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Référence : 2011 CCI 336

Date : 20110708

Dossier : 2009-2793(GST)G

ENTRE :

reluxicorp Inc.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT MODIFIÉS

 

La juge Lamarre

 

[1]              L’appelante en appelle d’une cotisation établie par l’entremise du ministre du Revenu du Québec (Ministre) en date du 9 février 2009, en vertu de la Partie IX de la Loi sur la taxe d’accise (LTA), pour 24 périodes (soit des périodes trimestrielles et des périodes mensuelles) se répartissant entre le 1er octobre 2003 et le 31 août 2007. Plus particulièrement, l’appelante conteste l’imposition d’un montant de 30 720,51 $ que le Ministre a établi dans le calcul de la taxe sur les produits et services (TPS) sur les fournitures de biens meubles corporels et de services acquis à l’étranger par l’appelante d’un tiers non résident et non inscrit, par application des articles 217 et 218 de la LTA. Après avoir entendu la preuve, l’avocat de l’intimée a fait part à la Cour que l’intimée acceptait de réduire le montant de TPS établi à cet égard de 3 430,28 $, lequel montant correspond à la taxe calculée sur la portion des commissions payées par l’appelante à l’étranger, selon le détail de la cotisation produit sous la pièce I-2. Les dispositions législatives à la base de cette partie de la cotisation sont reproduites ci‑après : 

 

Section I — Définitions et interprétation

 

123.  (1) Définitions — Les définitions qui suivent s’appliquent à l’article 121, à la présente partie et aux annexes V à X.

 

[ … ]

 

« activité commerciale » Constituent des activités commerciales exercées par une personne :

 

a) l’exploitation d’une entreprise (à l’exception d’une entreprise exploitée sans attente raisonnable de profit par un particulier, une fiducie personnelle ou une société de personnes dont l’ensemble des associés sont des particuliers), sauf dans la mesure où l’entreprise comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées;

 

b) les projets à risque et les affaires de caractère commercial (à l’exception de quelque projet ou affaire qu’entreprend, sans attente raisonnable de profit, un particulier, une fiducie personnelle ou une société de personnes dont l’ensemble des associés sont des particuliers), sauf dans la mesure où le projet ou l’affaire comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées;

 

c) la réalisation de fournitures (sauf des fournitures exonérées) d’immeubles appartenant à la personne, y compris les actes qu’elle accomplit dans le cadre ou à l’occasion des fournitures.

 

[ … ]

 

« exclusif » S’entend, dans le cas des personnes autres que les institutions financières, de la totalité, ou presque, de la consommation, de l’utilisation ou de la fourniture d’un bien ou d’un service et, dans le cas des institutions financières, de la totalité de pareille consommation, utilisation ou fourniture.

 

[ … ]

 

« fourniture exonérée » Fourniture figurant à l’annexe V.

 

[ … ]

 

SECTION IV — Taxe sur les fournitures taxables importées

 

217.  Définitions — Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente section.

 

[ … ]

 

« fourniture taxable importée » Sont des fournitures taxables importées :

 

a)   la fourniture taxable d’un service, sauf une fourniture détaxée ou visée par règlement, effectuée à l’étranger au profit d’une personne qui réside au Canada, à l’exclusion de la fourniture d’un service qui, selon le cas :

 

(i)   est acquis pour consommation, utilisation ou fourniture exclusive dans le cadre des activités commerciales de la personne ou des activités qu’elle exerce exclusivement à l’étranger et qui ne font pas partie d’une entreprise ou d’un projet à risques ou d’une affaire de caractère commercial exploitée par elle au Canada,

 

[ … ]

 

c) la fourniture taxable d’un bien meuble incorporel, sauf une fourniture détaxée ou visée par règlement, effectuée à l’étranger au profit d’une personne qui réside au Canada, à l’exclusion de la fourniture d’un bien qui, selon le cas :

 

(i) est acquis pour consommation, utilisation ou fourniture exclusive dans le cadre des activités commerciales de la personne ou des activités qu’elle exerce exclusivement à l’étranger et qui ne font pas partie d’une entreprise ou d’un projet à risques ou d’une affaire de caractère commercial exploitée par elle au Canada,

 

[ … ]

 

[En vigueur de 2003-07-02 à 2006-06-21]

 

218. Taux de la taxe sur les produits et services — Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, l’acquéreur d’une fourniture taxable importée est tenu de payer à Sa Majesté du chef du Canada une taxe calculée au taux de 7 % sur la valeur de la contrepartie de la fourniture.

 

[En vigueur de 2006-06-22 à 2007-12-13]

 

218. Taux de la taxe sur les produits et services — Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, l’acquéreur d’une fourniture taxable importée est tenu de payer à Sa Majesté du chef du Canada une taxe calculée au taux de 6 % sur la valeur de la contrepartie de la fourniture.

 

[ … ]

 

 

 

 

ANNEXE V — FOURNITURES EXONÉRÉES

paragraphe 123(1)

 

Partie I — Immeubles

 

[ … ]

 

6. [Location d’un immeuble d’habitation ou d’une habitation dans un tel immeuble] — La fourniture :

 

a) d’un immeuble d’habitation ou d’une habitation dans un tel immeuble, par bail, licence ou accord semblable, en vue de son occupation continue à titre résidentiel ou d’hébergement par le même particulier dans le cadre de l’accord pour une durée d’au moins un mois;

 

                                                                                                [Je souligne.]

 

[2]              L’appelante conteste également l’imposition d’un montant de 7 032,34 $ que le Ministre a ajouté au titre de la TPS que l’appelante a perçue relativement à diverses fournitures taxables et qu’elle n’a pas incluse dans le calcul de sa taxe nette pour les périodes d’octobre 2003 à décembre 2003 (5 939,72 $) et d’octobre 2004 à décembre 2004 (1 092,62 $). L’appelante soutient que ces périodes étaient prescrites au moment de la cotisation et il revient à l’intimée de prouver que l’appelante a fait une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire dans le calcul de sa taxe nette au cours des deux périodes en cause, ce que l’appelante nie. Au début de l’audition, l’avocat de l’intimée a fait part à la cour que cette dernière concédait le montant de 1 092,62 $ et qu’elle donnait raison à l’appelante sur ce montant. Les dispositions législatives à la base de cette deuxième partie de la cotisation sont reproduites ci-après :

 

Sous-section b — Crédit de taxe sur les intrants

 

169. (1) Règle générale — Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, un crédit de taxe sur les intrants d’une personne, pour sa période de déclaration au cours de laquelle elle est un inscrit, relativement à un bien ou à un service qu’elle acquiert, importe ou transfère dans une province participante, correspond au résultat du calcul suivant si, au cours de cette période, la taxe relative à la fourniture, à l’importation ou au transfert devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu’elle soit devenue payable :

