Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossier : 2008-3955(IT)G

ENTRE :

LES PRO-POSEURS INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de

Les Pro-Poseurs Inc. (2008-2580(GST)G) et

de Claude Séguin (2008-3954(IT)G),

les 12, 13 et 14 janvier 2011, à Montréal (Québec)

 

Devant : L'honorable juge Paul Bédard

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

 

Me Martin Fortier

Avocate de l'intimée :

Me Nancy Dagenais

____________________________________________________________________

JUGEMENT

        Les appels à l’encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2001, 2003, 2004, 2005 et 2006 sont rejetés, avec dépens, selon les motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour de mars 2011.

 

 

 

« Paul Bédard »

Juge Bédard


 

 

 

 

Dossier : 2008-2580(GST)G

ENTRE :

LES PRO-POSEURS INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de

Les Pro-Poseurs Inc. (2008-3955(IT)G) et

de Claude Séguin (2008-3954(IT)G),

les 12, 13 et 14 janvier 2011, à Montréal (Québec)

 

Devant : L'honorable juge Paul Bédard

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

 

Me Martin Fortier

Avocate de l'intimée :

Me Nancy Dagenais

____________________________________________________________________

JUGEMENT

        L’appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 21 juin 2007, pour les seize périodes trimestrielles de déclaration suivantes, lesquelles ne sont pas toutes consécutives, soit du 1er octobre 2002 au 31 décembre 2002, du 1er avril 2003 au 30 juin 2003, du 1er juillet 2003 au 30 septembre 2003, du 1er octobre 2003 au 31 décembre 2003, du 1er janvier 2004 au 31 mars 2004, du 1er avril 2004 au 30 juin 2004, du 1er juillet 2004 au 30 septembre 2004, du 1er octobre 2004 au 31 décembre 2004, du 1er janvier 2005 au 31 mars 2005, du 1er avril 2005 au 30 juin 2005, du 1er juillet 2005 au 30 septembre 2005, du 1er octobre 2005 au 31 décembre 2005, du 1er janvier 2006 au 31 mars 2006, du 1er avril 2006 au 30 juin 2006, du 1er juillet 2006 au 30 septembre 2006 et du 1er octobre 2006 au 31 décembre 2006, est rejeté, avec dépens, selon les motifs du jugement ci‑joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour de mars 2011.

 

 

 

« Paul Bédard »

Juge Bédard


 

 

 

 

Dossier : 2008-3954(IT)G

ENTRE :

CLAUDE SÉGUIN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de

Les Pro-Poseurs Inc. (2008-3955(IT)G) et

de Les Pro-Poseurs Inc. (2008-2580(GST)G),

les 12, 13 et 14 janvier 2011, à Montréal (Québec)

 

Devant : L'honorable juge Paul Bédard

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

 

Me Martin Fortier

Avocate de l'intimée :

Me Nancy Dagenais

____________________________________________________________________

JUGEMENT

        Les appels à l’encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2002, 2003, 2004, 2005 et 2006 sont rejetés, avec dépens, selon les motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour de mars 2011.

 

 

 

« Paul Bédard »

Juge Bédard


 

 

 

 

Référence : 2011 CCI 113

Date : 20110301

Dossiers : 2008-3955(IT)G,

2008-2580(GST)G,

2008-3954(IT)G

ENTRE :

LES PRO-POSEURS INC.,

CLAUDE SÉGUIN,

appelants,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Bédard

 

[1]              Il s’agit de trois appels entendus sur preuve commune.

 

Dossier 2008-2580(GST)G

 

[2]              L’appelante appelle d'une cotisation de 36 337,15 $, dont l’avis est daté du 21 juin 2007 établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise (la « LTA ») pour les seize périodes trimestrielles de déclaration suivantes, lesquelles ne sont pas toutes consécutives (les « 16 périodes visées »), soit du 1er octobre 2002 au 31 décembre 2002, du 1er avril 2003 au 30 juin 2003, du 1er juillet 2003 au 30 septembre 2003, du 1er octobre 2003 au 31 décembre 2003, du 1er janvier 2004 au 31 mars 2004, du 1er avril 2004 au 30 juin 2004, du 1er juillet 2004 au 30 septembre 2004, du 1er octobre 2004 au 31 décembre 2004, du 1er janvier 2005 au 31 mars 2005, du 1er avril 2005 au 30 juin 2005, du 1er juillet 2005 au 30 septembre 2005, du 1er octobre 2005 au 31 décembre 2005, du 1er janvier 2006 au 31 mars 2006, du 1er avril 2006 au 30 juin 2006, du 1er juillet 2006 au 30 septembre 2006 et du 1er octobre 2006 au 31 décembre 2006.

 

[3]              Le montant de 36 337,15 $ en question est ventilé comme suit, à savoir :

 

Rajustements apportés au calcul de

la taxe nette déclarée

[1 503,42 $ + 231,69 $ + (98,47 $) + 364,99 $ +

2 243,43 $ + 4 287,45 $ + 3 247,57 $ + 1 756,36 $ +

4 639,76 $ + 1 293,59 $ + 517,22 $ + 2 230,88 $ +

898,04 $ + 160,02 $ + 276,00 $ + 319,74 $]

 

 

23 871,69 $

Pénalité pour versement tardif

[540,54 $ + 78,75 $ + 111,97 $ + 512,86 $ + 960,41 $ +

650,74 $ + 311,06 $ + 697,41 $ + 188,93 $ + 46,74 $ +

190,18 $ + 63,39 $ + 8,22 $ + 6,97 $ + 3,12 $]

 

 

4 371,29 $

 

Pénalités de l’article 285 de la L.T.A.

(25 % de 20 835,35 $)

 

5 208,84 $

 

Intérêts sur arriérés

[304,44 $ + 45,65 $ + 66,59 $ + 311,77 $ + 600,27 $ +

420,42 $ +209,00 $ + 490,08 $ + 140,76 $ + 37,56 $ +

168,17 $ + 62,66 $ + 9,32 $ + 10,10 $ + 8,54 $]

 

 

2 885,33 $

Total [montant dû]

36 337,15 $

 

[4]              Plus précisément, les rajustements de 23 871,69 $ apportés au calcul de la taxe nette déclarée par l’appelante pour les 16 périodes visées se ventilent comme suit, à savoir :

 

Taxe sur les produits et services (« TPS »)

perçue ou percevable

2 884,20 $

Crédits de taxe sur les intrants (« CTI »)

demandés, et obtenus, en trop, par

erreur ou sans droit

 

20 987,49 $

Total

23 871,69 $

 

Je souligne que la TPS perçue ou percevable de 2 884,20 $ n’est pas contestée par l’appelante. Je note aussi que la contestation de l’appelante à l’égard des CTI refusés ne porte que sur les CTI de 20 835,35 $ liés à des fournitures de biens et de services qu’elle aurait acquis des 13 fournisseurs énumérés au paragraphe 19f) de la Réponse à l’avis d’appel modifiée (les « fournisseurs douteux »).

 

[5]              En établissant la cotisation de 36 337,15 $ à l’égard de l’appelante, le ministre du Revenu national (le « ministre ») s’est fondé, entre autres, sur les conclusions et les hypothèses de fait suivantes énumérées au paragraphe 19 de la Réponse à l’avis d’appel modifiée :

 

i)                    les faits admis ci‑dessus;

 

ii)                   l’appelante est un inscrit aux fins de la Partie IX de la L.T.A.;

 

iii)                 l’appelante exploite une entreprise spécialisée dans les travaux de systèmes intérieurs à titre d’entrepreneur ou à titre de sous‑traitant;

 

iv)                 l’appelante a acquis des fournitures taxables de biens et de services pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales pendant les 16 périodes visées pour lesquelles la TPS relative à la fourniture a été payée ou était payable par elle aux fournisseurs;

 

v)                  l’appelante a comptabilisé le montant de la TPS ainsi payée ou payable à titre de CTI dans ses livres comptables et a demandé, et obtenu, dans le calcul de sa taxe nette qu’elle a déclarée au Ministre pour les 16 périodes visées, ledit montant de CTI;

 

vi)                 du montant total de CTI demandés, et obtenus, dans le calcul de sa taxe nette qu’elle a déclarée au Ministre pour les 16 périodes visées, l’appelante a demandé un montant totalisant 20 835,35 $ à l’égard de fournitures de biens et de services qu’elle aurait acquises pendant les 16 périodes visées de treize (13) fournisseurs distincts, soit :

 

 

Construction Lubac inc. (« Lubac »)

215,40 $

Constructions Générales M.J.P. inc.

(« M.J.P. »)

451,07 $

9149-3114 Québec inc. [alfa.com]

(« Alfa »)

2 205,87 $

9137-6483 Québec inc.

[Cie Gypse.Com inc.] (« Gypse »)

2 445,10 $

Système Intérieur RASTEL inc.

(« Rastel »)

2 717,81 $

Système Intérieur Rovac inc.

(« Rovac »)

1 130,46 $

Les Joints Universels inc.

(« Joints Universels »)

2 782,53 $

J.C.M.J. Rénovation inc.

(« J.C.M.J. »)

173,51 $

9139-8347 Québec inc.

[Les constructions G.S.B. inc.]

(« G.S.B. »)

677,67 $

9158-0258 Québec inc.

[Méga Maxx Construction]

(« Méga Maxx »)

160,02 $

Système Intérieur Kelowna inc.

(« Kelowna »)

6 609,54 $

Système Intérieur D.D. inc.

(« D.D. »)

666,40 $

9031-4410 Québec inc.

[Système intérieur Dinar inc.]

