activités au Royaume‑Uni, afin d’étendre sa présence à cet endroit dans le cadre d’une stratégie de mondialisation de son entreprise. La contribuable avait traité le coût d’acquisition des actions d’Elan ainsi que deux avances de fonds subséquentes consenties à celle‑ci comme des dépenses en capital. Par la suite, Elan avait continué à faire face à de graves difficultés financières et elle avait envers ses clients des obligations contractuelles dont elle ne pouvait pas s’acquitter. En l’absence d’avances de fonds additionnels, elle se serait vue obligée de rompre ces contrats, ce qui aurait causé un préjudice irrémédiable à la réputation de la société mère, une perte de son statut de fournisseur de premier niveau dans l’industrie, et, en fin de compte, l’échec de sa propre entreprise au Canada. En l’espèce, il n’est pas question d’une filiale qui fait face à des circonstances difficiles et qui est sur le point de manquer à ses obligations contractuelles. Dans ce cas‑ci, les paiements n’ont pas été effectués en vue de protéger la société mère contre l’extinction possible résultant de la perte de sa réputation à titre de fournisseur par suite d’un défaut imminent de la part de sa filiale. Les paiements devaient uniquement servir de capital de démarrage à une filiale qui venait d’être créée. L’investissement de capital a été effectué dans le cadre d’une stratégie de mondialisation à long terme nécessaire et la fourniture du fonds de roulement faisait partie de cet investissement de capital. L’analogie appropriée ne se rapporte pas aux avances dont il était question dans l’affaire Valiant Cleaning, mais aux deux premières avances de fonds de roulement qui ont été traitées, à juste titre comme la juge Campbell 1’a conclu[12], à titre de dépenses en capital.

 

[26]    Parmi les nombreuses affaires auxquelles les avocats m’ont renvoyé, celle qui se rapproche le plus de la présente affaire est Stewart & Morrison Ltd. c. M.R.N.[13] La contribuable avait constitué en personne morale une filiale américaine pour qu’elle exploite une entreprise aux États‑Unis, l’intention étant que cette filiale soit gérée par la contribuable et qu’elle constitue une source future de revenu pour celle‑ci. Cette filiale avait besoin d’un fonds de roulement, et la société mère avait organisé un prêt bancaire qu’elle garantissait et avait également consenti des avances de fonds à la filiale. L’entreprise ayant échoué, la contribuable avait cherché à déduire du revenu le montant des prêts. Le juge Judson, au nom de la Cour suprême du Canada, a conclu que les prêts, soit un fonds de roulement que la contribuable avait fourni à sa filiale, étaient de la nature du capital et que la déduction des prêts était donc prohibée à l’alinéa 12(l)b) de la Loi, qui a été remplacé par l’alinéa 18(l)b) actuel.

 

[27]    Dans l’affaire M.N.R. c. Steer[14], un investisseur dans une entreprise de forage de pétrole avait garanti un prêt bancaire en vue de fournir un fonds de roulement pour les travaux de forage. Lorsque l’entreprise a échoué et que la société a fait défaut à l’égard du prêt, l’investisseur a été tenu d’honorer la garantie. Le juge Judson, au nom de la Cour suprême du Canada à l’unanimité, a qualifié l’opération de prêt reporté consenti à la société, et il a conclu que la perte était une perte en capital dont la déduction était prohibée à l’alinéa 12(l)b).

 

[28]    D’autres exemples du même principe figurent dans les décisions de la Section de première instance de la Cour fédérale, soit la décision rendue par le juge Dubé dans l’affaire The Queen c. H. Griffiths Co. Ltd.[15] et la décision rendue par le juge Strayer dans l’affaire Morflot Freightliners Ltd. c. The Queen[16].

 

[29]    Une fois qu’il est conclu que les paiements effectués au moyen du mécanisme des ententes de contribution aux coûts représentaient en fait la contribution de l’appelante au fonds de roulement de démarrage de Weslin Hungary, je me vois obligé de conclure que, aux termes de l’alinéa 18(1)b) de la Loi, l’appelante ne peut les déduire de son revenu.

 

[30]    L’avocat de l’appelante a soutenu que, si ces paiements sont considérés comme imputables au capital, le ministre les traitera comme ne représentant rien au titre du capital, au grand détriment de la contribuable. Il est soutenu qu’en droit, on a horreur des « riens », et ce, avec raison, et qu’il faudrait éviter ce résultat. Sans aller jusqu’à décider que les paiements sont « des riens », je ferai simplement remarquer que, si c’est le cas, c’est le résultat de la décision que l’appelante a prise après mûre réflexion d’adopter une stratégie fiscale que ses conseillers avaient minutieusement conçue expressément en vue de réduire au minimum son obligation fiscale au Canada, sans nuire au droit de la filiale hongroise de reporter prospectivement dans leur pleine mesure ses pertes de démarrage. L’appelante et ses conseillers étaient sans aucun doute au courant du risque. De fait, un élément majeur de la décision relative au pourcentage des pertes qui serait attribué aux sociétés mères canadiennes se rapportait à leur estimation de la mesure dans laquelle le ministre établirait vraisemblablement une nouvelle cotisation en vue de refuser la déduction.

 

[31]    L’appel sera accueilli, mais uniquement dans la mesure nécessaire pour donner effet à la concession faite par l’intimée au paragraphe 57 de l’exposé conjoint des faits quant à la déduction pour des bénéfices de fabrication et de transformation. La nouvelle cotisation sera renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, compte tenu du fait que l’appelante a droit à une déduction pour des bénéfices de fabrication et de transformation dans le calcul de l’impôt par ailleurs payable en application de la partie I de la Loi pour l’année d’imposition 2002. L’intimée aura droit aux dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour d’octobre 2010.

 

 

« E.A. Bowie »

Juge Bowie

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 10e jour de février 2011.

 

 

 

 

François Brunet, réviseur

 


RÉFÉRENCE :                                  2010 CCI 538

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2008-586(IT)G

 

INTITULÉ :                                       WESTCAST INDUSTRIES INC.

                                                          c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATES DES AUDIENCES :              Les 5, 6, 7 et 8 octobre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge E.A. Bowie

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 21 octobre 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l’appelante :

Me David C. Nathanson, c.r. Me Adrienne K. Woodyard

Avocats de l’intimée :

Me Naomi Goldstein

Me Ky Hong (Eric) Luu

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                   Nom :                             David C. Nathanson, c.r.

                                                          Adrienne K. Woodyard

 

                   Cabinet :                         Davis LLP

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 



[1]           L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.), dans sa forme modifiée.

 

[2]           Transcription, p. 178, l. 4, à p. 184, l. 3.

 

[3]           Transcription, p. 324, l.20, à p. 329, l. 21.

 

[4]           Pièce A-2, onglet 3.

[5]           Ibid. p. 4.

 

 

[6]           Vallambrosa Rubber Co. Ltd. v. Farmer (1910), 5 TC 529.

[7]           Valiant Cleaning Technology Inc. c. La Reine, 2008 CCI 637.

[8]           (1946) 72 CLR 634 (HCA), p. 648.

 

[9]           Krishna, Vern. The Fundamentals of Canadian Income Tax (9e éd. 2006), p. 334.

 

[10]          [1973] 1 All E. R. 8, p. 12.

[11]          Précitée.

 

[12]          Ibid, par. 20.

[13]          [1974] R.C.S. 477.

 

[14]          66 DTC 5481 (C.S.C.).

[15]          76 DTC 6261.

[16]          89 DTC 5182.

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