 

A × B

 

où :

 

A   représente la taxe relative à la fourniture, à l’importation ou au transfert, selon le cas, qui, au cours de la période de déclaration, devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu’elle soit devenue payable;

 

B :

 

a) dans le cas où la taxe est réputée, par le paragraphe 202(4), avoir été payée relativement au bien le dernier jour d’une année d’imposition de la personne, le pourcentage que représente l’utilisation que la personne faisait du bien dans le cadre de ses activités commerciales au cours de cette année par rapport à l’utilisation totale qu’elle en faisait alors dans le cadre de ses activités commerciales et de ses entreprises;

 

b) dans le cas où le bien ou le service est acquis, importé ou transféré dans la province, selon le cas, par la personne pour utilisation dans le cadre d’améliorations apportées à une de ses immobilisations, le pourcentage qui représente la mesure dans laquelle la personne utilisait l’immobilisation dans le cadre de ses activités commerciales immédiatement après sa dernière acquisition ou importation de tout ou partie de l’immobilisation;

 

c) dans les autres cas, le pourcentage qui représente la mesure dans laquelle la personne a acquis ou importé le bien ou le service, ou l’a transféré dans la province, selon le cas, pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales.

 

[ … ]

 

169. (4) DocumentsL’inscrit peut demander un crédit de taxe sur les intrants pour une période de déclaration si, avant de produire la déclaration à cette fin :

 

a) il obtient les renseignements suffisants pour établir le montant du crédit, y compris les renseignements visés par règlement;

 

b) dans le cas où le crédit se rapporte à un bien ou un service qui lui est fourni dans des circonstances où il est tenu d’indiquer la taxe payable relativement à la fourniture dans une déclaration présentée au ministre aux termes de la présente partie, il indique la taxe dans une déclaration produite aux termes de la présente partie.

 

[ … ]

 

 

Section V — Perception et versement de la taxe prévue à la section II

 

Sous-section a —Perception

 

221. (1) Perception — La personne qui effectue une fourniture taxable doit, à titre de mandataire de Sa Majesté du chef du Canada, percevoir la taxe payable par l’acquéreur en vertu de la section II.

 

[ … ]

 

Sous-section b — Versement de la taxe

 

225. (1) Taxe nette — Sous réserve des autres dispositions de la présente sous-section, la taxe nette pour une période de déclaration donnée d’une personne correspond au montant, positif ou négatif, obtenu par la formule suivante :

 

A - B

 

où :

 

A   représente le total des montants suivants :

 

a) les montants devenus percevables et les autres montants perçus par la personne au cours de la période donnée au titre de la taxe prévue à la section II;

 

b) les montants à ajouter aux termes de la présente partie dans le calcul de la taxe nette de la personne pour la période donnée;

 

B    le total des montants suivants :

 

a) l’ensemble des montants dont chacun représente un crédit de taxe sur les intrants pour la période donnée ou une période de déclaration antérieure de la personne, que celle-ci a demandé dans la déclaration produite en application de la présente section pour la période donnée;

 

b) l’ensemble des montants dont chacun représente un montant que la personne peut déduire en application de la présente partie dans le calcul de sa taxe nette pour la période donnée et qu’elle a indiqué dans la déclaration produite en application de la présente section pour cette période.

 

[ … ]

 

228. (1) Calcul de la taxe nette — La personne tenue de produire une déclaration en application de la présente section doit y calculer sa taxe nette pour la période de déclaration qui y est visée, sauf si les paragraphes (2.1) ou (2.3) s’appliquent à la période de déclaration.

 

228. (2) VersementLa personne est tenue de verser au receveur général le montant positif de sa taxe nette pour une période de déclaration dans le délai suivant, sauf [ si ] les paragraphes (2.1) ou (2.3) s’appliquent à la période de déclaration :

 

a) si elle est un particulier auquel le sous-alinéa 238(1)a)(ii) s’applique pour la période, au plus tard le 30 avril de l’année suivant la fin de la période;

 

b) dans les autres cas, au plus tard le jour où la déclaration visant la période est à produire.

 

[ … ]

 

298. [ … ]

 

(4) Exception en cas de négligence, fraude ou renonciation — Une cotisation peut être établie à tout moment si la personne visée a :

 

a) fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire;

 

Règlement sur les renseignements nécessaires à une demande de crédit de taxe sur les intrants (TPS/TVH)

 

3.   RenseignementsLes renseignements visés à l’alinéa 169(4)a) de la Loi, sont les suivants :

 

a)   lorsque le montant total payé ou payable, selon la pièce justificative, à l’égard d’une ou de plusieurs fournitures est de moins de 30 $ :

 

(i)      le nom ou le nom commercial du fournisseur ou de l’intermédiaire,

 

(ii)     si une facture a été remise pour la ou les fournitures, la date de cette facture,

 

(iii)    si aucune facture n’a été remise pour la ou les fournitures, la date à laquelle il y a un montant de taxe payée ou payable sur celles-ci,

 

(iv)    le montant total payé ou payable pour la ou les fournitures;

 

b) lorsque le montant total payé ou payable, selon la pièce justificative, à l’égard d’une ou de plusieurs fournitures est de 30 $ ou plus et de moins de 150 $ :

 

(i)      le nom ou le nom commercial du fournisseur ou de l’intermédiaire et le numéro d’inscription attribué, conformément au paragraphe 241(1) de la Loi, au fournisseur ou à l’intermédiaire, selon le cas,

 

(ii)     les renseignements visés aux sous-alinéas a)(ii) à (iv),

 

(iii)    dans le cas où la taxe payée ou payable n’est pas comprise dans le montant payé ou payable pour la ou les fournitures :

 

(A) ou bien, la taxe payée ou payable pour toutes les fournitures ou pour chacune d’elles,

 

(B) ou bien, si une taxe de vente provinciale est payable pour chaque fourniture taxable qui n’est pas une fourniture détaxée, mais ne l’est pas pour une fourniture exonérée ou une fourniture détaxée :

 

(I)    soit le total de la taxe payée ou payable selon la section II de la partie IX de la Loi et de la taxe de vente provinciale payée ou payable pour chaque fourniture taxable, ainsi qu’une déclaration portant que le total pour chaque fourniture taxable comprend la taxe payée ou payable selon cette section,

 

(II) soit le total de la taxe payée ou payable selon la section II de la partie IX de la Loi et de la taxe de vente provinciale payée ou payable pour toutes les fournitures taxables, ainsi qu’une déclaration portant que ce total comprend la taxe payée ou payable selon cette section,

