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Dossier : 2010-1500(GST)I

 

ENTRE :

208539 ALBERTA LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 20 octobre 2010 à Calgary (Alberta).

 

Devant : L’honorable juge Steven K. D’Arcy

 

 Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

M. Robert Madlener

Avocat de l’intimée :

Me Scott England

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel interjeté à l’encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d’accise, dont l’avis est daté du 18 août 2008, pour la période allant du 1er juillet 2007 au 30 septembre 2007 est accueilli, sans dépens, et l’affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation compte tenu du fait que l’appelante avait le droit de demander, dans sa période de déclaration se terminant le 30 septembre 2007, un crédit de taxe sur les intrants de 17 039,93 $ concernant la taxe sur les produits et services payée sur des marchandises importées.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de février 2011.

 

 

« S. D’Arcy »

Juge D’Arcy

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 31e jour de mars 2011.

 

Espérance Mabushi, M.A.Trad. Jur.


 

 

 

 

Référence : 2011 CCI 106

Date : 20110217

Dossier : 2010-1500(GST)I

 

ENTRE :

208539 ALBERTA LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge D’Arcy

 

[1]              L’appelante a interjeté appel d’un avis de cotisation daté du 18 août 2008 concernant sa période de déclaration de la taxe sur les produits et services (la « TPS ») allant du 1er juillet 2007 au 30 septembre 2007.

 

[2]              M. Robert Madlener a témoigné pour le compte de l’appelante. Pendant toute la période pertinente, M. Madlener détenait 100 % des actions de l’appelante et était l’âme dirigeante de l’appelante.

 

[3]              Vers la fin des années 1990, l’appelante a importé des produits de renfort de portes dans le cadre de ses activités commerciales. En 1999, Douanes Canada[1] n’a pas accepté la valeur en douane des marchandises importées déclarée par l’appelante. Douanes Canada a alors saisi certaines marchandises de l’appelante et a réclamé paiement en vertu de l’article 124 de Loi sur les douanes, L.R.C., ch. 1 (2e suppl.), concernant des marchandises que l’appelante avait importées auparavant.

 

[4]              La question en litige en l’espèce porte sur la nature des montants perçus par Douanes Canada en vertu de l’article 124 de la Loi sur les douanes. La perception de montants en vertu de cette disposition est désignée comme étant une confiscation compensatoire.

 

[5]              Le litige entre l’appelante et Douanes Canada s’est poursuivi sur une longue période. Le représentant de l’appelante a tenté d’expliquer la nature du litige, mais il est ressorti clairement de son témoignage qu’il ne comprenait pas précisément les procédures utilisées par Douanes Canada pour effectuer la confiscation compensatoire. Toutefois, il a fourni de nombreux documents et lettres établis par Douanes Canada.

 

[6]              La preuve dont je suis saisi n’établit pas clairement quand pour la première fois Douanes Canada a indiqué son intention d’effectuer une confiscation compensatoire. L’appelante n’a pas fourni à la Cour toutes ses communications avec Douanes Canada et l’intimée a choisi de ne produire aucune preuve concernant les interventions de Douanes Canada.

 

[7]              L’appelante a fourni à la Cour une lettre qu’un agent des appels de Douanes Canada avait établie le 19 février 2003 (la « première lettre de Douanes Canada »). Il est mentionné dans cette lettre que la confiscation compensatoire a été effectuée au plus tard le 19 février 2003. Dans la première lettre de Douanes Canada, il est indiqué que Douanes Canada a établi un avis de confiscation compensatoire et a réclamé un paiement de 96 462,77 $ [traduction] « représentant des droits impayés de 32 150,93 $ et un montant additionnel de 64 311,84 $ qui constitue une pénalité équivalant au double des recettes non acquittées ». (Pièce A1, page 17)

 

 

[8]              L’appelante a interjeté appel de la mesure de confiscation compensatoire dont il est fait mention dans la première lettre de Douanes Canada. Dans une lettre datée du 31 juillet 2007 (la « deuxième lettre de Douanes Canada »), un représentant de Douanes Canada, Division de l’arbitrage, déclare que la confiscation compensatoire sera maintenue, mais que la réclamation de paiement a été réduite à 96 124,78 $. (Pièce A1, page 1)

 

[9]              L’appelante a aussi fourni à la Cour une annexe, apparemment établie par Douanes Canada, qui montre que les 96 124,78 $ étaient constitués de 15 001,66 $ de droits impayés et de 17 039,93 $ de TPS impayée. (Pièce A2)

 

[10]         M. Madlener a payé les 96 124,78 $ au receveur général le 4 septembre 2007.

