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Dossier : 2012-1087(IT)G

ENTRE :

BIRCHCLIFF ENERGY LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Devant : L’honorable juge Gaston Jorré


Comparutions :

Avocats de l’appelante :

Me Patrick Lindsay

Me Jean-Philippe Couture

Avocats de l’intimée :

Me Robert Carvalho

Me Neva Beckie

Me Jonathan Wittig

JUGEMENT

  L’appel interjeté à l’égard de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2006 est rejeté et les dépens sont adjugés à l’intimée, conformément aux motifs du jugement cijoints.

Signé à Ottawa (Ontario), ce 24e jour de novembre 2017.

« Gaston Jorré »

Juge Jorré

Traduction certifiée conforme

ce 5e jour d’octobre 2018.

Elisabeth Ross, jurilinguiste


Référence : 2017 CCI 234

Date : 20171124

Dossier : 2012-1087(IT)G

ENTRE :

BIRCHCLIFF ENERGY LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Jorré

Introduction [1]

[1]  La Cour est saisie principalement, mais non entièrement, d’une affaire concernant la règle générale anti-évitement (la « RGAÉ »).

[2]  Veracel Inc. a été constituée en société en 1994. Son activité consistait en la conception, la fabrication et la commercialisation d’instruments de diagnostic automatisés à des fins médicales. En 2002, la société s’est heurtée à des difficultés et a déposé une proposition sous le régime de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité. La proposition a été acceptée et exécutée. La société a mis fin aux activités de son entreprise médicale en 2002.

[3]  Birchcliff a été constituée en société en 2004 et, en février 2005, elle a signé une lettre d’entente visant l’achat de biens relatifs au pétrole et au gaz naturel, pour environ 2,75 millions de dollars.

[4]  Plus tard, au début de mars 2005, Birchcliff a signé une lettre d’entente visant l’achat de biens relatifs au pétrole et au gaz naturel connus sous le nom de « biens de Devon », pour environ 255 millions de dollars.

[5]  Plus tard en 2005, Veracel et Birchcliff ont fusionné et ont continué à utiliser le nom de Birchcliff. De nombreuses étapes ont mené à cette fusion, notamment afin d’obtenir des capitaux supplémentaires, ce qui a entraîné la création d’actions de catégorie B de Veracel juste avant la fusion. Ces étapes sont décrites ci‑après.

[6]  De façon générale, lorsqu’il sera question de Birchcliff après la fusion, je l’appellerai la « société fusionnée ».

[7]  Juste avant la fusion, Veracel avait divers attributs fiscaux, dont des pertes autres que des pertes en capital (les « pertes d’entreprise ») de 16 millions de dollars. Dans sa déclaration de revenus de 2006, l’appelante a demandé la déduction de ces pertes autres que des pertes en capital.

[8]  Le ministre du Revenu national a établi une nouvelle cotisation dans laquelle il refusait la déduction de ces pertes, ce qui a donné lieu au litige dont la Cour est saisie.

[9]  À ce stade, il est utile de rappeler certaines parties de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») qui traitent des pertes [2] . Dans les dispositions reproduites ci‑après, j’ai supprimé une bonne partie du libellé qui ne s’applique pas en l’espèce, afin de faire ressortir l’essentiel des dispositions qui se rapportent à l’appel.

[10]  Il y a d’abord l’alinéa 111(1)a) et le paragraphe 111(5) :

Pertes déductibles

111. (1) Pour le calcul du revenu imposable d’un contribuable pour une année d’imposition, peuvent être déduites les sommes appropriées suivantes :

Pertes autres que des pertes en capital

ases pertes autres que des pertes en capital subies au cours des 10 années d’imposition précédant l’année et des 3 années d’imposition la suivant;

[...]

Idem

(5) En cas d’acquisition, à un moment donné, du contrôle d’une société par une personne ou un groupe de personnes, aucun montant au titre d’une perte autre qu’une perte en capital [...] pour une année d’imposition se terminant avant ce moment n’est déductible par la société pour une année d’imposition se terminant après ce moment et aucun montant au titre d’une perte autre qu’une perte en capital [...] pour une année d’imposition se terminant après ce moment n’est déductible par la société pour une année d’imposition se terminant avant ce moment [...]

[11]  En conjonction avec d’autres dispositions, l’alinéa 111(1)a) permet le report rétrospectif ou prospectif des pertes d’entreprise (pertes autres que des pertes en capital) inutilisées sur une certaine période. Le paragraphe 111(5) restreint cette possibilité si le contrôle de la société passe à une autre personne ou un autre groupe de personne.

[12]  En second lieu, l’alinéa 256(7)b) énonce des règles concernant l’acquisition du contrôle en cas de fusion de sociétés [3]  :

Contrôle réputé non acquis

(7) Pour l’application des paragraphes [...] des articles 111 [...] et du présent paragraphe :

a) le contrôle d’une société donnée est réputé ne pas avoir été acquis du seul fait :

(i) soit de l’acquisition, à un moment donné, d’actions d’une société par, selon le cas :

(A) une personne donnée qui a acquis les actions d’une personne avec qui elle était liée, autrement qu’à cause d’un droit visé à l’alinéa 251(5)b), immédiatement avant ce moment,

(B) une personne donnée qui était liée à la société donnée, autrement qu’à cause d’un droit visé à l’alinéa 251(5)b), immédiatement avant ce moment,

[...]

(ii) soit du rachat ou de l’annulation, à un moment donné, d’actions de la société donnée ou d’une société qui la contrôle ou de la modification, à un moment donné, des droits, privilèges, restrictions ou conditions rattachés à de telles actions, dans le cas où chaque personne et chaque membre de chaque groupe de personnes qui contrôle la société donnée immédiatement après ce moment était lié à la société, autrement qu’à cause d’un droit visé à l’alinéa 251(5)b) :

(A) soit immédiatement avant ce moment,

[...]

b) dans le cas où plusieurs sociétés (chacune étant appelée « société remplacée » au présent alinéa) ont fusionné pour former une seule société (appelée « nouvelle société » au présent alinéa), les présomptions suivantes s’appliquent :

(i) le contrôle d’une société n’est réputé avoir été acquis par une personne ou un groupe de personnes du seul fait de la fusion que s’il est réputé par les sous-alinéas (ii) ou (iii) avoir été ainsi acquis,

(ii) la personne ou le groupe de personnes qui contrôle la nouvelle société immédiatement après la fusion, mais qui ne contrôlait pas une société remplacée immédiatement avant la fusion est réputé avoir acquis, immédiatement avant la fusion, le contrôle de la société remplacée […] sauf dans le cas où la personne ou le groupe de personnes n’aurait pas acquis le contrôle de la société remplacée s’il avait acquis l’ensemble des actions de celle-ci immédiatement avant la fusion,

(iii) le contrôle d’une société remplacée et de chaque société qu’elle contrôle immédiatement avant la fusion est réputé avoir été acquis immédiatement avant la fusion par une personne ou un groupe de personnes, sauf si l’un des faits suivants se vérifie :

(A) immédiatement avant la fusion, la société remplacée était liée à chaque autre société remplacée, autrement qu’à cause d’un droit visé à l’alinéa 251(5)b),

(B) si une seule personne avait acquis, immédiatement après la fusion, l’ensemble des actions du capital-actions de la nouvelle société que les actionnaires de la société remplacée ou d’une autre société remplacée qui contrôlait celle-ci ont acquis lors de la fusion en contrepartie de leurs actions de la société remplacée ou de l’autre société remplacée, selon le cas, cette personne aurait acquis le contrôle de la nouvelle société par suite de l’acquisition de ces actions,

(C) le contrôle de chaque société remplacée serait, en l’absence de la présente division, réputé par le présent sous-alinéa avoir été acquis lors de la fusion, dans le cas où il s’agit de la fusion :

(I) de deux sociétés,

(II) de deux sociétés (appelées « sociétés mère » à la présente subdivision) et d’une ou de plusieurs autres sociétés (chacune étant appelée « filiale » à la présente subdivision) qui, si les actions du capital-actions de chaque filiale détenues par les sociétés mères immédiatement avant la fusion avaient été détenues par une seule personne, auraient été contrôlées par cette personne;

[...]

[13]   Je tiens à souligner certains aspects des règles prévues à l’alinéa 256(7)b).

[14]  La fusion n’entraîne pas l’acquisition du contrôle sauf dans les cas visés par les présomptions établies aux sous‑alinéas 256(7)b)(ii) ou 256(7)b)(iii) [4] .

[15]  En l’espèce, la division 256(7)b)(iii)(B) est très importante; la partie du texte à retenir est la suivante [5]  :

(7) Pour l’application [...] des articles 111 [...]

[...]

b) dans le cas où plusieurs sociétés (chacune étant appelée « société remplacée » au présent alinéa) ont fusionné pour former une seule société (appelée « nouvelle société » au présent alinéa), les présomptions suivantes s’appliquent :

[...]

(iii) le contrôle d’une société remplacée [...] est réputé avoir été acquis immédiatement avant la fusion par une personne ou un groupe de personnes, sauf […]

[...]

(B) si une seule personne avait acquis, immédiatement après la fusion, l’ensemble des actions du capital-actions de la nouvelle société que les actionnaires de la société remplacée [...] ont acquis lors de la fusion en contrepartie de leurs actions de la société remplacée [...] cette personne aurait acquis le contrôle de la nouvelle société par suite de l’acquisition de ces actions,

[...]

[16]  Le critère énoncé au sous‑alinéa 256(7)b)(iii) peut s’expliquer ainsi.

[17]  Lorsqu’il y a fusion de deux sociétés, il est réputé que le contrôle de la société remplacée a été acquis immédiatement avant la fusion, à moins que l’une des trois exceptions prévues aux divisions (A), (B) ou (C) ne s’applique.

[18]  En l’espèce, la seule exception qui peut entrer en jeu est celle prévue à la division (B). Le critère doit être examiné par rapport à chacune des sociétés remplacées.

[19]  Pour savoir si l’exception s’applique, il faut poser l’hypothèse suivante. Supposons qu’une seule personne, immédiatement après la fusion, acquiert l’ensemble des actions de la société fusionnée acquises par les actionnaires d’une seule des sociétés remplacées lors de la fusion. Si cette seule personne contrôle ensuite la société fusionnée, l’exception s’applique et le contrôle de cette société remplacée n’est pas réputé avoir été acquis.

[20]  Par exemple, supposons que les sociétés remplacées A et B fusionnent. Supposons également que M. X acquiert l’ensemble des actions de la société fusionnée acquises par les actionnaires de la société remplacée A. S’il s’ensuit que M. X contrôle la société fusionnée, le contrôle de la société remplacée A n’est pas réputé avoir été acquis immédiatement avant la fusion.

[21]  Par contre, si M. X acquiert l’ensemble des actions de la société fusionnée acquises par les actionnaires de la société remplacée A, mais qu’il ne contrôle pas pour autant la société fusionnée, le contrôle de la société remplacée A est réputé avoir été acquis immédiatement avant la fusion.

[22]  Voici une autre façon d’expliquer les règles énoncées à l’alinéa 256(7)b) :

1.  En règle générale, lorsque deux sociétés non liées fusionnent, la Loi crée une présomption selon laquelle l’une des deux sociétés remplacées a acquis le contrôle de l’autre juste avant la fusion.

2.  Pour savoir si c’est le cas, il faut appliquer la démarche qui suit.

3.  Il faut supposer que chaque société remplacée avait un seul actionnaire.

4.  Si l’actionnaire d’une seule des sociétés remplacées contrôle la société fusionnée, cette société remplacée est réputée avoir acquis le contrôle de l’autre société remplacée juste avant la fusion.

5.  Cependant, il existe une exception étroite. Si aucun des deux actionnaires hypothétiques ne contrôlerait la société fusionnée, en ce cas le contrôle de ni l’une ni l’autre des sociétés remplacées n’est réputé avoir été acquis [6] .

[23]  On peut y voir une règle concernant la façon d’établir laquelle des sociétés remplacées, le cas échéant, a acquis le contrôle de la société fusionnée.

[24]  De façon générale, la position de l’appelante est la suivante : Veracel a décidé de relancer ses activités en exploitant une nouvelle entreprise, a obtenu du financement supplémentaire en émettant des actions de catégorie B et a fusionné avec la société remplacée Birchcliff [7] . Compte tenu du fait que, en droit, les droits et obligations des sociétés remplacées continuent d’exister dans la société fusionnée, il est parfaitement normal que les attributs fiscaux de Veracel, y compris les pertes, soient à la disposition de la société fusionnée [8] .

[25]  Elle soutient en outre que, en raison du nombre de votes acquis par les titulaires d’actions de catégorie B dans la société fusionnée, si l’on pose l’hypothèse prévue à la division 256(7)b)(iii)(B), c’est‑à‑dire si une seule personne avait acquis l’ensemble des actions de la société fusionnée acquises par les actionnaires de Veracel, cette personne aurait contrôlé la société fusionnée. Par conséquent, l’exception prévue à cette division s’applique et il n’y a pas eu acquisition du contrôle de Veracel immédiatement avant la fusion.

