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Dossier : 2015-1890(IT)I

ENTRE :

WILLIAM LAPPAN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 26 juin 2017, à Windsor (Ontario)

Devant : L’honorable juge B. Russell


Comparutions :

Représentante de l’appelant :

Dianne Lappan

Avocate de l’intimée :

Me April Tate

 

JUGEMENT

          L’appel interjeté contre les nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) pour les années d’imposition 2009 et 2010 de l’appelant est rejeté, sans dépens, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

          Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de novembre 2017.

« B. Russell »

Juge Russell


Référence : 2017CCI240

Date : 20171130

Dossier : 2015-1890(IT)I

ENTRE :

WILLIAM LAPPAN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Russell

[1]              Il s’agit des motifs du jugement pour l’appel assujetti à la procédure informelle de l’appelant, William Lappan, à l’encontre des nouvelles cotisations établies le 16 avril 2012 par le ministre du Revenu national (ministre) à l’égard des dettes de l’appelant pour ses années d’imposition 2009 et 2010 en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (Loi). Les nouvelles cotisations ont rejeté les crédits d’impôt pour don de bienfaisance conformément à l’article 118.1 de la Loi de 19 340 $ et de 15 252 $, respectivement, qu’il a déclarés pour ces deux années d’imposition. Il s’est opposé à ces nouvelles cotisations que le ministre a finalement confirmées le 16 avril 2012.

[2]              Les crédits d’impôt pour don de bienfaisance ont été rejetés à partir des hypothèses du ministre selon lesquelles les biens soi-disant donnés (actions de société) ne valaient rien, malgré le fait que l’appelant a produit auprès du ministre un reçu de dons de bienfaisance qui indiquait que ces biens avaient une valeur de 35 000 $. Le ministre a également tenu compte du fait que, lorsqu’il a soi‑disant donné les actions de société, l’appelant n’avait aucun [traduction] « intérêt libéral ». De plus, le ministre a tenu compte du fait qu’en [traduction] « donnant » ces actions de société qui n’avaient aucune valeur selon lui, l’appelant a participé à un stratagème relatif à un abri fiscal et il n’a pas déclaré les renseignements prescrits en conséquence, y compris un numéro d’inscription de l’abri fiscal.

[3]              Plus particulièrement, à cet égard, dans la réponse modifiée aux paragraphes 9a) à d) et 9g) à s), l’intimée a invoqué les hypothèses suivantes formulées par le ministre :

[traduction]

a)         en 2009, l’appelant a gagné un revenu de 47 201 $, qui était composé d’un revenu d’emploi de 27 378,30 $, de prestations d’assurance‑emploi de 4 848 $ et de gains en capital imposables de 14 975 $;

b)         au cours des dix années précédant l’année d’imposition 2009, le total des dons de bienfaisance de l’appelant était de 0 $;

Congregation of the Sisters of Merciful Jesus (l’« organisme de bienfaisance »)

c)         l’organisme est une œuvre de bienfaisance d’Hobbema, Albert;

d)         le siège social de l’organisme de bienfaisance se trouve en Pologne, et les religieuses ne sont pas des anciennes de la bande indienne de Samson, ni d’une autre bande indienne;

[…]

Strategic Gifting Group

g)         Strategic Gifting Group (« Strategic ») était une entreprise individuelle propriété d’Abraham Herbert Grossman (ou Al Grossman);

h)         entre octobre 2009 et février 2011, Strategic a fait la promotion d’un arrangement qui permettait à un participant de déduire dans sa déclaration de revenus un don de bienfaisance de 4 $ à 12 $ pour chaque dollar qu’il versait (le « stratagème Strategic »);

i)          Strategic et/ou ses promoteurs faisaient valoir qu’un participant qui résidait en Ontario obtiendrait un rendement d’environ 46,41 %;

j)          le ministre n’a pas délivré de numéro d’inscription de l’abri fiscal en ce qui concerne Strategic;

