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Dossier : 2008-280(GST)G

 

ENTRE :

salem nachar,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

________________________________________________________________

 

Appel entendu le 27 octobre 2010, à Vancouver (Colombie‑Britannique).

 

 

Devant : L'honorable juge Lucie Lamarre

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelant :

Me Ronald G. Pederson

Avocate de l'intimée :

Me Elizabeth (Lisa) McDonald

 

________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel de la cotisation que le ministre du Revenu national a établie le 29 novembre 2006 en vertu de l'article 323 de la Loi sur la taxe d'accise est accueilli avec dépens et la cotisation est annulée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de janvier 2011.

 

 

« Lucie Lamarre »

Le juge Lamarre

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de mars 2011.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Référence : 2011 CCI 36

Date : 20110121

Dossier : 2008-280(GST)G

 

ENTRE :

salem nachar,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Lamarre

 

[1]              Il s'agit d'un appel d'une cotisation que le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établie le 29 novembre 2006 en vertu de l'article 323 de la Loi sur la taxe d'accise (la « LTA »). L'appelant a fait l'objet d'une cotisation de 67 143 $ (y compris la taxe nette, les pénalités et les intérêts) parce que Naza Tri‑Pac Auto Repairs Ltd. (« Naza »), dont l'appelant était l'unique administrateur, avait omis de percevoir et de verser la taxe sur les produits et services (la « TPS ») nette pour la période allant du 1er juillet 2000 au 31 décembre 2003.

 

[2]              Au cours de la période pertinente, l'article 323 de la LTA prévoyait ce qui suit :

 

Responsabilité des administrateurs 

 

323(1) Les administrateurs de la personne morale au moment où elle était tenue de verser une taxe nette comme l'exige le paragraphe 228(2), sont, en cas de défaut par la personne morale, solidairement tenus, avec cette dernière, de payer cette taxe ainsi que les intérêts et pénalités y afférents.

Restrictions

 

(2) L'administrateur n'encourt de responsabilité selon le paragraphe (1) que si :

 

a)         un certificat précisant la somme pour laquelle la personne morale est responsable a été enregistré à la Cour fédérale en application de l'article 316 et il y a eu défaut d'exécution totale ou partielle à l'égard de cette somme;

 

b)         la personne morale a entrepris des procédures de liquidation ou de dissolution, ou elle a fait l'objet d'une dissolution, et une réclamation de la somme pour laquelle elle est responsable a été établie dans les six mois suivant le premier en date du début des procédures et de la dissolution;

 

c)         la personne morale a fait une cession, ou une ordonnance de séquestre a été rendue contre elle en application de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, et une réclamation de la somme pour laquelle elle est responsable a été établie dans les six mois suivant la cession ou l'ordonnance.

 

Diligence 

 

(3) L'administrateur n'encourt pas de responsabilité s'il a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le manquement visé au paragraphe (1) que ne l'aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances.

 

Cotisation

 

(4) Le ministre peut établir une cotisation pour un montant payable par une personne aux termes du présent article. Les articles 296 à 311 s'appliquent, compte tenu des adaptations de circonstance, dès que le ministre envoie l'avis de cotisation applicable.

 

Prescription

 

(5) L'établissement d'une telle cotisation pour un montant payable par un administrateur se prescrit par deux ans après qu'il a cessé pour la dernière fois d'être administrateur.

 

Montant recouvrable

 

(6) Dans le cas du défaut d'exécution visé à l'alinéa (2)a), la somme à recouvrer d'un administrateur est celle qui demeure impayée après l'exécution.

 

Privilège

 

(7) L'administrateur qui verse une somme, au titre de la responsabilité d'une personne morale, qui est établie lors de procédures de liquidation, de dissolution ou de faillite a droit au privilège auquel Sa Majesté du chef du Canada aurait eu droit si cette somme n'avait pas été versée. En cas d'enregistrement d'un certificat relatif à cette somme, le ministre est autorisé à céder le certificat à l'administrateur jusqu'à concurrence de son versement.

 

Répétition

 

(8) L'administrateur qui a satisfait à la réclamation peut répéter les parts des administrateurs tenus responsables de la réclamation.

 

[3]              L'appelant soulève trois arguments dans sa défense. Premièrement, il soutient que, pendant toute la période pertinente, il a fait preuve de diligence raisonnable en versant la TPS sur les ventes conclues lors de l'exploitation de l'entreprise de Naza et que, par conséquent, suivant le paragraphe 323(3) de la LTA, il n'est pas solidairement responsable, en sa qualité d'administrateur, de quelque insuffisance dans le montant versé à l'Agence du revenu du Canada (l'« ARC ») au titre de la TPS. Deuxièmement, l'appelant affirme qu'il a le droit de contester la cotisation sous‑jacente établie à l'égard de Naza, et ce, bien qu'en sa qualité d'unique administrateur de Naza, il n'ait pas contesté cette cotisation au moment opportun comme l'exigeait la LTA. Troisièmement, le montant de la cotisation sous‑jacente établie à l'égard de Naza, lequel se rapporte expressément à la TPS sur les ventes de propane à la station‑service, n'a pas été calculé correctement, en ce sens que la méthode que la vérificatrice de l'ARC a employée pour arriver au montant de l'insuffisance dans les versements de la TPS perçue par Naza n'était pas fiable. L'intimée conteste les trois arguments.

 

Les faits

 

[4]              Les parties ont déposé un exposé conjoint des faits (partiel), qui est reproduit ci‑dessous :

 

[TRADUCTION]

 

1.         L'appelant est l'unique dirigeant et administrateur de Naza Tri‑Pac Auto Repairs Ltd. (la « société »).

 

2.         La société était un inscrit aux fins de la TPS, son numéro d'inscription étant le 131216665RT.

 

3.         La société était tenue de déclarer la TPS de façon trimestrielle.

 

4.         Pendant toute la période pertinente, la société exploitait une station‑service Mohawk à Surrey (Colombie‑Britannique), à titre de franchisée.

 

5.         La société vendait du carburant, notamment du propane, à la station‑service.

 

6.         Superior Propane facturait à la société le propane que celle‑ci achetait, comme suit :

 

QUANTITÉ EN LITRES (PAR ANNÉE)

COÛT

AVEC TPS

TPS

Quantité en 2000 – 535 827

183 504,16

196 349,45

12 845,29

Quantité en 2001 – 599 457,90

213 049,14

227 962,58

14 913,44

Quantité en 2002 – 600 753,90

164 192,51

175 685,99

11 493,48

Quantité en 2003 – 579 533,80

250 708,23

268 257,81

17 549,58

 

7.         L'appelant travaillait tous les jours à la station‑service et il participait à tous les égards aux activités de l'entreprise, notamment : la préparation de tous les documents et le travail de bureau, la mise à jour et l'achat des stocks, la préparation des rapports quotidiens des ventes, le calcul de la TPS sur les commissions tirées des ventes d'essence, et l'enregistrement des renseignements concernant les ventes dans le grand livre synoptique de la société.

 

8.         Les états financiers de la société étaient préparés par un comptable, M. Nizar Mawani, en fonction des renseignements fournis par l'appelant.

 

9.         L'appelant, pour le compte de la société, a établi un compte pour les versements de la TPS au cours des périodes; il calculait la TPS, produisait les déclarations relatives à la TPS et versait la TPS au ministre du Revenu national.

