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Dossiers : 2010-2399(EI)

2010-2400(CPP)

 

ENTRE :

 

THE GIRLS GYM OF CANADA LTD.,

appelante,

 

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu les 8 et 9 juin 2011 à Sudbury (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Judith Woods

 

Comparutions :

 

Représentante de l’appelante :

Mme Mary Duhaime

 

Avocate de l’intimé :

Me Ashleigh Akalehiywot

____________________________________________________________________

 

 

JUGEMENT

 

L’appel interjeté à l’encontre des décisions rendues par le ministre du Revenu national (le « ministre ») le 19 avril 2010 en application de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « LAE ») et du Régime de pensions du Canada (le « Régime ») concernant l’emploi assurable et ouvrant droit à pension d’Ashley Carr‑Venhola et de Natasha Delaney est rejeté, et les décisions sont confirmées.

 

L’appel interjeté à l’encontre des décisions du ministre rendues le 19 avril 2010 en application de la LAE et du Régime concernant l’emploi assurable et ouvrant droit à pension de Renee Fuchs et d’Ashley Veale est accueilli, et les décisions sont annulées.

 

          Chaque partie assumera ses propres dépens.

 

 

       Signé à Toronto (Ontario), ce 21e jour de juin 2011.

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 4e jour d’août 2011.

 

Espérance Mabushi, M.A.Trad. Jur.

 

 


 

 

Référence : 2011 CCI 312

Date : 20110621

Dossiers : 2010-2399(EI)

2010-2400(CPP)

ENTRE :

 

THE GIRLS GYM OF CANADA LTD.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Woods

 

[1]              La société The Girls Gym of Canada Ltd. interjette appel des décisions rendues par le ministre du Revenu national (le « ministre ») en application de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « LAE ») et du Régime de pensions du Canada (le « Régime ») concernant l’emploi assurable et ouvrant droit à pension de quatre travailleuses pendant diverses périodes situées entre le 1er août 2006 et le 30 mars 2008.

 

[2]              L’avocate de l’intimé a avisé la Cour au début de l’audience que l’intimé consentait à ce que les appels concernant deux des travailleuses, à savoir Renee Fuchs et Ashley Veale, soient accueillis. Les décisions s’y rapportant seront donc annulées.

 

[3]              Les travailleuses dont le statut demeure en litige sont Ashley Carr‑Venhola et Natasha Delaney (les « travailleuses »).

 

[4]              La période pertinente pour Mme Carr‑Venhola va du 10 août 2006 au 9 février 2007. La période pertinente pour Mme Delaney va du 1er février 2007 au 26 mars 2008.

 

[5]              En l’espèce, la seule question en litige est de savoir si les travailleuses ont été engagées en qualité d’employées ou d’entrepreneures indépendantes pendant les périodes pertinentes. Selon les décisions du ministre, les travailleuses étaient des  employées.

 

[6]              Pendant toutes les périodes pertinentes, l’appelante exploitait un centre de mise en forme pour femmes. Ce centre n’exerce plus d’activités.

 

[7]              Les directeurs de l’appelante étaient Maria Duhaime et son époux, David Beaudry. Mme Duhaime était la gérante de l’entreprise et elle a représenté l’appelante à l’audience.

 

[8]              Mme Duhaime a témoigné pour le compte de l’appelante tandis que l’intimé a appelé deux témoins, à savoir Mme Delaney et Marlene Cundari. Mme Cundari était l’agente des décisions, à l’Agence du revenu du Canada, responsable de ce dossier.

 

[9]              Les principes applicables à une cause comme celle-ci sont bien connus. La caractéristique principale d’un entrepreneur indépendant est l’exploitation d’une entreprise pour son propre compte. L’intention des parties est très pertinente, mais elle n’est pas déterminante. Le critère applicable a été énoncé par la Cour d’appel fédérale dans Royal Winnipeg Ballet c. MRN, 2006 CAF 87, 2006 DTC 6323, en ces termes :

 

64     Dans les circonstances, il me semble qu’il serait contraire aux principes applicables de mettre de côté, en le considérant comme dépourvu de toute force probante, le témoignage non contredit des parties quant à la façon dont elles comprennent la nature de leur relation juridique, même si ce témoignage ne saurait être déterminant. Le juge aurait dû examiner les facteurs de l’arrêt Wiebe Door à la lumière de ce témoignage non contredit et se demander si, dans l’ensemble, les faits étaient compatibles avec la conclusion selon laquelle les danseurs étaient des travailleurs indépendants, comme les parties le pensaient, ou s’ils étaient davantage compatibles avec la conclusion selon laquelle les danseurs étaient des employés. C’est parce que le juge n’a pas adopté cette approche qu’il en est arrivé à une conclusion erronée.

 

[10]         En gardant ces principes à l’esprit, j’examinerai d’abord l’intention des parties.

 

[11]         L’intention des parties n’était pas tout à fait claire au début de la relation. Il était convenu qu’il n’y aurait pas de retenues à la source, et cet élément est un bon indice d’une intention mutuelle d’attribuer aux travailleuses le statut d’entrepreneur indépendant. La situation était toutefois embrouillée par l’utilisation du terme [traduction] « emploi » dans la convention d’engagement écrite.

 

[12]         Dans l’ensemble, je conclus qu’il y avait une intention mutuelle d’attribuer aux travailleuses un statut d’entrepreneur indépendant. Je conclus que telle était l’intention de l’appelante, et que l’utilisation du terme [traduction]  « emploi » dans les conventions était une mention fortuite qui ne visait pas à définir la relation entre les parties. La question de l’intention avait fait l’objet d’une brève discussion avec Mme Delaney au moment de son embauche, et cette dernière avait souscrit au contenu de la discussion.