[26]   Si, pour une raison quelconque, il fallait exclure les actions de la société fusionnée acquises par les titulaires d’actions de catégorie B, la personne qui aurait acquis les actions de la société fusionnée acquises par les actionnaires de Veracel à l’exception des titulaires d’actions de catégorie B n’aurait pas acquis le contrôle de la société fusionnée. Par conséquent, le contrôle de Veracel serait réputé avoir été acquis immédiatement avant la fusion.

[27]  L’intimée présente trois motifs, à titre subsidiaire les uns aux autres, justifiant le refus de la déduction pour pertes demandée en 2006. Ils peuvent être résumés ainsi.

[28]  Premièrement, l’émission des actions de catégorie B était un trompe‑l’œil et, pour l’application du critère établissant l’exception prévue à la division 256(7)b)(iii)(B), il ne faut pas tenir compte des actions de catégorie B.

[29]  Deuxièmement, à titre subsidiaire, les titulaires d’actions de catégorie B ont acquis le contrôle de Veracel immédiatement avant la fusion [9] .

[30]  Troisièmement, à titre subsidiaire également, la disposition générale anti-évitement de l’article 245 de la Loi s’applique et la conséquence fiscale appropriée qui en découle est le refus de la déduction pour pertes.

Faits et conclusions de faits

[31]  Trois témoins ont comparu : David Tonken, Susan Mak et James Surbey. Une preuve documentaire volumineuse a été produite.

[32]  David Tonken est un homme d’affaires de l’Alberta [10] . Il crée des sociétés de capital de démarrage qui aident les entreprises privées à faire un premier appel public à l’épargne. M. Tonken offre aussi des services de conseil, et en contre‑interrogatoire, il a reconnu que la monétisation fiscale représentait une petite part de ses activités. Il mène ses activités commerciales avec son associé, Greg Matthews, depuis de nombreuses années. Ensemble, ils ont été propriétaires d’une entreprise, Cavalon Capital Partners, par l’intermédiaire de laquelle ils ont mené bon nombre de leurs activités [11] .

[33]  À un certain moment  en 2004, David Tonken a reçu une copie d’une lettre de Veracel datée du 24 février 2004, dans laquelle la société sollicitait des propositions concernant l’utilisation de ses pertes fiscales [12] . La lettre est reproduite plus loin. M. Tonken a reçu cette lettre avec beaucoup d’intérêt. Il y a vu une bonne occasion, parce qu’il semblait que Veracel procédait de manière très professionnelle et avait déjà pris beaucoup de mesures pour faciliter les opérations la concernant.

[34]  M. Tonken et son associé se sont beaucoup occupés de Veracel et ont joué un rôle important dans les opérations en cause. Ils ont tenté d’organiser pour Veracel une première opération, qui a été infructueuse [13] .

[35]  Subséquemment, David Tonken a entrepris des démarches auprès de Birchcliff en téléphonant à James Surbey [14] .

[36]  Plus loin, nous verrons que David Tonken et Greg Matthews ont reçu un nombre important d’actions de Veracel. Lorsqu’on lui a demandé ce qu’il avait fait pour recevoir ces actions, M. Tonken a répondu que lui et M. Matthews avaient passé près d’une année à préparer l’opération et avaient dû dépenser environ 20 000 $.

[37]  Susan Mak est une employée d’Olympia Trust Company. Elle a livré un témoignage sur le rôle d’Olympia Trust, à titre de dépositaire légal des produits de l’émission des reçus de souscription, dans l’émission des reçus de souscription d’actions de catégorie B, dans l’émission des actions de catégorie B et dans la conversion des actions de catégorie B en actions ordinaires de la société fusionnée. Des précisions supplémentaires importantes sur ces étapes sont présentées plus loin.

[38]  Aux moments pertinents, James Surbey était vice‑président de l’expansion et secrétaire général de Birchcliff.

[39]  Les parties ont présenté à la Cour le document suivant :

[traduction]

EXPOSÉ CONJOINT PARTIEL DES FaIts

Aux fins de la détermination des questions en litige, les parties conviennent que les faits suivants peuvent être tenus pour avérés sans qu’il soit nécessaire d’en rapporter la preuve. Les nombres entre crochets renvoient à l’onglet correspondant de la liste conjointe de documents.

Veracel

1.   Veracel Inc. (« Veracel ») a été constituée en société le 10 août 1994, sous le nom de Morphometrix Technologies Inc., sous le régime de la Loi sur les sociétés par actions de l’Ontario.

2.   L’activité de Veracel consistait en la conception, la fabrication et la commercialisation d’instruments de diagnostic automatisés pour des applications médicales (l’« entreprise médicale »).

3.   En avril 2001, la société a changé de nom pour celui de Veracel.

4.  Le 15 novembre 2002, Veracel a déposé, sous le régime de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité [de l’Ontario [15] ], une proposition qui a été acceptée par la Cour supérieure de justice de l’Ontario [2]. Le 19 novembre 2003, le syndic a attesté que Veracel avait entièrement exécuté la proposition.

5.  Veracel a mis fin aux activités de son entreprise médicale en 2002. Aucun revenu n’a été tiré de l’entreprise médicale après 2002.

6.  En février 2004, Veracel a sollicité des propositions relativement à ses attributs fiscaux existants [4]. Peu après, Veracel a commencé à travailler avec David Tonken et Greg Matthews.

7.  Le 5 novembre 2004, Veracel, David Tonken, Greg Matthews et Emerging Equities Inc. ont signé une lettre d’entente relativement à une opération proposée [5]. L’opération proposée n’a pas été achevée.

8.  À la fin de 2004, Veracel possédait les attributs fiscaux suivants : des pertes autres que des pertes en capital de 16 226 489 $; des dépenses de 15 558 003 $ au titre d’activités de recherche scientifique et de développement expérimental et des crédits d’impôt à l’investissement de 1 874 979 $ (les « attributs fiscaux »).

9.  Au 31 décembre 2004, les actions émises et en circulation de Veracel se composaient de 10 280 461 actions ordinaires et de 7 299 424 actions privilégiées de catégorie A [9; 44, pièce B].

10.  Les titulaires d’actions privilégiées de catégorie A avaient le droit de recevoir les avis d’assemblées, d’assister aux assemblées en question et d’y voter à raison d’un vote par action, au même titre que les titulaires d’actions ordinaires [64].

11.  Veracel comptait parmi ses actionnaires la Banque de développement du Canada, la Société de développement de l’Ontario, AGF et HSBC [44, pièce B].

Birchcliff

12.  Le 6 juillet 2004, Birchcliff a été constituée en société sous le nom de 1116463 Alberta Ltd. Le 10 septembre 2004, cette société a changé son nom pour Birchcliff Energy Ltd.

13.  Le 18 janvier 2005, Scout Capital Corp. (« Scout »), société cotée en bourse, a fusionné avec la société qui portait alors le nom de Birchcliff Energy Ltd. (la « fusion de Scout »). La société fusionnée a adopté le nom de Birchcliff Energy Ltd. (« Birchcliff »). Lorsque Birchcliff et Veracel ont fusionné le 31 mai 2005, de la façon présentée plus loin, cette société fusionnée a également adopté le nom de Birchcliff Energy Ltd. (la « société issue de la fusion »).

14.  Le 19 janvier 2005, les actions ordinaires de cette société nouvellement fusionnée ont été inscrites à la cote de la Bourse de croissance TSX sous le symbole « BIR ».

15.  Dans le cadre de la fusion de Scout, qui a été réalisée conformément à un plan d’arrangement approuvé par le tribunal, des reçus de souscription ont été émis [11].

16.  David Tonken a été le président et chef de la direction de Scout de 1998 à 2002.

17.  David Tonken est le frère de Jeff Tonken, le président et chef de la direction de Birchcliff et de la société issue de la fusion.

Achat des premiers biens relatifs au pétrole et au gaz

18.  Le 14 février 2005, Birchcliff a signé une lettre d’entente visant l’achat de biens situés dans la région de Peace River Arch, en Alberta, pour la somme de 2,75 millions de dollars.

19.  La clôture de cet achat a eu lieu le 5 mai 2005.

Entente visant l’achat de biens importants relatifs au pétrole et au gaz

20.  Le 9 mars 2005, Birchcliff a signé une lettre d’entente relativement à l’achat de biens relatifs au pétrole et au gaz naturel dans la région de Peace River Arch, en Alberta, pour la somme de 255 millions de dollars (les « biens de Devon ») [14]. Le contrat d’achat connexe a été signé le 29 mars 2005 et le prix d’achat s’élevait à 243 millions de dollars.

21.  La clôture de l’acquisition des biens de Devon devait avoir lieu au plus tard le 31 mai 2005.

22.  Afin de financer l’acquisition des biens de Devon, Birchcliff a fait des démarches auprès de plusieurs institutions financières, dont Scotia Capitaux.

23.  Le 29 mai 2005, Birchcliff et Scotia Capitaux ont signé une lettre d’engagement par laquelle Scotia Capitaux s’engageait à financer l’acquisition des biens de Devon par un prêt renouvelable de 70 millions de dollars et un prêt‑relais de 149 millions de dollars [21]. Le prêt‑relais n’a jamais été exécuté.

24.  KPMG a préparé, à l’égard des biens de Devon, un relevé des revenus et dépenses montrant qu’en 2004, ces biens avaient généré des revenus de plus de 85 millions de dollars, ce qui, après le paiement des redevances et des dépenses d’exploitation, a donné un profit net de plus de 50 millions de dollars [10].

Signature d’une lettre d’entente par Veracel et Birchcliff

25.  David Tonken a mis en rapport Veracel et Birchcliff en vue d’une éventuelle opération. Il a communiqué avec Jim Surbey chez Birchcliff et a discuté avec lui de la situation de Veracel [132, 133].

26.  Le 18 mars 2005, les administrateurs de Birchcliff ont approuvé la signature d’un contrat d’achat à l’égard des biens de Devon, ainsi qu’un projet d’entente relative à un arrangement avec Veracel [19].

27.  Dans le cadre des négociations entre Veracel et Birchcliff, des projets d’entente ont été échangés, ainsi que des révisions de ces documents, dans des lettres datées des 21, 23 et 29 mars 2005.

28.  Le 29 mars 2005, Birchcliff a annoncé, dans un communiqué de presse, qu’elle avait conclu une entente prévoyant l’achat des biens de Devon pour une somme d’environ 240 millions de dollars. Le communiqué de presse décrivait les biens et précisait que l’opération devait être achevée au plus tard le 31 mai 2005 [25].

29.  John Anderson, de Veracel, a envoyé aux actionnaires de celle‑ci une lettre datée du 29 mars 2005 au sujet de la « réorganisation de Veracel Inc. » [24].

30.  Le 1er avril 2005, Birchcliff et Veracel ont signé une lettre d’entente [27].

31.  Le 3 avril 2005, Birchcliff a publié un communiqué de presse annonçant que Veracel et elle‑même avaient signé la lettre d’entente [39].

32.  Le 4 avril 2005, le nouveau financement proposé dans la lettre d’entente était commercialisé [34].

Étapes de la mise en œuvre de la lettre d’entente

33.  Le 12 avril 2005, Olympia Trust Company (« Olympia »), qui intervenait pour le compte de Birchcliff, a avisé la Bourse de croissance TSX et les commissions des valeurs mobilières de la Colombie‑Britannique, de l’Alberta, de la Saskatchewan, de l’Ontario et de la Nouvelle‑Écosse que l’assemblée annuelle et extraordinaire devait avoir lieu le 24 mai 2005.

34.  Le 14 avril 2005, GMP Securities Ltd. a signé une lettre d’offre à l’intention de Veracel en ce qui concerne le placement de reçus de souscription [32].

35.  Le 14 avril 2005, la convention de placement conclue entre Veracel et GMP Securities Ltd., à titre de principal placeur, Sprott Securities Inc. et Scotia Capitaux Inc. (collectivement, les « placeurs »), qui concernait un financement par capitaux propres pouvant atteindre 136 000 000 $ ainsi qu’un autre financement accréditif distinct de 10 000 000 $, est entrée en vigueur [42].

36.  Le 18 avril 2005, Veracel et Birchcliff ont signé l’entente relative à l’arrangement. Le plan d’arrangement est joint à cette entente comme pièce A [44].

37.  En avril 2005, Veracel a obtenu des actionnaires l’autorisation de donner suite à l’entente relative à l’arrangement [40].

Avis et approbations

38.  Le 18 avril 2005, Birchcliff a donné à la Bourse de croissance TSX les avis liés aux opérations proposées [45].

39.  Le 18 avril 2005, Veracel a avisé les actionnaires de la tenue d’une assemblée extraordinaire concernant les opérations proposées [46].

40.  Le 19 avril 2005, Birchcliff a informé la commission des valeurs mobilières de l’Alberta (la « CVMA ») que son avocat se présenterait devant la Cour de l’Alberta le 22 avril 2005 pour solliciter une ordonnance provisoire concernant le plan d’arrangement.

41.  Le 21 avril 2005, les administrateurs de Veracel ont approuvé l’entente relative à l’arrangement, le placement privé, le « nouveau financement par capitaux propres » et d’autres mesures [47].

42.  Le 21 avril 2005, les administrateurs de Birchcliff ont approuvé la circulaire d’information et d’autres mesures [48].

