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Dossier : 2009-1737(GST)I

 

 

ENTRE :

PARADIGM VENTURES, INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus le 17 mars et le 30 août 2010

à Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Devant : L’honorable juge J.E. Hershfield

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

M. Glen Mulcahy

 

Avocat de l’intimée :

Me Whitney Dunn

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel interjeté à l’encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d’accise (partie sur la TPS) pour la période de déclaration du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2006 est accueilli sans dépens, pour les motifs énoncés dans les motifs du jugement ci-joints, et la cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant pour acquis que seulement 53 103 $ des fournitures effectuées par l’appelante en 2006 au profit des clients non-résidents n’étaient pas détaxées.

 

          Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de décembre 2010.

 

« J.E. Hershfield »

Juge Hershfield

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de février 2011.

 

Marie‑Christine Gervais

 


 

 

 

Référence : 2010 CCI 646

Date : 20101220

Dossier : 2009-1737(GST)I

 

 

 

 

ENTRE :

PARADIGM VENTURES, INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Hershfield

 

[1]     L’appelante interjette appel à l’encontre d’une cotisation relative à la TPS percevable en vertu de la Loi sur la taxe d’accise (partie sur la TPS) (la « Loi ») pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2006.

 

[2]     L’avis d’appel identifie l’appelante comme étant une agence commerciale agissant à titre d’agent de vente pour des sociétés non résidentes. Il est allégé que les services fournis par l’appelante constituent des fournitures détaxées. L’appelante fait valoir que la cotisation reposait sur l’article 23 de la Partie V de l’annexe VI de la Loi (ci-après désignée simplement comme l’article 23) et soutient que cet article ne s’applique pas de manière à exclure ses services de la catégorie des fournitures détaxées.

 

[3]     La réponse à l’avis d’appel ne soulève aucune question relativement à l’article particulier de la Loi invoqué à l’appui de la cotisation, mais elle énonce les hypothèses suivantes :

 

[traduction]

          []

c)                  l’appelante est une agence commerciale qui représente des sociétés ayant leur siège aux États-Unis et qui vent les produits de celles-ci au Canada à des clients détaillants et grossistes;

 

d)                  l’appelante fournissait des services consistant à faire passer des commandes au Canada, à obtenir de telles commandes ou à faire des démarches pour en obtenir, pour des sociétés non résidentes;

 

e)                  l’appelante fournissait les services mentionnés ci-dessus au Canada;

 

f)                    l’appelante tirait des revenus de commission de la vente de produits pour le compte d’entreprises non résidentes au Canada;

 

g)                  l’appelante était inscrite en vertu de la partie IV de la Loi depuis le 22 août 2001;

 

h)                  l’appelante était tenue de produire des déclarations annuelles de TPS;

 

i)                    pendant toute la période pertinente, l’appelante exerçait des activités commerciales;

 

j)                    pendant toute la période pertinente, l’appelante n’a pas effectué de fournitures détaxées;

 

k)                  pendant toute la période pertinente, l’appelante a effectué des fournitures taxables au Canada;

 

l)                    pendant toute la période pertinente, l’appelante était tenue de percevoir la TPS sur les fournitures taxables au taux de 7 % du 1er janvier au 30 juin 2006 et de 6 % du 1er juillet au 31 décembre 2006;

 

m)                l’appelante a déclaré des ventes de 257 940 $, mais n’a ni perçu, ni remis la TPS de 16 766,10 $ percevable pour la période.

 

[4]     L’article 23 énonce les services de consultation qui constituent des fournitures détaxées, mais exclut certains services d’agence. La partie pertinente de l’article est rédigée comme suit :

 

23 [Service consultatif ou professionnel] La fourniture d’un service consultatif ou professionnel au profit d’une personne non-résidente, à l’exclusion des fournitures suivantes :

[]

 

d) un service de mandataire de la personne ou un service consistant à faire passer des commandes pour des fournitures à effectuer par la personne ou à son profit, à obtenir de telles commandes ou à faire des démarches en vue d’en obtenir.

 

[5]     L’appelante soutient que l’article 23 n’est pas la disposition applicable de la Loi. L’appelante fait valoir que l’article applicable est l’article 5 de la Partie V de l’annexe VI de la Loi (ci-après désigné simplement comme l’article 5), lequel traite expressément des mandataires. Cet article est rédigé comme suit :

 

5 [Service de mandataire ou de représentant] La fourniture, effectuée au profit d’une personne non-résidente, d’un service de mandataire ou d’un service consistant à faire passer des commandes pour des fournitures à effectuer par la personne ou à son profit, à obtenir de telles commandes ou à faire des démarches pour en obtenir, dans le cas où le service se rapporte :

 

a) soit à une fourniture effectuée au profit de la personne, incluse dans un autre article de la présente partie;

 

b) soit à une fourniture effectuée à l’étranger par la personne ou à son profit.

[Non souligné dans l’original.]

 

[6]     Cet article a été modifié en 1997. Il était rédigé auparavant comme suit :

 

5.  La fourniture, effectuée au profit d’une personne non résidante, d’un service de mandataire, dans la mesure où le service se rapporte :

           

a) à une fourniture effectuée au profit de cette personne, figurant dans un autre article de la présente partie;

 

b) à une fourniture effectuée à l’étranger par cette personne ou à son profit.