(« Dinar »)

599,97 $

TOTAL

20 835,35 $

 

 

vii)               l’appelante n’a pas fourni au Ministre, lorsque requis de le faire, les renseignements suffisants, y compris les renseignements visés par règlement, pour établir le montant de 20 835,35 $ de CTI mentionné au sous‑paragraphe précédent qu’elle a demandé et obtenu dans le calcul de sa taxe nette pour les 16 périodes visées;

 

viii)              plus précisément, l’appelante n’a fourni aucune pièce justificative au Ministre pour établir ledit montant de CTI ou a fourni des pièces justificatives et des documents pour établir ledit montant de CTI qui ne rencontraient pas les exigences de la L.T.A. et de la réglementation y relative;

 

ix)                 essentiellement, les pièces justificatives fournies au soutien des CTI refusés au montant de 20 835,35 $ relativement à des fournitures de services ou de biens qu’elle a acquises pendant les 16 périodes visées sont fausses et constituent des factures d’accommodation ou de complaisance afin de permettre à l’appelante de demander, sans droit, des CTI dans le calcul de sa taxe nette pour les 16 périodes visées;

 

x)                  le stratagème a pour but, par le biais de l’utilisation de factures dites « d’accommodation » ou « de complaisance », de pouvoir effectuer des demandes de CTI indues en fonction des exigences de la L.T.A.;

 

xi)                 en l’espèce, l’appelante, la personne « accommodée », a fait appel aux services de tierces personnes exploitant ou non de véritables entreprises, peu importe, les personnes « accommodatrices », soit les treize (13) fournisseurs en cause, ces tierces personnes émettant des factures à l’appelante pour des fournitures de produits ou de services qu’elles n’ont pas effectuées à l’appelante et que cette dernière n’a pas acquises de l’une ou l’autre d’entre-elles;

 

xii)               l’appelante n’a acquis aucune des fournitures de biens ou de services en cause desdits treize (13) fournisseurs en cause ou n’a pas acquis les fournitures de biens ou de services en cause des treize (13) fournisseurs en cause, l’appelante les ayant plutôt acquis d’un tout autre fournisseur que ceux indiqués sur les pièces justificatives fournies pour (…) les 16 périodes visées;

 

xiii)              auprès de la Commission de la construction du Québec (ci-après « CCQ »), l’appelante y est peu connue pendant les 16 périodes visées et ne lui a dénoncé qu’un seul sous‑contractant avec qui elle a contracté;

 

xiv)             auprès de la CCQ, les treize (13) fournisseurs en cause ne sont pas des sous‑traitants de l’appelante;

 

xv)               relativement à certains des treize (13) fournisseurs en cause, ceux‑ci sont introuvables;

 

xvi)             relativement à certains des treize (13) fournisseurs en cause, ceux‑ci sont délinquants envers Revenu Québec relativement à plusieurs lois fiscales;

 

xvii)            relativement aux treize (13) fournisseurs en cause, ceux‑ci n’ont pas le personnel et les équipements pour effectuer les fournitures de biens et de services qu’ils se sont engagés à effectuer à l’appelante;

 

xviii)          les chèques tirés par l’appelante pour payer les fournitures acquises de l’un ou l’autre desdits treize (13) fournisseurs en cause, si ce n’est pas tous les treize (13), ont presque toujours été présentés à une entreprise d’encaissement de chèques par lesdits fournisseurs afin d’y être encaissés;

 

xix)             certaines des pièces justificatives fournies au soutien des CTI demandés ne contiennent pas une description suffisante et détaillée afin d’identifier adéquatement chacune des supposées fournitures qui auraient été effectuées par l’un ou l’autre desdits treize (13) fournisseurs en cause et qui auraient été acquises par l’appelante;

 

xx)               certaines des pièces justificatives fournies au soutient des CTI demandés pour un fournisseur donné ont une suite numérique incohérente;

 

xxi)             quoique les treize (13) fournisseurs en cause soient des personnes distinctes, la facturation de certains d’eux est presque identique, en tous points, à l’exception de la désignation du fournisseur et des numéros d’inscription pour la TPS et la taxe de vente du Québec;

 

xxii)            l’appelante est donc redevable au Ministre du montant des rajustements apportés à sa taxe nette déclarée pour les 16 périodes visées, plus les intérêts et les pénalités.

 

[6]              La première question à trancher à l’égard de cet appel est de savoir si l’appelante a droit à un CTI de 20 835,35 $ dans le calcul de sa taxe nette pour les 16 périodes visées. À titre de questions sous‑jacentes, la Cour devra déterminer :

 

i)                   si l’appelante a véritablement acquis des 13 fournisseurs douteux les fournitures pour lesquelles elle a demandé un CTI de 20 835,35 $ dans le calcul de sa taxe nette;

 

ii)                 si les factures prétendument établies par les fournisseurs de l’appelante répondent aux exigences prescrites par la LTA et le Règlement sur les renseignements nécessaires à une demande de crédit de taxe sur les intrants (le « Règlement »).

 

La seconde question à trancher à l’égard de cet appel est de savoir si le ministre était fondé à imposer la pénalité prévue à l’article 285 de la Loi.

 

Dossier 2008‑3955(IT)G

 

[7]              L’appelante appelle aussi des nouvelles cotisations établies par le ministre en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») à l’égard de ses années d’imposition 2001, 2003, 2004, 2005 et 2006.

 

[8]              En fixant l’impôt payable par l’appelante, le ministre a tenu pour acquis les faits suivants énumérés au paragraphe 13 de la Réponse à l’avis d’appel :

 

i)                    l’année financière de l’appelante se termine le 31 mars de chaque année;

 

ii)                   pour les années en litige, le ministre a apporté les changements suivants au revenu de l’appelante :

 

 

2001

2003

2004

2005

2006

Revenu net (perte

nette pour fin d’impôt

antérieure)

6 384 $

(6 021 $)

18 724 $

1 776 $

(6 381 $)

Ajouter

 

 

 

 

 

Dépenses de sous-

traitance refusées

__ $

24 868 $

21 028 $

55 866 $

49 542 $

Dépenses de loyer

refusées

__ $

__ $

2 484 $

2 484 $

__ $

Achats de matériaux

refusés

__ $

__ $

691 $

6 638 $

__ $

Revenu net pour fin

d’impôt révisé

6 384 $

18 847 $

42 927 $

66 764 $

43 161 $

Soustraire

 

 

 

 

 

Pertes autres qu’en

capital réclamées

(6 021 $)

__ $

(6 381 $)

__ $

__ $

Pertes autres qu’en

capital annulées

6 021 $

__ $

6 381 $

__ $

__ $

Revenu imposable

révisé

6 384 $

18 847 $

42 927 $

66 764 $

43 161 $

 

iii)                 l’appelante oeuvre dans le domaine de la construction;

 

iv)                 l’actionnaire unique de l’appelante est M. Claude Séguin;

 

Dépenses de sous-traitance refusées

 

v)                  en 2003, 2004, 2005 et 2006, l’appelante a déduit de son revenu d’entreprise des dépenses qu’elle dit avoir encourues pour des services de divers sous-traitants :

 

2003 :

24 868 $

2004 :

21 028 $

2005 :

55 866 $

2006 :

49 542 $

 

vi)                 Ces sous‑traitants sont en fait des sociétés d’accommodation dont l’unique but était de fournir des factures à leurs clients pour leur permettre de déduire des dépenses d’entreprise non réellement encourues par ces derniers.

 

vii)               Les prétendus sous‑traitants n’ont rendu aucun service à l’appelante.

 

viii)              Les prétendus sous-traitants sont introuvables.

 

ix)                 Les prétendus sous‑traitants n’ont pas le personnel et les équipements pour effectuer les fournitures de biens et de services qui apparaissent aux factures soumises par l’appelante.

 

x)                  Les chèques tirés par l’appelante pour acquitter les factures des prétendus sous‑traitants ont été présentés à une entreprise d’encaissement de chèques par les sous‑traitants afin d’y être encaissés.

 

xi)                 L’actionnaire de l’appelante s’est approprié cet argent.

 

xii)               Les factures soumises ne contiennent pas une description suffisante et détaillée afin d’identifier adéquatement chacun des supposés services ou fournitures fournis.

 

xiii)              Certaines des pièces justificatives fournies au soutien des dépenses demandées pour un sous‑traitant donné ont une suite numérique incohérente.

 

xiv)             Quoique les sous‑traitants apparaissent comme étant des personnes distinctes, les factures de certaines d’entre eux sont presque identiques en tous points, à l’exception de la désignation du sous-traitant et des numéros d’inscription de la TPS et de la taxe de vente du Québec.

 

Dépenses de loyer refusées

 

xv)               L’appelante a versé en 2004 et 2005 un loyer à son actionnaire Claude Séguin pour l’utilisation d’un bureau dans sa résidence personnelle.

 

xvi)             L’appelante a versé 4 800 $ à M. Séguin pour chacune de ces années.

 

xvii)            Le loyer versé aurait dû être de 2 316 $ par année, puisque l’appelante n’utilisait que 20 % de la résidence de M. Séguin à des fins d’affaires.

 

Achats de matériaux refusés

 

xviii)          Les sommes de 691 $ en 2004 et de 6 638 $ en 2005 ne sont pas appuyées de pièces justificatives ou sont des frais personnels et de subsistance de l’actionnaire de l’appelante.

 

[9]              Pour imposer la pénalité prévue au paragraphe 163(2) de la Loi, le ministre s’est appuyé sur les faits suivants énumérés au paragraphe 16 de la Réponse à l’avis d’appel :

 

i)                    Les faits mentionnés au paragraphe 13 précédent.

 

ii)                   L’appelante savait qu’elle faisait affaires avec des sociétés d’accommodation dans le but d’obtenir de fausses factures pour déduire de son revenu des sommes qu’elle n’a jamais encourues dans le but de gagner du revenu.

 

[10]         Je souligne que les seules dépenses refusées par le ministre qui font l’objet d’une contestation par l’appelante sont celles relatives aux sous‑traitants suivants :

 

i)        Rastel

ii)       D.D.

iii)               Gypse

iv)               Rovac

 

[11]         Les seules questions en litige à l’égard de cet appel sont les suivantes :

 

i)                   l’appelante a‑t‑elle eu des dépenses déductibles pour les fournitures fournies par Rastel, D.D., Gypse et Novac de 24 868 $ en 2003, de 21 028 $ en 2004, de 55 866 $ en 2005 et de 49 542 $ en 2006?

 

ii)                 L’imposition de la pénalité en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi est‑elle justifiée?

 

Dossier 2008-3954(IT)G

 

[12]         L’appelant appelle des nouvelles cotisations établies à son égard par le ministre en vertu de la Loi pour ses années d’imposition 2002, 2003, 2004, 2005 et 2006.

