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Référence : 2011 CCI 300

Date : 20110614

Dossiers : 2010-2412(EI)

2010-2413(CPP)

ENTRE :

177398 CANADA LTD.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

(Révisés à partir de la transcription des motifs du jugement rendus oralement à l’audience à Vancouver (Colombie‑Britannique), le 13 mai 2011.)

 

La juge Campbell

 

[1]     Qu’il soit consigné au dossier que je rends oralement les motifs en ce qui concerne deux appels que j’ai entendus hier. L’appelante est une société à dénomination numérique : 177398 Canada Limited.

 

[2]     La société appelante exploite une entreprise offrant des services en tous genres dans le domaine de la plomberie résidentielle. Elle fait affaire sous la dénomination sociale Advantage Plumbing and Drainage et, dans les motifs que je rendrai oralement, c’est cette dénomination (« Advantage Plumbing ») que j’emploierai pour désigner l’appelante, plutôt que sa dénomination numérique. L’appelante interjette appel de deux décisions du ministre portant qu’un travailleur, M. Bruce Larry Harder, a occupé, du 1er décembre 2007 au 31 décembre 2008, un emploi assurable et ouvrant droit à pension au sens des alinéas 5(1)a) de la Loi sur l’assurance‑emploi et 6(1)a) du Régime de pensions du Canada, respectivement.

 

[3]     La question qui se pose en l’espèce est de savoir si, au cours de cette période, M. Harder a travaillé pour l’appelante comme employé ou comme entrepreneur indépendant.

 

[4]     Le président et directeur général (le « PDG ») de l’appelante, Fred Van Hunenstijn, a témoigné pour le compte de cette dernière. L’intimé, quant à lui, a appelé à la barre des témoins le travailleur et un autre plombier, Brian Rossiter, qui a lui aussi travaillé pour Advantage Plumbing entre la fin de 2003 et le mois de mai 2010. Selon le PDG d’Advantage Plumbing, celle‑ci aurait embauché à la fois des employés et des entrepreneurs indépendants au cours de la période visée en l’espèce. La société compte au total quelque 25 travailleurs. Contrairement aux entrepreneurs indépendants, les employés étaient en général moins qualifiés, avaient moins d’expérience et se voyaient confier des travaux de moindre envergure dont la durée ne dépassait pas une journée.

 

[5]     Aux dires du PDG, M. Harder a été engagé en 2002 en tant qu’entrepreneur indépendant parce qu’il possédait des connaissances spécialisées, des compétences et une expérience considérables. Les parties ont conclu un contrat qui a régi leur relation de travail pendant cinq ans.

 

[6]     En août 2007, les parties ont conclu un autre contrat qui renvoyait au contrat de 2002 et qui visait à modifier les clauses de ce dernier. Le deuxième contrat réitérait l’intention des parties, qui était que le travailleur soit un entrepreneur indépendant et non un employé de l’appelante. Au paragraphe 3.1 du contrat, il était stipulé que le travailleur recevrait une rémunération correspondant à 45 pour cent du prix global brut des services de plomberie, moins le coût des pièces et matériaux fournis par l’appelante et des frais exigés par l’appelante, le cas échéant, pour louer au travailleur les outils spécialisés et l’équipement qu’elle possédait.

 

[7]     En décembre 2007, ces conditions de travail ont été modifiées. D’après la preuve produite par l’appelante, M. Harder était un excellent plombier, mais ses difficultés et problèmes personnels nuisaient à son travail. Toujours selon l’appelante, ces problèmes étaient nombreux : il arrivait notamment que le travailleur disparaisse pendant plusieurs jours, qu’il ne rencontre pas les clients à l’heure prévue et qu’il omette de présenter des factures pour certains travaux. Les efforts déployés pour remédier à ces problèmes et, en particulier, à ceux relevant de la comptabilité ont donné lieu à la modification de plusieurs aspects importants de la relation de travail. L’appelante a confié au travailleur le poste de superviseur technique sur le terrain, pour lequel il était rémunéré à un taux journalier plafonné à 350 $. Ce taux comprenait l’utilisation du camion de l’appelante ainsi que de sa machinerie et de son équipement lourds, comme ses excavateurs et son véhicule Bobcat. Auparavant, les outils étaient loués lorsque l’appelante en exigeait l’utilisation sur un chantier. Le travailleur fournissait toujours ses propres outils à main, d’une valeur approximative de plusieurs milliers de dollars, outils qui étaient ceux qu’un plombier utilise normalement dans l’exercice de son travail.