k)         l’appelant n’a pas fourni de numéro d’inscription de l’abri fiscal en ce qui concerne les montants déclarés à la suite de sa participation au stratagème Strategic et il n’a pas produit de formulaire T5004;

l)          le stratagème Strategic fonctionnait ainsi :

i.   un contribuable participant effectuait un don en espèces en faveur d’un organisme de bienfaisance participant;

ii.   un philanthrope non-résident fictif versait un montant équivalent au don du contribuable et faisait don d’actions dans Dixon Perrot & Champion Inc. (Dixon) au contribuable;

iii.  pendant la période pertinente, Dixon était une société canadienne constituée en Ontario et inscrite sur le marché libre à la bourse de Francfort;

iv.  le contribuable a fait don des actions de Dixon à l’organisme de bienfaisance auquel il a fait le don en espèces;

v.  la juste valeur marchande énoncée des actions de Dixon était de 4 à 12 fois plus élevée que la valeur du don en espèces du contribuable;

vi. si le contribuable choisissait de ne pas faire don des actions de Dixon à un organisme de bienfaisance participant, les actions faisaient l’objet d’une période de retenue obligatoire de cinq ans;

vii. l’organisme de bienfaisance a délivré à l’intention du contribuable un reçu de dons pour le don en espèces et pour la valeur préétablie et fausse des actions de Dixon;

viii. l’organisme de bienfaisance a versé 90 % du don en espèces du contribuable à Strategic;

ix. les contribuables participants qui n’ont pas fait un don en espèces à l’organisme de bienfaisance participant ont plutôt versé des honoraires à DSC Lifestyle Services;

m)        Dixon avait des bénéfices non répartis négatifs pour les années prenant fin le 31 octobre 2007, 2008, 2009 et 2010;

n)         Dixon a fait son premier appel public à l’épargne sur le marché libre à la bourse de Francfort le 20 mai 2008;

o)         le marché libre à la bourse de Francfort n’est pas une bourse de valeurs désignée;

p)         il n’y a aucun marché pour les actions de Dixon puisqu’elles n’ont pas de valeur;

q)         Strategic a reçu 332 620 $ du stratagème Strategic;

Participation de l’appelant au stratagème Strategic

r)          l’appelant a conclu la série suivante d’opérations prédéterminées pendant l’année d’imposition 2009 :

i.   l’appelant n’a pas fait de don en espèces à l’organisme de bienfaisance;

ii.   l’appelant a versé des honoraires de 5 000 $ à DSC Lifestyle Services en échange de l’obtention de 11 041 actions ordinaires de Dixon;

iii.  le 17 décembre 2009, l’appelant aurait fait don de 11 041 actions de Dixon à l’organisme de bienfaisance;

iv.  le 12 janvier 2010, l’organisme de bienfaisance a délivré à l’appelant un reçu de dons de 35 000 $ pour l’année d’imposition 2009, qui représentait la juste valeur marchande prétendue des actions de Dixon;

v.  à partir du reçu de dons de 35 000 $ délivré, l’appelant a déclaré un don de bienfaisance de 19 340 $ à l’organisme de bienfaisance pour l’année d’imposition 2009 et un don de bienfaisance de 15 252 $ pour l’année d’imposition 2010;

s)         le 17 décembre 2009, les actions de Dixon que l’appelant aurait données à l’organisme de bienfaisance n’avaient aucune valeur;

[4]              Pour résumer les hypothèses invoquées qui précèdent, le ministre était d’avis, lorsqu’il a établi les nouvelles cotisations qui font l’objet de l’appel, que l’appelant avait été abordé par un représentant de DSC Lifestyle Services (DSC) et invité à verser 5 000 $ à DSC, montant en retour duquel il recevrait des actions de société dont l’appelant pourrait faire « don » en temps utile, lorsque le représentant de DSC l’indiquerait, à un organisme de bienfaisance précis désigné par ce représentant et obtenir en retour un reçu de dons de bienfaisance indiquant une valeur de 4 à 12 fois plus élevée que le paiement original de 5 000 $. Selon le ministre, les actions n’avaient en fait aucune valeur.

