Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

Dossier : 2005-3203(IT)G

ENTRE :

JOSEPH A. LOBO,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]  

____________________________________________________________________

Appels entendus les 19 et 20 novembre 2009, à Hamilton (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge E. A. Bowie

 

Comparutions :

 

Avocats de l’appelant :

Me Joseph W. Irving

Me Lou Ciotoli

Avocate de l’intimée :

Me Carol Calabrese

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 1999, 2000 et 2001 sont rejetés avec dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de mars 2011.

 

 

« E. A. Bowie »

Juge Bowie

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour d’avril 2011.

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


 

 

 

 

Référence : 2011 CCI 132

Date : 20110302

Dossier : 2005-3203(IT)G

ENTRE :

JOSEPH A. LOBO,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Bowie

 

[1]     M. Lobo interjette appel de nouvelles cotisations d’impôt sur le revenu établies pour les années d’imposition 1999, 2000 et 2001. En produisant ses déclarations en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour ces années, il a demandé la déduction de pertes déductibles au titre d’un placement d’entreprise de 44 672,10 $, de 46 851 $ et de 28 984,50 $, respectivement. Ces montants sont fondés sur le fait que M. Lobo aurait perdu 59 562,80 $, 62 469 $ et 57 969 $ lorsqu’il avait acheté de Harold Coombs et ensuite revendu à Oleg Volochkov 160 actions de Select Travel Inc., une société privée sous contrôle canadien. Le ministre du Revenu national a refusé les déductions demandées pour le motif qu’il ne croyait pas que ces opérations avaient eu lieu.

 

[2]     L’appelant a témoigné qu’avant d’immigrer au Canada, il travaillait dans l’industrie du voyage, en Afrique. Au Canada, il a travaillé au service des voyages au magasin Eaton, où il a rencontré Harold Coombs. En 1981, il a quitté Eaton pour devenir conseiller en voyages et enseigner au collège George Brown, à Toronto. Il a effectué du travail pour M. Coombs, à titre de conseiller en voyages, et il est devenu administrateur d’Imperial Travel, une société qui, selon lui, appartenait à M. Coombs.

 

[3]     L’appelant a témoigné qu’à ce moment‑là, Dominion Stores possédait deux agences de voyages qu’elle voulait vendre – Select Travel et Travelsphere. Ces deux entreprises, selon ses dires, étaient exploitées à partir des mêmes locaux et partageaient un certain nombre d’employés, ce qui était avantageux pour les deux agences sur le plan financier. À un moment donné, et la preuve que l’appelant a présentée n’était pas claire quant au moment où ces opérations avaient eu lieu, M. Coombs a acquis ces deux entreprises et a ensuite vendu à M. Lobo une participation majoritaire dans Travelsphere.

 

[4]     Selon la preuve qu’il a présentée, l’appelant a acquis 160 actions de Select Travel Inc. parce qu’au 31 mars 1990, M. Coombs lui devait 217 500 $ et qu’au mois de juillet de cette année‑là, il ne pouvait entrevoir aucune possibilité de se faire rembourser, de sorte qu’il a conclu avec M. Coombs une entente par laquelle il a acheté de M. Coombs 75 actions ordinaires de Select Travel Inc. au prix de 1 200 $ l’action, ce qui représentait en tout 90 000 $, le paiement prenant la forme d’une réduction de la dette existante.

 

[5]     Selon le témoignage de M. Lobo, la dette de 217 500 $ était attestée par un billet daté du 31 mars 1990, ne portant pas intérêt et venant à échéance le 31 mars 1991. M. Lobo a ensuite témoigné qu’à l’échéance, M. Coombs n’était toujours pas en mesure de rembourser le solde existant de 127 500 $, de sorte qu’ils ont conclu une seconde entente par laquelle M. Coombs a vendu à M. Lobo 85 actions ordinaires de Select Travel Inc., au prix de 1 500 $ l’action, ce qui représentait en tout 127 500 $. M. Lobo a témoigné avoir effectué cet achat, entre autres, afin d’éviter la possibilité que Select Travel Inc. quitte les locaux qu’elle partageait avec Travelsphere pour s’installer dans le local occupé par l’autre entreprise de M. Coombs, à Scarborough, ce qui aurait nui à l’entreprise de Travelsphere.