 

[8]     À titre de superviseur technique sur le terrain, le travailleur remplissait essentiellement la fonction d’expert en dépannage. À l’audience, l’appelante a parlé d’un [traduction] « expert en dépannage sur les chantiers qui déraillaient ». Le travailleur avait pour responsabilité de remettre le chantier sur la bonne voie ou de le mener à bien. En tant que plombier d’expérience, il était également appelé à contribuer à la formation des techniciens en plomberie. Il travaillait en moyenne de trois à quatre jours par semaine.

 

[9]     L’appelante fournissait à M. Harder un téléphone cellulaire et un téléavertisseur dont elle se servait pour l’aviser des endroits où il devait aller travailler.

 

[10]   L’appelante affirme que le travailleur pouvait refuser du travail. Toutefois, le travailleur a déclaré le contraire : il avait l’impression qu’il ne pouvait pas refuser le travail qu’on voulait lui confier et que s’il ne pouvait s’en acquitter, il devait en informer le bureau de l’appelante en communiquant avec le répartiteur. L’appelante payait les cotisations du travailleur au régime d’indemnisation des accidents du travail, elle avait souscrit une assurance responsabilité civile pour le compte de ce dernier et elle lui offrait une protection en matière de soins de santé et de soins dentaires. Elle a déclaré que, pendant la période en cause, le travailleur pouvait choisir, en tant qu’entrepreneur indépendant, de participer ou non au régime de soins de santé et de soins dentaires, un choix que les employés n’avaient pas. Le travailleur, quant à lui, a affirmé que le régime d’assurance lui avait été offert et qu’il l’avait accepté sans avoir l’impression qu’il était libre d’y participer ou non.

 

[11]   Selon l’appelante, le camion fourni au travailleur pendant la période visée par les présents appels était un instrument de promotion puisqu’il arborait le nom de l’appelante. Par ailleurs, l’appelante prenait à sa charge le coût du carburant et les frais d’assurance, de réparation et d’entretien du camion. Le véhicule était également doté d’un système de localisation GPS qui, aux dires de l’appelante, était utilisé pour surveiller les allées et venues du travailleur ou, pour reprendre les termes du PDG, pour [traduction] « reconstitu[er] son itinéraire » afin de déterminer s’il s’était rendu sur un chantier donné. Aux yeux du travailleur, le système GPS était un moyen pour l’appelante de connaître l’emplacement du véhicule et de contrôler ses heures de travail.

 

[12]   Le travailleur avait sur lui un lot de cartes de visite portant le nom et le logo de l’appelante ainsi que son propre nom et son titre. Le travailleur a affirmé qu’à son arrivée sur les lieux d’un chantier, il se présentait comme étant un représentant d’Advantage Plumbing. Pour le paiement des travaux, il transmettait ses heures de travail à l’appelante par courriel ou par téléphone. Il a déclaré qu’il ne pouvait pas accepter d’autres contrats, parce qu’il devait chaque jour être disponible pour l’appelante. Il n’a jamais été inscrit aux fins de la TPS et n’a jamais facturé cette taxe à l’appelante.

 

[13]   S’il avait besoin d’assistants pour un chantier, il ne pouvait pas en engager par lui‑même. Il devait plutôt téléphoner au bureau de l’appelante, et c’était elle qui se chargeait de l’embauche des aides nécessaires. Si des dommages survenaient sur un chantier, c’est à l’appelante qu’il incombait de remédier aux problèmes.