 

10.       La société a fait l'objet d'une vérification en 2004; la vérificatrice a conclu qu'il y avait chaque jour une insuffisance de 40 $ à 62 $ au titre de la TPS pendant toute la période de vérification, ce montant ayant été établi en utilisant comme échantillons sept rubans de caisse quotidiens de la société et en appliquant les résultats obtenus à toute la période de vérification. La vérificatrice a déterminé que l'insuffisance était attribuable aux ventes de propane conclues par la société. La vérificatrice a calculé le montant de la TPS non versée de la société en multipliant par 7 p. 100 le coût net (TPS non comprise) du propane acheté de Superior Propane au cours de la période de vérification, comme il en est fait mention ci‑dessus au paragraphe 6. La vérificatrice a conclu que les dépenses de la société avaient été déclarées et que les CTI avaient été demandés d'une façon appropriée et aucun rajustement n'a été effectué à l'égard des dépenses et des CTI.

 

11.       Le 15 mai 2004, le ministre du Revenu national a établi une cotisation à l'égard de la société pour avoir omis de verser 50 379,08 $ au titre de la TPS, pour les périodes suivantes :

 

a)         du 1er juillet au 31 décembre 2000;

 

b)         du 1er janvier au 31 décembre 2001;

 

c)         du 1er janvier au 31 décembre 2002;

 

d)         du 1er janvier au 31 décembre 2003.

 

12.       La société a également fait l'objet d'une cotisation à l'égard de pénalités de 4 842,16 $ et d'intérêts de 2 210,45 $, en plus de la TPS de 50 379,08 $ mentionnée ci‑dessus au paragraphe 14 [sic].

 

13.       La société a cessé d'exploiter la station-service le 15 mars 2004.

 

14.       Le 6 décembre 2005, la Cour fédérale du Canada a délivré contre la société, dans le dossier no GST‑6408‑05, un certificat pour le montant de 61 048,54 $ et un bref de saisie‑exécution d'un montant de 61 048,54 $.

 

15.       Le 4 juillet 2006, West Coast Bailiffs a retourné au ministre du Revenu national le bref de saisie‑exécution sur lequel figurait l'inscription suivante : « impossible de trouver des avoirs exigibles ».

 

16.       Le 29 novembre 2006, le ministre du Revenu national a établi, conformément au paragraphe 323(1) de la Loi sur la taxe d'accise, une cotisation de 67 143,26 $ à l'égard de l'appelant, en sa qualité d'administrateur de la société, ce qui comprenait la taxe nette de 46 379,08 $, des pénalités de 14 267,97 $ et des intérêts de 6 496,21 $.

 

[5]              Au cours des années en cause, Naza exploitait, conformément à un bail concernant un point de commercialisation (le « bail ») qui était renouvelé chaque année (pièce R‑1, onglets 15, 16 et 17), un point de vente de pétrole au détail ainsi qu'un dépanneur sous le nom commercial Avalon Mohawk (et, à partir de 2001, sous le nom Naza Tri‑Pac Auto Repairs Ltd., selon la pièce R‑1, onglets 15 et 16, article 8.4) dans des locaux appartenant d'abord à Mohawk Canada Limited (« Mohawk ») puis, à partir de 2001, à Husky Oil Marketing Company (« Husky ») (ci‑après appelées « Mohawk‑Husky »). Les articles 1.3 et 2.2 ainsi que l'annexe H du bail indiquaient que le détaillant (Naza) exploitait le point de vente de Mohawk‑Husky moyennant une commission, ce qui voulait dire que Mohawk‑Husky était en tout temps propriétaire du carburant et qu'elle versait au détaillant une commission au litre. Les parties au bail convenaient que le produit tiré de la vente du carburant de Mohawk‑Husky était conservé par le détaillant à titre de fiduciaire de Mohawk‑Husky et que ce produit devait être déposé chaque jour dans un compte de Mohawk‑Husky sans déduction, réduction ou compensation. Le détaillant était tenu de fournir des rapports quotidiens des ventes par produit. Le détaillant touchait une commission quotidienne selon un taux déterminé d'avance pour le carburant de Mohawk‑Husky qui était fourni par Mohawk‑Husky et qui était vendu au détail aux pompes situées au point de vente de Mohawk‑Husky. Mohawk‑Husky décidait du prix de détail du carburant de Mohawk‑Husky, et les commissions de vente étaient déduites du produit de la vente, tel qu'il était calculé dans les rapports quotidiens des ventes. Les termes « carburant de Mohawk » et « carburant de Husky », selon le cas, sont définis à l'article 6.3 du bail comme s'entendant de l'essence, du carburant diesel, du propane et du carburant liquide commercialisés, distribués ou vendus par Mohawk‑Husky. Le détaillant devait verser à Mohawk‑Husky un loyer annuel fixe pour l'utilisation des locaux de Mohawk‑Husky (article 4 et annexe B‑1 du bail). Le détaillant était également responsable du paiement, à l'échéance, des impôts, droits, taxes, contributions et pénalités établis, perçus ou exigés à l'égard des locaux, sauf les impôts fonciers, ainsi que des frais d'assurance se rattachant aux pompes, des droits de permis, des taxes d'affaires ou des impôts sur le revenu dont il était redevable, et des autres impôts, droits, taxes ou contributions établis, perçus ou exigés du détaillant, du point de vente de Mohawk‑Husky ou de l'entreprise du détaillant qui était exploitée dans les locaux (article 12 du bail).

 

[6]              L'appelant a déclaré avoir exploité la station-service pendant 14 ans. Il croyait comprendre qu'il exploitait une franchise, à l'égard de laquelle il recevait toutes les instructions du franchiseur (Mohawk‑Husky). Il rendait chaque jour compte au franchiseur de la quantité de carburant vendu, à l'égard duquel Naza touchait des commissions. L'appelant a expliqué que Naza vendait aux pompes de l'essence et du propane pour véhicules. Naza vendait également du propane pour les réservoirs de propane pour barbecues. Le propane pour véhicules et le propane pour les réservoirs pour barbecues provenaient d'un même réservoir, dont le plein était fait par une entreprise autorisée par Mohawk‑Husky, à savoir Superior Propane.

 

[7]              L'appelant a expliqué que Naza percevait la TPS des clients qui achetaient du propane pour les réservoirs pour barbecues, mais que la TPS n'était pas perçue explicitement à l'égard du propane pour véhicules qui était vendu. L'appelant a déclaré que les ventes de propane pour véhicules étaient traitées de la même façon que les ventes d'essence. Mohawk‑Husky fixait le prix de vente au détail à la pompe, qui était le prix exact exigé des clients, et le total des ventes était consigné dans le rapport quotidien des ventes aux fins du calcul des commissions de vente. Selon l'appelant, ce prix de vente changeait régulièrement et pouvait être inférieur au prix d'achat demandé par Superior Propane (transcription, pages 32 à 34). Après avoir parlé à des gens chez Mohawk‑Husky, l'appelant a cru comprendre que la TPS sur le propane pour véhicules était incluse dans le prix de vente établi par Mohawk‑Husky et qu'elle était versée au fisc par Mohawk‑Husky de la même façon que les versements se rattachant à l'essence. Quant à tous les autres produits vendus par Naza, y compris la vente de propane pour barbecues, les ventes étaient enregistrées dans l'ordinateur, qui était programmé pour calculer la TPS qui devait être ajoutée et perçue des clients. L'appelant a déclaré qu'il tenait également un livre comptable distinct dans lequel il consignait tous les jours les sommaires de toutes les ventes sur lesquelles la TPS était perçue. Ce livre servait à la préparation des déclarations trimestrielles relatives à la TPS.