43.  Le 21 avril 2005, conformément à l’entente relative à l’arrangement, Birchcliff a déposé auprès de la Cour de l’Alberta une requête en ordonnance provisoire exigeant la convocation d’une assemblée d’actionnaires pour la tenue du vote sur l’arrangement proposé [49]. Un affidavit de Jim Surbey a été déposé relativement à cette requête [52].

44.  Le 21 avril 2005, un document de décision du Régime d’examen concerté (REC) a été établi [50].

45.  Le 22 avril 2005, la Cour de l’Alberta a rendu l’ordonnance provisoire.

46.  La copie de l’ordonnance provisoire et de documents connexes a été transmise à la CVMA par lettre datée du 22 avril 2005.

47.  Le 22 avril 2005, la circulaire d’information a été publiée [51].

48.  Un administrateur d’Olympia a déclaré, le 5 mai 2005, que la circulaire d’information et une procuration avaient été postées à chacun des actionnaires de Birchcliff le 26 avril 2005, et la confirmation de ce fait a été transmise à la Bourse de croissance TSX et aux commissions des valeurs mobilières de la Colombie‑Britannique, de l’Alberta, de la Saskatchewan et de l’Ontario.

49.  Le 25 avril 2005, un communiqué de presse annonçant que les placeurs avaient exercé leur option de vendre les 8 millions de reçus de souscription supplémentaires de Veracel afin de porter le financement par capitaux propres à 136 000 000 $ a été publié [54]. La confirmation de cette opération par les placeurs a été publiée le 4 mai 2005 [68].

50.  Le 26 avril 2005, Birchcliff a envoyé une lettre au Committee on Uniform Security Identification Procedures (« CUSIP ») pour lui demander d’approuver un nouveau numéro CUSIP à l’égard des nouvelles actions ordinaires de la société issue de la fusion qui seraient émises en échange d’actions de Veracel et de Birchcliff lors de la fusion.

51.  Le nouveau numéro CUSIP a été attribué le 2 mai 2005. Un modèle de certificat d’action ordinaire de la société issue de la fusion comportant le nouveau numéro CUSIP ainsi qu’un modèle de certificat d’action privilégiée de série 1 de la société issue de la fusion ont été préparés le 20 mai 2005.

Approbations supplémentaires données par Veracel

52.  Le 29 avril 2005, les actionnaires et les investisseurs de Veracel se sont réunis et ont adopté les résolutions suivantes [56] :

a.  élire Robert Allan, John Anderson et David Tonken à titre d’administrateurs;

b.  émettre 3 775 000 [actions ordinaires] à David Tonken ainsi qu’à Greg Matthews, pourvu que l’arrangement soit conclu (le « placement privé »);

c.  modifier, puis résilier la convention unanime des actionnaires;

d.  autoriser la lettre d’entente avec Birchcliff;

e.  approuver la modification des statuts constitutifs afin de créer des actions ordinaires de catégorie B;

f.  transférer tous les éléments d’actif à la nouvelle société en échange d’actions de la nouvelle société, puis distribuer ces actions aux actionnaires de Veracel;

g.  transférer la société en Alberta;

h.  autoriser l’entente relative à l’arrangement avec Birchcliff;

i.  autoriser le « nouveau financement par capitaux propres »;

j.  renoncer aux droits, privilèges et conditions rattachés aux actions privilégiées de catégorie A.

53.  Le 29 avril 2005, les administrateurs de Veracel ont adopté les résolutions suivantes [55] :

a.  approuver la lettre d’entente et l’arrangement avec Birchcliff;

b.  transférer tous les éléments d’actif à la nouvelle société en échange d’actions de la nouvelle société, puis distribuer ces actions aux actionnaires de Veracel;

c.  autoriser David Tonken et John Anderson à mettre en œuvre l’« arrangement »;

d.  émettre 3 775 000 [actions ordinaires] à David Tonken ainsi qu’à Greg Matthews;

e.  autoriser le « nouveau financement par capitaux propres ».

54.  Le 29 avril 2005, Veracel a déposé des statuts de modification des statuts constitutifs afin de permettre l’émission d’actions ordinaires de catégorie B.

55.  Le 29 avril 2005, des certificats d’actions de Veracel représentant 3 775 000 [actions ordinaires] ont été émis en faveur de David Tonken et de Greg Matthews conformément au placement privé [57].

56.  Le 2 mai 2005, Veracel a été transférée de l’Ontario en Alberta [64].

Financement pour obtenir une somme de 136 000 000 $

57.  Le 2 mai 2005, Veracel a rempli le « questionnaire sur la diligence raisonnable » pour les placeurs au sujet de l’opération conclue avec Birchcliff [61].

58.  Le 2 mai 2005, Birchcliff a rempli le « questionnaire sur la diligence raisonnable » pour les placeurs au sujet de l’opération conclue avec Veracel [62].

59.  Le 4 mai 2005, l’acte d’émission des reçus de souscription conclu entre Veracel, les placeurs et Olympia est entré en vigueur [69].

60.  Le 4 mai 2005, l’accord de représentation conclu entre Birchcliff et les placeurs est entré en vigueur [70].

61.  Selon une note de service sur le transfert de 130 500 000 $ que les placeurs devaient recevoir en contrepartie de la vente de 32 625 000 reçus de souscription, une fois que toutes les parties et les avocats auraient convenu que les documents de clôture avaient été déposés, cette somme serait transférée par virement électronique du compte des placeurs à celui d’Olympia [73]. L’autre partie, soit la somme de 5 500 000 $, proviendrait des souscripteurs figurant sur la liste du président [67].

62.  Le 4 mai 2005, le financement des reçus de souscription a été conclu et 34 000 000 reçus de souscription ont été remis à 133 investisseurs [111].

63.  Le 4 mai 2005, la clôture du financement de 136 000 000 $ a été annoncée [71].

64.  Chacun des 133 investisseurs a signé une entente relative aux reçus de souscription [60, 80, 81] et s’est vu remettre un reçu de souscription [58, 66, 77, 78, 82].

65.  Le 4 mai 2005, conformément à un ordre de trésorerie, Veracel a demandé à Olympia de remettre les reçus de souscription [74].

66.  Le 4 mai 2005, Veracel et Olympia ont reconnu que cette dernière avait reçu une somme globale de 136 000 000 $ des placeurs (130 500 000 $) et des souscripteurs figurant sur la liste du président (5 500 000 $) [75, 76, 79].

Approbations supplémentaires données par Birchcliff

67.  Le 10 mai 2005, les titulaires de bons de souscription d’actions et d’options d’achat d’actions de Birchcliff ont approuvé l’arrangement et l’entente relative à l’arrangement [84, 85].

68.  Le 16 mai 2005, Birchcliff a avisé la CVMA que Birchcliff avait l’intention de présenter à la Cour, le 24 mai 2005, une demande en ordonnance définitive.

69.  Le 24 mai 2005, l’assemblée d’actionnaires de Birchcliff a eu lieu et, en qualité de scrutatrice, Olympia a établi un rapport selon lequel les titulaires de plus de 50 % des actions en circulation de Birchcliff avaient assisté à l’assemblée en personne ou par fondé de pouvoir et selon lequel 100 % des 54 voix exprimées étaient en faveur de la fusion et de l’acquisition des biens de Devon.

Exécution du plan d’arrangement et questions connexes

70.  Le 24 mai 2005, un affidavit a été signé à l’appui de l’ordonnance définitive [90].

71.  Le 24 mai 2005, la Cour a approuvé l’ordonnance définitive, qui portait que l’arrangement était autorisé et entrerait en vigueur conformément à ses dispositions et qu’il lierait toutes les personnes concernées dès le dépôt des statuts d’arrangement. Une copie de l’ordonnance a été transmise à la CVMA.

72.  Le 25 mai 2005, les administrateurs de Veracel ont approuvé la forme et la répartition des actions ordinaires de catégorie B de Veracel et d’autres questions [91].

73.  Le 25 mai 2005, Veracel et les placeurs ont demandé à Olympia de déposer la somme de 136 000 000 $ dans le compte de celleci à la Banque de NouvelleÉcosse [92].

74.  Le 30 mai 2005, les administrateurs de Birchcliff ont approuvé le dépôt des statuts de modification visant à créer les actions privilégiées de série 1 datées du 30 mai 2005 [95].

75.  Le 30 mai 2005, les statuts de modification prévoyant la création d’actions privilégiées de série 1 ont été déposés et le registraire des sociétés de l’Alberta (le « registraire ») a délivré un certificat de modification [96].

76.  Les actions privilégiées de série 1 devaient être rachetées à un prix égal à 1 500 000 $, déduction faite de certaines dettes, divisé par le nombre total d’actions ordinaires de Veracel et d’actions privilégiées de catégorie A de Veracel en circulation avant le dépôt des statuts d’arrangement [96].

77.  Le 30 mai 2005, la convention de dépositaire conclue entre Veracel et Olympia est entrée en vigueur [97].

78.  Veracel et Birchcliff ont confirmé conjointement pour Olympia que le prix de rachat des actions privilégiées de série 1 de la société issue de la fusion s’élevait à 0,05969 $ et que le rapport d’échange d’actions pour chaque titulaire d’actions ordinaires de Veracel et d’actions privilégiées de catégorie A de Veracel ayant choisi de recevoir des actions ordinaires de la société issue de la fusion serait de 1:0,01492 [114].

79.  Les actionnaires de Veracel ont fait parvenir des lettres d’envoi précisant s’ils choisissaient de recevoir des actions ordinaires de la société issue de la fusion ou des actions privilégiées de série 1 de la société issue de la fusion [94].

80.  Le 31 mai 2005, Veracel et les placeurs ont fait parvenir le document intitulé « Avis d’opération et directives » qu’Olympia a reçu [102, 103].

81.  Le 31 mai 2005, Birchcliff a délivré un certificat dont Olympia a accusé réception et dans lequel Birchcliff a confirmé que, à la clôture des activités le 30 mai 2005, le capital‑actions de Birchcliff se composait encore de 20 248 337 actions ordinaires.

82.  Le 31 mai 2005, Veracel a délivré un certificat confirmant que les actions émises et en circulation de Veracel se composaient encore de 17 830 461 actions ordinaires et de 7 299 424 actions privilégiées de catégorie A, soit un total de 25 129 885 actions en circulation [108].

83.  Le 31 mai 2005, Veracel et Birchcliff ont déposé les statuts d’arrangement et le registraire a confirmé ces dépôts.

84.  Le 31 mai 2005, Gordon Cameron, Werner Siemens, Larry Shaw et Jeffery Tonken ont signé des documents par lesquels ils consentaient à agir en qualité d’administrateurs de la société issue de la fusion.

85.  Le 31 mai 2005, John Anderson, Robert Allan et David Tonken ont démissionné de leurs postes d’administrateurs et de dirigeants de Veracel et ont signé, ainsi que Veracel, des décharges mutuelles qui sont entrées en vigueur le même jour [107, 109, 110].

86.  Le 31 mai 2005, Olympia a accusé réception du virement de trésorerie [116, 117].

87.  Le 31 mai 2005, les placeurs ont reçu le paiement de leurs honoraires de 6 580 475 $ et ont accusé réception de ce paiement, conformément à l’entente qu’ils avaient conclue avec Veracel [99].

88.  Le 31 mai 2005, Olympia a reçu 1 031 884,87 $, soit le prix de rachat des actions privilégiées de série 1 en circulation de la société issue de la fusion [100].

89.  Le 31 mai 2005, la société issue de la fusion a déposé les statuts d’arrangement [115], l’ordonnance définitive, le plan d’arrangement et les statuts de fusion auprès de la Bourse de croissance TSX et des commissions des valeurs mobilières de la Colombie‑Britannique, de l’Alberta, de la Saskatchewan, de l’Ontario et du Québec.

90.  Le 3 juin 2005, la société issue de la fusion a publié un communiqué de presse dans lequel elle a annoncé qu’elle avait achevé le financement accréditif [122].

91.  Le 3 juin 2005, la société issue de la fusion a publié un bulletin de la Bourse de croissance TSX annonçant que des actions de la société issue de la fusion étaient émises en échange d’actions de Veracel et de Birchcliff et précisant que les actions ordinaires de la société issue de la fusion seraient cotées à la Bourse de croissance TSX à compter du 6 juin 2005 [123].

Nouvelle cotisation et questions connexes

92.  L’appelante a demandé une partie des attributs fiscaux pour son année d’imposition 2006.

93.  Dans un avis de nouvelle cotisation daté du 30 novembre 2011, le ministre a établi une nouvelle cotisation à l’endroit de Birchcliff dans laquelle il refusait la déduction de 16 226 489 $ au titre de pertes autres que des pertes en capital (la « nouvelle cotisation ») qui avait été demandée pour l’année d’imposition 2006.

94.  La nouvelle cotisation était fondée sur des hypothèses liées aux allégations de trompe‑l’œil et d’acquisition du contrôle. Elle n’était pas fondée sur la RGAÉ.

95.  L’appelante a déposé un avis d’opposition daté du 2 décembre 2011.

96.  Dans un avis d’appel déposé le 13 mars 2012, l’appelante a interjeté appel de la nouvelle cotisation relative à l’année d’imposition 2006 devant la Cour canadienne de l’impôt.

[40]  Lors de la fusion :

1.  Les actionnaires de la société remplacée Birchcliff ont reçu environ 20 millions d’actions ordinaires de la société fusionnée.

