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Dossier : 2010-2256(OAS)

ENTRE :

SOROUR LANKARANI,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DES RESSOURCES HUMAINES ET DU DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 20 janvier 2011 à Vancouver (Colombie‑Britannique).

 

Devant : L’honorable juge Robert J. Hogan

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

M. R.J. Marsh

 

 

Avocat de l’intimé :

Me Scott England

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Attendu que l’appelante a interjeté appel devant un tribunal de révision à l’encontre d’une décision rendue par l’intimé en vertu de la Loi sur la sécurité de la vieillesse (la « LSV »);

 

          Attendu que le moyen d’appel invoqué par l’appelante repose sur le fait que la décision du ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences concernant l’admissibilité de l’appelante au Supplément de revenu garanti pour la période de paiement du 1er juillet 2009 au 30 juin 2010 était mal fondée;

 

          Attendu que l’appel de la dite décision a été renvoyé pour décision devant la Cour canadienne de l’impôt en vertu du paragraphe 28(2) de la LSV;

 

          Et après avoir entendu les observations des deux parties;

 

          La Cour conclut que Sorour Lankarani était tenue par le paragraphe 146(8) de la Loi de l’impôt sur le revenu d’inclure 7 542,86 $ dans son revenu pour l’année civile se terminant le 31 décembre 2008. L’appel est par conséquent rejeté sans dépens conformément aux motifs du jugement ci‑joints, et le commissaire des tribunaux de révision doit être informé en conséquence.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de mars 2011.

 

 

 

 

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de mai 2011.

 

Espérance Mabushi, M.A.Trad. Jur.

 

 


 

 

 

Référence : 2011 CCI 176

Date : 20110322

Dossier : 2010-2256(OAS)

ENTRE :

SOROUR LANKARANI,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DES RESSOURCES HUMAINES ET DU DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Hogan

 

Introduction

 

[1]              Il s’agit d’un renvoi effectué en vertu du paragraphe 28(2) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse[1] (la « LSV ») concernant le calcul du revenu selon la définition contenue à l’article 2 de la LSV.

 

Contexte factuel

 

[2]              Selon la LSV, le supplément de revenu garanti (le « SRG ») est un complément à la pension de la sécurité de la vieillesse pour des prestataires qui ont des revenus modestes. Le juge Hershfield, de la Cour, a décrit le régime général du SRG dans Ward c. Ministre des Ressources humaines et du Développement social[2] de la manière suivante :

 

4          [...] Premièrement, le droit au SRG pour la période de douze mois commençant le 1er juin de chaque année et se terminant le 31 juillet de l’année suivante dépend du revenu du demandeur au cours de l’année de référence applicable à ce dernier, c’est‑à‑dire de l’année d’imposition précédant la période particulière de douze mois à l’égard de laquelle une demande de SRG est faite. Cette période particulière de douze mois est appelée la « période de paiement en cours ». Étant donné que, dans certains cas, le revenu d’un demandeur peut baisser au cours de la période de paiement du SRG suivante, de sorte que le demandeur se trouve dans une situation pire, sur le plan du revenu, que celle qui était prévue selon le revenu de l’année civile antérieure, le demandeur est autorisé, dans certaines circonstances, à estimer le montant du revenu réduit, de façon que le ministre puisse apporter les rajustements nécessaires au montant du SRG à lui verser.

 

[3]              L’appelante a présenté une demande de SRG datée du 24 juin 2008. Elle a pris sa retraite le 11 janvier 2009 et a commencé à recevoir le SRG en février 2009. Le ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences (le « ministre ») a reçu la « première estimation » du revenu de l’appelante le 14 janvier 2009, et cette estimation a été utilisée pour établir l’admissibilité de l’appelante au SRG pour la période de paiement 2009‑2010.

 

[4]              Le 24 septembre 2009, le ministre a notifié l’appelante que, dans la mesure où elle n’avait pas déclaré un montant de 7 542,86 $ retiré d’un REER en 2008, elle avait obtenu un paiement en trop de SRG. Le ministre a en conséquence réduit le montant de SRG auquel l’appelante avait droit, et a demandé qu’elle rembourse le trop‑perçu.