 

[8]              L'appelant n'a jamais cru faire quelque chose de mal. Il a expliqué que des représentants de Mohawk‑Husky se rendaient régulièrement aux locaux pour vérifier la façon dont Naza traitait les ventes et la façon dont la TPS était enregistrée, et qu'ils ne lui avaient jamais dit qu'il fallait ajouter la TPS à l'égard de la vente de propane pour véhicules. Aucun représentant de Mohawk‑Husky n'était présent à l'audience pour corroborer cette assertion. L'appelant a affirmé qu'il avait essayé de faire venir un représentant de Mohawk‑Husky pour témoigner à l'audience, mais qu'étant donné que les événements en question s'étaient produits il y a bien longtemps, tous les directeurs en place à cette époque avaient quitté Mohawk‑Husky. L'appelant n'a jamais songé à effectuer des vérifications auprès de l'ARC étant donné que Mohawk‑Husky avait toujours employé la même méthode, et ce, depuis le début, et que cette méthode n'avait jamais été contestée.

 

[9]              L'entente conclue entre Husky et l'appelant a été annulée le 21 mars 2004 (pièce R‑l, onglet 20). La vérification de Naza a été effectuée peu de temps après, mais l'appelant n'avait pas jugé nécessaire, à ce moment-là, de demander à Husky si la TPS avait été versée sur le propane pour véhicules qui avait été vendu. L'appelant a affirmé avoir eu l'impression, à ce moment‑là, qu'il y avait un malentendu entre Naza et la vérificatrice de l'ARC. Lors de l'audience, l'appelant ne se rappelait pas si la vérificatrice lui avait dit, au moment où la vérification avait été effectuée, que les versements de la TPS sur les ventes de propane étaient insuffisants. En outre, l'appelant a reconnu qu'il n'avait pas vérifié auprès de Husky s'il y avait une erreur étant donné qu'il a dit que, s'il y avait une erreur, elle serait corrigée, mais qu'il ne croyait pas que l'affaire serait portée devant les tribunaux (transcription, pages 132 et 133).

 

[10]         L'appelant, bien qu'il ait été plutôt perdu sur ce point, a reconnu que Naza avait demandé les crédits de taxe sur les intrants (les « CTI ») se rattachant à l'achat du propane de Superior Propane. Lorsqu'on lui a demandé ce qui lui faisait croire que la TPS serait versée par Mohawk‑Husky, il a répondu que la commission garantie dans l'entente était calculée sur le prix de vente au détail fixé par Mohawk‑Husky. Si la TPS avait été ajoutée à ce prix, le prix de vente n'aurait pas été le même que le prix de vente à la pompe (transcription, pages 45 et 46, et page 166).

 

[11]         L'appelant a appelé M. Zouheir Abou El Houda à témoigner. Ce dernier travaillait pour Naza au cours des années en question. Il a simplement confirmé que la TPS était perçue sur la vente de propane pour les réservoirs pour barbecues et qu'en ce qui concerne la vente de propane pour véhicules, le client devait payer le prix indiqué à la pompe. Il a affirmé avoir remarqué que les ventes de propane pour barbecues et de propane pour véhicules étaient à peu près égales. Il a également dit que le matériel était vétuste et qu'il y avait énormément de fuites. Il a également mentionné que le prix que les clients devaient payer pour le propane changeait souvent, chaque semaine.

 

[12]         Madame Rav Sandhu, agente des appels à l'ARC, a été appelée à témoigner par l'intimée. Madame Sandhu a déclaré qu'en examinant les documents fournis par l'appelant, elle n'avait pas trouvé d'indications que Mohawk‑Husky versait la TPS sur le propane. Lors du contre‑interrogatoire, elle a reconnu être convaincue que l'appelant avait de fait pris des mesures à l'égard de son entreprise en vue d'assurer la conformité avec les règlements fiscaux et être également convaincue que l'appelant avait été diligent en veillant à ce que les déclarations relatives à la TPS de l'entreprise soient produites en temps opportun (transcription, pages 194 et 195).

 

[13]         Enfin, Mme Cathy Wu, qui a procédé à la vérification de Naza pour le compte de l'ARC, a témoigné à la demande de l'intimée. En résumé, Mme Wu a conclu que la TPS sur le propane n'avait pas été versée. On lui avait remis des rubans de caisse, certains relevés récapitulatifs, et un livre synoptique rédigé à la main que l'appelant avait préparé, indiquant les ventes, la taxe de vente provinciale (la « TVP ») et la TPS. (Une photocopie des renseignements que l'appelant avait fournis à Mme Wu à titre d'exemple de ce qui était consigné dans le livre synoptique a été produite sous la cote A‑2; voir également la transcription, pages 72 à 76.) Madame Wu se souvenait que les documents n'étaient pas très bien organisés. De fait, les chiffres inscrits dans la pièce R‑2 sont plutôt illisibles. L'appelant a déclaré que tous ces documents étaient remis à son comptable pour que celui‑ci les mette en ordre.

 

[14]         Madame Wu a préparé des feuilles de travail dans lesquelles elle a copié les montants nets des ventes, indiqués sur les rubans de caisse ou dans les rapports des ventes. Étant donné que les documents n'étaient pas bien organisés, Mme Wu a choisi au hasard sept rubans de caisse ou rapports quotidiens des ventes. Elle a calculé à nouveau la TPS qui aurait dû être perçue sur le montant des ventes; elle a comparé les résultats et les montants indiqués aux déclarations, et elle a constaté qu'il y avait chaque jour un écart. Elle a pu vérifier que l'écart était attribuable aux ventes de propane. En 2003, le système de l'entreprise a été changé et un système informatisé a été adopté, lequel produisait des rapports quotidiens des ventes. Lors de la vérification, l'appelant n'avait pas mentionné qu'il faisait une distinction entre le propane vendu pour les réservoirs pour barbecues et celui qui était vendu pour les véhicules. Madame Wu croyait bien que l'écart qui avait été découvert existait pendant toute la période, même si elle avait examiné les rubans de caisse et les rapports des ventes pour sept jours seulement; en effet, l'écart était le même dans chaque échantillon, et ce, bien que plusieurs mois se soient écoulés entre les dates de certains échantillons. Lors du contre‑interrogatoire, Mme Wu a dit que la vérification au hasard visait uniquement à permettre de vérifier s'il y avait quelque chose qui clochait et qu'elle avait alors supposé que la situation était la même pour toute la période pertinente parce qu'elle supposait qu'aucune modification susceptible de produire un écart différent n'avait été apportée au programme de la caisse (transcription, pages 243 et 244).

 

[15]         Madame Wu a ensuite demandé à l'appelant de lui fournir les chiffres mensuels de vente de propane, mais l'appelant ne les avait pas. Madame Wu ne voulait pas examiner les ventes quotidiennes pour une période de vérification de trois ans, étant donné qu'elle aurait eu à examiner plus de 1 000 échantillons, ce qui en pratique n'était pas réaliste. Madame Wu a donc décidé d'établir la TPS sur le coût total du propane acheté au cours d'une année sans tenir compte des bénéfices tirés des ventes. Selon Mme Wu, cela donnait l'évaluation la plus prudente. De fait, l'appelant lui avait dit que les bénéfices étaient [TRADUCTION] « pas grand‑chose ». Les chiffres se rattachant aux coûts d'achat ont été fournis par Superior Propane à la demande de l'appelant, et ils ont été produits sous la cote A‑1, onglet 1. À ce moment‑là, l'appelant n'avait pas mentionné qu'il perdait de l'argent sur le propane. Toutefois, Mme Wu a déclaré que l'appelant avait très bien coopéré, et que c'est la raison pour laquelle elle n'avait pas établi de pénalité pour faute lourde.