 

[7]     Quoique la réponse ne mentionne pas l’article 5, l’avocat de l’intimée ne nie pas que cet article est celui qui s’applique, et n’accorde à toute fin pratique aucun poids aux lettres à l’appelante, antérieures à la cotisation, qui mentionnaient l’article 23. En fait, comme il est noté ci‑dessous, l’appelante a été informée, durant le processus d’appel et avant que le ministre du Revenu national (le « ministre ») ne ratifie la cotisation, que la cotisation se fondait sur l’article 5. Par conséquent, il est clair que la Cour doit étudier l’application de l’article 5 et non de l’article 23. Pour tomber sous le coup de l’article 5, l’appelante doit démontrer que a) elle a effectué la fourniture au profit d’un non-résident dont la fourniture est détaxée ou que b) la fourniture a été effectuée à l’étranger par le non‑résident.

 

[8]     Nul n’a soutenu ou laissé entendre que les clients de l’appelante tombaient sous le coup de l’alinéa 5a). L’avocat de l’intimée, par conséquent, à concentré son argumentation sur l’exigence énoncée à l’alinéa 5b). En faisant cela, il a considéré les dispositions déterminatives relatives à la question de savoir en quoi consiste une fourniture effectuée à l’étranger et a soutenu que la preuve présentée par l’appelante ne suffisait pas pour satisfaire aux exigences énoncées dans ces dispositions.

 

[9]     La question de savoir si une fourniture a été effectuée à l’étranger en est une de fait assujettie aux dispositions déterminatives auxquelles l’avocat de l’intimée a fait référence. Aucune preuve n’a été présentée qui pourrait être utile à la Cour, sauf en ce qui a trait aux dispositions déterminatives. Les fournitures sont réputées avoir été effectuées au Canada ou à l’étranger selon les paragraphes 142(1) et (2) de la Loi. Les paragraphes 142(1) et (2) sont rédigés comme suit :

 

142(1) [Lieu de la fourniture] Règle générale  CanadaPour l’application de la présente partie et sous réserve des articles 143, 144 et 179, un bien ou un service est réputé fourni au Canada si :

a) s’agissant d’un bien meuble corporel fourni par vente, il est, ou sera, livré à l’acquéreur au Canada ou y est, ou y sera, mis à sa disposition;

b) s’agissant d’un bien meuble corporel fourni autrement que par vente, sa possession ou son utilisation est accordée à l’acquéreur au Canada ou y est mise à sa disposition;

c) s’agissant d’un bien meuble incorporel, selon le cas :

  (i) il peut être utilisé en totalité ou en partie au Canada,

(ii) il se rapporte à un immeuble situé au Canada, à un bien meuble corporel qui y est habituellement situé ou à un service à y être rendu;

d) s’agissant d’un immeuble ou d’un service y afférent, l’immeuble est situé au Canada;

e) [Abrogé]

f) il s’agit d’un service visé par règlement;

g) s’agissant de tout autre service, il est, ou sera, rendu en tout ou en partie au Canada.

 

(2) [Lieu de la fourniture] Règle générale – hors du CanadaPour l’application de la présente partie, un bien ou un service est réputé fourni à l’étranger si :

a) s’agissant d’un bien meuble corporel fourni par vente, il est, ou sera, livré à l’acquéreur à l’étranger ou est, ou sera, mis à sa disposition à l’étranger;

b) s’agissant d’un bien meuble corporel fourni autrement que par vente, sa possession ou son utilisation est accordée à l’acquéreur à l’étranger ou est mise à sa disposition à l’étranger;

c) s’agissant d’un bien meuble incorporel, selon le cas :

(i) il ne peut être utilisé au Canada,

(ii) il se rapporte à un immeuble situé à l’étranger, à un bien meuble corporel habituellement situé à l’étranger ou à un service à être rendu entièrement à l’étranger;

d) s’agissant d’un immeuble ou d’un service y afférent, l’immeuble est situé à l’étranger;

e) [Abrogé]

f) il s’agit d’un service visé par règlement;

g) s’agissant de tout autre service, il est, ou sera, rendu entièrement à l’étranger.

             

[10]    Comme il ressort clairement du paragraphe 142(1), celui-ci est assujetti à l’article 143, qui définit les conditions auxquelles des fournitures sont réputées avoir été effectuées à l’étranger. En d’autres termes, le paragraphe 142(1) ne s’applique pas relativement à une fourniture si, aux termes de l’article 143, celle‑ci est réputée avoir été effectuée à l’étranger. L’article 143 est rédigé ainsi :

 

143(1) Fourniture par une personne non résidantePour l’application de la présente partie, un bien meuble ou un service fourni au Canada par une personne non résidante est réputé fourni à l’étranger, sauf dans les cas suivants :

a) la fourniture est effectuée dans le cadre d’une entreprise exploitée au Canada;

b) la personne est inscrite aux termes de la sous-section d de la section V au moment où la fourniture est effectuée;

c) il s’agit de la fourniture d’un droit d’entrée relativement à un lieu de divertissement, un colloque, une activité ou un événement, que la personne n’a pas acquis d’une autre personne.

(2)  [Abrogé.]

 

[11]    L’analyse proposée par l’avocat de l’intimée est sensiblement la suivante :

 

Les services de l’appelante concernent-ils la fourniture de marchandises effectuée à l’étranger? Si oui, la fourniture des services est détaxée.

         

Selon l’alinéa 142(2)a), les services de l’appelante, relativement aux marchandises vendues par un non-résident, sont réputées effectuées à l’étranger si ces marchandises ont été livrées à l’étranger. L’appelante n’a pas démontré que l’une quelconque des marchandises à l’égard desquelles elle a fourni des services à des non-résidents a été livrée à l’étranger. De plus, l’appelante ne s’est pas acquittée du fardeau de faire correspondre ses services à un paiement quelconque pour une fourniture particulière par un non-résident donné.