[5]              Selon les témoignages donnés par l’appelant et Mme Lappan respectivement, aucune des hypothèses qui précèdent n’a en fait été réfutée. L’appelant a indiqué dans son témoignage qu’il n’avait aucune attente quant au montant qui serait indiqué sur le reçu de dons prévu de l’organisme de bienfaisance que le représentant de DSC désignerait. Toutefois, dans les circonstances, je doute du fait que le représentant DSC à qui l’appelant a versé son montant de 5 000 $ ne l’avait pas prévenu que la valeur du crédit d’impôt du reçu de dons de bienfaisance qu’il obtiendrait excéderait de beaucoup la valeur de son paiement initial de 5 000 $. Je crois qu’autrement il n’aurait pas fait ce paiement de 5 000 $ et je fais remarquer également que le paiement n’a pas été versé à l’organisme de bienfaisance, mais plutôt directement à DSC. Mon opinion à cet égard est fondée sur une réalité objective. De plus, selon le témoignage de l’appelant, le représentant de DSC ne lui a pas donné le choix quant à l’organisme de bienfaisance à qui faire don en définitive de ses actions et il ne devait les donner que lorsque le représentant de DSC le lui dirait. L’appelant a également indiqué dans son témoignage, en contre-interrogatoire, qu’il n’avait fait aucune démarche pour confirmer l’évaluation de 35 000 $ figurant sur le reçu de dons de l’organisme de bienfaisance.

[6]              L’intimée a appelé à témoigner Gary Huenemader, qui était le chef d’équipe de l’Agence du revenu du Canada (ARC) responsable de la vérification de l’organisme de bienfaisance portant sur les activités de Strategic Gifting qui ont amené le ministre à conclure qu’il s’agissait d’un abri fiscal non enregistré. Son témoignage en général a corroboré les hypothèses du ministre. De plus, l’intimée a produit des affidavits que connaissait l’appelant puisqu’ils ont été communiqués pendant les conférences préparatoires de gestion d’instance et à l’égard desquels il avait eu la possibilité de procéder à des contre-interrogatoires s’il le souhaitait. Ces affidavits comprenaient ceux de Bette Anne Spears et de James Moon. L’affidavit Spears (pièce R-9) a été établi sous serment le 30 mars 2016 par Mme Bette Anne Spears, une experte en évaluation d’entreprise employée comme évaluatrice d’entreprises auprès de l’ARC. Son rapport d’évaluation estimé en date du 19 mars 2016 était joint en tant que pièce à son affidavit. Il tenait compte de la conclusion selon laquelle, le 31 décembre 2009, la juste valeur marchande des actions de Dixon, Perot & Champion Inc. était de 0,01 $ par action.

[7]              L’affidavit Moon (pièce R-10) était celui de M. James Moon établi sous serment le 8 avril 2016, il est le président-directeur général d’All Group Financial Services Inc. in Toronto, Ontario (All Group). All Group était décrite comme un agent en placements indépendant offrant des services à des clients institutionnels et de détail. Ses activités comprennent les ventes de capitaux, les opérations sur valeur et les services bancaires d’investissement. Le paragraphe 10 de l’affidavit indique que : [traduction] « En prévision de l’enregistrement d’une valeur d’ouverture de ces actions [de Dixon, Perot & Champion Inc.] dans le compte de l’organisme de bienfaisance, nous avons décidé que les actions de Dixon avaient une valeur nulle ». L’affidavit porte sur la façon dont All Good est parvenue à ce point de vue.

[8]              Les questions soulevées étaient les suivantes :

a)     Quelle était la juste valeur marchande des soi-disant actions de Dixon au 17 décembre 2009?

b)    L’appelant avait-il une intention libérale?

c)     Le régime de Strategic Gifting était-il un abri fiscal et, le cas échéant, l’appelant a-t-il contrevenu au paragraphe 237.1(6) de la Loi en omettant d’indiquer un numéro d’inscription de l’abri fiscal?