 

[14]   Le troisième témoin, Brian Rossiter, a confirmé le témoignage du travailleur concernant la remise des cartes de visite de l’appelante aux clients et le fait que l’adhésion au régime de soins de santé et de soins dentaires dont bénéficiaient les travailleurs n’était pas facultative comme l’avait déclaré l’appelante dans son témoignage. Il a également corroboré les dires du travailleur selon lesquels il n’avait pas le loisir de refuser le travail qui lui était offert. Il a ajouté qu’il ne dressait jamais ses propres factures : le prix de chaque projet était fixé par l’appelante et, lorsqu’il avait terminé les travaux, le client signait des documents qui étaient ensuite remis à l’appelante. Plus tard, M. Rossiter recevait, sous forme de chèque, un paiement établi selon une formule de calcul des commissions semblable à celle qui s’appliquait au travailleur avant que ses conditions de travail ne soient modifiées.

 

[15]   Je passe maintenant à l’examen du droit applicable dans ce domaine. Les avocats de l’appelante et de l’intimé conviennent que le critère à appliquer dans le cadre des présents appels est celui qui a été énoncé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., 2001 C.S.C. 59. Bien qu’il soit vrai que cette affaire ne traite pas de l’assurance‑emploi mais bien de la question de la responsabilité du fait d’autrui, la Cour suprême a adopté les quatre critères formulés dans l’arrêt Wiebe Door Services v. Minister of National Revenue (1986), 87 D.T.C. 5025 (C.A.F.).

 

[16]   Aux paragraphes 46 à 48 des motifs de cet arrêt, le juge Major déclare qu’aucun critère universel ne permet de déterminer, de façon concluante, si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant. Il convient plutôt d’étudier tous les facteurs influant sur la nature globale du lien entre les parties. Selon les faits propres à chaque affaire, certains de ces facteurs auront plus d’importance que d’autres; il se pourrait même que certains d’entre eux n’aient aucune incidence. Bien qu’il n’existe aucune formule magique qui permette de trancher une question de cet ordre, l’arrêt Wiebe Door propose une liste de critères utiles pour y arriver, liste qui n’est toutefois pas exhaustive. Et comme l’a indiqué le juge Major, la question centrale est de savoir, et je cite :

 

[…] si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte.

 

[17]   Pour répondre à cette question, le juge Major fait appel aux critères énumérés dans l’arrêt Wiebe Door, soit le contrôle, la propriété des instruments de travail, la possibilité de réaliser un profit et le risque de perte. Aux critères de l’arrêt Wiebe Door, il faut aussi ajouter la question de l’intention des parties quant à la nature de leur relation de travail (suivant l’arrêt Royal Winnipeg Ballet c. Ministre du Revenu national, [2006] A.C.F. no 339). Toutefois, comme le souligne clairement cet arrêt, le terme employé par les parties pour désigner leur relation ne constitue pas forcément un élément déterminant. Si le tribunal conclut, après avoir passé en revue l’ensemble des faits mis en preuve à la lumière des critères énoncés dans l’arrêt Wiebe Door, que la qualification donnée à la relation n’est pas étayée par les clauses contractuelles, il accordera peu d’importance à l’intention des parties. C’est ce que permet d’affirmer l’arrêt Wolf v The Queen, 2002 D.T.C. 6853 (C.A.F.). En effet, au paragraphe 119 des motifs de l’arrêt Wolf, la cour d’appel fédérale déclare ce qui suit :

 

[…] Lorsqu’un contrat est signé de bonne foi comme un contrat de service et qu’il est exécuté comme tel, l’intention commune des parties est claire et l’examen devrait s’arrêter là…

 

Puis, au paragraphe 122, elle ajoute :

 

[…] il s’agit d’un cas où la qualification que les parties ont donnée à leur relation devrait se voir accorder un grand poids. Je reconnais que la façon dont les parties décident de décrire leur relation n’est pas habituellement déterminante, en particulier lorsque les critères juridiques applicables pointent dans l’autre direction. Mais, dans une issue serrée […], si les facteurs pertinents pointent dans les deux directions avec autant de force, l’intention contractuelle des parties et en particulier leur compréhension mutuelle de la relation ne peuvent pas être laissées de côté.