 

(iv)    dans le cas où la taxe payée ou payable est comprise dans le montant payé ou payable pour la ou les fournitures et que l’une ou plusieurs de celles-ci sont des fournitures taxables qui ne sont pas des fournitures détaxées :

 

(A) une déclaration portant que la taxe est comprise dans le montant payé ou payable pour chaque fourniture taxable,

 

(B) le total (appelé « taux de taxe total » au présent alinéa) des taux auxquels la taxe a été payée ou était payable relativement à chacune des fournitures taxables qui n’est pas une fourniture détaxée,

 

(C) le montant payé ou payable pour chacune de ces fournitures ou le montant total payé ou payable pour l’ensemble de ces fournitures auxquelles s’applique le même taux de taxe total,

 

(v)     dans le cas où deux fournitures ou plus appartiennent à différentes catégories, une mention de la catégorie de chaque fourniture taxable qui n’est pas une fourniture détaxée;

 

c) lorsque le montant total payé ou payable, selon la pièce justificative, à l’égard d’une ou de plusieurs fournitures est de 150 $ ou plus :

 

(i)      les renseignements visés aux alinéas a) et b),

 

(ii)     soit le nom de l’acquéreur ou son nom commercial, soit le nom de son mandataire ou de son représentant autorisé,

 

(iii)    les modalités de paiement,

 

(iv)    une description suffisante pour identifier chaque fourniture.

 

[Je souligne.]

 

Faits

 

[3]              Il n’est pas contesté que l’appelante est propriétaire à titre de prête-nom de l’hôtel qui est exploité sous la bannière « Residence Inn by Marriott » situé dans le centre-ville de Montréal. Elle a signé un contrat de franchise avec la société Marriott Worldwide Corporation (Marriott), une société non résidente, le ou vers le 23 janvier 2003 (pièce A-1, onglet 4). En vertu de ce contrat de franchise, l’appelante est tenue de verser les montants suivants à Marriott, tel que repris au paragraphe 15 de l’avis d’appel amendé :

 

(a)        Une royauté de 5 % sur ses revenus annuels totaux bruts pour le droit d’utiliser la bannière « Residence Inn by Marriott » dans le cadre de ses opérations;

 

(b)        Une contribution de 2.5 % sur ses revenus annuels totaux bruts pour les contributions marketing; et

 

(c)        Des frais additionnels fixes et obligatoires relatifs à divers services, soit : 1° des frais liés à un programme de fidélité accessible à tous les clients de l’Hôtel (« Marriott Reward Expenses »), 2° des frais liés à l’utilisation du système de réservation et du système de facturation du Marriott (« Software Support, Hardware Expenses, Security Service ») et 3° des commissions relativement à la Location à Court Terme.

 

[4]              En établissant la cotisation faisant l’objet du litige, le Ministre a considéré que 30 p. 100 des redevances ci-haut mentionnées versées par l’appelante à Marriott, étaient assujetties à la TPS, puisque ces redevances seraient reliées, selon le Ministre, à des fournitures exonérées, soit la location d’unités à long terme pour une durée d’au moins un mois (cela constitue une fourniture exonérée selon l’alinéa 6 a) de la Partie I de l’Annexe V de la LTA). Ainsi, le Ministre a jugé que l’appelante devait payer la TPS sur les fournitures taxables importées aux termes des articles 217 et 218 de la LTA à l’égard des montants suivants, tel que reproduits ci-après et que l’on retrouve au paragraphe 18 de l’avis d’appel amendé :

 

 

18.       En conséquence, le ministre a cotisé l’Appelante à l’égard des montants suivants :

 

 

 

 

Dépense totale

Portion assujettie à la TPS selon MRQ

 

 

TPS

Marriott Rewards Expenses

117 015,35 $

35 104,61 $

2 332,57 $

Software Support

8 995,37 $

2 968,61 $

186,56 $

Commissions

172 253,71 $

51 676,11 $

3 430,28 $

Hardware Expenses

12 518,07 $

3 755,42 $

232,75 $

Service de Sécurité

5 534,42 $

1 660,33 $

107,56 $

Frais de Marketing

441 653,76 $

132 496,13 $

8 777,57 $

Franchise Fees

785 873,57 $

235 762,07 $

15 653,21 $

TOTAL

1 543 844,25 $

463 153,28 $

30 720,50 $

 

 

[5]              Pour l’appelante, j’ai entendu les témoignages de son président, M. Javier Planas, ainsi que de M. Gilles Larivière, président de Horwath Hotels, un consultant spécialisé dans l’industrie de l’hôtellerie et de M. Marc Cerri, le contrôleur financier de l’appelante depuis 2007. L’intimée de son côté a fait entendre Mme Natasha Jean-Baptiste, vérificatrice fiscale auprès de Revenu Québec, et qui a procédé à la vérification menant à la cotisation en litige.

 

[6]              M. Planas a expliqué que la bannière « Residence Inn by Marriott » visait une clientèle intéressée à louer des unités pour une durée variant entre 5 et 29 jours (la moyenne étant de 5 à 9 jours). D’autres bannières desservent plus particulièrement des séjours de courte durée (séjour de un à quatre jours) ou de longue durée (séjour de 30 jours et plus). Pour les séjours de longue durée, il a mentionné le nom de trois bannières exploitées par Marriott, le « Marriott Execustay », le « Marriott Executive Apartments » et le « Grand Residences by Marriott ». Les services offerts pour les locations  à long terme ne sont pas les mêmes. Il n’y a pas le service de nettoyage aux chambres sur une base quotidienne et les petits-déjeuners ne sont pas inclus. Parfois, les unités louées à long terme offrent l’utilisation d’une laveuse à linge et d’une sécheuse. Pour ce qui est de la bannière « Residence Inn by Marriott », les unités sont plus grandes généralement que les unités louées à court terme, possèdent une cuisinette avec lave-vaisselle, cuisinière, micro-ondes et petit réfrigérateur. Le service de nettoyage est fourni quotidiennement et le petit-déjeuner est inclus.