2.  Les titulaires d’actions de catégorie B de Veracel ont reçu 34 millions d’actions ordinaires de la société fusionnée.

3.  Les autres actionnaires de Veracel ont reçu environ 117 000 actions ordinaires de la société fusionnée [16] .

[41]  Examinons maintenant certains aspects des actions de catégorie B.

[42]  Veracel a amassé des fonds en créant les actions de catégorie B qui ont été vendues par souscription. Les souscripteurs ont obtenu des reçus de souscription et, une fois que tout a été mis en place pour la réalisation de la fusion, à l’entrée en vigueur, les reçus de souscription ont été convertis en actions de catégorie B, les deux sociétés remplacées ont fusionné et les actions de catégorie B ont alors été converties en actions de la société fusionnée.

[43]  Tout cela a eu lieu instantanément et dans cet ordre, conformément au plan d’arrangement [17] .

[44]  L’arrangement avait été conçu de manière à ce que les acheteurs de reçus de souscription puissent acquérir des actions ordinaires de la société fusionnée si tout se déroulait comme prévu ou, si les choses tournaient mal pour une raison quelconque, à ce qu’ils puissent être remboursés.

[45]  Ils ne pouvaient pas tirer avantage de la simple possession d’actions de catégorie B de la société remplacée Veracel.

[46]  Cela ressort très clairement des documents. À titre d’exemple, le passage suivant figure sur les certificats représentant les reçus de souscription [18]  :

[traduction]

Chaque reçu de souscription donne au porteur le droit, selon le cas  :

a)  à n’importe quel moment après la réalisation, au plus tard à la date de fin, de la condition de libération de l’entiercement, de recevoir, sans contrepartie supplémentaire ni autre mesure, une action ordinaire de catégorie B entièrement libérée (« action ») du capital de la société, laquelle sera automatiquement échangée contre une action ordinaire de la société issue de la fusion conformément à l’arrangement, sous réserve d’un rajustement dans certaines circonstances, comme il est précisé dans l’acte d’émission, ainsi que le paiement de versements spéciaux;

[Non souligné dans l’original.]

[47]  Le reçu de souscription incorpore par renvoi l’acte d’émission des reçus de souscription. L’acte d’émission comporte la même clause, mais formulée de manière légèrement différente [19]  :

[traduction]

3.2  Émission d’actions

a)  Si la condition de libération de l’entiercement se réalise, le droit d’émission est réputé avoir été exercé et les actions sous‑jacentes [catégorie B] de la société constituée avant l’entrée en vigueur sont émises et réputées avoir été émises automatiquement, immédiatement avant l’entrée en vigueur, même s’il advenait que les certificats représentant ces actions n’aient pas été délivrés, et les personnes auxquelles ces actions doivent être émises sont réputées être devenues porteurs inscrits de ces actions immédiatement avant l’entrée en vigueur.

b)  Si la condition de libération de l’entiercement se réalise, le titulaire d’un reçu de souscription [...] a automatiquement droit, dès l’entrée en vigueur, à un certificat représentant le nombre applicable d’actions de la société issue de la fusion, ainsi qu’à un chèque pour le versement spécial, le cas échéant, sans autre mesure de la part du titulaire du reçu [20] .

[Non souligné dans l’original.]

[48]  L’article 2.3 de l’acte d’émission prévoit également ce qui suit [21]  :

[traduction]

2.3  Le titulaire d’un reçu n’est pas un actionnaire

  Le présent acte d’émission ou la possession d’un reçu de souscription corroborée par un certificat représentant des reçus de souscription ou par un autre moyen ne confèrent pas et ne peut être considéré comme visant à conférer au titulaire du reçu quelque droit ou intérêt que ce soit à titre d’actionnaire, y compris, mais sans s’y limiter, le droit de recevoir les avis de convocation aux assemblées des actionnaires ou à d’autres délibérations de la société, d’assister à ces assemblées et d’y voter, ou le droit de recevoir les documents d’information continue de la société.

[49]  En dernier lieu, le plan d’arrangement approuvé par la Cour du banc de la Reine de l’Alberta est ainsi rédigé [22]  :

[traduction]

ARTICLE 3

ARRANGEMENT

3.1  À l’entrée en vigueur, chacun des événements ci‑après a lieu et est réputé avoir eu lieu, dans l’ordre indiqué et sans autre mesure ni formalité :

a)  chaque reçu de souscription de Veracel émis et en circulation est échangé, et est réputé tel, contre une action de catégorie B de Veracel [...]

b)  Veracel et Birchcliff fusionnent et forment une seule société; sous le régime de cette fusion :

[...]

(ii)  les actions de Veracel et de Birchcliff sont échangées contre des actions de la société issue de la fusion de la manière suivante :

[...]

B.  chaque action de catégorie B de Veracel émise et en circulation est échangée, et est réputée telle, contre une action ordinaire de la société issue de la fusion ainsi que les droits y afférents [...]

[Non souligné dans l’original.]

[50]  Il est tout à fait clair que quiconque achetait un reçu de souscription cherchait à acquérir des actions de la société fusionnée, laquelle, du fait d’ententes conclues par la société remplacée Birchcliff, avait déjà acquis des biens relatifs au pétrole et au gaz naturel et était sur le point d’acquérir des biens relatifs au pétrole et au gaz naturel beaucoup plus importants, les biens de Devon, acquisition qui devait être financée en grande partie par les fonds obtenus par l’émission des actions de catégorie B. Ces personnes ne cherchaient aucunement à acquérir une participation dans la société remplacée.

[51]  Il est tout aussi clair que l’existence des actions de catégorie B a été très éphémère [23] .

[52]  Qu’est‑ce qui a motivé l’entente relative à l’arrangement, la campagne de financement effectuée par Veracel et l’entente de fusion entre Veracel et la société remplacée Birchcliff?

[53]  Selon la thèse de l’appelante, Veracel souhaitait relancer son entreprise dans l’industrie du pétrole et du gaz, et en effet, il est fait mention plusieurs fois d’une relance dans le témoignage de David Tonken.

[54]  Le mot « relance » n’est pas utile en soi, et je pense qu’il est bon de se concentrer d’abord sur ce que Veracel a prévu, convenu et réalisé en vue de la fusion.

[55]  Veracel avait mis fin à son entreprise liée aux instruments de diagnostic médical en 2002.

[56]  La même année, elle avait fait une proposition de faillite qui avait été acceptée. Cette proposition a été exécutée en 2003.

[57]  Dans le cadre de l’entente relative à l’arrangement, Veracel a déclaré qu’au moment de la fusion elle n’aurait ni éléments d’actif ni employés [24] . En effet, aux termes de cette entente, Veracel a convenu de transférer ses éléments d’actif à une nouvelle société essaimée, qui devait appartenir aux propriétaires initiaux de Veracel. Les biens consistaient en des brevets, de la propriété intellectuelle, des prototypes et des dossiers qui étaient le résultat d’environ 40 millions de dollars de dépenses dans l’entreprise de diagnostic médical [25] .

[58]  À ce moment‑là, Veracel n’avait aucune entreprise en exploitation, et personne n’a jamais prétendu qu’elle pouvait apporter des connaissances ou de l’expertise en matière pétrolière et gazière.

[59]  Lors de la fusion, Veracel était presque une coquille vide. Qu’a‑t‑elle apporté à la fusion?

[60]  En tout premier lieu, elle a apporté sa propre existence en tant que société qui avait été transférée de l’Ontario en Alberta plus tôt au cours de ce même mois. Elle a aussi apporté, pour ainsi dire, un bon bilan santé — des déclarations à jour, un faible passif et, surtout, aucune raison de s’attendre à des surprises importantes à l’égard du passif [26] .

[61]  Même si la société remplacée Birchcliff n’avait pas besoin d’une société existante en tant que telle, le bon bilan de santé signifiait que la fusion avec Veracel était peu susceptible de causer des problèmes à la société fusionnée.

[62]  En second lieu, Veracel a apporté du financement potentiel prenant la forme d’une série d’arrangements contractuels par lesquels un grand nombre de personnes avaient souscrit des actions de catégorie B à hauteur de 136 millions de dollars, si certaines conditions étaient remplies.

[63]  Comme nous l’avons vu, selon les arrangements contractuels, l’acheteur du reçu de souscription devait recevoir des actions ordinaires de la société fusionnée en échange de ses actions de catégorie B de Veracel immédiatement après avoir reçu les actions de catégorie B [27] . En raison de la structure du plan d’arrangement, si les choses se gâtaient et que la fusion n’était pas réalisée, l’acheteur du reçu de souscription ne recevrait pas d’actions de la société fusionnée ni d’actions de Veracel, mais serait simplement remboursé.

[64]  En troisième lieu, Veracel a apporté à la fusion ses attributs fiscaux, notamment les pertes autres que des pertes en capital qui font l’objet du présent litige.

[65]  En résumé, Veracel a apporté sa propre existence à la fusion. Elle a apporté de nouveaux capitaux propres potentiels, sous la forme de nouvelles actions de la société fusionnée, si et seulement si tout se mettait en place, y compris la fusion elle‑même. En dernier lieu, elle a apporté ses attributs fiscaux.

[66]  Comme nous l’avons déjà vu, Birchcliff a apporté à la fusion des biens relatifs au pétrole et au gaz naturel, des employés et une équipe de direction. Elle avait aussi signé une entente visant l’achat de beaucoup d’autres biens pétroliers et gaziers, les biens de Devon. Le 29 mars 2005, Birchcliff avait réuni des fonds suffisants pour procéder à l’achat des biens de Devon, y compris le prêtrelais de 149 millions de dollars qui devait lui donner le temps d’obtenir davantage de financement par capitaux propres, si nécessaire [28] .

[67]  Dans trois lettres datées des 10, 11 et 15 mars 2005, Scotia Capitaux déclare être certaine que Birchcliff pourra obtenir de nouveaux capitaux propres pouvant atteindre 150 millions de dollars pour financer l’achat des biens de Devon [29] .

[68]  Il convient également de souligner qu’à ce moment‑là, Birchcliff venait d’obtenir de nouveaux capitaux propres s’élevant à plus de 40 millions de dollars [30] .

[69]  Étant donné que Birchcliff était la société remplacée qui faisait l’acquisition des biens de Devon, il est évident qu’elle aurait pu obtenir elle‑même de nouveaux capitaux propres pour rembourser le prêtrelais ou éviter d’avoir à faire usage de ce prêt [31] .

[70]  La raison pour laquelle l’ensemble de l’arrangement visant la vente de reçus de souscription et d’actions de catégorie B a été conçu de cette façon, c’est‑à‑dire que les acquéreurs devaient recevoir soit des actions ordinaires de la société fusionnée soit un remboursement, était que­­­­­­­­ l’achat des biens de Devon négocié par Birchcliff, sur le point de se réaliser, était l’élément qui rendait les reçus de souscription intéressants aux yeux des acquéreurs. À elle seule, la société remplacée Veracel n’avait ni éléments d’actif ni plans pouvant susciter l’intérêt d’investisseurs [32] .

[71]  L’acquisition des biens de Devon dans la région de Peace River Arch, en Alberta, a eu lieu le même jour que la fusion de Birchcliff et de Veracel en la nouvelle société fusionnée, le 31 mai 2005.

[72]  Il convient également de souligner que Birchcliff avait convenu de payer tous les frais que Veracel engagerait dans l’exécution du plan d’arrangement [33] .

[73]  Concentrons‑nous maintenant sur ce que chacune des sociétés remplacées cherchait à obtenir de la fusion.

[74]  Birchcliff n’avait pas besoin que Veracel lui apporte une coquille vide en tant que telle, et elle aurait été parfaitement capable d’obtenir du financement par capitaux propres sans l’émission d’actions de catégorie B par Veracel. Birchcliff avait récemment réussi à obtenir du financement par capitaux propres et, comme nous venons de le voir, avant d’offrir du financement par prêt‑relais sous le régime de l’entente du 29 mars 2005, la Banque de Nouvelle‑Écosse avait été informée par Scotia Capitaux environ deux semaines plus tôt que celle‑ci avait confiance en la capacité de Birchcliff d’obtenir des capitaux propres.

[75]  Je n’ai aucune hésitation à conclure que l’avantage que Birchcliff cherchait à tirer de la fusion était les attributs fiscaux – les pertes – de Veracel [34] . Birchchlif n’était motivée par aucun autre avantage découlant de la fusion avec Veracel; il n’y avait pas d’autre avantage.

[76]  L’un des indices de l’importance des attributs fiscaux – les pertes – se trouve à l’alinéa 9.2b) de l’entente relative à l’arrangement [35] , qui prévoit ce qui suit :

[traduction]

9.2  Résiliation

[...]

b)  Indépendamment des autres droits prévus aux présentes, Birchcliff peut résilier la présente entente sur présentation d’un avis écrit à Veracel dans les cas suivants :

[...]

(vi)  une décision rendue par la Cour suprême du Canada après la date des présentes qui aurait pourrait effet, de l’avis raisonnable de Birchcliff, de rendre peu probable que la société issue de la fusion puisse déduire les pertes autres que des pertes en capital subies par Vercacel et les dépenses pour des activités de recherche scientifique et de développement expérimental faites par Veracel au cours des six dernières années [36] ;

[77]  Que souhaitait obtenir la société remplacée Veracel de l’opération et qu’en a‑t‑elle tiré?