 

[18]   Je me propose maintenant d’appliquer aux faits de l’espèce les principes de droit qui se dégagent du cadre juridique qui vient d’être exposé.

 

[19]   En l’espèce, il est évident qu’il n’existe entre les parties aucune intention commune ou compréhension mutuelle quant à la nature de leur relation. Elles la désignent par des termes différents, malgré tout contrat supposé. L’appelante a déclaré dans son témoignage que le travailleur avait initialement été engagé comme entrepreneur indépendant et que cette situation était restée la même pendant toute la période où il avait travaillé pour Advantage Plumbing, comme la preuve documentaire et son témoignage en faisaient foi. Selon l’appelante, le travailleur était toujours entrepreneur indépendant en décembre 2007, malgré les changements apportés à la relation de travail.

 

[20]   Dans son témoignage, le travailleur a dit qu’après l’instauration de ces changements, il s’était perçu comme un employé pendant la période en cause. Il aurait vraisemblablement été utile de pouvoir consulter les déclarations de revenus du travailleur, mais celui‑ci n’en a produit aucune depuis 2002.

 

[21]   Je ne partage pas l’avis de l’appelante selon lequel la Cour ne peut pas faire abstraction de l’entente écrite constatant l’intention des parties. Une telle entente doit être écartée lorsqu’il est évident qu’aucune intention commune ne se dégage des faits. En outre, l’appelante semble se fonder dans une certaine mesure sur le contrat de décembre 2002 et surtout, sur celui d’août 2007; or, ces deux contrats ont par la suite été considérablement modifiés.

 

[22]   Les arguments qui m’ont été présentés étaient fondés sur le fait que le contrat d’août 2007 devait rester en vigueur pendant cinq ans, qu’il n’avait jamais été résilié et que les parties s’étaient limitées à le modifier, conformément à ce qui est énoncé au paragraphe 1.2. S’il est vrai que les parties n’ont pas formellement résilié le contrat de 2007 en décembre 2007, elles se sont néanmoins lancées dans une transformation complète de leur relation de travail; ce faisant, elles ont mis fin au contrat de 2007. On a modifié le mode de rémunération, les tâches du travailleur et les modalités de location du matériel de l’appelante, et des moyens ont été pris pour contrôler les déplacements du travailleur et réduire sensiblement ses tractations financières avec les clients. Toutes ces conditions sont d’une portée considérable pour la relation de travail.

 

[23]   Je ne puis retenir la proposition de l’appelante selon laquelle les parties s’étaient engagées, au paragraphe 1.2, à modifier toutes ces clauses de façon consensuelle. Le paragraphe 1.2 permet aux parties de modifier les services offerts par le travailleur, mais les changements apportés dépassaient largement le texte et l’intention de ce paragraphe.

 

[24]   Bien que l’intimé n’ait pas traité directement de cet argument, je crois que les parties ont établi une nouvelle relation de travail qui différait de celle décrite dans l’un ou l’autre des contrats précédents. Toutefois, la preuve ne permet pas d’affirmer que les parties avaient une intention commune concernant cette nouvelle relation. Par ailleurs, à supposer que je sois arrivée à une conclusion erronée et que le contrat de 2007 soit resté en vigueur sous réserve des modifications apportées, il n’en demeure pas moins qu’aucune intention commune n’existait entre les parties quant à leur relation sous le régime de ce contrat. Pour être déterminante, l’intention doit être suffisamment explicite, et elle doit en outre être distinctement étayée par les critères applicables et la preuve produite. Puisque ce n’est pas le cas en l’espèce, je passe maintenant à l’analyse des critères énoncés dans l’arrêt Wiebe Door.