 

[11]         Dans le calcul de sa taxe nette pour sa période de déclaration de la TPS allant du 1er juillet 2007 au 30 septembre 2007, l’appelante a demandé un crédit de taxe sur les intrants (le « CTI ») de 54 607,28 $ relativement au montant payé à Douanes Canada le 4 septembre 2007. Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé le crédit demandé de 54 607,28 $.

 

[12]         Le paragraphe 169(1) de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1970, ch. E-13 (la « LTA ») autorise un inscrit à demander des CTI relativement à la taxe payée sur les biens importés au Canada. Le CTI peut être demandé dans la mesure où les biens ont été importés pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre des activités commerciales de l’inscrit aux fins de la TPS.

 

[13]         Le ministre a refusé le CTI en se fondant sur l’hypothèse selon laquelle l’appelante n’avait payé aucune taxe sur les marchandises importées, étant donné que le montant de 96 124,78 $ perçu par Douanes Canada avait été confisqué au profit de Sa Majesté selon les articles 109.1, 109.3 et 124 de la Loi sur les douanes. L’intimée soutient que Douanes Canada n’a reçu aucun montant au titre de droits, de taxe d’accise ou de TPS. L’intimée n’a pas fourni de renvois à la jurisprudence à l’appui de son argument.

 

[14]         En l’espèce, la confiscation compensatoire a été faite en vertu du paragraphe 124(1) de la Loi sur les douanes, qui prévoit ce qui suit:

 

124 (1) L’agent qui croit, pour des motifs raisonnables, à une infraction à la présente loi ou à ses règlements du fait de marchandises ou de moyens de transport peut, si on ne les trouve pas ou si leur saisie est problématique, réclamer par avis écrit au contrevenant :

 

a) soit le paiement du montant déterminé conformément au paragraphe (2) ou (3), selon le cas;

 

b) soit le paiement du montant inférieur ordonné par le ministre.

 

(2) Pour l’application de l’alinéa (1)a), s’il s’agit de marchandises, le paiement que peut réclamer l’agent est celui du total de leur valeur en douane et des droits éventuellement perçus sur elles, calculés au taux applicable :

 

a) au moment de la signification de l’avis, si elles n’ont pas fait l’objet de la déclaration en détail ou de la déclaration provisoire prévues au paragraphe 32(1), (2) ou (5) ou si elles sont passibles des droits ou droits supplémentaires prévus à l’alinéa 32.2(2)b) dans le cas visé au paragraphe 32.2(6);

 

b) au moment où elles ont fait l’objet de la déclaration en détail ou de la déclaration provisoire prévues au paragraphe 32(1), (2) ou (5), dans les autres cas.

 

[15]         L’argument de l’intimée reposait sur l’hypothèse selon laquelle les 94 124,78 $ perçus par Douanes Canada étaient constitués uniquement d’une pénalité équivalant à trois fois les droits et de la TPS payables sur les importations.

 

[16]         L’appelante soutient que les 94 124,78 $ étaient constitués de droits, de TPS et d’une pénalité. À l’appui de sa position, l’appelante a produit la première lettre de Douanes Canada, dans laquelle il est déclaré que le montant de la confiscation compensatoire était formé de « droits » impayés et d’une pénalité équivalant au double des « droits » impayés. Il ressort de la pièce A2 que les « droits » impayés mentionnés dans la première lettre de Douanes Canada étaient constitués de droits impayés de 15 001,66 $ et d’une TPS impayée de 17 039,93 $.

 

[17]         Les seuls éléments de preuve dont je suis saisi concernant la nature du montant reçu par Douanes Canada sont la première lettre de Douanes Canada, la deuxième lettre de Douanes Canada et l’annexe A2. L’intimée n’a produit aucune preuve concernant la nature du montant reçu par Douanes Canada.

 

[18]         J’accepte le fait que, dans certains cas, le montant reçu par Douanes Canada en vertu des dispositions de la Loi sur les douanes relatives à la confiscation compensatoire peut être constitué uniquement de pénalités (voir par exemple la décision de la Cour d’appel fédérale dans Amway du Canada Ltd. v. Canada, [1996] 2 C.T.C. 162, au sujet de la confiscation compensatoire faite selon l’ancien paragraphe 192(1) de la Loi sur les douanes). Toutefois, il ressort des seuls éléments de preuve dont je suis saisi concernant la nature du montant reçu par Douanes Canada en l’espèce, que 17 039,93 $ du montant reçu ont été reçus au titre de la TPS.