 

[7]              Selon M. Planas, le contrat de franchise que l’appelante a signé avec Marriott ne lui permet pas d’exploiter les bannières de Marriott pour la location à long terme. Toutefois, rien n’empêche l’appelante d’offrir des séjours à long terme qu’elle vend elle-même par sa division commerciale à Montréal. De plus, Marriott peut, par son service centralisé de réservations, louer des unités de l’hôtel de l’appelante à long terme. M. Planas a présenté un tableau établissant le pourcentage des nuitées pour des séjours de plus de 30 jours et de moins de 30 jours à son établissement (pièce A-1, onglet 7). Il ressort de ce tableau que le pourcentage des nuitées pour un séjour de moins de 30 jours est passé de 54,78 p. 100 en 2004 à 74,91 p. 100 en 2007. Parallèlement, le pourcentage des nuitées de 30 jours et plus a régressé de 45,2 p. 100 en 2004 à 25,1 p. 100  en 2007. Ceci fait dire à M. Planas que le contrat de franchise signé par l’appelante avec Marriott en 2003 a eu l’effet positif d’augmenter la clientèle cible recherchant des séjours entre 5 et 29 jours et de faire diminuer la location à long terme de 30 jours et plus. Selon ce qu’a expliqué M. Planas, les séjours de 30 jours et plus sont une bonne base pour l’exploitation hôtelière, mais ne rapportent pas autant à l’appelante que les séjours de plus courte durée. Il explique ceci par le fait que les clients qui séjournent pour une plus longue durée négocient les prix de location à la baisse, mais l’appelante assume les mêmes coûts fixes. En effet, en exploitant la bannière « Residence Inn by Marriott », l’appelante est obligée, de par son contrat de franchise, de fournir les services quotidiens de nettoyage aux chambres et le petit-déjeuner.

 

[8]              Par ailleurs, M. Planas et M. Cerri ont retracé la provenance des réservations des séjours de 30 jours et plus (pièce A-1, onglet 8). Il a été établi qu’en 2007, 74,83 p. 100 de ces réservations auraient été faites par la direction interne de l’hôtel à Montréal, sans passer par le service central de réservations de Marriott. Pour la différence, on n’a pas pu établir la source des réservations. M. Cerri a alors appliqué le pourcentage de 74,83 p. 100 au nombre total de réservations dont on ne connaît pas la source en prenant comme hypothèse que ces réservations avaient dû être effectuées dans les mêmes proportions par la direction interne de l’hôtel sans passer par le système central de réservations de Marriott. Il conclut donc que les réservations pour les séjours de 30 jours et plus ont été faites dans une proportion de 94,28 p. 100 par la direction de l’hôtel directement à Montréal sans passer par Marriott. Selon M. Planas, ce pourcentage est très plausible car il est très rare que les réservations pour les séjours de 30 jours et plus se fassent par l’intermédiaire de Marriott, compte tenu du contrat de franchise signé par l’appelante qui cible les séjours de moins de 30 jours. Il a même dit qu’après avoir décidé d’exploiter son hôtel sous la bannière « Residence Inn by Marriott », il a fallu travailler fort pour conserver la clientèle déjà existante pour les séjours de longue durée. De ce que je comprends, jusqu’en 2003, année de la signature du contrat de franchise, l’hôtel, alors de catégorie inférieure, recevait beaucoup plus de clients pour une durée prolongée à des tarifs moins élevés. Avec la nouvelle bannière Marriott, ces clients n’étaient plus aussi intéressés, ce qui fait dire à M. Planas que l’arrivée de Marriott a constitué un frein à la location de longue durée plutôt qu’un incitatif. Ceci explique aussi selon lui, la baisse dans la location des nuitées de 30 jours et plus, tel que démontré dans le tableau plus haut (pièce A‑1, onglet 7).

 

[9]              Ce calcul lui permet de conclure que la presque totalité des réservations pour les séjours de 30 jours et plus, lesquels constituent une fourniture exonérée de taxe, n’ont aucun lien avec le contrat de franchise avec Marriott, et qu’en conséquence, l’appelante n’avait pas à payer la TPS sur les sommes versées à Marriott.

 

[10]         M. Planas a exposé les avantages de fonctionner sous la bannière Marriott. Cela donne accès au réseau central de réservations, au programme de fidélisation des clients, aux logiciels et programmes de gestion, aux fournisseurs à meilleur prix et au système informatique.

 

[11]         Par ailleurs, les redevances versées à Marriott en vertu du contrat de franchise sont calculées sur les revenus annuels totaux de l’appelante (« Gross room revenues »), incluant les revenus de location à court et à long terme. Selon M. Planas, ceci est standard dans l’industrie hôtelière. On ne fait pas des contrats à la carte. Malgré tout, il dit que le résultat net est avantageux pour l’appelante car la bannière Marriott rapporte beaucoup. De plus, il précise que les redevances de 2,5 p. 100 sur les revenus annuels totaux pour les « contributions marketing » sont utilisées par Marriott pour faire la publicité de « Residence Inn by Marriott » uniquement.

 

[12]         En ce qui concerne les redevances payées à Marriott et qui sont liées à un programme de fidélité (Marriott Reward Expenses) et les frais liés à l’utilisation du système de réservation et du système de facturation de Marriott (Software Support, Hardware Expenses, Security Service), M. Planas a mentionné que ceci visait tout ce qui concerne la clientèle à court et à long terme, sans distinction. Finalement, le montant versé par l’appelante à Marriott pour les commissions sert à rembourser les commissions payées par Marriott aux agences de voyage pour les locations à court terme uniquement. Ceci a été confirmé par M. Cerri.

 

[13]         M. Larivière n’a pas témoigné à titre d’expert, mais simplement sur ses connaissances générales en hôtellerie. Il a dit que Marriott détenait une panoplie de bannières desservant divers marchés. Ces bannières permettraient de répondre aux besoins de la clientèle, tant en ce qui concerne la catégorie d’hôtel (de qualité économique, moyenne ou supérieure), que la durée du séjour. Ainsi la bannière « Residence Inn by Marriott » viserait une clientèle cible de qualité supérieure pour des séjours variant de 5 à 29 jours et selon certaines statistiques provenant des États-Unis, la moyenne des séjours se situerait entre 4 et 6 jours. Il a toutefois mentionné que cette bannière (comme toutes les autres) pouvait accepter des clients recherchant des séjours plus courts ou plus longs. En d’autres termes, chaque bannière recherche un créneau principal mais accepte toute clientèle, selon la demande. Il a expliqué que la chaîne Marriott donne une garantie à la clientèle d’un standard élevé pour l’entretien et la propreté des lieux et que le client s’attend à payer un prix plus élevé. Selon lui, la bannière « Residence Inn by Marriott » a un faible impact sur les locations d’unités de 30 jours et plus. De ce que je comprends, il explique ceci par la baisse de services dans la location de longue durée alors que la bannière « Residence Inn by Marriott » offre un nombre standard de services qui font en sorte que les tarifs sont plus élevés.