 

[5]              L’appelante a ensuite engagé le processus d’appel et, comme la question en litige concerne le revenu, le tribunal de révision a renvoyé l’avis d’appel à la Cour.

 

Position de l’intimé

 

[6]              L’intimé soutient que le ministre a correctement calculé le revenu de l’appelante en ce qui concerne la période visée par l’appel. Étant donné que le calcul du revenu en vertu de la LSV est fondé sur la manière dont le revenu est établi en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu[3] (la « LIR »), et que les fonds retirés d’un REER constituent un revenu dans l’année où ils ont été retirés, la réduction du montant du SRG auquel l’appelante a droit est correcte au titre de l’alinéa 14(2)c) de la LSV.

 

Analyse

 

Le droit

 

[7]              Le « revenu » est défini à l’article 2 de la LSV. Cette disposition est en partie libellée de la manière suivante :

 

« revenu » Le revenu d’une personne pour une année civile, calculé en conformité avec la Loi de l’impôt sur le revenu, sous réserve de ce qui suit :

[...]

 

[8]              Le montant du SRG auquel un prestataire a droit est calculé conformément à l’article 12 de la LSV. Le calcul est fait en fonction du revenu, et la disposition pertinente de l’article 12 de la LSV en ce qui concerne le présent appel est ainsi libellée :

 

(6) Au présent article, « revenu mensuel de base » s’entend :

 

a) dans le cas du demandeur qui n’est pas visé à l’alinéa b) ou c), du douzième de son revenu pour l’année de référence;

[...]

 

[9]              L’article 10 de la LSV donne la définition de l’« année de référence » et de la « période de paiement en cours » de la manière suivante :

 

« année de référence » L’année civile précédant la période de paiement en cours.

 

« période de paiement en cours » La période de paiement pour laquelle le demandeur fait sa demande de supplément.

 

[10]         Lorsqu’un prestataire de pension de la sécurité de la vieillesse prend sa retraite au cours d’une période de paiement, il est autorisé par le paragraphe 14(2) de la LSV à produire une estimation qui montre l’incidence de cette retraite sur son revenu afin de permettre au ministre de faire un rajustement en conséquence. Il est exigé à ce paragraphe que tout autre revenu de l’année de référence soit ajouté au montant estimatif de la pension et au revenu d’emploi aux fins du calcul du paiement de SRG rajusté. Voici la teneur du paragraphe 14(2) de la LSV :

 

(2) Le demandeur — ou son époux ou conjoint de fait, dans le cas où celui-ci produit la déclaration visée à l’alinéa 15(2)a) — peut produire une seconde déclaration s’il a cessé une activité rémunérée — charge, emploi ou exploitation d’une entreprise — pendant la période de paiement en cours. La seconde déclaration est à produire au plus tard à la fin de la deuxième période de paiement suivant la période de paiement en cours et indique le revenu estimatif pour l’année civile au cours de laquelle se produit la cessation, lequel correspond alors au total des éléments suivants :

 

a) le produit de son revenu perçu au titre de tout régime de pension au cours de la partie de l’année civile qui suit le mois de la cessation et de la fraction dont le numérateur est douze et le dénominateur le nombre de mois compris dans cette partie d’année;

 

b) son revenu perçu au titre de toute activité rémunérée pour cette année civile, compte non tenu du revenu perçu au titre de l’activité qu’il a cessé d’exercer;

 

c) son revenu pour l’année de référence, compte non tenu du revenu perçu au cours de celle-ci au titre de toute activité rémunérée ou de tout régime de pension.