 

[16]         Lors du contre-interrogatoire, Mme Wu a admis que l'appelant lui avait déclaré qu'il arrivait parfois qu'il fasse à peine un bénéfice à cause de la concurrence sur le marché (pièce R‑l, onglet 27, page 7 sur 12, note 3). Madame Wu ne croyait pas qu'il y ait pu y avoir des pertes parce que, dans les échantillons qu'elle avait utilisés, elle avait remarqué que Naza achetait souvent du propane de Superior Propane, ce qui voulait dire que Naza conservait peu de stocks. En outre, l'appelant n'avait pas mentionné que Naza avait subi des pertes. Madame Wu a également dit que même si la TPS était considérée comme ayant été incluse dans le prix de vente du propane, il y aurait néanmoins un écart entre la TPS perçue et le montant versé.

 

L'argumentation de l'appelant

 

[17]         L'appelant a affirmé avoir commis une erreur en toute bonne foi. Il a cru par erreur que la TPS sur les ventes de propane pour véhicules serait versée par le franchiseur (Mohawk‑Husky) de la même façon qu'elle l'était pour les ventes d'essence. L'appelant entretenait depuis longtemps une relation avec le franchiseur, et il lui faisait confiance. Somme toute, c'était le franchiseur qui était l'expert dans cette industrie fort spécialisée.

 

[18]         L'appelant a déclaré qu'en sa qualité d'administrateur de Naza, il avait établi un compte pour les versements de la TPS, il établissait des documents tous les jours et il soumettait au franchiseur et à son comptable tous les renseignements financiers concernant les ventes et les dépenses. Ni le franchiseur ni le comptable n'avaient décelé d'irrégularités. L'appelant versait de façon appropriée la TPS sur tous les autres produits qui étaient vendus par l'entreprise. Il produisait toujours à temps les déclarations relatives à la TPS et il demandait les CTI de la façon appropriée. L'appelant ne tournait pas simplement le dos aux responsabilités qu'il avait à l'égard de l'entreprise. Il tentait honnêtement de se conformer aux exigences légales du mieux qu'il le pouvait, en utilisant les renseignements, les moyens et les ressources dont il disposait. À son avis, il avait agi avec autant de soin que ne l'aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances.

 

[19]         Quant à la vérification elle‑même, l'appelant a affirmé qu'il avait le droit de contester la cotisation initiale dont Naza avait fait l'objet même si la société ne l'avait pas elle‑même fait. Il a expressément demandé à la Cour la permission de modifier son avis d'appel sur ce point particulier, permission qui lui a été accordée. L'appelant est d'avis qu'étant donné que la modification a été autorisée, l'intimée ne peut plus soutenir qu'une contestation de la cotisation initiale est précluse.

 

[20]         En ce qui concerne la cotisation elle-même, l'appelant est d'avis que Mme Wu n'avait pas tenu compte, dans son approche, du fait que la moitié des ventes de propane se rapportaient aux réservoirs pour barbecues et que la TPS était perçue sur ces ventes. Il est donc erroné d'utiliser le coût de tout le propane qui était acheté dans le calcul du montant à l'égard duquel la taxe n'avait pas été versée. La cotisation en résultant est le double de l'insuffisance réelle. En outre, Mme Wu n'a examiné que sept échantillons, de sorte qu'en établissant l'écart, elle a pris en compte les ventes conclues pour sept jours seulement sur une période de trois ans et demi. Cela ne semble pas très exact. Les hypothèses émises par Mme Wu étaient également inexactes. Madame Wu a supposé que le propane n'était jamais vendu à perte; toutefois, il a été établi que le prix à la pompe changeait fréquemment, et qu'il était souvent inférieur au prix d'achat. En outre, Mme Wu n'a pas tenu compte de la perte de propane attribuable à des fuites et aux vols.

 

[21]         À titre subsidiaire, l'appelant a soutenu que le montant de la cotisation devait être réduit de 5 p. 100 en vue de tenir compte des fuites et des vols, et que ce montant devait ensuite être divisé par deux afin de tenir compte du fait que la TPS était de fait versée sur la vente de propane pour les réservoirs pour barbecues, et enfin que ce montant devait être réduit des 4 000 $ que l'appelant avait déjà payés. La cotisation serait donc ramenée de 50 379 $ à 19 930 $.

 

Les observations de l'intimée

 

[22]         L'intimée a soutenu que l'appelant, qui participait à l'exploitation quotidienne de la station‑service, et qui établissait notamment les documents financiers, n'avait pas fait preuve d'une diligence raisonnable en vue de veiller à ce que Naza déduise et verse la TPS sur ses ventes de propane. Selon l'intimée, la norme est plus stricte pour les administrateurs internes qui invoquent le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable.

 

[23]         L'intimée a invoqué l'arrêt Drover c. La Reine, 1998 CanLII 7889, dans lequel la Cour d'appel fédérale a dit que l'obligation incombant aux administrateurs n'est pas limitée au respect de la norme de prudence requise pour veiller à ce que la TPS soit versée. Les administrateurs sont également tenus, en vertu de cette norme, de voir à ce que le montant de la TPS soit correctement calculé.

 

[24]         De l'avis de l'intimée, il n'y a pas d'explication raisonnable en ce qui concerne la raison pour laquelle l'appelant aurait cru que la TPS sur le propane pour véhicules serait versée d'une façon différente de la TPS applicable au reste du propane. Il n'y a rien dans la documentation qui indique qu'il y ait eu des instructions au sujet du versement par Mohawk‑Husky de la TPS sur les ventes de propane. Naza achetait le propane de Superior Propane, elle payait la TPS sur ce propane, et elle demandait des CTI. On ne sait pas trop pourquoi, puisque Naza demandait des CTI sur le propane, l'appelant aurait supposé que le franchiseur était responsable du calcul et du versement de la TPS sur le propane vendu par Naza.

 

[25]         Naza versait la TVP sur les ventes de propane, mais non la TPS. L'appelant a fait preuve de négligence en omettant de se renseigner sur la raison pour laquelle il y aurait une différence entre les deux types de ventes de propane.