 

[14]         M. Cerri, de son côté, a expliqué pourquoi le montant de 5 939,72$ n’avait pas été déclaré dans le calcul de la taxe nette pour la période d’octobre 2003 à décembre 2003. Au cours de cette période, l’hôtel subissait des rénovations majeures et l’un des clients réguliers de Marriott, l’hôpital Shriner, a été transféré à l’hôtel Clarion. C’est l’appelante qui a facturé l’hôpital, incluant la TPS, et a remis l’intégralité du montant perçu à l’hôtel Clarion. Selon des vérifications effectuées par M. Cerri, l’hôtel Clarion aurait remis l’intégralité de la taxe perçue au gouvernement, mais il n’avait aucune preuve avec lui établissant ce fait. Il a expliqué que ce n’était pas lui le contrôleur de l’appelante à cette époque, mais qu’il aurait probablement agi de la même façon. Il a expliqué que le résultat net aurait été le même de déclarer la taxe perçue de l’hôpital Shriner et de la réduire d’un montant équivalent pour les crédits de taxe sur intrants (CTI) sur la taxe payée à l’hôtel Clarion. Selon lui, il n’était pas nécessaire pour l’appelante d’inclure ce montant dans sa déclaration de taxe nette pour cette période. Par ailleurs, il a confirmé que l’appelante percevait la TPS sur toute location à court terme (moins de 30 jours) et qu’elle n’en percevait pas pour la location à long terme (location de 30 jours et plus), puisqu’il s’agit d’une fourniture exonérée. Il a également confirmé que dans les livres de l’appelante, on établissait à 30 p. 100 les revenus totaux de l’appelante provenant des revenus de location à long terme et à 70 p. 100 les revenus de location à court terme. Dans ce contexte, l’appelante a généralement réclamé des CTI dans une proportion de 70 p. 100.

 

[15]         Mme Jean-Baptiste a établi la TPS payable par l’appelante sur 30 p. 100 des redevances versées à Marriott en considérant que c’était la proportion des revenus totaux de l’appelante qui provenaient de la location à long terme, ce qui constitue une fourniture exonérée de taxe. L’appelante devait payer une taxe sur les redevances versées à Marriott à ce titre, en vertu de l’article 218 de la LTA, puisqu’il s’agissait de l’acquisition d’une fourniture taxable importée, qui n’était pas acquise dans le cadre des activités commerciales. Une activité commerciale est définie à l’article 123 de la LTA et exclut toute réalisation de fournitures exonérées.

 

[16]         En ce qui concerne le montant établi pour la période prescrite de 2003, elle a considéré qu’en l’absence d’un contrat de mandant-mandataire entre l’appelante et l’hôtel Clarion ou de refacturation à cette dernière, l’appelante ne pouvait transférer le montant de la taxe perçue de l’hôpital Shriner à l’hôtel Clarion, mais devait verser ce montant au gouvernement. Dès l’instant où l’appelante facturait elle‑même l’hôpital, elle avait l’obligation fiscale de percevoir (ce qu’elle a fait) et de remettre la taxe au gouvernement (ce qu’elle n’a pas fait). Dans ce contexte, elle a jugé que l’appelante avait fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire et que le Ministre était justifié de cotiser l’appelante sur ce montant au‑delà de la période prescrite.   

 

 

Analyse

 

 

I.       Cotisation aux termes de l’article 218 de la LTA

 

 

[17]         Tel que mentionné plus haut, la cotisation de 30 720,51 $ établie à ce titre, est maintenant réduite à 27 290,23 $, pour tenir compte de la concession de 3 430,28 $ faite par l’intimée, relativement aux redevances payées par l’appelante à Marriott pour les commissions versées aux agents de voyage, sur les locations à court terme. 

 

[18]         Aux termes de l’article 218 de la LTA, l’acquéreur d’une fourniture taxable importée est tenu de payer la taxe sur la valeur de la contrepartie de la fourniture. Une fourniture taxable importée est définie à l’article 217 de la LTA. Dans le cas qui nous concerne, ce sont les sous-alinéas a)(i) et c)(i) qui sont applicables. Ainsi, une fourniture taxable importée est la fourniture taxable d’un service ou d’un bien meuble incorporel effectuée à l’étranger au profit d’une personne qui réside au Canada, à l’exclusion de la fourniture d’un service ou d’un bien qui est acquis pour consommation, utilisation ou fourniture exclusive dans le cadre des activités commerciales de la personne résidente du Canada. Si on transpose ces termes ici, les redevances payées par l’appelante à Marriott pour l’utilisation de la bannière « Residence Inn by Marriott » et des services qui y sont reliés constituent la contrepartie pour des fournitures taxables importées sauf s’il est établi que l’appelante a acquis ce droit d’utilisation de la bannière et les services pour consommation, utilisation ou fourniture exclusive dans le cadre des ses activités commerciales. Une activité commerciale est définie à l’article 123 de la LTA comme, entre autres, l’exploitation d’une entreprise… sauf dans la mesure où l’entreprise comporte la réalisation de fournitures exonérées. La fourniture d’un immeuble d’habitation ou d’une habitation dans un tel immeuble, par bail en vue de son occupation continue à titre résidentiel ou d’hébergement par le même particulier pour une durée d’au moins un mois est une fourniture exonérée aux termes de l’alinéa 6 a) de la Partie I de l’Annexe V de la LTA. Par ailleurs, le terme « exclusif » est défini à l’article 123 de la LTA, comme s’entendant de la totalité, ou presque, de la consommation, de l’utilisation ou de la fourniture d’un bien ou d’un service.

 

[19]         L’appelante est d’avis qu’elle a acquis les droits de franchise de Marriott pour consommation, utilisation ou fourniture exclusive dans le cadre de ses activités commerciales. Elle invoque qu’elle a acquis ces droits avec la seule intention d’accroître la location de son hôtel à court terme, pour laquelle elle perçoit de ses clients de la TPS, ce qui constitue donc une activité commerciale au sens de la LTA. Elle soumet que la location à long terme qui constitue une fourniture exonérée, et donc n’entre pas dans le cadre d’une activité commerciale au sens de la LTA, se fait en totalité, ou presque, par son équipe interne de vente et non pas par le service central de réservations de Marriott. En conséquence, selon l’appelante, les locations à long terme n’ont pas d’impact et sont indépendantes du contrat de franchise signé avec Marriott. Pour ces raisons, elle soumet qu’elle n’avait pas à verser la taxe sur les redevances versées à Marriott puisque les fournitures acquises de Marriott tombent sous le coup de l’exception prévue aux sous-alinéas a)(i) et c)(i) de la définition de « fourniture taxable importée » à l’article 217 de la LTA.

