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Dossier : 2016-2392(IT)I

Entre :

AJIBOLA MADAMIDOLA,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appels entendus le 1er décembre 2017 à Toronto (Ontario)

Devant : L’honorable juge Campbell J. Miller


Comparutions :

Représentante de l’appelant :

Sarah Akinyele

Avocate de l’intimée :

Me Hye-Won (Caroline) Ahn

 

JUGEMENT

          Les appels interjetés à l’encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2004 et 2005 sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de décembre 2017.

« Campbell J. Miller »

Juge C. Miller


Référence : 2017 CCI 245

Date : 20171206

Dossier : 2016-2392(IT)I

Entre :

AJIBOLA MADAMIDOLA,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge C. Miller

[1]              M. Madamidola est membre de la Nigerian Canadian Muslim Association (l’« Association ») depuis plusieurs années. Il a en effet agi en tant que secrétaire à un certain moment. Il a soutenu avoir fait des dons de bienfaisance de 4 058 $ et de 8 458 $ (2 000 $ en espèces et 6 458 $ pour des dons en nature) à l’Association en 2004 et en 2005, respectivement.

[2]              M. Madamidola a fourni des reçus pour ces dons qui peuvent être décrits de la façon suivante. Pour 2004, le reçu porte le nom de l’Association ainsi que l’adresse du 86, chemin Rivalda, Weston, Ontario, le numéro d’enregistrement et une indication qu’il s’agit d’un reçu officiel aux fins de l’impôt sur le revenu. Il indique qu’un montant de 4 058 $ a été reçu de M. Madamidola, soit un don pour la période de janvier à décembre 2004, indiquant que la date de réception était janvier – décembre 2004. Le reçu été délivré le 3 janvier 2005.

[3]              Pour l’année d’imposition 2005, le nom de l’Association figure encore dans la partie supérieure du reçu qui porte la même adresse que celle de 2004, ainsi que le numéro d’enregistrement et l’indication nécessaire selon laquelle il s’agit d’un reçu officiel aux fins de l’impôt sur le revenu. Ce reçu indique [traduction] « des chaises et des tables données pour l’auditorium et évaluées à 6 458 $ et un don en espèces de 2 000 $ ». La date de réception est indiquée pour la période de janvier à décembre 2005 et le reçu porte la date du 30 décembre 2005.

[4]              Le ministre du Revenu national (le « Ministre ») a établi une cotisation à l’égard de M. Madamidola le 27 novembre 2006 pour les années 2004 et 2005 qui a rejeté les crédits découlant des dons déduits. Le ministre a envoyé un avis de ratification en mai 2015 pour ratifier cette cotisation.

[5]              M. Madamidola a indiqué dans son témoignage que les dons en espèces ont été effectués après des demandes de dons tout au long de l’année et non sous forme d’un montant forfaitaire. Il a aussi déclaré qu’il donnait de l’argent en espèces ou des chèques au secrétaire financier de l’Association, même s’il ne pouvait se rappeler le nom du secrétaire financier de l’époque. Il a également déclaré que l’Association conservait une carte pour chaque membre afin de consigner leurs dons, mais qu’il n’a pas demandé une telle carte ni obtenu de copie de ces registres. Sa représentante a aussi indiqué dans son témoignage qu’elle avait demandé des registres et qu’on l’avait avisée qu’il existait un grand livre, mais encore une fois rien n’a été produit au procès. M. Madamidola savait en 2006 et en 2007 que ces dons faisaient l’objet d’une enquête, mais il n’a fourni à cette époque, ni depuis, aucun registre de l’Association ou relevé bancaire pour appuyer les dons. Aucun dirigeant de l’Association, qui existe toujours, n’a été appelé afin de corroborer l’explication de M. Madamidola. Je remarque que la cotisation n’a été ratifiée qu’après huit ans et qu’il n’est pas surprenant de constater que les registres de l’époque puissent ne pas être disponibles, mais je fais également remarquer que M. Madamidola ne semble pas avoir fait d’effort en 2006 ou en 2007 lorsqu’il a appris pour la première fois que l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») remettait en question la légitimité des dons de bienfaisance.

[6]              M. Madamidola a déclaré qu’en 2004, un montant de 4 000 $ de dons était en espèces, le faible solde représentant des dons en nourriture pour des activités durant le ramadan.

[7]              M. Madamidola a soutenu qu’en 2005, la somme de 6 458 $ représentait un don de tables et de trois douzaines de chaises pliantes. Le solde de 2 000 $ était selon lui un don en espèces. Il a déclaré qu’un comité d’évaluation de l’Association a évalué les tables et les chaises, même s’il ne pouvait se rappeler précisément s’il s’en était remis à un reçu qu’il pouvait avoir fourni ou si le comité avait établi sa propre valeur. Il a indiqué dans son témoignage que le comité d’évaluation était composé de bénévoles ayant une certaine expertise dans le domaine. Encore une fois, il ne pouvait se rappeler les noms, et aucun membre de l’Association n’a témoigné. M. Madamidola n’a pas indiqué dans son témoignage à quel endroit il avait acheté les tables et les chaises.