 

Les alinéas 143(1)a) et b) prévoient qu’une fourniture effectuée par un non-résident est réputée avoir été effectuée à l’étranger sauf si a) la fourniture est effectuée dans le cadre d’une entreprise exploitée au Canada ou b) la fourniture est effectuée par une personne inscrite aux termes de la Loi.

 

         Deux des fournisseurs non-résidents identifiés par l’appelante étaient inscrits aux termes de la Loi durant la période en cause. Ils avaient également des comptes d’entreprise aux fins de l’impôt sur le revenu. Un troisième fournisseur non-résident identifié par l’appelante avait un compte d’entreprise auprès de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») aux fins de l’impôt sur le revenu. Tous les honoraires gagnés à l’égard de ces fournitures ne sont par conséquent pas reputés avoir été gagnés à l’étranger aux termes de l’article 143.

 

Et, enfin, et en tout état de cause, la correspondance des paiements avec une fourniture quelconque, ainsi que les documents de l’appelante, laissaient tellement à désirer que l’appel devrait être rejeté, sans égard aux dispositions déterminatives. Il est allégué qu’aucun élément de preuve fiable n’a été présenté ni à l’ARC, ni à la Cour. Rien ne corrobore la liste de non-résidents auxquels l’appelante aurait selon elle fourni des services, qui a été présentée par celle‑ci tardivement. Aucun document comptable fiable ne fait état des montants, le cas échéant, qu’elle a gagnés relativement à ses services à l’un quelconque des non-résidents figurant sur cette liste. Il n’y a pas de contrats, de factures, de bons de commande, de documents de livraison ou d’autres éléments de preuve liant un service ou une marchandise quelconque à un paiement.

 

[12]    Selon les faits allégués par l’appelante, celle-ci présentait à ses clients non‑résidents des acquéreurs canadiens potentiels et elle recevait des honoraires ou une commission lorsque la présentation donnait lieu à une vente. Le représentant de l’appelante (le propriétaire et l’exploitant de l’appelante) a fait valoir que les ventes concernaient la livraison de marchandises à l’étranger et que l’acheteur était responsable d’apporter ces marchandises au Canada. Il a soutenu que les modifications apportées à la Loi en 1997, pour lesquelles l’Association canadienne des professionnels de la vente (l’« ACPV ») avait fait campagne, visaient à ce que les services fournis à des non-résidents, tels que ceux fournis par l’appelante, soient réputés être des fournitures détaxées. Il a même présenté des éléments de preuve selon lesquels, antérieurement aux modifications, il y avait eu un moratoire sur les cotisations imposées aux sociétés canadiennes fournissant des services à des fournisseurs non-résidents. Il m’a soumis des documents publiés et des lettres qui confirmaient que les commissions gagnées relativement à des fournitures effectuées par des non-résidents à l’étranger étaient détaxées. Il soutient que l’appelante recevait ses commissions pour cela et que cela devrait mettre fin à l’affaire. Il semble en effet croire que les faits de sa situation parlent d’eux-mêmes dans le contexte de l’allègement prévu que la modification de l’article 5 promettait.

 

[13]    Il est clair que, de manière générale, les faits de sa situation n’ont pas été contestés. Dans les hypothèses notées ci-dessus, le ministre a convenu que l’appelante gagnait des revenus de commission provenant de fabricants non‑résidents, relativement à des ventes de produits pour lesquelles elle avait fourni des services consistant à faire passer des commandes pour des clients au Canada, à obtenir de telles commandes ou à faire des démarches pour en obtenir, pour le compte de tels non-résidents.

 

[14]    Étant donné l’historique des modifications et les assurances qu’il avait reçues, le représentant de l’appelante croit sincèrement que, à toute fin pratique, cette reconnaissance de ce que l’appelante fait suffit à justifier l’accueil de l’appel. Il est resté indifférent aux maintes mises en garde que je lui ai faites selon lesquelles cette croyance pourrait ne pas constituer un fondement suffisant pour me permettre d’accueillir l’appel. Les dispositions de la Loi, dans leur version modifiée, sans égard à tout autre point, exigent que je sois convaincu de la question de savoir si les fournitures du client de l’appelante ont été effectuées à l’étranger en vertu du paragraphe 142(2) ou si elles tombent sous le coup de l’article 143. L’aperçu général des services de l’appelante ne serait pas suffisant s’il n’était pas satisfait aux dispositions de la Loi qui prescrivent les conditions auxquelles ses services sont détaxés.

 

[15]    L’article 142 énonce les conditions auxquelles des fournitures sont réputées avoir été effectuées au Canada ou à l’étranger. La position de l’intimée semble être que, à moins que l’appelante puisse démontrer qu’elle a satisfait aux exigences du paragraphe 142(2), le paragraphe 142(1) s’applique et les fournitures de l’appelante sont réputées avoir été effectuées au Canada. Cela n’est pas nécessairement vrai, sauf si le ministre a émis l’hypothèse que les fournitures des non-résidents ont été effectuées au Canada ou s’il a émis l’hypothèse qu’il a été satisfait à l’une des exigences relatives aux conditions déterminatives au paragraphe 142(1). Selon l’alinéa 142(1)a), la vente d’un bien meuble corporel est réputée effectuée au Canada si le bien est, ou sera, livré à l’acquéreur au Canada ou y est, ou sera, mis à sa disposition. L’hypothèse du ministre est que les clients de l’appelante vendaient leurs produits au Canada à des clients détaillants et grossistes. À mon avis, cette hypothèse pourrait ne pas suffire en elle-même pour imposer à l’appelante le fardeau de démontrer que les marchandises vendues n’étaient pas en fait livrées aux clients ou mises à leur disposition au Canada. Cependant, je dispose du journal/registre détaillé de l’ARC tenu à l’étape de l’appel avant la ratification de la cotisation, qui a été déposé en preuve, ainsi que du témoignage de l’agent d’appels à l’audience. Il ne fait pas de doute qu’il a été dit au représentant de l’appelante, ainsi qu’au représentant comptable de celle-ci, que pour que les services de l’appelante soient détaxés, il devait démontrer que les marchandises auxquelles les services se rapportaient avaient été livrés aux acquéreurs canadiens à l’étranger, comme l’exige le paragraphe 142(2). Cela milite en faveur de la conclusion que l’hypothèse véritable émise par le ministre pour ratifier la cotisation était que les livraisons en cause n’avaient pas été faites à l’étranger. En d’autres mots, l’appelante avait en l’espèce l’obligation de démontrer que la disposition déterminative du paragraphe 142(2) s’appliquait. Si elle n’y parvient pas, l’appelante doit s’appuyer sur la disposition déterminative du paragraphe 143.