 

[6]     L’appelant a témoigné que, le 15 novembre 1999, il a accepté de vendre ces 160 actions ordinaires de Select Travel Inc. à Oleg Volochkov qui, à ce moment‑là, était directeur de l’entreprise. L’appelant a identifié une convention de vente de ces actions, laquelle prévoyait le transfert des actions, qui devaient être payées comme suit sur une période de deux ans :

 

15 novembre 1999

60 actions

d’une valeur totale de 22 000 $

15 novembre 2000

50 actions

d’une valeur totale de 5 500 $

15 novembre 2001

50 actions

d’une valeur totale de 10 000 $

 

En réponse à une question de son avocat, M. Lobo a expliqué la raison pour laquelle ces actions avaient été vendues de cette façon[1] :

 

[traduction]

 

R.         Lorsque je les ai initialement achetées, mon objectif était de prendre une retraite anticipée, à Humber, et de prendre réellement les rênes de l’entreprise, Select Travel. Bien sûr, je possédais la majorité des actions de Travelsphere. En 1999, de nombreux changements s’étaient produits dans l’industrie du voyage, au moment où j’ai initialement acquis les actions. Les compagnies aériennes accordaient des avantages. Internet prenait de l’essor. Les gens utilisaient Internet pour beaucoup de choses et mon expertise en matière de voyages, qui était encore fort à jour et fort utile, s’adressait à un marché plus petit, mais un marché intéressant, les groupes de voyageurs à intérêt spécial, et je croyais pouvoir m’en occuper du côté des voyages, mais en vendant toutes les actions, je pouvais accomplir le travail avec lequel je me sentais à l’aise, un travail que je connaissais bien. Je pouvais le faire par ordinateur et faire en sorte qu’une bonne partie du travail soit accompli au bureau, et j’ai donc demandé à Oleg de gérer toute l’entreprise. Il s’agissait d’une entreprise plus petite, plus restreinte.

 

[7]     Selon le témoignage de M. Lobo, c’était M. Coombs qui avait fixé le prix lorsqu’il avait acheté et vendu les actions, parce que M. Coombs était l’expert financier et qu’il savait combien valaient les actions. Le prix avait été fixé, selon M. Lobo, à un montant représentant 70 à 80 p. 100 des commissions brutes annuelles.

 

[8]     L’appelant a expliqué les circonstances dans lesquelles il avait obtenu de M. Coombs un billet de 217 500 $. Il a déclaré avoir consenti une série de prêts en faveur de M. Coombs entre les mois de septembre 1982 et de juillet 1984; il a produit une traite de banque et une série de chèques oblitérés :


 

Instrument

        Payable à

              Montant

 

Traite, 30 septembre 1982

Harold Coombs

20 000 $

Chèque, 31 décembre 1982

Anthony Byron

10 000 $

Chèque, 28 février 1983

Anthony Byron

10 000 $

Chèque, 30 mars 1983

Imperial Travel

4 500 $

Chèque, 30 mars 1983

Imperial Travel

3 500 $

Chèque, 12 septembre 1983

Imperial Travel

1 500 $

Chèque, 17 novembre 1983

Select Travel

3 000 $

Chèque, 30 novembre 1983

Select Travel

4 000 $

Chèque, 12 décembre 1983

Imperial Travel

1 000 $

Chèque, 15 décembre 1983

H. Coombs et A. Lobo

1 000 $

Chèque, 15 décembre 1983

Select Travel

9 000 $

Chèque, 24 février 1984

Banque TD : prêt

800 $

Chèque, 1er mars 1984

Imperial Travel

1 500 $

Chèque, 3 avril 1984

Select Travel

10 000 $

Chèque, 1er mai 1984

Select Travel

9 500 $

Chèque, 10 mai 1984

Select Travel

5 500 $

Chèque, 30 juin 1984

Quintana Inc.