[8]              M. Madamidola a déclaré que l’Association avait déménagé plusieurs fois au cours des années, parfois en utilisant d’autres mosquées, jusqu’à ce qu’elle obtienne ses propres installations au 190, chemin Milvan à Weston. Cela est confirmé par les registres produits par un fonctionnaire de l’ARC qui a indiqué que plusieurs adresses de l’Association avaient été enregistrées auprès de l’ARC, dont aucune toutefois ne se trouvait au 86, chemin Rivalda, soit l’adresse figurant sur le reçu. Même si la représentante de M. Madamidola a tenté de décrire ces registres comme étant confus et qu’ils comportaient des adresses qui se chevauchaient, je ne suis pas de cet avis. Les registres du gouvernement indiquaient une adresse postale et une adresse municipale ou les deux pendant une certaine période. Aucune de ces périodes ne se chevauchait : il n’y avait pas d’incertitude.

[9]              M. Madamidola avait-il droit à des crédits d’impôt en 2004 et en 2005 en fonction des dons de bienfaisance qu’il soutient avoir faits pendant ces années? Cette enquête comporte deux éléments. D’abord, M. Madamidola a-t-il réellement fait les dons aux montants déclarés et, ensuite, a-t-il obtenu les reçus pour dons de bienfaisance appropriés pour ces montants? Si je réponds par la négative à l’une ou l’autre des questions, les appels de M. Madamidola doivent être rejetés. Je me pencherai d’abord sur la deuxième question.

[10]         M. Madamidola a-t-il obtenu les reçus appropriés? La Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») et le Règlement de l’impôt sur le revenu (le « Règlement ») à cet égard sont ainsi rédigés pour les années en litige :

118.1(1)  « total des dons de bienfaisance » En ce qui concerne un particulier pour une année d’imposition, le total des sommes représentant chacune la juste valeur marchande d’un don (sauf un don dont la juste valeur marchande est incluse dans le total des dons à l’État, le total des dons de biens culturels ou le total des dons de biens écosensibles du particulier pour l’année) qu’il a fait au cours de l’année ou d’une des cinq années d’imposition précédentes (mais non au cours d’une année pour laquelle il a demandé une déduction en application du paragraphe 110(2) dans le calcul de son revenu imposable) à un donataire reconnu, dans la mesure où la somme n’a pas été incluse dans le calcul d’une somme déduite en application du présent article dans le calcul de son impôt payable en vertu de la présente partie pour une année d’imposition antérieure. […]

118.1(2)  Attestation du don. Pour que le montant admissible d’un don soit inclus dans le total des dons de bienfaisance, le total des dons à l’État, le total des dons de biens culturels ou le total des dons de biens écosensibles, le versement du don doit être attesté par la présentation au ministre des documents suivants :

d)      un reçu contenant les renseignements prescrits; […]

3501(1)   Tout reçu officiel délivré par une organisation enregistrée doit énoncer qu’il s’agit d’un reçu officiel aux fins de l’impôt sur le revenu et indiquer clairement, de façon à ce qu’ils ne puissent être modifiés facilement, les détails suivants :

a)         le nom et l’adresse au Canada de l’organisation ainsi qu’ils sont enregistrés auprès du ministre;

b)         le numéro d’enregistrement attribué par le ministre à l’organisation;

c)         le numéro de série du reçu;

d)         le lieu ou l’endroit où le reçu a été délivré;

e)         lorsque le don est un don en espèces, la date ou l’année où il a été reçu;

e.1)      lorsque le don est un don de biens autres que des espèces :

(i)         la date où il a été reçu,

(ii)        une brève description du bien, et

(iii)       le nom et l’adresse de l’évaluateur du bien si une évaluation a été faite;

f)          la date de délivrance du reçu;

g)         le nom et l’adresse du donateur, y compris, dans le cas d’un particulier, son prénom et son initiale;

h)         celle des sommes ci-après qui est applicable :

(i)         le montant du don en espèces,

(ii)        lorsque le don est un don de biens autres que des espèces, la juste valeur marchande du bien au moment où le don est fait;

h.1)      une description de l’avantage, le cas échéant, au titre du don et le montant de cet avantage;

h.2)      le montant admissible du don;

(i)         la signature, ainsi qu’il est prévu au paragraphe (2) ou (3), d’un particulier compétent qui a été autorisé par l’organisation à accuser réception des dons;

(ii)        le nom de l’Agence du revenu du Canada et l’adresse de son site Internet.

[11]         Une jurisprudence abondante traite de ces exigences, et elle a conclu qu’elles doivent être suivies de manière diligente et que l’omission de respecter l’une des exigences est fatale à la détermination de la légitimité du reçu. Comme le juge Tardif l’a indiqué dans Plante c Canada[1] :

46.       Il ne s’agit pas là d’exigences futiles et sans importance; bien au contraire, ce sont là des renseignements tout à fait fondamentaux et absolument nécessaires pour permettre la vérification d’une part de la justesse de la valeur indiquée et d’autre part, de la réalité même du don.