 

[16]    C’est ce fardeau de preuve que l’appelante avait du mal à accepter. Mes maintes mises en garde à ce sujet n’ont semblé qu’augmenter sa frustration et parfois de faire perdre l’objectif de l’audience. L’appelante soutenait qu’elle ne pouvait pas produire certains renseignements soit parce qu’elle n’y avait pas accès, soit parce qu’ils étaient confidentiels et que leur divulgation minerait ses relations d’affaire avec ses clients non-résidents. L’appelante n’a même pas fourni à l’ARC ou à l’avocat de l’intimée les noms et les adresses de ses clients. Au début de l’audience en mars, l’appelante a informé la Cour qu’elle ne pouvait pas présenter à la Cour des renseignements confidentiels de tiers. J’ai alors déclaré que, si l’intimée avait raison quant à l’application des articles 5, 142 et 143, il paraissait alors impossible que l’appelante pût avoir gain de cause, sauf si elle procédait à une meilleure divulgation. L’audience de mars a été ajournée pour donner à l’appelante le temps de considérer la question de savoir comment elle pouvait procéder ainsi que celle de savoir quels éléments de preuve elle pouvait présenter. Lors de la nouvelle audience en août, l’avocat de l’intimée a informé la Cour que le représentant de l’appelante avait fourni les noms de cinq clients non‑résidents qui avaient payé des commissions à l’appelante en 2006. Grâce à cette liste de noms, l’intimée a pu déterminer le statut des fournisseurs non‑résidents relativement à l’application de l’article 143. Comme il est noté ci‑dessus, deux des clients non-résidents étaient inscrits aux termes de la Loi. Des renseignements additionnels ont été alors fournis à la nouvelle audience dans des conditions que le représentant de l’appelante a qualifié de [traduction] « contraintes ». Néanmoins, les renseignements qu’il a fournis étaient minimes.

 

[17]    Avant d’examiner la preuve additionnelle, je voudrais répondre à l’argument de l’appelante selon lequel la vérification initiale soulevait des questions fondées sur l’article 23. Cela n’est pas pertinent pour les appels. L’appelante soutient qu’aucune décision n’a été prise quant à la question de savoir si l’article 23 s’appliquait. Quoique je n’aie pas statué sur cette question à l’audience, le témoignage du représentant lui-même de l’appelante était que les services fournis ne pouvaient être détaxés en application de l’alinéa 23d). La Couronne ne s’appuie pas sur cette disposition. Comme il est noté plus haut, je suis convaincu qu’il a été dit à l’appelante qu’elle devait, pour que ses services soient détaxés, s’appuyer sur l’article 5 et, pour cela, démontrer que les marchandises auxquelles les services se rapportaient avaient été livrés à l’étranger, comme l’exige le paragraphe 142(2). L’appelante connaissait très bien le fondement sur lequel reposait la ratification de la cotisation. Quoi qu’il en soit, le fondement sur lequel reposait la ratification de la cotisation m’a été clairement présenté. L’article 23 est un faux-fuyant.

 

[18]    De plus, je note que les nombreuses discussions entre les représentants de l’appelante, qui sont consignées dans le journal et les registres de l’ARC, et les lettres qui leur ont été envoyées auraient dû prévenir l’appelante de la vanité de l’argument selon lequel la modification de l’article 5, qui permet la détaxation des types de services fournis par l’appelante, n’était pas inconditionnelle. L’interprétation donnée par l’ARC aux diverses dispositions mentionnées ci‑dessus a été clairement exposée. En effet, quelques-uns des documents produits par l’appelante elle-même, comme un extrait qui, selon l’appelante, est tiré d’une publication d’un cabinet national de comptables agréés, donnent la même interprétation et font ressortir le fardeau de preuve difficile qui incombe aux personnes comme l’appelante. Dans la publication, on avertit que le manque de documents relatifs aux marchandises fournies à l’étranger pourrait amener l’ARC à décider que la détaxation ne s’appliquait pas. Par conséquent, le plaidoyer de l’appelante pour qu’il soit donné gain de cause à son appel sur le fondement de ce qu’elle dit au fond être l’esprit de la modification est simplement irréaliste. Il semble être entendu par la plupart que la modification comporte des conditions et des fardeaux de preuve.

 

[19]    En revanche, la preuve relative aux préoccupations de l’ARC antérieurement à la confirmation me convainc qu’il n’y avait aucune question litigieuse en ce qui a trait aux montants gagnés ou aux documents. Les hypothèses et le dossier montrent que la seule préoccupation était d’identifier les non-résidents et d’obtenir d’autres documents afin de pouvoir trancher la question de savoir s’il était satisfait à l’exigence relative à la livraison de l’article 142.