 

[13]         Pour fixer l’impôt payable par l’appelant pour les années en cause, le ministre a tenu pour acquis les faits suivants énumérés au paragraphe 9 de la Réponse à l’avis d’appel :

 

i)                    L’appelant est l’actionnaire unique de la société les Pro-Poseurs Inc. (la Société);

 

ii)                   pour les années en litige, le ministre a apporté les changements suivants au revenu de l’appelant :

 

 

2002

2003

2004

2005

2006

Revenu total antérieur

34 996 $

35 224 $

40 367 $

43 705 $

46 247 $

Ajouter

 

 

 

 

 

Avantages de la

Société

-

-

-

-

-

(i) Sous-traitance

24 705 $

14 662 $

63 886 $

8 196 $

11 656 $

(ii) Matériaux et

      restaurant

-

-

5 661 $

932 $

-

(iii) Loyer

-

-

2 484 $

2 484 $

 

(iv) Avantage

      automobile

-

-

3 400 $

3 539 $

 

 

Sous-traitance

 

iii)                 La société oeuvre dans le domaine de la construction.

 

iv)                 En 2003, 2004, 2005 et 2006, la Société a déduit des dépenses qu’elle dit avoir encourues pour les services de sous‑traitants.

 

v)                  La Société a plutôt fait affaires avec des sociétés d’accommodation dont l’unique but était de fournir des factures à leurs clients pour leur permettre de déduire des dépenses d’entreprise non réellement encourues par ces derniers et de permettre aux actionnaires ou dirigeants de ces entreprises clientes d’empocher l’argent équivalant aux montants des fausses factures.

 

vi)                 Les prétendus sous‑traitants n’ont rendu aucun service à la Société.

 

vii)               Les prétendus sous‑traitants sont introuvables.

 

viii)              Les prétendus sous‑traitants n’ont pas le personnel ni les équipements pour fournir les fournitures ou les services décrits aux factures soumises par la Société.

 

ix)                 Les factures soumises ne contiennent pas une description suffisante et détaillée pour identifier adéquatement chacun des supposés services ou fournitures fournis.

 

x)                  Certaines des pièces justificatives fournies au soutien des dépenses demandées pour un sous‑traitant donné ont une suite numérique incohérente.

 

xi)                 Quoique les sous‑traitants apparaissent comme étant des personnes distinctes, la facture de certains d’entre eux est presque identique en tous points, à l’exception de la désignation du sous‑traitant et des numéros d’inscription de la TPS et la taxe de vente du Québec.

 

xii)               Les chèques tirés par l’appelant pour payer les services des prétendus sous‑traitants ont été présentés à une entreprise d’encaissement de chèques par les sous‑traitants afin d’y être encaissés.

 

xiii)              L’appelant s’est approprié les sommes reçues suite à l’encaissement de ces chèques.

 

Achats de matériaux et frais de restaurant

 

xiv)             La Société avait déduit comme dépenses d’entreprise des sommes pour des achats de matériaux et des frais de restaurant.

 

xv)               Elle avait aussi déduit des sommes pour des achats, selon le grand livre, chez Costco.

 

xvi)             Aucune des dépenses chez Costco n’est appuyée de pièces justificatives.

 

xvii)            Les autres dépenses réclamées pour des achats de matériaux et de restaurant sont de nature personnelle de l’appelant.

 

Loyer

 

xviii)          La Société a versé en 2004 et 2005 un loyer à l’appelant pour l’utilisation d’un bureau dans sa résidence.

 

xix)             L’appelant a reçu 4 800 $ de la Société pour chacune de ces années.

 

xx)               Le loyer versé aurait dû être de 2 316 $ par année, puisque la Société n’utilisait que 20 % de la résidence de l’appelant à des fins d’affaires.

 

xxi)             La Société a conféré un avantage de 2 484 $ à l’appelant en 2004 et en 2005.

 

Avantage automobile

 

xxii)            En 2004 et 2005, la Société a fait bénéficier l’appelant d’une automobile de marque Mazda Tribute.

 

xxiii)          Ce véhicule est aussi utilisé pour les besoins de la société.

 

xxiv)          Lors de la vérification, l’appelant a proposé aux vérificateurs de considérer que 1000 Km par mois était la distance qu’il parcourait avec la Mazda Tribute. Les vérificateurs ont accepté.

 

xxv)           L’avantage automobile ainsi conféré à l’appelant est de 3 400 $ en 2004 et de 3 539 $ en 2005.

 

Je souligne que seuls les avantages liés aux dépenses de sous‑traitance sont contestés par l’appelant.

 

[14]         Pour établir les nouvelles cotisations pour les années 2002 et 2003 après la période normale de nouvelle cotisation et pour imposer la pénalité en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi, le ministre s’est appuyé sur les faits suivants énumérés au paragraphe 10 de la Réponse à l’avis d’appel :

 

i)                    Les faits mentionnés au paragraphe 9 précédent.

 

ii)                   Seules les sommes représentant l’avantage conféré à l’appelant relativement aux fausses factures de sous-traitance ont été soumises à la pénalité prévue au par. 163(2) de la LIR.

 

iii)                 De 2002 à 2006, l’appelant n’a pas déclaré les sommes respectives de 24 705 $, 14 662 $, 63 886 $, 8 196 $ et de 11 656 $ qu’il s’est appropriées dans le cadre de la participation de sa Société dans un stratagème visant l’émission, par des sociétés d’accommodation, de fausses factures de sous-traitance pour permettre à la Société de déduire des sommes de son revenu d’entreprise et pour permettre à l’appelant d’empocher les sommes supposément versées aux sous-traitants.

 

iv)                 L’appelant est impliqué activement dans les activités de la Société.

 

v)                  Il savait que la Société n’avait pas reçu les services décrits sur les factures d’accommodation.

 

vi)                 C’est sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde que l’appelant a empoché les sommes mentionnées au par. c) précédent et qu’il ne les a pas ajoutées dans son revenu.

 

[15]         Les seules questions en litige sont les suivantes :

 

i)                   L’appelant a‑t‑il reçu des avantages imposables de la société de 2002 à 2006?

 

ii)                 L’établissement des avis de nouvelle cotisation pour les années 2002 et 2003 en vertu du paragraphe 152(4) de la Loi est‑il justifié?

 

iii)               L’imposition de la pénalité en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi aux sommes que l’appelant se serait appropriées (correspondant au total des factures de sous-traitance) est-elle justifiée?

 

[16]         L’appelant, monsieur Francis Gaudreault, monsieur George Stouraitis, monsieur Jean Vendette, monsieur Daniel Pauzé, monsieur Hermel Lanteigne (le beau‑frère de l’appelant), monsieur Daniel Preston (un employé de l’appelante), monsieur Tony Surprenant (un employé de l’appelante) et madame Priscilla Séguin (la fille de l’appelant) ont témoigné à l’appui de la position des appelants. Monsieur Daniel Fugère (un chef de service en vérification à Revenu Québec) et monsieur Steve Parent (un vérificateur de l’impôt à l’Agence du revenu du Canada) ont témoigné à l’appui de la position de l’intimée.

 

Témoignage de l’appelant

 

[17]         Le témoignage de l’appelant (l’actionnaire majoritaire et le principal dirigeant de l’appelante pendant les périodes en cause) pourrait se résumer ainsi :

 

i)                   Depuis 1988, l’appelante est un entrepreneur de construction spécialisé en système intérieur (installation de cloisons en métal, pose de plaques de plâtre, remplissage de joints et installation de carreaux insonorisants au plafond). Depuis 1988, le principal client de l’appelante est Industrie Vendette ltée, un entrepreneur général de construction spécialisé en rénovation et aménagement de locaux pour bureaux (dans des édifices commerciaux) et d’hôtels situés principalement à Montréal.

 

ii)                 L’appelant est âgé de 52 ans. Il est marié depuis 1981 et a deux enfants. Il est peu instruit (secondaire III). Le salaire qu’il reçoit de l’appelante constitue sa seule source de revenu. Les tâches de l’appelant pour l’entreprise de l’appelante pendant les périodes en cause consistaient notamment à superviser le travail des employés de l’appelante et des employés des fournisseurs de cette dernière, à négocier les modalités des contrats accordés par Industrie Vendette ltée ou par d’autres donneurs d’ouvrage et à négocier les modalités des contrats accordés aux fournisseurs de l’appelante. L’appelant a expliqué qu’il effectuait très peu de tâches administratives pour l’entreprise de l’appelante, en raison de son peu de compétence et de connaissances dans ce domaine. Il a ajouté à cet égard que l’appelante avait embauché un comptable externe pour tenir ses documents comptables, pour préparer ses rapports légaux, pour préparer et produire ses déclarations de revenus et de TPS et finalement pour dresser ses états financiers. L’appelant a aussi expliqué qu’il avait demandé à la banque de l’appelante d’acheminer directement au comptable externe les originaux des chèques encaissés par les fournisseurs de l’appelante pour qu’il fasse le rapprochement du compte bancaire de l’appelante.

 

iii)               Pendant les périodes en question, l’appelante avait en moyenne trois employés (dont l’appelant) qui travaillaient régulièrement pour son entreprise. Quand l’appelante avait trop de contrats à réaliser, elle accordait des contrats à des fournisseurs. Les fournisseurs étaient généralement recrutés de la façon suivante : l’appelant communiquait (par téléphone) avec le propriétaire de la Quincaillerie Ste‑Hélène (quincaillerie où de nombreux entrepreneurs ou travailleurs spécialisés en système intérieur se seraient approvisionnés pendant les périodes en cause) ou avec certains employés de celle‑ci (Marie, Jacques et André) et leur faisait savoir que l’appelante avait besoin de main‑d’oeuvre. Je note que l’appelant n’a pas dévoilé cette façon de faire aux deux vérificateurs de l’Agence qui lui avaient demandé, lors d’une rencontre le 26 septembre 2006, comment il entrait en communication avec les fournisseurs (voir la pièce I‑3, page 9). Je souligne aussi qu’il aurait été fort intéressant d’entendre le témoignage à cet égard du propriétaire de la Quincaillerie Ste‑Hélène ou de l’un de ses employés. Les appelants étaient en mesure de faire témoigner ces témoins. Ils ne l’ont pas fait. J’en infère que cette preuve leur aurait été défavorable.