[78]  Ce que voulait Veracel est énoncé très clairement dans une lettre du 24 février 2004 [37] , qui est rédigée ainsi :

[traduction]

Objet : Demande de propositions — Pertes fiscales

La présente lettre est une demande de proposition concernant l’utilisation des pertes fiscales de Veracel Inc.

Veracel a été constituée en société le 10 août 1994, sous le nom de Morphometrix Technologies Inc., en vertu de la Loi sur les sociétés par actions de l’Ontario, pour exercer des activités de conception, de fabrication et de commercialisation d’instruments de diagnostic automatisés servant à des applications médicales.

Après plusieurs années de travaux préparatoires et d’essais précliniques, les actionnaires ont décidé qu’à moins qu’il ne soit possible de trouver un partenaire approprié pour assurer le développement clinique, la société devrait suspendre ses activités. En décembre 2002, la société a présenté une proposition à ses créanciers, laquelle a été acceptée, et elle s’est acquittée intégralement de l’ensemble de ses dettes et autres obligations.

À l’heure actuelle, la société est inactive; elle demeure toujours propriétaire de sa propriété intellectuelle, de ses prototypes et de ses données. Ses dossiers, documents et réalisations sont entreposés en lieu sûr dans un établissement bien protégé. La société n’exerce pas d’activités à l’heure actuelle.

Des pertes fiscales totalisant environ 34,8 millions de dollars, y compris des reports de déductions de dépenses pour activités de recherche et de développement, ainsi que des crédits d’impôt à l’investissement de 1,9 million de dollars sont disponibles et les actionnaires de la société veulent obtenir des propositions concernant l’utilisation de ces pertes.

Un recueil de données sera remis aux parties intéressées après signature de l’entente de confidentialité ci‑jointe. Les actionnaires demandent aux parties intéressées de présenter des propositions dans les quatorze jours suivant la réception du recueil de données, en les adressant à :

Veracel Inc.

[...]

Les actionnaires examineront uniquement les propositions qui ne dépendent pas de l’utilisation des pertes futures et qui prévoient une indemnisation comprenant le versement d’une somme en espèces et l’apport de capitaux propres dans le cadre de l’opération.

Les actionnaires actuels sont disposés à appuyer un arrangement et une opération qui donneraient lieu à l’utilisation des pertes.

Les actionnaires souhaitent demeurer propriétaires de la propriété intellectuelle et des réalisations pour qu’ils puissent utiliser le savoir‑faire accumulé avec d’autres partenaires convenables du développement technologique. Votre proposition doit indiquer les estimations des coûts connexes à l’opération, ainsi que les délais prévus et les mesures à prendre pour achever l’opération.

Les actionnaires sélectionneront au moins deux parties pour passer à l’étape suivante de la diligence raisonnable et de la présentation d’une offre officielle.

Veuillez faire connaître votre intérêt dès que possible et signer l’entente de confidentialité ci‑jointe.

Pièces jointes :

A. Q. et R. préliminaires à titre d’information

B. Détail des comptes fiscaux

C. Entente de confidentialité

Veuillez agréer mes salutations distinguées,

Robert W. Allan,

Président,

Veracel Inc.

[79]  La lettre est éloquente. Nulle part on n’y laisse transparaître un intérêt quelconque pour le lancement d’une nouvelle entreprise, et il est assez évident que les parties cherchent à monnayer les pertes et autres attributs fiscaux.

[80]  Qu’est‑ce que les actionnaires de Veracel ont obtenu de la fusion? La plupart d’entre eux ont obtenu de l’argent, quoique de façon plutôt indirecte.

[81]  Essentiellement, Birchcliff a proposé que, selon le plan d’arrangement, les actionnaires de Veracel autres que les titulaires des actions de catégorie B à créer touchent 1,5 million de dollars pour l’ensemble de leurs actions de Veracel. Cela devait représenter environ 5 p. 100 de chaque dollar des attributs fiscaux. Les actionnaires auraient le choix de l’obtenir en argent ou en actions ordinaires de la société issue de la fusion [38] .

[82]  Ces arrangements prévoyaient notamment que David Tonken et Greg Matthews recevraient chacun 3 775 000 actions ordinaires de Veracel. Ces actions devaient être de nouvelles actions émises en contrepartie des dépenses engagées par ces deux personnes pour la réorganisation de Veracel. Ces actions ont été émises subséquemment.

[83]  En conséquence, David Tonken et Greg Matthews devaient toucher une part des 1,5 million de dollars. Une fois émises, leurs 7 550 000 actions ordinaires représentaient environ 30 p. 100 des actions de Veracel (autres que les actions de catégorie B qui devaient être créées).

[84]  David Tonken et Greg Matthews n’ont pas reçu d’honoraires en échange de leur travail pour Veracel. Ils ont reçu les actions.

[85]  Les actionnaires de Veracel qui souhaitaient encaisser allaient recevoir des actions privilégiées, sans droit de vote, de la société fusionnée. Ces actionnaires recevraient des actions privilégiées à moins d’avoir choisi de recevoir des actions ordinaires [39] .

[86]  Le plan d’arrangement prévoyait aussi que, [traduction] « dès que possible », les actions privilégiées de la société fusionnée destinées aux anciens actionnaires de Veracel devaient être émises et rachetées, et les chèques en conséquence devaient être envoyés aux actionnaires [40] .

[87]  Les actions privilégiées de la société fusionnée ont toutes rapidement été rachetées moyennant un paiement en espèces [41] .

[88]  Ainsi, les actionnaires de Veracel qui souhaitaient encaisser ont reçu leur argent au moment du rachat des actions privilégiées de la société fusionnée. Ils ont reçu une action privilégiée en échange de chacune de leurs actions de Veracel, puis ils ont reçu 0,05969 $ pour chacune des actions privilégiées de la société fusionnée [42] .

[89]  Les actionnaires de Veracel ont échangé 17 287 432 actions ordinaires contre des actions privilégiées de la société fusionnée [43] . De plus, 7 842 453 actions ordinaires de Veracel ont été échangées contre des actions ordinaires de la société fusionnée.

[90]  Sur les 7 842 453 actions ordinaires qui ont été échangées contre des actions ordinaires de la société fusionnée, 7 550 000 actions appartenaient à David Tonken et à Greg Matthews. Cela veut dire qu’à la signature de la lettre d’entente relative au plan d’arrangement, les actionnaires de Veracel ont choisi de recevoir de l’argent pour plus de 98 p. 100 des actions de Veracel qui existaient à ce moment. Les seuls actionnaires ayant échangé un nombre important d’actions de Veracel  contre des actions ordinaires de la société issue de la fusion ont été David Tonken et Greg Matthews, qui sont devenus actionnaires après la signature de l’entente relative à l’arrangement le 18 avril 2005 [44] .

[91]  Les opérations que je viens de décrire ne constituent pas, de la part de Veracel, un effort de « relance » d’une entreprise au sens où nous entendons ce terme habituellement. Veracel cherchait à monnayer ses pertes et autres attributs fiscaux, ce qu’elle a fait.

[92]  Avec l’aide de David Tonken et de Greg Matthews, Veracel a réussi à conclure et à réaliser les arrangements que j’ai exposés. Les actionnaires initiaux ont pu obtenir plus d’un million de dollars pour les attributs fiscaux; environ 98 p. 100 de cette somme a été payée en argent, le solde ayant été payé en actions ordinaires de la société fusionnée.

[93]  Pour leurs efforts, David Tonken et Greg Matthews ont reçu chacun des actions ordinaires de la société fusionnée d’une valeur d’environ 225 000 $ au prix d’émission.

[94]  L’avantage que tirait Birchcliff de ces opérations était l’obtention des attributs fiscaux de Veracel pour la société fusionnée à un coût relativement modique [45] . Elle n’a rien obtenu d’autre qu’elle n’aurait pu obtenir plus facilement sans la fusion.

Analyse [46]

Trompe‑l’œil

[95]  L’intimée soutient en premier lieu que la doctrine du trompe‑l’œil s’applique et que les actions de catégorie B ne doivent pas entrer dans l’équation.

[96]  L’un des éléments essentiels du trompe‑l’œil est qu’il doit être assorti d’un élément de tromperie. À titre d’exemple, dans l’arrêt Stubart Investments Ltd. c. La Reine [47] , le juge Estey a affirmé ce qui suit :

1. Le trompe‑l’œil: cette expression nous vient de décisions du Royaume‑Uni et signifie, de façon générale (non sans ambiguïté), une opération assortie d’un élément de tromperie de manière à créer une illusion destinée à cacher au percepteur le contribuable ou la nature réelle de l’opération, ou un faux-semblant par lequel le contribuable crée une apparence différente de la réalité qu’elle sert à masquer. En l’espèce, la Cour d’appel a conclu qu’il n’était pas nécessaire de décider si l’opération était un trompe‑l’œil [...]

[97]  Bien que la définition du trompe‑l’œil ait été affinée dans des précédents plus récents, il n’en demeure pas moins que le trompe‑l’œil doit comporter une certaine tromperie. Par exemple, dans l’arrêt Antle c. Canada [48] le juge Noël, aujourd’hui juge en chef de la Cour d’appel fédérale, a déclaré ceci :

20 [...] L’intention ou l’état d’esprit requis n’équivaut pas à une intention coupable et ne saurait aller jusqu’à constituer ce qui, en common law, est le délit de dol [...] Il suffit que les parties à une opération la présentent comme différente de la réalité qu’elles connaissent. Or, c’est exactement la conclusion à laquelle le juge de la Cour de l’impôt est arrivé.

[98]  Le problème de cette thèse est le suivant : où est l’élément de tromperie? En quoi l’opération est‑elle présentée comme différente de la réalité que les parties connaissent? Où se trouve l’apparence différente de la réalité qu’elle sert à masquer?

[99]  Je reconnais que les actions de catégorie B ont été créées à la seule fin de disparaître immédiatement et d’être remplacées par des actions ordinaires de la société fusionnée. Je reconnais aussi le fait que, dans la pratique, les titulaires d’actions de catégorie B n’ont pas pu jouir des droits ou privilèges liés aux actions de catégorie B, ni en assumer les obligations afférentes [49] .

[100]  Cependant, je ne vois pas comment il peut y avoir un élément de tromperie en l’espèce, alors que la nature éphémère des actions de catégorie B et donc l’impossibilité pour leurs titulaires de profiter des attributs liés à la possession des actions sont pour ainsi dire bien en évidence dans l’entente relative à l’arrangement et dans le plan d’arrangement déposé à la Cour du banc de la Reine de l’Alberta pour approbation, et alors que personne ne soutient qu’on avait prétendu autre chose [50] .

[101]  Les deux sociétés remplacées ont dit à la Cour du banc de la Reine ce qu’elles feraient et l’ont réalisé. On n’a rien caché.

[102]  En dernier lieu, pour ce qui est de la thèse du trompe‑l’œil, je suis convaincu à la lumière du témoignage de Susan Mak et des documents [51] que les écritures administratives ont été effectuées afin de rendre compte de l’émission des actions de catégorie B.

[103]  La doctrine du trompe‑l’œil ne s’applique pas, à tout le moins telle qu’elle a évolué au Canada en matière fiscale [52] .

Les titulaires d’actions de catégorie B ont‑ils acquis le contrôle de Veracel immédiatement avant la fusion?

[104]   La deuxième thèse de l’intimée est que les titulaires d’actions de catégorie B, en souscrivant ces actions et en accordant une procuration à Jeffery Tonken, ou à James Surbey à sa place, forment un groupe de personnes qui a acquis le contrôle de Veracel immédiatement avant la fusion.

[105]  Je tiens tout d’abord à souligner qu’outre la procuration, rien n’indique que les personnes qui ont acheté les reçus de souscription soient liées, ni qu’elles aient conclu une convention unanime des actionnaires ou une autre entente qui lierait leurs actes à l’égard de la société.

[106]  Avant d’établir si la procuration lie ces souscripteurs et fait d’eux un « groupe de personnes » ayant le contrôle, il est utile d’examiner cette procuration, qui est ainsi rédigée [53]  :

[traduction]

10. Avant la mise en œuvre du plan d’arrangement, les titulaires de reçus de souscription ne sont pas porteurs de valeurs de Veracel et n’ont pas le droit de vote sur le plan d’arrangement. Les titulaires de reçus de souscription n’ont droit, selon le plan d’arrangement, qu’à des actions de catégorie B de Veracel qui seront échangées à raison d’une pour une contre des actions ordinaires de la société issue de la fusion conformément au plan d’arrangement, sur remise de leurs reçus de souscription au fiduciaire, [ou] qu’au remboursement du prix global de leurs reçus de souscription, ainsi qu’au paiement des intérêts, conformément à l’acte d’émission des reçus de souscription. Malgré ce qui précède, le souscripteur prend acte du plan d’arrangement ainsi que des initiatives et mesures énoncées aux paragraphes 8 et 9 ci‑dessus, les approuve, les autorise et y consent et, dans l’hypothèse où il obtiendrait le droit de vote ou serait tenu de voter sur le plan d’arrangement ou toute autre question susmentionnée, il :

a)  à condition que les dispositions fondamentales du plan d’arrangement n’aient pas changé, accorde une procuration irrévocable à A. Jeff[er]y Tonken ou, à défaut, à James W. Surbey, à titre de mandataire ayant plein pouvoir d’exercer à la place du souscripteur le droit de vote afférent à tous les reçus de souscription – ou à toutes les actions de catégorie B de Veracel émises à l’échange des reçus de souscription conformément au plan d’arrangement en faveur du plan d’arrangement ou de toute autre initiative ou mesure énoncée aux paragraphes 8 et 9, ci‑dessus, ainsi qu’à l’égard des résolutions ou questions s’y rapportant lors de toute réunion de Veracel convoquée dans ce but (ainsi que lors de toute réunion reportée et de tout scrutin ayant lieu en conséquence) et en ce qui a trait à toute question liée au plan d’arrangement sur laquelle les porteurs de valeurs de Veracel peuvent être appelés à se prononcer;

[...]

