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Dossier : 2011-94(EI)

ENTRE :

ESTHER BOUCHER,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

 

 

ORDONNANCE

  Vu la requête par écrit présentée par l’avocat de l’appelante afin d’obtenir une demande de jugement pour défaut de signification de la réponse de l’intimé à l’intérieur du délai prescrit par les Règles de procédure de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les « Règles »);

 

  Vu la déclaration sous serment de Mme Françoise Bienvenue, déposée;

 

   Et vu les allégations des parties;

 

La requête est rejetée et la demande de l’intimé pour permettre la signification tardive de la réponse est accordée et l’appel sera entendu en considérant que les faits allégués dans l’avis d’appel sont présumés véridiques. 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de juin 2011.

 

 

« B.Paris »

Juge Paris


 

 

 

 

Référence : 2011 CCI 302

Date : 20110614

Dossier : 2011-94(EI)

ENTRE :

ESTHER BOUCHER,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

 

Le juge Paris

 

  • [1] L’appelante, Mme Esther Boucher, présente une requête pour l’obtention d’un jugement en sa faveur suite au défaut de l’intimé de lui signifier la réponse à l’avis d’appel dans le délai requis par le paragraphe 12(2)(a) des Règles de procédure de la Cour canadienne de l’impôt (les « Règles »); à l’égard de la Loi sur l’assurance-emploi. Le paragraphe 12(2)(a) stipule que :

 

 (2) a) Le ministre dépose la réponse au greffe et la signifie à l’appelant ou à l’intervenant, ou aux deux, selon le cas, dans les 60 jours qui suivent la date de la signification au ministre de l’avis d’appel ou de l’avis d’intervention, ou dans le délai supplémentaire que la Cour peut accorder sur demande faite dans ces 60 jours.

 

  • [2] Bien que l’intimé a déposé sa réponse à l’avis d’appel au greffe de la Cour le soixantième jour suivant la signification au ministre de l’avis d’appel, la réponse n’a pas été signifiée à la requérante. En fait, au soixante-et-unième jour, l’intimé a déposé au greffe et a signifié à l’appelante une réponse amendée à l’avis d’appel.

 

  • [3] Dans une déclaration statutaire, Mme Françoise Bienvenue, l’agente de l’Agence du revenu du Canada (L’ « ARC ») responsable du dossier de Mme Boucher explique ce qui s’est passé :

 

[...]

 

3. Le 15 mars 2011, alors que je n’étais pas présente physiquement sur les lieux de mon travail, mon patron, M. Jean Laporte, a remarqué que la réponse dans ce dossier n’avait pas été déposée et que le délai imparti par les Règles de la Cour canadienne de l’impôt se terminait le jour même.

 

4. M. Laporte a donc déposé la réponse en mon nom, en toute urgence par télécopieur, au greffe de la Cour canadienne de l’impôt.

 

5. Au moment où il a déposé la réponse, le 15 mars 2011, mon patron n’avait accès qu’à une copie papier de ma réponse à l’avis d’appel, laquelle comportait le mauvais nom du Sous-procureur général et n’indiquait pas la date de signature.

 

6. Par conséquent, M. Laporte s’attendait à ce que le lendemain, je procède au dépôt d’une réponse amendée.

 

7. Tant mon patron que moi étions sous l’impression que nous bénéficions d’un délai additionnel pour signifier la réponse à l’appelante, tel que les règles de procédure de cette Cour le permettent en matière d’impôt.

 

8. Le lendemain, soit le 16 mars 2011, j’ai déposé, par voie électronique, une réponse amendée à l’avis d’appel et j’ai signifié la réponse amendée au représentant de l’appelant par courrier recommandé. Les seuls éléments différents de la réponse initiale étaient le nom du Sous-procureur général et la date de signature.

 

9. Mon patron et moi croyions que la signification de la réponse amendée était suffisante et qu’il n’était pas nécessaire de signifier la réponse sans amendement à l’appelante puisqu’elle contenait quelques erreurs.

 

10. Mon patron et moi croyions sincèrement que la signification de la réponse à l’appelante un jour après le dépôt de la réponse ne dérogeait à aucune règle de procédure et ne porterait aucun préjudice à l’appelante.

 

  • [4] L’appelante soutient que la Cour devrait accueillir son appel puisque la réponse qui avait été déposée à la Cour le 15 mars ne lui a jamais été signifiée, et puisque l’intimée n’a jamais fait une demande à l’intérieure du délai de 60 jours fixé par le paragraphe 12(2)a) des Règles pour un délai supplémentaire pour signifier la réponse. L’appelante s’appuie sur l’alinéa 15(1) des Règles, qui se lit comme suit :

 

Lorsqu’une réponse à l’avis d’appel n’a pas été signifiée dans le délai de 60 jours prescrit en vertu de l’alinéa 12(2)a) ou dans tout délai supplémentaire que la Cour peut accorder, l’appelant peut, par voie de requête, demander que le jugement soit prononcé à l’égard de la mesure de redressement demandée dans l’avis d’appel.

 

  • [5] L’intimé s’oppose à la demande de jugement, et demande à la Cour de permettre la signification tardive de la réponse. Il soutient que le retard dans la signification n’a pas été causé par négligence ou mauvaise foi, mais en raison d’une erreur, et que le retard ne cause aucun préjudice à l’appelante. Finalement, il soutient qu’il ne serait pas dans le meilleur intérêt de la justice d’accueillir l’appel sans entendre les faits dans ce litige.