47.       De telles exigences visent à éviter les abus de toute nature et constituent un minimum pour qualifier la qualité d’un don pouvant générer un crédit d’impôt à l’avantage du contribuable donateur.

48.       À défaut de rencontrer les exigences prévues quant au contenu des renseignements que doit contenir un reçu, il devra être écarté faisant ainsi perdre les bénéfices fiscaux à son détenteur. Conséquemment bien qu’un contribuable ait pu faire don d’un tableau, il ne pourra pas bénéficier du crédit potentiel si l’évaluation et le reçu émis à la suite du don ne sont pas conformes aux exigences de la Loi et de ses Règlements.

[12]         Ainsi, y a-t-il des lacunes dans les reçus fournis par M. Madamidola? Je crois que c’est le cas : la plus flagrante étant la première exigence selon laquelle le reçu doit énoncer l’adresse « ainsi qu’[elle est enregistrée] auprès du ministre ». Je suis convaincu qu’à aucun moment l’adresse 86, chemin Rivalda, n’a été « enregistré[e] auprès du ministre ». L’organisme de bienfaisance doit s’enregistrer auprès du ministre et s’assurer que les changements lui sont dûment communiqués. L’Association ne l’a pas fait. Il ne s’agit pas d’une exigence sans importance, mais d’une exigence qui permet d’assurer au public que les organismes de bienfaisance qui délivrent des reçus sont effectivement ceux qui sont exploités à partir du lieu enregistré auprès du ministre. Cette lacune seule est fatale à la cause de M. Madamidola. Mais, il y a plus. Le reçu doit indiquer clairement à quel endroit ou dans quelle localité il a été délivré. Dans le cas où, comment l’espèce, la preuve indique que l’Association a été exploitée à divers endroits au cours des années, il est encore plus important que le reçu soit clair à cet égard. En outre, aucun autre reçu ne fournit l’adresse de M. Madamidola.

[13]         Le Règlement indique également que, s’il s’agit d’un don en nature, le reçu doit alors indiquer la date à laquelle il a été reçu. Les reçus de M. Madamidola portent simplement sur une année complète. Cela peut suffire pour les dons en espèces, mais non pour les dons en nature : une date précise est nécessaire.

[14]         En plus de ces diverses lacunes, je suis préoccupé par le fait qu’un comité d’évaluation de l’Association a établi la valeur des tables et des chaises à un montant de plus de 6 000 $, alors qu’aucun renseignement n’a été fourni quant à la personne qui a fait ces évaluations et à la façon dont cette personne en est venue à cette valeur. Comme l’ont fait remarquer des décisions antérieures, Le c Canada[2] et Ehiozomwangie c Canada[3] par exemple, le don en nature doit être fondé sur la juste valeur marchande, comme l’exige la définition même de « total des dons de bienfaisance », ainsi qu’elle était rédigée pendant les années en litige. Cela peut être mieux établi par des rapports d’évaluation, à défaut de quoi M. Madamidola aurait pu fournir d’autres éléments de preuve quant à la juste valeur marchande (les plus logiques étant les reçus d’achat des meubles). Il n’a pas été en mesure de le faire. M. Madamidola n’a pas établi que la juste valeur des tables et des chaises était celle qu’il invoquait.

[15]         Pour ces raisons, je conclus que les reçus ne respectent pas les exigences rigoureuses de la Loi et du Règlement et que les appels de M. Madamidola sont rejetés.

[16]         Je n’ai donc pas à formuler de conclusion sur la première question, soit celle de savoir si M. Madamidola a réellement fait ces dons. Il peut très bien avoir donné quelque chose à l’Association. Toutefois, il n’a pas réussi à me convaincre, selon la prépondérance des probabilités, que les montants figurant sur les reçus indiquent réellement ce qu’il a donné. J’en arrive à cette conclusion en raison de l’absence d’éléments de preuve corroborants de l’Association, de l’incapacité à se rappeler le nom d’autres membres, de l’absence d’éléments de preuve documentaire et de l’absence de par M. Madamidola en 2006 en 2007 de documents de l’Association (y compris le reçu modifié lui-même).

[17]         Les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de décembre 2017.

« Campbell J. Miller »

Juge C. Miller


RÉFÉRENCE :

2017 CCI 245

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2016-2392(IT)I

INTITULÉ :

AJIBOLA MADAMIDOLA ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 1er décembre 2017

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Campbell J. Miller

DATE DU JUGEMENT :

Le 6 décembre 2017

COMPARUTIONS :

Représentante de l’appelant :

Sarah Akinyele

Avocate de l’intimée :

Me Hye-Won (Caroline) Ahn

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

[BLANK / EN BLANC]

Cabinet :

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Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1]           [1999] ACI no 51.

[2]           2011 CCI 292.

[3]           2013 CCI 145.

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