 

[20]    Pour souligner ce point central précis et l’acceptation générale de tout le reste, il convient d’examiner la transcription du témoignage de l’agent d’appels. Celui-ci a reconnu qu’il avait accepté les explications du représentant de l’appelante et qu’il avait recommandé l’annulation de la cotisation. Cependant, il a poursuivi son témoignage en déclarant que son chef d’équipe ainsi qu’un conseiller technique l’avaient amené à poser la question de [traduction] « savoir si les fournitures avaient été effectuées à l’étranger ou au Canada ». Ce sont les renseignements qui ont été requis de l’appelante. L’appelante n’avait pas de documents pouvant donner réponse à cette question ou, si elle en avait, son représentant était inquiet à la perspective de les produire, d’où sa frustration.

 

[21]    Quoi qu’il en soit, je me pencherai maintenant sur la nature des conditions prévues par la loi pour déterminer si les biens ou services fournis pas l’appelante sont détaxées.

 

[22]    En dépit de ce qui me semble être des allégations épisodiques selon lesquelles l’article 143 aurait l’emporte sur le paragraphe 142(2), je tiens à souligner clairement que chacune de ces dispositions donne à l’appelante un fondement pour prétendre que ses fournitures sont détaxées. Une fourniture qui est réputée avoir été effectuée à l’étranger aux termes du paragraphe 142(2) n’est pas soustraite à l’application de ce paragraphe du seul fait qu’elle n’est pas réputée avoir été effectuée à l’étranger aux termes de l’article 143, et une fourniture qui est réputée avoir été effectuée à l’étranger aux termes de l’article 143 n’est pas soustraite à l’application de cet article du seul fait qu’elle n’est pas réputée avoir été effectuée à l’étranger aux termes du paragraphe 142(2). Lorsqu’une fourniture est réputée avoir été effectuée à l’étranger, l’existence d’une autre disposition déterminative n’est pas pertinente lorsque ni l’une ni l’autre ne l’emporte sur l’autre.

 

[23]    Ceci dit, l’appelante n’a pas à se soucier des conditions prévues à l’article 143 si elle peut démontrer que la livraison des marchandises pour lesquelles elle a été payée par les vendeurs non-résidents a été effectuée à l’étranger. Le service sera alors réputé avoir été fourni à l’étranger en vertu du paragraphe 142(2) et il sera par conséquent détaxé en vertu de l’article 5. À défaut de cela, l’appelante doit démontrer que ses services sont, néanmoins, détaxés en vertu de la disposition déterminative de l’article 143.

 

[24]    L’interprétation donnée par le législateur à la détaxation des fournitures effectuées au profit des agences au Canada qui font affaire avec des fournisseurs non‑résidents fait bien ressortir le bénéfice que les personnes comme l’appelante, qui peuvent ne pas être de véritables mandataires au sens juridique, peuvent tirer de la modification apportée à l’article 5[1]. L’article, dans sa version antérieure à la modification, s’appliquait aux « mandataires ». La modification a ajouté les mots « d’un service consistant à faire passer des commandes pour des fournitures à effectuer par la personne ou à son profit, à obtenir de telles commandes ou à faire des démarches pour en obtenir ». Selon les hypothèses du ministre dans le présent appel, l’appelante est ce type de personne[2]. Le représentant de l’appelante semble croire que la modification a de plus amples conséquences. Elle n’en a pas. Elle donne simplement à l’appelante la possibilité de bénéficier de la même détaxation que celle accordée aux mandataires véritables au sens juridique. Comme cela est le cas pour les mandataires véritables, toutefois, pour bénéficier de cette possibilité, il y a des conditions. En l’espèce, la condition consiste à démontrer que les marchandises commandées pour des acquéreurs canadiens ont été livrées à l’étranger. Le fait de tomber ainsi sous le coup de l’article 5 donne aux personnes comme l’appelante et ses clients non‑résidents une façon éventuellement plus simple de ne pas entrer dans la chaîne de fournitures qui sont assujetties à des paiements de TPS. Un importateur canadien peut obtenir des CTI relativement à l’importation des marchandises au lieu de contraindre un non-résident à s’inscrire et à demander des CTI. Cela constitue une manière plus simple, sans incidence quant au revenu, de considérer cette activité, du moins à mon avis, et cela permet d’éviter les difficultés potentielles associées avec l’article 143.

 

[25]    Quoi qu’il en soit, si l’on a égard d’abord au paragraphe 142(2), l’obligation de l’appelante est de démontrer que les marchandises relativement auxquelles elle a gagné des commissions ont été livrées à l’étranger. Pour cela, l’appelante doit établir un lien entre ses commissions et les marchandises livrées à l’étranger. Il ne s’agit plus là d’une enquête aussi générale que ce que l’agent d’appels a laissé entendre dans ses premières discussions avec le représentant de l’appelante. Comme l’avocat de l’intimée l’a affirmé, il s’agit d’une démarche dans le cadre de laquelle il faut généralement repérer les conditions de livraison de toutes les commandes et de faire correspondre chacune d’entre elles à un reçu de commission particulier. Dans le cas de l’appelante, cela est dans les faits impossible, étant donné que son rôle l’exclut de la partie de la transaction qui concerne les documents de livraison et de transport, et constitue un casse-tête du point de vue comptable.