 

[13]         À l’audience, Mme Delaney a donné un bref témoignage selon lequel elle pensait qu’elle était une employée. J’ai conclu que ce témoignage était trop bref pour être convaincant.

 

[14]         L’intention mutuelle des parties ne met pas fin à l’affaire, toutefois. L’intention est un facteur important, mais elle n’est pas déterminante. Il faut examiner la question de savoir si la conduite des parties était compatible avec cette intention. À mon avis, elle ne l’était pas.

 

[15]         Les facteurs établis dans l’arrêt Wiebe Door, dont il faut tenir compte, sont notamment : le contrôle, la propriété des instruments de travail, la possibilité de profit, le risque de perte et l’intégration.

 

[16]         En l’espèce, comme cela arrive souvent, le facteur du « contrôle » est le plus important. À cette fin, il est pertinent d’examiner la mesure dans laquelle l’appelante pouvait contrôler la manière dont le travail était exécuté.

 

[17]         Les travailleuses avaient été engagées principalement comme entraîneuses personnelles, et leur travail comportait des tâches générales liées à l’exploitation du centre de mise en forme, que leur attribuait Mme Duhaime. Cela donne fortement à penser que les travailleuses n’étaient pas des entrepreneures indépendantes.

 

[18]         Il ressort de la preuve que l’appelante avait très certainement le pouvoir de décider la manière dont le travail devait être exécuté. Cet élément suffit pour établir un contrôle à cet égard, mais je signale également qu’en réalité, le contrôle exercé était important. Les travailleuses recevaient des instructions détaillées et des textes étaient fournis relativement à certaines activités telles que la sollicitation de ventes.

 

[19]         Les autres facteurs établis dans l’arrêt Wiebe Door donnent à penser que les travailleuses n’étaient pas des entrepreneures indépendantes.

 

[20]         En ce qui concerne les instruments de travail, les travailleuses fournissaient le minimum à cet égard. Elles fournissaient entre autres leurs vêtements personnels et assuraient à l’occasion leur transport pour se rendre à une activité de bienfaisance. Ce critère milite en faveur de l’existence d’une relation d’emploi.

 

[21]         Pour ce qui est de la possibilité de profit, les travailleuses étaient rémunérées sur une base horaire et recevaient une prime lorsque le centre de mise en forme obtenait une nouvelle cliente grâce à leurs efforts.

 

[22]         Mme Duhaime a laissé entendre que les travailleuses pouvaient réaliser un profit grâce à leurs propres efforts parce que les heures assignées à une travailleuse dépendaient en partie des demandes des clientes.

 

[23]         Cet élément ne constitue pas un facteur important qui milite en faveur de l’existence d’un statut d’entrepreneur indépendant, à mon avis. Le facteur clé réside dans le fait que les travailleuses étaient rémunérées sur une base horaire, ce qui donne à penser qu’il existait une relation d’emploi. Le fait qu’un bon rendement puisse donner lieu à un nombre d’heures plus élevé est pertinent, mais il ne constitue pas un facteur important. Quant aux primes accordées pour le fait d’obtenir de nouvelles clientes, la preuve ne m’a pas convaincue qu’il s’agissait d’un critère important. Dans l’ensemble, le facteur concernant la possibilité de profit indique davantage l’existence d’une relation d’emploi en l’espèce.

 

[24]         En ce qui concerne le risque de perte, la preuve ne donne pas à penser que les travailleuses étaient exposées à un risque de perte important. Ce fait tend à indiquer qu’il y avait une relation d’emploi.

 

[25]         Quant au critère de l’intégration, les travailleuses participaient à l’exploitation générale du gymnase : elles sollicitaient de nouvelles clientes, s’acquittaient de leurs tâches d’entraîneuse personnelle et s’occupaient des installations. Les travailleuses semblaient participer à tous les aspects de l’entreprise, sauf la gestion et l’administration. Elles étaient bien intégrées dans l’exploitation de l’entreprise, et cet élément tend aussi à indiquer l’existence d’une relation d’emploi.

 

[26]         Compte tenu de tous ces facteurs, la conduite des parties n’était pas compatible avec l’existence d’un statut d’entrepreneur indépendant à mon avis. Comme nous l’enseigne l’arrêt Royal Winnipeg Ballet, l’intention mutuelle des parties ne l’emportera pas si la conduite des parties n’est pas compatible avec cette intention. Malheureusement pour l’appelante, tel n’était pas le cas.

 

[27]         L’appel concernant Mmes Carr-Venhola et Delaney est rejeté, et les décisions prises à leur égard sont confirmées.

 

[28]         Chaque partie assumera ses propres dépens.

 

 

       Signé à Toronto (Ontario), ce 21e jour de juin 2011.

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 4e jour d’août 2011.

 

Espérance Mabushi, M.A.Trad. Jur.


RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 312

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2010-2399(EI)

                                                          2010-2400(CPP)

 

INTITULÉ :                                       THE GIRLS GYM OF CANADA LTD.

                                                          c.

                                                          MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Sudbury (Ontario)

 

DATES DE L’AUDIENCE :               Les 8 et 9 juin 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge J.M. Woods

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 21 juin 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Représentante de l’appelante :

Mme Mary Duhaime

 

Avocate de l’intimé :

Me Ashleigh Akalehiywot

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                      s/o

 

                          Cabinet :                 

                                                         

       Pour l’intimé :                             Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Ontario

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