[9]              Quant à la première question en litige, soit celle de savoir si la juste valeur marchande des actions susmentionnées à la date du transfert était de 35 000 $ comme l’a déclaré l’appelant au ministre, ce dernier a formulé l’hypothèse qui précède (paragraphe 9s) de la réponse modifiée) selon laquelle :

[traduction]

[…] le 17 décembre 2009, les actions de Dixon que l’appelant aurait données à l’organisme de bienfaisance n’avaient aucune valeur;

[10]         Il est bien établi qu’il incombe au contribuable de réfuter les hypothèses du ministre (sauf si le ministre possède une connaissance particulière de l’hypothèse, si la cotisation en particulier impose une pénalité ou concerne une « année frappée de prescription »), les questions factuelles sous-jacentes étant établies en dernier ressort selon la prépondérance des probabilités. Il en est ainsi parce que l’on présume qu’un contribuable a une meilleure connaissance de sa situation fiscale factuelle pertinente que le ministre. À l’audition du présent appel, l’appelant n’a pas présenté d’éléments de preuve pour réfuter l’hypothèse du ministre selon laquelle la juste valeur marchande des actions de société, dont l’appelant soutient qu’il les a données à l’organisme de bienfaisance le 17 décembre 2009, était nulle, comparativement à la valeur de 35 000 $ figurant sur le reçu de dons de M. Lappan ou à toute autre valeur moindre supérieure à 0 $. Même si cela n’est pas nécessaire, je renvoie également, en ce qui concerne cette conclusion, à la preuve de l’intimé sous la forme des affidavits Spears et Moon que j’ai mentionnés plus haut. Je note également le témoignage de l’appelant, susmentionné, selon lequel il n’a rien fait pour confirmer la valeur prétendue de ces actions qu’il a soi‑disant données à l’organisme de bienfaisance.

[11]         Par conséquent, sur cette question, l’intimé obtient gain de cause – l’hypothèse du ministre, selon laquelle les actions de société « données » générant un reçu de dons de bienfaisance de 35 000 $ avaient en fait une juste valeur marchande nulle, n’a pas été réfutée. Elle est donc maintenue. Il n’y a pas eu de don évalué à 35 000 $ ou à une somme moindre excédant la juste valeur marchande nulle. Le crédit d’impôt disponible pour l’application de l’article 118.1 de la Loi est établi en fonction de la juste valeur marchande du bien donné qui, en l’occurrence, est nulle. L’appel de l’appelant est donc rejeté pour ce seul motif.

[12]         À la lumière de cette conclusion, selon laquelle le bien « donné » n’avait aucune valeur, dans les circonstances du présent appel assujetti à la procédure informelle, je ne crois pas qu’il est nécessaire d’aborder les deux autres questions soulevées – celle de savoir s’il y avait une « intention libérale » et celle de savoir si, dans les circonstances de l’espèce, il existait un abri fiscal à l’égard duquel l’appelant n’a fourni aucun numéro d’information de l’abri fiscal, comme l’exige le paragraphe 237.1(6) de la Loi.

[13]         Étant donné que M. Lappan n’a pas réussi à prouver la question principale de la juste valeur marchande du bien qu’il soutient avoir donné (cette valeur étant nulle), le présent appel est rejeté. L’appel est rejeté sans dépens, puisqu’il est assujetti à la procédure informelle et je ne suis pas disposé à conclure conformément au paragraphe 10(2) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure informelle) que, lorsqu’il a intenté le présent appel, l’appelant a retardé indûment son règlement prompt et efficace.

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de novembre 2017.

« B. Russell »

Juge Russell


RÉFÉRENCE :

2017CCI240

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2015-1890(IT)I

INTITULÉ :

WILLIAM LAPPAN ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Windsor (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 26 juin 2017

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge B. Russell

DATE DU JUGEMENT :

Le 30 novembre 2017

COMPARUTIONS :

Représentante de l’appelant :

Dianne Lappan

Avocate de l’intimée :

Me April Tate

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

[EN BLANC]

Cabinet :

[EN BLANC]

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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