 

[11]         L’article 14 du Règlement sur la sécurité de la vieillesse[4] définit le « revenu provenant d’un régime de pensions » pour l’application de l’article 14 de la LSV de la manière suivante :

 

14. Pour l’application de l’article 14 de la Loi, le revenu provenant d’un régime de pension est le total des montants perçus au titre :

 

a) de rentes;

b) de prestations alimentaires et de soutien;

c) de prestations d’assurance-emploi;

d) de prestations d’invalidité provenant d’un régime d’assurance privé;

e) de prestations, autres que des prestations de décès, versées aux termes du Régime de pensions du Canada ou d’un régime provincial de pensions, tel que défini dans le Régime de pensions du Canada;

f) de pensions ou de pensions de retraite, autres que les prestations reçues aux termes de la Loi et tout versement semblable reçu en vertu d’une loi provinciale;

g) d’une indemnité versée aux termes d’une loi fédérale ou provinciale sur l’indemnisation des victimes d’accidents du travail, en raison d’une blessure, d’une invalidité ou d’un décès;

h) d’allocations de complément de ressources versées aux termes d’un accord visé au paragraphe 33(1) de la Loi sur le ministère du Développement des ressources humaines, en raison d’une réduction définitive du personnel visée à ce paragraphe;

i) d’allocations de complément de ressources versées au titre du Programme d’adaptation des travailleurs d’usine, du Programme de retraite anticipée des pêches ou du Programme d’adaptation et de redressement de la pêche de la morue du Nord, en raison d’une réduction définitive du personnel.

 

 

[12]         La LIR traite de l’imposition et de l’administration des REER. Le paragraphe 146(8) de la LIR prévoit que les montants retirés d’un REER sont à inclure dans le calcul du revenu de l’année où les retraits sont effectués. Cette disposition est ainsi libellée :

 

(8) Est inclus dans le calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition le total des montants qu’il a reçus au cours de l’année à titre de prestations dans le cadre de régimes enregistrés d’épargne-retraite, à l’exception des retraits exclus au sens des paragraphes 146.01(1) ou 146.02(1), et des montants qui sont inclus, en application de l’alinéa (12)b), dans le calcul de son revenu.

 

[13]         En outre, l’alinéa 56(1)h) de la LIR confirme que les sommes retirées d’un REER sont imposables. Cette disposition est en partie ainsi libellée :

 

56(1) Sans préjudice de la portée générale de l’article 3, sont à inclure dans le calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition :

[...]

 

h) toutes sommes relatives à un régime enregistré d’épargne-retraite ou à un fonds enregistré de revenu de retraite et qui doivent, en vertu de l’article 146, être incluses dans le calcul du revenu du contribuable pour l’année;

[...]

 

[14]         Dans Chubak c. Canada (ministre du Développement des ressources humaines)[5], le juge Beaubier a conclu que les montants retirés d’un REER constituaient un revenu pour le contribuable pour l’application de la LSV, par l’effet de l’alinéa 56(1)h) et de l’article 146 de la LIR.

 

[15]         En outre, dans Gramaglia c. Ministre des Ressources humaines et du Développement social[6], le juge Beaubier a conclu que les montants retirés d’un REER au titre du Régime d’accession à la propriété (le « RAP ») et qui ne sont pas remboursés comme prévu sont à inclure dans le revenu aux fins du calcul du SRG auquel le prestataire a droit. De plus, le juge Bowie a conclu dans Furma c. Ministre du Développement des ressources humaines Canada[7] que lorsque le REER arrive à échéance avant que le remboursement soit effectué au titre du RAP, les montants non remboursés au titre du plan constituent un revenu aux fins du calcul du SRG auquel le prestataire a droit.

 

[16]         En résumé, il est évident que les retraits effectués d’un REER sont à inclure dans le revenu au titre de la LIR. Il est clairement établi par la jurisprudence que les retraits effectués d’un REER doivent figurer dans le revenu utilisé pour établir le SRG auquel le prestataire a droit.

 

[17]         Pour calculer le montant de SRG auquel elle avait droit, l’appelante devait explorer un ensemble de règles techniques qui sont difficilement compréhensibles par la plupart des contribuables.