 

[19]         Pour les motifs qui précèdent, je conclus que 17 039,93 $ des 96 124,78 $ payés à Douanes Canada le 4 septembre 2007 ont été perçus par cette dernière au titre de la TPS.

 

[20]         Toutefois, l’affaire n’est pas clôturée pour autant; l’intimée a soulevé deux questions supplémentaires.

 

[21]         L’intimée a soutenu que, même si de la TPS a été perçue par Douanes Canada, l’appelante n’avait pas pour autant le droit de demander de CTI relativement aux importations, étant donné que les 96 124,78 $ n’avaient pas été payés par l’appelante, mais plutôt par M. Madlener personnellement.

 

[22]         L’article 212 de la section III de la LTA prévoit le paiement de la TPS (la « taxe prévue à la section III ») par la personne qui est redevable de droits imposés, en vertu de la Loi sur les douanes, sur des produits importés, ou qui serait ainsi redevable si les produits étaient frappés de droits. L’article 214 de la LTA prévoit que les taxes sur les produits importés prévues à la section III sont payées et perçues aux termes de la Loi sur les douanes.

 

[23]         Même si M. Madlener est la personne qui a déclaré les produits importés à Douanes Canada, il ressort de la preuve produite qu’il avait déclaré les produits, et qu’il avait payé les 96 124,78 $ à Douanes Canada en tant que représentant de l’appelante. Par conséquent, c’était l’appelante qui avait importé les produits aux termes de la Loi sur les douanes et qui avait payé les 17 039,93 $ de taxe prévue à la section III.

 

[24]         La dernière question soulevée par l’intimée était que l’appelante n’avait pas fourni à l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») les documents exigés au paragraphe 169(4) de la LTA.

 

[25]         L’alinéa 169(4)a) de la LTA prévoit ce qui suit :

 

L’inscrit peut demander un crédit de taxe sur les intrants pour une période de déclaration si, avant de produire la déclaration à cette fin :

 

a) il obtient les renseignements suffisants pour établir le montant du crédit, y compris les renseignements visés par règlement;

 

[26]         Les renseignements prescrits sont contenus dans le Règlement sur les renseignements nécessaires à une demande de crédit de taxe sur les intrants (TPS/TVH)[2] pris en application de la LTA (le « Règlement »). Il ressort clairement du libellé du Règlement que ce dernier n’est censé s’appliquer qu’à la taxe payée par un acquéreur à un fournisseur selon la section II de la LTA. Le Règlement ne s’applique pas aux taxes perçues par Douanes Canada selon la section III de la LTA.

 

[27]         L’appelante a satisfait aux exigences documentaires prescrites par l’alinéa 169(4)a) de la LTA lorsqu’elle a fourni à l’ARC des renseignements suffisants pour que le montant du CTI puisse être établi. Comme je l’ai déjà signalé, la première lettre de Douanes Canada, la deuxième lettre de Douanes Canada et l’annexe A2 constituent toutes des éléments de preuve à l’appui du montant de la taxe prévue à la section III que Douanes Canada a perçue auprès de l’appelante (17 039,93 $) et du fait que la taxe prévue à la section III a été payée par l’appelante à l’égard des produits importés.

 

[28]         Je n’ai pas examiné la question de savoir si les délais de prescription prévus à l’article 225 de la LTA ont été appliqués pour empêcher l’appelante de demander, dans sa période de déclaration se terminant le 30 septembre 2007, un CTI pour les 17 039,93 $ de taxe prévue à la section III. L’intimée n’a pas soulevé cette question dans ses actes de procédure ni à l’audience.

 

[29]         Pour les motifs exposés ci‑dessus, l’appel est accueilli, sans dépens, et l’affaire est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation compte tenu du fait que l’appelante avait le droit de demander, dans sa période de déclaration se terminant le 30 septembre 2007, un CTI de 17 039,93 $ concernant la TPS payée sur des marchandises importées.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de février 2011.

 

 

 

« S. D’Arcy »

Juge D’Arcy

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 31e jour de mars 2011.

 

Espérance Mabushi, M.A.Trad. Jur.

 

 


 

 

 

RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 106

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2010-1500(GST)I

 

INTITULÉ :                                       208539 ALBERTA LTD.

                                                           c.

                                                           SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 20 octobre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge

                                                          Steven K. D’Arcy

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 17 février 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

M. Robert Madlener

Avocat de l’intimée :

Me Scott England

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                      s/o

 

                          Cabinet :                 

                                                         

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1]                              Douanes Canada désigne l’Agence des services frontaliers du Canada et ses prédécesseurs, Revenu Canada et l’Agence des douanes et du revenu du Canada

 

[2]           DORS/2000-180, art. 1

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