10 000 $

Chèque 14 juillet 1984

Imperial Travel

2 000 $

 

[9]     Ces 18 effets représentent en tout un montant de 106 800 $ et seul l’un d’eux est établi uniquement en faveur de M. Coombs. M. Lobo a expliqué la chose en disant que les chèques payables à Imperial Travel, à Select Travel et à Quintana Inc. se rapportaient à des montants qu’il avait avancés à M. Coombs à titre de prêts, mais que ces chèques étaient payables à ces entités à la demande de M. Coombs parce qu’il s’agissait de fonds que M. Coombs allait leur avancer. Les montants qui étaient payables à M. Byron étaient payés pour le compte de M. Coombs, selon M. Lobo, parce que M. Coombs utilisait les fonds pour rembourser certains montants qu’il devait à M. Byron. Selon l’appelant, le chèque payable conjointement à M. Coombs et à M. Lobo avait servi à ouvrir un compte bancaire conjoint aux noms de ceux‑ci.

 

[10]    Selon le témoignage de M. Lobo, la différence entre ces paiements pour le compte de M. Coombs et le montant du billet était composée de trois montants. Les deux premiers étaient des montants qui, selon ses dires, lui étaient dus pour du travail qu’il avait fait [traduction] « pour l’entreprise de Harold ». La preuve soumise par M. Lobo était loin d’être précise quant au premier de ces montants, qu’il a appelé le compte de la « société en tandem ». Le deuxième était un montant de 29 450 $, représentant 70 p. 100 du profit qui avait été fait pour du travail se rapportant au dossier du groupe Sperry, lequel, selon lui, représentait ses frais de consultation à l’égard de ce compte. La chose était étayée par un calcul effectué à la main sur du papier à en‑tête de M. Lobo, auquel M. Coombs avait apparemment acquiescé. Le troisième montant se rapportait aux intérêts sur les diverses avances, et encore une fois, la preuve n’indique pas le montant précis qui devait être payé au titre des intérêts. M. Lobo a simplement témoigné que M. Coombs et lui-même avaient convenu que, si tous ces montants étaient pris en compte, y compris un montant non précisé au titre des intérêts, M. Coombs devait 217 500 $ à M. Lobo. M. Coombs a ensuite remis à M. Lobo le billet de ce montant, payable dans un délai d’un an, sans intérêts.

 

[11]    M. Lobo a produit un certain nombre de documents à l’appui de cette preuve :

 

a) une entente datée du 31 juillet 1991 entre Harold J. Coombs et Joseph A. Lobo concernant la vente de 75 actions ordinaires de Select Travel Inc. pour un montant de 90 000 $;

 

b)  une entente datée du 31 mai 1993 entre Harold J. Coombs et Joseph A. Lobo concernant la vente de 85 actions ordinaires de Select Travel Inc. pour un montant de 127 500 $;

 

c)  le billet de 217 500 $ daté du 31 mars 1990 établi par Harold J. Coombs en faveur de Joseph A. Lobo, payable au plus tard le 31 mars 1991 et ne portant pas intérêt;

 

d)  une entente datée du 15 novembre 1999 entre Joseph A. Lobo et Oleg Volochkov concernant la vente de 160 actions ordinaires de Select Travel Inc. au prix global de 37 500 $, lesquelles devaient être transférées et payées ainsi :

 

15 novembre 1999

60 actions

 22 000 $

15 novembre 2000

50 actions

 5 500 $

15 novembre 2001

50 actions

10 000 $

 

e)  des formulaires de transfert d’actions datés des 31 juillet 1991 et 31 mai 1993 concernant les ventes de Harold Coombs à Joseph A. Lobo, apparemment signés par M. Coombs et par Joan Coombs, en sa qualité de témoin;


 

 

f) des formulaires de transfert d’actions datés des 15 novembre 1999, 10 novembre 2000 et 10 novembre 2001 concernant les ventes conclues entre l’appelant et M. Volochkov, apparemment signés par M. Lobo et par M. Coombs, en sa qualité de témoin;

 

g) trois résolutions du conseil d’administration de Select Travel Inc., approuvant les trois transferts d’actions de Joseph Lobo en faveur d’Oleg Volochkov, signées par Harold Coombs, par Joseph Lobo et par Oleg Volochkov, en leur qualité d’administrateurs;

 

h)  un document dactylographié sur lequel figuraient certains noms biffés, que je reproduis ici au complet :

 

[traduction]

 

registre des actionnaires ordinaires de select travel inc.