 

[25]   Le premier critère est celui du contrôle. À cet égard, une importante distinction s’impose, en ce sens qu’il n’est pas question du « contrôle réel » exercé par l’appelante sur le travailleur, mais de son « droit d’exercer un contrôle » sur le travailleur. Comme on peut le lire au paragraphe 19 de l’arrêt Le Livreur Plus Inc. c Ministre du Revenu national, [2004] A.C.F. no 267 (C.A.F.) :

 

[…] Le contrôle du résultat ne doit pas être confondu avec le contrôle du travailleur.

 

La personne qui embauche un entrepreneur indépendant s’attend néanmoins à ce que le travail exécuté respecte les exigences et les conditions précisées. Cela dit, dans le cas d’un entrepreneur indépendant, celle‑ci ne dispose pas du droit d’exercer un contrôle sur la façon dont l’entrepreneur indépendant s’organise pour parvenir au résultat attendu.

 

[26]   Dans l’affaire qui nous intéresse, l’appelante a fait appel, à partir de décembre 2007, à plusieurs méthodes visant à exercer un contrôle sur un travailleur qu’elle souhaitait conserver pour son expertise tout en atténuant la portée de ses problèmes personnels sur son travail. L’appelante a installé un système GPS dans le camion utilisé par le travailleur sur les chantiers afin de pouvoir suivre de près, chaque jour, ses heures de travail et ses déplacements. L’appelante limitait également les possibilités de tractations financières entre le travailleur et les clients. Elle a déclaré que cela s’inscrivait dans une volonté de limiter le pouvoir du travailleur d’établir des factures.

 

[27]   Le travailleur n’avait pas voix au chapitre concernant le travail ou l’affectation des travailleurs. Il était surtout appelé à diagnostiquer et à régler les problèmes qui se présentaient sur les chantiers. Il prétend qu’il disposait sur chaque chantier d’un champ d’action limité. Par exemple, s’il fallait réduire la facture d’un client en raison d’un problème qui était survenu, il devait téléphoner au bureau de l’appelante afin d’obtenir son accord.

 

[28]   J’en conclus que le critère du contrôle incite à conclure que le travailleur était un employé plutôt qu’un entrepreneur indépendant. Il était en situation de subordination. Il devait être disponible chaque jour. On lui disait où il devait se rendre. On contrôlait son horaire et ses déplacements tout au long de la journée. Par ailleurs, même si le travailleur n’avait pas besoin de supervision pour accomplir ses tâches concrètes, la preuve indique que l’appelante se réservait le droit d’exercer sur lui un contrôle.

 

[29]   Le critère suivant est celui de la propriété des outils. Là encore, ce critère indique que le travailleur était un employé. Il fournissait les outils à main normalement utilisés par les plombiers qui travaillaient pour l’appelante, que ce soit à titre d’employés ou d’entrepreneurs. La valeur de ces outils s’élevait à plusieurs milliers de dollars. L’appelante fournissait les matériaux nécessaires ainsi que l’équipement plus lourd, comme les excavateurs. Dans les contrats de 2002 et de 2007, il était prévu que le travailleur devait payer la location des outils et de l’équipement appartenant à l’appelante. Toutefois, d’après le contrat ultérieur de décembre 2007, ceux‑ci lui étaient fournis gratuitement. Par ailleurs, l’appelante fournissait au travailleur un téléphone cellulaire et un téléavertisseur, de même qu’un camion, à l’égard duquel elle payait le carburant et les autres frais. Il est également révélateur que le travailleur remettait aux clients les cartes de visite de l’appelante qu’il avait toujours en sa possession. Cela ne va pas dans le sens de ce que ferait un entrepreneur indépendant pour la promotion de sa propre entreprise. De plus, M. Rossiter a corroboré les propos du travailleur sur ce point, ajoutant qu’il remettait la carte de visite de l’appelante aux clients lorsqu’il se présentait à eux.