 

iv)               Les contrats conclus avec les fournisseurs étaient verbaux. Pendant les périodes en cause, l’appelante avait surtout confié des contrats de pose de plaques de plâtre et de remplissage de joints. La rémunération habituellement convenue avec les fournisseurs était la suivante : environ 240 $ par mille pieds carrés de plaques de plâtre posées, environ 300 $ par mille pieds carrés de plaques de plâtre ayant fait l’objet de remplissage de joints, et environ 40 $ l’heure pour les réparations. L’entente de paiement était généralement : « Aussitôt le travail terminé et la facture remise, aussitôt payé ». Je note que l’appelant a déclaré (voir la pièce I‑3) aux deux vérificateurs de l’Agence rencontrés le 26 septembre 2006 que l’appelante payait habituellement ses fournisseurs deux semaines après avoir reçu la facture. Je note que les chèques tirés sur le compte bancaire de l’appelante payable aux fournisseurs étaient acheminés aux fournisseurs de façon différente selon qu’il s’agissait de l’un des 13 fournisseurs douteux ou non. Dans le premier cas, le chèque était remis à l’employé du fournisseur douteux qui travaillait avec les employés de l’appelante au chantier donné; dans l’autre cas, le chèque était acheminé par la poste.

 

v)                 L’appelant ignore le nom des administrateurs, des dirigeants, des contremaîtres et des actionnaires des fournisseurs douteux puisqu’il avait communiqué uniquement avec leurs employés. Le « modus operandi » de l’appelant à l’égard de la conclusion de contrats avec les fournisseurs douteux était le suivant : les employés des fournisseurs douteux (envoyés à l’appelante par la Quincaillerie Ste‑Hélène) téléphonaient à l’appelant pour lui faire savoir qu’ils étaient disponibles pour faire du travail pour l’appelante. Les employés se rendaient alors, à la demande de l’appelant, au chantier désigné par celui‑ci. L’appelant expliquait alors à ces employés la nature du travail à effectuer, le mode de rémunération et les modalités de paiement. Après avoir vérifié si les employés avaient leurs cartes de qualification et si les fournisseurs pour lesquels ils travaillaient avaient leurs permis, l’appelant accordait verbalement les contrats aux fournisseurs douteux pour lesquels ils travaillaient. En définitive, les employés des fournisseurs douteux avaient négocié et conclu pour leurs employeurs et en leur nom tous les contrats que l’appelante avaient accordés aux fournisseurs douteux pendant les périodes en question. À cet égard, l’appelant a expliqué que :

 

1)                 Monsieur Hermel Lanteigne (le beau-frère de l’appelant) avait négocié et conclu pour Alfa, Gypse, Rastel, Rovac et J.C.M.J. et en leur nom tous les contrats que l’appelante leur avait accordés. Monsieur Lanteigne avait aussi réalisé (parfois avec l’aide d’un individu dont le prénom serait Ben) tous les contrats accordés par l’appelante à ces cinq fournisseurs douteux. Il convient de souligner que lors de la rencontre du 26 septembre 2006 avec les deux vérificateurs de l’Agence, l’appelant n’avait pas été en mesure d’identifier ou même de décrire la ou les personnes qui auraient réalisé le travail pour trois de ces cinq sous‑traitants douteux (voir la pièce I‑3). Pour expliquer ces trous de mémoire, l’appelant a expliqué qu’il avait été à ce point intimidé par les deux vérificateurs de l’Agence qu’il en avait perdu tous ses moyens. La version des faits de l’appelant à cet égard (bien que corroborée par sa fille Priscilla) ne m’a pas convaincu. En effet, être intimidé au point de ne plus se souvenir que son beau‑frère est la personne qui avait effectué l’essentiel du travail pour ces trois fournisseurs douteux m’apparaît tout simplement invraisemblable et peu crédible dans les circonstances. Je souligne que les trous de mémoire de l’appelant à cet égard n’ont qu’ajouté à mes doutes quant à sa crédibilité.

 

2)                 Monsieur Alain Gagnon avait négocié et conclu pour Lubac, M.J.P., G.S.B., Méga Maxx et Dinar et en leur nom tous les contrats que l’appelante leur avait accordés. Monsieur Gagnon avait aussi réalisé tous les contrats accordés par l’appelante à ces cinq fournisseurs douteux. Il aurait été fort intéressant d’entendre le témoignage de monsieur Gagnon. Les appelants étaient en mesure de faire témoigner ce témoin. Ils ne l’ont pas fait. J’en infère que cette preuve leur aurait été défavorable.

 

3)                 Monsieur Bob Ryan avait négocié pour Joints Universels et Kelowna et en leur nom tous les contrats que l’appelante leur avait accordés (d’une valeur d’environ 134 000 $). Monsieur Ryan avait réalisé tous les contrats accordés par l’appelante à ces deux fournisseurs douteux. Il aurait aussi été fort intéressant d’entendre le témoignage de monsieur Ryan, un personnage clé dans ces litiges. Les appelants étaient en mesure de faire témoigner ce témoin. Ils ne l’ont pas fait. J’en infère que cette preuve leur aurait été défavorable.

 

4)                 L’appelant ne se souvenait pas du nom de la personne qui avait négocié et conclu pour D.D. et en son nom les contrats que l’appelante lui avait accordés, pas plus qu’il ne se souvenait du nom de la ou des personnes qui auraient réalisé le travail en vertu des contrats accordés.

 

vi)               Dans 20 % des cas, l’appelant avait complété lui‑même les factures des fournisseurs douteux lorsque les employés de ceux‑ci étaient analphabètes. Il convient de préciser que l’appelant n’a pas identifié les factures qu’il aurait complétées. L’appelant n’a pas non plus identifié ces employés analphabètes.

 

Enfin, je note que le témoignage de l’appelant, lorsqu’on lui a demandé de commenter certaines factures à l’égard du lieu précis où le travail avait été effectué, à l’égard de la nature exacte du travail effectué (pose de plaques de plâtre ou remplissage de joints), du nombre de pieds carrés de plaques de plâtre posées ou ayant fait l’objet de remplissage de joints, et finalement à l’égard du mode de rémunération, a été généralement vague et imprécis, et souvent absent.

 

Témoignage de monsieur Francis Gaudreault

 

[18]         Le témoignage de monsieur Francis Gaudreault (un électricien) pourrait se résumer ainsi :

 

i)                   Monsieur Gaudreault est un employé de la société Au Courant Électrique depuis environ 24 ans;

 

ii)                 Pendant les années en cause, il a souvent travaillé aux mêmes chantiers que l’appelant, puisque Industrie Vendette ltée utilisait presque toujours les mêmes fournisseurs pour réaliser les contrats qui lui avaient été accordés;

 

iii)               Il avait vu, à plusieurs reprises et à plusieurs chantiers, messieurs Ryan, Lanteigne et Gagnon travailler avec les employés de l’appelante. Je souligne toutefois que le témoignage de monsieur Gaudreault à l’égard du « situs » des chantiers où il aurait vu ces personnes et à l’égard de la fréquence et du moment où il aurait vu ces personnes a été généralement laborieux, vague et imprécis. Je souligne que monsieur Gaudreau a été incapable de préciser le statut (employé ou travailleur autonome) de ces trois personnes lorsqu’elles travaillaient avec l’appelant et le nom des entreprises pour lesquelles elles auraient travaillé.

 

Témoignage de monsieur George Stouraitis

 

[19]         Le témoignage de monsieur Stouraitis pourrait se résumer ainsi :

 

i)                   Monsieur Stouraitis est un peintre en bâtiment et un travailleur autonome;

 

ii)                 Industrie Vendette ltée l’utilise à presque tous ses chantiers depuis 1993;

 

iii)               Il connaît très bien l’appelant parce qu’ils ont travaillé fréquemment aux mêmes chantiers;

 

iv)               Il avait vu à plusieurs reprises et à plusieurs chantiers messieurs Lanteigne, Ryan et Gagnon travailler avec les employés de l’appelante. Je souligne toutefois que le témoignage de monsieur Stouraitis à l’égard des « situs » des chantiers où il aurait vu ces trois personnes et à l’égard de la fréquence et du moment où il les aurait vues a été généralement laborieux, vague et imprécis. Je souligne aussi que monsieur Stouraitis a été incapable de préciser le statut (employé ou travailleur autonome) de ces trois personnes et le nom des entreprises pour lesquelles elles auraient travaillé.

 

Témoignage de monsieur Jean Vendette

 

[20]         Le témoignage de monsieur Vendette, le principal actionnaire et dirigeant d’Industrie Vendette ltée, pourrait se résumer ainsi :

 

i)                   Industrie Vendette ltée travaille depuis 30 ans en tant qu’entrepreneur général dans l’industrie de la construction et son chiffre d’affaires annuel varie de 3 à 5 millions de dollars;

 

ii)                 Industrie Vendette ltée utilise à peu près toujours les mêmes fournisseurs pour réaliser les contrats qui lui sont accordés;

 

iii)               Il connaît très bien l’appelant pour avoir accordé à l’appelante de nombreux contrats de sous‑traitance au cours des vingt dernières années;

 

iv)               Les contrats conclus avec l’appelante et les fournisseurs qu’il utilise fréquemment sont toujours verbaux;

 

v)                 Il ne vérifie jamais le statut de ses fournisseurs habituels auprès de la RBQ, de la CCQ et de la CSST. Il fait ces vérifications uniquement pour les fournisseurs avec qui il ne fait pas affaires régulièrement;

 

vi)               Il se rend aux chantiers d’Industrie Vendette ltée une fois par semaine;

 

vii)             Il connaît bien monsieur Lanteigne pour l’avoir vu (à au moins une centaine de reprises) poser des plaques de plâtre avec les employés de l’appelante aux chantiers d’Industrie Vendette ltée. Il se souvient que monsieur Lanteigne lui avait affirmé lors d’une pause qu’il était un travailleur autonome. Monsieur Vendette a ajouté qu’il n’a jamais fait d’enquête pour vérifier si les affirmations de monsieur Lanteigne à l’égard de son statut étaient véridiques. Finalement, il a témoigné qu’aux périodes en cause, il savait que monsieur Lanteigne était le beau‑frère de l’appelant;

 

viii)           Il se souvient avoir vu une personne dont le prénom est Alain à un chantier d’Industrie Vendette ltée. Il se souvient de cette personne parce qu’il lui aurait fait la remarque que son travail (« tireur de joints ») était mal fait. Je souligne que la description physique que monsieur Vendette a faite de cette personne correspond à la description physique que les autres témoins ont donnée de monsieur Alain Gagnon;

 

ix)               Il se souvient avoir vu Bob Ryan travailler aux chantiers d’Industrie Vendette ltée (à titre de poseur de plaques de plâtre) en compagnie des employés de l’appelante. Je souligne que monsieur Vendette a été incapable de préciser le statut de monsieur Ryan lorsqu’il travaillait avec les employés de l’appelante aux chantiers d’Industrie Vendette ltée et le nom de l’entreprise pour qui il aurait travaillé.