[Non souligné dans l’original.]

[107]  Je ferais remarquer que je ne suis pas du tout certain que cette procuration lie de manière effective les titulaires de reçus de souscription en leur qualité d’actionnaires. Premièrement, en bonne partie, la procuration vise les titulaires à titre de titulaires de reçus de souscription et non en qualité d’actionnaires. Deuxièmement, en raison de l’ensemble de la structure de l’opération, il est impossible d’utiliser la procuration à l’égard des actions de catégorie B, puisque celles‑ci sont remplacées dès leur création. Troisièmement, si, pour une raison difficile à imaginer, les actions de catégorie B venaient à exister sans être remplacées simultanément par des actions ordinaires, il semble peu probable que la procuration soit demeurée valide, et ce, parce que le défaut de conversion simultanée des actions de catégorie B en actions ordinaires de la société fusionnée aurait constitué une modification des dispositions fondamentales du plan d’arrangement, ce qui aurait enlevé tout effet à la procuration [54] .

[108]  Quoi qu’il en soit, même si, sous un certain angle, la procuration peut être vue comme donnant le pouvoir d’exercer le droit de vote afférent aux actions de catégorie B, la contrainte qu’imposent les mots [traduction] « à condition que les dispositions fondamentales du plan d’arrangement n’aient pas changé » a pour effet de rendre impossible l’utilisation de cette procuration à des fins autres que la mise en œuvre du plan d’arrangement, une mesure déjà prise par Veracel. La procuration ne pouvait pas être utilisée pour apporter des changements à l’administration de Veracel.

[109]  Si l’on regarde la situation sur le plan  de l’investissement ou de l’entreprise, on voit des personnes non liées qui acquièrent ou cherchent à acquérir des actions de la société fusionnée qui poursuivra les activités des deux sociétés remplacées à la clôture. Ces personnes ne sont liées en aucune façon pouvant faire d’elles un groupe de personnes ayant le contrôle de Veracel [55] .

[110]  Tout au plus, la procuration établit un lien entre ces personnes à titre de titulaires d’actions de catégorie B afin de soutenir la mise en œuvre du plan d’arrangement. La procuration ne leur offre pas la possibilité de changer l’administration de Veracel et ne leur donne pas le contrôle de Veracel.

La règle générale anti‑évitement

[111]   La troisième thèse de l’intimée est que la règle générale anti‑évitement s’applique; celle‑ci est énoncée à l’article 245 de la Loi.

[112]  Les parties de l’article 245 se rapportant au présent litige sont rédigées en ces termes :

Définitions

245. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

attribut fiscal S’agissant des attributs fiscaux d’une personne, revenu, revenu imposable [...] impôt [...] ainsi que tout montant à prendre en compte pour calculer [...] le revenu, le revenu imposable [...] ou l’impôt […]

avantage fiscal Réduction, évitement ou report d’impôt ou d’un autre montant exigible en application de la présente loi [...]

opération Sont assimilés à une opération une convention, un mécanisme ou un événement.

Disposition générale anti‑évitement

(2) En cas d’opération d’évitement, les attributs fiscaux d’une personne doivent être déterminés de façon raisonnable dans les circonstances de façon à supprimer un avantage fiscal qui, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, de cette opération ou d’une série d’opérations dont cette opération fait partie.

Opération d’évitement

(3) L’opération d’évitement s’entend :

a) soit de l’opération dont, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, un avantage fiscal [...]

b) soit de l’opération qui fait partie d’une série d’opérations dont, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, un avantage fiscal […]

[sauf s’il est raisonnable de considérer que l’opération ou la série d’opérations est principalement effectuée pour des objets véritables — l’obtention de l’avantage fiscal n’étant pas considérée comme un objet véritable.]

Application du par. (2)

(4) Le paragraphe (2) ne s’applique qu’à l’opération dont il est raisonnable de considérer, selon le cas :

a) qu’elle entraînerait, directement ou indirectement, s’il n’était pas tenu compte du présent article, un abus dans l’application des dispositions [de]

(i) la présente loi,

[...]

b) qu’elle entraînerait, directement ou indirectement, un abus dans l’application de ces dispositions compte non tenu du présent article lues dans leur ensemble.

Attributs fiscaux à déterminer

(5) Sans préjudice de la portée générale du paragraphe (2) et malgré tout autre texte législatif, dans le cadre de la détermination des attributs fiscaux d’une personne de façon raisonnable dans les circonstances de façon à supprimer l’avantage fiscal qui, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, d’une opération d’évitement :

a) toute déduction, exemption ou exclusion dans le calcul de tout ou partie du revenu, du revenu imposable, du revenu imposable gagné au Canada ou de l’impôt payable peut être en totalité ou en partie admise ou refusée;

b) tout ou partie de cette déduction, exemption ou exclusion ainsi que tout ou partie d’un revenu, d’une perte ou d’un autre montant peuvent être attribués à une personne;

c) la nature d’un paiement ou d’un autre montant peut être qualifiée autrement;

d) les effets fiscaux qui découleraient par ailleurs de l’application des autres dispositions de la présente loi peuvent ne pas être pris en compte.

[113]  Ainsi, en l’espèce, les éléments essentiels de l’article 245 sont les suivants :

Dans le cas où l’opération ou la série d’opérations constitue une opération d’évitement, les attributs fiscaux de la personne doivent être déterminés de façon raisonnable dans les circonstances de façon à supprimer l’avantage fiscal.

Cependant, une opération ne peut pas être une opération d’évitement si elle n’entraîne aucun abus dans l’application des dispositions de la Loi.

Si la règle générale anti-évitement s’applique, pour déterminer les attributs fiscaux d’une personne de façon raisonnable dans les circonstances de façon à supprimer un avantage fiscal, entre autres possibilités, une déduction peut être refusée ou les effets fiscaux qui découleraient par ailleurs de l’application des autres dispositions peuvent ne pas être pris en compte.

Définitions

Attributs fiscaux d’une personne : son revenu, son revenu imposable, son impôt ou tout autre montant à prendre en compte pour calculer le revenu.

Avantage fiscal : réduction, évitement ou report d’impôt.

Opération d’évitement : toute opération, ou opération qui fait partie d’une série d’opérations, dont découlerait un avantage fiscal, sauf s’il est raisonnable de considérer que l’opération est principalement effectuée pour des objets véritables, l’obtention de l’avantage fiscal n’étant pas considérée comme un objet véritable.

[114]  Le tout peut se résumer ainsi :

Dans le cas où une opération (ou une série d’opérations), à la fois :

1.  entraîne un avantage fiscal,

2.  n’a pas été principalement effectuée pour des objets véritables autres que l’obtention d’un avantage fiscal,

3.  constitue un abus de l’application des dispositions de la Loi,

les attributs fiscaux d’une personne doivent être déterminés de façon raisonnable dans les circonstances de façon à supprimer l’avantage fiscal [56] .  

[115]  En ce qui concerne les faits, il incombe au contribuable de réfuter les hypothèses de fait du ministre selon lesquelles il y a avantage fiscal et opération d’évitement [57] .

[116]  En ce qui concerne la question de savoir s’il y a eu abus :

Il appartient au ministre qui tente d’invoquer la RGAÉ de décrire l’objet ou l’esprit des dispositions qui auraient été contournées, selon une interprétation textuelle, contextuelle et téléologique [58] .

[117]  L’obligation pour le ministre de démontrer l’existence d’un abus peut être qualifiée en grande partie de « fardeau de persuasion ». Comme l’a affirmé le juge en chef Bowman dans la décision Evans c. La Reine [59]  :

Les termes « fardeau de la preuve » auxquels la Cour suprême du Canada a fait allusion peuvent s’appliquer au fardeau de présentation, mais ils imposent surtout l’exigence selon laquelle la Couronne doit préciser l’objet et l’esprit de la législation pertinente qui auraient été contrecarrés. Cela pourrait être qualifié de « fardeau de persuasion », bien que ce ne soit pas le sens habituel de l’expression « fardeau de la preuve » [60] .

[118]  Il faut donc examiner les trois questions suivantes [61]  :

1.  Y a‑t‑il eu un avantage fiscal?

2.  L’opération (ou la série d’opérations) ayant généré l’avantage fiscal était-elle été une opération d’évitement?

3.  L’opération d’évitement ayant généré l’avantage fiscal était-elle abusive?

[119]  La première question consiste à déterminer si un avantage fiscal découle des opérations en question. La notion d’avantage fiscal est extrêmement vaste, et il ne fait guère de doute que la possibilité pour la société fusionnée – l’appelante – d’utiliser les attributs fiscaux de la société remplacée Veracel, notamment les pertes dont la déduction a été demandée pendant l’année visée, constitue un avantage fiscal. Cet avantage découle des opérations en litige.

[120]  En quoi consistent ces opérations? L’intimée estime qu’il s’agit des suivantes :

1.  le transfert des éléments d’actif de la société remplacée Veracel à la société essaimée [62] ;

2.  la vente de reçus de souscription d’actions de catégorie B de Veracel;

3.  l’échange des reçus de souscription contre des actions de catégorie B;

4.  la fusion elle‑même.

[121]  Je reconnais que ces opérations font partie de la série mais, bien que je ne sois pas certain que cela ait de l’importance, je suis convaincu que la série débute par la signature de l’entente relative à l’arrangement, dans laquelle les deux sociétés remplacées conviennent d’un bon nombre de choses, y compris les étapes essentielles de la série menant à la fusion.

[122]  J’examinerai maintenant la deuxième question : la série d’opérations était-elle une opération d’évitement, ou a‑t‑elle été principalement effectuée pour des objets véritables autres que l’obtention d’un avantage fiscal?

[123]  Comme je l’ai expliqué précédemment dans les présents motifs, il est tout à fait clair qu’en l’espèce, la série d’opérations n’a pas été principalement effectuée pour des objets véritables autres que l’obtention d’un avantage fiscal. Par conséquent, cette série d’opérations est une opération d’évitement.

[124]  Veracel voulait monnayer ses attributs fiscaux; Birchcliff voulait obtenir ces attributs. Tout le reste a été accompli en vue d’atteindre ces objectifs.

[125]  En fin de compte, il ne reste plus qu’à examiner la question essentielle de savoir si cette série d’opérations constituait un abus des dispositions de la Loi.

[126]  Aux paragraphes 65 à 73 de l’arrêt Copthorne Holdings Ltd. c. Canada [63] , la Cour suprême du Canada établit de quelle façon il faut analyser la question de l’abus. Je reproduis ci‑dessous une partie de ces paragraphes :

65 La question de savoir si l’opération d’évitement constitue un abus dans l’application de la Loi est la plus épineuse en l’espèce. On pourrait voir dans le mot « abus » la réprobation morale du contribuable qui, afin de réduire son obligation fiscale, se montre ingénieux pour faire jouer la Loi de l’impôt sur le revenu en sa faveur. On aurait tort, car le contribuable peut opter pour les avenues ou les opérations qui sont propres à réduire son obligation fiscale [...]

66 La RGAÉ est un mécanisme juridique par lequel le législateur confie aux tribunaux la tâche inhabituelle d’aller au‑delà du texte de la disposition invoquée par le contribuable pour en déterminer l’objet ou l’esprit. Il se peut qu’une opération du contribuable respecte à la lettre la disposition en cause sans nécessairement être conforme à l’objet ou à l’esprit de celle‑ci. Dans ce cas, le ministre peut invoquer la RGAÉ, laquelle crée effectivement de l’incertitude chez le contribuable. Les tribunaux doivent toutefois se rappeler que l’art. 245 représente une « mesure de dernier recours » [...]

[...]

68 C’est pourquoi « la RGAÉ ne permet de supprimer un avantage fiscal que dans les cas où l’opération en cause est manifestement abusive » [...]

69 Pour conclure au caractère abusif d’une opération, la cour doit d’abord déterminer « l’objet ou l’esprit des dispositions [...] qui sont invoquées pour obtenir l’avantage fiscal, eu égard à l’économie de la Loi, aux dispositions pertinentes et aux moyens extrinsèques admissibles [...] Un auteur assimile cet objet ou cet esprit à la [TRADUCTION] « raison d’être qui sous‑tend des dispositions particulières ou interdépendantes de la Loi » [...]

