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Dossier : 2010-3174(IT)I

ENTRE :

KENNETH J. DOLEMAN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 28 juin 2011 à Brandon (Manitoba).

 

Devant : L’honorable juge Valerie Miller

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

Avocate de l’intimée :

Me Rosanna Slipperjack-Farrell

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L’appel interjeté à l’encontre des nouvelles cotisations établies au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2004 et 2005 est accueilli, et l’affaire est déférée au ministre du Revenu national pour qu’il procède à un nouvel examen et établisse une nouvelle cotisation compte tenu du fait que les frais afférents à un véhicule à moteur supportés par l’appelant sont portés à 612,78 $ pour 2004 et à 382,50 $ pour 2005.

 

          À tous autres égards, l’appel est rejeté.

 

         Signé à Ottawa, Canada, ce 12jour de juillet 2011.

 

 

« V.A. Miller »

Juge V.A. Miller

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour d’août 2011.

 

Espérance Mabushi, M.A.Trad. Jur.


 

 

 

 

Référence : 2011 CCI 349

Date : 20110712

Dossier : 2010-3174(IT)I

ENTRE :

KENNETH J. DOLEMAN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge V.A. Miller

[1]              Le présent appel découle des nouvelles cotisations établies à l’égard des années d’imposition 2004 et 2005 de l’appelant. Les questions en litige sont les suivantes :

 

a)                 L’entreprise de gîte touristique de l’appelant fait-elle partie d’un établissement domestique autonome, et les frais de local de travail à domicile sont-ils assujettis à des restrictions conformément au paragraphe 18(12) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »)?

 

b)                Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a‑t‑il établi à juste titre que 25 % du bien de l’appelant étaient utilisés pour l’exploitation du gîte touristique?

 

c)       Les dépenses d’entreprise supportées par l’appelant étaient-elles supérieures à celles admises par le ministre?

[2]              Les seuls témoins à l’audience étaient l’appelant et son comptable, Stan Pacak.

 

Établissement domestique autonome

[3]              Le paragraphe 18(12) de la Loi est ainsi libellé :

 

18(12) Travail à domicile – Malgré les autres dispositions de la présente loi, dans le calcul du revenu d’un particulier tiré d’une entreprise pour une année d’imposition :

a) un montant n’est déductible pour la partie d’un établissement domestique autonome où le particulier réside que si cette partie d’établissement

(i) soit est son principal lieu d’affaires,

(ii) soit lui sert exclusivement à tirer un revenu d’une entreprise et à rencontrer des clients ou des patients sur une base régulière et continue dans le cadre de l’entreprise;

b) si une partie de l’établissement domestique autonome où le particulier réside est son principal lieu d’affaires ou lui sert exclusivement à tirer un revenu d’une entreprise et à rencontrer des clients ou des patients sur une base régulière et continue dans le cadre de l’entreprise, le montant déductible pour cette partie d’établissement ne peut dépasser le revenu du particulier tiré de cette entreprise pour l’année, calculé compte non tenu de ce montant et des articles 34.1 et 34.2;

c) tout montant qui, par le seul effet de l’alinéa b), n’est pas déductible pour une partie d’établissement domestique autonome dans le calcul du revenu d’entreprise du particulier pour l’année d’imposition précédente est déductible dans le calcul du revenu d’entreprise du particulier pour l’année, sous réserve des alinéas a) et b).

[4]              L’expression « établissement domestique autonome » est définie à l’article 248 de la Loi de la manière suivante :

 

« établissement domestique autonome »

 

« établissement domestique autonome » Habitation, appartement ou autre logement de ce genre dans lequel, en règle générale, une personne prend ses repas et couche.

[5]              La question en litige est de savoir si l’entreprise de gîte touristique de l’appelant fait partie d’un établissement domestique autonome dans lequel l’appelant réside. S’il est conclu que l’entreprise du contribuable se trouve à sa résidence, l’objet du paragraphe 18(12) de la Loi est de limiter le montant des frais d’entretien liés à la résidence que le contribuable peut déduire à titre de frais de local de travail à domicile. Ces frais sont limités au revenu tiré de l’entreprise pour l’année.

[6]              En juillet 1996, l’appelant a acheté une maison en pierre de style victorien datant des environs de 1898 et entièrement rénovée (le « bien ») à Swan River, au Manitoba. L’appelant a déclaré qu’il avait acheté le bien dans l’intention d’y exploiter un gîte touristique. Le bien était une maison à étage dont le sous‑sol était fini, mais non le grenier. Afin de concrétiser son intention, l’appelant avait construit deux chambres à coucher, une salle de bains et une salle de séjour dans le grenier de la maison. Pour des raisons de sécurité, le commissaire aux incendies avait exigé que l’appelant installe une porte extérieure et une terrasse au premier étage. La porte extérieure au premier étage ne pouvait pas être utilisée pour accéder à la maison de l’extérieur étant donné qu’à partir de cette porte il n’y avait pas d’escalier menant au sol.