 

Je souligne que le témoignage de monsieur Vendette à l’égard du « situs » des chantiers où il aurait vu travailler ces trois personnes en compagnie de l’appelant et des employés de l’appelante et à l’égard du moment et de la fréquence à laquelle il les aurait vus a été généralement vague et imprécis.

 

Témoignage de monsieur Daniel Pauzé

 

[21]         Le témoignage de monsieur Pauzé pourrait se résumer ainsi :

 

i)                   Il travaille pour Industrie Vendette ltée depuis 1994 à titre de gérant de projet;

 

ii)                 Il connaît l’appelant depuis 1993;

 

iii)               Il se rend tous les jours aux chantiers de son employeur;

 

iv)               Il a vu à plusieurs reprises monsieur Lanteigne poser des plaques de plâtre en compagnie des employés de l’appelante aux chantiers de son employeur. Il sait que monsieur Lanteigne est le beau‑frère de l’appelant;

 

v)                 Il est incapable de préciser le statut de monsieur Lanteigne lorsqu’il travaillait avec les employés de l’appelante aux chantiers de son employeur et le nom de l’entreprise pour qui il aurait travaillé;

 

vi)               Il ne connaît pas Bob Ryan. Je rappelle le témoignage de l’appelant selon lequel monsieur Ryan avait travaillé très souvent pour l’appelante à titre d’employé de plusieurs fournisseurs douteux auxquels cette dernière avait accordé des contrats pendant les périodes en cause.

 

Témoignage de monsieur Hermel Lanteigne

 

[22]         Le témoignage de monsieur Lanteigne pourrait se résumer ainsi :

 

i)                   Il a 60 ans. Il est presque analphabète;

 

ii)                 Il pose des plaques de plâtre depuis environ 30 ans;

 

iii)               Il a dû passer un examen oral pour obtenir sa carte de qualification compte tenu de son analphabétisme. Il détient sa carte de qualification depuis environ 30 ans;

 

iv)               Pendant les périodes en cause, il avait travaillé pour les fournisseurs douteux suivants : Alfa, Gypse, Rastel, Rovac et J.C.M.J. Son interlocuteur auprès de ces cinq fournisseurs avait presque toujours été un individu dont le prénom serait Michel;

 

v)                 Il avait travaillé fréquemment (à titre d’employé) pour ces cinq fournisseurs douteux pendant les périodes en question. Il avait été rémunéré conformément aux décrets applicables. Il recevait environ 600 $ (net) par semaine pour ses 40 heures de travail. Tout salaire reçu de ces cinq fournisseurs douteux pendant les périodes en question avait été déclaré comme revenu d’emploi. Je souligne que le témoignage de monsieur Lanteigne à cet égard a été carrément contredit par le témoignage de monsieur Steve Parent, un vérificateur de l’Agence qui a procédé à la vérification des appelants. Monsieur Parent a témoigné que ses vérifications lui permettaient d’affirmer que pendant les années 2002, 2003 et 2004, aucun des fournisseurs douteux pour lesquels monsieur Lanteigne aurait travaillé n’avait émis de feuillet T‑4 et que monsieur Lanteigne n’avait déclaré aucun revenu d’emploi provenant de ces cinq fournisseurs douteux pendant ces années d’imposition. Il en résulte qu’il serait dangereux d’accorder de la crédibilité au témoignage de monsieur Lanteigne sans preuve concordante et probante sous forme de documentation ou de témoignages de témoins crédibles;

 

vi)               L’appelant communiquait directement avec lui lorsque l’appelante avait besoin d’un poseur de plaques de plâtre. Après avoir convenu verbalement (pour son employeur et en son nom) avec l’appelant des conditions du contrat de pose de plaques de plâtre que l’appelante voulait accorder à son employeur à cette époque donnée, il se rendait au chantier. Lorsqu’il avait réalisé le contrat accordé à son employeur, il appelait Michel et lui donnait les renseignements nécessaires pour que le fournisseur douteux facture les travaux qu’il avait réalisés pour l’appelante. Michel lui remettait en mains propres la facture, facture qu’il remettait en mains propres à l’appelant. L’appelante tirait immédiatement un chèque sur son compte bancaire en paiement de ces travaux, chèque que l’appelant remettait à monsieur Lanteigne qui, à son tour, le remettait à Michel en mains propres. Il a expliqué que c’est lors de la remise du chèque à Michel que ce dernier tirait un chèque sur le compte du fournisseur douteux concerné en paiement de ses heures de travail liées à la pose de plaques de plâtre au chantier en question;

 

vii)             Il n’avait appris qu’en 2007 que ces cinq fournisseurs douteux avaient l’obligation de déclarer à la CCQ ses heures de travail et qu’ils avaient aussi l’obligation de verser à la CCQ, à son bénéfice, les contributions requises des employeurs en vertu des décrets applicables à l’égard des indemnités de vacances et du fonds de pension de leurs employés. Monsieur Lanteigne a expliqué qu’il avait cessé immédiatement de travailler pour ces fournisseurs douteux (dont Michel était l’interlocuteur) dès qu’il avait pris connaissance de ses droits à cet égard. C’est donc dire que monsieur Lanteigne n’avait pas reçu pendant les périodes en cause de la CCQ les indemnités de vacances auxquelles il avait droit. L’ignorance de monsieur Lanteigne à l’égard de ses droits m’apparaît tout simplement invraisemblable, étant donné qu’il travaille activement depuis au moins 30 ans dans l’industrie de la construction.

 

Enfin, je souligne que le témoignage de monsieur Lanteigne à l’égard du « situs » des chantiers où il aurait travaillé avec l’appelant et les employés de l’appelante et à l’égard de la fréquence à laquelle il aurait effectué ses heures de travail et du moment où il l’aurait fait en vertu des contrats accordés par l’appelante à ses employeurs était tout simplement vague, imprécis et très souvent incompréhensible.

 

Témoignage de monsieur Daniel Preston

 

[23]         Le témoignage de monsieur Preston pourrait se résumer comme suit :

 

i)                   Monsieur Preston est un employé de l’appelante depuis 1993;

 

ii)                 Monsieur Preston connaît monsieur Bob Ryan parce qu’ils avaient travaillé ensemble pendant les périodes en cause pour réaliser certains contrats accordés par Industrie Vendette ltée à l’appelante. Monsieur Preston a précisé que monsieur Ryan était un « tireur de joints »;

 

iii)               Monsieur Preston a précisé que monsieur Ryan travaillait pour la société Joints Universels parce qu’il avait vu le logo de cette dernière sur le camion alors utilisé par monsieur Ryan;

 

iv)               Monsieur Preston connaît monsieur Hermel Lanteigne parce qu’ils avaient travaillé ensemble pour réaliser certains contrats accordés par Industrie Vendette ltée à l’appelante. Monsieur Preston a aussi déclaré avoir vu un individu, dont le prénom serait Ben, travailler avec monsieur Lanteigne pour réaliser certains contrats accordés par Industrie Vendette ltée à l’appelante. Monsieur Preston a précisé qu’il ne connaissait pas le statut de ces deux personnes en ce qu’il ignorait s’ils étaient des employés ou des travailleurs autonomes. Il ignorait aussi pour quelles entreprises ces deux individus travaillaient;

 

v)                 Il connaît monsieur Alain Gagnon parce qu’ils avaient travaillé ensemble pendant les périodes en cause pour réaliser certains contrats accordés par Industrie Vendette ltée à l’appelante. Monsieur Preston ne sait pas pour quelle entreprise travaillait monsieur Gagnon ni son statut au sein de l’entreprise où il travaillait.

 

Je souligne que le témoignage de monsieur Preston à l’égard du « situs » des chantiers où il aurait vu ces quatre personnes et à l’égard de la fréquence et des périodes où il les aurait vues était pour le moins vague et imprécis.

 

Témoignage de Tony Surprenant

 

[24]         Le témoignage de monsieur Surprenant, un employé de l’appelante depuis 2004, ressemblait étrangement au témoignage de monsieur Daniel Preston.

 

Témoignage de madame Priscilla Séguin

 

[25]         Le témoignage de madame Séguin pourrait se résumer ainsi :

 

i)                   Elle est la fille de l’appelant et possède un diplôme universitaire en administration;

 

ii)                 Elle a écouté l’essentiel des discussions entre son père et les deux vérificateurs de l’Agence lors de la rencontre du 26 septembre 2006 tenue à la résidence de son père. Elle était dans la pièce adjacente à la cuisine où se tenait la réunion. Essentiellement, les deux vérificateurs auraient laissé sous‑entendre à son père qu’il avait commis une fraude. Ayant l’impression que son père ne comprenait pas ce qui se passait, elle était entrée dans la cuisine pour dire à son père : « Papa, ils t’accusent de fraude. » Après cette intervention, elle a quitté la résidence de son père. En définitive, elle a expliqué que son père aurait été intimidé par les deux vérificateurs à un tel point qu’il en avait perdu tous ses moyens.