 

  • [6] Les dispositions législatives pertinentes sont les suivantes :

 

Règles de procédure de la Cour canadienne de l’impôt à l’égard de la Loi sur l’assurance-emploi, DORS/90-690

 

RÉPONSE

 

12. (1) Le ministre répond par écrit à chaque avis d’appel ou d’intervention déposé ou expédié par la poste à un greffe en vertu du paragraphe 5(5) ou 9(1).

 

(2) a) Le ministre dépose la réponse au greffe et la signifie à l’appelant ou à l’intervenant, ou aux deux, selon le cas, dans les 60 jours qui suivent la date de la signification au ministre de l’avis d’appel ou de l’avis d’intervention, ou dans le délai supplémentaire que la Cour peut accorder sur demande faite dans ces 60 jours.

 

b) La réponse est déposée au greffe où l’avis d’appel ou l’avis d’intervention a été déposé ou expédié par la poste; elle peut être signifiée à l’appelant ou à l’intervenant à personne ou par la poste.

 

b.1) Le dépôt prévu à l’alinéa b) peut être effectué par l’expédition de la réponse par la poste au greffe visé par cet alinéa.

 

c) Si la réponse est signifiée par la poste, la date de signification est la date de la mise à la poste et, en l’absence de toute preuve du contraire, cette date correspond à la date figurant sur la lettre du ministre accompagnant la réponse.


 

RÈGLEMENT DE L’APPEL

 

15. (1) Lorsqu’une réponse à l’avis d’appel n’a pas été signifiée dans le délai de 60 jours prescrit en vertu de l’alinéa 12(2)a) ou dans tout délai supplémentaire que la Cour peut accorder, l’appelant peut, par voie de requête, demander que le jugement soit prononcé à l’égard de la mesure de redressement demandée dans l’avis d’appel.

 

(2) Lorsqu’elle est saisie d’une demande de jugement, la Cour peut :

 

a) [Abrogé, DORS/2007-146, art. 7]

 

b) ordonner l’audition de l’appel en considérant que les faits allégués dans l’avis d’appel sont présumés véridiques;

 

c) accueillir l’appel si les faits allégués dans l’avis d’appel donnent à l’appelant le droit d’obtenir le jugement demandé;

 

d) donner toute autre directive juste.

 

(3) La présomption visée à l’alinéa (2)b) est une présomption réfutable.

 

Décisions

 

  • [7] Dans les circonstances du cas sous étude, je ne suis pas convaincu que le retard minime d’un jour à signifier une réponse à l’avis d’appel à l’appelante justifie que la Cour accueille l’appel sans l’entendre sur le mérite.

 

  • [8] Les faits en l’espèce sont similaires à ceux que l’on trouve dans l’arrêt Carew c. R. [1] , où l’intimé avait signifié la réponse à l’avis d’appel à l’appelant à l’intérieur du délai de 60 jours à cause d’une erreur du messager. La Cour canadienne de l’impôt avait refusé la demande de l’intimé de proroger le délai pour déposer la réponse et la Cour d’appel fédérale a renversé cette décision. La Cour a dit :

 

[…][E]n principe, de nos jours, les tribunaux ne sont pas disposés à laisser des points de procédure empêcher le règlement d'une affaire au fond.

 

  • [9] Le fait que l’intimé en l’espèce a signifié la réponse amendée et non pas la réponse originale à l’appelante est immatériel. Il n’y avait que deux différences mineures de forme entre les deux documents; la position de l’intimé sur les questions en litige était identique.

 

  • [10] L’appelante prétend avoir subi un préjudice financier et moral du à la signification tardive de la réponse et à la réception de la réponse modifiée à la place de la réponse originale. Elle soutient que le délai a eu pour effet de retarder le versement de ses prestations d’assurance-emploi.

 

  • [11] Pourtant, aucun préjudice m’apparaît évident puisque la signification tardive d’un jour n’a pas apparemment retardé l’audition de l’appel.

 

  • [12] L’alinéa 15(2) des Règles donne à la Cour, lorsque saisi d’une demande de jugement, une discrétion d’accorder au demandeur d’autres remèdes que d’accueillir l’appel. Je suis d’accord avec l’appelante que l’excuse fournie par l’agente de l’ARC pour la signification tardive démontre une certaine négligence. Elle ne s’était pas informée du délai applicable pour la signification de la Réponse. Dans ces circonstances, il me paraît juste d’accorder à l’appelante le résultat prévu par le paragraphe 15(2)b) que l’appel soit entendu en considérant que les faits allégués dans l’avis d’appel sont présumés véridiques.

 

  • [13] Pour ces motifs, la requête de l’appelante est rejetée. La demande de l’intimé pour permettre la signification tardive de la réponse est accordée. Enfin, j'ordonne que l'appel soit entendu en considérant que les faits allégués dans l’avis d’appel sont présumés véridiques

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de juin 2011.

 

 

« B.Paris »

Juge Paris

 

 


 

RÉFÉRENCE :    2011 CCI 302

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :    2011-94(EI)

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :    ESTHER BOUCHER  ET M.R.N.

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE PAR :  L'honorable juge B. Paris

 

DATE DE L’ORDONNANCE :    le 14 juin 2011

 

 



[1]   92 D.T.C. 6608.

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