 

Novembre 1982

Actions autodétenues transférées
à M. Coombs

240

Novembre 1982

Actions autodétenues transférées
à M. Volochkov

60

Mars 1989

De M. Volochkov à [biffé]

28

Mars 1989

À [biffé] de M. Volochkov

-28

Juillet 1991

De M. Coombs à M. Lobo

75

Juillet 1991

À M. Lobo de M. Coombs

-75

Juillet 1991

À [biffé] de M. Coombs

80

Juillet 1991

De M. Coombs à [biffé]

-80

Mai 1993

À M. Lobo de M. Coombs

85

Mai 1993

De M. Coombs à M. Lobo

-85

Novembre 1999

À M. Volochkov de [biffé]

30

Novembre 1999

De [biffé] à M. Volochkov

-30

Novembre 1999

À M. Volochkov de M. Lobo

60

Novembre 1999

De M. Lobo à M. Volochkov

-60

Novembre 2000

À M. Volochkov de M. Lobo

50

Novembre 2000

De M. Lobo à M. Volochkov

-50

Novembre 2000

À M. Volochkov de [biffé]

50

Novembre 2000

De [biffé] à M. Volochkov

-50

Novembre 2001

À M. Volochkov de M. Lobo

50

Novembre 2001

De M. Lobo à M. Volochkov

-50

300

 

[12]    Le recueil de documents de l’appelant renfermait également une déclaration censément signée par Harold Coombs. L’avocat de M. Lobo a affirmé que l’authenticité de cette déclaration et du soi-disant registre d’actions serait établie par l’entremise de M. Coombs. Toutefois, M. Coombs n’a jamais été appelé à témoigner et l’authenticité de ces deux documents n’a jamais été établie ni admise par l’avocate de l’intimée.

 

[13]    Un stagiaire du cabinet d’avocats Lang Michener a comparu, en réponse à une assignation à témoigner signifiée par l’intimée; il a identifié le registre des procès-verbaux et le registre d’actions de Select Travel Inc. Ces documents montrent que l’appelant était président et administrateur de la société depuis sa constitution en personne morale, au mois de décembre 1982, et qu’au cours de la même période, Harold Coombs avait agi à titre de secrétaire et d’administrateur de la société.

 

[14]    Le registre des actionnaires indique que, le 10 décembre 1982, Joseph Lobo et Harold Coombs ont chacun souscrit 100 actions ordinaires autodétenues au prix d’émission d’un dollar l’action et que, le 3 février 1983, Anthony Byron a souscrit 100 actions ordinaires, au prix d’un dollar l’action. Le 27 juin 1983, M. Byron a transféré 50 actions ordinaires à Harold Coombs et 50 actions ordinaires à Joseph Lobo. Le 1er septembre 1983, M. Coombs et M. Lobo ont chacun transféré 15 actions ordinaires à CUMBA et, le 26 octobre 1983, M. Coombs et M. Lobo ont chacun transféré 15 actions ordinaires à Oleg Volochkov. Le 15 août 1984, CUMBA a transféré ses 30 actions ordinaires à Oleg Volochkov. Le même jour, Charles De Souza a souscrit 30 actions ordinaires, au prix d’un dollar chacune. Aucune autre souscription ni aucun autre transfert d’actions ordinaires ne sont enregistrés, la distribution des actions ordinaires au milieu de l’année 1984 étant la dernière inscription qui a été faite :

 

[traduction]

 

Harold Coombs                        120 actions ordinaires

Joseph Lobo                            120 actions ordinaires

Oleg Volochkov                         60 actions ordinaires

Charles De Souza                       30 actions ordinaires

 

[15]    Certaines opérations concernant des actions de la catégorie B sont également enregistrées, lesquelles ne sont pas ici pertinentes, ainsi que certaines inscriptions incomplètes effectuées au crayon pour lesquelles il n’existe pas de résolutions correspondantes du conseil d’administration.