 

Témoignage de monsieur Parent

 

[26]         Dans son témoignage, monsieur Parent a essentiellement confirmé les principaux éléments des rapports de vérification de monsieur Raymond Roy (pièce I‑1, onglet 14), auxquels il avait participé, c’est‑à‑dire :

 

i)                   les fournisseurs douteux (en l’espèce D.D., Rovac, Rastel et Gypse) étaient pendant les périodes en question en défaut à l’égard de toutes les lois fiscales;

 

ii)                 ces prétendus fournisseurs douteux n’avaient pas les employés nécessaires pour effectuer les fournitures énumérées aux factures déposées en preuve par les appelants;

 

iii)               les chèques tirés par l’appelante pour acquitter les factures de ces fournisseurs douteux avaient été présentés à un bureau de change par ces derniers afin d’y être encaissés;

 

iv)               les factures déposées en preuve par les appelants ne contiennent pas une description suffisante et détaillée afin d’identifier adéquatement chacun des supposés services ou fournitures fournis;

 

v)                 certaines des factures déposées en preuve par les appelants ont une suite numérique incohérente;

 

vi)               quoique les fournisseurs se présentent comme étant des personnes distinctes, les factures de certains d’entre eux sont presque identiques en tous points, à l’exception de la désignation du sous‑traitant et des numéros d’inscription pour la TPS et pour la taxe de vente du Québec (« TVQ »).

 

[27]         Monsieur Parent a aussi fait état, lors de son témoignage, des principales réponses données par l’appelant aux questions qui lui avaient été posées par monsieur Raymond Roy et lui‑même lors de la rencontre du 26 septembre 2006 (voir la pièce I‑3).

 

Témoignage de monsieur Fugère

 

[28]         Dans son témoignage, monsieur Fugère a essentiellement confirmé les éléments suivants du rapport de vérification préparé par monsieur Mark‑Louis Roy (pièce I‑2, onglet 5a), rapport auquel il avait participé :

 

i)                   les treize fournisseurs douteux étaient tous, pendant les périodes en cause, en défaut à l’égard de toutes les lois fiscales;

 

ii)                 les fournisseurs douteux n’avaient pas les employés nécessaires pour effectuer les fournitures énumérées aux factures déposées en preuve par les appelants;

 

iii)               les fournitures énumérées aux factures déposées en preuve par les appelants ne sont pas décrites de façon suffisante et détaillée;

 

iv)               certaines des pièces justificatives fournies (à l’appui des CTI demandés) par un fournisseur donné ont une suite numérique incohérente;

 

v)                 presque tous les chèques tirés par l’appelante payables à l’ordre de ces fournisseurs douteux avaient été encaissés dans un bureau de change;

 

vi)               quoique les fournisseurs douteux soient des personnes distinctes, la facturation de certains d’entre eux est presque identique, en tous points, à l’exception de la désignation du fournisseur et des numéros d’inscription pour la TPS et la TVQ;

 

vii)             certains fournisseurs douteux ne possédaient pas de permis. Le numéro de permis de certains de ces fournisseurs était annulé au moment où les services avaient été rendus. Selon la RBQ, le numéro apparaissant sur les factures de certains fournisseurs douteux n’apparaît pas dans ses fichiers.

 

Position des appelants

 

[29]         Les appelants ont soutenu que c’est à tort que le ministre s’est fondé sur le profil des fournisseurs douteux pour alléguer que les factures étaient fictives; il leur était impossible de savoir notamment que ces fournisseurs étaient en défaut de leur obligations fiscales et qu’en pratique, ils ne déclaraient aucun salaire et n’avaient aucun employé. Les appelants ont prétendu qu’ils s’étaient assurés que les fournisseurs douteux possédaient un numéro d’inscription aux fins de la TPS et que c’était tout ce qu’ils pouvaient faire, car toute information concernant le respect des lois fiscales par le fournisseur de services est une information confidentielle qui ne peut être divulguée aux appelants. Les appelants ont aussi soutenu qu’ils avaient fait les vérifications appropriées pour vérifier si les fournisseurs douteux avaient leurs permis et si leurs employés avaient leurs cartes de qualification. Selon les appelants, c’est le comportement de ces entreprises qui contrevenait aux lois fiscales. Les appelants ont ajouté que ce n’est pas à eux de supporter le fardeau économique des défauts de verser à Sa Majesté toutes les sommes qui lui étaient dues aux termes de toutes les lois fiscales.

 

[30]         À l’égard des chèques (tirés sur le compte bancaire de l'appelante et payables à l’ordre des fournisseurs douteux) encaissés dans des bureaux de change moyennant une commission astronomique, les appelants ont soutenu que le ministre ne pouvait présumer de ce fait leur mauvaise foi étant donné qu’ils ignoraient cette pratique. En effet, les appelants ont soutenu que tous les chèques ainsi encaissés avaient été acheminés directement par la banque de l’appelante au comptable externe de cette dernière afin qu’il fasse les réconciliations bancaires et qu’ainsi il leur avait été en pratique impossible de constater que les chèques avaient été encaissés à des bureaux de change.

 

[31]         Enfin, les appelants ont soutenu que les factures, les chèques tirés par l'appelante en paiement de ces factures et le témoignage crédible de l’appelant, corroboré par les témoignages tout aussi crédibles de monsieur Gaudreault, de monsieur Stouraitis, de monsieur Vendette, de monsieur Pauzé, de monsieur Lanteigne, de monsieur Surprenant et de monsieur Preston, selon lesquels les services avaient été réellement rendus à l’appelante par les fournisseurs douteux, constituaient une preuve prima facie que ces factures n’étaient pas des factures fictives et que cette preuve prima facie était suffisante pour démolir les hypothèses sur lesquelles le ministre s’est appuyé pour établir les cotisations des appelants.

 

[32]         Les appelants ont aussi prétendu que c’est à tort que le ministre s’est appuyé sur le fait que les factures présentées ne contiennent pas une description suffisante et détaillée pour identifier chacune des prétendues fournitures pour alléguer que les factures étaient fictives, en ce que la plupart des intervenants dans l’industrie de la construction n’ont pas la plume facile et en ce que les pièces justificatives ne sont pas hors de la norme dans cette industrie. Les appelants ont ajouté à cet égard qu’il est de notoriété publique que lorsque les fournisseurs ne sont pas en défaut fiscal, des factures rédigées à peu près de la même façon ne font pas l’objet d’une remise en question par le ministre, ce qui laisse supposer que c’est beaucoup plus l’identité du fournisseur que la manière dont la facture a été rédigée qui sous‑tend l’action entreprise par le ministre.

 

[33]         À l’égard des factures dont la suite numérique est incohérente, les appelants ont soutenu qu’il y en avait très peu et que le ministre ne pouvait présumer leur mauvaise foi parce qu’ils n’avaient pas décelé ces quelques incohérences.

 

[34]         À l’égard des factures rédigées par l’appelant, les appelants ont soutenu que l’appelant avait eu le mandat des fournisseurs en question de les rédiger et qu’ainsi le ministre ne pouvait déclarer de ce fait que les factures en cause étaient fictives. Les appelants ont soutenu qu’une fois que les hypothèses étaient démolies, le fardeau de la preuve passait au ministre qui doit réfuter cette preuve prima facie faite par les appelants.

 

Analyse et conclusion

 

[35]         L’affaire Hickman Motors Ltd. c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 336, nous enseigne que le ministre se fonde sur des hypothèses pour établir une cotisation et que la charge initiale de démolir les hypothèses formulées par le ministre repose sur le contribuable. Ce dernier s’acquitte du fardeau initial s’il présente au moins une preuve prima facie démolissant l’exactitude des hypothèses formulées par le ministre. Enfin, lorsque le contribuable s’est acquitté de son fardeau initial, le fardeau de la preuve passe au ministre, qui doit alors réfuter la preuve prima facie faite par le contribuable et prouver les hypothèses. Règle générale, une preuve prima facie est une preuve suffisante pour établir un fait jusqu’à preuve du contraire. Dans Stewart c. M.R.N., [2000] A.C.I. no 53 (QL), le juge Cain enseigne qu’« [u]ne preuve prima facie est celle qui est étayée par des éléments de preuve qui créent un tel degré de probabilité en sa faveur que la cour doit l’accepter si elle y ajoute foi, à moins qu’elle ne soit contredite ou que le contraire ne soit prouvé ». Par ailleurs, la Cour d’appel fédérale est venue préciser à cet égard, dans l’arrêt Les Voitures Orly inc. c. Canada, 2005 CAF 425, au paragraphe 20, que « le fardeau de la preuve imposé au contribuable ne doit pas être renversé à la légère ou arbitrairement », puisqu’« il s’agit de l’entreprise du contribuable ». La Cour d’appel fédérale a aussi précisé dans cet arrêt que c’est le contribuable « qui sait comment et pourquoi son entreprise fonctionne comme elle le fait et pas autrement. [...] Il possède des renseignements qui sont à sa portée et sur lesquels il exerce un contrôle. » Par conséquent, l’appelante en l’espèce devait démontrer au moyen d’une preuve prima facie qu’elle avait réellement acheté les fournitures des fournisseurs douteux. Par ailleurs, l’appelant devait démontrer au moyen d’une preuve prima facie soit qu’il avait réellement acheté les fournitures du fournisseur douteux, soit qu’il ne s’était pas approprié les sommes versées à ces fournisseurs douteux. Enfin, l’appelante devait aussi démontrer que les factures prétendument établies par ces fournisseurs douteux répondent aux exigences de la LTA et du Règlement.

 

[36]         La question qui se pose maintenant est la suivante : est-ce que la preuve présentée par les appelants constitue une preuve suffisante pour démolir les hypothèses de fait du ministre? Puisque la preuve présentée par les appelants reposait essentiellement sur les témoignages de l’appelant, de monsieur Gaudreault, de monsieur Stouraitis, de monsieur Vendette, de monsieur Pauzé, de monsieur Lanteigne, de monsieur Preston, de monsieur Surprenant et de madame Priscilla Séguin, nous analyserons leur valeur probante.