 

[30]   Enfin, le travailleur a déclaré qu’il était censé porter l’uniforme fourni par l’appelante, à savoir une chemise et une casquette, mais qu’il respectait rarement ce code vestimentaire. M. Rossiter, quant à lui, a indiqué qu’il portait toujours l’uniforme.

 

[31]   Les deux critères suivants, dont je vais traiter simultanément, sont la possibilité de réaliser un profit et le risque de perte. Le contrat de décembre 2007 constatait un changement de taille en matière de rémunération. Jusqu’à décembre 2007, le travailleur recevait une commission calculée en pourcentage sur les travaux exécutés, de sorte que plus il terminait rapidement le travail qui lui était confié, plus il était susceptible d’accroître son profit. Or, en décembre 2007, il ne recevait plus qu’une rémunération quotidienne plafonnée à 350 $. Le travailleur a indiqué dans son témoignage qu’il devait demeurer à la disposition de l’appelante et qu’il lui était donc impossible d’accepter de travailler pour autrui. Cette situation a elle aussi fortement entravé la possibilité qu’il aurait pu avoir de réaliser des profits. Au bout du compte, indépendamment du nombre de problèmes qu’il pouvait résoudre sur les chantiers, sa rémunération était plafonnée à 350 $ par jour.

 

[32]   Le contrat de décembre 2007 atténuait également les risques de perte préalablement encourus par le travailleur en limitant la responsabilité de ce dernier à l’égard de l’ensemble des frais. Ces frais incombaient désormais à l’appelante. De plus, le travailleur n’était pas autorisé à embaucher des assistants : l’appelante se réservait en effet le droit de retenir les services de tout assistant requis.

 

[33]   Comme c’est le cas, la plupart du temps, lorsqu’il s’agit de relations employeur‑employé, l’appelante fournissait une assurance responsabilité civile, payait les cotisations au régime d’indemnisation des accidents du travail et offrait une protection en matière de soins de santé et de soins dentaires. Le témoignage de M. Rossiter corrobore celui du travailleur : aucun d’eux ne s’est vu offrir le choix d’adhérer ou non à ce régime de protection.

 

[34]   Enfin, si des dommages survenaient sur un chantier, c’était encore une fois à l’appelante qu’il revenait de payer pour corriger le problème.

 

[35]   Après avoir examiné l’ensemble de la preuve au regard de la qualification qu’il convient de donner à la relation globale entre les parties, je conclus, en réponse à la question que pose pertinemment le juge Major dans l’arrêt Sagaz, que pendant la période en cause, le travailleur a fourni les services dont il est question en l’espèce pour le compte de l’appelante, et non en tant que personne travaillant à son compte. En définitive, les clients n’étaient pas les siens, mais ceux de l’appelante, et l’entreprise appartenait à l’appelante. Même si je devais écarter l’ensemble des critères énoncés dans l’arrêt Wiebe Door et celui de l’intention pour m’en remettre uniquement au bon sens, j’arriverais à la conclusion que le travailleur, en l’espèce, présentait tous les attributs d’un employé, et non ceux d’un entrepreneur indépendant.

 

[36]   Par conséquent, pour les motifs qui précèdent, les appels sont rejetés sans frais.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de juin 2011.

 

 

« Diane Campbell »

Juge Campbell

 

Traduction certifiée conforme

Ce 10e jour de février 2014.

 

S. Tasset

 

 


 

RÉFÉRENCE :                                 2011 CCI 300

 

NOS DES DOSSIERS DE LA COUR :       2010-2412(EI)

                                                          2010-2413(CPP)

 

INTITULÉ :                                      177398 Canada Ltd. c Le ministre du Revenu national

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 12 mai 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge Campbell

 

DATE DU JUGEMENT

RENDU ORALEMENT :                 Le 14 mai 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelante :

Me Meldon Ellis

Avocats de l’intimé :

Me Michael Wheeler

Me Rob Whittaker

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                         Nom :                       Me Meldon Ellis

 

                    Cabinet :                       Ellis Business Lawyers

                                                          Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

       Pour l’intimé :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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