[7]              Les chambres du grenier et une chambre du premier étage servaient presque exclusivement à l’exploitation du gîte touristique. Lorsqu’un client occupait la chambre du premier étage, il partageait l’unique salle de bains de cet étage avec l’appelant et sa famille. Au rez‑de‑chaussée, les clients du gîte touristique partageaient avec l’appelant et sa famille la salle de séjour, la salle à manger, la salle d’étude, les toilettes et le corridor. Il n’y avait pas d’entrée séparée pour les clients du gîte touristique ni de logement séparé autonome pour l’appelant et sa famille.

[8]              L’activité de l’appelant était une véritable entreprise de gîte touristique. Cela veut dire que l’hébergement dans le cadre du gîte touristique était offert dans la résidence de l’appelant, lequel appelant et sa famille partageaient leur logement avec les clients.

[9]              Les deux parties ont invoqué la même jurisprudence à l’appui de leurs arguments.

[10]         L’appelant a déclaré que les faits dans l’affaire Rudiak c. La Reine[1] étaient [traduction] « quelque peu semblables » à ceux de l’espèce. Il a cité la partie suivante du paragraphe 7 de cette décision :

 

b) la cuisine était utilisée pour la préparation du petit déjeuner des clients; (les clients n’utilisaient ni n’occupaient la cuisine; le petit déjeuner était servi dans la salle à dîner qui leur est réservée);

c) la buanderie était utilisée à des fins commerciales et personnelles; (c’est exact, mais je précise à nouveau que les clients ne l’utilisaient pas);

L’appelant a déclaré que dans son entreprise de gîte touristique, tout comme dans celle dont il est question dans l’affaire Rudiak, l’accès à la cuisine et à la buanderie était limité.

[11]         L’avocate de l’intimée s’est fondée sur Rudiak, Denis c. R[2], et Vallee‑Moczulski c. R[3] pour démontrer l’existence de conditions nécessaires à la conclusion selon laquelle le paragraphe 18(12) de la Loi ne s’applique pas.

[12]         Dans Rudiak, le contribuable avait acheté une résidence ancienne dans le but d’y établir et d’y exploiter un gîte touristique. Il avait rénové la maison pour en faire un gîte touristique et avait fait construire un appartement séparé pour son logement et celui de sa famille. La résidence privée était inaccessible aux clients. Elle était dotée d’une entrée et d’un garage privés, d’une salle de repas, d’une salle familiale, d’une salle de bains et d’une chambre à coucher. La partie réservée aux clients était autonome et comprenait trois chambres à coucher avec salle de bains privée, une salle à manger pour les clients, un coin repos et une véranda.

[13]         J’ai conclu qu’il y a lieu d’établir une distinction entre l’entreprise de gîte touristique en l’espèce et celle dont il est question dans l’affaire Rudiak. En l’espèce, l’appelant exploitait son gîte touristique dans une partie de la résidence familiale. Dans l’affaire Rudiak, le gîte touristique était exploité dans une partie autonome séparée. Le juge McArthur, de la C.C.I., a fait les observations suivantes au paragraphe 8 de sa décision :

 

L’aire réservée au café‑couettes et l’appartement de l’appelant étaient séparés l’un de l’autre. L’entreprise était exploitée dans la partie rénovée de la maison originale. Le lieu de résidence de l’appelant et de son épouse était totalement autonome et se trouvait dans la rallonge nouvellement construire à l’arrière des locaux de l’entreprise. Les clients n’utilisaient pas cette résidence séparée. L’appelant utilisait effectivement sa cuisine et sa buanderie privées ainsi qu’un petit garage à des fins commerciales, mais je ne crois pas que cela infirme la thèse de l’appelant selon laquelle l’utilisation était minime par rapport au reste. Le fait demeure que les clients n’utilisaient pas la cuisine, la buanderie et le bureau.

[14]         L’appelant a également déclaré que son entreprise est semblable à celle dont il est question dans l’affaire Denis en ce sens que sa famille ne réside pas dans toute la maison. La famille n’occupe pas les parties conçues, construites et utilisées pour l’exploitation du gîte touristique. Elle n’utilise ces pièces qu’occasionnellement pour les amis et la famille lors de réunions familiales.

[15]         En l’espèce, la famille de l’appelant ne peut pas résider dans l’espace aménagé dans le grenier ni dans la chambre à coucher située au premier étage utilisés pour l’exploitation du gîte touristique; mais, les clients du gîte touristique partageaient toute la résidence avec l’appelant et sa famille, sauf un solarium situé au rez‑de‑chaussée et les trois chambres à coucher familiales situées au premier étage.

[16]         Compte tenu de l’ensemble de la preuve, j’ai conclu que l’entreprise de gîte touristique de l’appelant fait partie d’un établissement domestique autonome et ses frais de local de travail à domicile ont été correctement limités.