 

[37]         Avant d’analyser la valeur probante des témoignages des personnes qui ont témoigné à l’appui de la position des appelants, j’aimerais faire certains commentaires à l’égard du défaut des appelants de faire témoigner certains acteurs importants dans les trois appels. Les appelants avaient la possibilité de faire témoigner les dirigeants des fournisseurs douteux. Ces dirigeants auraient pu témoigner que les services avaient été réellement rendus à l’appelante. L’intimée aurait alors pu contre‑interroger ces témoins que les appelants étaient en mesure de faire témoigner et leur poser notamment les questions suivantes : À quels chantiers avaient‑ils rendu les services? Quelle était la nature exacte des services rendus? À quel moment les services avaient‑ils été rendus et par quels employés? Pourquoi avaient‑ils encaissé les chèques dans des bureaux de change moyennant une commission astronomique plutôt que de les déposer dans leurs comptes bancaires? Les appelants n’ont pas présenté les témoins qu’ils étaient en mesure de faire témoigner. Les appelants n’ont même pas fait la preuve qu’ils avaient tenté de les assigner comme témoins. J’en infère tout simplement que cette preuve leur aurait été défavorable. Les appelants avaient aussi la possibilité de faire témoigner messieurs Ryan et Gagnon, deux acteurs forts importants en ce que monsieur Gagnon avait réalisé pour ses employeurs (Lubac, M.J.P., G.S.B., Méga Maxx et Dinar) tous les contrats qui leur avaient été accordés par l’appelante et en ce que monsieur Ryan avait réalisé pour ses employeurs (Joints Universels et Kelowna) tous les contrats qui leur avaient été accordés par l’appelante. Les appelants avaient aussi la possibilité de faire témoigner les comptables externes. Les appelants ne l’ont pas fait. J’en infère aussi que leurs témoignages auraient été défavorables aux appelants.

 

[38]         Nous examinerons maintenant la valeur probante des témoignages des personnes qui sont venues appuyer la position des appelants. Monsieur Lanteigne a témoigné qu’il avait réalisé (avec l’individu dont le prénom serait Ben) pour ses employeurs (Alfa, Gypse, Rastel, Rovac et J.C.M.J.) tous les contrats qui leur avaient été accordés par l’appelante. Il m’est difficile d’accorder quelque valeur probante au témoignage de monsieur Lanteigne, puisque son témoignage à l’égard du « situs » des chantiers où il aurait travaillé et des périodes pendant lesquelles il aurait travaillé était vague, imprécis et souvent incompréhensible, et puisqu’il a été carrément contredit par monsieur Steve Parent à l’égard de la déclaration de ses revenus d’emploi durant les années en cause. Enfin, je rappelle que j’ai conclu précédemment que son témoignage voulant qu’il ignorait qu’il avait droit à des indemnités de vacances me paraissait pour le moins invraisemblable. Somme toute, je n’ai aucune hésitation à qualifier monsieur Lanteigne de fieffé menteur. Ce n’est certes pas en présentant un tel témoin que les appelants pouvaient espérer me convaincre que les services avaient été réellement rendus à l’appelante par Alfa, Gypse, Rastel, Rovac et J.C.M.J.

 

[39]         Par ailleurs, les témoignages généralement vagues et imprécis de monsieur Gaudreault, de monsieur Stouraitis, de monsieur Vendette, de monsieur Pauzé, de monsieur Preston et de monsieur Surprenant nous auront appris tout au plus qu’ils avaient vu messieurs Ryan, Gagnon et Lanteigne (quelques‑uns de ces témoins auraient aussi vu le dénommé Ben) exécuter en compagnie des employés de l’appelante des contrats accordés à cette dernière par Industrie Vendette ltée. Par contre, ces témoignages ne nous ont pratiquement pas renseignés sur le statut de ces personnes (étaient-ils des employés ou des travailleurs autonomes?) et sur l’identité des entreprises pour lesquelles ils auraient travaillé. En effet, seul monsieur Preston a précisé qu’il croyait que monsieur Ryan travaillait pour Joints Universels puisqu’il avait vu le logo de cette société sur le camion utilisé par monsieur Ryan. Je note aussi que monsieur Vendette a témoigné que monsieur Lanteigne lui avait affirmé être un travailleur autonome. Je rappelle que les appelants devaient démontrer que les services avaient été réellement rendus par les sous-traitants douteux. En effet, les témoignages de ces personnes n’écartent nullement l’hypothèse que l’appelante avait peut‑être eu directement recours aux services de ces quatre travailleurs (à titre d’employés ou de travailleurs autonomes) et que leurs services avaient été payés en argent comptant.

 

[40]         Le témoignage de l’appelant ne m’a paru guère plus probant et crédible, compte tenu des éléments suivants :

 

i)                   Les nombreuses contradictions entre son témoignage et les réponses données aux deux vérificateurs de l’Agence à l’occasion de la rencontre du 26 septembre 2006;

 

ii)                 Son témoignage vague et imprécis lorsqu’on lui a demandé de commenter certaines factures posant problème, et ce, à l’égard du situs des chantiers en question et de la nature exacte des travaux accomplis;

 

iii)               Le fait de ne jamais vérifier où avaient été encaissés les chèques tirés sur le compte bancaire de l'appelante payables aux fournisseurs douteux (dont l’appelant ignorait à peu près tout), et ce, après avoir reçu des appels de bureaux de change qui voulaient faire certaines vérifications d’usage (voir la pièce I‑1, onglet 14, page 7). Ces appels auraient dû éveiller des soupçons chez l’appelant et l’amener à vérifier de temps à autre où les fournisseurs douteux, dont il ignorait tout, encaissaient les chèques faits par l’appelante. Un entrepreneur le moindrement avisé qui se rend compte qu’un fournisseur encaisse tous les chèques qui lui sont payables à un bureau de change devrait se poser de sérieuses questions sur la probité de ce fournisseur. L’appelant n’a-t-il pas déclaré (voir la pièce I‑2, onglet 14, page 7) que lorsqu’il apprenait qu’un fournisseur faisait ainsi, il cessait d’avoir recours à ses services? Je rappelle que la preuve a établi que la presque totalité des chèques tirés sur le compte bancaire de l’appelante payables aux fournisseurs douteux avaient été encaissés à des bureaux de change moyennant une commission astronomique. En définitive, les appelants ne peuvent invoquer la bonne foi à cet égard, puisqu’ils avaient été avisés de cette pratique;

 

iv)               Le fait que l’appelante se soit conformée aux directives de paiement de monsieur Lanteigne sans se poser de question. En effet, l’appelant, à la demande de monsieur Lanteigne, a tiré des chèques payables à Crédit Lanaudière inc., un bureau de change, alors que les services auraient été rendus par Alfa. Un entrepreneur le moindrement avisé n’aurait pas accepté une telle directive de paiement sans recevoir une directive écrite du fournisseur, notamment lorsque l’entrepreneur ignore à peu près tout de ce fournisseur;

 

v)                 Le « modus operandi » différent de l’appelante à l’égard des modalités de paiement des factures des fournisseurs selon qu’ils sont des fournisseurs douteux ou non;

 

vi)               Le fait de ne pas vérifier auprès de la CCQ et de la CSST les heures de travail des employés des fournisseurs douteux. Je peux comprendre la pratique des donneurs d’ouvrage de ne pas faire de telles vérifications à l’égard des fournisseurs qu’ils utilisent régulièrement et dont ils connaissent la probité et la solidité financière. Toutefois, le fait de ne pas faire de telles vérifications à l’égard des fournisseurs dont ils ignorent à peu près tout m’apparaît difficilement explicable compte tenu des lourdes conséquences financières qui pourraient en résulter pour le donneur d’ouvrage. En effet, les donneurs d’ouvrage qui ne demandent pas de lettres d’état à la CCQ et à la CSST pourraient être tenus solidairement responsables avec leurs sous‑contractants du paiement des cotisations qui auraient dû être versées par leurs sous‑contractants.

 

[41]         Il convient maintenant de répondre à la question suivante : est-ce que les factures établies par les fournisseurs douteux répondent aux exigences prescrites par la LTA et le Règlement?

 

[42]         Il convient d’abord de se poser les deux questions suivantes :

 

1.                 Quel est le but visé par le Règlement?

 

2.                 Est-ce que les exigences du Règlement sont obligatoires et doivent être appliquées rigoureusement?

 

[43]         À cet égard, je suis d’accord avec le juge Bowie lorsqu’il affirme ce qui suit dans la décision Key Property Management Corp. c. La Reine, 2004 CCI 210 :

 

Le but même de l’alinéa 169(4)a) et du Règlement est de protéger le Trésor contre les violations tant frauduleuses qu’innocentes. Ce but ne peut être atteint que si les exigences sont considérées comme étant obligatoires et sont rigoureusement appliquées. Le fait de les envisager simplement comme une indication ne serait pas seulement malencontreux, mais serait une grave violation de l’intégrité du texte législatif.

 

[44]         À cet égard, je suis également d’accord avec la juge Campbell lorsqu’elle affirme ce qui suit dans la décision Davis c. La Reine, 2004 CCI 662 :

 

Je ne pense pas qu’il est possible de contourner ces dispositions, étant donné que leur libellé est très précis. Elles sont manifestement obligatoires, et l’appelant n’a tout simplement pas respecté les exigences techniques de la Loi et le Règlement lui imposent à titre de participant à un régime d’autocotisation.

 

Il convient de souligner que la Cour d’appel fédérale a confirmé, dans l’arrêt Systematix Technology Consultants Inc. c. Canada, 2007 CAF 226, la position des juges Bowie et Campbell à cet égard.