 

[16]    À coup sûr, il existe de nombreuses contradictions importantes entre la preuve présentée par M. Lobo et la version qui ressort du registre des actionnaires et du registre des procès-verbaux du conseil d’administration. Il est vrai que ces documents ne semblent pas avoir été mis à jour depuis 1990. Toutefois, M. Lobo a reconnu sa signature sur la souscription à 100 actions ordinaires, le 10 décembre 1982, ainsi que sur diverses résolutions des administrateurs, lesquelles sont incompatibles avec le soi-disant registre des actionnaires qui, selon ce que M. Lobo a témoigné, lui a été remis par M. Coombs et qu’il croyait exact. Les conventions concernant l’achat d’actions de M. Coombs et la vente d’actions en faveur de M. Volochkov que M. Lobo a produites renfermaient toute la disposition suivante :

 

[traduction]

 

Les actions ordinaires susmentionnées seront transférées et inscrites dans le registre des procès-verbaux de Select Travel Inc. aux dates stipulées ci‑dessus.

 

Dans l’avis d’appel qui, selon le témoignage de l’appelant, a été conjointement préparé par M. Coombs et par lui‑même, il est allégué ce qui suit au paragraphe 14 :

 

[traduction]

 

Le registre des procès-verbaux de Select Travel Inc. faisait état de toutes les opérations se rapportant à l’achat et à la vente des actions mentionnées dans les conventions.

 

Pourtant, les présumés achats et ventes qui, selon l’appelant, ont donné lieu aux pertes déductibles au titre d’un placement d’entreprise qu’il affirme avoir subies n’ont pas été enregistrés. Ces incohérences exigeaient sans aucun doute certaines explications de la part de l’appelant, mais celui‑ci n’en a donné aucune, si ce n’est pour dire que M. Coombs était chargé des questions financières et qu’il se fiait à M. Coombs pour tous les renseignements concernant la société. Cela semble difficilement constituer une explication adéquate compte tenu du fait que M. Lobo reconnaît avoir été président et administrateur de la société depuis sa constitution en personne morale, en 1982.

 

[17]    Il existe un certain nombre d’autres raisons de ne pas croire la preuve présentée par l’appelant.

 


[18]    Une bonne partie de la preuve présentée par l’appelant était contradictoire et une bonne partie n’est tout simplement pas conforme au bon sens. M. Lobo a initialement soutenu qu’il ne possédait pas d’actions de Select Travel Inc. tant que les soi-disant achats d’actions de M. Coombs n’ont pas été conclus, en 1991 et en 1993. Toutefois, lors du contre‑interrogatoire, M. Lobo a reconnu avoir acheté 100 actions autodétenues et 50 actions de M. Byron, lorsqu’on lui a montré sa signature sur la souscription et sur la résolution par laquelle était approuvé le transfert d’actions de M. Byron. M. Lobo a expliqué que cela s’était produit il y a bien longtemps et qu’il ne savait pas ce qu’il avait signé, en 1982 et en 1983. Au cours de l’interrogatoire préalable, M. Lobo s’était engagé à faire de son mieux pour produire le registre des procès-verbaux dans lequel ces opérations étaient consignées, mais il ne l’a pas fait, et ce, bien qu’il ait été président et administrateur de la société. Il a expliqué la chose en disant qu’il avait demandé le registre des procès-verbaux à M. Coombs, mais qu’il ne l’avait jamais reçu.

 

[19]    Il semble peu probable que l’appelant ait avancé plus de 100 000 $ à M. Coombs sous la forme de prêts personnels sur une période de près de deux ans sans qu’il existe quelque preuve de la dette ou quelque garantie, les chèques étant payables, dans la plupart des cas, non en faveur de M. Coombs, mais en faveur de M. Byron, de Select Travel, d’Imperial Travel et de Quintana Inc. M. Lobo a affirmé avoir rencontré M. Coombs lorsqu’ils travaillaient ensemble, mais ils n’étaient pas des amis intimes.