70 L’objet ou l’esprit peuvent être circonscrits grâce à la méthode qu’emploie notre Cour pour toute interprétation législative, à savoir une méthode « textuelle, contextuelle et téléologique unifiée » [...] Bien que la méthode d’interprétation soit la même dans le cas de la RGAÉ, l’analyse vise en l’espèce à dégager un aspect différent de la loi. Dans un cas classique d’interprétation législative, la cour applique l’analyse textuelle, contextuelle et téléologique pour établir le sens du texte de la loi. Dans le cas de la RGAÉ, l’analyse textuelle, contextuelle et téléologique vise à établir l’objet ou l’esprit d’une disposition. Il est alors possible que le sens des mots employés par le législateur soit suffisamment clair. La raison d’être de la disposition peut ne pas ressortir de la seule signification des mots eux‑mêmes. Il ne faut cependant pas confondre la détermination de la raison d’être des dispositions applicables de la Loi avec le jugement de valeur quant à ce qui est bien ou mal non plus qu’avec les conjectures sur ce que devrait être une loi fiscale ou sur l’effet qu’elle devrait avoir.

71 La cour doit ensuite se demander si l’opération est conforme à l’objet ainsi défini ou si elle le contrecarre [...] Comme je le dis précédemment, une opération d’évitement peut en soi produire un avantage fiscal, mais elle peut également faire partie d’une série d’opérations qui en confère un. Bien que l’accent doive être mis sur elle, lorsque l’opération fait partie d’une série, il faut l’examiner dans le contexte de la série pour déterminer s’il y a évitement fiscal abusif. En effet, le caractère abusif d’une opération ne se révèle alors que dans le contexte de la série dans laquelle elle s’inscrit et de l’effet global obtenu [...]

72 L’analyse fait conclure à l’évitement fiscal abusif lorsque l’opération (1) produit un résultat que la disposition législative vise à empêcher, (2) va à l’encontre de la raison d’être de la disposition ou (3) contourne l’application de la disposition de manière à contrecarrer son objet ou son esprit [...] Ces considérations ne jouent pas indépendamment les unes des autres, et elles peuvent se chevaucher. À cette étape, le ministre doit montrer clairement que l’opération a un caractère abusif, et le contribuable a le bénéfice du doute.

73 Ce critère n’appelle pas de distinction entre les termes « abuse » et « misuse » employés dans la version anglaise [...]

[127]  L’appelante soutient qu’en règle générale, une société peut reporter prospectivement, ou rétrospectivement, ses pertes d’entreprise en application du paragraphe 111(5) de la Loi, et que c’est expressément reconnu dans le cas des fusions, au paragraphe 87(2.1) [64] ; il n’y a pas eu acquisition du contrôle pour l’application du paragraphe 111(5).

[128]  En outre, l’appelante soutient que les dispositions créant des présomptions au paragraphe 256(7) sont des dispositions complexes élaborées avec grand soin par le législateur et que ces règles s’appliquent en l’espèce, ce qui a pour conséquence que, même si les attributs fiscaux de la société remplacée Birchcliff sont touchés, ce n’est pas le cas des attributs fiscaux de la société remplacée Veracel.

[129]  Les deux sociétés remplacées ont mis à exécution un plan d’arrangement conçu avec soin et, par conséquent, les titulaires d’actions de catégorie B sont devenus propriétaires de la société remplacée Veracel au moment même de la fusion.

[130]  Compte tenu de l’ordre réputé, les titulaires de reçus de souscription d’actions de catégorie B sont devenus actionnaires de la société remplacée Veracel et, si la règle générale anti‑évitement ne s’applique pas, les règles prévues à l’alinéa 256(7)b) n’entraîneront pas l’acquisition réputée du contrôle de la société remplacée Veracel juste avant la fusion.

[131]  Étant donné que les deux premiers éléments de la règle générale anti‑évitement sont présents, tout repose sur la dernière question : celle de savoir s’il y a eu utilisation abusive d’un ou de plusieurs articles de la Loi de l’impôt sur le revenu.

[132]  Je souscris aux observations de l’appelante concernant les articles 87 et 111. Cependant, à première vue, le législateur a cherché à codifier les cas où il y a, ou non, acquisition du contrôle dans le cadre d’une fusion par suite de la fusion elle‑même.

[133]  Au début du jugement, je me suis quelque peu attardé aux règles prévues au paragraphe 256(7) applicables en l’espèce. Les principaux points étaient les suivants :

1.  La fusion elle‑même n’entraîne pas l’acquisition du contrôle.

2.  Cependant, les règles prévoient ensuite que le contrôle d’une société remplacée est réputé acquis à moins que toutes les actions de la société fusionnée détenues par les actionnaires de cette société remplacée, si elles étaient détenues par une seule personne, ne suffisent à donner à cette dernière le contrôle de la société fusionnée.

[134]  Dans le cas où deux sociétés fusionnent, il y a acquisition du contrôle pour l’une d’elles, sauf dans le cas où les actionnaires de chaque société remplacée se retrouvent avec un nombre égal de votes.

[135]  La disposition de la loi elle‑même révèle que, selon le principe qu’elle exprime, la société remplacée « minoritaire », c’est‑à‑dire celle dont les actionnaires, s’ils agissaient de concert, ne contrôleraient pas la société fusionnée, perd ses attributs fiscaux – ses pertes – lors d’une fusion avec une autre société. Cela n’inclut pas les personnes qu’on pourrait qualifier d’actionnaires éventuels, comme les titulaires d’actions de catégorie B en l’espèce.

[136]  L’ajout artificiel à l’actionnariat des titulaires d’actions de catégorie B de Veracel, des personnes dont les actions avaient pour seule raison d’être leur conversion en actions ordinaires [65] et avaient une existence si brève que le plan d’arrangement devait créer une présomption quant à leur existence avant la fusion, constitue une manipulation de l’actionnariat d’une société remplacée, ce qui est contraire à l’objet des règles prévues au paragraphe 256(7).

[137]  Autrement dit, il serait contraire au principe des dispositions de tenir compte des actions de catégorie B, alors que leur existence est éphémère au point de ne durer que le temps de la fusion et qu’elle dépend de la réalisation de la fusion elle‑même. Ce n’est qu’à ce moment précis, celui où divers événements sont réputés avoir lieu dans un certain ordre, que les nouveaux titulaires d’actions de catégorie B contribuent au capital‑actions de la société.

[138]  Il s’agit d’une utilisation abusive des dispositions et il s’ensuit que la troisième condition est remplie.

[139]  La règle générale anti‑évitement s’applique.

[140]  Pour déterminer les attributs fiscaux en application du paragraphe 245(5), la solution évidente qui permet de supprimer l’avantage fiscal est de ne pas tenir compte des actions de catégorie B, la conséquence étant qu’il y a eu acquisition du contrôle de Veracel immédiatement avant la fusion.

Conclusion

[141]  Pour les motifs qui précèdent, l’appel est rejeté avec dépens.

Signé à Ottawa (Ontario), ce 24e jour de novembre 2017.

« Gaston Jorré »

Juge Jorré

Traduction certifiée conforme

ce 5e jour d’octobre 2018.

Elisabeth Ross, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :

2017 CCI 234

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2012-1087(IT)G

 

INTITULÉ :

BIRCHCLIFF ENERGY LTD. c. LA REINE

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Gaston Jorré

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 24 novembre 2017

 

 

COMPARUTIONS :

[EN BLANC]

 

Avocats de l’appelante :

Me Patrick Lindsay

Me Jean-Philippe Couture

 

Avocats de l’intimée :

Me Robert Carvalho

Me Neva Beckie

Me Jonathan Wittig

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

[EN BLANC]

 

Pour l’appelante :

Me Patrick Lindsay

Me Jean-Philippe Couture

PwC Cabinet d’avocats S.E.N.C.R.L./s.r.l.

Calgary (Alberta)

(Lors du procès, les deux avocats étaient membres du cabinet Borden Ladner Gervais.)

 

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1] La présente affaire m’a été renvoyée par suite de l’arrêt que la Cour d’appel fédérale a rendu le 28 avril 2017, 2017 CAF 89.

[2] Le libellé des dispositions est reproduit dans la version qui s’appliquait à l’époque. J’énoncerai la règle générale anti‑évitement plus loin dans les présents motifs.

[3] Comme il est clairement expliqué dans l’arrêt R. c. Black & Decker Manufacturing Co., [1975] 1 R.C.S. 411, une fusion ne crée pas une nouvelle société. Par conséquent, en règle générale, les droits et obligations de la société qui fusionne continuent d’exister dans la société fusionnée.

En ce qui concerne le paragraphe 256(7), voir aussi les notes explicatives du mois de décembre 1997, surtout celles qui se rapportent à l’alinéa 256(7)b).

[4] L’exception prévue à la fin du sous‑alinéa 256(7)b)(ii) ne s’applique pas en l’espèce, c’est‑à‑dire le passage commençant par « sauf dans le cas où la personne ou le groupe de personnes n’aurait pas acquis le contrôle [...] ». Ces mots ont pour effet de soustraire à l’application de la disposition de présomption la fusion dans le cadre de laquelle la personne ou le groupe de personnes, du fait de l’alinéa 256(7)a), n’aurait pas acquis le contrôle de la société remplacée s’il avait acquis les actions de celle‑ci. Dans le même ordre d’idées, la division 256(7)b)(iii)(A) ne s’applique pas en l’espèce.

[5] La division (A) n’est pas pertinente parce que les sociétés remplacées n’étaient pas liées, et la division (C) n’est pas pertinente parce qu’au vu des faits de l’espèce, il ne s’agit pas d’un cas où le contrôle des deux sociétés remplacées serait par ailleurs réputé acquis en application du sous‑alinéa 256(7)b)(iii).

[6] Il s’agit de l’exception prévue à la division 256(7)b)(iii)(C). Elle s’appliquerait si chacun des deux actionnaires hypothétiques possédait le même nombre d’actions.

[7] Voir les faits plus loin dans le texte.

[8] Voir de nouveau l’arrêt R. c. Black & Decker Manufacturing Co., [1975] 1 R.C.S. 411. Voir aussi l’article 186 de la Business Corporations Act de l’Alberta dans sa version alors en vigueur.

[9] Dans le cadre de cette thèse, l’intimée a aussi fait valoir à titre subsidiaire que l’émission des actions de catégorie B n’est pas pertinente pour décider qui, sur le plan juridique, avait le contrôle de Veracel, de sorte que la fusion a entraîné l’acquisition du contrôle de la société remplacée Veracel. J’ai du mal à suivre cette thèse subsidiaire, parce que, pour l’application de l’exception prévue à la division 256(7)b)(iii)(B), la question de savoir s’il faut tenir compte des titulaires d’actions de catégorie B pour décider qui contrôlait Veracel avant l’acquisition ne permet pas en tant que telle d’établir si ces actionnaires ont acquis des droits de vote dans la société fusionnée.

Compte tenu des observations présentées aux paragraphes 206 à 211 des observations écrites de l’intimée, et sans tirer de conclusion sur leur bien‑fondé, j’aurais mieux compris si l’intimée avait fait valoir qu’il n’y avait jamais eu de « titulaires d’actions de catégorie B de Veracel », de sorte que les actions de la société issue de la fusion acquise par les personnes appelées « titulaires d’actions de catégorie B de Veracel » ne devraient pas être prises en compte pour l’application de l’hypothèse prévue à la division 256(7)b)(iii)(B), parce que, selon l’interprétation appropriée de cette division, il ne faudrait pas tenir compte de ces actions, vu leur existence éphémère due au fait que les titulaires d’actions de catégorie B ne pourraient jamais bénéficier des actions de catégorie B de la société remplacée Veracel ni en exercer les droits afférents.

[10] David est le frère de Jeffery Tonken, le président de Birchcliff.

[11] Je ne vois pas très bien, parmi les opérations en question, lesquelles exactement ont été effectuées par Cavalon et lesquelles l’ont été par les deux personnes, mais cela n’a vraiment pas d’importance en l’espèce. De façon générale, étant donné que le gain que les deux personnes ont touché pour l’ensemble de leur travail relatif aux opérations a pris la forme d’actions de Veracel qu’elles ont obtenues à titre personnel, je conclus qu’elles ont accompli à titre personnel la plus grande partie, voire la totalité, de leurs tâches.

[12] Pièce A‑1, onglet 4.

[13] Transcription du premier jour d’audience, pages 65 à 69.

[14] Transcription du premier jour d’audience, pages 70 et 71.

[15] Le mot « Ontario » figure dans l’original, mais il doit s’agir d’une erreur typographique. 

[16] D’autres actionnaires de Veracel ont aussi reçu un certain nombre d’actions privilégiées sans droit de vote de la société fusionnée; ils n’entrent pas en jeu pour ce qui est de la question du contrôle. Ces actions privilégiées servaient à payer en espèces les actionnaires de Veracel qui souhaitaient encaisser au moment de la fusion. Ils ont rapidement été payés comme nous le verrons ci‑après.

[17] Voir le paragraphe 41. L’entrée en vigueur était fixée au 31 mai 2005.

[18] Pièce A-3, onglet 82, première page au point « a ». La possibilité d’un remboursement si l’opération n’est pas réalisée figure au point « b » sur la même page.