 

[26]         L'intimée a également soutenu qu'aux termes des ententes conclues avec le franchiseur, Naza recevait des commissions du franchiseur sur le carburant qu'elle vendait, sauf le propane. Elle a déclaré que Naza recevait une remise sur le prix de vente affiché lorsqu'elle achetait le propane chez Superior Propane. Elle a ensuite soutenu qu'il n'avait pas été expliqué pourquoi l'appelant, lorsqu'il s'était rendu compte que le franchiseur traitait le propane différemment aux fins du paiement des commissions, ne s'était pas posé de questions au sujet de la situation pour le propane. Sur ce point, je crois comprendre que l'intimée s'est fondée sur l'entente que l'appelant avait signée avec Mohawk en 1991, laquelle a été produite sous la cote R‑1, onglet 14. L'article 6.6 de cette entente renfermait de fait une disposition précise concernant l'achat de propane, selon laquelle le locataire (Naza) aurait droit à une réduction de quatre cents le litre sur le prix de détail affiché au moment de la livraison du propane. Au cours des années ici en cause, le bail qui a été signé était rédigé différemment, et aucune distinction n'était faite à l'égard du propane, qui faisait partie du carburant de Mohawk‑Husky. Naza était désignée à titre de détaillant dans les baux de ces années‑là et elle touchait des commissions de vente quotidiennes au moyen de la déduction effectuée sur le produit de la vente du carburant de Mohawk‑Husky au point de vente de Mohawk‑Husky à un prix de détail fixé par Mohawk‑Husky. Il est vrai que le propane était fourni par Superior Propane, mais l'appelant a témoigné qu'il s'agissait d'une exigence imposée par Mohawk‑Husky. À mon avis, la lecture des dispositions des baux des années ici en cause ne permet pas d'arriver à la conclusion que l'intimée a tirée, c'est‑à‑dire que l'appelant aurait dû savoir qu'aux fins du versement de la TPS, il y avait une différence entre la façon dont les ventes d'essence et les ventes de propane devaient être traitées.

 

[27]         Quant au droit de l'appelant de contester la dette fiscale de la société, l'intimée a soutenu qu'une analyse textuelle, contextuelle et téléologique confirme qu'il faut interpréter l'article 323 de la LTA comme prévoyant que les administrateurs ne peuvent pas contester la responsabilité sous‑jacente de la société. L'article 323 est une disposition de recouvrement. Le point de départ de l'analyse y afférente est la cotisation établie à l'égard de la société, laquelle fixe la taxe nette qui est due. Conformément aux paragraphes 299(3) et (4), la cotisation dont la société a fait l'objet est réputée valide et exécutoire, sous réserve uniquement d'une nouvelle cotisation ou d'une annulation prononcée par suite d'une opposition ou d'un appel. L'intimée a déclaré qu'une cotisation qui n'est pas contestée a la même force et le même effet qu'une cotisation qui est contestée sans succès. Lorsqu'un certificat se rapportant à une dette de la société résultant d'une cotisation impayée est enregistré devant la Cour fédérale, ce certificat a le même effet que s'il s'agissait d'un jugement rendu par cette cour pour une dette (article 316 de la LTA). Un administrateur ne peut pas faire l'objet d'une cotisation tant qu'un certificat n'a pas été enregistré devant la Cour fédérale pour le montant de la cotisation et qu'il y a eu défaut d'exécution. La contestation par un administrateur du montant établi contre la société constituerait essentiellement une contestation du certificat de la Cour fédérale. De l'avis de l'intimée, le libellé de l'article 323 ne permet pas de contestation incidente de la cotisation sous‑jacente dont la société a fait l'objet. Il faut donner au mot anglais « amount » (somme) une interprétation uniforme. Selon la version anglaise de la LTA, le paragraphe 323(2) assimile expressément la somme mentionnée au paragraphe 323(1) dont la société est redevable à la somme indiquée dans le certificat enregistré devant la Cour fédérale, et c'est de cette somme dont l'administrateur est redevable. L'article 323 sert de moyen de perception de la dette de la société qui a pris naissance alors que l'administrateur la dirigeait. Le législateur considère le rôle qu'a un inscrit pour le compte du fisc à l'égard de la perception de la TPS comme indiquant l'existence d'une relation fiduciaire (paragraphe 222(1)). Les administrateurs sont tenus responsables : ils sont l'âme dirigeante, ils sont investis d'une autorité légale, et ils possèdent le pouvoir de diriger les activités de la société. Ils agissent à titre de mandataires et à titre quasi fiduciaire pour la société. Ils ont pleinement la possibilité de contester la cotisation dont la société a fait l'objet au nom de la société dans le délai imparti pour le faire, et cela les incite à se prévaloir de cette possibilité au lieu d'attendre que les souvenirs s'estompent avec le temps et qu'il soit plus difficile de trouver une preuve documentaire. Ainsi, l'intégrité de la cotisation est préservée dans le processus d'adjudication.

 

[28]         L'intimée a fait une distinction à l'égard de la décision rendue dans Gaucher c. La Reine, no A‑275‑00, 16 novembre 2000, [2000] A.C.F. no 1869 (QL) (C.A.F.), où la Cour a permis au bénéficiaire d'un transfert qui avait fait l'objet d'une cotisation en vertu de l'article 160 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « LIR ») de contester l'obligation fiscale du débiteur principal. Contrairement au bénéficiaire d'un transfert qui a fait l'objet d'une cotisation conformément à l'article 160 de la LIR, l'administrateur possède généralement le pouvoir de faire en sorte qu'une société conteste la cotisation dont elle a fait l'objet, et il est autorisé à le faire. De fait, il se peut qu'une personne qui a fait l'objet d'une cotisation en vertu de l'article 160 ne connaisse même pas l'existence de la dette fiscale sous‑jacente au moment du transfert du bien.

 

[29]         Pour ces motifs, l'intimée a conclu que le libellé, le contexte et l'objet de l'article 323 de la LTA révèlent que le législateur voulait que les administrateurs soient solidairement responsables du paiement de la dette de la société résultant de l'omission d'effectuer un versement, telle qu'elle est au départ déterminée par une cotisation concernant la société et ensuite cristallisée au moyen de l'enregistrement d'un certificat devant la Cour fédérale.

 

[30]         Si la Cour jugeait nécessaire de se prononcer sur le bien‑fondé de la cotisation sous‑jacente, l'intimée prend la position selon laquelle rien ne permet de modifier cette cotisation. L'appelant conteste essentiellement la méthode que la vérificatrice a employée pour établir le montant visé par la cotisation, mais il n'a pas fourni de preuves contredisant le calcul de l'insuffisance en ce qui concerne les jours que la vérificatrice avait choisis ou à quelque autre moment au cours de la période de vérification. L'appelant n'a pas démontré qu'au cours de la période en question, Naza avait de fait vendu du propane à un prix inférieur au coût d'acquisition. Il n'a pas proposé une autre méthode et n'a pas fourni de données manifestement plus exactes que la méthode qui a de fait été employée. L'intimée s'est reportée à la décision rendue par la présente cour dans Ruest c. La Reine, 1998 CanLII 649, où le juge Tardif a conclu que la contribuable ne s'était pas acquittée de la charge qui lui incombait de démontrer que la cotisation était dénuée de fondement, étant donné qu'au lieu d'avancer des arguments à l'appui de sa position, elle avait décidé de chercher à discréditer le travail de l'intimée.

 

[31]         En l'espèce, l'intimée a soutenu que la vérificatrice avait utilisé une méthode équitable, rationnelle et acceptable, qui avait entraîné des résultats vraisemblables, sans aucun doute plus fiables (de l'avis de l'intimée) que ceux que l'appelant proposait. L'intimée s'est fondée sur la décision que la présente cour a rendue dans Telus Communications (Edmonton) Inc. c. La Reine, 2008 CCI 5, où le juge Hershfield avait analysé le caractère adéquat des méthodes d'échantillonnage employées au cours de la vérification. La Cour a tiré une conclusion défavorable du fait que la contribuable n'avait pas cité de témoins en vue de réfuter le témoignage du vérificateur. En l'espèce, l'intimée a soutenu qu'il n'y avait pas le moindre élément de preuve donnant à penser que la méthode employée par la vérificatrice était inexacte. Il incombe à l'appelant de prouver que la méthode employée n'était pas sensée. Pourtant, l'appelant n'a pas soumis d'éléments de preuve au sujet des fluctuations du prix de vente, ni aucun élément montrant que le propane était vendu à perte ou que des demandes avaient été présentées par suite de pertes d'entreprise attribuables à des fuites ou à des vols. Selon l'intimée, aucun élément de preuve ne corrobore ces choses.