 

[20]    Les prix auxquels l’appelant a affirmé avoir acheté les actions, et les prix auxquels l’appelant a affirmé avoir vendu les actions à M. Volochkov, sont également douteux. M. Lobo a témoigné que M. Coombs était chargé de l’aspect financier de l’entreprise, de sorte que celui‑ci avait fixé le prix de toutes ces opérations. M. Lobo n’a pas obtenu d’évaluation indépendante, que ce soit lorsqu’il a acheté les actions de M. Coombs ou lorsqu’il les a vendues à M. Volochkov. M. Lobo a témoigné que, de l’avis de M. Coombs, les prix [traduction] « étaient basés sur les normes de l’industrie, soit sur un montant représentant 70 à 80 p. 100 des recettes annuelles »[2]. La preuve mise à ma disposition renferme les déclarations de revenus de Select Travel Inc. pour les années 1989, 1991, 1993 et 1999. Il ressort de ces déclarations qu’au cours des années pertinentes les commissions brutes étaient les suivantes :


1990            52 755 $

1992            60 400 $

1998            98 647 $

 

[21]    Il est difficile de comprendre pourquoi, sur les conseils de M. Coombs, l’appelant aurait été prêt, en 1999, à vendre les actions à un prix moyen de 234 $ l’action, alors qu’il avait versé cinq fois ce montant en 1991 et plus de six fois ce montant en 1993, à un moment où les commissions brutes avaient presque doublé au cours de la période. Ce qui est surprenant, c’est que la preuve présentée par M. Lobo ne renfermait pas de compte rendu de négociations qu’il aurait eues avec M. Coombs ou avec M. Volochkov.

 

[22]    Étant donné les nombreux aspects inhabituels des présumées opérations, on s’attendrait à ce que l’appelant appelle M. Coombs ainsi que M. Volochkov à témoigner, mais il ne l’a pas fait. L’appelant n’a pas non plus expliqué pourquoi il ne l’avait pas fait. M. Coombs était dans la salle d’audience au début de l’instruction et je lui ai permis de soutenir, sans succès, que le registre des procès-verbaux de Select Travel Inc. était assujetti au secret professionnel. Il n’y a pas lieu de croire que M. Volochkov n’aurait pas non plus été disponible si l’appelant avait voulu l’appeler à témoigner. Dans ces conditions, je déduis que leurs témoignages n’auraient pas aidé la cause de l’appelant.

 

[23]    Compte tenu de toutes ces incohérences et invraisemblances, il ne semble y avoir que deux explications possibles : à savoir, que les conventions d’achat et de vente ont été fabriquées par l’appelant, avec l’aide de M. Coombs et de M. Volochkov, ou encore, ce qui est moins vraisemblable, que M. Coombs et M. Volochkov ont tous deux roulé l’appelant, en prétendant lui vendre des actions qui n’existaient pas et en prétendant ensuite racheter les actions à un prix moins élevé. Dans un cas comme dans l’autre, l’appelant n’a pas acquis ni vendu les actions, de sorte qu’il n’a pas subi de perte déductible au titre d’un placement d’entreprise : voir Hamill c. Canada[3].

 

[24]    Les appels sont rejetés avec dépens.

 

 

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de mars 2011.

 

« E. A. Bowie »

Juge Bowie

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour d’avril 2011.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 132

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2005-3203(IT)G

 

INTITULÉ :                                       JOSEPH A. LOBO

                                                          c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Hamilton (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Les 19 et 20 novembre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge E. A. Bowie

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 2 mars 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l’appelant :

Me Joseph W. Irving

Me Lou Ciotoli

Avocate de l’intimée :

Me Carol Calabrese

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                   Nom :                             Joseph W. Irving

 

                   Cabinet :                         J.W. Irving & Company

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 



[1]           Transcription, page 87, lignes 5 à 24.

 

[2]           Transcription, page 144, lignes 10 à 12.

 

[3]           2005 CAF 252; 59 DTC 5397.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.