 

[26]    En ce qui concerne les problèmes de preuve relatifs à la livraison, l’appelante se trouve dans une position difficile. Quoiqu’il soit peut-être possible d’obtenir des éléments de preuve d’un acquéreur canadien sur l’endroit où la livraison de certaines marchandises a eu lieu , cela ne suffirait pas pour lier un paiement effectué par un vendeur non-résident à ces marchandises. Il sera inévitablement plus facile pour les agents dans la situation de l’appelante d’encourager et d’exhorter leurs clients à les aider à déterminer, pour le paiement de chaque commission, la commande particulière qui s’y rapporte et les conditions de livraison relatives à chaque commande. La Cour ne peut pas facilement dicter jusqu’à quel point l’obligation de repérer pourrait être contraignante d’un point de vue administratif, mais au cas par cas, la démarche pourrait se révéler très contraignante si elle doit être faite devant la Cour.

 

[27]    En ce qui concerne le problème comptable, la mise au point d’un système de comptabilité qui fait correspondre un paiement provenant d’un non-résident particulier à une commande particulière ne devrait pas constituer un défi aussi considérable que le prétend l’appelante. Il s’agit là d’une méthode de tenue de documents assez courante et simple que l’appelante peut adopter au cours même de l’exploitation de son entreprise.

 

[28]    Cependant, l’appelante se sent quand même lésée dans ses droits par ce régime. Elle se plaint de ne pas pouvoir contraindre ses clients à conclure des contrats en bonne et due forme et d’être complètement à leur merci quant à ce qu’elle est payée. Elle ne voit jamais les marchandises, ne s’occupe d’aucun aspect des commandes ou du transport et ne sait jamais quelles marchandises ont réellement été acquises et payées et pour lesquelles elle a droit d’être payée. Elle ne peut même pas envoyer une facture[3]. Elle fait confiance à ses clients pour la payer selon ce que les circonstances requièrent. Il ne lui est pas possible de procéder à une vérification. Les ententes sont laxistes, mais elle n’a aucun contrôle sur celles‑ci. De plus, l’appelante a reconnu que ses déclarations de revenus pouvaient avoir été établies au moyen de méthodes de comptabilité de caisse et de comptabilité d’exercice combinées et que les différences entre les deux méthodes en ce qui a trait à la conversion des taux de change lui posait problème. Ces aveux non sollicités rendent d’une certaine façon sa sincérité manifeste. Je reconnais, à l’instar de l’ARC, qu’elle est honnête et crédible, mais il est clair qu’elle a besoin de meilleurs conseils professionnels en matière de comptabilité. Quoi qu’il en soit, elle a déclaré qu’elle n’était pas au courant des exigences actuellement imposées. Il n’y a pas eu de précédent. Il lui semble être sanctionnée pour le fait qu’elle a utilisé des pratiques courantes et pour son manque de connaissances quant à ce que l’ARC et la Cour attendent maintenant d’elle.

 

[29]    La Cour ne peut être d’aucun secours relativement à ces problèmes. Si des clients ou des clients de clients ne consentent pas à donner des preuves de livraison satisfaisantes relativement à une fourniture particulière, c’est à l’agent que revient la responsabilité à l’égard de la TPS. Un document de vente ou d’achat ou de livraison entre son client et l’acquéreur comporterait certainement un bon de commande d’identification ou un numéro de référence qui pourrait, s’il était enregistré convenablement, être lié à un paiement et à un document de livraison ou d’importation. De tels documents ne peuvent pas être considérés comme des documents confidentiels lorsque l’article 5 est invoqué.

 

[30]    Quelle est donc la preuve des livraisons à l’étranger en l’espèce?

 

[31]    Dans le cas d’un client (Gale), il ne m’a été montré qu’un bon de commande daté de 2006. Il y a également un contrat de représentation signé qui lie l’appelante à ce client. Le bon de commande indique que la livraison est FOB Chine, mais aucun montant en dollars ne figure sur la commande. Une copie papier d’une balance de vérification du revenu de l’appelante pour l’année 2006 indique un revenu provenant de ce client de 37 260,21 $. Rien ne démontre que le montant de la balance de vérification se rapporte précisément à la commande présentée en preuve. Il est impossible d’attribuer un montant en dollars à cette livraison effectuée à l’étranger. De plus, cela ne peut servir d’exemple permettant de conclure que toutes les livraisons de ce client ont été effectuées à l’étranger.

 

[32]    Dans le cas du deuxième client (LOA), on m’a montré deux factures ayant trait à des fournitures effectuées par des non-résidents au profit d’un acquéreur canadien. Celle qui avait trait à 2006 comportait un montant en dollars qui, selon le témoignage du représentant de l’appelante, a donné lieu à une commission de quelques 700 dollars américains. Cependant, elle ne donne aucun renseignement sur le lieu de la livraison. Il s’agit d’une télécopie envoyée à un numéro qui est probablement celui de l’appelante. L’autre facture, également une télécopie, a trait à l’année 2010 et identifie l’importateur consigné comme étant l’acquéreur canadien et il y a un courriel qui lie cette fourniture à l’appelante. De tels documents seraient des preuves suffisantes que le client fournisseur de l’appelante a fait cette livraison à l’étranger en 2010. Il y figure un numéro de commande et un paiement pourrait être facilement lié à cette commande au moyen de toute forme de document de confirmation du paiement se rapportant à ce numéro de commande. Cependant, même s’il existait, ce document ainsi que la facture et le courriel relatif à la commande de 2010 ne constitueraient nullement une preuve en ce qui a trait au lieu de la livraison des marchandises visées par la transaction en 2006. Le document ne peut pas non plus constituer un exemple justifiant la conclusion que toutes les livraisons de ce client à cet acquéreur ont eu lieu à l’étranger en 2006.