 

[18]         Premièrement, pour calculer le revenu au titre de la LSV, il faut d’abord tenir compte de la période de paiement en question. En l’espèce, il s’agit de la période de paiement 2009‑2010, qui va du 1er juillet 2009 au 30 juin 2010. En général, pour établir le SRG auquel un prestataire a droit pour cette période, il faut tenir compte du revenu de l’année de référence.

 

[19]         L’année de référence, en l’espèce, est l’année civile qui a pris fin avant la période de paiement en question, et cette année là est l’année d’imposition 2008. C’est donc à juste titre que le ministre a utilisé les sommes déclarées comme revenu pour établir le SRG auquel l’appelante avait droit pour la période de paiement 2009‑2010.

 

[20]         Deuxièmement, il faut trancher la question de savoir si le retrait effectué du REER a été inclus correctement dans les sommes déclarées comme revenu et utilisées pour calculer le SRG. Le retrait effectué du REER est supposé avoir eu lieu en 2008. Par application du paragraphe 146(8) de la LIR, les retraits effectués d’un REER au cours d’une année sont à inclure dans le revenu de cette année là, et cette exigence est réitérée à l’alinéa 56(1)h) de la LIR. En témoigne la jurisprudence citée ci-dessus. Par conséquent, le retrait effectué du REER par l’appelante en 2008 est à inclure dans son revenu de 2008 en vertu de la LIR.

 

[21]         Comme l’article 2 de la LSV prévoit que le revenu au titre de cette loi est le même que le revenu au titre de la LIR (moyennant quelques exceptions qui ne sont pas applicables en l’espèce), le montant retiré du REER a aussi été correctement inclus dans le revenu de l’appelante pour 2008 pour l’application de la LSV.

 

[22]         Enfin, la dernière question qu’il faut trancher est de savoir si le montant du REER a été correctement inclus dans la somme déclarée comme revenu et utilisée pour établir si le montant de SRG auquel l’appelante a droit doit être rajusté. Les retraits effectués d’un REER ne sont ni un revenu de pension ni un revenu d’emploi selon le paragraphe 14(2) de la LSV. Par conséquent, ces retraits doivent être inclus dans le revenu en vertu de l’alinéa 14(2)c) de la LSV. L’article 14 de la LSV inclut tous les revenus pour l’année de référence, sauf le revenu d’emploi ou le revenu perçu au titre de tout régime de pension.

 

[23]         En conséquence, étant donné que le retrait effectué du REER était un revenu au cours de l’année d’imposition 2008, qui est l’année de référence pour la période de paiement 2009‑2010, c’est à juste titre que le ministre a inclus ce retrait dans le calcul du montant de SRG auquel l’appelante avait droit pour la période de paiement 2009‑2010 au titre de l’article 14(2) de la LSV.

 

Conclusion

 

[24]         Pour les motifs exposés ci‑dessus, la Cour conclut que Sorour Lankarani était tenue par le paragraphe 146(8) de la LIR d’inclure 7 542,86 $ dans son revenu pour l’année civile se terminant le 31 décembre 2008, et le commissaire des tribunaux de révision doit être informé en conséquence.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de mars 2011.

 

 

 

 

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de mai 2011.

 

Espérance Mabushi, M.A.Trad. Jur.

 


RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 176

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2010-2256(OAS)

 

INTITULÉ :                                       SOROUR LANKARANI

                                                          c.

                                                          MINISTRE DES RESSOURCES HUMAINES ET DU DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 20 janvier 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Robert J. Hogan

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 22 mars 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

M. R.J. Marsh

Avocat de l’intimé :

Me Scott England

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante:

 

                          Nom :                     

 

                          Cabinet :

 

       Pour l’intimé :                             Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1] L.R.C. 1985, ch. O‑9.

[2] 2008 CCI 25.

[3] L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1.

[4] C.R.C., ch. 1246.

[5] [2000] A.C.I. no 765 (QL).

[6] 2007 CCI 218.

 

[7] 2004 CCI 229.

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