 

Analyse

 

[32]         En ce qui concerne le premier argument de l'intimée, qui se rapporte au moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable, je suis d'accord avec l'avocate de l'intimée pour dire qu'il faut se reporter à la décision Drover de la Cour d'appel fédérale, précitée. En se fondant en partie sur la décision antérieure rendue par la même cour dans l'arrêt Soper c. Canada, [1998] 1 C.F. 124, qui portait sur la diligence raisonnable dont l'administrateur doit faire preuve en matière d'impôt sur le revenu, le juge Robertson a fait les remarques suivantes, aux paragraphes 6 et suivants :

 

6          Dans l'affaire Soper, la Cour était appelée à dire si l'administrateur avait agi avec toute la prudence voulue pour éviter que sa compagnie ne manque de verser l'impôt sur le revenu ainsi que le montant des autres déductions prélevées à la source sur le salaire des employés. Les passages suivants de l'arrêt Soper sont particulièrement pertinents en l'espèce (aux pages 155, 156, 157 et 160).

 

La norme de prudence énoncée au paragraphe 227.1(3) de la Loi est fondamentalement souple. Au lieu de traiter les administrateurs comme un groupe homogène de professionnels dont la conduite est régie par une seule norme immuable, cette disposition comporte un élément subjectif qui tient compte des connaissances personnelles et de l'expérience de l'administrateur, ainsi que du contexte de la société visée, notamment son organisation, ses ressources, ses usages et sa conduite. Ainsi, on attend plus des personnes qui possèdent des compétences supérieures à la moyenne (p. ex. les gens d'affaires chevronnés).

 

La norme de prudence énoncée au paragraphe 227.1(3) de la Loi n'est donc pas purement objective. Elle n'est pas purement subjective non plus. Il ne suffit pas qu'un administrateur affirme qu'il a fait de son mieux, car il invoque ainsi la norme purement subjective. Il est également évident que l'intégrité ne suffit pas. Toutefois, la norme n'est pas une norme professionnelle. Ces situations ne sont pas régies non plus par la norme du droit de la négligence. La Loi contient plutôt des éléments objectifs, qui sont représentés par la notion de la personne raisonnable, et des éléments subjectifs, qui sont inhérents à des considérations individuelles comme la « compétence » et l'idée de « circonstances comparables ». Par conséquent, la norme peut à bon droit être qualifiée de norme « objective subjective ».

 

[...] je ne donne pas à entendre que la responsabilité est simplement fonction du fait qu'une personne est considérée comme un administrateur interne par opposition à un administrateur externe. Cette qualification constitue plutôt simplement le point de départ de mon analyse. Mais cependant, il est difficile de nier que les administrateurs internes, c'est‑à‑dire ceux qui s'occupent de la gestion quotidienne de la société et qui peuvent influencer la conduite de ses affaires, sont ceux qui auront le plus de mal à invoquer la défense de diligence raisonnable. Pour ces personnes, ce sera une opération ardue de soutenir avec conviction que, malgré leur participation quotidienne à la gestion de l'entreprise, elles n'avaient aucun sens des affaires, au point que ce facteur devrait l'emporter sur la présomption qu'elles étaient au courant des exigences de versement et d'un problème à cet égard, ou auraient dû l'être. Bref, les administrateurs internes auront un obstacle important à vaincre quand ils soutiendront que l'élément subjectif de la norme de prudence devrait primer l'aspect objectif de la norme.

 

[...]

 

Ce ne sont évidemment pas tous les administrateurs internes qui ont été tenus responsables. La Cour de l'impôt a refusé de retenir la responsabilité d'un administrateur interne dans des affaires où il était une partie innocente qui a été induite en erreur ou trompée par d'autres administrateurs : voir Bianco c. Ministre du Revenu national (1991), 2 B.L.R (2d) 225 (C.C.I.); Edmondson (S.G.) c. M.R.N., [1988] 2 C.T.C. 2185 (C.C.I.); Shindle (B.) c. Canada, [1995] 2 C.T.C. 227 (C.F. 1re inst.); et Snow c. Ministre du Revenu national, (1991), 38 C.C.E.L. 70 (C.C.I.). Il existe également d'autres exemples d'un administrateur interne qui échappe à la responsabilité : voir Fitzgerald (G.) c. M.R.N., [1991] 2 C.T.C. 2595 (C.C.I.).

 

[...]

 

À mon avis, l'obligation expresse d'agir prend naissance lorsqu'un administrateur obtient des renseignements ou prend conscience de faits qui pourraient l'amener à conclure que les versements posent, ou pourraient vraisemblablement poser, un problème potentiel. (Non souligné dans l'original)

 

7          On ne devait pas attendre de l'arrêt Soper qu'il réponde à toutes les questions portant sur la responsabilité des administrateurs. Cela dit, cet arrêt a tout de même tenté de dégager certains principes généraux et de combler les lacunes de l'analyse en ce domaine. La norme de prudence « objective subjective » définie plus haut est centrée sur la question de savoir si les circonstances permettent d'affirmer que, compte tenu de sa compétence et de son expérience dans le domaine des affaires, l'administrateur en question était expressément tenu de s'assurer que la compagnie effectuait bien le versement des retenues d'impôt, comme elle avait l'obligation de le faire. Il est clair qu'une telle obligation existe si l'administrateur sait ou devrait savoir qu'il existe un problème au niveau de ce versement et il manque à cette obligation s'il ne prend aucune mesure pour se conformer aux dispositions de la loi. Étant donné que dans l'affaire Soper, la Cour a estimé que le contribuable avait l'obligation expresse d'agir et puisqu'il n'avait rien fait pour satisfaire à cette obligation, il ne pouvait pas se prévaloir de la défense que constitue la diligence raisonnable. En pareilles circonstances, la Cour n'a pas eu à se demander quelles étaient les mesures que l'administrateur aurait dû prendre à partir du moment où il avait l'obligation expresse d'agir.

 

8          Les circonstances de la présente affaire ajoutent une dimension supplémentaire aux principes énoncés dans l'arrêt Soper. L'obligation incombant aux administrateurs dépasse la simple norme de prudence qui veut que l'on s'assure que le montant de la TPS qui est remis correspond effectivement au montant qui a été calculé. Les administrateurs sont également tenus, en vertu de cette norme, d'assurer que le montant de la TPS a été correctement calculé. Toute autre interprétation du paragraphe 321(1) de la Loi sur la taxe d'accise, (cela vaut également pour le paragraphe 227.1(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu) irait à l'encontre de l'objet même de cette disposition. La légèreté est tout aussi inacceptable au niveau du calcul qu'au niveau du versement. L'obligation de calculer correctement le montant de la TPS découle du paragraphe 228(1) de la Loi sur la taxe d'accise qui dispose que :

 

L'inscrit tenu de produire une déclaration en application de la présente section doit y calculer sa taxe nette pour la période de déclaration qui y est visée.