 

[20]         De son côté, l’intimée est d’avis que l’appelante n’a pas démontré que les locations à long terme n’étaient pas reliées au contrat de franchise avec Marriott. À l’appui de ses prétentions, l’intimée soumet que les redevances versées à Marriott pour l’utilisation de sa bannière étaient calculées selon un pourcentage des revenus totaux de l’appelante, incluant les locations à long terme. Puisque l’appelante a considéré que 30 p. 100 de ses revenus totaux provenaient de la location à long terme, le Ministre a établi la taxe sur 30 p. 100 des redevances versées à Marriott au cours de la période en litige.

 

[21]         À mon avis, l’intimée a raison. J’estime que la preuve n’est pas suffisamment convaincante pour établir que les redevances versées à Marriott en vertu du contrat de franchise pour l’utilisation de la bannière « Residence Inn by Marriott » ne constituaient pas des fournitures taxables importées dans une proportion de 30 p. 100, au sens de l’article 217 de la LTA.

 

[22]         L’appelante a essayé de démontrer que par l’acquisition de la bannière « Residence Inn by Marriott », elle s’engageait à verser à Marriott des redevances pour l’utilisation des services de Marriott reliés à la location d’unités pour des séjours de moins de 30 jours quasi-exclusivement. C’est ce qui ressort du moins des témoignages de messieurs Planas et Larivière. Comme je l’ai déjà mentionné, M. Larivière n’a pas témoigné comme expert mais a simplement fait part de sa connaissance générale de l’hôtellerie.

 

[23]         Si on lit attentivement le contrat de franchise, on définit le concept de la bannière « Residence Inn by Marriott » ainsi dans le préambule (pièce A‑1, onglet 4, page 1) :

 

WHEREAS, Franchisor [Marriott] and its affiliates and predecessors have developed and own a concept and system (“System”) for the establishment and operation of hotels under the names “Residence Inn by Marriott” and “Residence Inn,” which typically feature suites with living rooms, fireplaces, fully-equipped kitchens and breakfast bars, patios or balconies, sleeping quarters and baths, recreational facilities and swimming pools; all references herein to the “System” shall be to the Residence Inn by Marriott System in the United States and Canada;

 

WHEREAS, the distinguishing characteristics of the System, all of which may be changed, improved or further developed by Franchisor, include, without limitation:

 

1.         The trade names, trademarks and service marks “The Residence Inn,” “Residence Inn by Marriott [sic], “Gatehouse,” and “Residence Inn-Sider,” and such other trade names, trademarks and service marks as are now or as may hereafter be designated by Franchisor in writing as part of the System (“Proprietary Marks”);

           

2.         design & construction criteria documents for Residence Inn by Marriott hotels;

 

3.         high standards of cleanliness, quality and service as prescribed in the Residence Inn by Marriott System Standards Manual (the “Manual”);

 

4.         management training;

 

5.         advertising, marketing and promotional programs;

 

6.         the Residence Inn by Marriott Reservation System; and

 

7.         the Residence Inn by Marriott Property Management System.

 

[24]         Tout le contrat par la suite fait référence au “System” pour parler de la bannière « Residence Inn by Marriott » ou « Residence Inn ».

 

[25]         Bien que je réalise à la lecture de ce préambule et d’autres dispositions au contrat que cette bannière puisse viser une catégorie d’hôtel de catégorie supérieure (tel que le laissait entendre M. Larivière), nulle part est-il indiqué ou est-il fait quelque allusion relativement à la durée de séjour de la clientèle visée. Les redevances doivent être payées selon les « Gross room revenues », laquelle expression est définie au paragraphe III. I du contrat à la page 6 de la façon suivante :

 

I.          « Gross room revenues » as used herein shall include all gross revenues attributable to or payable for rental of guest suites at the Hotel including, without limitation, all credit transactions, whether or not collected, but excluding (i) any sales taxes, room taxes, or goods or services taxes collected by Franchisee [appellant] for transmittal to and sent to the appropriate taxing authority, and (ii) any revenues from sales or rentals of ancillary goods, such as VCR rentals, telephone income and fireplace log sales. Gross room revenues shall also include the proceeds from any business interruption insurance applicable to loss of revenues due to the non-availability of guest rooms and for guaranteed no-show revenue that is collected. Gross room revenues shall be accounted for in accordance with the Uniform System of Accounts for Hotels Ninth Revised Edition 1996 as published by the Hotel Association of New York City, Inc. or any later edition or revision that Franchisor approves or designates.

 

[26]         Aucune distinction n’est faite entre la location à court terme ou à long terme. À divers endroits dans le contrat, on fait allusion à la qualité supérieure des établissements gérés sous la bannière « Residence Inn by Marriott » (ou le « System » selon le nom auquel on réfère au contrat pour parler de cette bannière), mais aucune référence ou aucune association n’est faite entre la bannière « Residence Inn by Marriott » ou le « System » et la durée de séjour de la clientèle[1].

 

[27]         L’appelante a essayé d’établir par un autre moyen que les locations à long terme n’étaient pas reliées à l’utilisation de la bannière « Residence Inn by Marriott ». Ainsi, elle a voulu démontrer que la totalité, ou presque, des réservations pour des séjours de 30 jours et plus, ont été effectuées par la direction interne de son hôtel à Montréal. Selon la pièce A-1, onglet 8, on a retracé la source des réservations effectuées directement de Montréal en 2007, et cela donne une proportion de 74,83 p. 100. L’extrapolation des calculs effectués par l’appelante pour attribuer la même proportion aux réservations dont on ne connaît pas la source (et arriver ainsi à un pourcentage de 94,28 p. 100 de réservations faites par la direction commerciale de l’hôtel à Montréal sans passer par la bannière Marriott) ne me semble pas fondée. D’une part, l’application du même pourcentage m’apparaît tout à fait arbitraire et sans aucune vérification. D’autre part, si l’on a pu retracer les réservations faites par la direction interne de l’hôtel, il est difficile de concevoir que les réservations dont on ne connaît pas la source pourraient avoir été faites également par la direction de l’hôtel. Si tel avait été le cas, il me semble qu’on les aurait retracées de la même façon que les autres. À mon avis, l’approche de l’appelante est un peu incongrue et n’est appuyée de toute façon sur aucune preuve probante.