[19] Pièce A-2, onglet 69, acte d’émission des reçus de souscription, à l’article 3.2. À l’appui, voir l’article 3 des conditions de souscription applicables aux reçus de souscription de Veracel Inc., à l’onglet 60 :

[traduction]

 

3.  Chaque reçu de souscription confère au titulaire le droit de recevoir sans autre paiement, conformément au plan d’arrangement [...] une action de catégorie B de Veracel qui sera échangée contre une action ordinaire de la société issue de la fusion [...] conformément au plan d’arrangement.

[20] Selon l’acte d’émission, le [traduction] « versement spécial » s’entend  du versement éventuel d’une somme en espèces provenant de l’une de deux sources possibles. Dans un premier cas, il est possible que l’on verse des intérêts accumulés sur les fonds de souscription entiercés. Dans un deuxième cas, il est possible que les titulaires de reçus reçoivent une somme si un dividende était versé aux actionnaires de Veracel. Un pareil versement est plutôt hypothétique, c’est le moins que l’on puisse dire, étant donné l’entente selon laquelle Veracel devait transférer tous ses éléments d’actif existants non liés aux reçus de souscription à une nouvelle société appartenant aux actionnaires existants de Veracel. Voir la lettre d’entente datée du 1er avril 2005, page 4, alinéa 7h), sous l’onglet 27 de la pièce A-1. Voir aussi l’entente relative à l’arrangement sous l’onglet 44, alinéa 4.1oo).

[21] Pièce A-2, onglet 69, page 6.

[22] Pièce A-1, onglet 44, pages A-4 et A-5 du plan d’arrangement, qui est la pièce A de l’entente relative à l’arrangement.

[23] Je prends aussi note de l’article 10 des conditions de souscription applicables aux reçus de souscription de Veracel Inc., à la pièce A‑2, onglet 60, pages 4 et 5. Il est dit à l’article 10 que les titulaires de reçus de souscription ne sont pas porteurs de titres et n’ont pas le droit de vote sur le plan d’arrangement; ils ont uniquement droit à une action de catégorie B qui sera échangée contre une action de la société fusionnée ou à un remboursement. Étonnamment, l’article prévoit ensuite, au cas où le souscripteur obtiendrait le droit de vote, une procuration irrévocable pourvu qu’aucune modification fondamentale ne soit apportée au plan d’arrangement; d’après les conditions, je vois mal comment un souscripteur aurait pu obtenir un jour le droit de vote.

[24] Voir l’entente relative à l’arrangement, pièce A‑1, onglet 44, alinéas 4.1o) et oo) et 5.3e).

[25] Voir l’entente relative à l’arrangement, pièce A‑1, onglet 44, alinéa 4.1oo), ainsi que les définitions de [traduction] « transfert de Veracel », [traduction] « éléments d’actif de Veracel » et [traduction] « société essaimée » à l’article 1.1. Voir aussi la pièce A-1, onglet 4, première page.

Il ressort clairement du témoignage de David Tonken que ces éléments d’actif posaient un problème, parce qu’on ne savait pas comment les évaluer et que cela compliquerait le financement. Par conséquent, la solution la plus simple a été de les retirer de la société remplacée Veracel. Voir la transcription du premier jour d’audience aux pages 89 et 90.

[26] Voir l’entente relative à l’arrangement, pièce A‑1, onglet 44, article 4.1.

[27] Comme nous l’avons vu, la Cour du banc de la Reine de l’Alberta a approuvé le plan d’arrangement qui prévoit à l’article 3 qu’à l’entrée en vigueur, l’émission des actions de catégorie B, la fusion et l’échange des actions de catégorie B contre des actions ordinaires de la société fusionnée ont lieu et sont réputés avoir lieu dans un certain ordre. Concrètement, j’ai du mal à concevoir comment divers événements peuvent avoir lieu en même temps mais dans un certain ordre, c’est pourquoi j’estime qu’il est plus facile d’imaginer que les événements survenus dans cet ordre ont été séparés par de très courts laps de temps.

Cela dit, bien que dans le monde physique tel que nous le percevons il semble impossible que des événements simultanés surviennent dans un certain ordre, je n’ai aucune difficulté à concevoir qu’en droit, des parties peuvent convenir que certains événements qui surviennent simultanément doivent être réputés survenir selon un ordre prescrit constituant une sorte d’amalgame séquentiel, mais instantané, d’événements.

[28] Voir la pièce A-1, onglets 21 et 7.

[29] Voir la pièce A-1, onglet 16.

[30] Voir la pièce A-1, onglet 7, notes 3, 8 et 14 des états financiers. En effet, la société a obtenu à peu près au même moment d’autres sommes importantes en plus de celle de 40 millions de dollars; environ 15 millions de dollars ont été obtenus auprès des employés, de la direction, des administrateurs et de leurs familles. Voir la pièce A-1, onglet 6, premières pages et suivantes.

[31] En réalité, le prêt‑relais n’a jamais été utilisé.

[32] Voir la transcription du premier jour d’audience, pages 82 et 83.

[33] Voir la pièce A-1, onglet 44, alinéa 3.3t), et la définition de [traduction] « avance de Birchcliff » à l’article 1.1; la seule exception était la suivante : le cas où Veracel bloquerait, par un acte ou une omission, l’exécution de l’entente relative à l’arrangement. Le cas échéant, Veracel serait tenue de rembourser les frais payés par Birchcliff. Dans tous les autres cas, même si l’entente relative à l’arrangement n’était pas exécutée avec succès, Birchcliff aurait à en assumer les frais. Voir les articles 6.1 et 6.2.

[34] La question posée à M. Surbey et sa réponse en témoignent :

[traduction]

Q. M. LINDSAY : Et – et pourquoi Birchcliff envisageait‑elle cette opération avec Veracel?

R. Pourquoi? Parce que Birchcliff allait se trouver en bien meilleure position – sur les – sur les marchés financiers si nous réussissions à acheter ces actifs, qui étaient importants et offraient de bonnes perspectives d’expansion, de développement et de croissance, et que, parallèlement, le fait d’avoir une entité, de procéder – de procéder par l’intermédiaire d’une entité qui disposait de comptes fiscaux, comme Veracel, nous semblait donc utile. Nous étions spécialisés dans la création de valeurs, alors il s’agissait d’un moyen d’ajouter de la valeur à l’acquisition des biens de Devon que nous avions déjà conclue, pas vrai? C’est pourquoi nous étions intéressés.

(Transcription du deuxième jour d’audience, page 84.)

[35] Pièce A-1, onglet 44.

[36] Le sous‑alinéa 9.2b)(vi) pouvait s’appliquer à n’importe quel moment avant l’entrée en vigueur, soit la clôture de toutes les opérations, quoique, selon l’entente, l’opération de placement des reçus de souscription devait se terminer le 4 mai 2005 au plus tard; voir l’alinéa 5.1d). Ainsi, Birchcliff pouvait résilier l’entente relative à l’arrangement même après la fin de l’opération de placement des reçus de souscription, mais avant l’entrée en vigueur, où tout ce qui était prévu dans le plan d’arrangement serait réalisé. Le 4 mai 2005, Veracel avait conclu la vente de 34 millions de reçus de souscription au prix de 136 millions de dollars.

[37] Pièce A-1, onglet 4.

[38] Voir la pièce A‑1, onglet 24 — note de service du chef des finances de Veracel, John Anderson, aux actionnaires. Le chiffre de 5 p. 100 se trouve au premier paragraphe. Le montant de 1,5 million de dollars est indiqué aux pages deux et trois.

[39] Pièce A‑1, onglet 44, plan d’arrangement, article 1.1, définition de [traduction] « actions privilégiées de la société issue de la fusion » et divisions 3.1b)(ii)C et D.

[40] Pièce A-1, onglet 44, plan d’arrangement, alinéa 4.3a).

[41] Voir la pièce A-3, onglet 125, rapport annuel de 2005 de la société fusionnée – l’appelante –, à la note 11 des états financiers. La note 11 est assez difficile à lire, mais quand même lisible. Voir aussi l’onglet 124, où il est indiqué que le paiement du rachat de beaucoup d’actions privilégiées a été effectué au début de juin 2005. Bien que je ne puisse trouver aucune précision concernant le moment du paiement du reste des actions, selon le plan d’arrangement, ce paiement devait être effectué dès que possible, et nous savons d’après la note 11 des états financiers de 2005 que c’était avant le 31 décembre 2005.

[42] À la pièce A-3, onglet 124, nous pouvons constater que le montant du rachat effectif demeurait le même que celui indiqué par John Anderson; voir la pièce A-1, onglet 24.

[43] Dans les présents motifs, je n’ai pas tenu compte du fait qu’il s’agissait à la fois des actions ordinaires de Veracel et des actions privilégiées de catégorie A de Veracel pour la simple raison que les actions privilégiées de catégorie A étaient traitées de la même façon que les actions ordinaires. Toutes les actions privilégiées de catégorie A de Veracel ont été échangées contre des actions privilégiées de la société fusionnée. David Tonken et Greg Matthews ont reçu des actions ordinaires.

[44] David Tonken a déclaré dans son témoignage qu’il avait choisi des actions ordinaires de la société fusionnée; voir la page 74 de la transcription du premier jour d’audience. De plus, même s’il est extrêmement difficile de lire les titres en haut de la deuxième page et près du haut de la troisième page de l’onglet 124 de la pièce A-3 (pages numérotées 700230 et 700231, au bas), il est clair que le titre figurant en haut de la première page est [traduction] « CHOIX : PAIEMENT EN ACTIONS PRIVILÉGIÉES OU EN ARGENT », et que le titre figurant près du haut de la troisième page est [traduction] « CHOIX D’OBTENIR DES ACTIONS DE LA SOCIÉTÉ ISSUE DE LA FUSION ». Les noms de David Tonken et de Greg Matthews sont indiqués sous le titre [traduction] « CHOIX D’OBTENIR DES ACTIONS DE LA SOCIÉTÉ ISSUE DE LA FUSION ». Le fait que leurs noms soient absents de la liste des titulaires d’actions privilégiées de la société fusionnée, à l’onglet 119, fournit une preuve supplémentaire qu’ils ont choisi de recevoir des actions ordinaires de la société fusionnée.

[45] Si l’on considère l’ensemble des arrangements d’un point de vue fiscal.

[46] Je remercie les parties d’avoir présenté leurs observations écrites supplémentaires.

[47] [1984] 1 R.C.S. 536, aux pages 545 et 546.

[48] 2010 CAF 280.

[49] Compte non tenu de leur conversion préétablie en actions ordinaires de la société fusionnée.

[50] Voir la pièce A-1, onglet 44, et la pièce A-2, onglet 52. De plus, divers autres documents qui établissent ce fait ont dû être distribués à un bon nombre de personnes du domaine de la finance.

[51] Notamment sur le fondement des pièces A-6 et A-8.

Il est précisé dans les deux premières lignes de l’article 3.1 du plan d’arrangement qu’à l’entrée en vigueur, une série d’événements [traduction] « a lieu et est réputée avoir eu lieu » dans un certain ordre sans autre formalité. Il serait intéressant de se demander quelles sont exactement les conséquences de ce passage introductif à la lumière du paragraphe 193(13) de la Business Corporations Act de l’Alberta; il n’est pas nécessaire que je réponde à cette question.

[52] Je crois comprendre que la doctrine a évolué différemment ailleurs.

[53] Pièce A‑2, onglet 60, pages 4 et 5.

[54] La conversion instantanée ou simultanée des actions de catégorie B est fondamentale, ce qui fait jouer la restriction [traduction] « à condition que les dispositions fondamentales du plan d’arrangement n’aient pas changé » et enlève tout effet à la procuration.

[55] Voir Silicon Graphics Ltd. c. Canada, 2002 CAF 260, aux paragraphes 30 à 37.

[56] Comme l’a affirmé le juge Rothstein au paragraphe 32 des motifs de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Copthorne Holdings Ltd. c. Canada, 2011 CSC 63 :

[...] En cas d’opération d’évitement (qui procure un avantage fiscal et dont le but premier est l’obtention de cet avantage), l’avantage fiscal est refusé, sauf si l’opération d’évitement ne constitue pas un abus dans l’application de la Loi de l’impôt sur le revenu.

[57] Voir Copthorne, 2011 CSC 63, paragraphes 34 et 35, et Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, paragraphe 63.

Il est utile de garder à l’esprit que, dans toute affaire civile, la question du fardeau de la preuve n’est importante que si le tribunal ne peut pas tirer de conclusion de fait sur le fondement de la preuve présentée.

[58] Hypothèques Trustco, 2005 CSC 54, paragraphe 65.

[59] 2005 CCI 684, alinéa e) du paragraphe 35. Voir aussi la décision rendue par le juge Hogan dans Descarries c. La Reine, 2014 CCI 75, paragraphe 46.

[60] Aux paragraphes 68 à 72 de la décision Copthorne, 2011 CSC 63, le juge Rothstein a expliqué de quelle façon la Cour doit déterminer s’il y a eu abus.

[61] Copthorne, 2011 CSC 63, paragraphe 33.

[62] Dans l’entente relative à l’arrangement, il est question de la société essaimée comme étant la société à créer.

[63] 2011 CSC 63.

[64] Le paragraphe 87(2.1) codifie l’effet des fusions en common law.

[65] Comme nous l’avons vu, selon les arrangements juridiques, elles n’auraient pas existé si elles n’avaient pas été converties.

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