 

[33]    Enfin, on m’a montré une lettre d’un troisième fournisseur client (WindChaser) selon laquelle seul un petit pourcentage des marchandises vendues par celui-ci à des clients canadiens en 2006 et dont les ventes ont été obtenues par l’appelante ont été livrées au Canada. Quoiqu’il soit manifeste que cette preuve et la copie de la balance de vérification fournie par l’appelante pour lier le service de son client à un montant précis de commissions en dollars[4] présentent des difficultés, il m’est loisible de considérer qu’un pourcentage du montant de 94 458 $ apparaissant sur la balance de vérification est attribuable aux fournitures effectuées à l’étranger relativement à ce client. Je note, toutefois, que si je devais admettre ces gains comme ayant trait à une fourniture détaxée, il me faudrait fixer un pourcentage pour ce qui est décrit comme un [traduction] « petit pourcentage ». L’appelante a fait valoir que ce pourcentage était de 2,6 % en se fondant sur sa déclaration sur les résumés des frais de transport. Aucune preuve n’a été présentée à l’appui de ces résumés des frais de transport. Je note également en l’espèce que ce fournisseur non-résident est l’une des fournisseurs qui étaient inscrits aux termes de la Loi en 2006. Cela n’empêche pas les fournitures de l’appelante d’être détaxées en vertu du paragraphe 142(2).

 

[34]    Un quatrième client était une société au Mexique (Aly). Selon le témoignage du représentant de l’appelante, cela n’avait rien à voir avec les achats canadiens. Aly obtenait des ventes au Mexique et l’appelante trouvaient des fabricants en Chine au moyen d’un mandataire à Taiwan. Les commissions étaient divisées. Aucune preuve ne vient corroborer cette affirmation. Aucun document bancaire ne fait état de reçus provenant d’une source mexicaine. Néanmoins, même l’avocat de l’intimée était disposé, à un certain moment au cours de l’instance, à accepter ce témoignage s’il avait été possible de l’incorporer dans le cadre d’un règlement global. Comme on en conviendra, une telle concession a été faite sous toute réserve.

 

[35]    Aucune mention du cinquième client n’a été faite à l’audience.

           

[36]    En ce qui a trait à la disposition déterminative de l’article 143, l’appelante, comme il est noté plus haut, n’a produit les noms de ses clients non-résidents qu’après l’ajournement de la première audience. Cela a permis à l’ARC de déterminer la question de savoir s’il avait été satisfait aux conditions de l’article 143. Parmi les cinq clients, deux étaient inscrits : LOA et WindChaser. Cela exclut les commissions provenant de ces sociétés de la protection relative à la détaxation, prévue par l’article 143.

 

[37]    La question suivante consiste à savoir si les trois sociétés restantes exploitaient une entreprise au Canada. Si oui, cela exclurait ces commissions de la protection relative à la détaxation prévue par l’article 143. L’agent d’appels a témoigné qu’il avait vérifié si ces sociétés avaient des comptes auprès de l’ARC. Il a trouvé qu’une société, Gale, avait un compte d’entreprise et un compte d’importation en 2006 et qu’elle était inscrite aux termes de la Loi en 2008. L’appelante n’a fourni aucune information sur la question de savoir si Gale ou l’un quelconque de ses autres clients non-résidents exploitait une entreprise au Canada. En fait, je crois qu’on peut dire qu’elle ne savait rien des comptes ou des inscriptions présentés en preuve.

 

[38]    Compte tenu des renseignements relatifs au compte de Gale, l’avocat de l’intimée m’exhorte à conclure que cette société exploitait une entreprise au Canada. Je ne ferai toutefois rien de la sorte.

 

[39]    Il va sans dire que l’ARC est en mesure d’en savoir davantage, s’il y en a davantage à savoir. Si les non-résidents ont produit des déclarations au Canada indiquant qu’elles exploitaient une entreprise au Canada, il aurait fallu que l’ARC le dise. De plus, si ces comptes présentaient quelque activité, cela aurait dû être présenté en preuve. Au contraire, lorsqu’on lui a demandé si le compte d’importation ou le compte d’entreprise faisait état de quelque activité en 2006, l’agent d’appels a témoigné qu’il ne le savait pas, il n’avait pas vérifié.

 

[40]    En statuant, comme je le fais maintenant, que la restriction relative à la détaxation prévue à l’article 143 qui s’applique lorsque le non-résident exploite une entreprise au Canada ne s’applique à aucun des clients de l’appelante, je me fonde non seulement sur la règle générale selon laquelle l’obligation du contribuable de prouver quelque chose ne s’étend pas aux faits dont le ministre a particulièrement connaissance, mais aussi sur la règle selon laquelle le contribuable est seulement tenu de démontrer qu’une hypothèse déterminante émise par le ministre pour établir la cotisation est erronée[5]. En l’espèce, la seule chose que l’appelante aurait pu être tenue de démontrer si des hypothèses appropriées avaient été faites aurait concerné la question de savoir si, à elles‑seules, ses déclarations étaient suffisantes pour permettre de conclure que le non-résident exploitait une entreprise au Canada. En l’espèce, aucune hypothèse n’a été formulée quant à la question de savoir si les clients de l’appelante exploitaient une entreprise au Canada. Aucune hypothèse n’a été formulée selon laquelle les déclarations de l’appelante avaient cet effet[6]. On tient pour acquis que l’appelante fournissait des services consistant à faire passer des commandes, à obtenir de telles commandes ou à faire des démarches pour en obtenir. Cela me donne à penser qu’il n’est nullement affirmé que la nature de la [traduction] « relation de mandant et de mandataire » en ce qui à trait à l’appelante n’est pas telle qu’elle me permettrait de conclure que ses clients exploitaient une entreprise au Canada du fait de cette relation. En fait, comme on pourrait s’y attendre étant donné le témoignage de l’agent d’appels, les hypothèses du ministre ayant trait à l’application de l’article 143 sont, pour ainsi dire, inexistantes. Les hypothèses j) à m) sont des conclusions de droit qui doivent être démontrées. Elles ne peuvent pas être supposées.