 

[28]         Par ailleurs, l’appelante a argumenté que même en n’acceptant pas le pourcentage de 94,28 p. 100, le pourcentage de 74,83 p. 100 pouvait être considéré comme suffisant pour dire que la totalité, ou presque, des réservations des séjours de longue durée se faisaient par la direction interne de l’hôtel à Montréal. Son avocat se réfère à une certaine jurisprudence qui établit à moins de 90 p. 100 (ce qui est la norme administrative établie par le Ministre) le pourcentage applicable pour remplir la condition établie par le législateur lorsqu’il utilise l’expression : « la totalité, ou presque ». Dans McDonald c. Canada, [1998] A.C.I. n° 621 (QL), le juge Rip mentionnait que le critère dit « règle des 90 p. 100 » est un guide approximatif mais que cette expression est élastique et ne peut exprimer « l’idée d’une proportion déterminable de l’ensemble ». En l’espèce, il s’agissait d’établir la proportion de la distance parcourue par un contribuable dans l’accomplissement des fonctions de l’emploi aux termes du paragraphe 6(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR), et il avait décidé qu’une proportion de 85 p. 100 pouvait être considérée comme « la totalité, ou presque ». Dans Keefe c. La Reine, 2003 CCI 791, la juge Sheridan a conclu qu’un pourcentage de 81 p. 100 de la distance parcourue à des fins professionnelles pouvait être considérée comme « la totalité, ou presque » de la distance parcourue à des fins professionnelles aux fins de la LIR. Dans McKay c. Canada, [2000] A.C.I. n° 712 (QL), le juge Rip a décidé que l’utilisation d’un véhicule dans une proportion de 80 p. 100 dans le cadre de l’entreprise du contribuable était satisfaisante pour dire que le véhicule était utilisé « exclusivement » dans le cadre d’activités commerciales aux termes de la LTA. Dans Watts c. La Reine, 2004 CCI 535, le juge Bowman a considéré que les proportions variant de 76 p. 100 à 81 p. 100 du revenu du contribuable qui était imposable au Canada sur une période de trois ans pouvaient se qualifier de « la totalité, ou presque ». Il a jugé que la différence entre 81, 77 et 76 (ou 81, 81 et 76), dépendant du calcul effectué, n’était pas assez grande pour justifier un traitement différent pour les trois années.

 

[29]         Je retiens de ces décisions qu’il faut laisser au juge des faits le pouvoir discrétionnaire du sens à donner à cette expression « la totalité, ou presque », au meilleur de ses connaissances, selon les circonstances propres à chaque affaire. Dans le cas en espèce, les réservations des séjours à long terme pour l’année 2007 seraient faites dans une proportion de 74,83 p. 100 par la direction interne à Montréal (pièce A-1, onglet 8).  Nous n’avons pas les chiffres pour les années antérieures, ce qui aurait certainement aidé. Dans l’affaire Watts, précitée, le juge Bowman connaissait les proportions pour chacune des trois années et a pris la peine de dire que la différence entre 81 p.100 et 76 p. 100 n’était pas assez grande pour justifier un traitement différent. Sa décision aurait-elle été la même si dans aucune des années, le cap de 80 p.100 n’avait été atteint? À mon avis, il y a une limite à respecter. Le législateur a utilisé l’expression « la totalité, ou presque », ce qui signifie, selon moi, qu’il faille se situer plus près de la totalité qu’à mi-chemin entre la majorité et la totalité.

 

[30]         Dans les circonstances particulières du cas en l’espèce, il aurait été plus que souhaitable d’avoir les données pour chaque année. Bien que je conçoive que ceci aurait demandé bien des efforts, il demeure que le fardeau de la preuve repose sur l’appelante et il lui revenait de faire la démonstration que la totalité, ou presque, des redevances versées à Marriott étaient utilisées pour la location à court terme. Selon moi, cette preuve n’a pas été faite. L’appelante n’a pas fourni les données se rapportant aux réservations effectuées par le centre de réservations de Marriott. De plus, M. Planas a reconnu que l’un des avantages du contrat de franchise était justement de bénéficier de ce centre de réservations de Marriott. Le contrat de franchise n’indique à aucun endroit que Marriott s’engage à effectuer exclusivement ou en totalité, ou presque, les locations à court terme, et un pourcentage minime de réservations à long terme. Les témoignages ont révélé que la bannière « Residence Inn by Marriott » ciblait les séjours de 5 à 29 jours, mais M. Planas lui-même a reconnu que Marriott pouvait faire des réservations pour des séjours de longue durée. Les locations de nuitées pour 30 jours et plus ont diminué au cours des années mais selon les données de l’appelante, elles se situent à présent à 25 p. 100 selon le tableau de la pièce A-1, onglet 7, et à 30 p. 100 selon ses livres. C’est encore significatif.

 

[31]         Je considère donc que les redevances versées à Marriott pour avoir le droit d’utiliser sa bannière et les autres services (lesquelles redevances sont calculées sur les revenus totaux de location générés par l’appelante) visent également les revenus de location à long terme. Puisque selon les livres de l’appelante, 30 p. 100 de ses revenus de location proviennent de la location d’unités pour 30 jours et plus[2], ce qui constitue une fourniture exonérée selon la LTA, l’intimée était justifiée de d’exiger la TPS sur 30 p. 100 des redevances versées à Marriott au cours de la période en litige, aux termes des articles 217 et 218 de la LTA. Par contre, l’intimée a concédé la portion attribuable aux commissions versées pour payer les agents de voyage sur la base que ces commissions n’étaient versées que pour les locations à court terme. L’appel devra donc être accueilli sur ce point pour réduire le montant de la cotisation du montant concédé (soit 3 430,28 $).

 

 

II     Cotisation pour la période prescrite en 2003

 

 

[32]         Le paragraphe 298(4) de la LTA permet au Ministre d’établir une cotisation à tout moment si la personne visée a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire. L’appelante reconnaît qu’elle a perçu la TPS sur les frais de location qu’elle a elle-même facturés à l’hôpital Shriner, mais qu’elle ne l’a pas remise au gouvernement parce qu’elle a transféré les sommes ainsi perçues à l’hôtel Clarion qui a dans les faits hébergé le client. L’intimée doit prouver, en premier lieu, qu’il y a eu présentation erronée. M. Cerri soutient que non, puisque le résultat net aurait été le même que la taxe soit déclarée ou non puisqu’elle aurait été annulée par des CTI équivalents. L’intimée soutient que pour avoir droit à des CTI, il faut une facturation et que ceci n’a pas été fait.