 

[45]         Le paragraphe 3 du Règlement se lit comme suit :

 

3.   Les renseignements visés à l’alinéa 169(4)a) de la Loi, sont les suivants :

 

a)   lorsque le montant total payé ou payable, selon la pièce justificative, à l’égard d’une ou de plusieurs fournitures est de moins de 30 $ :

 

(i)                  le nom ou le nom commercial du fournisseur ou de l’intermédiaire,

 

(ii)                si une facture a été remise pour la ou les fournitures, la date de cette facture,

 

 

(iii)               si aucune facture n’a été remise pour la ou les fournitures, la date à laquelle il y a un montant de taxe payée ou payable sur celles-ci,

 

(iv)              le montant total payé ou payable pour la ou les fournitures;

 

b)      lorsque le montant total payé ou payable, selon la pièce justificative, à l’égard d’une ou de plusieurs fournitures est de 30 $ ou plus et de moins de 150 $ :

 

(i)                  le nom ou le nom commercial du fournisseur ou de l’intermédiaire et le numéro d’inscription attribué, conformément au paragraphe 241(1) de la Loi, au fournisseur ou à l’intermédiaire, selon le cas,

 

(ii)                les renseignements visés aux sous-alinéas a)(ii) à (iv),

 

(iii)               dans le cas où la taxe payée ou payable n’est pas comprise dans le montant payé ou payable pour la ou les fournitures :

 

(A) ou bien, la taxe payée ou payable pour toutes les fournitures ou pour chacune d’elles,

 

(B) ou bien, si une taxe de vente provinciale est payable pour chaque fourniture taxable qui n’est pas une fourniture détaxée, mais ne l’est pas pour une fourniture exonérée ou une fourniture détaxée :

 

(I) soit le total de la taxe payée ou payable selon la section II de la partie IX de la Loi et de la taxe de vente provinciale payée ou payable pour chaque fourniture taxable, ainsi qu’une déclaration portant que le total pour chaque fourniture taxable comprend la taxe payée ou payable selon cette section,

 

(II) soit le total de la taxe payée ou payable selon la section II de la partie IX de la Loi et de la taxe de vente provinciale payée ou payable pour toutes les fournitures taxables, ainsi qu’une déclaration portant que ce total comprend la taxe payée ou payable selon cette section,

 

(iv)              dans le cas où la taxe payée ou payable est comprise dans le montant payé ou payable pour la ou les fournitures et que l’une ou plusieurs de celles-ci sont des fournitures taxables qui ne sont pas des fournitures détaxées :

 

(A) une déclaration portant que la taxe est comprise dans le montant payé ou payable pour chaque fourniture taxable,

 

(B) le total (appelé « taux de taxe total » au présent alinéa) des taux auxquels la taxe a été payée ou était payable relativement à chacune des fournitures taxables qui n’est pas une fourniture détaxée,

 

(C) le montant payé ou payable pour chacune de ces fournitures ou le montant total payé ou payable pour l’ensemble de ces fournitures auxquelles s’applique le même taux de taxe total,

 

(v)                dans le cas où deux fournitures ou plus appartiennent à différentes catégories, une mention de la catégorie de chaque fourniture taxable qui n’est pas une fourniture détaxée;

 

c)      lorsque le montant total payé ou payable, selon la pièce justifiable à l’égard d’une ou de plusieurs fournitures est de 150 $ ou plus :

 

(i)         les renseignements visés aux alinéas a) et b),

 

(ii)        soit le nom de l’acquéreur ou son nom commercial, soit le nom de son mandataire ou de son représentant autorisé,

 

(iii)       les modalités de paiement,

 

(iv)              une description suffisante pour identifier chaque fourniture.

 

[Je souligne]

 

[46]         En l’espèce, la preuve a révélé que le montant payé à l’égard de chacune des fournitures par les sous‑traitants douteux est de 150 $ ou plus. Par conséquent, chacune des factures déposées en preuve par les appelants (voir la pièce A‑3, onglet 5) devait notamment contenir une description suffisante pour identifier chaque fourniture. Puisque le but visé par l’alinéa 169(4)a) de la LTA et par le Règlement est de protéger le Trésor contre les violations tant frauduleuses qu’innocentes, je suis d’avis qu’une description est suffisante si elle permet à l’Agence d’identifier les travaux effectués par les fournisseurs. À mon avis, les factures déposées en preuve par les appelants ne peuvent respecter la condition prévue au sous‑alinéa 3(c)(iv) du Règlement que si elles comprennent au moins les renseignements suivants :

 

i)                   Le lieu précis où le fournisseur en cause avait posé des plaques de plâtre ou rempli des joints. Par lieu précis, j’entends l’adresse municipale où les travaux avaient été réalisés. Dans le cas d’un édifice comportant plusieurs étages, la facture doit préciser l’étage où les travaux avaient été réalisés. Si l’étage en question comporte plusieurs bureaux, la facture doit aussi identifier le bureau où les travaux avaient été réalisés;

 

ii)                 La nature de la fourniture. En l’espèce, si l’on se fie aux témoignages de l’appelant et de ceux qui sont venus témoigner à l’appui de la position des appelants, la quasi‑totalité des services rendus par les sous‑traitants douteux avaient trait soit à la pose de plaques de plâtre ou soit au remplissage de joints. Par conséquent, chacune des factures déposées en preuve par les appelants devrait indiquer, selon le cas, si le fournisseur douteux avait posé des plaques de plâtre ou s’il avait rempli des joints. À mon avis, chacune des factures devait de plus indiquer le nombre de pieds carrés de plaques de plâtre posées ou le nombre de pieds carrés de plâtre qui ont fait l’objet de remplissage de joints, selon le cas.

 

[47]         Mon examen de toutes les factures mises en preuve par les appelants m’amène à conclure qu’aucune d’elles n’est conforme à l’article 169 de la LTA et au Règlement, puisque pour chacune d’elles, il manque au moins un renseignement obligatoire. Par conséquent, l’appelante ne peut demander les CTI liés à ces factures. L’argument des appelants voulant qu’il ne faut pas exiger des intervenants de l’industrie de la construction qu’ils inscrivent sur leurs factures une description suffisante pour identifier chaque fourniture, puisqu’ils n’ont pas la plume facile, m’apparaît faible et insoutenable. J’ajouterai qu’il ne faut pas avoir la plume facile pour indiquer l’endroit précis où des plaques de plâtre ont été installées et le nombre de pieds carrés de plaques installées. Quant à l’argument voulant que la description des fournitures apparaissant sur les factures déposées en preuve par les appelants est suffisante, puisqu’elle satisfait aux normes de l’industrie, je suis d’avis qu’il est tout aussi faible et insoutenable. À cet égard, je souligne premièrement que les appelants n’ont pas fait la preuve de cette supposée norme de l’industrie à l’égard de la description des fournitures. De toute façon, souscrire à cet argument équivaudrait à donner à l’industrie le droit de déterminer ce que le législateur entend par les mots « description suffisante pour identifier chaque fourniture ». Il appartient à la Cour et non à l’industrie de déterminer ce que le législateur entend par les mots « description suffisante pour identifier chaque fourniture ». Par ailleurs, je ne vois pas en quoi la position des appelants voulant qu’il soit notoire que lorsque les fournisseurs ne sont pas en défaut fiscal, des factures rédigées à peu près de la même façon ne font pas l’objet d’une mise en question par le ministre du Revenu du Québec, ce qui laisse supposer que c’est beaucoup plus l’identité du fournisseur que la manière dont la facture est rédigée qui sous-tend l’action du ministre du Revenu du Québec, constitue un argument valable. J’ajouterai à cet égard que la Cour, contrairement au ministre, ne peut se permettre de faire preuve de laxisme (si tel est le cas) dans l’application de la LTA et du Règlement.

 

[48]         Il convient maintenant de répondre à la question suivante : est-ce que le ministre s’est acquitté du fardeau qui repose sur lui en vertu de l’article 285 de la LTA? Puisque je suis persuadé que l’appelante n’a pas véritablement acquis les fournitures pour lesquelles elle a demandé des CTI de 20 835,35 $ dans le calcul de sa taxe nette, le ministre s’est acquitté du fardeau de la preuve qui reposait sur lui aux termes de l’article 285 de la LTA.

 

[49]         Il convient aussi de répondre à la question suivante dans le dossier 2008‑3955(IT)G : est-ce que le ministre s’est acquitté du fardeau qui repose sur lui en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi? Puisque je suis persuadé que l’appelante n’a pas véritablement acquis les fournitures en question, le ministre s’est acquitté du fardeau de la preuve qui reposait sur lui aux termes du paragraphe 163(2) de la Loi.

 

 

[50]         Il convient aussi de répondre aux questions suivantes dans le dossier 2008‑3954(IT)G :

 

1.                 L’appelant a‑t‑il reçu des avantages de 2002 à 2006? Puisque je suis persuadé que l’appelante n’a pas véritablement acquis les fournitures de Rastel, D.D., Gypse et Rovac et que l’appelant n’a pas fourni de preuve que les sommes versées aux fournisseurs douteux avaient été utilisées par l’appelante pour tirer un revenu de son entreprise, je dois conclure que l’appelant a reçu de l’appelante des avantages imposables correspondant au total des sommes versées par l’appelante à ces quatre fournisseurs.

 

2.                 L’établissement des avis de nouvelle cotisation pour 2002 et 2003 après la période normale de nouvelle cotisation est‑il justifié? Compte tenu de mes conclusions précédentes, je suis d’avis que le ministre s’est acquitté du fardeau qui repose sur lui en vertu du paragraphe 152(4) de la Loi.

 

3.                 Est-ce que le ministre s’est acquitté du fardeau qui repose sur lui en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi? Puisque je suis persuadé que l’appelante n’a pas véritablement acquis les fournitures de ces quatre fournisseurs et que l’appelant s’est approprié les sommes versées à ceux‑ci, le ministre s’est acquitté du fardeau de la preuve qui reposait sur lui aux termes du paragraphe 163(2) de la Loi.

 

 

[51]         Pour ces motifs, tous les appels sont rejetés avec dépens.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour de mars 2011.

 

 

 

« Paul Bédard »

Juge Bédard

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 113

 

NOS DES DOSSIERS

          DE LA COUR :                        2008-3955(IT)G, 2008-2580(GST)G,

                                                          2008-3954(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              LES PRO-POSEURS INC. et CLAUDE SÉGUIN ET SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATES DE L’AUDIENCE :               les 12, 13 et 14 janvier 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Paul Bédard

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 1er mars 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat des appelants :

 

Me Martin Fortier

Avocate de l'intimée :

Me Nancy Dagenais

 

AVOCATS INSCRITS AUX DOSSIERS :

 

       Pour les appelants:

 

                     Nom :                            Me Martin Fortier

                 Cabinet :                           De Chantal, D’Amour, Fortier

                                                          Longueuil (Québec)

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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