 

[41]    En l’espèce, on pourrait donc dire que l’appelante est chanceuse que seulement les services fournis à deux de ses clients aient été soustraits à l’application de l’article 5 en vertu de l’article 143 du fait que ceux‑ci étaient inscrits aux termes de la Loi. Même si ses clients avaient, dans une large mesure, fait preuve de diligence raisonnable et donné des assurances importantes, cela ne l’aurait peut-être pas soustraite au risque que ses services ne soient pas détaxés aux termes de cette disposition déterminative. Par conséquent, la possibilité de faire détaxer ses services en vertu du paragraphe 142(2) pourrait, de nouveau, être considérée comme souhaitable. Cependant, comme cela a été souligné plus haut, cette possibilité est assujettie à des conditions.

 

[42]    Par conséquent, l’appelante étant libérée du fardeau de la preuve relativement à l’application de la disposition déterminative de l’article 143, il s’avère en l’espèce que cet article est applicable sauf dans le cas de LOA et de WindChaser, lesquelles étaient l’une et l’autre inscrites aux termes de la Loi en 2006.

 

[43]    J’ai déjà examiné la preuve qui concerne ces services. Il devrait être clair que j’estime insuffisante la preuve relative à LOA. En conséquence, je conclus que, pour les fournitures à ce client, l’appelante est tenue de payer 34 212 $, conformément à la cotisation.

 

[44]    En ce qui concerne la preuve relative à WindChaser, elle n’est que négligeable. En effet, la prise en compte de son repérage et de sa comptabilité porterait probablement un coup fatal à son appel dans la plupart des cas. Cependant, étant donné l’historique du présent appel, le témoignage de l’agent d’appels et une conclusion plus indulgente sur la prépondérance des probabilités, je suis convaincu que le petit pourcentage des livraisons au Canada ne dépasse pas 20 %.

 

[45]    En conséquence, l’appel est accueilli sans dépens en tenant pour acquis qu’au total, seulement 53 103 $ des fournitures que l’appelante a effectuées au profit de clients non-résidents en 2006 n’étaient pas détaxées.

 

          Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de décembre 2010.

 

 

 « J.E. Hershfield »

Juge Hershfield

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de février 2011.

 

Marie‑Christine Gervai

 


 

RÉFÉRENCE :                                  2010 CCI 646

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2009-1737(GST)I

 

INTITULÉ :                                       PARADIGM VENTURES, INC. c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 17 mars et le 30 août 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge J.E. Hershfield

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 20 décembre 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l'appelante :

M. Glen Mulcahy

Avocat de l’intimée :

Me Whitney Dunn

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                     

 

                          Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1] Voir les notes techniques de juillet 1997 du ministère des Finances.

 

[2] Les hypothèses font référence à l’appelante comme à une [traduction] « agence commerciale », mais l’hypothèse la plus explicite est que les fournitures en cause étaient des services consistant à [traduction] « faire passer des commandes, à obtenir de telles commandes ou à faire des démarches pour en obtenir ».

[3] La lettre du client auquel il est fait référence plus loin dans les présents motifs comme étant « WindChaser » confirmait qu’il n’y avait pas de facture en l’espèce. L’appelante a été payée conformément aux comptes dans leurs services de la comptabilité - comptes clients.  

[4] J’ai considéré la fiabilité de cette preuve par ouï‑dire et la production à la dernière minute d’une balance de vérification qui était une copie papier d’un programme de comptabilité qui donnait le détail des totaux de débit et de crédit pour la période se terminant le 31 décembre 2006. Ces données précises comprennent les revenus totaux de chaque client pour la période. Même l’appelante a eu un peu de difficulté à attester de leur exactitude, et le concept d’une balance de « vérification » reconnaît de manière intrinsèque la possibilité d’une erreur. Cependant, le présent appel a été conduit sous le régime de la procédure informelle. L’intimée aurait pu choisir de procéder sous le régime de la procédure générale, requérir la divulgation des documents et s’appuyer plus lourdement sur la conformité aux règles de preuve. Je ne condamne la Couronne d’aucune manière ni ne la critique. Je fais cette observation, car il s’agit encore d’une nouvelle illustration de mon impression que l’ARC n’était pas du tout intéressée par cet aspect de la cotisation, qui ne la préoccupait nullement. En l’espèce, je ne veux pas imposer à l’appelante un fardeau qui ne reconnaisse pas ce manque d’intérêt.

 

[5] Ces deux règles sont énoncées succinctement au paragraphe 21 de la décision Anchor Pointe Energy Ltd. c. La Reine, 2006 CCI 424. Ce passage précis a été approuvé dans la décision du juge Létourneau de la Cour d’appel fédérale d’annuler, pour d’autres motifs, la décision de la cour de première instance en l’espèce. De même, je note que, bien qu’il ne soit pas nécessaire que j’appuie cette possibilité, dans Gestion Yvan Drouin Inc. v. The Queen, [2001] 2 CTC 2315, le juge Archambault de la Cour mentionne, au paragraphe 108, la possibilité que le fardeau du contribuable de démontrer des faits qu’il n’a pas en sa possession soit déplacé et pèse sur la Couronne.

 

[6] L’hypothèse selon laquelle l’appelante a conclu des contrats pour ses clients, par exemple, pourrait requérir de l’appelante qu’elle présente des éléments de preuves qu’il en a bien été ainsi. En effet, l’avocat de l’intimée n’a pas tenté d’interpréter un contrat présenté en preuve comme s’il faisait précisément cela. En fait, le contrat était au mieux ambigu.

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