 

[33]         L’appelante ne conteste pas qu’elle ait facturé l’hôpital Shriner, perçu la TPS et qu’elle ne l’ait pas remise au gouvernement. Elle ne conteste pas non plus qu’il n’y a eu aucune facturation à l’hôtel Clarion. Dans ce contexte, il semble bien que l’appelante n’ait pas agi en conformité avec la LTA. En vertu des articles 221, 225 et 228 de la LTA, un inscrit qui perçoit la TPS lorsqu’elle effectue une fourniture taxable doit verser au receveur général le montant positif de sa taxe nette pour une période de déclaration. Dans le cas présent, l’appelante devait réclamer un montant équivalent de CTI pour réduire le montant positif de la taxe nette à zéro en produisant la documentation requise aux termes de l’article 169 de la LTA et du règlement applicable sur les renseignements nécessaires à une demande de CTI. Ceci n’a pas été fait. Il y a donc eu présentation erronée.

 

[34]         La question qui se pose ensuite est celle de savoir si la présentation erronée a été faite par négligence, inattention ou omission volontaire. Il y aura négligence si l’intimée démontre que l’appelante n’a pas fait preuve de diligence raisonnable (Venne c. Canada, [1984] A.C.F. n° 314 (QL)). Si, en faisant preuve de diligence raisonnable, il est démontré que l’erreur était inévitable, on ne pourra pas parler de négligence. Par ailleurs, la bonne foi n’équivaut pas à diligence raisonnable (voir Pillar Oilfield Projects Ltd. c. La Reine, Cour canadienne de l’impôt, 93-614 (GST)I, 19 novembre 2003, pages 5, 6 et 10, [1993] G.S.T.C. 49, pages 49-4 et 49-7). Au surplus, il y aura inattention si la personne n’a pas fait d’efforts raisonnables pour se conformer à la loi (Misiak c. La Reine, 2011 CCI 1 qui réfère à Bérubé c. Canada, [2002] A.C.I n° 107 (QL)). Ici, on ne sait pas ce qui s’est réellement passé. Nous n’avons pas eu la version du contrôleur de l’époque. Ce que l’on constate, c’est que les dispositions de la loi n’ont pas été suivies correctement. En outre, bien que l’appelante n’ait pas le fardeau de preuve, M. Cerri a pris la peine de dire en Cour qu’il avait fait les vérifications nécessaires pour s’assurer que la TPS perçue par l’appelante de l’hôpital Shriner, dans la période de déclaration de 2003 en litige, avait été remise par l’hôtel Clarion. Si cela était le cas, je trouve un peu étrange qu’il n’ait pas apporté la preuve documentaire à ce sujet ou à tout le moins une preuve quelconque des vérifications qu’il a faites.

 

[35]         L’appelante connaissait les règles de perception et de remise de taxe puisqu’elle percevait régulièrement les taxes sur toutes les locations à court terme. À mon avis, on ne peut parler d’erreur inévitable. De plus, l’appelante n’a donné aucun indice pouvant laisser croire qu’elle avait obtenu une opinion professionnelle l’incitant, après une analyse réfléchie, prudente et délibérée, à omettre de déclarer la taxe perçue avec l’assurance que la taxe nette serait réduite à zéro par application des CTI (voir Regina Shoppers Mall Limited v. The Queen, 90 DTC 6427, 1990 CarswellNat 344 (C.F. 1re instance), confirmé par la Cour d’appel fédérale, [1991] A.C.F. No 52 (QL), 91 DTC 5101, 1991 CarswellNat 382; Reilly Estate v. The Queen, 84 DTC 6001, 1983 CarswellNat 357 (C.F. 1re instance)).  De plus, en omettant d’inclure la somme perçue dans la déclaration de taxe nette, il n’était pas nécessairement possible pour le Ministre de détecter l’erreur au cours de la période normale de cotisation (voir General Park Motors Ltd.c. La Reine, 2009 CCI 409).

 

[36]         J’estime donc que l’appelante n’a pas fait preuve de diligence raisonnable dans les circonstances. En conséquence, je conclus que l’intimée a démontré que l’appelante a fait une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire en ne déclarant pas la taxe perçue de 5 939,72 $ pour la période de déclaration d’octobre 2003 à décembre 2003.

 

[37]         Tel que mentionné au début, l’intimée concède le montant de 1 092,62 $ pour la période de déclaration d’octobre 2004 à décembre 2004.

 

 

Décision

 

 

[38]         Pour ces raisons, l’appel est accueilli pour tenir compte des concessions faites par l’intimée seulement, et la cotisation est renvoyée au Ministre pour reconsidération et recotisation en tenant compte du fait que le montant de 30 720,51 $ établi en vertu de l’article 218 de la LTA doit être réduit à 27 290,23 $, et que la taxe de 1 092,62 $ établie pour la période d’octobre 2004 à décembre 2004 doit être annulée. Les intérêts et pénalités devront être rajustés en conséquence.

 

 

Dépens

 

[39]         L’intimée ayant renoncé à ses dépens, chaque partie assumera ses propres dépens.

 

 

Signé à Montréal, Québec, ce 8e jour de juillet 2011.

 

 

 

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 336

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2009-2793(GST)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              reluxicorp Inc. c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 13 juin 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

MODIFIÉS PAR :                              L'honorable juge Lucie Lamarre

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 7 juillet 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelante :

Me Louis Tassé

Me Marie-Claude Marcil

Avocat de l'intimée :

Me Benoît Denis

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelante:

 

                     Nom :                            Me Louis Tassé

                                                          Me Marie-Claude Marcil

 

                 Cabinet :                           Couzin Taylor s.r.l.

                                                         Montréal (Québec)

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1]           Il est vrai que l’appelante a déposé une lettre signée par M. Tony Colantino, vice-président régional pour Marriott, sous la pièce A-1, onglet 10, laquelle avait pour but de confirmer la compréhension de l’appelante que le contrat de franchise visait à cibler la location à court terme et que cette dernière devait développer la location à long terme à l’interne (pièce A-1, onglet 9). Toutefois, suite à l’objection de l’intimée au dépôt de cette lettre, au motif que le signataire n’était pas présent pour contre-interrogatoire, l’avocat de l’appelante a demandé à la Cour de laisser la lettre en preuve, juste pour témoigner du fait que Marriott avait répondu à l’appelante, sans tenir compte du contenu. Dans les circonstances, je prends acte du fait que Marriott a répondu, mais je ne peux tenir compte de cette lettre pour interpréter le contrat autrement que ce qui en ressort à sa lecture même.

[2]           Le pourcentage de 30 p. 100 de fournitures exonérées a été accepté par les deux parties comme reflétant une méthode juste et raisonnable pour établir le droit de l'appelante aux CTI en vertu de l'article 169 de la LTA (selon les termes utilisés au paragraphe 141.05 de la LTA, pour déterminer dans quelle mesure les biens ou services ont été acquis afin d'effectuer une fourniture taxable).

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