 

9          Reprenant les termes utilisés dans l'arrêt Soper, on peut reformuler de la manière suivante la question qui se pose en l'espèce : la contribuable a‑t‑elle fait preuve de toute la prudence voulue afin d'assurer que la Conestoga ne manquerait pas à son obligation de calculer correctement et de verser au receveur général le montant de la TPS? Compte tenu des circonstances, ainsi que de l'expérience et du sens des affaires que l'on reconnaît à la contribuable, aurait‑elle dû savoir qu'il y avait un problème au niveau du calcul de la TPS? Corrélativement, si la contribuable savait ou aurait dû savoir qu'il y avait un problème au niveau du calcul correct de la TPS dont la compagnie était redevable, a‑t‑elle fait preuve de toute la prudence voulue afin de s'assurer que le problème serait réglé. La contribuable était une « administratrice interne » (c'est-à-dire qu'elle participait à l'activité quotidienne de l'entreprise) et il est clair que d'autres personnes, y compris un comptable, étaient chargées du calcul et du versement de l'ensemble des impôts. Il y a lieu d'ajouter que n'a été portée à l'attention de la Cour aucune preuve confirmant que la contribuable aurait effectivement été au courant de l'existence d'un problème concernant le calcul correct de la TPS.

 

[33]         Il s'agit donc en premier lieu de savoir si, eu égard aux circonstances et compte tenu de son expérience et de son sens des affaires, l'appelant aurait dû savoir que le calcul de la TPS posait un problème à l'égard du propane. En second lieu, si l'appelant savait ou aurait dû savoir que le calcul de la TPS posait un problème, a‑t‑il fait preuve du degré de prudence voulu pour veiller à ce que le problème soit réglé?

 

[34]         Dans ce cas‑ci, la preuve révélait que l'appelant avait exploité la station‑service pendant 14 ans à titre de franchisé de Mohawk‑Husky. Le contrat initial signé en 1991 était renouvelé chaque année. Au cours des années ici en cause, le contrat conclu entre les parties était rédigé d'une façon différente. Comme il a été dit ci‑dessus au paragraphe 26, aucune distinction n'était faite entre le revenu de commission tiré des ventes d'essence et celui tiré des ventes de propane. Le contrat initial et les contrats ultérieurs prévoyaient tous que le locataire ou le détaillant était responsable du paiement des taxes imposées à l'entreprise qu'il exploitait dans les locaux de Mohawk‑Husky. Sauf pour les ventes d'essence et de propane pour véhicules, l'appelant a perçu et versé la TPS sur tous les produits vendus. Quant au carburant vendu aux pompes, l'appelant a déclaré avoir toujours cru que Mohawk‑Husky se chargeait de la TPS. De fait, il n'a eu connaissance de l'écart qui existait dans le versement de la TPS sur le propane qu'au moment de la vérification, en 2004, après que Naza eut mis fin à ses activités. L'appelant a témoigné que, lorsqu'il avait commencé à exploiter la station‑service, il s'était conformé aux règles énoncées par le franchiseur. Pendant 14 ans, le franchiseur n'a jamais mentionné que le versement de la TPS posait un problème. Il est vrai qu'aucun représentant de Mohawk‑Husky n'était présent à l'audience pour corroborer la chose, mais l'appelant a expliqué qu'en se préparant pour la présente instruction, il avait essayé en vain de contacter, chez Husky, quelqu'un qui aurait été au courant de la situation qui existait pendant la période ici en cause.

 

[35]         L'intimée a soulevé le fait qu'on ne savait pas trop pourquoi la TPS était versée sur le propane pour les réservoirs pour barbecues, alors qu'elle ne l'était pas sur le propane pour véhicules. À mon avis, l'explication donnée par l'appelant est vraisemblable. L'appelant n'a pas fait de distinction entre l'essence et le propane pour véhicules. Le prix à la pompe était fixé par le franchiseur, et il n'est jamais venu à l'esprit de l'appelant qu'un montant plus élevé devait être demandé aux clients pour le propane, étant donné que ce n'était pas le cas pour l'essence.

 

[36]         L'intimée a également mentionné que Naza versait la TVP, mais non la TPS, sur les ventes de propane. Je ne sais pas trop si la TVP était versée sur le propane pour véhicules. Toutefois, je crois comprendre qu'il régnait une certaine confusion au sujet des versements de TVP, que l'appelant a réglée de son propre chef lorsqu'il a appris des autorités provinciales l'existence d'un problème possible.

 

[37]         L'intimée a également soulevé le fait que Naza demandait des CTI à l'égard de l'achat du propane, et elle a déclaré que la chose aurait peut‑être dû indiquer à l'appelant que Naza était tenue de verser la TPS sur le propane qui était vendu. Cela est peut‑être vrai, mais j'ai remarqué à l'audience que l'appelant était perdu lorsqu'on lui a demandé si Naza avait demandé des CTI sur le propane. L'appelant ne m'a pas semblé être une personne avertie qui s'y connaissait dans ce domaine. Il s'est conformé aux règlements fiscaux au mieux de sa connaissance, en versant la TPS sur tous les produits vendus qui étaient enregistrés dans son système informatique comme étant assujettis à la TPS. Je crois comprendre que l'ordinateur avait été programmé par une personne désignée par le franchiseur, qui vérifiait régulièrement si tout était correctement fait.

 

[38]         De plus, Mme Sandhu, l'agente des appels, a reconnu que l'appelant avait pris des mesures à l'égard de son entreprise en vue de veiller à ce que les règlements fiscaux soient observés et qu'il s'était montré diligent en veillant à ce que les déclarations relatives à la TPS soient produites à temps.

 

[39]         Compte tenu des circonstances ainsi que de l'expérience de l'appelant dans l'exploitation d'une entreprise, je suis convaincue que l'appelant n'avait aucune raison de croire que les versements de TPS applicables au propane posaient un problème. Comme il a été dit dans l'arrêt Drover, précité (dans lequel l'arrêt Soper, précité, était cité), l'obligation expresse d'agir prend naissance lorsqu'un administrateur obtient des renseignements ou prend conscience de faits qui pourraient l'amener à conclure que les versements de TPS posent, ou pourraient vraisemblablement poser, un problème potentiel. Je suis convaincue que, dans ce cas‑ci, l'appelant n'a pas obtenu de renseignements et qu'il n'a pas pris connaissance de faits qui auraient pu l'amener à conclure que le versement de la TPS applicable au propane pouvait vraisemblablement poser un problème pendant que Naza exerçait encore ses activités. De fait, l'appelant a uniquement été mis au courant du problème après que Naza eut mis fin à ses activités, au moment de la vérification, en 2004. Je conclus donc que l'appelant a satisfait aux conditions requises pour être visé par l'exception prévue au paragraphe 323(3) de la LTA, étant donné qu'il m'a convaincue que le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable s'appliquait dans son cas.

 

[40]         Compte tenu de cette conclusion, je n'ai pas à répondre aux deux autres arguments que l'intimée a invoqués. Toutefois, j'aimerais dire qu'à mon avis, l'arrêt Gaucher de la Cour d'appel fédérale, précité, s'applique également à la responsabilité de l'administrateur résultant du non‑versement de la taxe nette.