 

Attributions relatives à l’utilisation du bien à des fins professionnelles ou personnelles

[17]         L’appelant a présenté un plan d’étage du bien qui comprenait la superficie en pieds carrés de chaque pièce.

[18]         Il a calculé que 68 % du bien étaient utilisés pour l’exploitation du gîte touristique. Toutefois, il a [traduction] « adopté une approche plutôt conservatrice » et n’a déduit que 50 % de tous les frais d’exploitation pour l’année à titre de dépenses d’entreprise.

[19]         Selon le ministre, l’utilisation du bien à des fins professionnelles était de 25 %. Cette attribution était fonction de la superficie du bien utilisée à des fins professionnelles et du taux d’occupation du gîte touristique.

[20]         En 2004 et en 2005, le gîte touristique a reçu des clients pour 30 nuits (8 % de l’année) et 47 nuits (12 % de l’année), respectivement. Compte tenu de ces chiffres, le ministre a supposé que l’appelant avait un taux d’occupation moyen de 10 % pendant les années en question. Le ministre a alors calculé la partie du bien utilisée à des fins uniquement professionnelles et la partie du bien utilisée à des fins professionnelles que l’appelant et sa famille partageaient avec l’entreprise de gîte touristique. Le tableau suivant illustre le calcul du ministre.

 

 

Pieds carrés

Espace utilisé à des fins professionnelles à 100 %

Partie de l’espace partagé liée à des fins professionnelles

Partie de l’espace partagé liée à des fins personnelles

Espace utilisé à des fins personnelles à 100 %

Sous‑sol

 

 

 

 

 

Salle d’exercice

300

 

30

270

 

Buanderie

132

 

13,2

118,8

 

Bureau

198

 

19,8

178,2

 

Reste de l’espace

370

 

 

 

370

Rez-de‑chaussée

 

 

 

 

 

Salle à manger

300

 

30

270

 

Salle d’étude

300

 

30

270

 

Salle de séjour

300

 

30

270

 

Cuisine

300

 

30

270

 

Solarium

265

 

 

 

265

Premier étage

 

 

 

 

 

Chambre réservée aux clients

150

150

 

 

 

Salle de bains

68

 

6,8

61,2

 

Espace commun

231

 

23,1

207,9

 

Chambres à coucher

751

 

 

 

751

Grenier

 

 

 

 

 

Chambre réservée aux clients

360

360

 

 

 

Salle de bains

100

100

 

 

 

Coin‑détente

200

200

 

 

 

Total

4 325

810

212,9

1 916,1

1 386

Pourcentage du total

18,73 %

4,92 %

44,30 %

32,05 %

Il a été déterminé que l’utilisation du bien à des fins professionnelles était de 25 % (fondé sur 18,73 % + 4,92 %)

[21]         En 2004 et en 2005, le gîte touristique de l’appelant était exploité à temps partiel. Il avait reçu des clients pour un mois en 2004 et un mois et demi en 2005. Je conclus que l’attribution du ministre selon laquelle 25 % du bien ont été utilisés à des fins professionnelles est raisonnable dans ces circonstances.

 

Dépenses d’entreprise

[22]         L’appelant a contesté les montants admis au titre des frais afférents à un véhicule à moteur. Les montants admis étaient de 109 $ en 2004 et de 75 $ en 2005.

[23]         Comme l’appelant n’avait pas tous les reçus, il a estimé que ses frais afférents à un véhicule à moteur étaient de 902 $ en 2004 et de 1 405 $ en 2005.

[24]         À l’audience, l’appelant a demandé qu’il lui soit permis de demander le taux des allocations pour frais d’automobile autorisé par l’Agence du revenu du Canada dans chacune des années, étant donné qu’il est évident que ses frais dans chacune des années devaient être supérieurs au montant admis. Je suis d’accord avec l’appelant.

[25]         Les deux parties sont d’accord sur le fait que l’appelant a parcouru 1 459 kilomètres et 850 kilomètres à des fins professionnelles en 2004 et en 2005, respectivement. Le taux des allocations pour frais d’automobile était de 42 cents en 2004 et de 45 cents en 2005.

[26]         L’appel est accueilli pour permettre que les frais afférents à un véhicule à moteur de l’appelant soient portés à 612,78 $ pour 2004 et à 382,50 $ pour 2005. À tous autres égards, l’appel est rejeté.

 

         Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de juillet 2011.

 

 

« V.A. Miller »

Juge V.A. Miller

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour d’août 2011.

 

Espérance Mabushi, M.A.Trad. Jur.

 


RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 349

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2010-3174(IT)I

 

INTITULÉ :                                       KENNETH J. DOLEMAN

                                                          c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Brandon (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 28 juin 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Valerie Miller

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 12 juillet 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimée :

Me Rosanna Slipperjack-Farrell

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                     

 

                          Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1] 2000 D.T.C. 3901 (CCI)

[2] 2007 CCI 656

[3] 2003 CCI 175

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