 

[41]         Dans l'arrêt Gaucher, les remarques suivantes ont été faites au paragraphe 6 :

 

6          J'estime pour ma part que le juge de la Cour canadienne de l'impôt a commis une erreur lorsqu'il a tiré cette conclusion. Il existe une règle fondamentale relevant de la justice naturelle selon laquelle, sous réserve d'une disposition législative à l'effet contraire, une personne non partie à une instance ne saurait être liée par le jugement qui y est prononcé à l'égard d'autres parties. L'appelante n'était pas partie à l'instance intervenue entre le Ministre et son ex‑mari au sujet de la nouvelle cotisation. Cette instance n'avait aucunement pour objet de lui imposer une obligation fiscale. Bien qu'elle ait pu être témoin dans cette instance, elle n'y était pas partie et ne pouvait donc pas y soulever des moyens de défense à l'égard de la cotisation de son ancien mari.

 

[42]         À mon avis, que le mot « amount », à la version anglaise du paragraphe 323(1), se rapporte à la somme indiquée dans le certificat de la Cour fédérale ou simplement au montant de la taxe nette que la société était légalement tenue de verser (comme l'a dit le juge C. Miller, de la présente cour, dans la décision Kern c. La Reine, 2005 CCI 314), on ne peut pas échapper au principe fondamental existant en droit canadien, confirmé dans l'arrêt Gaucher, à savoir qu'il existe une règle fondamentale relevant de la justice naturelle selon laquelle, sous réserve d'une disposition légale à l'effet contraire, une personne non partie à une instance ne saurait être liée par le jugement qui y est prononcé à l'égard d'autres parties.

 

[43]         De plus, je ne suis pas d'accord avec l'intimée lorsqu'elle dit que le contexte et l'objet de l'article 323 de la LTA donnent à penser qu'on ne saurait autoriser un administrateur à contester une cotisation sous‑jacente. Dans la décision Scavuzzo c. La Reine, 2005 CCI 772 (procédure générale), le juge en chef Bowman a rejeté l'idée selon laquelle il est possible de faire une distinction à l'égard de l'arrêt Gaucher, le raisonnement qui était fait dans cet arrêt ne s'appliquant pas aux cas visés à l'article 323 de la LTA et à l'article 227.1 de la LIR, lequel figure également dans une partie portant sur les questions de recouvrement. Voici ce que le juge en chef Bowman a écrit :

 

10        Avec égards, je crois que c'est un principe d'application générale et d'équité ordinaire qui a été énoncé dans l'arrêt Gaucher et que ce principe s'applique également aux cotisations fondées sur la responsabilité de l'administrateur en vertu de l'article 227.1 de la LIR et de l'article 323 de la LTA.

 

11        À mon avis, la distinction qui a été faite dans les décisions Schuster et Maillé, précitées, entre la cotisation établie en vertu de l'article 160 de la LIR et les cotisations établies en vertu de l'article 227.1 de la LIR ou de l'article 323 de la LTA ne résiste pas à l'analyse. Cette distinction est fondée sur l'argument selon lequel l'administrateur qui ne veille pas à ce que la société dépose une opposition ne peut pas par la suite contester la cotisation concernant la société lorsqu'il fait l'objet d'une cotisation en sa qualité d'administrateur. À mon avis, il s'agit d'une rationalisation erronée du refus de suivre le jugement rendu par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Gaucher.

 

12        Comme M. Sherman le fait remarquer dans sa chronique, il y a de nombreuses raisons pour lesquelles la société pourrait ne pas avoir déposé d'opposition — la pénurie de fonds, l'insolvabilité ou un désaccord entre les administrateurs. De plus, il se peut que l'on n'ait pas permis aux administrateurs de s'opposer si la société avait fait faillite. Ainsi, je note que, dans la décision Schuster, le juge en chef Garon (tel était alors son titre) s'est fondé sur une décision en matière de transfert de biens, Schafer v. The Queen, [1998] G.S.T.C. 7. La décision Schafer avait expressément été écartée dans l'arrêt Gaucher. Plus précisément, dans la décision Kern v. R., [2005] G.S.T.C. 101, le juge Miller a statué qu'un administrateur qui avait fait l'objet d'une cotisation dérivée en vertu de l'article 323 de la LTA pouvait contester la cotisation sous‑jacente dont la société avait fait l'objet. Comme le juge Miller l'a fait remarquer dans la décision Kern, une société qui est sur le point de faire faillite ou de devenir insolvable ne s'opposera probablement pas à une cotisation.

 

13        Il vaut également la peine de noter que, dans la décision Zaborniak, le juge Bowie n'a pas fondé sa conclusion sur la distinction qui avait été faite dans les décisions Schuster et Maillé. Il l'a uniquement fondée sur son interprétation du libellé de l'article 323 de la LTA.

 

14        Selon moi, le raisonnement qui a été fait dans l'arrêt Gaucher ne peut pas donner lieu à une distinction dans le cas de la responsabilité de l'administrateur. Selon le principe établi dans l'arrêt Gaucher, une personne qui n'est pas partie à une cotisation et qui a fait l'objet d'une cotisation dérivée n'est pas liée par l'omission du débiteur obligataire principal de contester la cotisation dont celui‑ci a fait l'objet. Ce principe est conforme au bon sens et à l'équité ordinaire. Je ne crois pas que la règle salutaire qui a été énoncée dans l'arrêt Gaucher doive être érodée ou amenuisée par des distinctions viciées. En appliquant au principe énoncé dans l'arrêt Gaucher l'exigence voulant que chaque fois nous nous demandions pourquoi la cotisation primaire n'a pas été contestée, ou si les administrateurs qui ont fait l'objet de cotisations dérivées auraient dû ou auraient pu amener le contribuable primaire à contester la cotisation dont il avait fait l'objet, on diluerait le principe, de façon qu'il n'aurait plus aucun sens et qu'il ne pourrait pas s'appliquer. Une fois que nous éliminons la distinction fallacieuse qui a été faite dans les décisions Schuster et Maillé entre les affaires de responsabilité des administrateurs et les affaires de transfert de biens, il nous reste la pleine force de l'arrêt Gaucher, qui s'applique à toutes les affaires de cotisations dérivées.

 

[44]         Le juge en chef Rip a récemment approuvé ce raisonnement dans la décision Barry c. La Reine, 2009 CCI 508. En outre, dans un arrêt récent, Abrametz c. La Reine, 2009 CAF 70, la Cour d'appel fédérale, bien qu'elle n'ait pas expressément traité de la question dans ses motifs de jugement, a accepté que l'unique administrateur d'une société qui avait fait l'objet d'une cotisation conformément à l'article 323 de la LTA conteste la cotisation sous‑jacente dont la société avait fait l'objet.

 

[45]         Étant donné que j'ai conclu que l'appelant est dégagé de toute responsabilité lui incombant en vertu du paragraphe 323(3) de la LTA, je n'ai pas à me demander si la cotisation dont Naza a fait l'objet est fondée.

 

[46]         L'appel est accueilli avec dépens, et la cotisation portée en appel est annulée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de janvier 2011.

 

 

« Lucie Lamarre »

Le juge Lamarre

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de mars 2011.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 36

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2008-280(GST)G

 

INTITULÉ :                                       SALEM NACHAR c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                  Le 27 octobre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L'honorable juge Lucie Lamarre

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 21 janvier 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelant :

Me Ronald G. Pederson

Avocate de l'intimée :

Me Elizabeth (Lisa) McDonald

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

          Pour l'appelant :

 

                   Nom :           Ronald G. Pederson

 

                   Cabinet :

 

          Pour l'intimée :       Myles J. Kirvan

                                       Sous-procureur général du Canada

                                       Ottawa, Canada

 

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